Les derniers avis (31653 avis)

Couverture de la série Le Mètre des Caraïbes
Le Mètre des Caraïbes

A titre personnel, j’avais adoré La Bibliomule de Cordoue, et même si j’ai freiné ma consommation de bandes dessinées, je ne pouvais pas passer à côté de ce nouvel opus du duo d’auteurs responsables de l’œuvre susnommée. D’autant plus qu’ils travaillent dans la continuité en nous proposant à nouveau une fable historique sur un sujet oublié. Dès l’introduction, j’ai été intrigué, me demandant quel lien il allait y avoir entre cet incident à Cap Canaveral et une couverture digne d’un récit de piraterie. Ce lien porte un nom, celui de Joseph Dombey, obscur savant français oublié de l’Histoire, poissard multirécidiviste, qu’un destin malicieux chargea jadis de transmettre le système métrique aux Américains. Le navire sur lequel il se trouvait fut la victime de pirates et lui-même se retrouva séquestré sur une île des Caraïbes. Le récit tangue constamment entre la farce absurde et l'évocation historique car, si beaucoup d’informations sont véridiques et nous permettent d’en apprendre pas mal sur divers sujets, les évènements nous sont racontés avec beaucoup d’humour et, à l’occasion, une pointe très pertinente de philosophie. Vous l’aurez compris : une fois de plus, j’ai adoré ma lecture. J’en ressors amusé et un peu plus instruit et c’est vraiment ce que je demande à ce type d’œuvre. Coté dessin, Léonard Chemineau va à l’essentiel, avec un trait épuré et dynamique et des compositions simples en apparence mais qui permettent d’encore mieux faire ressortir les dialogues de Wilfrid Lupano, ici par la forme d’un phylactère, là par la manière dont ceux-ci sont reliés. Le résultat, très franco-belge de la grande époque, est encore rehaussé par la mise en couleurs de Christophe Bouchard qui permet justement de rester dans cet esprit « BD tout public classique ». Franchement bien ! Un achat que je ne regrette pas et la découverte d’une page d’Histoire dont j’ignorais tout.

20/10/2025 (modifier)
Couverture de la série Adabana
Adabana

Un manga à ne pas mettre entre toutes les mains tant les scènes de violences physiques ou sexuelles sont explicites et dures, toutefois sans surenchère inutile. Ce thriller, axé sur un triangle amoureux/amical, fait la part belle aux faux-semblants et aux retournements de situation, sans que cela ne nuise à la cohérence d'ensemble. Malgré quelques longueurs dans le dernier tome consacré au volet judiciaire de l'affaire, NON sait tenir le lecteur en haleine en nous livrant une histoire très rythmée et en distillant savamment les flashbacks tout au long des 3 tomes. Côté graphisme, j'ai beaucoup apprécié le trait fin et dynamique de NON qui respecte tous les codes du manga. Les personnages féminins sont vraiment magnifiques, les visages expressifs et les décors très détaillés. On regrette presque que les cases ne soient qu'en noir et blanc... Ce triptyque aura su suffisamment attiser ma curiosité pour que j'aie du mal à le reposer avant de connaitre le fin mot l'histoire. Une belle découverte. SCENARIO (Originalité, Histoire, personnages) : 7,5/10 GRAPHISME (Dessin, colorisation, mise en page) : 9/10 NOTE GLOBALE : 16,5/20

19/10/2025 (modifier)
Couverture de la série A la ligne
A la ligne

Vraiment pas mal cet album, même si la distanciation dont fait preuve le narrateur m’a parfois engourdi l’esprit, et si je m’attendais à que ce récit soit plus directement militant. Mais ceci étant dit, la lecture est quand même agréable, intéressante et instructive. Martinière adapte ici un roman autobiographique (que je n’ai pas lu), dans lequel le personnage principal et narrateur nous présente sa vie d’intérimaire, embauché à l’arrache dans des usines de conserveries de poissons et dans des abattoirs. Un univers qui mélange le travail à la chaine, l’aspect précaire de l’embauche intérimaire, les horaires décalés (le personnage principal travaille souvent de nuit), et le côté écœurant de la mise à mort des animaux et du « nettoyages » de leurs restes. Bref, une somme de négatif, que notre ouvrier endure, parce qu’il faut bien gagner sa croute. Mais il endure cette situation, et nous la fait passer de façon distanciée. Le texte est parfois minimaliste, il y a peu de dialogues. Un style un peu littéraire, accentué par des citations ou évocations d’auteurs classiques. Notre ouvrier transcende la réalité, la poétise. Sans se refuser le droit de la politiser parfois, lorsqu’il évoque l’attitude et les droits de chacun (intérimaires ou CDI) au moment d’une grève. Quelques touches d’humour aussi. Un humour noir, mais aussi plus simple quelques fois, comme lorsqu’il se voit adjoindre un « coéquipier » fainéant, neuneu et beauf, dont il a du mal à se débarrasser. Le travail éditorial de Sarbacane est, comme à leur habitude, très bon, et le dessin de Martinière, qui use d’un Noir et Blanc léger, mêlant pointillisme et hachures, est très agréable, presque reposant, atténuant un peu la relative dureté de ce qui est montré. Note réelle 3,5/5.

19/10/2025 (modifier)
Par Lodi
Note: 4/5
Couverture de la série Parasite
Parasite

Difficile à noter, et j'aurais le même problème avec L'Attaque des Titans. Le scénario est formidable, et le dessin… nettement moins. Par contre, les animes sont bons, surtout pour Parasite, ou bien est-ce un goût personnel ? A un moment, je le regardais sans cesse en boucle. Qu'est-ce que l'être humain, sa place, celle des parasites ? Les scènes de combat, originales, par la tête ! Le parasite du héros et les deux filles qu'il tente de protéger sans parler de ses parents, tout est parfait. Et la petite musique nostalgique. Il est normal que : - La romance entre le héros et celle qu'il aime paraisse "niaise" car ils sont bien jeunes, et au Japon, les gens ne disent pas directement leurs sentiments, ce qui fait que même des œuvres occidentales ne nous paraissant pas romantiques leur semble romantiques, à eux ! Se dire je t'aime est déjà quelque chose, alors…. - Que les parasites s'opposent est bien : cela montre qu'ils évoluent vers plus d'individualité, ce qui semble normal pour des êtres vivants, pensants, et de plus insérés dans une culture humaine ! - Que la série soit courte est… anormale, et positif ! De longues séries type Attaque des Titans, les Gouttes de Dieu et dans le style franco-belge comme les eaux de Mortelune, peuvent être formidables. Mais il est bon de s'arrêter s'il se trouve qu'on ne trouve plus rien à dire, et c'est ce qui a eu lieu dans Parasite. Bravo ! Dommage, le dessin, sans me déplaire, ne m'enthousiasme pas. Mais quel anime ! Sinon, il parait qu'il y a un spin off d'un autre auteur ne serait pas sans mérite mais je ne l'ai pas lu, alors…

19/10/2025 (modifier)
Par Yann135
Note: 4/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Claude Gueux
Claude Gueux

Ce week-end petite balade au salon de St Herblain, herbulles. J’y allais sans trop connaitre la liste des dessinateurs invités. Après le passage obligé à la librairie qui propose les albums des auteurs présents, je suis subjugué par ceux de Benoît Springer. Je me procure 3 de ses albums. C’est du lourd ! je sens que je vais me régaler ! Voici donc mon premier avis. Je commence par Claude Gueux, d’après la nouvelle éponyme de Victor Hugo. Un coup au foie ! Voilà une Bd percutante qui revisite ce classique du XIXe siècle avec un regard moderne et un style graphique saisissant. Benoît Springer impose un trait puissant et sombre, où les ombres et les contrastes dominent pour traduire l’oppression du système carcéral. Son style nerveux et expressif donne une intensité visuelle rare, renforçant l’émotion et la tension du récit. Séverine Lambour, au scénario, signe une adaptation fidèle et épurée, respectueuse de l’esprit critique et humaniste de Victor Hugo. Les dialogues, minimalistes mais percutants, laissent une large place à l’expression graphique, créant un équilibre parfait entre texte et image. Vos pupilles vont se dilater de plaisirs. Le découpage dynamique et les cadrages audacieux donnent un rythme soutenu à la lecture, tandis que les silences amplifient l’impact dramatique. Les éclairages, souvent réduits à des lueurs dans la pénombre, guident le regard et soulignent les moments clés du récit. Cette maîtrise génialissime de la lumière et de l’ombre renforce l’atmosphère oppressante et tragique de l’histoire. L’album aborde des thèmes universels : la justice sociale, la révolte face à l’injustice, et la quête de dignité dans un monde impitoyable. L’œuvre résonne avec une actualité frappante, rappelant que les combats de Victor Hugo pour l’égalité et la fraternité sont toujours d’une brûlante nécessité. Cette bande dessinée est une expérience de lecture intense accessible à tous, des amateurs de littérature aux passionnés de BD. Elle ne pourra que vous séduire par sa profondeur thématique, son dessin expressif, et sa capacité à émouvoir sans jamais tomber dans le pathos. Seul petit bémol, ça se lit d’une traite et assez rapidement mais que c’est bon ! Je ne peux finir mon avis sans souligner la gentillesse de Benoît qui prend du temps pour répondre aux questions concernant son travail et qui vous fait une dédicace « de la fin du monde » juste incroyable !

19/10/2025 (modifier)
Par cac
Note: 4/5
Couverture de la série Blake et Mortimer - Le Dernier Pharaon
Blake et Mortimer - Le Dernier Pharaon

Blake et Mortimer ne fait pas partie de mes lectures de jeunesse et cela n'entre pas dans mes séries cultes. J'ai trouvé cet album réalisé par F. Schuiten, un auteur que j'aime beaucoup, plutôt réussi et un bel hommage à l'original. Je suis assez surpris du nombre d'avis négatifs. On retrouve des personnages vieillis dans la grande pyramide au départ puis à Bruxelles. L'auteur y glisse des références à ses propres oeuvres comme La Douce ou les Cités obscures mais reste fidèle aux textes narratifs de Jacobs. Le dessin est différent de la ligne claire originale mais je l'aime bien, il est d'une beauté, un travail d'architecte. Le choix de couleurs m'a également paru opportun et les personnages sont tout à fait identifiables. Quant à l'histoire elle mêle ésotérisme, action, science-fiction avec une touche de post-apocalyptique dans cette Bruxelles condamnée et isolée du reste du monde à cause de radiations dans laquelle des personnes sont revenues vivre avec un projet de vie différent. Il faut parfois faire abstraction de son sens terre à terre et se laisser porter. Oui Mortimer est vieux mais se comporte comme James Bond, chutant de 3 mètres sur le parquet sans égratignure par exemple. Selon moi un album qui peut se lire même sans connaitre la série mère et qui reflète les préoccupations de notre époque. 1er 4/5 après 12 avis.

19/10/2025 (modifier)
Couverture de la série Milo & les créatures du grand escalier.
Milo & les créatures du grand escalier.

Voilà un album jeunesse plutôt réussi. Le pitch est des plus simples : le jeune Milo est envoyé par sa mère chercher une chaussette pour sa petite sœur. Mais, arrivé dans la cave, sombre comme de bien entendu, Milo va voir cette chaussette volée et emportée par un rat. Il va se lancer à sa poursuite, et c’est le début d’une longue aventure ! Car rapidement, des passages secrets débouchant sur des lieux improbables vont le mener très loin. Et il va rencontrer une foule de personnages plus ou moins loufoques, la Mort, un fantôme, des personnages difformes, gélatineux, un bouc prénommé Ibn Battuta, etc. C’est extrêmement rythmé, Milo vol d’aventures en aventures, plein de courage et de persévérance. La plupart des êtres rencontrés, au départ menaçants – en tout cas provoquant la peur – se révèlent rapidement amicaux, et vont aider Milo à remplir sa mission, ramener cette fichue chaussette ! Avec une chute amusante (et qui aurait pu donner lieu à une suite ?), lorsque sa mère envoie Milo chercher un carton au grenier… Un récit simple et rythmé, dans lequel un gamin dépasse ses peurs, voilà une lecture que les plus jeunes apprécieront sans doute. Malgré l’importante pagination (près de 250 pages), la lecture est rapide : peu de texte, un petit format, et un rythme empêchant de faire une pause…

18/10/2025 (modifier)
Par Présence
Note: 4/5
Couverture de la série Épouvantail
Épouvantail

Les mamans ne reviennent pas toujours, mais ne partent jamais vraiment. - Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. Son édition originale date de 2025. Il a été réalisé par Philippe Pelaez pour le scénario, et par Stéphane Sénégas pour les dessins. Il comporte cent-soixante-sept pages de bande dessinée en noir & blanc. Au beau milieu d’un champ, au sommet d’une butte, se tient un épouvantail à l’ancienne, un mannequin grossier de bois avec un grand manteau flottant au vent, et un chapeau à large rebord. Une personne a fait un cauchemar. Un de ceux qui se nourrissent des vivants. L’épouvantail lui tournait le dos, il se rapprochait. Cette personne glissait lentement au-dessus du sol. Et soudain, dans le silence assourdissant de l’obscurité, il s’est retourné. Les coutures de son sourire ont sauté. Ces yeux faits de deux boutons se sont allumés d’une lumière jaune. Elle ne pouvait pas bouger. Ses bras de bois se sont soudain agités et à leur extrémité ont proliféré des serpents de doigts, entortillés telles les racines d’un arbre mauvais. Son manteau s’est ouvert sur un cep de treille noueux et putrescent qui ondulait comme une vis sans fin. Son sourire écartelé par les lames de ses dents affutées lui mangeait le visage. Elle ne pouvait détacher son regard de ses yeux de lune fauve. Il chantait… Chapitre un : Lily. Dans la cour d’une ferme, Lily, une enfant de cinq ans, chantonne la comptine Promenons-nous dans les bois, en ayant substitué l’épouvantail au loup, tout en nourrissant un groupe de poules. La fillette est rappelée à l’ordre par Belle-Mère, la nouvelle compagne de son père. Cette dernière lui fait une remontrance : Lily ne devrait pas donner à manger aux poules avec ses baskets toutes neuves et toutes blanches, elle lui avait dit de mettre ses bottines. Père intervient pour appuyer les dire de sa compagne, et Lily se fâche, et décide d’aller voir l’épouvantail dans le champ. Alors que la fillette vient de partir, une voiture de police arrive et s’arrête dans la cour. Capitaine et son adjoint entre dans la ferme et posent quelques questions supplémentaires à Père, pendant que Belle-Mère leur sert un verre d’eau. Ils souhaitent avoir des détails supplémentaires sur le matin où s’est produit l’accident. L’heure, ce qu’a fait Père. Ce dernier raconte : Sept heures, sept heures quinze, oui. Le jour venait de se lever. C’est là qu’il s’est rendu compte que la barrière était mal fermée, et que deux chèvres en avaient profité pour s’échapper. Ça arrive régulièrement. Faut qu’il répare cette fichue barrière ! D’un autre côté, elles ne partent jamais bien loin. Mais parfois, elles vont jusqu’au bois. Et là, c’est plus coton pour les retrouver. Avant, il avait son chien, un beauceron, qui les retrouvait en deux temps, trois mouvements. Mais il est mort il y a quelques mois. Évidemment, cette fois-là, ça n’a pas loupé, elles étaient dans leur bois. Il n'aime pas y aller au bois. Et il n’aime pas quand les chèvres y vont pour boire dans l’étang… parce qu’il y a la route de l’autre côté, juste derrière le versant. Il a toujours peur que les chèvres traversent et se fassent renverser par une voiture ou un camion. Ce récit présente plusieurs particularités qui lui donne une forte personnalité dès la première page. L’artiste réalise dessins un registre descriptif et réaliste, avec un degré de simplification, une forme d’exagération dans l’anatomie des personnages et dans leur visage, des traits de contour fins et cassants, des aplats de noir aux formes irrégulières et souvent acérées, un usage parcimonieux des nuances de gris en lavis, des exagérations ponctuelles de perspective pour rendre un moment plus dramatique. Deuxième singularité : dès le prologue, l’épouvantail incarne une force surnaturelle, dont la nature n’est pas explicite. Troisième caractéristique : Lily a un fort caractère et elle chante une comptine dans le premier chapitre, ce qui fait tout de suite penser le lecteur à un conte, association d’idées se produisant comme un automatisme, rapprochement également induit par la couverture, avec cette nuée noire émanant de l’épouvantail comme une sorte d’émanation d’une force surnaturelle. Autre caractéristique : le scénariste a fait le choix de ne nommer que deux personnages : Lily et sa mère biologique Ophélie. Charge au lecteur de nommer les autres personnages : Père, Belle-Mère, Capitaine pour l’inspecteur de police menant l’enquête, et encore quelques seconds rôles. En fait ce n’est pas tout à fait aussi restreint. Par la suite, Lily nomme trois animaux de la ferme : Poulette, Minette, Chevrette. Au cours du récit, une évidence s’impose à elle : elle doit trouver un nom à Épouvantail. Régulièrement, les dessins et la mise en page dégagent un décalage, une étrangeté, entre menace potentielle, non-dit flagrant, réaction bizarre, et manifestation surnaturelle qui ne se trouve peut-être que dans l’esprit du personnage. Pour commencer, il en va ainsi de l’apparence de l’épouvantail : ses dents trop blanches et trop longues en page trois, les sortes de fins troncs entremêlés en page quatre. Toutefois, il faut attendre la page dix-neuf pour le revoir, une minuscule ombre chinoise au sommet de la colline. Par la suite, Épouvantail (avec une majuscule pour désigner le personnage) conserve une apparence quasi identique, immuable, si ce n’est pour son pardessus parfois agité par le vent, ou trempé par la pluie. Il retrouve un peu d’animation lors d’un cauchemar de Capitaine. Et pourtant, la narration visuelle en fait plus qu’une présence immobile, un personnage à part entière, aidée en cela par le fait que certains personnages l’entendent parler. La combinaison des dessins et des dialogues place le lecteur dans le doute, entre un conte dans lequel un objet inanimé est doté de conscience et d’une forme de parole, et la possibilité que tout cela ne soit que dans la tête des personnages qui l’entendent parler, ou peut-être même seulement l’interprétation qu’en fait un unique personnage, en l’occurrence Lily, en tant que narrateur possiblement non fiable. D’ailleurs le traitement graphique de Lily donne l’impression qu’elle est constituée des mêmes éléments que Épouvantail. Un visage simplifié, presque chérubin, une coupe de cheveux avec une frange masquant tout le front, des yeux souvent réduits à deux points, un nez représenté par un petit trait horizontal, et une bouche soit également sous forme de court trait horizontal, soit parfois grande ouverte pour un sourire éclatant. Elle est le plus souvent vêtue d’une large robe d’enfant avec une poche centrale sur le devant, et elle porte ses bottes, après la première séquence. À deux ou trois reprises, une sorte d’ectoplasme d’une grande noirceur plane au-dessus de sa tête, alors qu’elle est sous l’influence de la colère. Les autres personnages présentent également chacun une caractéristique dans le visage qui fait hésiter le lecteur entre une touche caricaturale, ou une exagération inquiétante, comme si le récit pouvait basculer à tout moment dans l’horreur, ou en tout cas dans une sensation de bascule à tout moment. Le lecteur regarde ainsi Père costaud et au visage calme qui semble ne pas percevoir les accusations sous-jacentes, le petit visage de Belle-Mère avec ses yeux cachés derrière ses énormes lunettes comme si elle souhaitait rester en retrait, le visage un peu trop allongé de Capitaine comme s’il était capable de s’enfoncer comme un clou dans la vie des gens pour découvrir tout ce qu’ils préfèreraient laisser caché. Les paysages eux-mêmes prennent souvent une allure expressionniste. Les troncs d’arbres du bois qui évoquent des tentacules en ombre chinoise. Les ondulations de la butte qui peuvent laisser penser que Épouvantail va dévaler sur la pente herbue. Un carré d’herbe isolé dans lequel Lily menace de s’enfoncer comme dans des sables mouvants. Une pluie dense dans un ciel gris, comme la pluie du jugement dernier prête à engloutir le monde. Un long couloir interminable avec une porte tout au fond de cette perspective ressemblant à un abyme. Dans le même temps, les personnages interagissent avec ces décors parfois presque animés, qui influent sur leur état d’esprit. À d’autres moments, c’est l’entrain de Lily qui va dominer, telle cette course en cariole, évoquant Calvin & Hobbes dans une activité similaire. Bien souvent, le lecteur ressent un vrai plaisir à découvrir et à savourer ces moments visuels, la prise de vue et la construction de page très vivantes. Séduit par la narration visuelle et par le caractère entier de Lily, le lecteur se prête bien volontiers au jeu de relever une pièce de puzzle à la fois pour l’intrigue et de chercher comment elles s’assemblent, d’essayer de devancer les révélations pour comprendre ce que cachent les non-dits, ce que cherche Capitaine dans son enquête, qui est coupable de quoi. Peut-être un meurtre ? Peut-être deux ? En quoi Ophélie, la mère de Lily, et son absence sont liées au mystère ? Intriqué avec cette intrigue policière, le lecteur perçoit que les éléments de conte peuvent s’interpréter comme des métaphores. À l’évidence, la relation que Lily entretient avec Épouvantail constitue une image de des émotions et de leurs fluctuations de la petite fille vis-à-vis de l’absence de sa mère, du souvenir qu’elle en garde. Les propos tenus par Épouvantail peuvent être considérés comme l’inconscient de Lily qui exprime ce qu’il a capté, mais que la petite fille ne peut exprimer faute de mots. Puis d’autres personnages réagissent à Épouvantail comme s’il incarnait quelque chose pour eux, à chaque fois différent. Comme si le fait qu’il ait été fabriqué par Ophélie l’avait également doté d’une charge émotionnelle rémanente, l’avait chargé d’une énergie occulte. Inconsciemment, Lily ressent que Père ne lui a pas dit la vérité sur le sort de sa mère. Inconsciemment Capitaine ressent que la présence de Épouvantail a dû influer sur le déroulement de l’accident. Progressivement Épouvantail change de statut grâce à l’honnêteté de l’enfance, le fait de le nommer changeant sa nature. Un album singulier. La narration visuelle en noir & blanc exprime à merveille les sensations de ce récit entre polar et conte, entre éléments factuels, ressentis, et non-dits, mensonges et culpabilité d’ordre divers. La narration met le lecteur en mode participatif, cherchant à deviner qui a fait quoi, à déterminer le lien entre des événements funestes, reconfigurant ses hypothèses à chaque nouvelle information. C’est encore Lily qui le dit le mieux : Ce qu’il y a de bien, quand on joue à refaire l’histoire, c’est qu’on peut changer la fin…

18/10/2025 (modifier)
Par PAco
Note: 4/5
Couverture de la série Armelle et Mirko
Armelle et Mirko

Avec "Armelle et Mirko", Loïc Clément, Anne Montel et Julien Arnal nous emmènent dans le petit monde bien sombre d'Armelle. Pauvre petite tortue dont le comble du malheur est d'être phobique de l'obscurité... Compliqué de se prémunir des dangers quand son refuge naturel n'est qu'une source d'angoisse ingérable. Heureusement, la rencontre de la luciole Mirko va tout changer ! C'est tout en poésie, grâce notamment au trait tout en rondeur et à une colorisation contrastée et lumineuse, que Julien Arnal nous emmène dans cet univers simple mais pas simpliste. Avec cette histoire toute en subtilités, les enfants découvriront que les angoisses et les peurs, ça arrive à tout le monde et qu'en échangeant avec les bonnes personnes, il existe souvent un moyen de se sortir d'un mauvais pas, voire de se faire des amis. Voilà un album très élégant (je trouve déjà la couverture magnifique), intelligent et empreint de cette petite touche de poésie qui fait toute la différence. *** Tome 2 *** Après l'émerveillement du premier tome, j'étais curieux de voir ce que les auteurs allaient nous proposer pour ces curieux petits personnages. Personnellement, j'ai trouvé que le graphisme était encore plus majestueux mais l'histoire m'a moins touché. Mirko la luciole décide de reprendre son chemin et notre petite Armelle a bien du mal à voir son seul ami reprendre la route et la laisser à ses angoisses. Mais ayant appris à les gérer tant bien que mal, elle va réussir à se faire de nouveaux amis... Moins profond que le premier tome, cet album nous émerveille pourtant grâce au dessin de Julien Arnal qui s'est encore plus lâché, notamment sur la colorisation. C'est lumineux, avec toujours cette petite touche de poésie, tout en abordant des thématiques fortes (amitié, solitudes, angoisses, etc.). Une belle série jeunesse. *** Tome 3 *** C'est avec plaisir que nous retrouvons notre petite équipe d'animaux. L'hiver s'est installé et notre petite troupe profite joyeusement des bons côtés de l'hiver. Balades et randonnées, partage d'un bon repas, lectures solitaires... Tout est bon pour conforter cette belle amitié qui les lie. Mais la fin de l'hiver et le dérèglement climatique va s'inviter violemment dans cette routine rassurante et finir par séparer nos amis. Une nouvelle épreuve à traverser... Ce troisième tome reste toujours aussi agréable, même pour l'adulte que je suis. La qualité est toujours au rendez-vous, que ce soit dans l'écriture que dans l’illustration. Les textes relèvent en effet d'un certain niveau de lecture qui est plutôt plaisant sans donner dans le verbeux ou le pompeux, à l'image du dessin de Julien Armal toujours aussi chatoyant et lumineux. Sa colorisation aquarellée est somptueuse et se marie à merveille avec le récit pour donner cette petite touche de légèreté et de poésie qui transpire de cette série. Encore un très bon tome ! *** Tome 4 *** Oh ! Un Nouvel Armelle et Mirko ! On retrouve notre joyeuse petite bande qui après ses déboires a fini par élire domicile dans une carcasse de tank. Bon, ça ils ne le savent pas, et c'est pour le coup ils l'ont rudement bien aménagé ! Tout va donc pour le mieux, sauf que la vie en communauté, c'est pas toujours facile. Mais le problème avec nos exubérants collocs' c'est qu'Armelle doit supporter la musique matinale de Mirko, repasser derrière tout le monde pour ranger ou faire la vaisselle, supporter les recettes loufoques ou pas à son goût de la renarde... Ajoutez à cela son impossibilité de leur dire... et Armelle va finir par voir rouge !!! Toujours aussi agréable et doux visuellement, le graphisme d'Anne Montel répond à merveille à ces petites histoires malines et intelligentes, ici, l'importance de communiquer et les soucis de vivre ensemble. Une série pour les plus jeunes qui ne les prend pas pour des neuneus (le vocabulaire en est le parfait exemple) et qui traite ses sujets de façon originale ; je recommande !

27/03/2023 (MAJ le 17/10/2025) (modifier)
Par Cacal69
Note: 4/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Leave them alone
Leave them alone

Un coup de cœur pour cet excellent western. Un western très classique, mais n'est-ce pas avec les vieilles recettes que l'on fait les meilleures histoires ? Les 160 pages se dévorent rapidement. En 1874, le Far West est encore sauvage dans cette contrée désertique des États-Unis. Des bandits attaquent régulièrement la diligence qui transporte les fonds nécessaires à la petite ville de Flagstaff. Le propriétaire de la banque cherche un moyen pour stopper ces attaques, et il croit l'avoir trouvé avec ce nouveau coffre piégé d'explosifs. La particularité de ce western c'est qu'il va mettre en avant trois femmes, la Jeune Elfie qui vient d'avoir 18 ans et sa grand-mère Marian, elles tiennent un relais de diligences en plein désert. La troisième, la jolie Mattie, est une prostituée qui veut changer de vie. Dans les personnages masculins, un mystérieux cow-boy solitaire tiendra un rôle important, ce qui sera moins le cas de Mad Wolf, un indien navajo qui travaille lui aussi au relais de diligences. Un récit très bien construit, le suspense est présent du début à la fin et les rebondissements sont bien amenés, mais c'est surtout la psychologie très bien travaillée des protagonistes, même des rôles moins importants, qui rend ce récit accrocheur. Certains sont attachants, malgré leurs défauts, et d'autres sont plus que détestables. La violence est omniprésente, je ne compte plus le nombre de balles dans la tête (ou de hache) et ces dames ne seront pas à la noce, tentatives de viol et viols sont malheureusement fréquents dans cette partie du Far West. Une histoire qui se termine sur une note optimiste. J'ai beaucoup aimé le dessin de Christophe Regnault (il va vraiment falloir que je lise son Jesse James). Un style dans la pure tradition du western mais avec une belle expressivité, de la lisibilité et une grande diversité dans les trognes des personnages (elle reflète parfaitement leur personnalité). La mise en scène joue sur les gros plans et ceux plus larges pour profiter des magnifiques paysages. De superbes pleines pages pour le plaisir de nos rétines Du très bon boulot. Un western à découvrir, sans le moindre doute.

17/10/2025 (modifier)