Les derniers avis (31304 avis)

Par PAco
Note: 4/5
Couverture de la série À la poursuite de Jack Gilet
À la poursuite de Jack Gilet

Très bonne surprise que cet album, par le biais duquel je découvre le talent de David Ratte. ! Jack Gilet est bourreau aux États-Unis au début du XXe siècle. Mais bourreau pour... animaux ! Il est donc chargé de l'exécution des sentences prononcées par les juges à l'encontre d'animaux qui ont généralement tué des personnes. Le métier a effectivement existé, mais c'est vrai que le thème est peu banal et pourrait être assez cocasse, si la mort des pauvres bêtes n'était en jeu. L'album nous fait donc découvrir le triste quotidien de ce Jack Gilet jusqu'à l’exécution prévue d'une éléphante, qui devait être l'apothéose de sa carrière. Mais son périple l'oblige à partager sa route avec un jeune garçon complètement psychopathe qui ne rêve que de devenir bourreau pour être humain et une jeune femme qui cherche elle à se venger de l'exécution par Jack d'une de ses chèvres... L'album oscille donc entre le tragique et le comique, servi par le magnifique dessin de David Ratte. Entre les trognes des personnages qui émaillent ce périple, les grands espaces américains magnifiquement rendus et le regards des animaux qui sont au centre de ce récit, David Ratte se fait plaisir et le partage avec efficacité. Un très bon album !

02/06/2025 (modifier)
Couverture de la série Mauro Caldi
Mauro Caldi

Mon avis porte sur les six premiers numéros qui sont le fondement de la série. J'ai vraiment apprécié cette lecture qui présente une ambiance originale de l'Italie des années 50. Denis Lapière propose un personnage naïf et attachant au cœur de deux thématiques italiennes symboliques: Ferrari et la maffia. Cela donne une galerie de personnages mi humoristiques mi cyniques au sein d'aventures bien construites. Alors que le graphisme peut incliner vers une lecture de jeune ado, les personnages qui entourent Mauro ont tous un passé trouble (Gigi, Joanna, Don Rossellini) ce qui rend les récits plus ambigus et plus intéressants. Les tomes 5 et 6 présentent des fins plus convenues mais les quatre premiers tomes sont vraiment bons. Le graphisme de Michel Constant est un régal d'élégance . C'est avant tout l'élégance des Ferrari conduites par la légende Fangio qui apparait dans certains épisodes. Ensuite Clément travail sur l'élégance des costumes des jolies filles ou des don assez peu sympathiques. Enfin Clément ne néglige pas la beauté des paysages ou de l'architecture des villes transalpines. Le graphisme semi réaliste rond de Clément possède un côté humoristique qui ferait penser à des vieilles séries classiques mais on s'en démarque assez vite avec un grand nombre de cadavres et des situations adultes (adultère, corruption). Une série qui dégage une ambiance que j'aime beaucoup. un peu dans un style Don Camillo des années 60.

01/06/2025 (modifier)
Couverture de la série Gon
Gon

Un manga sans paroles mais riche en émotions ! Gon impressionne par son dessin ultra détaillé et son héros aussi coriace que drôle. Chaque page est un petit chef-d’œuvre visuel. Une aventure muette mais universelle, entre humour, action et poésie sauvage.

31/05/2025 (modifier)
Couverture de la série Mutafukaz
Mutafukaz

Un véritable petit ovni dans l'univers du comics ! D'ovnis, il en est justement question dans cette série faisant la bagatelle de 600 pages... Soit dit en passant, l'intégrale n'est d'ailleurs pas très pratique à lire à moins que vous n'ayez poussé quelques haltères dernièrement au fond d'une salle de sport ou de votre sous-sol. Ce qui marque avant-tout quand on ouvre Mutafukaz, c'est l'originalité et la richesse du graphisme. On sent que l'auteur a pris beaucoup de plaisir à travailler les différents chapitres avec de multiples styles et couleurs dominantes. L'ensemble reste cohérent et l'intégrale, malgré son poids, est, il est vrai, de toute beauté. En ce qui concerne le scénario, si je rejoins les avis précédents dans le fait qu'il y a quelques longueurs et que les scènes d'actions et de bastons entre les gangs, les flics et les aliens auraient gagné à être raccourcies, l'histoire reste très cohérente dans l'ensemble, démontrant que Run, l'avait pensée dès le départ dans sa globalité. L'intrigue, digne d'un Mars Attack ou d'un film de Tarantino, regorge de personnages plus barrés les uns que les autres et de petits clins d'oeil assez succulents. Je me suis surpris plusieurs fois à sourire voire même à rire à quelques gags, notamment durant certaines scènes associant nos trois loosers à tête de boule de billard, de chauve souris et de squelette enflammé (comment ça c'est bizarre ?). Pour ma part, malgré un scénario quelque peu convenu que je ne dévoilerai pas ici, j'ai passé un très bon moment de lecture et Mutafukaz doit figurer dans toute bonne bédéthèque, ne serait-ce que pour son originalité et sa mise en scène. SCENARIO (Originalité, Histoire, personnages) : 8/10 GRAPHISME (Dessin, colorisation) : 8,5/10 NOTE GLOBALE : 16,5/20

31/05/2025 (modifier)
Par Présence
Note: 4/5
Couverture de la série Rupestres !
Rupestres !

Un trait est toujours un chemin à suivre. - Ce tome constitue une mise en scène de l’expérience d’immersion dans une grotte sous terre, et d’observation de dessins primitifs du paléolithique par six bédéastes. Son édition originale date de 2011. Il a été réalisé par un collectif de six auteurs pour le scénario et les dessins : Étienne Davodeau, David Prudhomme, Marc-Antoine Mathieu, Troubs, Emmanuel Guibert, Pascal Rabaté. Il comprend deux-cent-cinq pages de bande dessinée, avec quelques photographies. Ce collectif a réalisé un deuxième album sur ce thème : Pigments (2024), avec la participation supplémentaire d’Edmond Baudoin, et la participation réduite et à distance de Marc-Antoine Mathieu. David Prudhomme dit le Bison. Emmanuel Guibert dit l’Abbé. Pascal Rabaté dit le Chafouin. Troub’s dit la Belette. Marc-Antoine Mathieu dit Crô-Ma. Étienne Davodeau dit l’Auroch. Vingt et unième siècle. À l’initiative du premier d’entre eux, ces six auteurs de bande dessinée partent à la rencontre de leurs confrères qui, au paléolithique, dessinaient sur les parois des grottes. Par-delà les millénaires, entre sapiens dessinateurs, ils doivent avoir des choses à se dire. De site en site, ils parcourent le sud-ouest de la France en voiture. Ils sont un peu entassés, tous les quatre sur la banquette arrière. Ils arrivent à l’entrée de la grotte et sortent du véhicule : ils sont accueillis par leur guide qui appartient au réseau Clastres. Il leur propose de rentrer dans la grotte, en leur demandant s’ils sont bien couverts, et s’ils ont pensé à faire pipi. Les ténèbres les enveloppent, avant que leurs yeux ne s’habituent à l’obscurité. Les recommandations : ils ne doivent poser leurs doigts nulle part, faire attention de ne pas glisser, car l’argile comme le papier garde trace de tout, il faut se rendre invisible. Les six artistes progressent vers le fond de la grotte, menés par leur guide. Ils ne peuvent pas se perdre. L’un d’eux se fait la réflexion qu’on n’accorde rarement autant d’attention au sol qu’on foule. La caverne amène vers le passé, elle est l’empreinte des frottements de l’eau et du feu. De l’air avec la terre. Pour eux, c’est clair, mais pour les paléos ? Ce chemin à lueur tremblante des torches était sûrement moins rationnel que le leur. Le même éprouve comme l’impression d’être des vers, des bouts de viande sur des amygdales. Ils doivent être comme des ombres. Ils suivent d’autres ombres. Celles des ancêtres qui ont donné vie à ce monde muet. Avec leur feu, leurs chants, leurs traits. Maintenant autour d’eux, c’est le silence. Leur lampe le fait danser. Un autre bédéaste commence à laisser aller son flux de pensées. Au début, il n’y avait rien. Ou plutôt il y avait tout. Le Grand Tout dans lequel tout fusionnait : les plantes, les animaux, les montagnes…Tout, y compris celui n’était pas encore l’homme. Et il y a eu une lueur. Pas une lumière – pas encore. Juste une flamme vacillante, fragile… Humble, mais domestique. Elle a pénétré la grotte et cela a créé quelque chose de nouveau. Avant le feu, la grotte n’existait pas. Obscure. Effrayante. Impénétrable. Interdite. Avant le feu : deux uniques sources lumineuses : le soleil et la Lune avec leurs lueurs immuables et leurs ombres fixes. Le feu a créé des lumières particulières : mouvantes, actrices, qui font vivre les ombres. Un ouvrage singulier réalisé à douze mains, sans que les pages ne soient signées de l’un ou de l’autre. En fonction de sa familiarité avec ces six bédéastes, le lecteur peut reconnaître le mode de dessin de l’un ou de l’autre, d’une partie ou des six. Ou alors il peut se fier au séquençage des noms et constater le changement graphique d’une page à l’autre, et ainsi en déduire qui a réalisé quelles planches. Il peut aussi ne pas s’en préoccuper, n’y accorder aucune importance et se laisser porter par les images et les mots, les ressentant comme différents points de vue, comme l’expression de différents états d’esprit pouvant émaner d’une unique personne, en fonction des fluctuations de ses ressentis. Plutôt que l’expression chorale d’un collectif, il peut aussi ramener sa lecture à l’unicité de sa propre perception, et l’approcher comme différents points de vue sur une même chose, les dessins paléolithiques, entre sensation d’être un intru dans les entrailles de la Terre, et considérer ces dessins en tant qu’artiste, une forme primitive tout autant que le témoignage de la façon d’interpréter le monde il y plus de dix mille ans. Ainsi en fonction des séquences, le lecteur découvre des pages aux apparences diverses : noir & blanc avec des nuances de gris, grands dessins à la frontière de l’abstraction, fac-similé d’art pariétal, grandes illustrations en double page, etc. Dans un premier temps, le lecteur peut être décontenancé par l’absence d’information quant à la grotte visitée. Il est mentionné qu’elle fait partie du réseau Clastres, et au vu des représentations observées par les artistes, il s’agit de la grotte de Niaux, située en Ariège. Cette grotte comprend de nombreuses figurations pariétales magdaléniennes, elle fait partie d’un réseau souterrain de quatorze kilomètres de long, comprenant également la grotte de Lombrives et celle de Sabart. Ses parois sont ornées de nombreux animaux dont cinquante-quatre bisons, vingt-neuf chevaux, quinze bouquetins, ainsi que des cerfs, des poissons et même une belette. Il s’agit d’une grotte visitable, avec un guide, par groupe de vingt-cinq personnes, sans système d’éclairage permanent. S’il est familier des lieux, le lecteur peut retrouver certaines de ces caractéristiques dans les dessins, et dans le déroulement de la visite. Sinon, il découvre une partie de ces informations lors de la visite. Le groupe d’artistes arrive rapidement à la grotte et ils y pénètrent dès la page neuf, avec une illustration en pleine page, une peinture abstraite tout en noir, avec quelques zones vagues de gris très foncé, évoquant une caverne de grande taille impossible à distinguer. Puis vient une illustration en double page, également entre art abstrait et évocation concrète, éclatante de tons rouge et orange, avec une bordure irrégulière noire sur la gauche : le lecteur en déduit que les visiteurs ont mis en fonctionnement leurs lampes électriques portatives et que c’est le choc du retour de la couleur. L’ouvrage fait ainsi la part belle aux grandes illustrations en pleine page ou en double page, environ trente-quatre pour les premières et quarante pour les secondes. D’un artiste à l’autre, ces pages présentent des caractéristiques différentes : parfois proche de l’abstraction, de l’impressionnisme, de l’expressionnisme, parfois dans des registres concrets, avec des techniques allant de la peinture au détourage traditionnel par un trait encré. Au cours d’une de ces séquences, l’artiste commence par les dessinateurs de dos plaçant le lecteur parmi eux pour regarder des bisons et un homme-cerf sur la paroi de la grotte, avec traits encrés et mise en couleurs réaliste. Puis un dessin en double page au pinceau et noir & blanc, reprenant les représentations de bisons et autres et les rapprochant vaguement de leur milieu naturel. Puis des esquisses grossières au crayon gras, proches de dessins d’enfants pour évoquer une représentation primitive. Puis les silhouettes de quatre dessinateurs, esquissées de manière encore plus grossières, avec devant eux la paroi de la grotte évoquée uniquement par un camaïeu de couleurs très simple. De la même manière, lorsque la narration prend une forme de cases alignées en bande, les rendus relèvent de registres graphiques très diverses. Les dessinateurs utilisent des constructions variées : cases alignées en bande, apparition progressive des gouttières d’abord gris foncé puis devenant progressivement blanches, gouttières figurées de simples traits de craie blanche comme dessinées sur la paroi de la grotte, cases sans bordures, passage à quinze cases par page, et même des pages de texte en prose avec des illustrations. Pour finir avec une carte routière sur laquelle sont mentionnés Paris, Bordeaux, Cahors, Périgueux, Foix, Siorac-de-Ribérac, puis la photographie de la voiture du voyage, et quatre pages dont les cases sont les photographies des dessinateurs à proximité du site. Chaque séquence bénéficie ainsi du mode d’expression de l’auteur et de sa sensibilité, donnant à voir les l’expérience de visite avec un regard différent, et dans le même temps avec pour point commun un regard d’artiste, de personnes dont c’est le métier de créer des illustrations, à une époque différente de celle où furent créées celles sur les parois de la grotte. Six auteurs de bande dessinée vont observer des peintures rupestres. Le lecteur se doute qu’ils s’interrogeront sur la nature de ce qui est représenté et sur le cheminement mental qui a pu amener ces hommes ayant vécu il y a plus de dix mille à réaliser ces représentations. En effet, il plonge dans des questionnements sur le ressenti des artistes de l’époque, et les réflexions vont plus loin. Certains sont très sensibles au fait qu’il est possible d’apparenter ces représentations à une bande dessinée libre de l’écriture, une notation libérée de l’écrit, réalisée par des artistes dont la pensée n’a pas été formatée par l’écrit. Il imagine que cela s’apparente à l’expérience du phénomène d’ombre : L’ombre portée c’est la projection d’un autre rendu possible. Un autre réfléchit à la manière dont il lit ces dessins : Un trait est toujours un chemin à suivre, pour bien plonger dans le dessin, il considère d’abord la forme dans son ensemble. Un de ses collègues se fait la réflexion que : Les lignes paléolithiques s’épanouissent sur la roche, épousent ses formes et jouent avec. Par opposition, un troisième se trouve dans un état d’esprit beaucoup plus prosaïque : il estime que si l’on est un badaud, on arrive, on regarde ça et on s’en va parce qu’il n’y a rien à voir. Il continue : un petit graffiti, c’est tout. Quand il regarde ça un peu longtemps, il a la tête qui se vide, il fait un effort pour s’émouvoir, et il se dit que ça a été fait il y a quinze mille ans et qu’il ne ressent rien. Cela donne envie à encore un autre de faire une histoire où le créateur n’a pas plus de réponse que le lecteur. Plusieurs se trouvent sur la même idée directrice : ils sont en train de faire une promenade dans le ventre de la Terre, dans le ventre maternel, c’est retourner au stade d’avant, d’avant la raison, d’avant l’entendement, le stade du ventre, de la présence pure, une expérience primitive. Ce qui peut aussi être ressenti comme une expérience indécente, une sorte de viol de l’intimité de la Terre, au point qu’un des auteurs consacre une séquence d’une vingtaine de pages au point de vue que l’homme est une maladie qui affecte l’organisme vivant qu’est la Terre (une approche animiste), et qu’il faut en faire disparaître les traces, en l’occurrence effacer ces dessins qui souillent les parois. Une expérience qui va de soi : proposer à des auteurs de bande dessinée de visiter une grotte ornée d’art pariétal et leur demander de s’exprimer sur leur expérience, sous forme de bande dessinée. Un résultat d’une grande richesse : des séquences relatant la visite d’un seul tenant, comme continue, réalisées alternativement par chaque artiste. Plusieurs points de vue comme issu d’un individu unique dont l’état d’esprit fluctue au cours de sa visite, des interrogations et des réflexions sur la démarche artistique des hommes du paléolithique, sur ce que transmettent leurs œuvres aux visiteurs contemporains. Une visite guidée singulière et plurielle.

31/05/2025 (modifier)
Par PAco
Note: 4/5
Couverture de la série Abîmes
Abîmes

Voilà un album surprenant qu'il m'aura fallu terminer complètement pour en apprécier pleinement la force et la portée. Lucille Corbeille nous propose en effet un récit autobiographique sur la transmission des traumatismes. C'est à la mort de son père qu'elle se lance dans cette quête personnelle. Un peu perdue personnellement, en manque d'inspiration pour son travail de photographe, c'est en faisant le tour de sa famille qu'elle va essayer de reconstituer le puzzle d'un passé parcellaire. A force de morceaux, de photos et de révélations, les secrets de famille finissent par lever doucement le voile d'une vérité douloureuse. Mais c'est aussi à ce prix que Lucille Corbeille va pouvoir comprendre et se réapproprier son histoire. C'est à l'aquarelle (superposé à des photos ? J'avoue que la technique m'intrigue toujours...) que Lucille Corbeille nous raconte son histoire familiale. C'est beau, éthéré, un peu comme cette mémoire fragmentée qui demanderait à passer par mains d'un maitre en kintsugi (méthode japonaise de réparation des porcelaines ou céramiques brisées au moyen de laque saupoudrée de poudre d'or). C'est ici ses recherches au sein des membres de sa famille qui vont lui permettre d'y voir plus clair et de recoller les morceaux. J'ai beaucoup aimé ces personnages sans visages qui parsèment ses planches, à l'image de cette mémoire défaillante ; sa gestion des couleurs, sobres et contrastées tout à la fois ; la composition de ses planches, parfois très déstructurées à l'image de cette mémoire... Bref, j'ai eu du mal à me mettre dans ce récit, mais c'est au final une très belle réussite sur un sujet sensible et difficile à traiter.

30/05/2025 (modifier)
Par Spooky
Note: 4/5
Couverture de la série Les Cosmonautes
Les Cosmonautes

Comment faire un parallèle entre la maladie et les rêves d'un enfant ? C'est l'idée de départ du scénariste et réalisateur Nicolas Bary (Les Enfants de Timpelbach, Le Petit Spirou), pour une publicité. Le projet a été abandonné, mais pas l'idée de départ, qu'il a développé avec sa complice Nina Phillips, pour en faire un scénario de bande dessinée. Et nous voilà avec un schéma classique, trois enfants (quatre, au final), un embryon de triangle amoureux, et des rêves d'étoiles. Ces enfants vont donc se fixer pour objectif de construire une fusée, avec leurs maigres moyens, leurs rêves et leur enthousiasme. Le processus est freiné par les soucis de santé croissants de l'un d'entre eux, qui doit faire de plus en plus de séjours à l'hôpital. Pas facile de parler d'un sujet grave comme la maladie d'un enfant, de manière digne et en évitant de nombreux écueils, le tout à hauteur d'enfant. Pourtant les deux co-scénaristes y arrivent de belle manière, avec cette parabole du rêve porté par ses amis en son absence, jusqu'à un objectif et un dénouement pleins de poésie. Les parents sont également présents, mais sans être trop appuyés. ce qui compte, c'est l'objectif de cette bande de préadolescents, pour réaliser le rêve de leur copain Alphonse... C'est le premier album d'Etienne Péran, qui vient de l'illustration jeunesse, et cette influence se sent : chaque case est extrêmement travaillée; dans un style d'une grande lisibilité, et des couleurs (qu'il réalise lui-même) douces. Visuellement c'est très beau. Je pense qu'on va le revoir sur d'autres beaux projets. Un bel album sur les rêves d'enfant, la résilience et le deuil.

29/05/2025 (modifier)
Couverture de la série Mariko Parade
Mariko Parade

Mariko Parade m’a beaucoup plu pour son côté très intime et contemplatif. Le récit est lent, centré sur les petits moments du quotidien qui rendent la relation entre les personnages crédible et touchante. Le dessin est élégant, doux, et colle bien à cette atmosphère. Ce n’est pas une histoire bourrée d’action, mais plutôt une plongée poétique dans une tranche de vie, idéale sensibles et réalistes

28/05/2025 (modifier)
Par Présence
Note: 4/5
Couverture de la série Un été indien
Un été indien

Et les fous sont sacrés car ils rêvent les yeux ouverts… - Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre. Son édition originale date de 1987. Il a été réalisé par Hugo Pratt pour le scénario, et Milo Manara pour les dessins et les couleurs. Il s’agit de la première collaboration entre ces deux auteurs, qui sera suivi d’une seconde : El Gaucho (1995). Il comprend cent-quarante-quatre pages de bande dessinée. Avant d’être rassemblées en album publié par Casterman en 1987, les planches paraissent dans les numéros 1 à 5, puis 7 à 10 de la revue Corto Maltese entre mai 1985 et juillet 1986. Cette bande dessinée a reçu le prix du Meilleur album étranger du festival international de la bande dessinée d’Angoulême 1987. La baie de Massachusetts, début du XVIIe siècle, sur la côte de l’océan, des mouettes dans un ciel avec des nuages. Deux jeunes indiens, un Hollandais et le neveu de Squando, repèrent une jeune femme en contemplation immobile devant l’océan. Ils s’en approchent. Le Hollandais la plaque au sol, elle se débat. Ils finissent par la maîtriser et ils la violent. Ils vont ensuite s’ébattre dans l’eau, également pour se laver. Un coup de fusil retentit : le Hollandais est stoppé net dans son mouvement, et il s’écroule dans les bras de son ami. Dans l’eau, l’Indien se tient immobile, interdit. Sur la plage, la jeune femme s’est relevée et n’ose pas bouger, se demandant ce qui vient de se passer. Les mouettes volent toujours dans le ciel. Abner a rechargé son fils et un deuxième coup de feu retentit : l’Indien s’écroule dans les flots à son tour. Sortant de l’abri des dunes, Abner se montre à découvert. Il tire le corps du Hollandais des flots et il le scalpe sous les yeux de Shevah. Il lui remet le scalp et elle se met à hurler sans fin. Il la gifle pour qu’elle se calme et il l’emmène. Elle finit par dire qu’elle ne peut pas retourner au village. Il la regarde à nouveau, et il finit par lui dire d’avancer. Elle reste immobile. Il retourne sur ses pas et il l’embrasse à pleine bouche, elle lui rend son baiser alors que les mouettes virevoltent autour d’eux. Elle perd conscience, il la porte dans ses bras et l’emmène. Toujours portant Shevah, Abner parvient à la demeure isolée de la famille Lewis. La mère Abigail Lewis les voit arriver depuis la fenêtre. Elle se précipite pour ouvrir la porte. Abner indique à sa mère que des Indiens ont violé la jeune femme toujours inconsciente qu’il porte dans ses bras. Il ajoute qu’il s’agit de leurs voisins, la tribu de Squano. Elle réagit immédiatement : elle ordonne à Abner de faire chauffer de l’eau en quantité, puis de courir chercher sa sœur Phillis, pour lui demander de rapporter de la corne d’élan, il faut aussi qu’il prévienne ses frères. Il obéit promptement, après avoir déposé Shevah sur un lit. Puis il sort en courant à travers champ, faisant s’envoler les corbeaux. Il parvient au champ où Eliah appuie sur la charrue pendant que Jérémie tire le bœuf pour qu’il avance. Il leur annonce que leur mère leur demande de rentrer à la maison, et il continue en annonçant qu’il a tué deux Indiens pour défendre une fille du village, et qu’elle est à la maison. Eliah rétorque que le Hollandais lui devait deux peaux de renard, il veut savoir comment il va les récupérer maintenant. L’association de deux créateurs de très grand renom, une bande dessinée créée en plein dans une phase de maturation de ce médium, confirmant son accession à l’âge adulte, tant dans la façon de s’exprimer que pour son lectorat. Le lecteur peut partir avec l’a priori que cette œuvre va cumuler les caractéristiques caricaturales de l’un et l’autre auteur : une forme de poésie hermétique sur fond de faits historiques pointus et des jeunes femmes dans des poses lascives pour un oui pour un non. Il découvre la première séquence, enchanté : neuf pages dépourvues de tout mot, d’une lecture facile, avec des dessins magnifiques et une narration visuelle impeccable. Le lecteur est le témoin des violences physiques faites à Shevah, sans voyeurisme, le viol restant masqué par les dunes. Indubitablement, le récit est inscrit dans une époque et un lieu très précis : il est question de cohabitation entre les colons et les Amérindiens, de tensions entre les Yankees et les Britanniques, et de chasse aux sorcières. Abigail Lewis raconte à ses enfants le procès en sorcellerie de Dorothy Talbye, avec l’épreuve de vérité (le supplice) d’être immergée ligotée dans une rivière, puis d’être menée à la potence. Ils mettent également en scène les pasteurs puritains en habit noir, et la pratique de marquer au fer rouge, le visage d’une femme d’une lettre infâmante comme Hester Pryne dans La Lettre écarlate (1850) de Nathaniel Hawthorne (1804-1864). En effet, la narration visuelle est enchanteresse de bout en bout, et l’artiste restreint son inclination à dénuder les femmes dans des pratiques avilissantes. Il s’investit dans la reconstitution historique et le lecteur en savoure chaque détail. Cela commence doucement avec la tenue des Amérindiens, puis la robe et les bas de Shevah, la tenue de pionnier d’Abner Lewis et le modèle de son fusil. Puis le lecteur pénètre dans la maison des Lewis, : il en regarde son architecture, les poutres, l’âtre en pierre, le mobilier simple en bois, les ustensiles de cuisine, etc. Il fait de même dans les autres intérieurs : les fortifications de New Canaan avec les canons sur les tours, la demeure de Black père, la demeure de Pilgrim Black, la maison dans laquelle se sont réfugiés les Lewis pour se défendre contre l’attaque des Amérindiens, etc. Il prête la même attention aux costumes, c’est-à-dire les tenues vestimentaires aussi bien des Lewis, que des soldats à New Canaan, et celles des Amérindiens, y compris leurs parures. Ou encore le mécanisme des fusils. Manara semble prendre un grand plaisir à représenter chaque détail, avec son trait fin et élégant. Les paysages réjouissent tout autant la rétine du lecteur. D’abord, les dunes, les vagues calmes de l’océan, la rare végétation, et le vol des mouettes. Puis les champs de maïs avec les corbeaux, l’étendue d’eau en pleine forêt avec l’écorce marquée des arbres, les racines apparentes, les feuilles tombant doucement, les champignons abondants et mêmes un cygne. Une prairie avec des papillons. Une nouvelle séquence en forêt dense, sur la rive d’une rivière, avec une vue du ciel sur les méandres du cours d’eau et la cime des arbres. Les flammes qui ravagent le champ de maïs. Le magnifique arbre à l’intérieur du mur d’enceinte de New Canaan. Bon, c’est vrai, les personnages féminins sont superbes comme à l’habitude de cet artiste, leurs expressions de visage peuvent paraître décalées quand elles sont soumises à la contrainte et la violence sous toutes ses formes. D’un autre côté, la nudité se trouve restreinte à un minimum, deux séquences faisant ressortir le regard masculin qui considère d’une part Phillis, de l’autre Shevah, comme des objets de plaisir. Comme à son habitude, il joue sur l’ambiguïté de montrer tout en condamnant ou en mettant en avant la perversité éhontée du personnage masculin. C’est d’ailleurs plutôt cette façon de voir que retient le lecteur dans le contexte d’un récit avec des personnages au comportement malsain, et des scènes complexes et impressionnantes. Le dessinateur parvient à donner à voir des scènes d’affrontement avec plusieurs points de vue des événements ponctuels, avec une clarté exemplaire. Des personnages malsains : le scénariste s’attache à une cellule familiale assez déconcertante. Dans un premier temps, l’empathie du lecteur est tout acquise à la jeune femme violée, également à son sauveur Abner, toutefois dans une moindre mesure. Pour quelle raison a-t-il scalpé les deux violeurs après les avoir tués ? Côté de la famille des Lewis, une aide inconditionnelle est apportée à la victime. Côté village de New Canaan, le capitaine Brewster a l’air normal et animé de bonnes intentions, surtout par opposition au pasteur Pilgrim Black pervers assouvissant ses pulsions sur sa nièce, en toute impunité. Rapidement, les auteurs laissent sous-entendre des secrets par des paroles chargées d’implicite, par des attitudes légèrement décalées par rapport à la normale. En effet, le comportement d’Abner acquiert une dimension obsessionnelle, et il est révélé qu’il a eu des relations avec un autre membre de la famille. Suite à l’assaut donné par les Amérindiens, Abigail Lewis révèle l’histoire de famille à ses enfants, dévoilant ses aspects sordides. C’est pas mal non plus dans la famille Black. Au cours de cette aventure de grande ampleur, avec attaque d’Amérindiens, incendie, charge contre le village fortifié, les auteurs mettent en scène la violence de la société faite aux femmes, souvent utilisées comme étant soumises à la volonté et aux caprices des hommes. Or cet asservissement occasionne des contrecoups pour tous : la maltraitance et les viols marquent durablement les femmes et leurs familles, sans oublier ceux qui les commettent. D’un côté, les hommes trouvent que c’est la voie de la nature que d’assouvir leurs envies printanières, de l’autre le consentement est inexistant. D’un côté le désir sexuel est mis en scène comme une pulsion irrépressible ; de l’autre côté la violence provoque des dommages irréparables et durables, brisant les individus. Le lecteur finit par mettre en parallèle cette violence des rapports imposés par les hommes aux femmes, avec la violence des affrontements entre les colons et les Amérindiens, comme deux expressions d’une unique force de destruction. Dans le même temps, il se souvient de son sourire en découvrant un Amérindien déclarer que : L‘amitié dure tant qu’on ne la brise pas. Une phrase faussement profonde qui semble contenir une dose d’autodérision, comme si les auteurs ne prenaient pas entièrement leur récit au sérieux, et qu’ils suggéraient qu’il s’agit avant tout d’une aventure. L’union d’Hugo Pratt et Milo Manara fait hésiter le lecteur : va-t-il trouver deux puissances créatrices qui se neutralisent, ou un récit tellement ambitieux que le sens risque de lui en échapper ou que la forme soit trop absconse ? La première séquence le rassure d’entrée : une dizaine de pages muettes et magnifiques, et un acte immonde. Il s’immerge dans un récit historique, un conflit entre colons et Amérindiens, une narration visuelle formidable, superbe. L’association de ces deux créateurs semble avoir neutralisé leurs tendances les plus idiosyncrasiques, au profit d’un récit d’aventure élégant, et de thèmes sous-jacents adultes et provocateurs. Belle réussite.

28/05/2025 (modifier)
Couverture de la série In Waves
In Waves

In Waves est une œuvre à la fois profondément intime et historiquement riche. À travers un style graphique épuré aux tons bleus et sépia, A.J. Dungo tisse un récit poignant mêlant son histoire personnelle – la maladie et la perte de sa compagne Kristen – à celle du surf, et en particulier des figures pionnières comme Duke Kahanamoku et Tom Blake. Ce mélange entre autobiographie et récit historique fonctionne admirablement. La bande dessinée alterne les séquences introspectives, chargées d’émotion, avec des moments d’apaisement ou d’admiration devant la nature et l’océan. Le surf devient ici bien plus qu’un sport : un espace de mémoire, de lien, presque un refuge. Le trait simple mais expressif de Dungo renforce l’atmosphère contemplative et mélancolique de l’œuvre. L’absence de dialogues superflus permet de ressentir plus vivement le silence, la perte, et la beauté des souvenirs. En bref : In Waves est une BD sobre, belle et bouleversante, qui parle de deuil, d’amour et de passion avec une grande délicatesse. Une lecture qui reste longtemps en tête, surtout si l’on a un lien personnel avec l’océan ou la perte.

27/05/2025 (modifier)