Un album étrange. Qui peut éventuellement être lu sans connaître la série dont il se présente comme une suite et conclusion, plusieurs décennies après que nous ayons quitté le ranch 666. Même si connaître l’histoire d’origine, et surtout les liens qui unissaient les protagonistes, aide à mieux saisir certains passages. Surtout à mieux saisir l’aspect crépusculaire du récit.
Un aspect crépusculaire revendiqué, qui saute aux yeux, déjà dans le dessin de Romain Renard, que j’ai trouvé ici très beau. J’ai juste été un temps gêné par un traitement différent pour les personnages (un trait réaliste classique) et pour certains décors (aux airs de photos retravaillées, probablement retraités à l’informatique), les personnages paraissant parfois ancrés artificiellement aux décors. Mais cette remarque est mineure, le rendu est franchement chouette. Et très sombre : la nuit beaucoup, les nuages de poussière du Dust Bowl. Et le récit lui-même.
Un récit centré sur Red Dust, le vrai héros de la série d’origine, même si, une fois de plus, Comanche lui grille la politesse sur le titre. Un Red Dust vieillard, embarqué dans une fuite en avant par une jeune femme énigmatique, dans un retour vers le passé, vers le ranch où se trouverait Comanche. Quelques dialogues, la rencontre du Cheyenne Tache de Lune jouent à fond la nostalgie, le monde finissant (des vieux types jouant leur dernier tour avant de quitter la scène).
Au cours du périple qui ramène Red au 666, vers une Comanche avec laquelle il n’a jamais eu qu’une relation platonique pleine de tensions, Renard développe quelques à-côtés historiques et sociaux : la misère des Amérindiens dans les réserves, le désespoir des fermiers ruinés par la crise de 1929 et les vent fous du Dust Bowl (voir la scène de la rencontre avec cette famille qui est prête à vendre son dernier enfant vivant pour quelques dollars…).
Finalement la série d’origine aurait presque pu ne pas avoir existé (même si…). Et la fin au 666 est un peu trop « facile » et expédiée. Mais globalement la lecture est plaisante à lire, très agréable à regarder. Un récit qui joue essentiellement sur l’ambiance, l’atmosphère pour signer la fin d’un monde, celui de l’Ouest sauvage qu’emporte avec lui Red Dust. C’est aussi un hommage de Renard à Hermann : Red Dust affirme d’ailleurs en fin d’album que le nom de son père était Hermann…
J’ai découvert Dans la tête de Sherlock Holmes grâce au coffret qui réunit les deux premiers tomes, accompagné des tickets en version physique. Rien que l’objet en lui-même m’a donné envie de me plonger dans l’univers : le coffret est beau, soigné, et les petits éléments supplémentaires renforcent vraiment l’immersion. Même sans encore avoir lu Le cauchemar du Loch Leathan, j’ai tout de suite senti que j’allais entrer dans un projet éditorial qui ne fait pas les choses à moitié.
Dès les premières pages, j’ai compris que cette série n’avait rien d’une simple adaptation de Sherlock Holmes. Ce que j’ai adoré, c’est la manière dont les auteurs nous font littéralement entrer dans la tête du détective. Je n’ai pas seulement suivi une enquête ; j’ai eu l’impression de visualiser son raisonnement, ses associations d’idées, ses intuitions. Les pages se transforment en espace mental, et j’ai trouvé ça à la fois original, intelligent et terriblement immersif.
Graphiquement, j’ai été bluffé. Les planches sont inventives, parfois foisonnantes, parfois presque labyrinthiques, mais toujours cohérentes avec l’idée de nous montrer le fonctionnement interne de Sherlock. J’aime les BD qui essaient de nouvelles choses, et ici, chaque détail compte. J’ai passé du temps à observer les cases, à revenir en arrière, à apprécier les trouvailles visuelles. On sent un vrai travail artistique derrière chaque page, et ça m’a accroché du début à la fin.
Si je mets 4/5 au lieu de 5/5, c’est parce que parfois, justement, la lecture demande beaucoup d’attention. Ce n’est pas une BD que l’on feuillette distraitement. Certaines pages sont tellement riches que j’ai dû m’arrêter plusieurs fois pour être sûr de ne rien manquer. Ça m’a plu, mais je peux comprendre que ça puisse freiner certains lecteurs. Et même si l’enquête est bien menée, ce n’est pas la partie qui m’a le plus marqué : ce sont vraiment l’ambiance, la créativité et la plongée dans le mental de Sherlock qui font la force de ce diptyque.
Au final, j’ai passé un excellent moment. Ce coffret m’a permis de découvrir une BD à la fois élégante, inventive et intelligente, qui se distingue des autres adaptations du personnage. Je suis vraiment content de m’y être intéressé, et je recommande sans hésiter
Quelle belle histoire, que ce Moonlight express !
J'ai acquis cet album avec un ex-libris qui me fera désormais entendre les notes du Clair de lune de Larry Adler à chaque fois que mes yeux se poseront sur cette villa au bord de la plage. Image judicieuse qui illustre parfaitement cette romance mâtinée de polar : un homme un peu gauche, dont la raideur trahit le passé militaire, semble hésiter, un bouquet à la main. Une petite silhouette sur le balcon, d'un geste amical, l'invite à renouer les fils du passé et prolonger l'histoire qui s'était brutalement interrompue un soir d'hiver dans un Berlin plongé en pleine guerre froide.
Si ce n'est pas encore fait, je vous recommande de découvrir cette bd très cinématographique qui a la grâce et le charme des films des années 50. J'avais beaucoup aimé Diabolik du même duo, je ressors enchanté de ma lecture de Moonlight, les pistes audio sont un vrai plus et accompagnent parfaitement le dessin magnifique de Clerisse. Chaque case est un ravissement et j'ai suivi avec un grand plaisir l'histoire de ce trio, Norman, Clarisse et Jay qui prennent vie au fil des pages, gagnent en épaisseur et rappellent l'élégance, la pétillance, la droiture morale des personnages des plus belles heures du cinéma hollywoodien.
Le fantastique n’est pas a priori mon genre préféré, et je suis souvent circonspect concernant son utilisation pour dynamiser une histoire. Mais ici j’ai trouvé l’intrigue suffisamment prenante pour que cette lecture soit plus que plaisante.
Lehman parvient à nous faire entrer dans son histoire facilement, à nous faire accepter peu à peu ces mystères, ce monde à la fois parallèle et ancien, autour d’un vieux Paris où seules quelques terres émergeaient. J’ai aussi accepté sans être frustré outre mesure que toutes les clés ne nous soient pas livrées, que certaines questions soient restées sans réponse.
Quant au dessin de De Caneva, il accompagne très bien le récit. Son travail en Noir et Blanc, avec diverses nuances de gris, m’a fait penser à celui de Tanabe sur ses adaptations de Lovecraft. Un univers qui a quelques accointances avec celui développé ici par Lehman, en moins noir et horrible.
Une lecture agréable.
Garigari, j'ai trouvé ça très bien et pourtant, je ne suis pas adepte des bds sans paroles en général.
J'ai déjà lu cet album deux fois, mais contrairement à ce que l'on pourrait penser, la lecture prend du temps tellement les cases sont belles et riches. Le découpage et les cadrages audacieux mettent en valeur la vélocité de notre guerrier héroïque et charismatique. Celui-ci doit, pour éviter un incident diplomatique qui menacerait la paix fragile entre deux clans, récupérer une flèche gardée jalousement par un féroce samouraï.
Ce récit d'aventures prenant, parfois gore, parfois drôle, mais visuellement toujours impressionnant, se déroule dans un japon médiéval peuplé de yokai, de guerriers redoutables et de seigneurs de guerre orgueilleux. Les décors sont superbes et les rebondissements nombreux, pas de temps mort dans ce récit qui reste dans l'ensemble très fluide malgré l'absence de textes, c'est dire la virtuosité de Micol pour parvenir à ce résultat saisissant.
Garigari est une réussite.
Cette série allie idéalement deux manières de s'attacher à son intégrité. Pour la tueuse, par la vengeance soit le moyen le plus universel de se réapproprier sa dignité… Pour le Japon, c'est plus compliqué : doit-il copier l'Occident ? Et on voit que cela va très loin dans le manga. Ou lui opposer la violence ? Même remarque. Extrême dans une société extrême, la tueuse tue, mais pas les innocents, ses sentiments et ses sens. Il est donc on ne peut plus logique qu'on la voit beaucoup faire l'amour. Et d'autant plus que croiser la mort amène un besoin accru d'aller vers la vie.
Le dessin sait retranscrire tout cela, et même donner de la classe à notre lady, ce qui n'est pas rien. La classe est une sorte de grâce bien difficile à saisir. Que ce manga pulvérise de loin Kill Bill !
Que chacun tente de saisir sa chance est bien naturel. Ici, une dame au teint clair veut éviter de passer pour noire afin d'exercer un rôle digne de ses capacités. Quoi de mal ? De même, un homosexuel peut se faire passer pour hétérosexuel pour réussir. Problème : dans le cas de la dame, elle risque d'attirer des ennuis à sa famille, mais est-ce sa faute ? C'est le pouvoir qui veut dissuader les gens de couleur de gravir les échelons, alors qu'il est opportun de passer pour Blanc. Doit-on être l'otage de sa famille ? En admettant que la question soit légitime, pourquoi le dénier pour les luttes collectives et non pour la promotion individuelle ?
On signale que pour couvrir son secret, ses sœurs ne doivent pas avoir d'enfant, mais quelle aurait été leur vie ? D'humiliés par les Blancs.. Il faut des générations pour que les préjugés diminuent. Cela n'aurait pas été agréable pour eux, et par contre-coup, pour leur mère. Si on dit que l'ambitieuse embarque sa famille dans son destin, c'est aussi ce que font les parents en encore plus décisif. Si le destin de miss Green est plus rare que d'être mère, il ne me semble pas plus discutable moralement. Plus inhabituel, c'est tout.
La BD aurait-elle tort de ne pas montrer la lutte collective des Noirs ? Non, pas plus qu'une histoire de lutte collective de faire l'impasse sur les gens réussissant par le masque. Par le Ciel ! Dans un blog où chacun peut prendre un pseudo pour défendre sa liberté et sa sécurité, comment critiquer une dame faisant de même dans un contexte mille fois plus critique !
Refusant de se laisser enfermer dans un destin trop petit pour elle, elle ne juge pas à son goût la lutte collective. Comme sa peau peut la faire passer pour une personne d'ascendance européenne méditerranéenne, elle en profite. Je la plaint d'avoir dû vivre dans un total contrôle de soi. J'en arrive au dessin ! Il rend très bien la vie prudente, on peut dire en apnée, de l'héroïne. Sa famille sait qui elle est mais n'approuve pas son rôle, les Blancs approuvent son rôle mais n'approuverait pas qui elle est, elle est d'une certaine façon, toujours rejetée. Mais elle s'accroche et nous permet d'avoir un point de vue exceptionnel, tant sur les Blancs que sur les Noirs.
Bravo !
La série impressionne par la précision de son récit et par la manière dont elle détourne l’attente d’une simple aventure maritime pour explorer une véritable dérive sociétale. Le scénario, extrêmement documenté, maîtrise parfaitement la montée en tension : la catastrophe initiale sert de déclencheur à une dynamique de pouvoir, de manipulation et d’effondrement moral. Les parallèles implicites avec d’autres tragédies historiques – notamment le radeau de La Méduse, où les plus vulnérables subissent la brutalité des puissants – donnent au récit une profondeur supplémentaire sans jamais quitter le cadre strictement narratif. L’ensemble attise constamment la curiosité grâce à la solidité des faits historiques mobilisés.
Le dessin, d’une grande précision, renforce l’immersion. Les ambiances, les visages et les corps sont rendus avec un réalisme qui incarne parfaitement chaque personnage. Cette exactitude graphique rend les scènes plus crédibles et accentue la dureté psychologique du récit. On “y est”, tant dans la tension des situations que dans la représentation sans fioritures de la marine de l'époque. Cette adéquation entre style graphique et matière narrative constitue un des points forts majeurs de l’ouvrage.
L’ensemble s’adresse clairement à un lectorat appréciant les récits historiques exigeants, les chroniques humaines extrêmes et les constructions scénaristiques très rigoureuses. La force documentaire, la densité thématique et la cohérence entre fond et forme en font une lecture marquante, même si son intensité peut dérouter les lecteurs cherchant un divertissement plus léger.
Cette relecture du mythe du Marsupilami s’impose comme une proposition mature, sombre et cohérente, bien distincte des approches classiques de la franchise. Le scénario, construit avec un sens affirmé du rythme, installe une tension constante sans basculer dans la démonstration. L’univers plus noir, presque naturaliste, donne au récit une densité émotionnelle réelle. Les évolutions des personnages sont traitées avec finesse : chacun progresse par petites touches, sans surenchère, ce qui rend leurs réactions crédibles et leur peine perceptible sans que le récit ne force l’émotion.
Graphiquement, l’album atteint une intensité rare. Le trait expressif de Frank Pé, ample et détaillé, parvient à véhiculer immédiatement les émotions des protagonistes comme celles de l’animal. Les ambiances sombres, la gestion des lumières et la mise en scène très physique des corps renforcent le ton dramatique du récit. L’ensemble crée une immersion forte où la beauté du dessin soutient le propos plutôt que de le surcharger.
La série peut séduire un public adulte appréciant les réinterprétations ambitieuses, les atmosphères denses et les récits émotionnels sans pathos. Les amateurs de travaux graphiques expressifs y trouveront également un grand intérêt. Ses principaux atouts résident dans la cohérence du ton, la qualité du dessin et la délicatesse apportée à la caractérisation. Les rares limites tiennent à la noirceur générale, qui pourra moins parler à ceux qui attendent un esprit plus aventureux ou léger.
Je viens de relire les 7 tomes de cette série, 18 ans après l’avoir découverte… 18 ans durant lesquels j’ai lu bon nombre de polars, sans jamais trouver mieux dans le genre.
Le duo Brubaker / Phillips nous propose une série dans la pure tradition des polars noirs américains. Des flics pourris, des trafiquants de drogue tarés, des fusillades… et au milieu de tout ça, des personnages attachants à la personnalité bien développée, comme on en voit rarement dans la BD franco-belge. Les intrigues sont prenantes, bien construites et parfaitement narrées, et varient suffisamment d’un tome à l’autre pour éviter la monotonie.
Après, c’est sûr, il faut se faire au dessin typé comics, ce n’est pas du Blacksad… je note d’ailleurs que les 2 seuls posteurs ayant mis 3/5 à ce jour ont eu un blocage à ce niveau-là, ce que je comprends tout à fait. Moi, je trouve le dessin super efficace, et parfait pour représenter la noirceur de l’univers de Crminal.
Une superbe série, sans doute la meilleure dans le genre « polar noir ». Je vous conseille aussi tous les spin-off – voir notre thème. Vivement la série télévisée !
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Revoir Comanche
Un album étrange. Qui peut éventuellement être lu sans connaître la série dont il se présente comme une suite et conclusion, plusieurs décennies après que nous ayons quitté le ranch 666. Même si connaître l’histoire d’origine, et surtout les liens qui unissaient les protagonistes, aide à mieux saisir certains passages. Surtout à mieux saisir l’aspect crépusculaire du récit. Un aspect crépusculaire revendiqué, qui saute aux yeux, déjà dans le dessin de Romain Renard, que j’ai trouvé ici très beau. J’ai juste été un temps gêné par un traitement différent pour les personnages (un trait réaliste classique) et pour certains décors (aux airs de photos retravaillées, probablement retraités à l’informatique), les personnages paraissant parfois ancrés artificiellement aux décors. Mais cette remarque est mineure, le rendu est franchement chouette. Et très sombre : la nuit beaucoup, les nuages de poussière du Dust Bowl. Et le récit lui-même. Un récit centré sur Red Dust, le vrai héros de la série d’origine, même si, une fois de plus, Comanche lui grille la politesse sur le titre. Un Red Dust vieillard, embarqué dans une fuite en avant par une jeune femme énigmatique, dans un retour vers le passé, vers le ranch où se trouverait Comanche. Quelques dialogues, la rencontre du Cheyenne Tache de Lune jouent à fond la nostalgie, le monde finissant (des vieux types jouant leur dernier tour avant de quitter la scène). Au cours du périple qui ramène Red au 666, vers une Comanche avec laquelle il n’a jamais eu qu’une relation platonique pleine de tensions, Renard développe quelques à-côtés historiques et sociaux : la misère des Amérindiens dans les réserves, le désespoir des fermiers ruinés par la crise de 1929 et les vent fous du Dust Bowl (voir la scène de la rencontre avec cette famille qui est prête à vendre son dernier enfant vivant pour quelques dollars…). Finalement la série d’origine aurait presque pu ne pas avoir existé (même si…). Et la fin au 666 est un peu trop « facile » et expédiée. Mais globalement la lecture est plaisante à lire, très agréable à regarder. Un récit qui joue essentiellement sur l’ambiance, l’atmosphère pour signer la fin d’un monde, celui de l’Ouest sauvage qu’emporte avec lui Red Dust. C’est aussi un hommage de Renard à Hermann : Red Dust affirme d’ailleurs en fin d’album que le nom de son père était Hermann…
Dans la tête de Sherlock Holmes
J’ai découvert Dans la tête de Sherlock Holmes grâce au coffret qui réunit les deux premiers tomes, accompagné des tickets en version physique. Rien que l’objet en lui-même m’a donné envie de me plonger dans l’univers : le coffret est beau, soigné, et les petits éléments supplémentaires renforcent vraiment l’immersion. Même sans encore avoir lu Le cauchemar du Loch Leathan, j’ai tout de suite senti que j’allais entrer dans un projet éditorial qui ne fait pas les choses à moitié. Dès les premières pages, j’ai compris que cette série n’avait rien d’une simple adaptation de Sherlock Holmes. Ce que j’ai adoré, c’est la manière dont les auteurs nous font littéralement entrer dans la tête du détective. Je n’ai pas seulement suivi une enquête ; j’ai eu l’impression de visualiser son raisonnement, ses associations d’idées, ses intuitions. Les pages se transforment en espace mental, et j’ai trouvé ça à la fois original, intelligent et terriblement immersif. Graphiquement, j’ai été bluffé. Les planches sont inventives, parfois foisonnantes, parfois presque labyrinthiques, mais toujours cohérentes avec l’idée de nous montrer le fonctionnement interne de Sherlock. J’aime les BD qui essaient de nouvelles choses, et ici, chaque détail compte. J’ai passé du temps à observer les cases, à revenir en arrière, à apprécier les trouvailles visuelles. On sent un vrai travail artistique derrière chaque page, et ça m’a accroché du début à la fin. Si je mets 4/5 au lieu de 5/5, c’est parce que parfois, justement, la lecture demande beaucoup d’attention. Ce n’est pas une BD que l’on feuillette distraitement. Certaines pages sont tellement riches que j’ai dû m’arrêter plusieurs fois pour être sûr de ne rien manquer. Ça m’a plu, mais je peux comprendre que ça puisse freiner certains lecteurs. Et même si l’enquête est bien menée, ce n’est pas la partie qui m’a le plus marqué : ce sont vraiment l’ambiance, la créativité et la plongée dans le mental de Sherlock qui font la force de ce diptyque. Au final, j’ai passé un excellent moment. Ce coffret m’a permis de découvrir une BD à la fois élégante, inventive et intelligente, qui se distingue des autres adaptations du personnage. Je suis vraiment content de m’y être intéressé, et je recommande sans hésiter
Moonlight Express
Quelle belle histoire, que ce Moonlight express ! J'ai acquis cet album avec un ex-libris qui me fera désormais entendre les notes du Clair de lune de Larry Adler à chaque fois que mes yeux se poseront sur cette villa au bord de la plage. Image judicieuse qui illustre parfaitement cette romance mâtinée de polar : un homme un peu gauche, dont la raideur trahit le passé militaire, semble hésiter, un bouquet à la main. Une petite silhouette sur le balcon, d'un geste amical, l'invite à renouer les fils du passé et prolonger l'histoire qui s'était brutalement interrompue un soir d'hiver dans un Berlin plongé en pleine guerre froide. Si ce n'est pas encore fait, je vous recommande de découvrir cette bd très cinématographique qui a la grâce et le charme des films des années 50. J'avais beaucoup aimé Diabolik du même duo, je ressors enchanté de ma lecture de Moonlight, les pistes audio sont un vrai plus et accompagnent parfaitement le dessin magnifique de Clerisse. Chaque case est un ravissement et j'ai suivi avec un grand plaisir l'histoire de ce trio, Norman, Clarisse et Jay qui prennent vie au fil des pages, gagnent en épaisseur et rappellent l'élégance, la pétillance, la droiture morale des personnages des plus belles heures du cinéma hollywoodien.
Les Navigateurs
Le fantastique n’est pas a priori mon genre préféré, et je suis souvent circonspect concernant son utilisation pour dynamiser une histoire. Mais ici j’ai trouvé l’intrigue suffisamment prenante pour que cette lecture soit plus que plaisante. Lehman parvient à nous faire entrer dans son histoire facilement, à nous faire accepter peu à peu ces mystères, ce monde à la fois parallèle et ancien, autour d’un vieux Paris où seules quelques terres émergeaient. J’ai aussi accepté sans être frustré outre mesure que toutes les clés ne nous soient pas livrées, que certaines questions soient restées sans réponse. Quant au dessin de De Caneva, il accompagne très bien le récit. Son travail en Noir et Blanc, avec diverses nuances de gris, m’a fait penser à celui de Tanabe sur ses adaptations de Lovecraft. Un univers qui a quelques accointances avec celui développé ici par Lehman, en moins noir et horrible. Une lecture agréable.
Garigari
Garigari, j'ai trouvé ça très bien et pourtant, je ne suis pas adepte des bds sans paroles en général. J'ai déjà lu cet album deux fois, mais contrairement à ce que l'on pourrait penser, la lecture prend du temps tellement les cases sont belles et riches. Le découpage et les cadrages audacieux mettent en valeur la vélocité de notre guerrier héroïque et charismatique. Celui-ci doit, pour éviter un incident diplomatique qui menacerait la paix fragile entre deux clans, récupérer une flèche gardée jalousement par un féroce samouraï. Ce récit d'aventures prenant, parfois gore, parfois drôle, mais visuellement toujours impressionnant, se déroule dans un japon médiéval peuplé de yokai, de guerriers redoutables et de seigneurs de guerre orgueilleux. Les décors sont superbes et les rebondissements nombreux, pas de temps mort dans ce récit qui reste dans l'ensemble très fluide malgré l'absence de textes, c'est dire la virtuosité de Micol pour parvenir à ce résultat saisissant. Garigari est une réussite.
Lady SnowBlood
Cette série allie idéalement deux manières de s'attacher à son intégrité. Pour la tueuse, par la vengeance soit le moyen le plus universel de se réapproprier sa dignité… Pour le Japon, c'est plus compliqué : doit-il copier l'Occident ? Et on voit que cela va très loin dans le manga. Ou lui opposer la violence ? Même remarque. Extrême dans une société extrême, la tueuse tue, mais pas les innocents, ses sentiments et ses sens. Il est donc on ne peut plus logique qu'on la voit beaucoup faire l'amour. Et d'autant plus que croiser la mort amène un besoin accru d'aller vers la vie. Le dessin sait retranscrire tout cela, et même donner de la classe à notre lady, ce qui n'est pas rien. La classe est une sorte de grâce bien difficile à saisir. Que ce manga pulvérise de loin Kill Bill !
Le Secret de Miss Greene
Que chacun tente de saisir sa chance est bien naturel. Ici, une dame au teint clair veut éviter de passer pour noire afin d'exercer un rôle digne de ses capacités. Quoi de mal ? De même, un homosexuel peut se faire passer pour hétérosexuel pour réussir. Problème : dans le cas de la dame, elle risque d'attirer des ennuis à sa famille, mais est-ce sa faute ? C'est le pouvoir qui veut dissuader les gens de couleur de gravir les échelons, alors qu'il est opportun de passer pour Blanc. Doit-on être l'otage de sa famille ? En admettant que la question soit légitime, pourquoi le dénier pour les luttes collectives et non pour la promotion individuelle ? On signale que pour couvrir son secret, ses sœurs ne doivent pas avoir d'enfant, mais quelle aurait été leur vie ? D'humiliés par les Blancs.. Il faut des générations pour que les préjugés diminuent. Cela n'aurait pas été agréable pour eux, et par contre-coup, pour leur mère. Si on dit que l'ambitieuse embarque sa famille dans son destin, c'est aussi ce que font les parents en encore plus décisif. Si le destin de miss Green est plus rare que d'être mère, il ne me semble pas plus discutable moralement. Plus inhabituel, c'est tout. La BD aurait-elle tort de ne pas montrer la lutte collective des Noirs ? Non, pas plus qu'une histoire de lutte collective de faire l'impasse sur les gens réussissant par le masque. Par le Ciel ! Dans un blog où chacun peut prendre un pseudo pour défendre sa liberté et sa sécurité, comment critiquer une dame faisant de même dans un contexte mille fois plus critique ! Refusant de se laisser enfermer dans un destin trop petit pour elle, elle ne juge pas à son goût la lutte collective. Comme sa peau peut la faire passer pour une personne d'ascendance européenne méditerranéenne, elle en profite. Je la plaint d'avoir dû vivre dans un total contrôle de soi. J'en arrive au dessin ! Il rend très bien la vie prudente, on peut dire en apnée, de l'héroïne. Sa famille sait qui elle est mais n'approuve pas son rôle, les Blancs approuvent son rôle mais n'approuverait pas qui elle est, elle est d'une certaine façon, toujours rejetée. Mais elle s'accroche et nous permet d'avoir un point de vue exceptionnel, tant sur les Blancs que sur les Noirs. Bravo !
1629 ou l'effrayante histoire des naufragés du Jakarta
La série impressionne par la précision de son récit et par la manière dont elle détourne l’attente d’une simple aventure maritime pour explorer une véritable dérive sociétale. Le scénario, extrêmement documenté, maîtrise parfaitement la montée en tension : la catastrophe initiale sert de déclencheur à une dynamique de pouvoir, de manipulation et d’effondrement moral. Les parallèles implicites avec d’autres tragédies historiques – notamment le radeau de La Méduse, où les plus vulnérables subissent la brutalité des puissants – donnent au récit une profondeur supplémentaire sans jamais quitter le cadre strictement narratif. L’ensemble attise constamment la curiosité grâce à la solidité des faits historiques mobilisés. Le dessin, d’une grande précision, renforce l’immersion. Les ambiances, les visages et les corps sont rendus avec un réalisme qui incarne parfaitement chaque personnage. Cette exactitude graphique rend les scènes plus crédibles et accentue la dureté psychologique du récit. On “y est”, tant dans la tension des situations que dans la représentation sans fioritures de la marine de l'époque. Cette adéquation entre style graphique et matière narrative constitue un des points forts majeurs de l’ouvrage. L’ensemble s’adresse clairement à un lectorat appréciant les récits historiques exigeants, les chroniques humaines extrêmes et les constructions scénaristiques très rigoureuses. La force documentaire, la densité thématique et la cohérence entre fond et forme en font une lecture marquante, même si son intensité peut dérouter les lecteurs cherchant un divertissement plus léger.
Le Marsupilami de Frank Pé et Zidrou - La Bête
Cette relecture du mythe du Marsupilami s’impose comme une proposition mature, sombre et cohérente, bien distincte des approches classiques de la franchise. Le scénario, construit avec un sens affirmé du rythme, installe une tension constante sans basculer dans la démonstration. L’univers plus noir, presque naturaliste, donne au récit une densité émotionnelle réelle. Les évolutions des personnages sont traitées avec finesse : chacun progresse par petites touches, sans surenchère, ce qui rend leurs réactions crédibles et leur peine perceptible sans que le récit ne force l’émotion. Graphiquement, l’album atteint une intensité rare. Le trait expressif de Frank Pé, ample et détaillé, parvient à véhiculer immédiatement les émotions des protagonistes comme celles de l’animal. Les ambiances sombres, la gestion des lumières et la mise en scène très physique des corps renforcent le ton dramatique du récit. L’ensemble crée une immersion forte où la beauté du dessin soutient le propos plutôt que de le surcharger. La série peut séduire un public adulte appréciant les réinterprétations ambitieuses, les atmosphères denses et les récits émotionnels sans pathos. Les amateurs de travaux graphiques expressifs y trouveront également un grand intérêt. Ses principaux atouts résident dans la cohérence du ton, la qualité du dessin et la délicatesse apportée à la caractérisation. Les rares limites tiennent à la noirceur générale, qui pourra moins parler à ceux qui attendent un esprit plus aventureux ou léger.
Criminal
Je viens de relire les 7 tomes de cette série, 18 ans après l’avoir découverte… 18 ans durant lesquels j’ai lu bon nombre de polars, sans jamais trouver mieux dans le genre. Le duo Brubaker / Phillips nous propose une série dans la pure tradition des polars noirs américains. Des flics pourris, des trafiquants de drogue tarés, des fusillades… et au milieu de tout ça, des personnages attachants à la personnalité bien développée, comme on en voit rarement dans la BD franco-belge. Les intrigues sont prenantes, bien construites et parfaitement narrées, et varient suffisamment d’un tome à l’autre pour éviter la monotonie. Après, c’est sûr, il faut se faire au dessin typé comics, ce n’est pas du Blacksad… je note d’ailleurs que les 2 seuls posteurs ayant mis 3/5 à ce jour ont eu un blocage à ce niveau-là, ce que je comprends tout à fait. Moi, je trouve le dessin super efficace, et parfait pour représenter la noirceur de l’univers de Crminal. Une superbe série, sans doute la meilleure dans le genre « polar noir ». Je vous conseille aussi tous les spin-off – voir notre thème. Vivement la série télévisée !