Les derniers avis (31458 avis)

Couverture de la série Linge sale, amour et céréales
Linge sale, amour et céréales

C'est suffisamment rare pour que je le signale d'entrée : 200 pages de strips, gags, sur une page ou quelques unes, sans lasser le moins du monde, c'est rare. Je ne connaissais pas ce dessinateur dont je me suis offert la bd sur un coup de tête. Ou plutôt un coup de lecture : j'ouvre au hasard quelques pages et me voilà à ricaner ou être touché. Pas commun ! Par ailleurs j'adore le dessin souple, expressif, un peu brut en même temps. Une fois le précieux objet embarqué je me suis délecté de le lire (en 2 fois pour garder du plaisir le lendemain et cette bd s'y prête). A la fois drôle, souvent sensible, cru et honnête : de formidables qualités pour cette bd sur le père, le couple et la vie de famille; le tout vu par un homme (c'est important à souligner). Une bd que je relirai avec plaisir.

11/08/2025 (modifier)
Couverture de la série Là où dorment les géants
Là où dorment les géants

Une belle lecture. J'ai aimé que l'histoire se déploiement doucement à travers le voyage de l'héroïne ; ou l'on découvre dans le même temps un univers flotte autour d'une sorte d'héroic fantasy légère. Les dessins oscillent entre le très beau et le naïf. D'ailleurs la naïveté de cette bd est à la fois sa faiblesse et sa grande force. Une faiblesse d'abord car il manque parfois un peu plus de fond et la fin, peut être trop rapide, ne prends pas le temps et n'exploite pas suffisamment à mon sens l'univers qui a été créé. C'est aussi la force de l'histoire qui donne à l'ensemble une tonalité pleine de fraicheur. C'est pourquoi je ne serai pas étonné que tous/toutes les lecteurs/lectrices apprécient la lecture de cette bd et en même temps hésitent à mettre un 4/5. En ce qui me concerne j'ai choisi mon camp : lecture vivement conseillée ! une belle réussite

11/08/2025 (modifier)
Par grogro
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Foudroyants
Foudroyants

Et bien voilà une très bonne série jeunesse, en tout cas un excellent début. J’ai aimé le dessin du couple Kerascoet, qui rappelle l’excellente série Beauté, et servi par une mise en couleur tout à fait plaisante. Le fond de l’histoire est lui-aussi malin, croisant plusieurs mythes et légendes, dont celui de l’Atlantide au premier chef. Mais on croise aussi un erzatz de Dark Vador, transformé ici en une sorte de Seigneur des fonds marins, ainsi qu’une bonne dose de mythologie grecque dont l'histoire d'Icare bien entendu, revisitée de manière assez surprenante. J’adore ! Les personnages ne sont pas neuneus et leur personnalité est travaillée. Quant à l’intrigue, elle est alerte, bien menée et sait susciter la curiosité. Lue d'une traite. Je serai bien entendu du voyage pour la suite.

10/08/2025 (modifier)
Couverture de la série Dans l'enfer des hauts de pages
Dans l'enfer des hauts de pages

Ma note reflète le plaisir de lecture – on sourit a minima à beaucoup de gags, on rigole à d’autres – mais aussi le fait que ces petits « à-côtés » étaient publiés au début des années 1980 dans le Journal Spirou. Moi qui ne les lis qu’aujourd’hui, je suis quand même agréablement surpris par la liberté laissée aux deux zigotos, dans un journal quand même globalement très sage. Ma remarque est valable au niveau de la causticité, voire du relatif rentre dedans de certains gags, mais aussi parce que nombre d’entre eux se moquent dans les grandes largeurs des auteurs maison, ce qui n’a pas manqué de provoquer quelques grincements de dents. Cette dernière remarque amène une autre réflexion. On appréciera aujourd’hui d’autant plus les textes de Yann que l’on connait les auteurs et les séries évoqués. Mais, même sans ce « sel » supplémentaire, le lecteur d’aujourd’hui peut largement trouver à s’amuser de ces petites réflexions vachardes, ces piques acidulées ou pimentées, où un certain humour noir, une touche de déconne, s’invitent dans les pages d’un journal qui n’était pas Fluide Glacial ! Le plaisir de lecture est d’autant plus présent que le dessin de Conrad est vraiment chouette. Dynamique, fluide, il utilise le très peu de place qui lui est alloué pour proposer quelque chose qui colle bien aux textes de son compère (les deux hommes se sont spécialisés dans ces années dans les séries plus ou moins parodiques, un chouia trash, et ici on a un aperçu – pas toujours édulcoré – de leur talent dans ce domaine). Un petit défouloir revigorant. On peut tout à fait imaginer que certains « hauts » devaient pour de nombreux lecteurs attirer davantage que le reste de la page…

10/08/2025 (modifier)
Par Blue boy
Note: 4/5
Couverture de la série Diane Arbus - Photographier les invisibles
Diane Arbus - Photographier les invisibles

D’emblée, on remarque le joli travail éditorial sur l’objet : grand format, couverture toilée, papier à fort grammage, autant d’éléments qui honorent le graphisme plaisant d’Aurélie Wilmet pour un ouvrage que l’on rangerait volontiers dans la catégorie « livre d’art ». Il s’agit ici de la première biographie en bande dessinée consacrée à la célèbre photographe étasunienne Diane Arbus. Celle-ci, qui avait débuté dans les photos de mode, s’est bien vite lassée d’être au service de mannequins qui exhibaient leur beauté lisse dans les magazines chic sur papier glacé. Elle ne se sentait guère à sa place, elle qui était plutôt d’un caractère introverti et recherchait l’authenticité. Peu à peu, elle trouva sa voie avec le « photojournalisme », en photographiant notamment ces invisibles qui préféraient se réfugier dans l’ombre, ceux qu’on ne voulait pas voir parce qu’ils étaient différents, « laids » ou difformes, pas dans la norme, bref, hors des canons de beauté fixés par l’« intelligentsia » du monde de la mode. La narration d’Aurélie Wilmet, bien que linéaire pour évoquer la vie de cette artiste, reste très aérienne. La partie textuelle ne fait qu’accompagner le dessin, sans être prédominante. Elle est disséminée à travers les pages, et souvent entrecoupée de séquences muettes et éthérées, proches de l’abstraction. On va donc suivre Diane Arbus dans son parcours sentimental et professionnel, qui tout au long de sa vie fut miné par le doute. Après moult tâtonnements, elle put toutefois mener ses projets à bien, sans savoir trop quelle forme ils prendraient au départ : « Je suis attirée vers autre chose, quelque chose de plus authentique, même si je ne sais pas encore quoi. » Pour cette femme fascinée par l’étrangeté, « Freaks », le film de Tod Browning, fut pour elle une œuvre précurseuse « dans la représentation de l’étrange », tel un déclic qui l’incita à vivre son métier comme une vocation. C’est ainsi que, surmontant sa timidité, elle repéra dans un cirque l’homme qui allait contribuer à sa célébrité : Eddie Carmel, connu sous le nom de « géant juif », un doux géant dont Arbus disait aimer chez lui cette prestance et cette fierté « qui [montrait] qu’il ne se [laissait] pas abattre par la maladie et qu’il [tentait] de vivre comme il l’[entendait] ». Ses pas la guidèrent également vers des horizons divers : quartiers interlopes de New York, foyers pour handicapés… elle put s’en donner à cœur joie en fixant sur pellicule « la joie malgré une terrible adversité ». Quant à sa vie personnelle, elle fut marquée par sa relation avec Allan Arbus, acteur et photographe également, et leur divorce ne l’empêcha pas de conserver longtemps des liens d’amitié avec lui, mais également sa liaison amoureuse avec Marvin Israël, un artiste-peintre américain. Souffrant d’une hépatite mal soignée, elle était rarement au sommet de sa forme et régulièrement en proie à la dépression. Aurélie Wilmet parvient à nous immerger de belle manière dans une monochromie bleutée un rien mélancolique et épousant harmonieusement son trait minimaliste, suscitant chez le lecteur un sentiment apaisant. De façon pertinente, le bleu se mue en mauve pour les séquences digressives, qu’il s’agisse de rêves ou de rêveries… « Diane Arbus – Photographier les invisibles » est une belle mise en lumière d’une artiste dont les clichés auront marqué l’Histoire du photojournalisme de la seconde partie du XXe siècle. De son vivant, Diane Arbus avait déclaré : « J’ai l’impression que la société n’est pas prête pour certaines de mes images. » N’aurait-elle pas été prise de vertige en observant les contenus diffusés aujourd’hui sur les réseaux sociaux, avec ces selfies exhibés par des « influenceurs » surfant sur des vagues de conformisme, où le fait d’avoir un corps « parfait » et un visage sans aspérités serait la seule option pour accéder à la reconnaissance universelle ?

09/08/2025 (modifier)
Par Présence
Note: 4/5
Couverture de la série Texas Jack
Texas Jack

Ces grands horizons font perdre le sens des distances. - Ce tome contient une histoire complète, qui peut se lire comme indépendante de toute autre. Sa première édition date de 2018. Il a été réalisé par Pierre Dubois pour le scénario, et par Dimitri Armand pour les dessins et les couleurs. Il comprend cent-vingt pages de bande dessinée. Il fait suite à un premier album dont les événements se déroulent chronologiquement après : Sykes (2015) réalisé par les mêmes auteurs. Dans une grande plaine du Wyoming, qui longe un cours d’eau, un groupe de bandits chevauche, avec à sa tête Gunsmoke. Il leur annonce qu’il est temps d’y aller. Dans le village à quelques centaines de mètres, devant l’église en bois, un groupe d’une vingtaine de colons s’est réuni pour fêter un baptême. À l’issue de la cérémonie, ils s’apprêtent à s’installer à la longue table qui a été dressée en plein air. Dans une grande salle à manger, le riche propriétaire terrien et homme politique Roy Passendale a pris la parole devant un groupe de ses pairs. Il utilise un ton ferme et péremptoire. Il déclare : Il faut frapper fort, frapper partout en même temps, semer la terreur. Chasser une fois pour toutes ces misérables colons de leurs terres ! Détruire les petites parcelles pour étendre des exploitations à grande échelle, et… Un des convives l’interrompt et demande : Mais… La loi ? Passendale reprend : La loi ?! Il est la loi ! On les couvre en haut lieu. Eux les barons ont la charge d’une mission : celle de valoriser au mieux les ressources de ce pays, pour l’enrichir, le moderniser… D’y amener le chemin de fer, la civilisation, d’y créer des villes… De faire prospérer une terre hier encore sauvage ! De bâtir un état ! Un autre homme l’interrompt : il suppose que leur hôte sera le gouverneur dudit état. Ce dernier le confirme : il y compte bien, et il compte aussi les enrichir tous. Y a-t-il une objection ? Un troisième prend la parole : Bien au contraire, ils sont tous avec Passendale, ils le suivront, ce qu’ils ont déjà prouvé en lui versant chacun leur fonds. Le riche propriétaire attire leur attention sur le fait qu’ils doivent considérer leurs fonds comme d’excellents placements. Il continue : on ne peut pas faire d’omelette sans casser des œufs. Il y a des frais, des gros frais, des pattes à graisser, des investissements, et pas des moins moindres, une milice de professionnels à gérer, à payer… Un autre prend la parole, estimant qu’il s’agit de tueurs qui se font payer très cher ! Passendale lui répond avec emportement : Qui d’autre son interlocuteur propose-t-il pour se taper le sale travail ? Pour chasser les fermiers, détruire leur bétail, incendier, ravager les cultures, tuer quand il le faut ? On ne sème pas la terreur rien qu’avec des grimaces… Mais si son interlocuteur les trouve trop chers, qu’il y aille lui-même. Le groupe le payera en conséquence, s’il ne craint pas la poudre et le sang, ni de s’enfoncer dans la boue jusqu’au cou ! Devant le recul de l’autre, il poursuit : Ils ont besoin de cette main d’œuvre, une armée efficace qu’ils peuvent diriger dans l’ombre pour parvenir à leurs fins. D’ailleurs leur chef viendra bientôt les rejoindre. S’il a lu Sykes des mêmes auteurs, le lecteur découvre donc un personnage auquel il y est fait allusion, et il en retrouve les principaux personnages, jouant ici les seconds rôles. Ce tome peut également se lire sans avoir lu Sykes, et même en faisant comme si on ne l’a jamais lu. Le récit forme une histoire d’un seul tenant avec une fin propre, sans sensation de devoir lire une suite. Le lecteur se plonge dans un récit de genre, un western en bonne et due forme, avec les conventions de genre qui y sont associées. Il commence par être le témoin involontaire d’un massacre d’une poignée de colons, tués par des professionnels à la solde de riches propriétaires terriens. Il assiste ensuite à un spectacle de haute voltige dans un cirque, mettant en scène une attaque de diligence. Par la suite, il chevauche avec les personnages sur de longues distances à travers des plaines, en passant un défilé rocheux, en subissant même le passage d’une tornade, en s’arrêtant dans des saloons et auberges… jusqu’à même ce cliché éculé, ce deux ex machina éhonté qu’est la cavalerie qui arrive toujours à l’heure pour sauver tout le monde. L’artiste aime tout autant cette région du monde à cette époque. Son plaisir à représenter l’Ouest sauvage et les cowboys s’avère communicatif : les grandes étendues à perte de vue, les étroits chemins de montagne en surplomb, les modestes saloons comme les hôtels de plus grande ampleur, tout en bois, les tenues vestimentaires d’époque, et les armes à feu. L’illustration de couverture fait dans le classique : un héros pistolets au poing, prêt à en découdre, et un grand méchant dans l’ombre, sans aucun décor. Il y a un peu de ça dans l’intrigue entre le héros au cœur vaillant, et le tueur assumant sa nature et ses actes, sans regrets ni état d’âme. De temps à autre, le lecteur se dit que l’artiste aime se reposer sur des constructions simples et des cases évidentes : succession de gros plans sur la tête de personnages en train de parler, illustration en pleine page ou en double page pour rendre un moment plus spectaculaire ou plus tragique, usage de très gros plans permettant de s’affranchir de dessiner un décor derrière, larges panoramiques avec les personnages de profil donnant l’impression de parcourir la case de gauche à droite, dans le sens de la lecture, pour accentuer le mouvement et la majesté du paysage naturel, etc. Le lecteur s’adapte à ces prises de vue attendues. Il se fait également la remarque que pour les discussions, les personnages sont assez bavards, le scénariste mettant ainsi le dessinateur dans l’obligation de recourir à de petites cases focalisées sur celui qui a la parole. Quant aux paysages en plan large : c’est ce que le lecteur attend et l’artiste les dose parfaitement, entre des petits personnages, le rapport en contours encrés et nature en couleur directe. Comme le fait observer un personnage : Ces grands horizons font perdre le sens des distances. En outre, il s’avère que le dosage de ces ingrédients fait ressortir la personnalité des auteurs, dans le choix de ce que représente l’artiste, dans la durée des séquences. Par exemple, la pluie diluvienne ne dure que le temps d’une page, les auteurs privilégiant le récit à la contemplation de ce qu’ils auraient pu faire durer sur plusieurs pages. Rapidement, le lecteur apprécie à sa juste valeur la qualité narrative des planches. La quinzaine de colons réunit autour d’une grande table à l’extérieur devant l’église : une construction toute simple rappelant le peu de moyens de personnes qui viennent de s’installer, le naturel de cette occasion de fête, l’organisation concrète et pragmatique, tout ça en une page de sept cases. Il suffit d’une case dans la suivante pour constater le formalisme de cette dizaine d’hommes autour d’une table richement dressée dans une grande demeure. Cela dépasse l’effet de contraste : ça en dit beaucoup sur les individus, leur statut social, leurs motivations. Le lecteur se voit conforté dans son ressenti quand il se rend compte que la case avec les verres qui s’entrechoquent en page treize répond à celle en page six où deux colons font tinter leurs verres. Puis vient le massacre : une mise en scène factuelle et méthodique, pour montrer l’efficacité de ces meurtriers dont les actions dépourvues d’émotion finissent par soulever le cœur du lecteur. Vient alors le numéro de cirque sous un immense chapiteau : une leçon de narration visuelle, avec des découpages conçus spécifiquement pour chaque moment, jusqu’au numéro final dans une page muette, et deux cases en biseaux pour mieux mettre en relation la cause et la conséquence. La forte pagination fournit la place nécessaire pour raconter une histoire qui s’avère dense. Les nombreux visuels produisent également un effet cumulatif : le dessinateur approche chaque moment de manière prosaïque, ce qui apparaît au lecteur comme des descriptions factuelles, presque un reportage de faits et de comportements plausibles, un réalisme qui s’impose comme une évidence, qui nourrit chaque personnage au-delà de leurs simples faits et gestes. La narration assez dense du scénariste génère le même effet. Il peut ainsi se permettre d’utiliser des clichés éculés, car l’épaisseur des personnages et le détail des circonstances leur rendent de la plausibilité, et ils font sens. Même ce dispositif de la cavalerie qui arrive au dernier moment, juste à temps pour sauver les uns et les autres fonctionne : avec deux phrases, l’auteur rétablit la concordance des fils temporels, et toutes les circonstances banales et normales vues précédemment concourent à montrer que cette arrivée providentielle découle logiquement de ce qui a précédé, plutôt que de sortir d’un chapeau et de survenir comme un cheveu dans la soupe. Il en va de même pour cet acte de vengeance survenant des dizaines de pages plus tard car c’est un plat qui se mange froid (un autre cliché). Le lecteur suit avec grand plaisir cette mission improbable pour Texas Jack : faire fructifier sa notoriété pour galvaniser la populace et lui insuffler le courage de se rebeller contre les pillards qui terrorisent la région. De temps à autre, le lecteur se surprend à s’interroger sur un rapport entre deux éléments, ou sur une situation à la portée symbolique. À l’évidence, l’expérience de la réalité concrète des territoires sauvages du Wyoming s’oppose à la pratique de spectacle artificiel sous le chapiteau d’un cirque, entre le vécu des colons, et la mise en scène des artistes. Le lecteur peut voir un écho de ce contraste également lorsque la petite équipe de Texas Jack (Amy O’Hara, Ryan Greed, Kwakengoo et lui-même) se retrouve sous une pluie battante, par comparaison à la protection de la toile du chapiteau. Le scénariste développe ce thème de manière plus subtile et plus iconoclaste quand l’Amérindien Renard Gris et l’Afro-américain Kwakengoo constatent qu’ils accordent des valeurs très différentes aux pratiques de leurs ancêtres. Ces moments fugaces font également réfléchir le lecteur à la valeur à accorder, ou l’interprétation à donner à la présence du Marshal Sykes (homme mû par un profond besoin de justice véritable, ou héros trop beau arrivant au bon moment), Saül Gunsmoke en méchant d’opérette ou en individu animé par un mélange de besoin de revanche et de désir de réussite à faire légitimer par la société ? Le lecteur voit également comment la réalité se nourrit de la fiction (la légende de Texas Jack pour galvaniser les colons), et la fiction se nourrit de la réalité (le spectacle racontant de manière édulcorée et flatteuse sa mission contre Gunsmoke). Il se dit qu’il peut aussi y voir un récit aux accents psychologiques, avec le réflexe conditionné de Texas Jack de tirer sur des cibles mouvantes, mais aussi son blocage face à des cibles humaines. Ainsi de réflexions en idées, il prend conscience de la nature polymorphe des interprétations de ce récit. Fallait-il vraiment une extension au récit ayant constitué la première collaboration de ces auteurs, avec de personnages récurrents ? Cette question quitte bien vite l’esprit du lecteur qui profite des paysages naturels, du grand Ouest, des codes Western bien mis en scène et retrouvant du sens, de la narration visuelle à la fois iconique, à la fois personnelle. Il se laisse donc troubler par ces grands horizons, ressentant peu à peu que les événements se prêtent bien à une comparaison entre réalité de la vie des colons et artifice des spectacles de Texas Jack, puis à d’autres réflexions plus élaborées sur l’ambition, les valeurs, le code moral, le sens. Épique et intime.

09/08/2025 (modifier)
Couverture de la série FolkLore
FolkLore

La série est pour le moment incomplète (seuls deux tomes sont sortis et d'autres sont censés arriver) mais ce n'est absolument pas grave : il s'agit là d'une série de récits anthologiques. Chacun des albums est indépendant et peut se suffire à lui-même. Ce qui unit ces récits, c'est d'abord un univers commun, un monde peuplé d'animaux anthropomorphiques et possédant de nombreuses cultures marquées (et fortement inspirées de cultures de notre monde à nous), mais surtout le sujet de fond de ses récits, à savoir celui de parcours initiatiques. Dans ce monde, chaque jeune personne reçoit un jour sa clé, invitation magique à rejoindre la grande cité de Babel pour y découvrir et/ou accomplir son destin. La métaphore est à peine voilée, ici on nous parle surtout du poids de l'avenir lorsque l'on est jeune, du conflit entre ses rêves et ses devoirs, du chemin que l'on se trace soi-même, des surprises que l'on n'attendait pas, … bref, cette série a l'ambitieux projet de parler de l'importance et du pouvoir que l'on possède lorsque l'on est jeune et que notre avenir est encore à déterminer. Les deux premiers albums sont bons, les protagonistes sont attachants (tant Gayatri pour ses rêves et sa sincère bonne humeur qu'Ascelin pour sa ruse et son sincère désir de réparer une vieille blessure familiale), le texte est beau, les références et les bons-mots fusent du tac-au-tac, les dessins sont de très bonnes factures (même si le trait de Lionel Richerand m'a demandé un petit temps d'adaptation), … Oui, c'est du bon. La série, en plus d'être accessible et intéressante à tout âge, est surprenamment juste et touchante. Chaudement recommandée de mon côté.

08/08/2025 (modifier)
Par Canarde
Note: 4/5
Couverture de la série Le Château - Une année dans les coulisses de l'Elysée
Le Château - Une année dans les coulisses de l'Elysée

Je serai plus enthousiaste que mes confrères, en grande partie parce que le sujet me fascine : l'exercice du pouvoir au quotidien. Une suite ininterrompue de corvées protocolaires qui n'ont rien à voir avec les ambitions politiques affichées lors des campagnes électorales. La place de président est finalement plus proche de celle de la reine d’Angleterre, qui incarne la continuité de l’État mais ne se mêle pas de construire une politique cohérente. C'est à la fois frustrant est rassurant. Si la constitution était respectée ce serait bien le premier ministre qui se chargerait de la mise en oeuvre de la politique. Mais pourtant ce n'est pas le premier ministre qui est élu...c'est là le Hic. Bref cette BD montre une sorte de vanité du pouvoir, très coûteuse en ressources humaines, et proche de la cour de récré. Mais c'est dans les détails que la spécificité française apparait et je ne vous les dévoilerai pas parce que cela enlèverait tout le sel de la lecture. C'est très roboratif, beaucoup de dialogues, beaucoup de détails à observer... J'ai été absorbée plusieurs heures sans lâcher l'album. La mise en scène , habituelle chez Sapin, où il se représente dans un coin avec les pensées qui le traversent sur le moment, nous rendent la chose proche, mais pas pour autant désirable. C'est pour ça que certains trouvent cela froid. En effet dans ce monde politico-médiatique il est difficile de se lier vraiment, cela pourrait vous être reproché. Chacun reste autant que possible sur ses gardes en la présence du dessinateur et cela transparait, mais cela peut aussi échapper, sur 6 mois... C'est le jeu. On ne sait pas finalement si ce livre parle de nos institutions politiques ou s'il observe un périmètre socio-temporel comme un autre : cela m'a fait pensé à "la maison ronde" de Charlie Zanello qui observe Radio-France, mais honnêtement c'est plus intéressant ici , et c'est le savoir-faire de l'auteur qui fait la différence, par son dessin et par sa capacité d'observation, le choix des dialogues, la manière dont les personnages sont campés. Mais attention ! c'est comme pour Catel et son dispositif documentaire du portrait de personnage féminin, cela a beau être très bien fichu et efficace, au bout de trois fois, on s'en fatigue... Pour le comparer au Quai d'Orsay de Blain, c'est différent. Blain a ce mouvement du dessin qui fait corps avec les personnages et fictionnalise déjà par le dessin le cours des évènements. Son ministre des affaires étrangère est présenté comme un surdoué virevoltant, et tout le monde doit se comporter en réaction à ses désidérata. Ici Hollande, et tous les personnages représentés sont particulièrement normaux et "au boulot", presque à égalité, si ce n'était les horaires de travail...

06/08/2025 (modifier)
Par Canarde
Note: 4/5
Couverture de la série Une Soeur
Une Soeur

Juste après avoir relu Cet été-là de Jillian et Mariko Tamaki qui traite un peu du même sujet de l'adolescence qui pointe son nez pendant des vacances en bord de mer, c'est intéressant de lire une sœur, de Bastien Vivès. L'un présente deux filles qui s'ennuient pendant les vacances et la plus grande commence à s'intéresser aux garçons, c'est long, c'est pleins de détails psycho familiaux, alors que l'autre album présente deux frères tout sages (toujours à dessiner sur la table de la cuisine) qui doivent accueillir pendant une semaine de leurs vacances une très belle adolescente dans leur chambre. Une approche de long bain tiède entre la légèreté et la tristesse d'un coté et de l'autre un court récit d'intrusion de la sexualité dans la vie d'un jeune homme qui n'était pas demandeur. Chez Vivès, c'est la jeune fille qui se sert un peu du garçon (Antoine) comme d'une doublure, pour essayer et avoir moins peur de "le faire" avec un garçon de son âge. Et ce coup d'essai pour elle est un viol pour lui. N'est-il qu'un objet sexuel ou pas ? Tout ceci est présenté dans une fluidité effrayante, seuls les regards sidérés et enfantins d'Antoine laissent entrevoir une cassure qui n'est pas développée. Tout est très rapide et silencieux. comme d'habitude avec Vivès, les traits économes et les dialogues très justes nous rappellent tellement de situations vécues... Évidemment cet enfant dessinateur et la subtilité des observations (les paroles du petit frère, celles des grands ados inconscients...) tendent à nous faire penser qu'il s'agit d'une situation réellement vécue par l'auteur... Je comprends que les femmes victimes de viol puissent craindre devant toute cette subtilité que le viol fait par une femme ne puisse effacer celui réalisé par les hommes. Mais cela doit être dit. Aussi. Et cela semble expliquer en partie la fascination de Vivès pour ces situations de beauté dans la violence.

06/08/2025 (modifier)
Par Brodeck
Note: 4/5
Couverture de la série L'Île aux orcs
L'Île aux orcs

C'est un récit franchement gore, violent, brutal, mais objectivement il faut reconnaître que pour un trip sous acide, c'est quand même très maîtrisé. :) La colorisation, le dessin pourraient être à première vue repoussants, mais à l'arrivée, ils expriment très bien la saleté, la puanteur, la misère, le fourmillement des cités. Les cadrages sont spectaculaires et le trait vif et dynamique est adapté à ce récit de dark fantasy dont le côté sombre est là aussi bien maîtrisé. C'est brutal, mais très efficace et l'aventure est bien présente. Avis aux amateurs du genre. Un bon 3,5 pour moi, je ne me suis pas du tout ennuyé, un 4/5 si vous êtes un adepte de cet univers, voire plus si affinités.

06/08/2025 (modifier)