Entre quelques rares moments très violents (les massacres de soldats « coloniaux – Noirs donc – par des soldats allemands), le premier tome nous fait entrer de plain-pied dans une guerre et une occupation presque bon enfant, avec des soldats allemands éloignés des SS tortionnaires, des prisonniers de guerre presque en semi-liberté au milieu de la population bretonne (le « Stalag » est ici franchement peu contraignant !). D’autres facilités encore, certaines pointées par bamiléké.
Si je comprends que cela puisse surprendre et/ou énerver, je pense qu’il ne s’agit pas ici de faire une série totalement réaliste et véridique. Je suis prêt à accepter certaines distances prises avec la réalité par Kris, pour développer son récit, avec un côté sans doute bien plus sucré et gentil que la réalité (et le dessin de Fournier, lui aussi tout en rondeurs, ne fait qu’accentuer cet état d’esprit), mais en tout cas l’histoire se laisse lire plaisamment.
En effet, si certains aspects peuvent paraître édulcorés (la France pétainiste est quasi absente – seul le retour du fils haineux l’incarne, les soldats et officiers allemands sont loin d’être des salauds), l’histoire nous amène quand même à une certaine noirceur. D’abord parce que Kris évite le happy end que je voyais poindre un moment. Ensuite parce qu’il dénonce clairement le scandaleux et hypocrite traitement infligé par la France aux anciens combattants africains – jusqu’aux massacres de ceux qui réclamaient un égal traitement (financier autant que moral) avec les Français de souche.
Un diptyque agréable à lire, et finalement plus noir qu’on pourrait le penser.
Note réelle 3,5/5.
La Flandre va proclamer unilatéralement son indépendance.
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Cet ouvrage présente des fragments de vie de chacun des sept rois des Belges. Son édition originale date de 2025. Il a été réalisé par Jean-Philippe Thivet & Arnaud de la Croix pour le scénario, par Vicente Cifuentes pour les dessins, par Davide De La Cal pour les couleurs. Il compte cinquante-cinq pages de bande dessinée. Il se divise en sept chapitres, chacun consacré à un roi différent, par ordre chronologique, chacun s’ouvrant avec un portrait dessiné, et se terminant avec un texte de deux pages, illustré de photographies sur des points remarquables de chaque règne. Il se termine avec une page hybride, bande dessiné et texte, consacrée à Élisabeth de Saxe-Cobourg et Gotha.
Léopold 1er, le mercato des princes – Cette histoire commence au moment où Napoléon abat ses dernières cartes. L’Empereur, qui a mis l’Europe à feu et à sang, a dressé contre lui une puissante coalition d’alliés britanniques, allemands, néerlandais et prussiens. Aux portes de Bruxelles, il va jouer son va-tout. À Paris en 1808, il a croisé Léopold de Saxe-Cobourg-Saalfeld, prince désargenté, né en 1790, qui servait dans les rangs du tsar de Russie. Napoléon dira que : S’il se souvient bien, c’est le plus beau jeune homme qu’il ait pu voir aux Tuileries. Juin 1815, tandis que Napoléon s’est lancé dans une ultime campagne, les envoyés des grandes puissances se sont réunis à Vienne. Klemens Wenzel von Metternich annonce que l’ogre n’en a plus pour longtemps : il a été écrasé à Waterloo, non loin de Bruxelles. Un autre officiel intervient pour dire qu’il s’agit d’une bonne nouvelle, et qu’il faut décider de l’après. Le premier orateur reprend la parole pour dire que la solution est toute trouvée : exiler l’empereur déchu au loin, et confier au roi des Pays-Bas dont le fils s’est battu à Waterloo, la gestion d’un état tampon entre la France et ses voisins. Il reste à choisir qui en sera le roi.
Léopold II, le roi secret. Le 16 décembre 1865, le cortège funèbre qui conduit Léopold 1er à sa dernière demeure est suivi par une foule compacte. Les fils du roi suivent en carrosse. L’aîné Léopold a trente ans. Il mesure 1,90m. L’héritier du trône se souvient que son père l’appelait le sournois, il le surnommait le renard… et s’il avait raison ? Le lendemain Léopold II prête serment : il jure d’observer la constitution et les lois du peuple belge. Enfant, il passait les vacances d’été à Ostende. Une fois couronné, il y déambule sur la plage, considérant que le voilà roi d’un pays minuscule… mais après tout, un pays n’est jamais petit quand il est baigné par la mer. Il décide que sur le modèle de Nice ou de Biarritz, il fera de cette plage la reine des plages. Il tiendra parole… lorsqu’il se sera considérablement enrichi. À Bruxelles coule la Senne. Au moyen-âge, la cité est née de la rivière, qui alimente moulins et industries. Mais en 1866, c’est un égout à ciel ouvert. Une épidémie de choléra tue 3.647 Bruxellois ! Chirurgien du roi, Louis Deroubaix remet son rapport sur la situation : il est urgent d’assainir la ville. Dès l’année suivante, on entreprend de voûter la Senne. Le roi va encourager de nombreux autres chantiers dans la capitale.
Pour un novice en la matière, il peut être intimidant de s’intéresser à l’histoire séculaire de la royauté dans un pays, au vu de la longue chronologie à affronter, des différentes branches qui s’entrecroisent, et s’entredéchirent au gré de complexes unions. Au début du XXIe siècle, il existe six monarchies en Europe : au Danemark, en Espagne, au Luxembourg, au Pays-Bas, en Suède et en Belgique. Pour cette dernière comme le montre la couverture, la lignée compte sept monarques, ce qui la rend très accessible aux néophytes. Le lecteur découvre donc un chapitre pour chacun des sept rois, de neuf pages pour les cinq premiers, et de cinq pages pour les deux derniers. Il s’agit donc d’un ouvrage de vulgarisation, à destination de novices en la matière. Par exemple un lecteur qui ne saurait pas identifier le monument figurant sur la couverture (réponse : il s’agit des Arcades du Cinquantenaire, érigé à l’initiative du roi Léopold II, à l’occasion du cinquantième anniversaire de l’indépendance de la Belgique, sa construction a commencé en janvier pour s’achever en septembre 1905). Le lecteur peut également évaluer l’intérêt de cette lecture pour lui en consultant la page d’ouverture d’un roi dont il a déjà entendu parler, pour se faire une idée de la nature du développement, par exemple pour Léopold II : Roi bâtisseur pour les uns, Roi massacreur pour les autres, il va marquer durablement le pays et demeure un personnage controversé.
Les auteurs ont confié la narration visuelle de chaque chapitre au même artiste, afin d’établir une continuité d’un roi au suivant. De fait, le dessinateur a fort à faire puisqu’il doit assurer une reconstitution visuelle historique depuis 1808 jusqu’à l’époque contemporaine. Le lecteur découvre des dessins propres sur eux : tracés de contour bien nets, dessins dans un registre descriptif et réaliste, nombre de cases variant de quatre à sept, cases majoritairement sagement disposées en bande, et bien sûr une attention particulière portée à la ressemblance des rois successifs. Le lecteur apprécie immédiatement l’équilibre de chaque page : la qualité de la reconstitution historique, le soin apporté aux détails. Cela commence avec la décoration intérieure de ce grand salon à Vienne au début du XIXème siècle et son ameublement, la tenue vestimentaire de chaque officiel présent, jusqu’à leur épée d’apparat, et les motifs de la tapisserie au mur. Le lecteur peut ainsi suivre l’évolution de la mode vestimentaire d’un chapitre à l’autre, et aussi celle des modes de déplacement, de l’urbanisme de Bruxelles, ou encore des moyens de communication, attestant du degré de rigueur du travail de recherches effectué.
Le lecteur se rend compte que l’artiste sait doser la densité d’informations visuelles sur chaque page pour éviter de produire une sensation d’étouffement, en intercalant des cases de discussions, ou plus aérées. Il se trouve également vite impressionné par l’effet d’intégrer des variations de tableaux célèbres, d’images d’archive ou de photographies. C’est une évidence en ce qui concerne tous les bâtiments, et c’est ce qui est attendu : le château de Laeken, la place royale de Bruxelles, les galeries royales d’Ostende, la gare royale de Laeken, la plage de Knokke-le-Zoute, le grand magasin L’Innovation, l’université de Gand, le Berhof à Obersalzberg dans les Alpes bavaroises, et d’autres paysages naturels, en particulier pour une escalade sur les rochers de Marche-les-Dames, dans la vallée de la Meuse, près de Namur. Incidemment, le lecteur se rend également compte que le dessinateur varie les mises en page avec discrétion et efficacité : cases de la largeur de la page, disposition en drapeau avec une case de la hauteur de la page et les autres comme y étant accrochées les unes en dessous des autres, cases en insert comme des cartes postales posées sur un fond qui est une carte géographique, une illustration panoramique de paysage de montagne sur une double page avec des cases en inserts par-dessus, cases aux bords arrondis pour un écran de télévision, etc.
De manière plus inattendue, les scénaristes jouent également avec la structure de plusieurs chapitres. Le premier respecte un ordre chronologique et une exposition explicative pour établir le début de l’existence du royaume de Belgique comme état indépendant, et les aléas menant au choix définitif de son premier souverain. Le second passe d’une grande réalisation à une autre pour établir comment Léopold II peut être à la fois un roi bâtisseur et un roi massacreur. Initialement, le troisième déroute car il se déroule dans l’ordre inverse à la chronologie, c’est-à-dire des titres de l’annonce du décès d’Albert Ier en remontant le temps jusqu’à sa première ascension. Le quatrième débute par la découverte en Égypte dans la vallée des Rois de la tombe intacte, d’un pharaon, et le suivant débute par un assassinat à bout portant. Le sixième débute par une (mémorable) fiction dans la fiction. Conscient des limites découlant de la pagination, les auteurs ont choisi de les tourner à leur avantage en se focalisant sur certains aspects de chaque règne, plutôt que de tout survoler, ou de provoquer une surcharge informative avec des pavés de texte indigestes, mangeant les images. Le lecteur apprécie de lire une vraie bande dessinée, plutôt qu’une suite d’articles encyclopédiques vaguement illustrés par des images redondantes. Restant un peu sur sa faim, il goûte d’autant mieux aux deux pages qui viennent compléter chaque chapitre, développant certains aspects de la royauté, des lieux, ou des personnages clé de chaque règne.
Bien sûr, le lecteur peut se montrer critique des choix opérés par les auteurs, et en particulier de ce qu’ils ont laissé de côté : la conception de la Constitution de la Belgique, la réalité de l’exploitation du Congo belge et de sa population, Blanche Delacroix évoquée en une case, les accomplissements politiques d’Albert Ier, l’opposition entre les partisans du retour de Léopold III et les opposants, l’absence de chapitre consacré à la régence de Charles Théodore Antoine Meinrad (1903-1983), les quatre cases consacrés à un assassinat dont la victime n’est même pas nommée (Julien Lahaut, 1884-1950), etc. Dans le même temps, il découvre de nombreuses mentions d’événements s’étant inscrit dans la mémoire culturelle belge, comme l’incendie du grand magasin L’Innovation. Chaque chapitre atteint son but : initier la curiosité du lecteur qui le termine avec l’envie d’en apprendre plus.
Un ouvrage d’initiation à la royauté belge en passant en revue les sept rois des Belges. Une vraie bande dessinée didactique, sans être encyclopédique, avec une narration visuelle impeccable et agréable. Une approche diversifiée, adaptée à la personnalité de chaque roi, avec des surprises dans la structure de certains chapitres. Une lecture très agréable, enrichissante, accessible, divertissante et instructive. Une grande réussite.
Je suis plutôt client de Mathieu Sapin et c'est son nom qui a attiré mon regard sur cet album au rayon jeunesse. Je ne connaissais pas le roman de Pennac dont c'est adapté et avec sa participation active comme souligné dans le dossier en fin d'ouvrage. Une oeuvre de 1984 soit 40 ans passés et déjà très affutée sur les relations entre le monde animal et l'humain qui le détruit à une époque où on parlait beaucoup moins d'écologie. C'est un regard croisé entre un loup enfermé dans un zoo et un enfant qui le fixe à travers les grilles. On vit alors l'histoire du loup bleu et comment il est arrivé là alors qu'il vivait tranquillement dans sa meute, puis on a l'histoire de l'enfant africain. Celui-ci est malin et arrive sans parler et par son simple regard à baisser la garde du loup qui a été blessé à un oeil. Bien vu.
J'ai découvert il y a peu qu'il y avait eu une hype sur ce titre ici-même. J'avoue que c'est fort drôle, a fortiori si on a connu les années 1990 et qu'en plus on a un travail de bureau. Le summum serait de disposer d'une broyeuse à papier et c'est une vérité qu'il en existe plusieurs types, tout un art la réduction en confettis. Mais on imprime moins de nos jours, on a moins de trucs à broyer. On a donc un bouquin épais au format à l'italienne et au titre improbable. On se prend au jeu de l'enquête labyrinthique de Jean Doux et ses acolytes autour de cette valise trouvée dans le faux plafond. J'ai eu peur de la lassitude vu le nombre de pages mais pas du tout, pour autant pas certain que j'y aurai mis 30 balles. Bien joué (Jean) Philippe Valette.
C'est un album de Tronchet qui m'a bien plu, pourtant je ne suis pas un inconditionnel de cet auteur et son humour. Il faut dire qu'ici il ne met pas en scène des personnages à l'humour parfois douteux mais sa propre famille partie vivre plusieurs années à Quito. C'est une ville incroyable dans les montagnes où les gens n'ont pas la même philosophie de vie et une des plus hautes capitales du monde. Sa femme parle le quechua et semble une sacrée baroudeuse. Il raconte plusieurs anecdotes un peu à la manière de Guy Delisle il est vrai mais son style de dessin est beaucoup plus coloré. Un 4/5 un poquito surnoté par rapport à mon réel ressenti.
Un jeune extraterrestre issu d'une civilisation très avancée se révèle pourtant totalement nul en astrophysique. À tel point qu'il devient le premier de son espèce à rater un examen élémentaire et se retrouve, par la même occasion, perdu sur Terre, où il va rencontrer deux jeunes humains. Heureusement pour lui, ces derniers sont au contraire très calés en matière d'étoiles et de mécanique de l'univers. Ce sont donc eux qui vont lui apprendre ce qu'il ignore, tout en profitant de sa navette pour voyager à travers différents lieux de l'espace-temps.
Les Explorateurs de l'univers est une BD documentaire qui s'articule habilement autour d'une petite aventure servant de prétexte à des échanges et à des découvertes entre humains et extraterrestre. Le sujet abordé est l'astrophysique, sous la houlette de son scénariste Christophe Galfard, lui-même astrophysicien et écrivain.
Passionné par l'espace depuis toujours, je lisais déjà de nombreux ouvrages sur le sujet quand j'étais enfant. Cette publication m'a fait réaliser à quel point l'astronomie et l'astrophysique ont évolué depuis ma jeunesse, il y a une quarantaine d'années. Outre des concepts physiques nouveaux, ou du moins absents de mes lectures enfantines, l'album intègre des découvertes récentes ainsi que des photographies spectaculaires issues des satellites Hubble, James Webb ou encore Euclid. En plus des superbes images de nébuleuses et autres objets de Herbig-Haro, on trouve plusieurs clichés d'étoiles en cours de formation ou de trous noirs qui n'existaient tout simplement pas il y a encore quelques années. De la même manière, les classifications des objets stellaires selon leur masse et leur devenir diffèrent de celles que je connaissais enfant, notamment concernant la nature des naines blanches, que je redécouvre ici. Sans même parler de tout ce qui touche à la matière noire dans le second tome, un sujet dont on ne parlait pas du tout "de mon temps".
Même en tant que lecteur adulte déjà bien informé, j'ai énormément apprécié ce que cette série m'a permis de découvrir, de redécouvrir ou tout simplement d'admirer.
L'ensemble est bien vulgarisé sans tomber dans l'excès de simplification. Certains passages restent toutefois exigeants, quel que soit l'âge du lecteur : il ne faut pas s'attendre à ce qu'un enfant de dix ans comprenne tout du premier coup. Mais à cet âge-là, je lisais Anselme Lanturlu, une série parfois bien plus complexe encore (et je n'ai jamais prétendu tout y comprendre, seulement la trouver passionnante).
La mise en scène est très agréable, portée par le dessin de Fanny Antigny, dans une veine manga enfantine à la fois sympathique et efficace. Les personnages sont attachants, leurs dialogues vivants, et l'ensemble évite habilement l'écueil rébarbatif du pur documentaire.
Je l'ai déjà mentionné, mais les photographies d'astronomie généreusement intégrées au fil des pages sont magnifiques, parfois même époustouflantes lorsqu'on prend conscience de ce que l'on observe réellement. Je soulignerai aussi la représentation 3D d'un trou noir galactique en fin de premier tome, encore plus impressionnante que celui d'Interstellar. En revanche, les auteurs ont eu l'idée de glisser dans presque chacune de ces grandes photos, sous forme de petit jeu, des dessins de "pandableus" à retrouver dans ces grandes images. Pour ma part, je n'en ai pas repéré un seul, ou du moins je crois. J'ai l'impression qu'ils sont ressortis trop petits ou trop discrets à l'impression, malgré le format relativement généreux des albums, et qu'ils se confondent trop facilement avec les innombrables étoiles visibles sur ces clichés. Une légère frustration, au point que j'aurais presque préféré ne pas perdre de temps à les chercher en vain.
Quoi qu'il en soit, j'ai beaucoup aimé cette série documentaire consacrée à l'espace, même si cet enthousiasme est sans doute renforcé par mon intérêt ancien et profond pour le sujet.
Ayant apprécié le très bon Quartier lointain, je poursuis ma découverte de l'œuvre de Jiro Taniguchi avec "Le Journal de mon père"
Ici le mangaka nous propose une plongée dans les souvenirs d'enfance d'un homme qui, au décès de son père, s'interroge sur sa relation avec ce dernier.
Ce voyage introspectif est lent, très lent, Jiro Taniguchi nous laisse le temps de la réflexion. Cette lenteur peut se révéler par moment pesante. Pourtant je la trouve bienvenue. Elle nous permet de "comprendre" quelque peu le héros, enfant meurtri par le départ de sa mère, fuyant le poids des traditions dans ce Japon d'après guerre.
Cette relation distendue entre le père et le fils a eu chez moi une résonnance très particulière.
Elle a remué des choses enfouies depuis un petit moment maintenant. Mais avec beaucoup de subtilités, sans auto-flagellation.
Graphiquement c'est très beau, les traits sont fins et même si les personnages ont tendance à se ressembler (en même temps ils sont de la même famille) on arrive quand même à les distinguer. Les décors sont vraiment soignés. Bref un vrai travail d'artiste.
Un ouvrage très intimiste, qui compte tenu de mon vécu aura su emporter mon adhésion.
Décidément Jiro Taniguchi sait me parler.
Quelle merveille que d'être ému aux larmes en finissant une BD. Et pourtant je dois dire que ce qui m'a marquée à la lecture, c'est ce sentiment de tristesse qui imprégnait une fin pourtant belle et presque heureuse. Est-ce parce que je suis plus sensible en ce moment ou parce qu'elle a su capter quelque chose qui m'a touchée particulièrement ? Je dirais surtout la seconde option, mais disons que les deux ne sont pas incompatibles.
Cette BD ne passe pas inaperçu depuis sa sortie, j'ai l'impression, et je me joins au concert de louanges. Déjà parce que l'autrice, Dano Sixtine, est ajoutée à ma liste de celle que je suivrais à l'avenir. Au-delà du récit, son trait est une des grandes découvertes de la BD. En finesse, jamais racoleur ou voyeur, subtil et pourtant précis, il est un régal visuel. J'ai été conquis presque à la couverture, mais en lisant la suite du récit j'étais convaincu. Elle arrive à rendre tangible beaucoup beaucoup de choses dont elle parle textuellement dans la BD, faisant des rappels visuels qui servent le propos. Un vrai travail de composition visuel, donc, un travail d'autrice de BD. Le tout est servi par un noir et blanc aux traits fins qui permets de jouer très vite sur l'émotion, sur l'indicible. C'est un trait sensible, plein de pudeur malgré son sujet.
Je dis pudeur car au-delà du voyeurisme qu'on imaginerait à voir de l'intérieur ce métier d'escort-girl, la BD n'est jamais construite sur un regard lubrique. Je ne sais pas à quel point le fait que ce soit une femme qui l'ait écrit joue dans le résultat, mais il est bien là. La BD est bien pudique, ne dévoilant pas tout de son héroïne, Sibylline, qui restera une femme dont nous serons qu'observateur. Que pense-t-elle, que vit-elle, qu'espère-t-elle ? Nous n'en saurons que l'essentiel, le récit n'étant pas là pour faire des états d'âme ou creuser un personnage. Il est là pour montrer une situation.
Et cette situation, c'est la violence d'un monde envers les femmes. Cette violence parsème le récit, d'une affiche de métro sexualisant leurs corps à des insultes dans la nuit, un rôdeur qui te suit quand tu rentres et des types qui profitent de toi parce qu'ils veulent tirer leurs coups. Et puis vient l'idée de faire escort-girl. Cette idée arrive tardivement dans le récit, après une lente construction de ce monde hostile, violent. L'escorting n'est pas tant traité que ça, ici. Ce que nous voyons, c'est une jeunesse qui veut étudier, qui rêve d'avenir (si elle l'espère encore) et a qui on ne donne pas les moyens d'y parvenir facilement. Un monde de riches et de pauvres, de fins de mois difficiles et d'étude chères, de sexisme ordinaires et de regard sur le corps des femmes constant. Comme d'autres BD (Le Dernier été de mon innocence, Tout est possible mais rien n'est sûr notamment) c'est un regard posé sur notre monde, un regard qui en souligne les pires travers. Encore une fois, je me dis que j'ai la chance inouïe d'être né homme, même si cette pensée est horrible.
Pour finir, je voudrais juste évoquer cette tristesse que j'ai dis ressentir à la lecture. Cette tristesse n'est pas spécifiquement liée au ton de la BD, qui n'est pas dans un ton précis, laissant le lecteur choisir la lecture qu'il en fera. Mais j'ai ressenti une tristesse infinie à la lecture de la conclusion, lorsque deux femmes que nous avons suivi tout au long du récit parlent d'avenir. Et elles s'imaginent partir au fond des bois, bâtir une cabane et vivre en paix. Si elle peut sembler mignonne, utopiste ou légère, je me suis surtout dit que si notre monde est si moche que deux jeunes femmes imaginent comme fin heureuse de s'en éloigner pour vivre loin de lui, il doit être sacrément pourri. C'est cette pensée qui prédomine après la lecture, mais je sais qu'une relecture reviendra bien vite. Et peut-être que j'en tirerais autre chose, comme c'est le cas des œuvres marquantes.
Un nouvel album de David B. à l'Association. Bien sûr que je prends et cet ouvrage est massif avec 250 pages d'un dessin noir et blanc somptueux. On a certaines pleines planches empilant les détails, les personnes ou encore les maisons, car elles meurent aussi, dans un subtil agencement d'une minutie incroyable. Au niveau de l'histoire cela se passe essentiellement au pays des Morts.
L'héroïne est une jeune femme dotée d'une ombre étrange. Elle franchit l'inframonde dans une sorte de ville de Paris inversée avec ses cafés et ses gargottes grâce à Monsieur Chouette, un étrange personnage. Un animal psychopompe qui permet de faire ce voyage interdit et guide la jeune femme pour qu'elle ne se fasse pas repérer par Cerbère. Car ce gardien des enfers flaire les vivants qui oseraient s'égarer parmi les morts.
Je mettrai un bémol sur le fait que l'histoire est un peu longue et pourrait lasser. La femme vit différentes aventures toujours poursuivie par Cerbère, il y a une grosse part de rêverie mais cet autre monde a sa cohérence, il faut se laisser porter.
Un auteur est né ! La dame a un style épuré qui pourtant ne manque pas de chair, que ce soit dans le récit ou dans le coup de trait ! Le faux coupable et le flic fatigué me plaisent bien dans leur relation à la fois distante et filiale. L'auteur sait montrer le ciel, le métro, l'appartement, des visages fins, surtout celui du jeune héros, d'une manière différente, les fait redécouvrir. Les deux personnages principaux ne sont pas des Blancs sans que pour autant on se focalise sur cette caractéristique : bien trop pris par l'intrigue pour en faire plus de cas que par le vide qui règne toujours plus ou moins dans les cases. Solitudes des personnages, esthétique, philosophie bouddhique ? En tout cas, il intrigue, plus prenant que la ville et presque que l'intrigue… Des traits si purs et un vide qui n'étouffe pas mais qui oscille entre écrin de solitude et respiration sont rares.
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Les Rois des Belges
La Flandre va proclamer unilatéralement son indépendance. - Cet ouvrage présente des fragments de vie de chacun des sept rois des Belges. Son édition originale date de 2025. Il a été réalisé par Jean-Philippe Thivet & Arnaud de la Croix pour le scénario, par Vicente Cifuentes pour les dessins, par Davide De La Cal pour les couleurs. Il compte cinquante-cinq pages de bande dessinée. Il se divise en sept chapitres, chacun consacré à un roi différent, par ordre chronologique, chacun s’ouvrant avec un portrait dessiné, et se terminant avec un texte de deux pages, illustré de photographies sur des points remarquables de chaque règne. Il se termine avec une page hybride, bande dessiné et texte, consacrée à Élisabeth de Saxe-Cobourg et Gotha. Léopold 1er, le mercato des princes – Cette histoire commence au moment où Napoléon abat ses dernières cartes. L’Empereur, qui a mis l’Europe à feu et à sang, a dressé contre lui une puissante coalition d’alliés britanniques, allemands, néerlandais et prussiens. Aux portes de Bruxelles, il va jouer son va-tout. À Paris en 1808, il a croisé Léopold de Saxe-Cobourg-Saalfeld, prince désargenté, né en 1790, qui servait dans les rangs du tsar de Russie. Napoléon dira que : S’il se souvient bien, c’est le plus beau jeune homme qu’il ait pu voir aux Tuileries. Juin 1815, tandis que Napoléon s’est lancé dans une ultime campagne, les envoyés des grandes puissances se sont réunis à Vienne. Klemens Wenzel von Metternich annonce que l’ogre n’en a plus pour longtemps : il a été écrasé à Waterloo, non loin de Bruxelles. Un autre officiel intervient pour dire qu’il s’agit d’une bonne nouvelle, et qu’il faut décider de l’après. Le premier orateur reprend la parole pour dire que la solution est toute trouvée : exiler l’empereur déchu au loin, et confier au roi des Pays-Bas dont le fils s’est battu à Waterloo, la gestion d’un état tampon entre la France et ses voisins. Il reste à choisir qui en sera le roi. Léopold II, le roi secret. Le 16 décembre 1865, le cortège funèbre qui conduit Léopold 1er à sa dernière demeure est suivi par une foule compacte. Les fils du roi suivent en carrosse. L’aîné Léopold a trente ans. Il mesure 1,90m. L’héritier du trône se souvient que son père l’appelait le sournois, il le surnommait le renard… et s’il avait raison ? Le lendemain Léopold II prête serment : il jure d’observer la constitution et les lois du peuple belge. Enfant, il passait les vacances d’été à Ostende. Une fois couronné, il y déambule sur la plage, considérant que le voilà roi d’un pays minuscule… mais après tout, un pays n’est jamais petit quand il est baigné par la mer. Il décide que sur le modèle de Nice ou de Biarritz, il fera de cette plage la reine des plages. Il tiendra parole… lorsqu’il se sera considérablement enrichi. À Bruxelles coule la Senne. Au moyen-âge, la cité est née de la rivière, qui alimente moulins et industries. Mais en 1866, c’est un égout à ciel ouvert. Une épidémie de choléra tue 3.647 Bruxellois ! Chirurgien du roi, Louis Deroubaix remet son rapport sur la situation : il est urgent d’assainir la ville. Dès l’année suivante, on entreprend de voûter la Senne. Le roi va encourager de nombreux autres chantiers dans la capitale. Pour un novice en la matière, il peut être intimidant de s’intéresser à l’histoire séculaire de la royauté dans un pays, au vu de la longue chronologie à affronter, des différentes branches qui s’entrecroisent, et s’entredéchirent au gré de complexes unions. Au début du XXIe siècle, il existe six monarchies en Europe : au Danemark, en Espagne, au Luxembourg, au Pays-Bas, en Suède et en Belgique. Pour cette dernière comme le montre la couverture, la lignée compte sept monarques, ce qui la rend très accessible aux néophytes. Le lecteur découvre donc un chapitre pour chacun des sept rois, de neuf pages pour les cinq premiers, et de cinq pages pour les deux derniers. Il s’agit donc d’un ouvrage de vulgarisation, à destination de novices en la matière. Par exemple un lecteur qui ne saurait pas identifier le monument figurant sur la couverture (réponse : il s’agit des Arcades du Cinquantenaire, érigé à l’initiative du roi Léopold II, à l’occasion du cinquantième anniversaire de l’indépendance de la Belgique, sa construction a commencé en janvier pour s’achever en septembre 1905). Le lecteur peut également évaluer l’intérêt de cette lecture pour lui en consultant la page d’ouverture d’un roi dont il a déjà entendu parler, pour se faire une idée de la nature du développement, par exemple pour Léopold II : Roi bâtisseur pour les uns, Roi massacreur pour les autres, il va marquer durablement le pays et demeure un personnage controversé. Les auteurs ont confié la narration visuelle de chaque chapitre au même artiste, afin d’établir une continuité d’un roi au suivant. De fait, le dessinateur a fort à faire puisqu’il doit assurer une reconstitution visuelle historique depuis 1808 jusqu’à l’époque contemporaine. Le lecteur découvre des dessins propres sur eux : tracés de contour bien nets, dessins dans un registre descriptif et réaliste, nombre de cases variant de quatre à sept, cases majoritairement sagement disposées en bande, et bien sûr une attention particulière portée à la ressemblance des rois successifs. Le lecteur apprécie immédiatement l’équilibre de chaque page : la qualité de la reconstitution historique, le soin apporté aux détails. Cela commence avec la décoration intérieure de ce grand salon à Vienne au début du XIXème siècle et son ameublement, la tenue vestimentaire de chaque officiel présent, jusqu’à leur épée d’apparat, et les motifs de la tapisserie au mur. Le lecteur peut ainsi suivre l’évolution de la mode vestimentaire d’un chapitre à l’autre, et aussi celle des modes de déplacement, de l’urbanisme de Bruxelles, ou encore des moyens de communication, attestant du degré de rigueur du travail de recherches effectué. Le lecteur se rend compte que l’artiste sait doser la densité d’informations visuelles sur chaque page pour éviter de produire une sensation d’étouffement, en intercalant des cases de discussions, ou plus aérées. Il se trouve également vite impressionné par l’effet d’intégrer des variations de tableaux célèbres, d’images d’archive ou de photographies. C’est une évidence en ce qui concerne tous les bâtiments, et c’est ce qui est attendu : le château de Laeken, la place royale de Bruxelles, les galeries royales d’Ostende, la gare royale de Laeken, la plage de Knokke-le-Zoute, le grand magasin L’Innovation, l’université de Gand, le Berhof à Obersalzberg dans les Alpes bavaroises, et d’autres paysages naturels, en particulier pour une escalade sur les rochers de Marche-les-Dames, dans la vallée de la Meuse, près de Namur. Incidemment, le lecteur se rend également compte que le dessinateur varie les mises en page avec discrétion et efficacité : cases de la largeur de la page, disposition en drapeau avec une case de la hauteur de la page et les autres comme y étant accrochées les unes en dessous des autres, cases en insert comme des cartes postales posées sur un fond qui est une carte géographique, une illustration panoramique de paysage de montagne sur une double page avec des cases en inserts par-dessus, cases aux bords arrondis pour un écran de télévision, etc. De manière plus inattendue, les scénaristes jouent également avec la structure de plusieurs chapitres. Le premier respecte un ordre chronologique et une exposition explicative pour établir le début de l’existence du royaume de Belgique comme état indépendant, et les aléas menant au choix définitif de son premier souverain. Le second passe d’une grande réalisation à une autre pour établir comment Léopold II peut être à la fois un roi bâtisseur et un roi massacreur. Initialement, le troisième déroute car il se déroule dans l’ordre inverse à la chronologie, c’est-à-dire des titres de l’annonce du décès d’Albert Ier en remontant le temps jusqu’à sa première ascension. Le quatrième débute par la découverte en Égypte dans la vallée des Rois de la tombe intacte, d’un pharaon, et le suivant débute par un assassinat à bout portant. Le sixième débute par une (mémorable) fiction dans la fiction. Conscient des limites découlant de la pagination, les auteurs ont choisi de les tourner à leur avantage en se focalisant sur certains aspects de chaque règne, plutôt que de tout survoler, ou de provoquer une surcharge informative avec des pavés de texte indigestes, mangeant les images. Le lecteur apprécie de lire une vraie bande dessinée, plutôt qu’une suite d’articles encyclopédiques vaguement illustrés par des images redondantes. Restant un peu sur sa faim, il goûte d’autant mieux aux deux pages qui viennent compléter chaque chapitre, développant certains aspects de la royauté, des lieux, ou des personnages clé de chaque règne. Bien sûr, le lecteur peut se montrer critique des choix opérés par les auteurs, et en particulier de ce qu’ils ont laissé de côté : la conception de la Constitution de la Belgique, la réalité de l’exploitation du Congo belge et de sa population, Blanche Delacroix évoquée en une case, les accomplissements politiques d’Albert Ier, l’opposition entre les partisans du retour de Léopold III et les opposants, l’absence de chapitre consacré à la régence de Charles Théodore Antoine Meinrad (1903-1983), les quatre cases consacrés à un assassinat dont la victime n’est même pas nommée (Julien Lahaut, 1884-1950), etc. Dans le même temps, il découvre de nombreuses mentions d’événements s’étant inscrit dans la mémoire culturelle belge, comme l’incendie du grand magasin L’Innovation. Chaque chapitre atteint son but : initier la curiosité du lecteur qui le termine avec l’envie d’en apprendre plus. Un ouvrage d’initiation à la royauté belge en passant en revue les sept rois des Belges. Une vraie bande dessinée didactique, sans être encyclopédique, avec une narration visuelle impeccable et agréable. Une approche diversifiée, adaptée à la personnalité de chaque roi, avec des surprises dans la structure de certains chapitres. Une lecture très agréable, enrichissante, accessible, divertissante et instructive. Une grande réussite.
L'Oeil du loup
Je suis plutôt client de Mathieu Sapin et c'est son nom qui a attiré mon regard sur cet album au rayon jeunesse. Je ne connaissais pas le roman de Pennac dont c'est adapté et avec sa participation active comme souligné dans le dossier en fin d'ouvrage. Une oeuvre de 1984 soit 40 ans passés et déjà très affutée sur les relations entre le monde animal et l'humain qui le détruit à une époque où on parlait beaucoup moins d'écologie. C'est un regard croisé entre un loup enfermé dans un zoo et un enfant qui le fixe à travers les grilles. On vit alors l'histoire du loup bleu et comment il est arrivé là alors qu'il vivait tranquillement dans sa meute, puis on a l'histoire de l'enfant africain. Celui-ci est malin et arrive sans parler et par son simple regard à baisser la garde du loup qui a été blessé à un oeil. Bien vu.
Jean Doux et le Mystère de la Disquette Molle
J'ai découvert il y a peu qu'il y avait eu une hype sur ce titre ici-même. J'avoue que c'est fort drôle, a fortiori si on a connu les années 1990 et qu'en plus on a un travail de bureau. Le summum serait de disposer d'une broyeuse à papier et c'est une vérité qu'il en existe plusieurs types, tout un art la réduction en confettis. Mais on imprime moins de nos jours, on a moins de trucs à broyer. On a donc un bouquin épais au format à l'italienne et au titre improbable. On se prend au jeu de l'enquête labyrinthique de Jean Doux et ses acolytes autour de cette valise trouvée dans le faux plafond. J'ai eu peur de la lassitude vu le nombre de pages mais pas du tout, pour autant pas certain que j'y aurai mis 30 balles. Bien joué (Jean) Philippe Valette.
Vertiges de Quito
C'est un album de Tronchet qui m'a bien plu, pourtant je ne suis pas un inconditionnel de cet auteur et son humour. Il faut dire qu'ici il ne met pas en scène des personnages à l'humour parfois douteux mais sa propre famille partie vivre plusieurs années à Quito. C'est une ville incroyable dans les montagnes où les gens n'ont pas la même philosophie de vie et une des plus hautes capitales du monde. Sa femme parle le quechua et semble une sacrée baroudeuse. Il raconte plusieurs anecdotes un peu à la manière de Guy Delisle il est vrai mais son style de dessin est beaucoup plus coloré. Un 4/5 un poquito surnoté par rapport à mon réel ressenti.
Les Explorateurs de l'univers
Un jeune extraterrestre issu d'une civilisation très avancée se révèle pourtant totalement nul en astrophysique. À tel point qu'il devient le premier de son espèce à rater un examen élémentaire et se retrouve, par la même occasion, perdu sur Terre, où il va rencontrer deux jeunes humains. Heureusement pour lui, ces derniers sont au contraire très calés en matière d'étoiles et de mécanique de l'univers. Ce sont donc eux qui vont lui apprendre ce qu'il ignore, tout en profitant de sa navette pour voyager à travers différents lieux de l'espace-temps. Les Explorateurs de l'univers est une BD documentaire qui s'articule habilement autour d'une petite aventure servant de prétexte à des échanges et à des découvertes entre humains et extraterrestre. Le sujet abordé est l'astrophysique, sous la houlette de son scénariste Christophe Galfard, lui-même astrophysicien et écrivain. Passionné par l'espace depuis toujours, je lisais déjà de nombreux ouvrages sur le sujet quand j'étais enfant. Cette publication m'a fait réaliser à quel point l'astronomie et l'astrophysique ont évolué depuis ma jeunesse, il y a une quarantaine d'années. Outre des concepts physiques nouveaux, ou du moins absents de mes lectures enfantines, l'album intègre des découvertes récentes ainsi que des photographies spectaculaires issues des satellites Hubble, James Webb ou encore Euclid. En plus des superbes images de nébuleuses et autres objets de Herbig-Haro, on trouve plusieurs clichés d'étoiles en cours de formation ou de trous noirs qui n'existaient tout simplement pas il y a encore quelques années. De la même manière, les classifications des objets stellaires selon leur masse et leur devenir diffèrent de celles que je connaissais enfant, notamment concernant la nature des naines blanches, que je redécouvre ici. Sans même parler de tout ce qui touche à la matière noire dans le second tome, un sujet dont on ne parlait pas du tout "de mon temps". Même en tant que lecteur adulte déjà bien informé, j'ai énormément apprécié ce que cette série m'a permis de découvrir, de redécouvrir ou tout simplement d'admirer. L'ensemble est bien vulgarisé sans tomber dans l'excès de simplification. Certains passages restent toutefois exigeants, quel que soit l'âge du lecteur : il ne faut pas s'attendre à ce qu'un enfant de dix ans comprenne tout du premier coup. Mais à cet âge-là, je lisais Anselme Lanturlu, une série parfois bien plus complexe encore (et je n'ai jamais prétendu tout y comprendre, seulement la trouver passionnante). La mise en scène est très agréable, portée par le dessin de Fanny Antigny, dans une veine manga enfantine à la fois sympathique et efficace. Les personnages sont attachants, leurs dialogues vivants, et l'ensemble évite habilement l'écueil rébarbatif du pur documentaire. Je l'ai déjà mentionné, mais les photographies d'astronomie généreusement intégrées au fil des pages sont magnifiques, parfois même époustouflantes lorsqu'on prend conscience de ce que l'on observe réellement. Je soulignerai aussi la représentation 3D d'un trou noir galactique en fin de premier tome, encore plus impressionnante que celui d'Interstellar. En revanche, les auteurs ont eu l'idée de glisser dans presque chacune de ces grandes photos, sous forme de petit jeu, des dessins de "pandableus" à retrouver dans ces grandes images. Pour ma part, je n'en ai pas repéré un seul, ou du moins je crois. J'ai l'impression qu'ils sont ressortis trop petits ou trop discrets à l'impression, malgré le format relativement généreux des albums, et qu'ils se confondent trop facilement avec les innombrables étoiles visibles sur ces clichés. Une légère frustration, au point que j'aurais presque préféré ne pas perdre de temps à les chercher en vain. Quoi qu'il en soit, j'ai beaucoup aimé cette série documentaire consacrée à l'espace, même si cet enthousiasme est sans doute renforcé par mon intérêt ancien et profond pour le sujet.
Le Journal de mon père
Ayant apprécié le très bon Quartier lointain, je poursuis ma découverte de l'œuvre de Jiro Taniguchi avec "Le Journal de mon père" Ici le mangaka nous propose une plongée dans les souvenirs d'enfance d'un homme qui, au décès de son père, s'interroge sur sa relation avec ce dernier. Ce voyage introspectif est lent, très lent, Jiro Taniguchi nous laisse le temps de la réflexion. Cette lenteur peut se révéler par moment pesante. Pourtant je la trouve bienvenue. Elle nous permet de "comprendre" quelque peu le héros, enfant meurtri par le départ de sa mère, fuyant le poids des traditions dans ce Japon d'après guerre. Cette relation distendue entre le père et le fils a eu chez moi une résonnance très particulière. Elle a remué des choses enfouies depuis un petit moment maintenant. Mais avec beaucoup de subtilités, sans auto-flagellation. Graphiquement c'est très beau, les traits sont fins et même si les personnages ont tendance à se ressembler (en même temps ils sont de la même famille) on arrive quand même à les distinguer. Les décors sont vraiment soignés. Bref un vrai travail d'artiste. Un ouvrage très intimiste, qui compte tenu de mon vécu aura su emporter mon adhésion. Décidément Jiro Taniguchi sait me parler.
Sibylline - Chroniques d'une escort girl
Quelle merveille que d'être ému aux larmes en finissant une BD. Et pourtant je dois dire que ce qui m'a marquée à la lecture, c'est ce sentiment de tristesse qui imprégnait une fin pourtant belle et presque heureuse. Est-ce parce que je suis plus sensible en ce moment ou parce qu'elle a su capter quelque chose qui m'a touchée particulièrement ? Je dirais surtout la seconde option, mais disons que les deux ne sont pas incompatibles. Cette BD ne passe pas inaperçu depuis sa sortie, j'ai l'impression, et je me joins au concert de louanges. Déjà parce que l'autrice, Dano Sixtine, est ajoutée à ma liste de celle que je suivrais à l'avenir. Au-delà du récit, son trait est une des grandes découvertes de la BD. En finesse, jamais racoleur ou voyeur, subtil et pourtant précis, il est un régal visuel. J'ai été conquis presque à la couverture, mais en lisant la suite du récit j'étais convaincu. Elle arrive à rendre tangible beaucoup beaucoup de choses dont elle parle textuellement dans la BD, faisant des rappels visuels qui servent le propos. Un vrai travail de composition visuel, donc, un travail d'autrice de BD. Le tout est servi par un noir et blanc aux traits fins qui permets de jouer très vite sur l'émotion, sur l'indicible. C'est un trait sensible, plein de pudeur malgré son sujet. Je dis pudeur car au-delà du voyeurisme qu'on imaginerait à voir de l'intérieur ce métier d'escort-girl, la BD n'est jamais construite sur un regard lubrique. Je ne sais pas à quel point le fait que ce soit une femme qui l'ait écrit joue dans le résultat, mais il est bien là. La BD est bien pudique, ne dévoilant pas tout de son héroïne, Sibylline, qui restera une femme dont nous serons qu'observateur. Que pense-t-elle, que vit-elle, qu'espère-t-elle ? Nous n'en saurons que l'essentiel, le récit n'étant pas là pour faire des états d'âme ou creuser un personnage. Il est là pour montrer une situation. Et cette situation, c'est la violence d'un monde envers les femmes. Cette violence parsème le récit, d'une affiche de métro sexualisant leurs corps à des insultes dans la nuit, un rôdeur qui te suit quand tu rentres et des types qui profitent de toi parce qu'ils veulent tirer leurs coups. Et puis vient l'idée de faire escort-girl. Cette idée arrive tardivement dans le récit, après une lente construction de ce monde hostile, violent. L'escorting n'est pas tant traité que ça, ici. Ce que nous voyons, c'est une jeunesse qui veut étudier, qui rêve d'avenir (si elle l'espère encore) et a qui on ne donne pas les moyens d'y parvenir facilement. Un monde de riches et de pauvres, de fins de mois difficiles et d'étude chères, de sexisme ordinaires et de regard sur le corps des femmes constant. Comme d'autres BD (Le Dernier été de mon innocence, Tout est possible mais rien n'est sûr notamment) c'est un regard posé sur notre monde, un regard qui en souligne les pires travers. Encore une fois, je me dis que j'ai la chance inouïe d'être né homme, même si cette pensée est horrible. Pour finir, je voudrais juste évoquer cette tristesse que j'ai dis ressentir à la lecture. Cette tristesse n'est pas spécifiquement liée au ton de la BD, qui n'est pas dans un ton précis, laissant le lecteur choisir la lecture qu'il en fera. Mais j'ai ressenti une tristesse infinie à la lecture de la conclusion, lorsque deux femmes que nous avons suivi tout au long du récit parlent d'avenir. Et elles s'imaginent partir au fond des bois, bâtir une cabane et vivre en paix. Si elle peut sembler mignonne, utopiste ou légère, je me suis surtout dit que si notre monde est si moche que deux jeunes femmes imaginent comme fin heureuse de s'en éloigner pour vivre loin de lui, il doit être sacrément pourri. C'est cette pensée qui prédomine après la lecture, mais je sais qu'une relecture reviendra bien vite. Et peut-être que j'en tirerais autre chose, comme c'est le cas des œuvres marquantes.
Monsieur Chouette
Un nouvel album de David B. à l'Association. Bien sûr que je prends et cet ouvrage est massif avec 250 pages d'un dessin noir et blanc somptueux. On a certaines pleines planches empilant les détails, les personnes ou encore les maisons, car elles meurent aussi, dans un subtil agencement d'une minutie incroyable. Au niveau de l'histoire cela se passe essentiellement au pays des Morts. L'héroïne est une jeune femme dotée d'une ombre étrange. Elle franchit l'inframonde dans une sorte de ville de Paris inversée avec ses cafés et ses gargottes grâce à Monsieur Chouette, un étrange personnage. Un animal psychopompe qui permet de faire ce voyage interdit et guide la jeune femme pour qu'elle ne se fasse pas repérer par Cerbère. Car ce gardien des enfers flaire les vivants qui oseraient s'égarer parmi les morts. Je mettrai un bémol sur le fait que l'histoire est un peu longue et pourrait lasser. La femme vit différentes aventures toujours poursuivie par Cerbère, il y a une grosse part de rêverie mais cet autre monde a sa cohérence, il faut se laisser porter.
Lost Lad London
Un auteur est né ! La dame a un style épuré qui pourtant ne manque pas de chair, que ce soit dans le récit ou dans le coup de trait ! Le faux coupable et le flic fatigué me plaisent bien dans leur relation à la fois distante et filiale. L'auteur sait montrer le ciel, le métro, l'appartement, des visages fins, surtout celui du jeune héros, d'une manière différente, les fait redécouvrir. Les deux personnages principaux ne sont pas des Blancs sans que pour autant on se focalise sur cette caractéristique : bien trop pris par l'intrigue pour en faire plus de cas que par le vide qui règne toujours plus ou moins dans les cases. Solitudes des personnages, esthétique, philosophie bouddhique ? En tout cas, il intrigue, plus prenant que la ville et presque que l'intrigue… Des traits si purs et un vide qui n'étouffe pas mais qui oscille entre écrin de solitude et respiration sont rares.