The New World

Note: 4/5
(4/5 pour 1 avis)

Une aventure dantesque à la croisée de Roméo & Juliette, Mad Max et Cyberpunk 2077 dans laquelle Tradd Moore révèle un talent démentiel à chaque page.


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Les États-Unis ont connu une seconde Guerre Civile ; en Nouvelle Californie, la population suit tous les jours une émission de téléréalité brutale, où la police pourchasse des criminels désignés par le pouvoir en place, puis les exécute selon le vote du public. Stella Maris est la flic la plus efficace à ce jeu - mais refuse de tuer quiconque. Un soir, elle fait la rencontre de Kirby Shazaku Miyazaki, avec qui elle passe une nuit torride. Mais Kirby est aussi un anarchiste bien décidé à renverser le gouvernement. Lorsqu'il devient l'ennemi public numéro un après une tentative d'attentat, Stella doit selon la règle l'arrêter et le mettre à mort. S'engage alors une course-poursuite où les amants maudits vont devoir rassembler tout ce qui les unit - et les oppose - pour espérer s'en sortir.

Scénario
Dessin
Couleurs
Traduction
Editeur / Collection
Genre / Public / Type
Date de parution 30 Avril 2025
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série The New World © Hi Comics 2025
Les notes
Note: 4/5
(4/5 pour 1 avis)
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04/05/2025 | Présence
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Par Présence
Note: 4/5
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En butte à son histoire personnelle - Ce tome comprend une histoire complète indépendante de toute autre. Il contient les 5 épisodes de la minisérie (les numéros 1 et 5 étant doubles) initialement parus en 2018, écrits par Ales Kot, dessinés et encrés par Tradd Moore, avec une mise en couleurs réalisée par Heather Moore, et un design de la publication réalisé par Tom Mueller. Le 15 avril 2037, plusieurs bombes nucléaires ont explosé dans cinq des plus grandes métropoles des États-Unis, sans qu'aucun groupe ne revendique ces actions. La nation s'est fragmentée en plusieurs gros états dont la Nouvelle Californie qui a remonté la pente économique pour retrouver une véritable prospérité. Ce jour-là, la chasseuse de primes Stella Maris a revêtu son armure pour une mission dans un immeuble désaffecté. Dans le même temps, dans un autre quartier, Kirby Shakaku Miyazaki se fait passer pour un technicien de haute compétence et se rend à son rendez-vous de prise de poste, avec un dénommé Miller, pour le network qui retransmet les interventions de Stella Maris. Cette dernière est montée dans les étages et repère une fillette dans un couloir, à qui elle dit de rentrer dans son appartement. Le criminel surgit derrière Stella avec un flingue, et l'écume aux lèvres. Miller a emmené Kirby Shakaku Miyazaki dans la salle de production, tenue par Jim Molina. Stella Maris passe à l'action et neutralise l'agresseur en tour de main. Elle le plaque au sol, et les téléspectateurs commencent à voter pour savoir s'ils veulent qu'elle le capture, ou qu'elle l'exécute sur le champ. Alors que le résultat du vote est majoritaire pour l'exécution, Stella Maris refuse de passer à l'acte et préfère faire un prisonnier. Dans le même temps, Kirby Shakaku Miyazaki a quitté subrepticement la salle de production, et même le bâtiment et il actionne un télérupteur déclenchant un module qu'il a laissé dans la salle et qui provoque le piratage des émissions pour diffuser un message : écrasez l'état policier. Le soir, Stella Maris dîne avec son grand père (le président de la Nouvelle Californie). Il lui reproche de ne pas suivre le vote du public, de ne pas exécuter le criminel. Il évoque le professionnalisme de Logan Maximus, un autre chasseur de primes qui n'éprouve aucun état d'âme à suivre l'avis du public. Il souhaite qu'elle soit plus professionnelle, ce qui lui permettra d'accéder à la première place, de détrôner Logan Maximus. Dans la salle de production, Miller sait que ses jours sont comptés. Jim Molina lui indique que le hacker n'a pas été aussi malin qu'il l'a cru et qu'il a laissé des empreintes électroniques qui vont permettre de l'identifier. Dans l'énorme production de l'éditeur Image Comics dans les années 2010, l'attention du lecteur est attiré à la fois par le nom du scénariste (auteur entre autres de Secret Avengers avec Michael Walsh, de Zero, ou encore de The surface avec Langdon Foss), ou par le nom du dessinateur ayant réalisé Luther Strode avec Justin Jordan, ou All New Ghost Rider avec Felipe Smith. Il note l'aspect psychédélique de la couverture, et l'aspect très rond des dessins. Le récit commence doucement avec sept pages évoquant en des termes brefs l'avènement de New California, pour expliquer que le récit se passe évidemment dans le futur, ce qui permet quelques exagérations d'anticipation. Bien sûr, le lecteur repère rapidement quelques éléments d'actualité comme la notion de célébrité dans une société où tout est spectacle, y compris l'activité de pourchasser les criminels, le principe des décisions interactives, ou encore l'existence d'un mur évoquant celui appelé de tous ses vœux par le quarante-cinquième président des États-Unis. Tradd Moore met à profit cet environnement d'anticipation. Il réalise un travail à la fois esthétisant, à la fois descriptif avec un fort niveau de détails. Moore commence par un dessin en double page de la Maison Blanche en ruine, puis le dessin en double page de la Nouvelle Californie. Le dessinateur sait trouver le juste milieu entre des décors attestant d'avancées technologiques, en matière de construction, d'aménagement, de communication. Le lecteur observe donc la manière dont il joue avec les espaces des appartements, les revêtements de sol ou de mur, les différents types de meubles, les formes d'écran. Moore accentue la fluidité des formes en exagérant l'arrondi de leurs contours. Heather Moore renforce cette vision parfois un peu infantile en utilisant une palette de couleurs pop, très agréable à l'œil, habillant chaque élément de manière vive et claire. Durant ces cent-cinquante pages de comics, Tradd Moore enchante le lecteur par le degré descriptif de ses dessins. Dans celui en double page présentant la Nouvelle Californie, le lecteur peut prendre le temps de regarder chaque toit, ainsi que les bras de grue qui dépassent, avec une parfaite lisibilité, sans sensation d'étouffement. Quelques pages plus loin, Stella Maris a pénétré dans la cage d'immeuble du forcené, et les murs sont couverts de graffitis qui se chevauchent, sans compter les sacs poubelles abandonnés dans les parties communes. Lors du vote pour savoir si elle doit abattre son prisonnier, la narration montre plusieurs endroits avec des gens en train de voter. Le lecteur se dit qu'il aimerait participer au barbecue organisé sur le toit d'un immeuble à South Central, montré juste dans une case, mais avec un luxe de détails irrésistible. Par la suite le lecteur découvre le palace présidentiel de Griffith Park dans une vue du ciel extraordinaire, à la fois pour son architecture, à la fois pour le parc qui l'entoure. Il a également du mal à croire à la case où Kirby rentre à l'appartement de son père, et où il peut apercevoir dans une unique case : Kirby sur la gauche en train de faire tourner la clé autour de son index, le tapis avec ses motifs, l'escalier qui monte à l'étage, le canapé sur lequel se trouve Clark (le père de Kirby) avec un robot assis à côté de lui, l'écran plat de télévision, les plantes vertes au premier, la table avec les chaises dans un plan plus loin, et encore le coin cuisine en arrière-plan, tout ça avec une lisibilité parfaite. Tradd Moore se montre tout aussi inventif et personnel pour la représentation des protagonistes : leurs visages, leurs tenues vestimentaires, leur langage corporel. En phase avec sa personnalité, Kirby a adopté une apparence voyante, avec des cheveux blond clair, une cicatrice sur la joue droite, un bandeau de pirate mais qu'il ne rabat pas sur son œil. Le lecteur constate que le souci de l'apparence est partagé par de nombreux individus, en particulier le président avec sa tenue blanche, sa chevelure ondulée mi-longue, et son très long bouc argenté. Il est visible que le dessinateur prend un réel plaisir à imaginer des visages tous différents et très travaillés. Il n'y a que Stella Maris à avoir conservé une apparence naturelle. Il en va de même pour les tenues vestimentaires, souvent extravagantes, sans être totalement impossibles. Le lecteur se divertit à regarder ce sens de la mode orienté pop et flashy. De manière à conserver un niveau de lisibilité satisfaisant, Moore s'en tient à des postures et des mouvements naturalistes pour les personnages, rehaussés par une belle expressivité de leur visage. Sous réserve qu'il apprécie l'exubérance baroque de la narration visuelle, le lecteur se délecte de l'inventivité de Tradd Moore à chaque page, avec des visions étonnantes, parfois déroutantes, et mémorables. Le lecteur n'est pas près d'oublier la double page de l'affrontement entre Stella Maris et le criminel sous influence (une double page avec uniquement des onomatopées), la vision du satellite dans l'espace (un jeu sur le noir et les contrastes), le dessin en double page dans a boîte de nuit où le regard de Stella rencontre celui de Kirby, la voiture de Mark bondissant hors du garage dans un dessin en pleine page avec une impression psychotrope brillamment exécutée, ou encore la vision du mur séparant la Nouvelle Californie du reste du monde. Au fil des pages, le lecteur se retrouve emporté par cette narration visuelle riche et libérée. Alors qu'Ales Kot peut réaliser des intrigues à la structure complexe, il a ici préféré un fil directeur simple et facile à suivre : Kirby et Stella tombent amoureux et se retrouvent à fuir les autorités qui pourchassent le dangereux agitateur qu'est Kirby. Cette trame simple permet au scénariste de développer des séquences elles aussi surprenantes, sans risque de perdre son lecteur. Au départ, le lecteur se dit que le scénariste va développer la fibre de la comédie romantique, avec Kirby Straight Edge et très ordonné avec des convictions anti-autoritaristes, attiré par Stella instrument du gouvernement, désordonnée et peu regardante quant à sa nourriture. Cet élément guide effectivement les réactions des personnages, Kirby étant très inquiet de devoir opérer par lui-même Stella pour enlever les mouchards électroniques implantés dans son corps. Mais le récit ne se focalise pas sur cette relation comme centre d'intérêt premier. Outre la dimension politique et sociétale de certaines situations, Ales Kot met en scène également des comportements très humains qui apparaissent comme des stratégies comportementales plus ou moins conscientes. La plus évidente est de Mark Miyazaki, (le père de Kirby), un vétéran qui se désensibilise en consommant de l'alcool de manière à ne plus ressentir les remords et l'impossibilité de trouver une forme d'action concourant à une éventuelle rédemption. Le lecteur prend peu à peu conscience que les choix de vie de Kirby sont guidés par un traumatisme d'enfance quand ses parents ont été arrêtés comme des fuyards. Jim Molina est entièrement prisonnier d'un système l'obligeant à agir sous la contrainte, même si elle ne prend pas la forme d'une menace physique. Logan Maximus refuse d'envisager l'éventualité d'une remise en question, malgré la preuve de sa nécessité incarnée par Mark, son ancien compagnon d'armes. Alors qu'elle quitte tout sur un coup de tête (effectuant une remise en question radicale, mais cohérente avec ses valeurs morales), Stella Maris ne peut pas renoncer à son chat (Godzilla), une forme d'attachement affectif qu'elle ne peut pas sacrifier. Ainsi chaque personnage acquiert une épaisseur et une dimension humaine le rendant unique et permettant au lecteur de reconnaître ses propres questionnements, ses émotions. Sur la base de la couverture, le lecteur peut croire qu'il s'agit d'une histoire d'amour entre deux individus que tout oppose avec un vague vernis futuriste. À la lecture, il apparaît que Tradd Moore fait preuve d'une implication et d'une inventivité sans retenue pour donner à voir ce futur proche et décalé. Ales Kot propose une intrigue simple qui lui permet de faire ressortir la personnalité de ses personnages, au travers des épreuves peu communes auxquelles ils doivent faire face.

04/05/2025 (modifier)