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Par Présence
Note: 4/5
Couverture de la série Le Faux Soir
Le Faux Soir

Jean imagine déjà le journal, les moqueries, les pastiches, la zwanze. - Ce tome contient une histoire complète, de nature historique. Son édition originale date de 2021. Il a été réalisé par Daniel Couvreur et Denis Lapière pour le scénario, et par Christian Durieux pour les dessins et les couleurs. Il comprend quatre-vingts pages de bande dessinée. Il comporte une postface de deux pages, écrite par Couvreur, et une autre d’une page écrite par Durieux évoquant quelques petits choix à réaliser par rapport à la réalité historique. À l’époque contemporaine, les trois auteurs se trouvent dans les bureaux du Soir à Bruxelles. Daniel évoque la situation du journal à l’époque : Ils l’appelaient Le Soir emboché. Il a pu retrouver dans les archives une sorte de journal tenu par Marc Aubrion, c’est là qu’il a lu pour la première fois ce terme Emboché. Denis demande si c’est Aubrion qui est l’origine du Soir Volé. Le journaliste clarifie : Pas Le Soir Volé, mais le Faux Soir. Le Soir Volé, c’est le journal aux mains des Allemands, c’est Le Soir emboché justement. En réponse à une question de Christian, il précise qu’il a lu de larges extraits du journal d’Aubrion, et il en a préparé une copie pour son coscénariste. Denis parcourt en vitesse le récit : c’est formidable, un récit complètement exalté. Daniel confirme : Oui, quelque part, René Noël écrit qu’Aubrion était un grand échalas nerveux et enthousiaste. En réponse à un question, il détaille : Un canular, oui, et plusieurs en sont morts par la suite… Ils n’ont tué personne, ils n’ont détruit aucun bâtiment, aucune violence, et pourtant ce fait de résistance est remonté à la fois jusqu’à Hitler et jusqu’à Churchill ! Enfin, il indique qu’il a trouvé une offre de vente d’un exemplaire du Faux Soir et qu’il a fait une offre que le vendeur ne peut pas refuser. Le 10 septembre 1943 à Bruxelles, il fait encore chaud, l’été tarde à se retirer. René Noël, dit Jean, marche dans la rue, croisant une patrouille de soldats allemands. Il est le responsable du Front de l’Indépendance (F.I.) pour le Brabant et le Hainaut. Jean se rend ainsi, en cette fin d’après-midi un peu étouffante, chez son ami le peintre Léon Navez. Mais il ne s’agit pas d’amitié cette fois. Ils ont rendez-vous. Léon le fait rentrer chez lui et il lui présente Marc Aubrion qui déclare qu’il se sent si inutile avec ses petites actions sporadiques, il est prêt à se mettre au service du F.I., il n’a pas d’attaches et il est déterminé. Jean sait que si Léon lui recommande quelqu’un, il peut lui faire confiance. Il boit donc une petite gorgée de mauvaise chicorée, sans rien laisser paraître de sa grimace, avant de se tourner vers Marc Aubrion et de lui annoncer qu’ils cherchent un responsable de presse, est-ce que cela lui conviendrait ? Quelques jours plus tard, Jean a convoqué Aubrion pour 19h30 place du Grand Sablon. Il lui annonce que son interlocuteur va devoir disparaître officiellement, quitter son emploi actuel et sa famille, sans donner d’explications à personne. Il se cachera dans une famille d’accueil qui ne connaîtra rien de Marc, M. et Mme Hellas, ils résident rue Cyriel-Verschaeren, à l’Evere. Et désormais, il portera le sobriquet d’Yvon. Le lecteur prend l’ouvrage en main, et il découvre qu’il contient un encart inséré à l’intérieur : une reproduction intégrale du Faux Soir, une feuille indépendante qui se déplie et qui permet de lire l’édition de Le Soir du neuf novembre 1943.il y découvre les différents articles, les deux photographies, et les différentes rubriques : Nouvelles du pays, Un fait entre 1000, Les sports, Cinémas, Théâtres, Faits divers, Petites annonces, Nécrologie. Les auteurs ont fait le choix de construire leur récit sur la base de deux fils chronologiques différents : celui au temps présent dans lequel les auteurs se mettent en scène dans leur démarche de réaliser cette bande dessinée, et celui qui suit la conception, la fabrication et la distribution du Faux Soir par les différents acteurs. Ainsi les auteurs rendent hommage à la démarche de Marc Aubrion (nom de code Yvon), René Noël (Jean), Louis Müller (Jacques), Fernand Demany, Andrée Grandjean (1910-1999, avocate et journaliste), Ferdinand Wellens, Théo Mullier, Léon Navez (1900-1967, peintre). Au cours du récit, les auteurs font en sorte d’apporter les éléments d’information historique nécessaires à la compréhension des faits. À l’époque contemporaine, la conservatrice d’un musée explique à Lapière le fonctionnement du Front de l’Indépendance, et ses liens avec l’Armée des Partisans. Puis ils montrent comment René Noël entre en clandestinité, la manière dont il est hébergé, il est également question de la rétribution correspondante pour pouvoir vivre. Dans un premier temps, le lecteur s’intéresse au récit de l’idée du Faux Soir et au reportage sur sa création. Il attend une reconstitution historique. Les dessins passent de personnages en train de se parler, représentés en plan taille ou en plan poitrine, à des cases présentant une plus forte densité d’informations visuelles. Lors de ces dialogues, il apprécie de pouvoir voir les tenues vestimentaires des uns et des autres, assez formelles. Majoritairement pantalon, chemise et veste pour les hommes, avec régulièrement une cravate, sans oublier les uniformes militaires pour les soldats de l’armée d’occupation. Le récit comporte quelques femmes, en nombre moins importants, avec en particulier l’avocate Andrée Grandjean, habillée d’un tailleur strict, visiblement sous le charme de Léon Navez et de son beau pull jacquart, avec qui elle partage une cigarette. Le dessinateur effectue également un gros travail de représentation de la ville : les rues pavées, les tramways, les façades des bâtiments et leur architecture, les bâtiments célèbres tel le palais de Justice, la place de la Bourse, la résidence Belvédère au 453 de l'avenue Louise, etc. Il montre également des éléments techniques essentiels pour le récit comme les machines d’imprimerie (en particulier une de marque Mariononi), les machines à écrire, les dentelures de journaux, un énorme massicot, les véhicules de distribution des journaux, et bien sûr les kiosques de la ville. L’artiste reconstitue également les faits et gestes des résistants. Il sait bien capturer le besoin de vigilance pour eux : petits coups d’œil en arrière dans la rue, tension lorsqu’ils se déplacent après l’heure du couvre-feu, mines déterminées pour accomplir leurs missions, enthousiasme pour rédiger les articles à base de moqueries, pastiches et zwanze, action d’éclat pour endommager les véhicules de distribution des journaux, sourire en coin en voyant la réaction des lecteurs du Faux Soir. Le lecteur se retrouve pris par l’ambiance qu’il s’agisse d’une discussion en pleine rue entre Jean et Yvon pour évoquer l’entrée en clandestinité de ce dernier, des discussions discrètes dans les cafés entre conspirateurs, de la connivence née de la satisfaction de voir le projet progressivement devenir réalité, des échanges très professionnels devant la machine d’imprimerie pour arriver au résultat souhaité, c’est-à-dire des exemplaires qui pourront faire illusion quand ils seront remis aux kiosquiers, afin que ceux-ci les vendent sans soupçonner la supercherie. La quinzaine de pages consacrées au temps présent semblent faire écho à cette complicité : les trois auteurs travaillant de concert lors de réunions (qui n’ont rien de clandestines) pour rendre hommage à ces résistants utilisant une méthode totalement pacifiste. Il s’agit pour les auteurs de raconter un haut fait de la Résistance belge pendant la seconde guerre mondiale. Dans la postface, Daniel Couvreur l’exprime ainsi : […] un exploit accompli dans un temps où les idéaux de fraternité, de démocratie étaient sous la botte de penseurs et de dirigeants prêts à toutes les extrémités pour fracturer les solidarités humaines et le vivre-ensemble. […] Le récit d’un petit groupe de citoyens courageux, animés par le formidable espoir de bâtir un monde meilleur. À la seule force de l’esprit et de l’humour, ils ont tenté pacifiquement de triompher de l’obscurantisme aveugle. Dans un moment où la population était ébranlée, désorientée, et offrait une proie facile à la propagande, ils ont tourné les faux prophètes et leurs collaborateurs en ridicule. En creux le lecteur retrouve ou découvre toutes ces qualités dans le mode opératoire qui est décrit, et dans le passage vers la fin qui informe sur ce qu’il est advenu des différentes personnes ayant participé à cette opération, une fois qu’ils ont été identifiés par les Nazis. Le récit présente un autre intérêt, très factuel et pédagogique : comment s’y sont-ils pris ? Après tout, cela n’a pas l’air bien compliqué d’écrire de faux articles et de faire distribuer le journal correspondant dans les kiosques. Les auteurs savent bien mettre en place et montrer que l’occupation allemande implique une répression bien réelle, une atmosphère de suspicion (À qui se fier ?) et une résignation pour pouvoir survivre. Les artisans du Faux Soir ont bien l’intention de réussir leur projet, et d’y survivre. Le récit raconte et explique la réalité matérielle d’une telle entreprise : trouver une imprimerie et un propriétaire prêt à courir le risque quand bien même il est rétribué, trouver assez de rédacteurs pour remplir un journal, substituer le Faux Soir au vrai lors de la distribution, trouver le financement d’une telle opération. À la lecture apparaissent aussi bien la fragilité d’une telle entreprise qui peut être découverte à tout moment, que l’ingéniosité et l’entraide des participants. Réaliser un faux numéro d’un quotidien, à base d’articles fonctionnant sur les moqueries, les pastiches, la zwanze, au nez et à la barbe de l’occupant allemand. Une entreprise de résistance totalement pacifique et belge, une ode au pouvoir de la presse et de l’humour. Les auteurs racontent cette aventure avec respect et réalisme, permettant au lecteur de comprendre et d’admirer le courage de ces résistants. Formidable.

08/11/2025 (modifier)
Par Chazelas
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Sherlock Holmes contre Arsène Lupin
Sherlock Holmes contre Arsène Lupin

Un graphisme emballant et des couleurs parfaites qui m’emmènent à l’intérieur. Des personnages un tout petit peu en dessous des canons dans les dialogues, dans la mesure de leur ego. Il manque quelques planches pour mieux comprendre les passages de déduction de l’un et l’autre. MAIS je retrouve mes deux héros préférés avec un grand bonheur. Et une pointe d’acidité digne de La Ligue des Gentlemen Extraordinaires. Une très très bonne bd découverte par hasard sur un rayon.

07/11/2025 (modifier)
Couverture de la série Undertaker
Undertaker

Pas grand chose à ajouter à mes prédécesseurs, je fais partie des très satisfaits avec cette série. Depuis le début, la partie graphique est d’une solidité à toute épreuve. Ralph Meyer régale tout simplement, on savait qu’il avait du talent mais dans ce genre ça explose. Franchement rien à redire. Niveau histoire, on aura ses préférences en fonction des diptyques (4 à ce jour) mais ça ne faiblit pas (peut-être même l’inverse), c’est d’une belle constance. J’aime toujours autant le cynisme du héros, Jonas Crow est encore loin de m’avoir saoulé. Je suis même bien plus impatient (qu’avec les précédents tomes) de connaître la suite de ses aventures. Du très bon western avec juste ce qu’il faut de classique et différent. Une série qui monte tout doucement les marches des véritables poids lourds dans la catégorie.

07/11/2025 (modifier)
Couverture de la série Quartier Western
Quartier Western

Tehem es un auteur que j'apprécie, surtout quand il nous parle de son île d'adoption, La Réunion. La série propose un très sympathique récit choral autour de la boutique du "Chinois" amateur de photographie. En ce 22 septembre 1976, Titi, Gérard, Céline, Angelo, Turpin et ses fantômes vont être entrainer dans une folle sarabande où se mêlent zamal, rhum trafiqué, alcool à brûler, #dénoncemonporc et punition divine. La construction en quatre chapitres qui se recoupent parfaitement pour fournir de multiples rebondissements dans une progression qui ne dévoile rien du final. C'est aussi un prétexte pour nous décrire le ressenti d'un petit "Zoreille" qui vit au milieu de ce quartier cosmopolite dans un langage mi français mi créole très chantant et facile à lire. L'auteur utilise un univers animalier qui rend bien le cosmopolitisme de la situation dans un graphisme précis et dynamique. Ma seule réserve tient au choix d'un N&B qui nous prive des couleurs de l'île. Une belle découverte.

07/11/2025 (modifier)
Couverture de la série Dans les yeux de Billie Scott
Dans les yeux de Billie Scott

J'ai dégusté avec délectation ce premier essai de la jeune anglaise de vingt ans ( à l'époque), Zoé Thorogood. Comme quoi le talent... . J'ai immédiatement été séduit par son talent graphique qui peint à merveille cette ambiance un peu poisseuse des rues désertes et plus ou moins mal famées de Middlesborough ou de Londres. C'est à la fois dynamique et moderne avec un formidable sentiment de vitalité qui rend son héroïne Billie si attachante dans cette lutte entre fragilité et volonté. La mise en couleur est parfaite avec ce N&B dominateur dans un environnement peuplé de laissés pour compte mais où percent les couleurs du printemps final comme des perce-neiges obstinément optimistes à combattre l'obscurité hivernale. Combattre l'obscurité c'est bien ce que doit faire Billie dans un scénario compte à rebours digne d'un très bon thriller. L'idée initiale est originale et l'auteure en extrait un récit fluide, tonique et d'une grande humanité. Les rencontres et les lieux que Zoé/Billie explore ont fortement résonné avec mon vécu associatif. Je suis même impressionné comment une artiste aussi jeune arrive à mettre autant de profondeur et de justesse dans la personnalité de ses personnages. Toutefois le récit reste résolument optimiste sans jamais tomber dans la mièvrerie sentimentale. J'ai eu l'impression que Zoé jetait tout ce qu'elle avait dans cette œuvre comme si ensuite la lumière pouvait s'éteindre. Cela dégage une envie de création très forte. Je me suis retenu pour ne pas mettre la note max mais cette œuvre m'a beaucoup parlé par sa thématique et son exécution. Un vrai coup de cœur.

07/11/2025 (modifier)
Couverture de la série Annie Sullivan & Helen Keller
Annie Sullivan & Helen Keller

J'avais découvert l'extraordinaire parcours d'Helen Keller dans un roman pour la jeunesse que m'avait conseillé ma fille. J'avais été vraiment touché par ce récit qui développait une émotion bien plus forte que dans le série de Joseph Lambert. Je pense que l'œuvre de Lambert s'adresse avant tout à un public US qui connait déjà bien l'histoire d'Helen. Cela explique probablement pourquoi le centre de gravité du récit est déplacé vers Annie Sullivan et sa personnalité très complexe. C'est bien la personnalité de la jeune immigrée irlandaise qui est mise en avant par l'auteur d'une façon très travaillée. Les séquences alternent empathie ( les flashback dans le terrible asile de Tewksbury à Boston) et antipathie avec une méthode éducative violente et une absence de compromis. Cette complexité du caractère de Sullivan est bien mise en avant par son rapport à l'autorité qu''elle ne supporte pas pour elle-même mais qu'elle impose avec brutalité à la jeune Helen. En outre j'ai apprécié que Lambert développe deux autres points. Le premier point va de soi en montrant la formidable richesse du cerveau humain à travers les apprentissages d'Helen. Le second point est moins évident pour un public non américain. L'auteur souligne souvent l'appartenance sociale et culturelle opposées d'Helen et d'Annie. Vingt ans à peine après la guerre de Sécession les Keller sont Sudistes, le papa fut capitaine des Gris et reprend souvent Annie sur l'inconvenance de ses actes dans la culture locale. Annnie est Nordiste, immigrée et orpheline. La rencontre improbable de ces deux êtres exceptionnels a eu un avenir d'une richesse insoupçonnée . C'est comme si l'auteur voulait montrer que l'union de ces deux parties pouvait conduire au dépassement de soi comme une sorte de "miracle". On peut faire la fine bouche sur un graphisme minimaliste , parfois assez repoussant et qui ne met pas en valeur les personnages. J'ai lu cet excès de froideur comme une volonté de laisser l'émotion naturelle du récit seulement en arrière plan d'une lecture plus réflective. Je comprends que certains lecteurs ou lectrices aient pu être déroutés voire rebutés mais perso j'y ai trouvé une réelle richesse humaine.

06/11/2025 (modifier)
Par Lodi
Note: 4/5
Couverture de la série Sláine
Sláine

Dessins très inégaux, amenant une frustration assez semblable à la série Sandman pour les mêmes raisons. En revanche, les couleurs sont toujours intéressantes, très propres à faire sentir l'atmosphère… L'histoire est marquante et originale, mais délicate, comment le donner à entendre sans trop en dire voyons, voyons ? La vie et la mort, la guerre, la nature, la place du collectif, le rôle de la femme et le partage de nourriture sont à l'opposé du monde chrétien et romain dans la fiction, et sans doute dans une certaine mesure dans la réalité. Les apparitions de divinités et autres êtres féériques et monstrueux évitent le ridicule, les dialogues aussi, soit deux écueils des séries héroïques. Le nain sert à désenchanter, il est comique mais dégonfle quelque peu le discours tout en l'attestant puisqu'il écrit, ce qui est bien trouvé. Il est aussi l'autre, non humain, et à la logique non celte, plus romaine, chrétienne ou moderne ? Je dirais calculatrice. Tous les personnages sont intéressants, hommes et femmes, héros et non héros, humains et non humains. Le druide est assez complexe. La déesse qui fait du héros son champion bien plus encore.

05/11/2025 (modifier)
Par Cacal69
Note: 4/5
Couverture de la série Les Sœurs Seasons
Les Sœurs Seasons

- Étrange BD ! - Tu as dit "étrange BD" ? - Oui oui, j'ai dit : Étrange BD ! Je tourne autour de ce comics depuis sa sortie en librairie, sa couverture avait tout de suite attiré mon œil de lynx, mais son feuilletage rapide avait refroidi mes ardeurs. Je me suis laissé enfin tenter, bien aidé par les bons retours lus ci et là. Et qu'est-ce que j'ai bien fait ! Rick Remender nous propose un univers proche du notre, il situe le récit en 1924 dans la petite ville de New Gaulia. Mais avant de faire connaissance avec les sœurs Seasons, Remender nous balance en pleine face trois planches sur la ville Le Néo-Caire en introduction, elle est en proie à un phénomène déroutant. En effet, celle-ci n'a plus communiqué avec le monde extérieur depuis plus de 48 heures. On y voit les roulottes d'un cirque en train de plier bagages. Ensuite changement de tonalité avec Spring, la benjamine des sœurs Seasons, elle poursuit tant bien que mal une lettre qui ne fait que lui échapper (elle est factrice) avec l'aide de Gilbert, son poisson rouge. Et après ? Le récit va prendre une drôle de tournure. D'une histoire gentillette, on va glisser doucement, mais sûrement, sur quelque chose de plus sombre avec le cirque magique et la légende du roi vagabond. Une narration maîtrisée qui suggère plus qu'elle ne dévoile pour maintenir le lecteur sur le qui-vive. L'intrigue est dense et elle glisse vers du fantastique tout en mettant en lumière les liens familiaux distendus de la famille Seasons. Des secrets à découvrir ? Il me faut quand même vous toucher quelques mots sur les sœurs Seasons. Leurs parents ont disparu depuis une dizaine d'année. Elles sont quatre et se nomment Spring, Summer, Autumn et Winter. Les quatre saisons sus nommées et l'image que renvoie le miroir pour leur présentation (première image de la galerie) nous dévoilent leur personnalité à chacune. La symbolique du miroir... Je ne vais pas aller jusqu'à dire que le dessin est magnifique, par contre il a un grain indéniable. De Paul Azaceta, je ne connaissais que son travail sur Punisher Noir, et là, on n'est pas dans le même délire ! Azaceta nous propose un style qui pourrait à première vue paraître brouillon et bâclé. Mais il n'en est rien, son trait épais et son rendu presque cartoonesque donnent ce ton si décalé au récit. Les aplats de couleurs de Matheus Lopes (coloriste à suivre) participent pleinement à l'étrange atmosphère de ce comics. Je valide tout ! Un premier tome intrigant qui augure le meilleur.

05/11/2025 (modifier)
Par grogro
Note: 4/5
Couverture de la série Terremer
Terremer

Après relecture, passage entre guillemets ajouté : Avec cette BD, je découvre une autrice dont j'avais jusqu'ici beaucoup entendu parler sans l'avoir jamais lue, à savoir Ursula Le Guin, un illustrateur inconnu au bataillon, ainsi qu'un éditeur que je n'aurais pas soupçonné frayer avec l'univers de la BD : Le Livre de Poche. Bon, pour ce qui est de l'éditeur, Le Livre de Poche c'est Hachette, et Hachette, c'est la caillasse. Or, la BD ayant actuellement le vent en poupe, il était logique qu'Hachette s'y colle. Toujours est-il que quand on m'a parlé de cette BD, j'ai cru à une blague. Pour tout dire, je cherchais un cadeau à faire et la BD à laquelle je pensais n'étant pas dispo chez mon libraire, j'ai entamé un petit tour des popotes. C'est là que, chez un concurrent, une jeune libraire certaine de son coup m'a sorti le dit-bidule (et non pas le Bidibule !). Le dessin s'est immédiatement incrusté dans ma rétine, et si je ne suis pas reparti avec, j'ai bien pris soin de noter la chose dans mon calepin. Et nous y voilà ! Oui, le dessin, c'est avec le scénario le gros truc de cette BD. Je dis dessin, mais il faudrait peut-être mieux parler de graphisme car il faut bien l'avouer, tout ça sent l'outil informatique. Perso, je n'ai pas trop de problème avec ça, surtout quand c'est bien fait, ce qui est le cas ici. Il se dégage en effet une ambiance tout à fait onirique. Que ce soient les forêts baignées de brume, les nuits sans lune où il s'agit de discerner les contours, le halo des flammes verdâtres ou les tempêtes en pleine mer, tout concourt à l'élaboration d'un univers fort et cohérent. C'est vraiment très chouette et plaisant pour les yeux. S'il fallait pointer un bémol, je dirais que c'est l'expression des personnages qui pâti un peu de l'infographie, mais je n'en suis même pas certain. En tout cas, ça a très bien fonctionné sur moi, et si tout cela devait se révéler n'être qu'une création purement AI-assisted, alors je me suis fais berné, je l'avoue par anticipation. Le scénario n'est pas en reste. D'abord, je l'ai trouvé très bien équilibré. J'entends par-là qu'il se développe à un rythme constant qui me sied particulièrement. Ca prend son temps, mais ça avance et se dévoile progressivement. On a le sentiment de s'enfoncer dans le monde de Terremer comme dans un bon fauteuil. Les personnages sont bien taillés et échappent au manichéisme. Ils sont souvent en proie à leurs démons intérieurs : envie de revanche, vexations, volonté de puissance, égotisme... Tout cela rend l'histoire haletante car on sent bien qu'ils peuvent basculer à tout moment, et que cette magie ancestrale que les maitres leur enseignent avec une sagesse profonde peut être source d'un grand désordre, porteuse d'une dualité intrinsèque : pas de lumière sans ombre ! Univers riche donc, mais qui ne repose pas nécessairement sur des aventures épiques à rebondissements multiples, plutôt sur un climat, une ambiance, des psychologies. Un truc philosophique quoi ! L'œil a le temps de s'imprégner des illustrations. C'est très bon de ce point de vue. Là où j'ai plus de réserve, c'est sur les textes que j'ai trouvés parfois un peu maladroits, et globalement mal écrits. C'est très dommageable car ils cassent la fluidité. Peut-être suis-je un peu trop pointilleux... Et d'accord avec Cacal à propos du format du livre, trop petit pour mettre pleinement en valeur les illustrations ! ""Bon, j'ai relu cette BD, et j'ai dû halluciner au sujet des textes qui sont en réalité très corrects. Je ne sais pas ce qui m'a pris, je devais être fatigué, comme quoi des fois, ce n'est pas le moment... En revanche, on a parfois un peu de mal à identifier qui parle, à plus forte raison parce que certains protagonistes dont les visages se ressemblent bien trop. J'ajouterais tout de même que le dessin est vraiment captivant."" Le sorcier de Terremer reste une BD tout à fait recommandable. Elle m'a en outre donné envie de lire le roman original. Et petite cerise à l'eau de vie sur le gâteau : en menant quelques recherches, j'ai découvert qu'Ursula K. Le Guin était la fille d'Alfred Kroeber, anthropologue américain qui a écrit un livre magnifique qui m'a beaucoup marqué, Ishi : testament du dernier Indien sauvage de l'Amérique du Nord, dont le tire parle de lui-même. Mieux : il a été tiré une série télé de cette histoire !!! C'est très personnel et n'a certes rien à voir avec l'œuvre en elle-même, mais c'est le genre de liens que j'adore faire.

31/10/2025 (MAJ le 05/11/2025) (modifier)
Par Spooky
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Vie de Carabin
Vie de Carabin

Je ne peux qu'abonder dans presque tout ce qu'a écrit Bamiléké. Je ne fais pas partie du monde soignant, mais possède quelques personnes de l'art autour de moi, avec lesquelles il m'arrive de discuter de leur pratique. Ce qui me frappe donc en premier lieu c'est l'acuité de VéDéCé pour croquer les situations -souvent absurdes, souvent dramatiques- auxquelles lui-même et ses confrères sont confrontés au quotidien, ou lors de circonstances particulières. On ne se rend pas compte du délabrement matériel du milieu hospitalier. On ne se rend pas compte de l'état d'épuisement -pour ne pas dire plus- du personnel. On ne se rend pas compte de l'absurdité de la société, où un service public est perçu comme un bien de consommation... Dans le tome 4, par exemple, des gens appellent le SAMU pour être accompagnés à leur rendez-vous chez le médecin... juste parce que leur femme a pris la voiture aujourd'hui. Ou que c'est plus confortable. Ce serait hilarant si cela n'était pas dramatique, car une ambulance qui est appelée pour un malaise cardiaque simulé par la prétendue victime ne pourra pas aller secourir un enfant de 4 ans renversé par une voiture. Alors pour ne pas craquer face à tout ça, le personnel soignant préfère en rire, parfois à gorge déployée. Une manière comme une autre de se forger une carapace. Lors d'un bref passage aux urgences il y a quelques temps, j'ai vu de mes yeux un interne presque littéralement s'écrouler sous la pression et la fatigue, après je ne sais combien d'heures de garde. Je n'ai pu m'empêcher d'aller le voir et lui demander si ça allait... Le patient qui vient en soutien du soignant... Mention spéciale sur le tome 4, lorsque notre héros ordinaire, tout en faisant sa thèse, fait un stage de 6 mois dans le service local de SAMU... Une expérience pas piquée des hannetons, et qui montre elle aussi une fois encore l'état très particulier dans lequel se trouve le milieu sanitaire en France. Même si j'avais entendu parler de certaines des situations décrites (il y a des constantes), je n'ai pas pu m'empêcher d'être consterné par celles-ci, sachant qu'elles sont vraies (les circonstances, les noms ayant été changés pour des raisons évidentes). Dans le tome 5 le personnage de Max fait un stage en tant qu'aide-soignant dans un hôpital basique. Et là encore la rigolade, parfois jaune, est au rendez-vous. Entre les patients qui s'ingénient à faire chier (presque au sens littéral) le personnel paramédical, le mépris affiché par les médecins pour ce même personnel paramédical, y compris des futurs collègues, le manque de moyens et de personnel, il y a de quoi grincer des dents. Pourtant là encore le personnel tient le coup grâce aux petites joies du quotidien, ou à l'humour, parfois de connivence avec les patients... Et au détour des trucs joyeux, des moments carrément durs, comme le décès d'une patiente atteinte d'Alzheimer, que son mari vient voir tous les jours. Et à la remarque de l'aide-soignant "Pourquoi venez-vous la voir, alors qu'elle ne vous reconnaît plus", le mari a cette réponse ultime : "Je la reconnais, moi". C'est juste poignant. Vie de Carabin est un travail remarquable. Pas forcément sur le plan graphique, c'est presque du "gros nez", mais comme l'a remarqué mon camarade, il y a une telle énergie dans les situations, dans l'expressivité si particulière des gueules noires (quasiment des smileys), que les histoires passent toutes seules. A peine remarquerais-je que sur certaines doubles pages (en têtes de chapitres, par exemple), le sens de lecture des cases n'est pas toujours optimal, mais c'est vraiment pour pinailler. C'est du très, très bon boulot. Qui devrait se retrouver dans les salles d'attente de tous les cabinets de médecine de France et de Navarre, en plus des salles de repos des personnels hospitaliers.

20/09/2023 (MAJ le 05/11/2025) (modifier)