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Couverture de la série La Terre, le ciel, les corbeaux
La Terre, le ciel, les corbeaux

Même si je pensais être saturé par les récits sur la Seconde Guerre mondiale, cette bande dessinée m'a prouvé qu'il est possible d'aborder le sujet sous un nouvel angle captivant. Le récit suit l'évasion de deux détenus – un Allemand au tempérament rustre et un Italien un brin rêveur et idéaliste (notre héros) – ainsi que leur prisonnier russe, au cœur des immensités enneigées de la Russie. Ici, plus que de guerre, il est surtout question de liberté, de tolérance et de générosité. Bien qu'il ne se passe pas énormément de choses durant les 200 pages que constituent cette bande dessinée, j'ai vraiment été séduit par la poésie qui s'en dégage. La voix off du héros, qui décrit ses pensées et états d'âme est vraiment bien écrite. L'idée de conserver les dialogues en version originale (allemand et russe) est un choix narratif pertinent et audacieux qui intensifie le sentiment d'isolement et la complexité des relations entre les trois personnages. De plus, l'évolution de leurs rapports au cours de leur périple est crédible et le choix final du héros vis-à-vis de son otage russe, plutôt inattendu. Visuellement, les aquarelles sur papier mat sont superbes, notamment dans le rendu des paysages enneigés et des animaux sauvages. Une très belle lecture qui marque, et qui me donne envie de découvrir les autres créations du couple Radice et Turconi. SCENARIO (Originalité, Histoire, personnages) : 8/10 GRAPHISME (Dessin, colorisation) : 8,5/10 NOTE GLOBALE : 16,5/20

23/11/2025 (modifier)
Par Spooky
Note: 4/5
Couverture de la série Frankenstein (Walsh)
Frankenstein (Walsh)

Je pense que Frankenstein est peut-être l'œuvre la plus adaptée en bande dessinée. Il faut dire que la puissance d'évocation du roman de Mary Shelley y est particulièrement propice. Cette nouvelle version est celle de Michael Walsh, et se trouve être en fait l'adaptation de l'adaptation cinématographique de 1931, réalisée par James Whale. Ce ne fut pas la première adaptation, mais la première véritablement marquante, avec la figure de Boris Karloff, dont le visage massif, buriné, et planté de clous ou de vis est rentré dans l'inconscient collectif lorsqu'on évoque la créature de Frankenstein. Car oui, une bonne fois pour toutes, Frankenstein n'est pas le nom de cette créature, qui n'en a d'ailleurs pas, mais bel et bien celui de son créateur, ce savant un peu fou qui redonne la vie grâce à l'électricité. Ici pas de final sur la banquise, le savant n'est plus Viktor, mais Henry Frankenstein, et celui-ci rencontre son destin au pied d'un moulin à vent... L'adaptation de Michael Walsh, auteur canadien, suit d'assez près le film de 1931, mais il y adjoint, en particulier, la présence de Paul, le jeune fils de l'une des composantes de la créature, qui joue un peu le rôle de la petite fille dans le jeu des Loups-Garous de Thiercelieux : un personnage qui, du fait de sa petite taille, se faufile partout, observe et comprend pas mal de choses. Il intervient un peu dans l'histoire, sans toutefois changer notablement la trame du récit. C'est un ajout intéressant, assez crédible en soi, et cela ajoute un peu de moteur dans l'action qui est tout de même assez rapide. L'album comporte 128 pages, mais seulement une centaine pour l'histoire proprement dite. Celle-ci est complétée par quelques croquis et couvertures réalisés par Walsh, mais aussi et surtout une belle postface, signée par Arnold Petit, traducteur de l'album, qui est aussi un youtubeur spécialisé dans l'horreur, et retrace en deux-trois pages la trajectoire spéciale de l'œuvre de Shelley, avec surtout un focus sur le film de Whale, ce qui est normal. Walsh propose quant à lui une adaptation assez puissante, dotant cette histoire de son dessin fort évocateur, jouant sur les ombres avec malice (aidé de sa coloriste Joni-Marie Griffin). Bref, une bien belle version !

23/11/2025 (modifier)
Couverture de la série Son odeur après la pluie
Son odeur après la pluie

J’ai découvert la BD Son odeur après la pluie dans son édition collector à dos toilé, et rien que l’objet en lui-même est superbe. Cette version enrichie, avec l’interview et une histoire courte supplémentaires, donne vraiment la sensation d’avoir entre les mains un ouvrage pensé pour durer, presque un livre-souvenir. Ça correspond parfaitement au ton de l’œuvre, qui parle justement de mémoire, de traces laissées, de ce qui demeure quand tout le reste s’efface. L’adaptation réalisée par José Luis Munuera m’a profondément touché. Il parvient à conserver l’âme du roman de Cédric Sapin-Defour tout en lui offrant une vie nouvelle grâce au dessin. Son trait, à la fois doux et expressif, donne un relief incroyable à la relation entre Cédric et Ubac. Les couleurs amplifient encore cette sensation d’intimité et de sérénité : on a l’impression de partager de vrais instants de vie, dans leur simplicité la plus sincère. Rien n’est forcé, tout respire la retenue et l’humanité. Un des grands plaisirs de cette BD, et l’un de ses choix narratifs les plus réussis, est ce chapitre où l’on se retrouve dans la tête d’Ubac. On voit le monde à travers sa perception, ses pensées simples mais d’une sincérité absolue, son rapport au maître, au temps, aux sensations, les odeurs. C’est un moment très fort, à la fois touchant et lumineux, qui offre un contrepoint unique au récit. Cette parenthèse narrative renforce encore l’attachement que l’on ressent pour lui et permet de vivre leur relation d’une manière plus intime, presque instinctive. C’est l’un des vrais “plus” de la BD. Ce qui m’a marqué, au-delà de la beauté du dessin, c’est la manière dont le deuil est représenté. Le lien entre l’homme et son chien est traité avec une pudeur rare, et c’est peut-être ce qui rend les moments les plus difficiles encore plus percutants. La mémoire, ce qu’il reste de l’autre, “l’odeur après la pluie”, tout cela est raconté avec une tendresse immense. Comme Gruizzli, j’ai aussi été bouleversé par la phrase du veuf devant la tombe. Je ne vais pas divulgâcher cette phrase, mais je partage totalement son ressenti : elle est sublime, incroyablement juste, et parfaitement mise en valeur par cette planche muette qui précède. Tout y est construit pour que ces quelques mots résonnent longtemps, comme un murmure qui persiste. C’est un moment qui m’a profondément marqué. En refermant la BD, j’ai eu le sentiment de quitter une histoire qui m’avait réellement accompagné. Comme si le livre lui-même avait quelque chose de précieux à transmettre. Son odeur après la pluie est une œuvre délicate, sincère, et profondément humaine. Elle parle de l’amour, de la compagnie, de la perte, mais surtout de ce qui reste : les souvenirs, les gestes, l’odeur aimée que la pluie n’efface jamais tout à fait.

23/11/2025 (modifier)
Par Lodi
Note: 4/5
Couverture de la série Kleos
Kleos

Manière de conter l'histoire grecque plus réaliste et originale que d'habitude, le personnage principal, entre héros et victime, me plait bien. Si son courage et son envie de se dépasser me plaisent, même avec la naïveté que cela charrie, on ne nous le montre pas de façon irréaliste ou trop sympathique : il prend comme il se doit à son époque esclaves et femmes de haut. Et les dessins, et les images, donc ! Finira-t-il tué, esclave, en héros comme il le souhaite, de retour chez lui, ou de manière plus imprévue ? Que l'auteur nous étonne comme depuis le début, par Zeus ! On n'a pas trop parlé du dessin, ferme et léger, avec quelque chose de tendre. Pareil pour les couleurs. Il y a là un style, sans lequel toutes les autres qualités ne sont même pas perçues. A noter que les autres personnages ne manquent pas d'intérêt, par exemple les femmes, assez indulgentes pour un héros qui n'a pas le niveau, et un éventuel amant qui s'intéresse classiquement moins à l'amante qu'à la gloire.

23/11/2025 (modifier)
Par Lodi
Note: 4/5
Couverture de la série Seuls
Seuls

J'aurais adoré lire cette série, enfant ! Du mystère, et plus original que souvent, de jeunes héros sympathiques, et un trait un peu rond mais pas trop…. La série est-elle trop longue ? Je ne sais pas, je n'ai ni sentiment de trop ni de perfection, à son propos. Et il faut penser que quand on est enfant, voire adulte, on aime garder ses héros. Donald, ses neveux… Et les adultes ? Eh bien, les continuations des histoires de diverses mythologiques et des contes arthuriens me font songer qu'ils le désirent aussi, sans que ce soit le dit. En dehors même de toute considération commerciale ! Bref, les gens ne disent pas qu'ils veulent des héros éternels, mais les créateurs éventuellement en phase avec ce vœu et les maisons d'édition n'ont certainement rien contre. Alors tant que les scénaristes et dessinateurs sont inspirés, je ne vais pas leur dire d'arrêter.

23/11/2025 (modifier)
Couverture de la série De Cape et de Mots
De Cape et de Mots

Une histoire simple, pas révolutionnaire sur le papier (si vous m'excusez le jeu de mot), mais suffisamment bien écrite et racontée pour vous laisser avec un grand sourire aux lèvres une fois l'album refermé. Serine, jeune noble sans le sou, fui sa famille et les obligations d'un mariage qu'elle refuse pour rejoindre le palais royal. Là, grâce à ses talents d'oratrice et sa capacité d'improvisation sans faille, elle se retrouve rapidement en dame de compagnie de la Reine. Mais, loin des images enjolivées que l'on pourrait avoir, la Reine est sotte, cruelle, et le reste de la cour n'est pas moins vilain, alors après de nombreuses humiliations, un renvoi et même une tentative d'assassinat, Serine décide de changer d'identité et de devenir fou du roi. Pour mettre un grand coup de pied dans la fourmilière, révéler les complots qui se trament au palais, venir en aide aux plus faibles au nez et à la barbe des puissants et ouvrir les yeux d'un roi, Shakespeare me l'a bien appris, rien de tel qu'un fou. C'est une histoire assez semblable à une comédie de cour classique, avec son arrangement en actes et scènes bien découpé-e-s, ses manigances qui seront déjouées avec brio par le bagou et la ruse des protagonistes, son goût prononcé pour les jeux de langues et les retournements de situations à foison, … Bref, moi qui ait une petite affection pour ce genre de récit (surtout quand il ne glorifie pas la cour et la noblesse) je suis ravie. Serine est une protagoniste attachante, espiègle et empathique avec son prochain, et sa sincère envie de changer le monde qui l'entoure pour le mieux dans la seconde moitié de l'album est entraînante. Sa romance avec le jeune bourreau lettré est mignonne, ses jeux sur les mots et devinettes (particulièrement lorsqu'elle devient fou) m'ont paru particulièrement bien trouvés, son happy ending m'a paru amplement mérité (et de bon ton en considérant l'atmosphère proche d'un conte qu'a la récit), … Bref (bis), j'ai aimé Serine et son histoire. Comme dit dans mon introduction c'est une histoire simple, mais une base simple qui se révèle bien exécutée vaudra toujours le coup d'œil. Et puis c'est Kerascoët au dessin, et j'adore les petites bouilles de leurs personnages ! (Note réelle 3,5)

23/11/2025 (modifier)
Couverture de la série L'Amourante
L'Amourante

L’intrigue est relativement originale, et l’idée de départ permet à l’auteur de multiples digressions dans la bouche des protagonistes, sur des sujets très divers (l’amour, la place des femmes dans la société, les progrès scientifiques ou des mœurs, les différents travers de la société moderne, etc.). C’est aussi une défense et illustration du Carpe Diem. Si la chute se laisse deviner bien en amont, elle illustre assez bien le propos de l’auteur : profiter de la vie, plutôt que l’étirer à l’infini sans en tirer de véritable plaisir. La narration est globalement fluide, s’attardant sur certains moments clés, puis passant plusieurs dizaines d’années ou plus d’un siècle en quelques cases. On est facilement embarqué dans l’histoire, de ces êtres qui ne vieillissent pas tant qu’ils sont aimés, mais qui en contrepartie ne doivent pas aimer eux-mêmes. Le dessin est lisible, mais je l’ai souvent trouvé assez peu détaillé. Disons que ça n’est pas forcément ma came (affaire de goût donc), mais qu’il est fluide et accompagne bien le récit. Note réelle 3,5/5.

23/11/2025 (modifier)
Couverture de la série Beneath The Trees - Where Nobody Sees
Beneath The Trees - Where Nobody Sees

Beneath the Trees : Where Nobody Sees est une bande dessinée qui surprend par son univers à la fois doux et troublant. Patrick Horvath crée un monde peuplé d’animaux anthropomorphes où le graphisme pastel et délicat contraste avec l’existence d’un élément sombre : un tueur rôde dans la ville. Cette dualité entre l’apparence tranquille et la menace latente installe une tension constante et captivante. Le récit explore subtilement des thèmes profonds comme l’identité, les apparences et la nature humaine, tout en maintenant un suspense efficace autour de ce mystère. Les personnages, malgré leur apparence douce, possèdent une vraie complexité qui enrichit l’intrigue.

23/11/2025 (modifier)
Par Blue boy
Note: 4/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Crénom, Baudelaire !
Crénom, Baudelaire !

Tome 3 : Le Serpent qui danse Avec le dernier volet de cette trilogie, le lecteur va suivre Baudelaire dans la dernière partie de sa vie, une vie minée par les problèmes d’argent, son addiction aux substances illicites, et ce mal rampant qu’est la syphilis. Il faut dire qu’il a perdu de sa superbe, le Charles ! Le poids des ans n’arrange rien et commence à se faire sentir sur sa dégaine de dandy à présent quadragénaire : yeux rougis et regard fiévreux, visage marqué et démarche voutée, son arrogance des premières années semble s’être envolée avec sa jeunesse. Sa nouvelle célébrité, entravée par ses démêlés avec la justice, ne suffit pas à compenser le train de vie du poète hédoniste et flambeur, désormais pourchassé par les huissiers. « Coco mal perché », son éditeur, devra bientôt mettre la clé sous la porte et fuir vers Bruxelles, là où Baudelaire, dont la réputation commence à traverser les frontières, est venu donner des lectures qui se solderont par un bide fracassant. Quant à Jeanne Duval, sa muse de toujours, la grande vérole aura eu raison d’elle : là voilà désormais hémiplégique. Baudelaire loue une chambre à Neuilly et devient son « tuteur ». Mais c’est sans compter sur le frère de Jeanne, qui vient taper l’incruste et est devenu le proxénète de celle-ci ! Dans la parfaite lignée des deux premiers tomes, « Le Serpent qui danse » conclut de fort belle manière cette fresque épique consacrée à l’homme qui aura révolutionné la poésie dans la France du XIXe siècle. Fidèle à la narration très fluide de Jean Teulé, Dominique Gelli vient la sublimer avec un dessin très pictural qui évoque les peintures de ce siècle, mais avec la touche de modernité induite par la bande dessinée. Un pur régal pour les yeux. On sent bien que Baudelaire a été pour lui une source d’inspiration. Son style conjugue l’admiration qu’il porte au poète au pittoresque caractérisant le roman de Teulé. Tino Gelli continue de son côté à insérer ses respirations graphiques en illustrant quelques poésies extraites des « Fleurs du mal ». Le tout contribue à faire de ce double hommage (à Jean Teulé autant qu’à Charles Baudelaire, un immense poète si l’on fait abstraction des aspects les plus détestables du personnage) une œuvre qui fera date. Tome 2 : Les Fleurs du mal Dans la ligne du tome 1, cette suite ne faiblit pas et reste totalement conforme à ce qu’on pouvait en attendre. Baudelaire et ses frasques de dandy mal léché, racontés avec brio par Jean Teulé, ont décidément été une source d’inspiration pour Dominique Gelli, et cela se ressent dans la qualité narrative et visuelle de cette adaptation. Tout comme Teulé, l’auteur parvient à nous immerger dans ce Paris du XIXe siècle, un Paris qui basculait rapidement vers la modernité, avec les travaux spectaculaires du baron Haussmann qui allaient donner à la capitale un nouveau visage, se rapprochant de celui qu’on lui connaît aujourd’hui. Gelli décrit très bien ce contexte qui suscitait la grogne parmi la population, en particulier celle des classes laborieuses et des sans-grades, qui se voyaient contraints de s’exiler vers les faubourgs, ou bien celle des artistes qui assistaient impuissants à la disparition du Paris populo et gouailleur qu’ils chérissaient. Bien qu’issu d’un milieu aisé, Baudelaire en était, un peu contre son gré, lui dont la principale préoccupation en tant que poète hédoniste consistait à vivre sans contrainte tout en rejetant les codes hypocrites de la haute société. D’un point de vue graphique, on peut dire que Dominique Gelli s’est surpassé, nous offrant des scènes superbes de la vie parisienne qui évoquent les peintures de Renoir, Pissaro, Monet et j’en passe, avec des tonalités obscures faisant ressortir les vêtements colorés du poète dandy. Tino Gelli, dans sa démarche picturale plus abstraite, vient enrichir la narration en illustrant les vers de ce dernier avec des pleines pages comme autant de respirations. Tout en restant fidèle au roman de Jean Teulé, notamment par l’humour qui le traverse, Dominique Gelli est parvenu à se l’approprier totalement. Sa représentation de Baudelaire peut toutefois apparaître éloignée des photographies que l’on connaît du poète. Si son accoutrement reflète bien l’extravagance de l’homme, dont le narcissisme n’avait d’égal que la folie, son visage, ordinaire et peu séduisant sous le pinceau du dessinateur, ne joue guère à son avantage. Certes, Baudelaire était loin d’être aimable, on pouvait même légitimement le qualifier de connard arrogant et fantasque, mais indiscutablement il était conscient de la fascination qu’il pouvait exercer sur son entourage, et il en jouait. Sa force était sans doute de ne pas faire cas de ce que l’on pensait de lui et d’aller jusqu’au bout de ses désirs. En résumé, ce tome 2 est une réussite et laisse à penser que la trilogie, une fois terminée, fera partie des biographies en BD les plus marquantes dans le domaine de l’art et de la littérature. Tome 1 : Jeanne Quelques mois après la mort de Jean Teulé, la sortie de cet ouvrage prend une dimension tout à fait particulière. Cet auteur, qui avait débuté dans la bande dessinée au tournant des années 80, s’était par la suite converti au roman où il évoquait comme personne la vie de personnages illustres de l’Histoire. Et pourtant, le lien avec le neuvième art n’a jamais été véritablement rompu, beaucoup de ses romans ayant fait l’objet d’une adaptation en BD, la plus emblématique étant sans doute Charly 9, de Richard Guérineau, une fresque grandiose consacrée au roi Charles IX. Il y eut également Je, François Villon, de Luigi Critone, et Ô Verlaine, de Philippe Thirault et Olivier Deloye. « Crénom, Baudelaire ! », le roman, n’était paru qu’en 2020. Après plusieurs années d’absence, Dominique Gelli, dont c’est ici la deuxième adaptation d’un ouvrage de ce conteur hors pair qu’était Jean Teulé, après Mangez-le si vous voulez, récit incroyable d’un fait divers effrayant pendant la guerre franco-prussienne de 1870, aura eu avec cette BD l’opportunité de se remettre sur les rails tout en révélant le talent graphique dont il était capable. Et lorsqu’on découvre ce nouvel opus, on se dit que le précédent n’était en fait qu’une mise en bouche… Pour ce faire, Dominique s’est adjoint les services de son fils Tino (on est artiste dans la famille !), davantage tourné vers la peinture, « inspiré par le mysticisme et l’ésotérisme », peignant et composant « sa propre musique qui devient la bande originale de son œuvre picturale », selon les termes de l’éditeur. Ainsi, ce portrait composé à quatre mains est le fruit d’une alchimie père-fils qui semble avoir fonctionné à plein. La partition narrative au trait légèrement charbonneux, assuré par Dominique, est entrecoupée de planches le plus souvent en pleine page, dévoilant le travail du fiston, entre abstraction et symbolisme. Gelli père quant à lui, a visiblement été très inspiré par ce portrait, et sa maîtrise sur la couleur que l’on avait constatée dans Mangez-le si vous voulez donne ici sa pleine mesure. Les scènes en clair-obscur sont splendides, avec ces touches de vert fluorescent ou de rouge qui explosent sous la grisaille parisienne, sans parler des délicats effets de drapés (la robe démesurée et voluptueuse de Madame Baudelaire !). Jeanne Duval, le « soleil noir » de Baudelaire, apparaît tel une reine africaine antique, d’une flamboyance presque terrifiante à faire pâlir — et c’est le cas — tous ceux gravitant autour d’elle, d’autant qu’à l’époque les Noirs étaient extrêmement rares à Paris. Les quelques scènes sexuelles un peu crues ne contiennent aucune once de vulgarité, et en ce sens reflètent parfaitement le propos baudelairien. Si le roman a ici été très bien synthétisé dans sa narration, évitant même de reproduire les tics un brin agaçants de Teulé de recourir à des expressions modernes, surtout dans la première partie de son livre, il a été littéralement magnifié d’un point de vue graphique. On ne pourra être que subjugué par ce qui s’avère un des joyaux éditoriaux de l’année. Cette BD, premier volet d’une trilogie pour laquelle l’écrivain a dispensé ses conseils, constitue donc désormais un double hommage, dédié d’une part à un immense poète (malgré son caractère invivable) et d’autre part un talentueux conteur des temps modernes. Il va sans dire qu’on est impatient de découvrir la suite.

10/06/2023 (MAJ le 22/11/2025) (modifier)
Par Alix
Note: 4/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Criminal - Les Acharnés
Criminal - Les Acharnés

4 ans après l’excellent Un été cruel, le trio Brubaker / Phillips père et fils revisite l’univers noir de Criminal, avec ce nouveau one-shot qui peut se lire indépendamment, le lien avec la série mère se faisant via le personnage de Tracy Lawless. Pas de surprise niveau histoire, les auteurs sont au sommet de leur art. L’intrigue est complexe et passionnante, et parfaitement narrée. Les personnages de Jacob et Angie sont attachants, les sauts temporels nous permettent de découvrir les méandres de la galère dans laquelle ils se sont fourrés… impossible de refermer l’album avant d’en connaitre le dénouement. Pas de surprise non plus du coté du dessin… c’est du Phillips, père et fils, c’est efficace, l’ambiance noire et poisseuse est parfaitement retranscrite. Un excellent polar noir, immanquable pour les amateurs du genre… et pour couronner le tout, Brubaker annonce dans la postface que le prochain album de Criminal est déjà en cours de réalisation… vivement !

22/11/2025 (modifier)