Les derniers avis (29437 avis)

Par Présence
Note: 4/5
Couverture de la série B.O. comme un dieu
B.O. comme un dieu

On peut tout faire du moment qu'on est dans le bon tempo. - Ce tome contient une histoire à caractère pornographique, complète et indépendante de toute autre. Il s'agit d'une bande dessinée en couleurs, de cent-dix-neuf pages, réalisée par Ugo Bienvenu, scénario, dessins et couleurs. Sa première édition date de 2020, et elle porte le numéro vingt-trois dans la collection BD.cul des éditions Les requins marteaux. Le robot B.O a sept cent soixante-douze ans. Il y a beaucoup de probabilités dans l'univers. Tout un tas de probabilités auxquelles vient s'ajouter celle-ci : il a sûrement couché avec l'une des ancêtres de ceux qui le lisent. Une arrière-grand-mère, une tante, peut-être la mère. Et il peut assurer qu'elles ont aimé ! Il est un professionnel. Même mieux ! Il a été créé pour ça. Et son créateur l'a bien fait. On n'a sûrement jamais entendu parler de lui. Aucune mère, aucune fille, aucune soeur, aucune amie n'osera jamais dire qu'elle a eu recours à ses services. Et pourtant il les a fait jouir ! Il est le dernier robot sexuel de la galaxie. Avant toute chose, il sait que ça peut paraître étrange, mais il est un robot hétérosexuel. Il n'y peut strictement rien. Il a été programmé comme ça. Ça limite fortement sa clientèle potentielle. Mais c'est mieux comme ça… il a déjà du mal à honorer ses contrats. B.O voyage à travers le vide de l'espace à bord d'un vaisseau. Sa trajectoire le fait passer devant des planètes, des lunes, dans le vide interstellaire. Il est le dernier robot sexuel de la galaxie. B.O atterrit sur une planète, devant une maison à l'écart de toute civilisation, chez sa plus fidèle cliente : Joulia. La plupart du temps, il doit venir la voir plusieurs fois par semaine. Parfois elle lui demande de rester pour la journée ou pour la nuit. Elle a les moyens, ce qui est nécessaire car il n'est pas donné. B.O sort de sa petite fusée et se dirige vers elle, car elle l'attend et elle court vers lui. Elle l'enserre dans ses bras et le dirige séance tenante vers la chambre pour débuter incontinent les ébats. Joulia est un mannequin intergalactique. Tous les humains rêvent de coucher avec elle. Mais c'est avec lui qu'elle baise. Tous les humains rêvent d'être aimés par elle. Mais c'est lui qu'elle aime. Alors qu'elle est allongée nue sur le lit, il commence par un cunnilingus. Il sait qu'elle l'aime. Elle ne l'a pas encore formulé, mais il le sait. Son cerveau quantique a analysé tous les signes. Sa marge d'erreur étant d'un milliardième, il peut qualifier son amour pour lui de certitude absolue. Il n'en tire aucune fierté, aucun plaisir. C'est un robot. S'il raconte ça, c'est qu'il trouve les humains absurdes. La partie de plaisir continue et elle le chevauche. Les humains sont toujours à vouloir quelque chose qu'ils n'auront pas. Toujours à vouloir compliquer les choses. C'est sûrement dû à la simplicité de fonctionnement de l'être humain. Ce dernier est sensible à une chose : le rythme ! Là par exemple, il va falloir que BO accélère la cadence. C'est comme en musique. Ils changent de position : elle debout devant, lui derrière. B.O se rend compte qu'elle est sur le point de jouir. Il calme un peu le jeu, puis il y va à fond. Depuis le premier tome, cette collection tient ses promesses : des récits explicites, ouvertement pornographiques, avec des représentations de pénétrations en gros plans, des positions variées, des éjaculations et des jouissances sexuelles. Cette bande dessinée ne déroge pas à la règle. de prime abord, le lecteur peut être un instant décontenancé par le choix de l'artiste qui donne une peau grise avec des reflets de lumière à BO, comme s'il s'agissait d'une enveloppe métallique, avec des quelques jointures apparentes. Toutefois, la représentation des actes sexuels montre que ces dames apprécient la texture du robot, que son apparence ne les rebute en rien, n'obère pas leur plaisir. le lecteur effectue l'ajustement dans son esprit et comprend que ce choix de représentation remplit l'objectif de lui faire se souvenir qu'il s'agit d'un robot avec une apparence artificielle, à chaque séquence, une machine créée pour satisfaire le plaisir de ses partenaires. Il sourit quand il lit la remarque de B.O sur son hétérosexualité : il a été créé comme ça. Les partenaires de ce robot disposent toutes d'une morphologie humanoïde. Joulia, la première, est une femme humaine, et sa nudité permet de n'entretenir aucun doute à ce propos. Les clientes suivantes présentent une caractéristique ou deux attestant de leur caractère extraterrestre : la couleur de peau, des paires de sein surnuméraires pour une, des antennes pour une autre, mais des attributs sexuels (vagin, seins, fesses, bouche) exactement identiques à la physiologie humaine. Les représentations des actes sexuels sont donc explicites, avec des gros plans de pénétration et d'autres pratiques, toutes restant dans un registre classique, sans aller vers des pratiques parfois qualifiées de déviances. le robot dispose d'un engin de gros calibre : il précise lors d'une prestation, dans son flux de pensée, que c'est ce qu'attendent les clientes. Les femmes ont toutes un corps jeune et de mannequin. Il y a des gros plans et des très gros plans. Cette bande dessinée présente des dimensions plus petites que celles d'un format franco-belge : 13,2cm * 18cm. Les pages comprennent parfois deux cases, l'une au-dessus de l'autre, jamais plus, il y a de nombreux dessins en pleine page, et plusieurs en double page ne laissant rien ignorer de l'acte sexuel. L'artiste réalise des dessins dans un registre descriptif et réaliste. Il détoure les formes d'un trait fin. Il représente régulièrement les décors : le vide interstellaire, la fusée De BO, les montagnes entourant la propriété de Joulia, la chambre à coucher de Joulia, la chambre à coucher de Maartaa, le salon de Joulia. Ugo Bienvenu aime bien également dessiner le vide de l'espace, le contour d'une planète ou d'une lune, éclairé par une lumière rasante. Après son départ de chez Maartaa, B.O arrête sn vaisseau dans l'espace, sort sur la coque et s'y assoit dessus pour contempler les étoiles scintillant. le lecteur de comics peut penser à Silver Surfer faisant de même assis sur sa planche. Le scénariste propose un ouvrage pornographique quelque peu déstabilisant. Effectivement, il peut se lire d'une seule main, sous réserve de fétichiser les orifices féminins, et de ne pas s'attacher à la couleur de peau, ou à la nature extraterrestre des clientes. La dynamique du récit est imparable : un robot-plaisir à usage des femmes, le dernier de sa race, qui fait son métier, ce pour quoi il a été programmé, et qui le fait bien. le meilleur tombeur de ces dames, celui qui s'estime être un cadeau de Dieu fait aux femmes, peut peut-être se reconnaître dans un tel avatar. Un objet de plaisir tout entier conçu pour celui de sa partenaire, infatigable bien sûr, mais aussi doté de senseurs lui permettant de capter le moindre changement de respiration, de tension musculaire, de posture, pour réagir au plus efficace, être parfaitement en phase avec sa partenaire. Dans son flux de pensées s'adressant au lecteur, B.O explique que se clientes lui demandent de leur faire des choses qu'elles ne feraient jamais avec un partenaire humain. Tout simplement parce qu'elles se foutent de ce qu'il pense. Ou plus précisément parce qu'elles savent qu'il n'a ni morale, ni tabou, qu'il n'attend rien. Avec lui, elles peuvent dire et faire ce qui leur plaît. Elles n'ont aucune retenue à avoir, aucune performance à tenir, aucun complexe de quelque sorte. La seule chose qu'elles ont à penser avec lui, c'est leur plaisir. À l'évidence, peu d'hommes peuvent faire preuve d'un tel désintéressement, d'un tel altruisme, et même d'un tel niveau d'empathie pendant un rapport sexuel. Le lecteur ne s'attache pas forcément à ce robot qui est présenté comme une machine. Il suit sa première mission, puis ses considérations sur l'expérience acquise au cours de toutes ces décennies d'activité, et lors de sa deuxième séance. de manière inattendue, le scénariste étoffe son récit, avec des éléments explicatifs, sur le fait qu'il n'existe plus qu'un unique robot-plaisir, sur son coût de maintenance, sur la manière dont il cache son existence aux autorités, sur la disparition des robots-plaisir. Dans la dernière séquence, le lecteur découvre qu'il y avait même une intrigue, ténue mais débouchant sur une résolution. Il apprécie que Ugo Bienvenu utilise les conventions propres au genre de la science-fiction pour mettre en scène les rapports sexuels, avec ce dispositif de robot qui permet de prendre du recul, de la présenter sous une facette décalée. B.O incarne le gigolo ultime : il se fait payer et ses services sont d'un niveau de qualité optimale. Son esprit programmé lui permet d'accomplir sa tâche avec efficience, et l'amène également à observer la race humaine dans ce qu'elle lui apparaît comme illogique. Il trouve les humains absurdes : Toujours à vouloir quelque chose qu'ils n'auront pas. Toujours à vouloir compliquer les choses. Ou encore : à installer des cadres moraux… Et rien ne leur fait plus plaisir que leur transgression. Ou encore : à éprouver le plus grand des plaisirs à identifier un motif, et à avoir très vite besoin qu'il soit remplacé par un autre, d'une nature différente, de la manière la plus inattendue possible. La couverture et la quatrième de couverture annonce clairement la nature de cette bande dessinée : un ouvrage pornographique. La lecture confirme que l'auteur a respecté cette nature, en la servant avec des dessins représentatifs de grande qualité, un sens de la mise en scène, et une absence d'hypocrisie évidente au travers des gros plans. le lecteur assiste donc aux performances de ce robot-plaisir avec des clientes qui peuvent se lâcher sans crainte, sans arrière-pensée. Tout du long du récit, le lecteur découvre les pensées de B.O qui viennent expliquer sa situation, le fait qu'il soit le dernier de ce genre, ainsi que ses observations sur le comportement humain. Contre toute attente, Ugo Bienvenu se sort haut la main d'un exercice périlleux : utiliser les conventions du genre pornographique, mêlées à celles de la science-fiction, pour mettre en lumière des facettes du genre humain.

15/04/2024 (modifier)
Par Gaston
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Et à la fin, ils meurent
Et à la fin, ils meurent

Un excellent documentaire sur les contes. J'aime lire les contes et aussi les mythes et les légendes alors c'est vraiment le genre de BD qui est fait pour moi ! J'ai dévoré l'album du début jusqu'à la fin. La présentation de Lubie est parfaite avec un dessin mignon qui va bien pour les contes et aussi un bon mélange de sérieux et d'humour. L'autrice traite de plusieurs aspects des contes: leurs origines, l'influences de plusieurs auteurs sur ce genre ainsi que de celle Disney, les stéréotypes qui découlent des contes, etc et etc. C'est très bien documenté et j'ai bien aimé qu'à la fin de chaque thématique abordé, l'autrice présentait un conte pour illustré son propos. J'aime aussi comment elle parle des cotés problématiques des contes sans tombés dans la dénonciation facile comment on voit sur les réseaux sociaux. Elle semble d'ailleurs ne pas trop apprécier la tendance actuel de certains adultes à vouloir que tout soit rational et voient le mal partout lorsqu'il s'agit de fiction destiné aux enfants. Le seul défaut selon moi du livre est qu'il y a des compléments d'informations sur certains sujets abordés par l'autrice sauf qu'au lieu de mettre ça comme bonus de fin comme dans n'importe quelle BD-documentaire, il faut télécharger un appli pour pouvoir les lires ! C'est quoi ce bordel ? Avant lorsque tu achetais/empruntais une BD, on l'avait au complet et maintenant pour avoir tout il faut avoir internet ?! Ça va être quoi après, on acheter un livre sans pages et il va falloir télécharger un appli pour lire toute la BD ?

15/04/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 4/5
Couverture de la série L'Orchidée Noire (Black Orchid)
L'Orchidée Noire (Black Orchid)

Et plus rien ne sera comme avant. - Il s'agit d'une minisérie en 3 épisodes d'une quarantaine de pages chacun, initialement parus en 1988/1989. Il s'agit de la deuxième collaboration entre Neil Gaiman (scénario) et Dave McKean (illustrations), après Violent Cases, et de leur premier travail pour DC Comics. Dans une salle de réunion dans une grande métropole, monsieur Sterling (vice-président d'un conseil d'administration un peu spécial) s'adresse à une assemblée de cadres pour faire un bilan mensuel sur les activités du groupe : il s'agit de l'évolution des parts de marché des secteurs du crime organisé qu'ils gèrent. La réunion s'achève sur la mise à mort de Black Orchid qui s'était infiltrée parmi eux (une balle dans la tête). Ailleurs Carl Thorne s'apprête à sortir de prison. Il était l'un des aides de Lex Luthor (dans le cadre de ses activités illégales) et il a été condamné entre autres grâce au témoignage de sa femme (Susan Linden-Thorne). Ailleurs Philip Sylvain est en train de lire dans son salon quand une femme violette sort de la serre qui côtoie la maison. En 1982, Alan Moore initie le début d'une révolution chez l'éditeur DC Comics : il reprend en main la série Swamp Thing. Il prouve mois après mois que les superhéros peuvent être utilisés comme vecteur d'histoires ambitieuses et adultes, complexes et thématiquement riches. Petit à petit, les responsables éditoriaux prennent conscience (1) qu'il existe des créateurs en Angleterre et qu'il est possible de les recruter pour travailler sur des superhéros américains, (2) qu'une partie du lectorat est prête à acheter des comics s'adressant à un public plus âgé. "Black Orchid" intègre ces 2 caractéristiques (Gaiman et McKean sont anglais, le récit n'a presque plus aucun rapport avec les superhéros). le succès de cette minisérie emportera la décision de créer la branche Vertigo. Pour ce premier récit pour le compte de DC Comics, Neil Gaiman et Dave McKean reprennent un personnage très mystérieux, dépourvu d'origine secrète et très peu utilisé dans l'univers partagé DC : Black Orchid, créée en 1973 par Sheldon Mayer et Tony DeZuniga. Autant dire qu'ils peuvent en faire ce qu'ils veulent, cela ne mettra pas en péril la valeur d'une propriété intellectuelle de DC Comics, et ils ne s'en sont pas privés. Toutefois, il transparaît à la lecture qu'ils avaient quand même un cahier des charges à respecter. Cette histoire a donc pour objet de donner une origine secrète à Black Orchid. Neil Gaiman prend le parti de commencer le récit par le milieu alors que la première Black Orchid est froidement abattue. Philip Sylvain va relater une partie des événements qui ont conduit à l'existence de Black Orchid, à celle qui succède à l'originale, et d'autres personnages de l'univers partagé DC fourniront les éléments manquants. Cet aspect du récit correspond à la volonté de DC Comics de faire migrer quelques personnages secondaires propriétés de DC vers Vertigo. Toutefois, le lecteur de la série Sandman est en terrain connu. Neil Gaiman déroule un récit dont le thème principal est le changement, entremêlé avec la permanence des personnages de fictions (Black Orchid continue d'exister dans une nouvelle version) et une forme allégée de destin (les conditions de l'existence de Black Orchid déterminent pour partie ce qu'elle estime être son devoir). La construction sur 2 directions permet à la fois de lever le mystère de qui est Black Orchid, de découvrir cette personne, et à la fois d'envisager son devenir dans un monde déconnecté des superhéros. Gaiman a concocté un mystère intriguant (savoureux si vous appréciez l'univers partagé DC), et il dépeint un personnage très étonnant, inattendu. Dans ce récit, il s'appuie sur un dispositif narratif délicat qu'il manie avec une grande efficacité : le recours à des extraits de chansons de Frank Sinatra (en particulier "American beauty rose"). Carl Thorne est un admirateur éclairé de Sinatra et il fredonne régulièrement de courts extraits avec une pertinence remarquable. Je me suis surpris à fredonner le refrain de "Strangers in the night" pendant plusieurs minutes après l'avoir lu du fait de la résonnance entre ces paroles et le récit. Dave McKean a choisi un mode d'illustration plus canalisé qu'à son habitude pour ce récit. Il met en place une mise en page assez sage oscillant entre 6 et 8 cases par page (2 lignes de 3, ou 2 lignes de 4 cases). Il réalise son travail à la peinture du début jusqu'à la fin en incorporant quelques contours délimités au crayon et quelques photographiques retouchées (en nombre réduit), ou collages. Dans un premier temps ce qui arrête le plus le regard est le travail sur les couleurs. La teinte (et les nuances associées) choisie pour Black Orchid est à la fois chaude, irréelle, diaphane et étrangère à l'humain. Chaque fois que la nature est évoquée, McKean compose des camaïeux de vert fascinants et hypnotisants, avec une mention spéciale pour la jungle amazonienne tout en feuillage et pour un magnifique portait de Swamp Thing. Chaque planche arrête le regard par la beauté et l'intelligence de sa mise en couleurs. McKean réalise des planches qui ne subissent pas l'influence des comics de superhéros. Il s'astreint à une narration très séquentielle où les cases se suivent comme autant de décomposition de la scène en train de se dérouler. En ce sens il a opté pour une narration traditionnelle. Par contre il a choisi des modèles vivants pour chacun des personnages, ce qui donne des visages très individualisés, naturels sans être des photographies. Et il utilise un graphisme qui privilégie le naturel et le réalisme. Bien qu'il s'agisse d'un travail de jeunesse et de commande, McKean impose déjà sa vision personnelle sur les modalités de narration visuelle. Au final ce comics est comme son personnage principal, à savoir hybride. Neil Gaiman respecte le cahier des charges (donner une origine ancrée dans l'univers partagé DC), tout en développant les thèmes qui lui sont chers et en transformant Black Orchid en bien autre chose que ce qu'elle était au départ. Dave McKean s'astreint à une forme de narration traditionnelle, tout en appliquant sa vision unique en son genre. Les collaborations suivantes entre Neil Gaiman et Dave McKean se classent parmi les chefs d’œuvre de la bande dessinée, en particulier Signal / Bruit et Mr Punch.

15/04/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 4/5
Couverture de la série Violent Cases
Violent Cases

Rétrospectivement - J'ai relu cette histoire après avoir terminé les 10 tomes de Sandman et force est de constater que ce premier comics de Neil Gaiman contient déjà plusieurs thèmes chers à cet auteur. En 1987, un éditeur anglais a l'intuition de confier le scénario d'un jeune anonyme à un illustrateur qui n'a encore rien réalisé : Neil Gaiman et Dave McKean font connaissance. L'histoire est bâtie autour de réminiscences d'un narrateur qui a l'apparence de Neil Gaiman. Il se souvient qu'un accident domestique avait amené son père à le faire triturer par un vieil ostéopathe. À partir de là, le narrateur entremêle ses discussions avec l'ostéopathe et ses souvenirs de fête d'anniversaire chez des enfants d'amis de ses parents... jusqu'à sa dernière rencontre avec ce vieil homme. Neil Gaiman nous convie à analyser l'effet des souvenirs d'enfance, leur nature fragmentaire et le merveilleux qui naît du manque de compréhension du monde des adultes (difficultés de reconnaître les liens de cause à effet). le lecteur assiste à la naissance d'un mythe dans un contexte très quotidien. Il contemple un enfant dont l'interprétation de la réalité est différente de celle de ses camarades. Il assiste à une petite révélation de ce qui se cache derrière les tours de passe-passe d'un magicien. Au fil des pages, Neil Gaiman parle du souvenir, des émotions qui lui sont liées, mais aussi en arrière plan d'un cheminement psychanalytique. Pour mettre en image ce récit ambitieux, il a eu la chance de croiser le chemin de Dave McKean qu'il retrouvera pour les couvertures de Sandman (réunies dans "Sandman: Dust covers", un incroyable voyage onirique) et pour quelques collaborations sortant de l'ordinaire telles que Le jour où j'ai échangé mon père contre deux poissons rouges, ou Des Loups dans les murs, et Signal / Bruit et Mr Punch. Dave McKean illustre ce récit introspectif avec des dessins déjà inventifs, avec quelques collages, des trames et quelques photographies d'objets. Sa créativité est à un niveau tel qu'il est possible pour le profane de distinguer les techniques qu'il emploie et de comprendre dans quel but il y a eu recours. Au final cette première collaboration entre ces 2 créateurs s'avère déjà très aboutie, tout en restant accessible. L'histoire constitue une interrogation sur la transfiguration des expériences de l'enfant par le prisme de la mémoire. La bande dessinée permet à cette histoire de provoquer des associations d'idées et de conjurer des sensations qu'un livre n'aurait pas pu faire. Cette lecture est à recommander aux delà du cercle des admirateurs de Gaiman et McKean.

15/04/2024 (modifier)
Couverture de la série La Cage aux cons
La Cage aux cons

J'étais assez perplexe en commençant ma lecture. Au final c'est une bonne surprise avec un récit très rythmé qui mène le lecteur par le bout du nez. A la lecture des premières cases, j'ai eu peur de lire des dialogues en pâles imitations d'Audiard suppléant un manque d'humour par de la vulgarité. Je me suis trompé et j'ai pris un vif plaisir à lire la joute verbale entre les deux hommes. C'est souvent bien trouvé et drôle. Evidemment le scénario plonge le lecteur dans un abîme de perplexité quant à la passivité des visiteurs de Cageot-Dinguet. Mais le rythme élevé et la succession rapide de nouvelles situations empêchent une analyse poussée. C'est d'ailleurs une bonne chose de se laisser porter par cette histoire qui révèle tout son piquant dans un final bien réussi à mon goût. J'ai eu du mal à rentrer dans ce graphisme au trait gras et épais. Toutefois cela correspond au caractère du prisonnier dont on ne connait jamais le nom. Le N&B aux grisés souvent sombres sonne juste dans cette ambiance de petit pavillon de banlieue qui rappelle Petiot ou Landru. Au final j'ai apprécié le travail des détails de certaines cases et l'expressivité dans un humour pince sans rire des personnages. Une lecture originale pour un bon moment de détente.

14/04/2024 (modifier)
Par David
Note: 4/5
Couverture de la série Je veux une Harley
Je veux une Harley

J'ai connu Lucien ado, lorsque je jouais les caïds sur ma 103 sp, je lisais ses aventures avec délectation. J'ai passé la cinquantaine de printemps mais je n'ai pas eu d'Harley, cette bd m'a enchanté, elle reprend les clichés associés aux bikers qui ont un certain pouvoir d'achat et qui aiment se retrouver entre eux. Les dessins sont chouettes, l'univers est chouette, bref j'ai adoré.

14/04/2024 (modifier)
Par Alix
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Vampire & sorcières
Vampire & sorcières

J’ai beaucoup aimé les autres albums de Michel Jans et Capucine Mazille (Le Dernier Ours de Chartreuse et Gargantua en Chartreuse), et j’ai encore une fois apprécié ce conte paru dans la collection jeunesse Lily Mosquito. L’histoire est certes classique, mais propose une relation intéressante et improbable entre deux personnages attachants : un vampire ayant perdu le goût du sang, et une sorcière lui venant en aide bien maladroitement. Leurs mésaventures sont prenantes, et proposent en filigrane des thèmes intéressants et modernes. Je note aussi que l’auteur ne peut s’empêcher de glisser une énième référence à la « liqueur de santé » Chartreuse, pour mon plus grand plaisir. La mise en image de Capucine Mazille est superbe et sert parfaitement le récit. Un chouette conte jeunesse.

14/04/2024 (modifier)
Couverture de la série De cape et de mots
De cape et de mots

Franchement pas mal bien cette bd. C’est positif, universel, à défaut d’être véritablement marquant, le lecteur passera à minima un bon moment, les plus jeunes apprécieront même d’avantage. Aux pinceaux, on retrouve la patte graphique des Kerascoët fluide et légère, et qui est à l’image du scénario. On se laisse très facilement embarquer dans l’histoire, notre héroïne est attachante et j’ai aimé la façon dont elle bouscule tout ce petit monde, elle amène de la facétie face aux codes et rigueurs de la cour. Je regrette juste un côté un peu trop manichéen avec les personnages, tout comme la fin « happy end ». Ça manque un peu de nuances à mon goût pour m’enthousiasmer plus, mais c’est conforme à ce que l’on peut attendre d’un conte, et n’enlève en rien le beau travail des auteurs. 3,5

14/04/2024 (modifier)
Couverture de la série Le Royaume sans nom
Le Royaume sans nom

Je tourne autour depuis sa sortie, j’ai finalement craqué sur le bon retour de mon libraire. Et bin ça ne révolutionnera pas grand chose mais une lecture forte agréable au final. Pourtant pas spécialement jouasse de prime abord, une couverture plutôt moyenne, des couleurs informatiques, un dessin tout droit sorti du Roi lion … et surtout ce sentiment que ça surfe gentiment sur le succès des 5 Terres. Les récits Fantasy anthropomorphiques ont le vent en poupe : L'Ogre Lion, Sa Majesté des Ours… Le royaume sans nom ajoute sa petite pierre à l’édifice en ajoutant modérément une dramaturgie toute shakespearienne. Passé les premières pages, je suis vite rentré dans cet univers, on peut reprocher des trucs mais j’en suis sorti pas mal conquis. Pas d’énormes surprises au menu cependant les ingrédients fonctionnent très bien. C’est admirablement raconté, malgré la multitude de personnages nous ne sommes jamais perdu, franchement hâte de connaître la suite. Un bel équilibre entre sérieux et humour discret, le dessin est parfait. Je n’attendais pas les auteurs de Blind Dog Rhapsody dans ce registre, bravo à eux. MàJ après tome 2 : Un 2ème tome dans la lignée du premier, c’est toujours bien agréable à suivre. Les persos sont toujours aussi sympas, les masques commencent à tomber, l’histoire avance à grands pas sans se laisser deviner et tout délivrer … bref du chouette boulot. J’attends de pied ferme la conclusion et conseille de bon cœur la série aux amateurs de Game of thrones.

15/01/2024 (MAJ le 13/04/2024) (modifier)
Par Présence
Note: 4/5
Couverture de la série Pulp
Pulp

Auteur âgé de comics - Ce tome contient une histoire complète publiée pour la première fois en 2020, sans prépublication en mensuel. Elle a été réalisée par Ed Brubaker (scénario), Sean Phillips (dessins et encrage) et Jacob Phillips (couleurs). Elle comprend 67 planches de bande dessinée. Il s'agit d'une histoire indépendante de la série Cirminal, et qui ne nécessite aucune lecture préalable. Max Winters ne sait pas trop par où commencer son récit alors qu'il vient de frôler la mort pour la troisième fois de sa vie. À New York, février 1939 correspond à son temps présent. Il évoque un de ses récits mettant en scène deux cowboys Red River Kid et Heck Randall, deux hors-la-loi. Le Kid se retrouve au milieu de la grande rue d'une petite ville du Far-West, pour un duel au soleil. Il réagit juste au bon moment et dégaine tuant son adversaire. Puis il s'enfuit à cheval avec Randall, juste avant l'arrivée des détectives de l'agence Pinkerton. Ils se dirigent vers le Mexique, en se demandant s'ils ne pourraient pas s'y mettre au vert pour essayer de changer de vie, et espérer de vivre vieux. Mort, le responsable éditorial, achève sa lecture de la nouvelle écrite par Winters et lui indique qu'il l'accepte, sous réserve qu'il en change la fin. Jamais les personnages du magazine Six Gun Western ne doivent envisager une évolution de leur vie : ils doivent rester les mêmes, aventures après aventure, car c'est ce qu'attendent les lecteurs. Winters objecte que Robert E. Howard avait fait vieillir Conan et qu'il lui écrivait des aventures à la fois en tant que jeune aventurier, et à la fois en tant que roi plus âgé. Mort lui répète qu'il est hors de question de dévier de la formule et lui remet un paiement de 120 dollars en billets, en lui expliquant que le prix au mot a baissé parce qu'il y a trop de concurrence et que la circulation du magazine a baissé. Winter tente de protester en indiquant qu'il ne voit pas pourquoi il devrait subir les conséquences d'un accroissement de la concurrence pour l'éditeur, mais Mort lui rétorque qu'il a encore de la chance d'avoir du boulot à son âge. En rentrant chez lui, Winters marche vers la station de métro en pensant qu'il a du mal à supporter que Mort lui explique la vie, que ça le met bien en rogne de se faire ainsi flouer par un éditeur imbu de lui-même. Une fois sur le quai du métro, il voit un jeune homme juif se faire houspiller par deux gugusses costauds et bien blonds se moquant de ses papillotes. Winters avance pour s'interposer. Les deux gugusses le rouent de coup, et il tombe à terre faisant une crise cardiaque. Le plus agressif en profite, se baisse et lui fait les poches, lui dérobant ses 120 dollars. Winters perd conscience. Il se rappelle l'année 1892, la première fois où il a failli mourir. Il travaillait avec son père et son frère, au ranch à réparer une barrière. Ils avaient été pris dans une guerre de ranch et leur maison a été incendié, les obligeant à fuir à cheval. Il avait été blessé au dos et soigné par un médecin de campagne qui avait retiré la balle de manière archaïque. Un mois plus tard, son frère Spike et lui s'étaient vengé en abattant les incendiaires, et sa vie n'avait plus jamais été la même. D'un côté, Brubaker & Phillips ont relancé leur série Criminal en 2019, de l'autre, ils ont commencé à produire des récits complets publiés, sans prépublication mensuelle. Le présent récit fait partie de la deuxième catégorie. La couverture annonce un récit de genre de type Western. Passé la première séquence, le lecteur comprend qu'essentiellement le Western correspond aux nouvelles écrites par Max Winters et publiées dans des magazines imprimés sur du papier bon marché, des pulps. Ce type de magazine a été publié de 1896 à la fin des années 1950, et est passé à la postérité grâce à des personnages emblématiques comme Conan, The Shadow, Doc Savage et bien d'autres. Il y a une deuxième forme de Western qui correspond cette fois-ci aux souvenirs de Max Winters, à sa vie d'avant son installation à New York et sa carrière d'écrivain. C'est un homme d'une cinquantaine, peut-être une soixantaine d'années : c'est apparent dans les rides de son visage, dans son maintien un peu raide, dans sa tenue vestimentaire un peu stricte, et bien sûr dans sa moustache blanche. L'artiste en fait un individu au visage fermé, assez dur, ne se détendant que lorsqu'il est chez lui avec son épouse Rosa. Le ton de la narration visuelle est également assez sec et factuel. Sean Phillips impressionne toujours autant le lecteur : ses dessins ont une apparence un peu fruste, avec des traits irréguliers donnant une sensation de contours rugueux, et pourtant le niveau de détails est élevé et les représentations sont précises. Il recrée les environnements avec une réelle conviction : les vêtements des cowboys, les constructions en bois, les chevaux et leur harnachement, une diligence. Le lecteur voit les conventions qu'il associe au genre Western, à la fois des stéréotypes, à la fois assez consistantes pour être plausibles. Jacob Phillips utilise une mise en couleurs très spécifique pour ces passages Western, une couleur jaune orangé avec des teintes violettes, et des aplats de rouge pour la chemise de Red River Kid, sans respecter les limites des contours avec un trait encré, comme s'il y avait un filtre appliqué, une sorte de brouillard pour bien marquer qu'il s'agit d'une fiction, d'un récit écrit par Max Winters. L'artiste se montre tout aussi précis dans les scènes au présent du récit avec des reconstitutions de grande qualité : les meubles et les accessoires dans le bureau du responsable éditorial Mort, les tenues des passants sur les trottoirs, la station de métro, le petit appartement de Rosa et Max, le hall du cinéma, etc. Jacob Phillips change son mode de mise en couleurs : le lecteur n'a plus l'impression qu'il applique un filtre orangée vieilli. Il applique des couleurs dans les formes délimitées, avec une approche naturaliste. Toutefois, s'il y prête attention, le lecteur constate qu'il joue très discrètement sur les tons pour développer une ambiance lumineuse, un peu terne pour rendre compte de la faible luminosité hivernale, un peu plus vive quand la scène se déroule en intérieur sous une lumière artificielle. Il se montre tout aussi discret pour aller vers des couleurs un peu moins ternes quand Max Winters interagit avec Jeremiah Goldman, un ancien employé de l'Agence nationale de détectives Pinkerton, comme s'il aidait Winters à vivre dans une réalité plus précise. Le lecteur peut très bien ne pas analyser cette mise en couleurs et juste ressentir ses effets qui participent à la narration, qui apporte des éléments supplémentaires d'une manière parfois très subtile. Une fois passée la surprise de découvrir que le récit Western est en fait une fiction (dans la fiction) écrite par Max Winters, le lecteur se rend compte qu'il retrouve les éléments récurrents des récits de ces auteurs : une évocation du monde de l'écriture, une sorte d'attaque à main armée. Bien sûr, la situation professionnelle de Max Winters fait écho à celle des auteurs qui écrivaient pour les pulps, la puissance évocatrice de leurs écrits, leurs personnages plus grands que nature, les contraintes imposées par le mode d'édition (en particulier s'en tenir à une formule, sans pouvoir faire évoluer un personnage), le fait que les auteurs n'étaient pas propriétaires des personnages. S'il est un amateur de comics de superhéros, le lecteur y voit un écho de la situation présente des auteurs travaillant pour DC et Marvel, ainsi qu'une filiation historique dans ce mode de production avec des contrats de main d'œuvre pour les auteurs produisant à la chaîne, et susceptibles d'être remplacés par des auteurs moins chers du jour au lendemain. Il voit que Max Winters vivote avec ses revenus de misère et comprend qu'il est à la recherche d'une solution pour se constituer un petit pécule, une assurance pour ses vieux jours en cas de coup dur. Il repère également les deux références historiques majeures : la grande dépression (1929-1939) aux États-Unis, et la Fédération germano-américaine (Nazi Bund) crée en 1936. Il sait que les auteurs ont pris l'habitude de faire reposer la tension dramatique de leur récit sur un casse ou un acte criminel caractérisé il découvre ce qu'il en est pour ce récit : nature du vol, déroulement, réussite ou non. Il sourit en voyant que pour le perpétrer Max Winters se met un foulard rouge devant la bouche tout en conservant son chapeau, évoquant fortement The Shadow, mais sans le rire démoniaque, ni les Uzis. Il ne s'attend pas forcément à la suite de ce qui arrive à Max Winters. Pourtant les auteurs ont bien placé toutes les pièces du récit devant les yeux du lecteur. Il s'agit bien d'un roman noir, exécuté avec habileté et élégance, sans romantisme. Les récits de Sean Phillips & Ed Brubaker se suivent et se ressemblent : personnage désabusé, pas forcément gâté par la vie, embringué plus ou moins consentant dans une opération criminelle de petite envergure. L'art de Sean Phillips est devenu totalement invisible, intégré à la narration, et pourtant épatant si le lecteur souhaite prendre le temps de s'arrêter sur une case pour mieux voir ce qui paraît si évident, si naturel. Au départ, il peut émettre des réserves sur le travail de Jacob Phillips, un peu imprécis, jusqu'à ce qu'il découvre la fin du récit et prenne la mesure de ce qu'a accompli cette mise en couleurs. Le scénariste raconte l'équivalent d'un roman noir avec légèreté et naturel, Max Winters étant désabusé, mais pas abattu, ne se voyant pas comme une victime. Une fois le récit terminé, le lecteur se rend compte qu'il envisage différemment le personnage principal, qu'il a eu une vie avant d'être auteur de western, que l'histoire était plus dure et plus impitoyable que ce qu'il avait envisagé, un roman très noir.

13/04/2024 (modifier)