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Couverture de la série Ben Barka - La disparition
Ben Barka - La disparition

Retour sur l'une des affaires les plus mystérieuses des années 60. Une enquête passionnante, un véritable thriller et un devoir de mémoire indispensable. La disparition du marocain Mehdi Ben Barka a eu lieu le 29 octobre 1965 et cette affaire n'a jamais été clairement résolue : d'ailleurs, son fils Bachir espère toujours faire avancer l'enquête et il a même collaboré à l'écriture de cet album, tout comme Maurice Buttin, l'avocat de la famille, ou encore le juge Patrick Ramaël. Le journaliste David Servenay (né en 1970) est l'un des fondateurs de La Revue Dessinée, revue d'information en bande dessinée dont le premier numéro est paru en 2013 et qui nous a déjà donnée (entre autres exemples) l'adaptation des thèses économiques de Thomas Piketty avec le remarquable album Capital & Idéologie. Il est ici accompagné du dessinateur Jacques Raynal (ou Jake Raynal, né en 1968) : le duo avait déjà travaillé sur l'album "La septième arme". Avec cet album, Ben Barka : la disparition, ils tentent de donner un nouveau point de vue sur cette affaire que beaucoup voudraient avoir enterrée depuis longtemps. Nous ne sommes pas dans une bande dessinée classique mais plutôt à la limite du roman graphique. Les dessins de Raynal sont d'un beau noir et blanc, très contrasté, avec de grands aplats noirs, ce qui donne au récit un ton sérieux et journalistique. Un dessin tout au service de l'enquête. Et puis bien sûr il y a l'Affaire elle-même et l'enquête : le déroulement des faits et les hypothèses (soigneusement recoupées par les auteurs) sur la disparition de l'homme politique opposant au nouveau régime marocain : barbouzes de tous pays, diplomates et politiques, voyous et anciens collabos, flics et agents du Sdece, ... tous ont travaillé main dans la main avec le cabinet noir des services secrets marocains menés par le général Mohamed Oufkir, le boucher du Rif. L'ambitieux et populaire Ben Barka gênait beaucoup trop de monde dont les français qui voyaient arriver le virage de la décolonisation. On entrevoit même les ombres de la CIA et du Mossad planer sur cette histoire. Les auteurs prennent le temps nécessaire pour nous présenter les différents protagonistes, les enjeux politiques, diplomatiques et internationaux de cette affaire dans laquelle notre République s'est, une fois de plus, brillamment illustrée. Il y a même, en fin d'ouvrage, une série de fiches récapitulatives sur les protagonistes les plus importants. On peut s'interroger sur l'intérêt de ressortir encore aujourd'hui cette vieille histoire jamais élucidée ? Mais l'enterrer trop rapidement dans un recoin obscur avec le corps de Mehdi Ben Barka, reviendrait à oublier de nombreuses questions. Oublier que l'ombre de cette affaire plane encore sur les relations franco-marocaines. Oublier qu'aucun des présidents successifs de notre république n'a souhaité faire la lumière sur ces événements, de Giscard à Macron en passant par Chirac, Mitterrand ou Hollande. Oublier que la justice française reste bloquée depuis des dizaines d'années malgré l'obstination courageuse de quelques juges : il s'agit là du « dossier d'instruction qui est à ce jour la plus ancienne enquête criminelle en cours dans les annales de la justice française ». Oublier que pour tenter de faire avancer le dossier, le juge Patrick Ramaël a même perturbé la rencontre de Sarkozy avec Mohammed VI en 2007. Le président français était accompagné de Rachida Dati, alors ministre de la justice (elle est d'origine marocaine). Oublier les mots, cités dans l'album, des mots de 1966 publiés par Pierre Viansson-Ponté dans le journal Le Monde [clic] à propos de cette affaire : « [...] L'abus du renseignement, le goût du secret, le recours aux méthodes occultes, aux agents, aux réseaux, aux polices parallèles, sont [...] inhérents au compagnonnage gaulliste. Ils en sont aussi le vice majeur. » Enfin, il ne faut pas oublier non plus comment certains journaux (et non des moindres : L'Express, Minute, ...) ont été totalement manipulés pour livrer au public de fausses explications à la disparition de Ben Barka. Voilà donc bien un album utile et nécessaire à notre mémoire, un travail qui résonne comme un écho à celui d'Etienne Davodeau et Benoit Collombat dans l'album Cher pays de notre enfance.

03/05/2025 (modifier)
Par Présence
Note: 4/5
Couverture de la série Rendez-vous fatal
Rendez-vous fatal

Il est juste que les meilleurs commandent les masses, voilà le vrai darwinisme. - Ce tome contient une histoire complète. Son édition originale date de 1996. Il a été regroupé avec le récit Trois filles sur le net (1998, Le piège) dans le recueil Noirs desseins (2011 qui comprend également une introduction d’une page de l’auteur). Il a été réalisé par Milo Manara pour le scénario et les dessins. Il s’agit d’une histoire en noir & blanc. Elle compte quarante-quatre pages de bande dessinée. Dans l’introduction de Noirs desseins, l’auteur explique qu’il s’est inspiré de faits réels pour la première partie de son récit, et pour le personnage de Si Bémol qui est évoqué dans la dernière partie. À Rome, en fin de soirée, marchant dans la rue, un député déclare à Silvio et son épouse Valeria, que ce fut une belle soirée, et que pourtant il est temps de rentrer dormir, car ils prennent l’avion tôt le lendemain matin très tôt. Ils leur rappellent qu’ils les attendent chez eux à la Barbade, sans faute. Le sénateur suggère à Silvio de ne pas le prendre mal, car il est impatient de la voir elle, Valeria, pas lui. Tout le monde rit de bon cœur au bon mot. Il ajoute que Silvio fait du bon boulot, qu’il a parlé de lui au président et de la façon dont vont les choses. Ils prennent congés, et ils s’en vont de leur côté. Silvio et Valeria rejoignent leur propre berline et y prennent place. Elle est ravie à l’idée de se rendre à la Barbade. Son époux se montre moins enthousiaste : ils ne sont pas riches comme le député et son épouse, ils ont des soucis. Elle rétorque qu’elle pas envie de l’écouter. Il lui demande d’être raisonnable : tout n’est pas rose en ce moment, il a quelques problèmes. Elle lui rappelle qu’il avait promis à son père qu’en l’épousant il veillerait sur elle. Ils avaient un accord. Il explique que ce sont des difficultés passagères, il va se refaire, elle a bien entendu ce qu’a dit le député. Elle lui fait observer que le député pourvoie aux besoins de son épouse, lui. Silvio parvient à amadouer son épouse, et elle accepte de l’embrasser. Il s’enhardit et lui demande de baisser sa culotte. Elle lui fait observer qu’il ne pense qu’à ça, et qu’il ne le mérite pas car il l’a fâchée. Il promet de l’emmener à la Barbade et il finit par la convaincre. Elle baisse sa culotte, soulève sa jupe et ouvre les jambes. Il continue de l’embrasser et il la caresse intimement. Elle apprécie le plaisir que ça lui procure, et elle finit par lui demander de rentrer à la maison : certaines choses ne se font que là-bas. Il obtempère de bonne grâce. Le lendemain il se rend chez son usurier. Celui-ci lui refuse un prêt supplémentaire : il lui rappelle que Silvio savait pertinemment quels étaient les intérêts à rembourser pour son prêt. Si Silvio les avait payés plus vite, il ne serait pas dans la panade. L’usurier enfonce le clou : parce que là, oui, Silvio y est jusqu’au cou. Ce dernier lui rétorque qu’il pourrait aller trouver la police. L’usurier répond calmement que Silvio vient de faire une erreur, il n’aurait pas dû dire ça, cela va lui coûter très cher. Silvio argue du fait qu’il sera candidat aux prochaines élections et qu’il ne peut se permettre un scandale. L’usurier lui suggère de lui fournir une preuve. Silvio appelle son épouse pour qu’elle lui amène la lettre du député S.G. Milo Manara est l’un des auteurs de bande dessinée italien les plus célèbres, en particulier dans le registre érotique, avec la série Le Déclic (4 tomes, 1984, 1991, 1994, 2001) et des collaborations avec Federico Fellini (1920-1993), Hugo Pratt (1927-1995), Neil Gaiman, Chris Claremont. En particulier, il a séduit des générations de lecteurs avec ses jeunes femmes graciles, souples, élégantes, sensuelles. Le lecteur entame donc cette histoire avec cet a priori en tête. Dès la quatrième page, la belle épouse enlève sa culotte et le lecteur peut voir sa délicate toison, ainsi que la passion qui anime son époux. Par la suite, il peut admirer son corps : son élégance dans un tailleur tout simple d’apparence, certainement d’un coût très élevé. Elle marche avec des talons hauts qui mettent en valeur sa silhouette. Elle porte le pantalon avec la même prestance, une liane élancée. Elle porte les cheveux mi-longs, et ne change pas de coiffure malgré un passage chez le coiffeur. En fonction de sa tenue, elle porte un beau collier de perles, deux bracelets fins au poignet droit, ou bien pas de bijoux, une liquette en guise de chemise nuit, de grosses lunettes noires pour cacher sa détresse. Elle ne semble pas maquillée : sa beauté naturelle rayonne et se suffit à elle-même. Le lecteur se retrouve sous le charme physique de cette jeune femme. Il comprend bien qu’elle soit entretenue par son époux, et qu’elle vient d’une famille aisée : elle a conscience de son rôle d’épouse d’apparat, ce qui atteste d’une certaine force de caractère. Quand bien même la vie de Valeria et ses aspirations sont très éloignées des siennes, le lecteur éprouve une forme de respect pour elle. Lorsqu’elle subit son premier viol, il éprouve de l’empathie devant la violence atroce qui lui est faite, sa souffrance physique et psychique, et la torture mentale de savoir qu’il en ira de même le lendemain à la même heure jusqu’à ce que son époux ait remboursé ses dettes. Le lecteur ne s’attendait pas à un récit aussi atroce, peut-être uniquement parti pour un récit érotico-chic, une fantaisie avec une fibre cruelle pour les besoins du divertissement. Il assite aux tourments de Valeria, éprouvant une forme de honte à se trouver cantonné au rôle de voyeur impuissant comme l’époux. L’artiste ne se montre pas complaisant vis-à-vis de ce qu’il montre : il ne joue pas hypocritement sur les deux tableaux, de condamner tout en montrant. Le premier viol est raconté sur quatre pages : il montre la lâcheté des participants qui agissent en groupe contre une femme seule, une demi-douzaine de personnes, hommes et femmes, qui l’immobilisent sur une table, le commanditaire assis dans son fauteuil, le mari résigné à l’écart, le violeur impassible accomplissant une mission sans état d’âme. Rien n’est épargné au lecteur des viols quotidiens qui suivent pendant de nombreuses semaines, trois pages pour le second, cinq pour le troisième, trois pour celui d’après, jusqu’à passer à une bande de cases, ou même une simple case. L’érotisme potentiel est annihilé par l’usage d’une contrainte abjecte, par l’absence de plaisir du violeur, un acte mécanique indépendant de la personnalité de la victime, de ses émotions, de ses sentiments, le violeur semblant lui aussi totalement dépourvu d’émotions. Le lecteur découvre des dessins dans un registre descriptif et réaliste. L’artiste utilise des traits de contour très fins et secs, une attention délicate portée aux visages, aux tenues vestimentaires, aux accessoires, aux coupes de cheveux y compris avec un effet décoiffé pour Silvio, ou cheveux en bataille après une agression sexuelle. Comme le veut la convention graphique dans ce genre, le visage de Valeria est plus jeune et lisse, que celui des hommes, marqué par les plis et les rides. Le langage corporel appartient également à un registre naturel, ce qui fait ressortir les gestes plus étudiés de Valeria, et ses poses parfois alanguies. Mis à part le député, le reste de la distribution semble provenir d’une couche de l’humanité moins élégante, plus commune, même Silvio dans son beau costume. Alors que les personnages donnent une impression de réalisme poussé, le lecteur s’aperçoit que l’artiste déploie des techniques variées pour les décors et les environnements : presque une toile abstraite pour donner l’impression des façades de la rue avec un éclairage nocturne, l’usage de motifs non figuratifs pour le papier peint ou pour le décor d’un fauteuil, des aplats de noir irréguliers, striés ou piquetés, des franges irrégulières pour le parement d’un fauteuil bas, des traits nouilles pour le mouvement de l’eau de la mer, des entrelacs secs et fins pour des ombres projetées, des traits obliques drus pour la pluie, etc. Les images et le récit font voyager le lecteur : une avenue animée de nuit, l’habitacle d’une berline, le grand salon un peu vieillot de l’usurier, la chambre à coucher cossue des époux, le salon de coiffure chic, une route nationale peu fréquentée, un yacht à la Barbade, une chambre d’hôtel minable, etc. Potentiellement un peu décontenancé par rapport à ses attentes, le lecteur se laisse porter par l’intrigue, vite mal à l’aise dans sa position de voyeur, dans la souffrance physique et psychique de Valeria subissant un viol chaque jour à dix-huit heures, sans échappatoire possible quoi qu’elle fasse. Elle s’en fait la remarque : Elle faisait maintenant partie d’un autre monde, celui des perdants, celui des victimes. Et malgré tout, elle conserve sa santé mentale, assez de volonté de vivre pour tenir le coup. Il se rend compte que Silvio n’apparaît plus après la vingt-huitième planche. L’enjeu du récit semble être de savoir si Valeria pourra trouver une issue à cette torture quotidienne. De fait, le scénariste amène son intrigue à une conclusion claire et nette, tranchée même. Il intègre d’autres éléments. Deux retournements de situation sous la forme de deux révélations : il apparaît ainsi qu’il s’agit bien d’un récit de genre, entre policier et thriller. Il met également en scène cette femme surnommée Si Bémol, du nom de la corde dont elle se sert pour émasculer des prisonniers bosniaques, une séquence éprouvante même si elle n’est pas graphique. Par ailleurs, le député réapparaît dans une scène et il exprime son opinion sur la politique : tranquillement installé sur le pont de yacht à la Barbade, il déclare à son interlocutrice qu’il est juste que les meilleurs commandent les masses, voilà le vrai darwinisme. Plus loin, il insiste : quand on n’est pas assez fort, on ne fait pas de la politique, seuls les forts peuvent commander les masses. Du point de vue de l’intrigue, le lecteur peut estimer que certaines situations manquent de plausibilité, et il se souvient qu’il est dans un récit de genre, pas dans un reportage. Il prend un peu de recul pour identifier les forts du récit, ceux qui commandent. Silvio a voulu intégrer le cercle des forts et il a échoué, le darwinisme a tranché : il ne fait pas partie des meilleurs. Le lecteur considère alors ceux qui survivent et qui commandent. Il en déduit que les différentes révélations n’affecteront pas la position sociale du député, un individu véritablement fort, et en même temps abject. Il réfléchit alors à la position de Valeria : indubitablement forte pour avoir survécu à une telle série d’épreuves innommables, toutefois elle ne commande à personne. La morale de l’histoire apparaît dans toute son ambiguïté, bien noire, et bien révélatrice d’une façon dont marche le monde. C’est parti pour un divertissement de type érotico-chic avec une touche de cruauté… Que nenni ! C’est une plongée dans un récit très noir, mettant le lecteur dans une position de voyeur impuissant. La narration visuelle atteint le niveau d’élégance et de grâce propre à Manara. L’intrigue se montre cruelle et sadique, impitoyable et terrifiante. Traumatisant.

03/05/2025 (modifier)
Par Blue boy
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Dix Secondes
Dix Secondes

On ne sait trop quelle est la part autobiographique de ce récit, mais on peut penser que Max de Radiguès y a mis de lui-même. En effet, l’histoire se déroule vraisemblablement dans la Belgique des années 90 (parmi d’autres références à la pop-culture de cette période, les kids jouent à la console mais le téléphone portable n’existe pas encore), et l’auteur, né en 1982 en Wallonie, était alors un adolescent. Avec « Dix secondes », il dresse à travers Marco le portrait d’une génération dans cette tranche d’âge entre deux eaux, où l’on n’est plus tout à fait un enfant mais pas encore un adulte, dans le cadre en apparence paisible de ces zones résidentielles bien rangées où il ne se passe jamais rien… Max de Radiguès appartient à cette catégorie d’auteurs en retrait des codes traditionnels de la BD. Son talent à lui est de dévoiler, à l’aide de sa ligne claire un peu frêle, et néanmoins très stylée, agrémentée de couleurs vives et « innocentes », le malaise rampant d’une société bien trop lisse pour être honnête. Et ce malaise vient principalement de Marco, ce teenager déconcertant qui ne devrait pas avoir trop de raisons de se lamenter, si ce n’était ce manque patent de communication avec ses parents (un père qui semble toujours être de passage, accaparé dit-il par un boulot « prenant », et une mère aimante mais totalement « à l’ouest », peu disposée à affronter une situation familiale quelque peu problématique) et cet amour qu’il voue à Zoé, malheureusement à sens unique… Comme pour se venger de cet état de fait, Marco s’en prend à lui-même, car Marco, bonne pâte, ne ferait pas de mal à une mouche. Marco se fait donc du mal à lui-même, torture son corps et à sa tête en s’infligeant de grosses bitures, engloutissant les pires mixtures qui passent à sa portée pourvu qu’elles soient alcoolisées, et pour être sûr d’être suffisamment défoncé, renforce son alcoolémie à coup de spliffs bien dosés… et ça ne s’arrête pas là puisque lorsqu’il reprend son scooter en pleine nuit, il aime à tutoyer le danger en fermant les yeux pendant dix secondes… l’accident survient presque toujours, mais comme dans une bande dessinée de Tintin, notre « héros » semble se relever à chaque fois sans une égratignure malgré des vols planés impressionnants… un vrai jackass le Marco ! Alors n’allons pas dire que Marco est un modèle, c’est loin d’être le cas, et ce qu’il vit est plutôt assez glauque voire déprimant. Et pourtant, allez savoir pourquoi, Max de Radiguès réussit à produire un récit plein de fraîcheur et d’humour où les haleines alcoolisées sont tenues à distance, heureusement pour le lecteur d’ailleurs ! C’est très paradoxal mais ça doit être ça, le style Radiguès, et ça fonctionne à merveille, un peu comme si Quick (ou son copain Flupke…), avec quelques années de plus, avait croisé Charles Bukowski et Bob Marley sur sa route (mais sans jamais voir Jah). Il est malin, le Max, et sans avoir l’air d’y toucher, mais c’est une autre grille de lecture qu’on pourra éventuellement privilégier, s’efforce de montrer que le confort de nos sociétés modernes peut générer du mal-être, sur lequel ses victimes ne pourront pas forcément mettre des mots. Dans le cas de Marco, c’est un peu comme s’il était prisonnier de lui-même et de son image de gentil garçon, incapable d’exprimer le mal indicible qui le ronge et le pousse à commettre des actes suicidaires dans un contexte pourtant familier et rassurant. L’auteur ne nous livre pas de réponse mais se contente de montrer une réalité sous le prisme de son vécu, en évitant d’être démonstratif, sans jugement, d’où cette fraîcheur sans doute. Ainsi, il laisse le soin à chacun d’en tirer ses propres conclusions, notamment avec une fin qui peut laisser perplexe mais s’imprime sur nos rétines pendant longtemps. En cela, il fait confiance à ses lecteurs et c’est plus qu’appréciable. « Dix secondes », voilà un titre qui résume parfaitement cet album, évoquant la brièveté d’un coup de folie pouvant faire basculer une vie vers le néant absolu, reflétant par là même son absurdité. Max de Radiguès nous livre ici une étude sociologique sans prétention et qui sonne vrai, sous un angle original et faussement candide, assurément une bande dessinée à retenir pour cette année 2025.

02/05/2025 (modifier)
Par ethanos
Note: 4/5
Couverture de la série Légende
Légende

Je me dois de préciser avant toute chose que je ne connais que les 5 premiers tomes de la série, et n'ai pas lu la suite, en tout cas pour le moment. Mon rapide avis ne concerne donc que cette première 'période'. Je dois dire que la lecture d'un résumé de l'intrigue trouvé sur le net avait tout pour me faire bailler : un enfant qui grandit au milieu des loups, accompagné d'une sorte de 'maître-loup', dont la famille a été assassinée par un méchant, vraiment pas gentil, et qui va, prendre le temps de grandir avant de se venger dans un grand bouquet final, après avoir accepté sa propre animalité, et sa capacité à recourir à la violence. Ouais...........comme je le disais on sent vite l'ennui nous gagner. Sauf que, sauf que, y a rien à dire, Swolfs est un maître dessinateur, et... un grand conteur. Le bougre sait vraiment y faire. Les dessins sont d'une très grande qualité, à l'image de ce qu'il avait pu produire avec le Prince de la Nuit (ambiance châteaux, également), ou dans Durango, par exemple. (j'ai un souci avec les Black Hills, raison pour laquelle je ne les nomme pas). J'apprécie non seulement son travail sur le dessin, mais aussi sur les angles de vue, les perspectives, les inserts de personnages dans d'autres cases, bref, tout ça se déguste comme, on dégusterait, un vrai classique, alors que l'on s'était pourtant dit que ça n'avait guère d'intérêt au vu du côté 'déjà vu 100 fois du scénar'. Un bon 4/5 pour moi. J'attends vraiment le jour où sortira LA Bd de Swolfs, avec l'histoire véritablement à la hauteur du dessin, ce jour là, on touchera du doigt le chef-d'œuvre clairement.

02/05/2025 (modifier)
Par PAco
Note: 4/5
Couverture de la série La Terre verte
La Terre verte

ARfff... Encore une notation difficile pour cet album qui oscille pour moi entre le 3 et le 4... J'arrondis donc au supérieur pour le bon moment de lecture passé quand même. Si je dis "quand même", c'est qu'effectivement, il m'a manqué le transport que procure certains albums épiques et shakespearien dont se réclame cet opus. Ayrolles nous le distille, construit, fait monter la sauce, avec son sens du récit et du dialogue qui le caractérise, mais... mais je ne sais pas, il manque le petit quelque chose qui fait la différence et hisse un album au dessus des autres pour sortir du lot. Peut-être la forme ampoulée des dialogues qui manque parfois de naturel ? Le dessin de Tanquerelle est en adéquation parfaite avec l'histoire que nous propose Ayrolles ; on ressent parfaitement la rudesse de cette contrée, qu'il s'agisse de pays lui même ou de ses habitants. Le Groenland est un pays rude, ajoutez-y les fourberies et manigances d'un personnage haut en couleur, et le tout devient détonnant, ce que sait parfaitement nous rendre compte Hervé Tanquerelle. Alors oui, c'est agréable à lire, on s'immerge quand même de façon intense dans ce ce rude pays, cadre parfait pour ce psychodrame historique où évolue une sacré brochette de personnages. (3.5/5)

02/05/2025 (modifier)
Par PAco
Note: 4/5
Couverture de la série Jeanne et Cierges
Jeanne et Cierges

C'est avec Waterlose que j'avais découvert ce duo tonitruant maltraitant les personnages historiques illustres pour la bonne cause. C'est ici Jeanne d'Arc, et par effet de bande, Dieu, qui vont déguster ! En effet, Jeanne s'entête à vouloir sauver la France de l'invasion anglaise, malgré les dénégations insistantes de Dieu. Il teste sa foi, elle en est certaine... Bref, à partir de là tout tourne aux quiproquos, donnant lieu à des dialogues épiques et lunaires ou la bêtise se tire la bourre avec l'absurde pour notre plus grand plaisir. Alors oui, certains passages sont moins drôles (j'ai trouvé la fin sur le bûcher moins mordante), mais l'ensemble tient largement la route. Et pour qu'une BD arrive à me faire rire haut et fort, c'est que ça fonctionne ! Côté dessin, Josselin Duparcmeur reste fidèle au style qu'il a adopté pour cette collection : c'est minimaliste mais expressif au niveau du trait ; pour la couleur, fi du saumon, on passe au vert pale égayer les planches. Une BD qu'il fait bon de lire par ces temps moroses, histoire de se dérider les zygomatiques un bon coup !

02/05/2025 (modifier)
Couverture de la série La Montagne entre nous
La Montagne entre nous

Oh, waw… Je viens de me prendre une belle claque. Pour tout vous dire, j'écris cet avis quelques minutes après avoir fermé l'album et j'ai encore des larmes dans les yeux, vous pouvez donc imaginer à quel point l'histoire a pu me toucher. C'est une histoire simple et tristement réaliste. Marcia et Florence sont deux amies d'enfance qui ne sont malheureusement plus revues depuis que Marcia a quitté le village il y a de ça une trentaine d'années pour vivre sur Paris. Le récit commence lorsque Marcia revient au village pour s'occuper de sa mère, pile à temps pour retrouver Florence aux funérailles de son mari. Très rapidement on comprend que les deux s'aiment, s'aimaient également dans leur jeunesse, mais qu'une petite rancœur vient noircir le tableau pour chacune d'entre elles : Marcia est partie seule sur Paris et a abandonnée Florence, Florence n'est pas partie avec Marcia et a préféré se marier avec un homme et rester au village. C'est un drame quotidien sur un amour raté, le poids des regrets et du passé, sur le poids des attentes familiales aussi. J'ai particulièrement aimé le parallèle intéressant sur le passé de Marcia et de sa mère, mettant en lumière que des évènements tristes comme ceux-là arrivent toujours mais que les choix que l'on prend face à eux différencient les individus. Il y aurait beaucoup de choses à dire sur cette histoire, comme son joli jeu des temporalité ou son propos sur la peur et les choix, mais je pense que le tout mérite d'être découvert. C'est un album qui brille par sa simplicité, sa mélancolie, sa volonté de croire au fait qu'il n'est jamais trop tard pour aimer. C'est beau, c'est triste, c'est romantique, que voulez-vous que je dise de plus ? Ce serait déjà bien assez pour me faire pleurer, alors si en plus on ajoute à ça un dessin très joli dans une approche graphique proche de l'aquarelle et une qualité d'écriture simple mais finement trouvée je suis sûre d'adorer le résultat. Coup de cœur.

02/05/2025 (modifier)
Par gruizzli
Note: 4/5
Couverture de la série Paysans - Le Champ des possibles
Paysans - Le Champ des possibles

J'ai offert cette BD à ma copine pour la fin de sa thèse et dans la continuité de ses recherches sur l'agriculture urbaine. Et j'ai mis pas mal de temps à la lire, ralenti par une envie de lire bien plus de livres que j'ai depuis le début d'année. Mais finalement j'ai cédé et je suis surpris d'être le premier à le poster ici ! Au vu de ma note, je vais commencer directement par le négatif histoire de l'évacuer en une fois. Déjà, je suis assez distant de propos que l'autrice tient personnellement sur divers points : sylvothérapie qui est de la pseudo-science, vision de la sorcière comme femme savante (à l'opposée de ce que fut réellement la figure et bien plus dans les réinterprétations contemporaines), vision souvent animiste de la nature, explication par des phases de la lune non-documentée, etc ... En soi, j'ai l'impression de voir plusieurs fois des commentaires de la réalisatrice qui sentent bon le new-age et les considérations très loin du consensus scientifique. Comme si dès lors que l'on s'oppose au modèle agricole actuel et à la vision capitaliste-libérale de notre monde, il fallait avoir des croyances irraisonnées. Réenchanter le monde ne passe pas forcément pas les croyances ! Cela dit, donc, je dois avouer que j'ai été touchée par cette BD. Toute considération personnelle sur les croyances de la réalisatrice mis à part -surtout que ces apartés en changent en rien le reste du propos- j'ai apprécié cette plongée dans l'agriculture qui change. On suit le parcours de la réalisatrice qui a eu ses moments de prises de conscience puis fait ensuite cette petite tournée de paysans qui agissent différemment, inventant l'agriculture de demain. Ces différents portraits sont l'intérêt principal du récit, avec des portraits extrêmement intéressants, que je ne connaissais absolument pas. La BD est vite lue, n'insistant pas sur les différents personnages et se contentant de présenter leurs parcours, leurs motivations et ce qu'ils ont changés. Et franchement, c'est inspirant. Il y a des passages que j'ai trouvé émouvant (le paysan déclarant qu'il a dû être aidé par ses enfants, ce qui lui a semblé si peu normal) et d'autres incroyable, comme ces vignes devenues refuge de la LPO. Le genre de proposition qui semble si antinomique que je ne pensais pas la voir de mon vivant ! Le dessin de l'autrice (que je découvre ici) est franchement superbe et s'harmonise avec le sujet, faisant une part belle aux paysages et images fortes. C'est souvent de grandes cases, très champêtre. L'utilisation de couleurs pastels et surtout pas vive ramène une certaine nature non magnifiée mais au contraire vivante. De fait, les cases et l'ambiance très belle, très douce, permet de se plonger encore plus dans le propos qui frôle le concept de décroissance sans jamais l'aborder frontalement. C'est une ode à la nature et à la paysannerie, loin des ouvriers agricoles (donc subordonnés à l'entreprise) que sont devenus nos agriculteurs d'aujourd'hui. Il y a quelques défauts que je dirais presque inhérent au sujet, mais la BD reste une excellente bouffée d'oxygène qui permet de se remotiver, dans le marasme actuel, notamment en allant vers ceux qui osent changer de modèle. Une promotion que je note plus large que réel, la BD méritant sans doute un bon 3.5 que j'arrondis au supérieur.

02/05/2025 (modifier)
Par grogro
Note: 4/5
Couverture de la série Krimi
Krimi

Cette nouvelle BD signée Alex W. Inker et Thomas Vermot, narrant une hypothétique genèse du film M le Maudit, impressionne tout en souffrant de quelques détails un brin frustrants. Un cas de conscience horripilant ! Un arrière goût de frustration. Pour ce qui est de la frustration, elle provient essentiellement du scénario, mais pas que. Commençons par le commencement : le titre. On ne saura jamais ce que signifie le mot Krimi. On se doute bien cependant qu’il provient soit de kriminal pour Police Judiciaire, ou du terme krimi signifiant polar (d’après mes recherches). Mais plus généralement, les mots et phrases sont en langue germanique, ce qui est parfait, mais ne sont pas traduit-e-s, comme les devantures des magasins ou les citations. C’est frustrant. Certes, les titres de chapitres sont traduits, mais tout à la fin, si bien que je ne l’ai remarqué qu’une fois ma lecture achevée. Le scénario contient également quelques motifs de mécontentement. D’abord, il traverse quelques longueurs dont l’intérêt est en outre très relatif. Ensuite, quelques zones d’ombre demeurent préjudiciables en cours de lecture car on a l’impression d’avoir raté quelque chose. Par exemple, on ne saisit pas vraiment les motivations de l’inspecteur Lohmann. Pourquoi s’intéresse-t-il à Fritz Lang ? Pourquoi ce marché ? Mystère… Sans être rédhibitoire, ce flou pèse sur l’estomac. Enfin, quelques personnages auraient mérité d’être d’avantage travaillés, tels Peter Lore (ou son équivalent dans cette BD), l’acteur principal du film. Malgré tout, cette histoire se lit bien. On reste pris dedans sans voir sa motivation atteinte. C’est surtout graphiquement que Krimi se démarque. En effet, le dessin de Inker est ici réellement impressionnant. Tout d’abord, il propose encore une fois quelque chose de différent en comparaison d’Un travail comme un autre ou Colorado Train. Et sans épater la galerie, il force l’admiration. Pour preuve, je témoignerais de ma propre réaction devant ce dessin singulier. Lorsque je l’ai feuilletée en librairie, j’avoue n’avoir pas été plus emballé que ça, et pourtant, à mesure que j’avançais dans ma lecture, j’ai très vite saisi ses grandes qualités : profondeur des noirs, profondeur du dessin par le floutage des fonds, effets de lumière par petites touches discrètes, comme les gouttes de sueur, les lèvres humides, les reflets sur les parties sensées être métalliques… C’est franchement à couper le souffle. L’ambiance de polar est parfaitement rendue avec cette impression que donnent les scènes urbaines de flotter dans une brume inquiétante. Enfin, les expressions sont saisissantes, et les trait d’une finesse demeurée insoupçonnée jusqu’à ce que je me jette dans une lecture attentive. Waou !... De ce point de vue, c’est selon moi la meilleure réalisation d’Inker, et de loin ! Oui, c’est une excellente BD. Le dessin est top niveau, le scénario très original. Les réticences évoquées plus hauts, toutes regrettables qu’elles soient, n’affectent cependant pas la qualité de l’ensemble au point d’en faire d’un échec. Krimi est frustrant, certes, mais demeure une superbe BD, magnifiée par un travail d’édition sans tâche (mention spéciale à l’effort écologique et ce papier certifié Imprim’Vert). Je ne suis pas devin, mais elle figurera sans nul doute dans mon palmarès de fin d’année.

02/05/2025 (modifier)
Par Khaz
Note: 4/5
Couverture de la série Elfes
Elfes

Et voilà. 35 tomes, 7 par race, pas un de plus. Quand j'ai commencé à lire la collection, je ne connaissais pas le concept de JL ISTIN. Et j'avoue, c'est efficace. Mon plaisir a débuté à partir du tome 6 jusqu'à la fin de l'histoire de Lah'saa. Ensuite je m'attendais à ce qu'une nouvelle trame débute pour lier les races à une intrigue centrale, mais que neni.... Rien du tout. Seulement un bout de quête des elfes rouges par ci, un bout de quête d'Alyana par là.... Et c'est tout. Dommage. Globalement, toutes les races sont intéressantes même si certaines sont mieux exploitées que d'autres. L'apparition de certain personnage clés des autres séries Nains / Orcs et gobelins est un gros plus. Ça permet d'enrichir davantage les univers. Voici mes notes sur les races : Elfes bleus - 5/5 : Lanawyn est incontournable. Sa quête pour combattre le mal des goules et ensuite sa possession via Lah'saa, j'ai vraiment adoré. Elfes Blancs - 5/5 : un peu long à démarrer mais quel plaisir de voir la descendance de Tenashep et Fall se lancer dans une nouvelle quête qui toutefois ne sera pas assez exploité à mon goût.... Elfes Sylvains - 3,5/5 : un peu dommage, tout avait bien commencé avec Ora puis on s'est un peu perdu avec les oghams. Je n'ai pas accroché même si le dernier tome 33 a rattrapé un peu le tout. Elfes Noirs - 2,5/5 : tout juste la moyenne. Beaucoup de gens disent que les elfes noirs ont l'histoire la plus intéressante... Pas pour ma part. À part le fait que Lah'saa attaque Slurce et mêle cette race à l'histoire des autres, ce sera le seul moment où c'était intéressant pour moi. Semi-elfes : 1/5 : gros loupé sur cette race. Trop de tome dont l'histoire commence et se termine en 1 fois. Pas de personnage charismatique. On tourne souvent en rond. Dommage car il y avait du potentiel. Pour finir, les dessins sont top, j'ai adoré les couleurs. Beaucoup de personnalité de la BD française sur ce gros projet, et ça se voit, Elfes est une très belle collection parmi l'univers d'Aquilon. Je suis en train d'acheter les tomes des autres collections pour me refaire la totale en version "dans quel ordre faut t-il lire Elfes", tapez ça sur Google, vous comprendrez comme c'est énorme !

01/05/2025 (modifier)