Contrairement à ce qui est dit dans le précédent avis, Asylum ne parle pas des terres d’asile. Il ne montre pas les pays occidentaux comme des havres de paix (à moins de considérer qu'un camp de concentration sur une plage française ou un centre fermé en Espagne sont des lieux de villégiature des plus accueillants... ou de croire que le Venezuela et le Mexique sont des pays occidentaux). C’est plutôt un manifeste, un plaidoyer pour l’accueil des exilés… et une dénonciation à l’encontre des nations européennes sur la manière dont elles acceptent cette immigration (ici, ce sont principalement la France et l’Espagne qui en prennent pour leur grade).
Au travers des souvenirs d’une Basque espagnole, victime du fascisme, rejetée comme des dizaines de milliers d’autres par une France qui ne voulait pas se fâcher avec le petit moustachu, et de l’évocation du parcours de plusieurs autres exilés (d’Afrique ou d’Amérique centrale, pour des raisons diverses et variées), l’auteur dresse un portrait empli d’humanité de cette problématique. Il va chercher l’humain derrière ce que nous considérons trop souvent comme une source d’ennui. Il nous rappelle que ces femmes et ces hommes n’ont pas fui leur pays par goût de l’aventure, mais bien par obligation. Il nous montre à quel point ces personnes sont résignées, détruites, réduites à ne plus être que des ombres de l’homme, de la femme ou de l’enfant qu’elles étaient. Il insiste sur l’importance d’une main tendue. Il nous montre combien ces victimes n’en ont rien à foutre du nom de la terre qui les accueille, tant qu’elles peuvent y vivre en paix, dans un sentiment de sécurité (et combien elles seront reconnaissantes envers le pays qui pourra leur offrir un tel asile, quel que soit son nom, la couleur de son drapeau ou la devise de sa nation).
Il s’agit donc d’une œuvre engagée qui joue principalement sur l’émotion, à l’opposé d’une analyse macro-économique. Elle est réalisée avec sincérité et intelligence. Le début du récit m’est apparu un brin artificiel mais une fois rentré dedans, je n’ai plus quitté ma lecture. Le dessin est agréable et la colorisation lui donne un aspect « artisanal » qui cadre bien avec l’esprit « témoignage » de ce récit.
C’est une œuvre sincère, très accessible, bien écrite et bien traduite, avec un dessin agréable et une colorisation adéquate. Dans le genre, oui, c’est franchement bien.
Un album dont le sujet est la quête du scénariste pour retrouver et pouvoir regarder les films d'Édouard Luntz, un cinéaste qui a eu un certain succès critique dans les années 60-70 avant de tomber dans l'oubli.
Julien Frey l'a rencontré lorsqu'il était étudiant en cinéma et avait envoyé son scénario de film à plusieurs producteurs. Comme Luntz ne semblait pas avoir un sou, il ne l'a pas pris au sérieux et il n'a pas continué de collaboration avec lui. Puis, quelques années plus tard, il apprend par la bouche d'un professeur que ce que lui a dit Luntz était vrai. Et, une dizaine plus tard, il tombe sur le vinyle de la musique d'un film de Luntz et il décide de sérieusement rechercher les films de Luntz.
Je préviens tout de suite que ce livre ne raconte pas la biographie de Luntz. On a droit à des anecdotes, notamment autour du film Le Grabuge pour la Fox où le réalisateur a eu un gros conflit avec le producteur qui avait remonté le film à sa manière et coupé plusieurs scènes et Frey rencontre des connaissances du réalisateur (notamment l'acteur Michel Bouquet qui signe la préface de l'album), mais la vie de Luntz reste un sujet peu approfondi dans l'album et ainsi je n'ai qu'une vague idée de la raison pour laquelle la carrière de Luntz a complètement arrêté au milieu des années 1970 (apparemment il avait, entre autres, des problèmes de drogues) et je n'ai aucune idée de ce qu'il a bien pu faire durant les dernières décennies de sa vie. Il y a d'ailleurs une scène avec le fils de Luntz qui dit qu'il voudrait lui-même faire un livre sur son père et j'espère qu'il va le faire un jour !
Le sujet principal est la quête du scénariste pour retrouver les films de Luntz et l'impact qu'ils ont sur lui car il va trouver l'oeuvre de Luntz très touchante. On parle aussi de sujets divers liés aux films comme leur préservation et les problèmes de droits. Frey raconte très bien et j'ai trouvé son parcours passionnant. Je ne savais pas qu'un jour j'aurais pris plaisir à voir un type se promener d'une institution cinématique à une autre pour pouvoir des films que tout le monde semble avoir oublié ! Je pense que si j'ai aimé ce one-shot, c'est en partie parce que même si je ne suis pas un grand cinéphile, je comprends que Frey ait mis tant d'effort pour retrouver des oeuvres qu'il tenait à voir absolument. Personnellement, si j'avais le temps et l'argent, je me verrais bien me promener aux quatre coins de la planète pour retrouver des bds oubliées que j'aimerais lire. J'aime bien le trait de Nadar aussi.
Un bon livre qui nous fait découvrir l'oeuvre d'un réalisateur injustement méconnu.
Tiens, je ne suis pas le seul à avoir préféré la première partie de ce récit : un conte noir, enfantin, et cruel (surtout sur la fin). Cette première partie aurait fait un chouette one-shot.
La deuxième partie est loin d’être mauvaise, et se déroule plusieurs années après les évènements du premier chapitre. A ce titre, il s’agit vraiment d’une suite, presque d’un tome 2. L’histoire reste belle, mais plus classique, voire un peu convenue. Les personnages sont un peu « clichés », même si je dois avouer que la toute fin a réussi à me toucher.
Cet album fut avant tout pour moi un coup de cœur graphique. La couverture m’a interpellé et un feuilletage rapide m’a convaincu d’investir, sans en savoir plus sur l’histoire. Et de ce côté-là je ne suis pas déçu : j’adore le style, le noir et blanc avec des touches de couleur, et les personnages, que je trouve très beaux.
Un chouette album, un peu plus classique sur la deuxième partie. A conseiller aux amateurs de contes un peu noirs.
PS : ceci est mon 1000ème avis :)
Un des meilleurs shonen récents !
Alors oui, il faut aimer les shonen, mais c'est évident, non ? Rares sont les oeuvres qui transcendent les genres et celle-ci n'en fait pas partie.
Malgré tout, l'humour est bien présent, certaines critiques ci-dessous quant au côté "bourrin" de la série ne sont pas vraiment justifiées. Certes, il y a une bonne part de combats mais il s'agit tout de même de combats entre super héros et super vilains, donc c'est inévitable. Les combats, techniques, stratégies sont toujours très différentes et on est donc loin de quelque chose de bourrin.
Les dessins sont très bons et dynamiques et l'ensemble est agréable à lire.
Bref, du tout bon, pour peu que vous aimiez les shonen.
J'ai vraiment aimé ce Texas Jack, directeur de cirque catapulté dans l'Ouest sauvage où les grands propriétaires terriens règnent sans partage, où les bandits sont des crapules sans états d'âme. Dubois et Armand nous replongent dans une chevauchée sauvage où la route de Texas Jack croise celle du Marshal Sykes, le Marshal qui est toujours accompagné de ses deux acolytes O'Maley et Renard Gris, Texas Jack lui de ses 3 cascadeurs, Amy O'hara, Kwakengoo et Ryan Greed qui pour moi est un vrai pistolero pas juste un virtuose de la gâchette comme Texas Jack.
Le récit est égrainé de quelques saynètes cocasses qui donnent un ton léger à cette chasse à l'homme impitoyable.
Pour ce qui est du dessin, il correspond parfaitement à l'ambiance générale, la fusillade finale en est le parfait exemple : une seule grande scène en un seul plan en double page.
Texas Jack pour moi est une réussite.
Ahhhh ba voilà du bon Doggybag comme je les aime !!! Si j'avais apprécié les derniers opus sortis sous le label 619, il me manquait la petite fièvre et l'étincelle qui font la différence que je retrouve enfin avec délectation dans cet album ! 150 pages de bon gros délire chez les tarés de l’Amérique profonde, ça vaut son pesant de Mapple Square, ces caramels collants qui firent la richesse et la renommée de ce bled paumé américain.
Suite à de nombreuses disparitions, deux agents du FBI sont donc dépêchés sur place pour mener l'enquête. Commence alors un défilé de personnages tous plus hallucinants les uns que les autres ! Entre le garagiste à qui je ne confierais pas ma trottinette, le tenancier du bar qui doit être le cousin pas si éloigné de Jabba the Hutt, et son frère en cuisine dont je ne voudrais même pas serrer la main, on se demande qui est le plus inquiétant du lot ! Et encore je ne vous ai pas parlé du shériff...
Bref, notre duo de choc va rapidement tomber sur un os (voire plusieurs) et tout va rapidement partir en couille ! Mais de la couille maîtrisée môôôssieur ! On sent le doigté, on sent le savoir faire et le travail rondement mené de nos deux auteurs !
Que ce soit la trame narrative que nous pose sur des rails David Hasteda ou le dessin singulier et cartoonesque de Ludovic Chesnot, nous sommes comblés ! Dur de lâcher l'objet qu'on nous donne à ronger tel un os tant on est embarqué dans ce récit hypnotique et barré ! Alors oui, les références sont nombreuses et multiples, oui l'histoire pourrait ressembler à d'autres, mais ce petit grain de folie inhérent à cet album est juste jubilatoire ! Alors si vous êtes du genre adepte du Label 619, sachez que vous tenez là un de leurs meilleurs albums !
A lire !
J’ai beaucoup aimé ce récit d’anticipation, qui ne fait que confirmer tout le bien que je pense de Brian K . Vaughan. Sa vision personnelle d’un monde futuriste dans lequel la protection de la vie privée serait devenue une préoccupation majeure de tout un chacun m’a semblé aussi pertinente que décalée.
Outre cet univers, déjà bien plaisant et intelligent en soi, j’ai franchement accroché à l’aspect policier du récit. L’action est au rendez-vous, avec de multiples pistes à explorer, des confrontations musclées, du mystère et des rebondissements.
Et lorsque vient l’heure des révélations finales, et bien là encore, les auteurs parviennent à me surprendre ! C’est qu’ils en avaient gardé sous le pied pour nous dérouter une dernière fois tout en soulevant de nouvelles questions éthiques qui méritent réflexion.
Et puis, que dire et du dessin et du format ? Le dessin de Marcos Martin, bien servi par la colorisation de Vicente Muntsa, convient parfaitement au sujet. Il dote ce récit d’une atmosphère à la fois rétro et futuriste. Il est d’une lisibilité sans mesures avec des personnages bien typés, des scènes d’action limpides et un découpage d’une grande clarté. Un découpage qui explose encore grâce à ce format à l’Italienne, qui étire les planches, nous offrant un visuel très panoramique sur ce récit. Alors que ce récit était à la base prévu pour une diffusion via le net, cette mise en page (que seul un format papier peut offrir) est un des maîtres atouts de cet album !
Un très bel objet. Un univers original. De l’action, du suspense, des rebondissements. Il n’en faut pas plus pour mon bonheur !
Un road-bd sympathique où vont se croiser deux jeunes, Karim, arabe 80's calé dans les années 50 et Alexandre, complexé et envieux (dans le bon sens) de Karim qui sait parler aux femmes, un futur ex candidat local du FN (pardon, de l'Elan National) et ses sbires, un VRP infidèle et sa famille, des trafiquants lyonnais, un anar qui cache son jeu, des routiers sympas, bref, tout une cohorte de personnages savoureux qui fleurent bon la montée du FN dans les années 80 sur fond de fin de métallurgie lorraine.
Nos deux compères se retrouvent embarqués malgré eux dans un western français, et doivent parcourir la route vers le sud puis retour en croisant tout ce joli monde. Le scénario n'est pas exceptionnel mais ici c'est le chemin qui est le principal moteur et non l'arrivée.
De son dessin caractéristique, Baru nous offre des trognes et croque ses personnages qui sont tous la vraie valeur ajoutée du bouquin. Certes on ne fouille pas trop la psychologie mais on suit tout ce beau monde avec plaisir, intérêt et une certaine jubilation.
La seule erreur à mon sens réside dans les réactions de notre politicard extrémiste lorsqu'il parvient à mettre la main sur Karim. Il y a ici une facilité de l'auteur pour poursuivre son chemin.
Malgré tout un vrai moment de plaisir (non)coupable.
Belle surprise cette oeuvre. Evidemment, c'est les couleurs, l'esthétique, qui frappent et enchantent la lecture. C'est tout moderne et tellement rétro. Quelle maîtrise!
Et puis au final, l'histoire tient plus ou moins la route. Les personnages sont certes un peu superficiels, mais difficile de décrire des psychologies plus complexes sur autant de protagonistes en un one-shot. Perso, je trouve le job de directeur d'usine du père tellement improbable, ou encore les retrouvailles en deuxième partie un peu capilotracté...
Mais la narration et l'enchainement des scènes est juste parfaite. Donc laissons nous aller à ce court voyage dans les sixties.
John Carlin et Oriol Malet signent avec cet album une des biographies les plus intéressantes qu'il m'ait été donné de lire depuis longtemps. Tout du moins, c'est une biographie partielle dont il s'agit plutôt, mais qui traite de l'un des moments clés de la vie de Nelson Mandela : sa libération en 1990 et les tractations qu'il va devoir alors mener pour éviter à l'Afrique du Sud de basculer dans une guerre civile.
Car si la libération de Nelson Mandela en 1990 résonne pour beaucoup comme la fin de l'apartheid en Afrique du Sud, il faudra encore cinq ans au pays pour sortir de ce système discriminatoire de la pire espèce. Cet ouvrage nous permet d'appréhender toute la finesse et la diplomatie que Nelson Mandela va devoir déployer envers le général Viljoen.
Ce dernier, issu d'une famille d'afrikaners, va faire carrière dans l'armée et monter les échelons pour finir général ; il prend finalement sa retraite et se retire dans sa ferme familiale. C'est là que les chefs d’extrême droite des différentes milices qui ont commencées à se former mais sont divisées vont venir le chercher pour lui proposer de prendre la tête de cette pseudo armée pour empêcher que l'apartheid ne tombe. Le pays est alors prêt à exploser, avec d'un côté cette armée de type néo-nazi et de l'autre des radicaux noirs qui veulent aussi en découdre pour gagner le pouvoir.
Malgré tout cela, Nelson Mandela réussira au fil de rencontres discrètes avec le général Viljoen à lui faire comprendre que l'intérêt supérieur du pays réside dans le fait d'empêcher l'affrontement d'avoir lieu. Reste à ce dernier à faire passer le message dans son camps ce qui ne fut, on l'imagine, pas chose aisée.
John Carlin, grand reporter international pour le quotidien espagnol El Pais nous propose un récit limpide et saisissant de ce moment clé de l'histoire de l'Afrique du Sud. Étant correspondant de presse pour le journal The Independant à l'époque, c'est sur le terrain et en ayant eu la chance d'interviewer Nelson Mandela qu'il tire sa matière pour nous restituer l'essentiel. La narration est impeccable, et le trait singulier de l'auteur espagnol Oriol Malet est juste parfait pour nous rendre compte de cette période charnière. Son trait et son encrage épais est mis en valeur par une colorisation déroutante au début mais d'une grande subtilité. En effet son noir et blanc est juste colorisé d'aplats de gris, de rouge ou d'orange qui mettent en valeur les détails importants de certaines scènes et de certaines cases.
Voilà donc un album que je recommande chaudement pour tous les curieux de l'histoire de ce pays, de ce grand bonhomme que fût Nelson Mandela et cet inconnu que fût aussi le général Viljoen, mais sans qui l'Afrique du Sud ne serait pas ce qu'elle est aujourd'hui.
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Asylum
Contrairement à ce qui est dit dans le précédent avis, Asylum ne parle pas des terres d’asile. Il ne montre pas les pays occidentaux comme des havres de paix (à moins de considérer qu'un camp de concentration sur une plage française ou un centre fermé en Espagne sont des lieux de villégiature des plus accueillants... ou de croire que le Venezuela et le Mexique sont des pays occidentaux). C’est plutôt un manifeste, un plaidoyer pour l’accueil des exilés… et une dénonciation à l’encontre des nations européennes sur la manière dont elles acceptent cette immigration (ici, ce sont principalement la France et l’Espagne qui en prennent pour leur grade). Au travers des souvenirs d’une Basque espagnole, victime du fascisme, rejetée comme des dizaines de milliers d’autres par une France qui ne voulait pas se fâcher avec le petit moustachu, et de l’évocation du parcours de plusieurs autres exilés (d’Afrique ou d’Amérique centrale, pour des raisons diverses et variées), l’auteur dresse un portrait empli d’humanité de cette problématique. Il va chercher l’humain derrière ce que nous considérons trop souvent comme une source d’ennui. Il nous rappelle que ces femmes et ces hommes n’ont pas fui leur pays par goût de l’aventure, mais bien par obligation. Il nous montre à quel point ces personnes sont résignées, détruites, réduites à ne plus être que des ombres de l’homme, de la femme ou de l’enfant qu’elles étaient. Il insiste sur l’importance d’une main tendue. Il nous montre combien ces victimes n’en ont rien à foutre du nom de la terre qui les accueille, tant qu’elles peuvent y vivre en paix, dans un sentiment de sécurité (et combien elles seront reconnaissantes envers le pays qui pourra leur offrir un tel asile, quel que soit son nom, la couleur de son drapeau ou la devise de sa nation). Il s’agit donc d’une œuvre engagée qui joue principalement sur l’émotion, à l’opposé d’une analyse macro-économique. Elle est réalisée avec sincérité et intelligence. Le début du récit m’est apparu un brin artificiel mais une fois rentré dedans, je n’ai plus quitté ma lecture. Le dessin est agréable et la colorisation lui donne un aspect « artisanal » qui cadre bien avec l’esprit « témoignage » de ce récit. C’est une œuvre sincère, très accessible, bien écrite et bien traduite, avec un dessin agréable et une colorisation adéquate. Dans le genre, oui, c’est franchement bien.
Avec Édouard Luntz - Le Cinéaste des âmes inquiètes
Un album dont le sujet est la quête du scénariste pour retrouver et pouvoir regarder les films d'Édouard Luntz, un cinéaste qui a eu un certain succès critique dans les années 60-70 avant de tomber dans l'oubli. Julien Frey l'a rencontré lorsqu'il était étudiant en cinéma et avait envoyé son scénario de film à plusieurs producteurs. Comme Luntz ne semblait pas avoir un sou, il ne l'a pas pris au sérieux et il n'a pas continué de collaboration avec lui. Puis, quelques années plus tard, il apprend par la bouche d'un professeur que ce que lui a dit Luntz était vrai. Et, une dizaine plus tard, il tombe sur le vinyle de la musique d'un film de Luntz et il décide de sérieusement rechercher les films de Luntz. Je préviens tout de suite que ce livre ne raconte pas la biographie de Luntz. On a droit à des anecdotes, notamment autour du film Le Grabuge pour la Fox où le réalisateur a eu un gros conflit avec le producteur qui avait remonté le film à sa manière et coupé plusieurs scènes et Frey rencontre des connaissances du réalisateur (notamment l'acteur Michel Bouquet qui signe la préface de l'album), mais la vie de Luntz reste un sujet peu approfondi dans l'album et ainsi je n'ai qu'une vague idée de la raison pour laquelle la carrière de Luntz a complètement arrêté au milieu des années 1970 (apparemment il avait, entre autres, des problèmes de drogues) et je n'ai aucune idée de ce qu'il a bien pu faire durant les dernières décennies de sa vie. Il y a d'ailleurs une scène avec le fils de Luntz qui dit qu'il voudrait lui-même faire un livre sur son père et j'espère qu'il va le faire un jour ! Le sujet principal est la quête du scénariste pour retrouver les films de Luntz et l'impact qu'ils ont sur lui car il va trouver l'oeuvre de Luntz très touchante. On parle aussi de sujets divers liés aux films comme leur préservation et les problèmes de droits. Frey raconte très bien et j'ai trouvé son parcours passionnant. Je ne savais pas qu'un jour j'aurais pris plaisir à voir un type se promener d'une institution cinématique à une autre pour pouvoir des films que tout le monde semble avoir oublié ! Je pense que si j'ai aimé ce one-shot, c'est en partie parce que même si je ne suis pas un grand cinéphile, je comprends que Frey ait mis tant d'effort pour retrouver des oeuvres qu'il tenait à voir absolument. Personnellement, si j'avais le temps et l'argent, je me verrais bien me promener aux quatre coins de la planète pour retrouver des bds oubliées que j'aimerais lire. J'aime bien le trait de Nadar aussi. Un bon livre qui nous fait découvrir l'oeuvre d'un réalisateur injustement méconnu.
Le Signe de la Lune
Tiens, je ne suis pas le seul à avoir préféré la première partie de ce récit : un conte noir, enfantin, et cruel (surtout sur la fin). Cette première partie aurait fait un chouette one-shot. La deuxième partie est loin d’être mauvaise, et se déroule plusieurs années après les évènements du premier chapitre. A ce titre, il s’agit vraiment d’une suite, presque d’un tome 2. L’histoire reste belle, mais plus classique, voire un peu convenue. Les personnages sont un peu « clichés », même si je dois avouer que la toute fin a réussi à me toucher. Cet album fut avant tout pour moi un coup de cœur graphique. La couverture m’a interpellé et un feuilletage rapide m’a convaincu d’investir, sans en savoir plus sur l’histoire. Et de ce côté-là je ne suis pas déçu : j’adore le style, le noir et blanc avec des touches de couleur, et les personnages, que je trouve très beaux. Un chouette album, un peu plus classique sur la deuxième partie. A conseiller aux amateurs de contes un peu noirs. PS : ceci est mon 1000ème avis :)
My Hero Academia
Un des meilleurs shonen récents ! Alors oui, il faut aimer les shonen, mais c'est évident, non ? Rares sont les oeuvres qui transcendent les genres et celle-ci n'en fait pas partie. Malgré tout, l'humour est bien présent, certaines critiques ci-dessous quant au côté "bourrin" de la série ne sont pas vraiment justifiées. Certes, il y a une bonne part de combats mais il s'agit tout de même de combats entre super héros et super vilains, donc c'est inévitable. Les combats, techniques, stratégies sont toujours très différentes et on est donc loin de quelque chose de bourrin. Les dessins sont très bons et dynamiques et l'ensemble est agréable à lire. Bref, du tout bon, pour peu que vous aimiez les shonen.
Texas Jack
J'ai vraiment aimé ce Texas Jack, directeur de cirque catapulté dans l'Ouest sauvage où les grands propriétaires terriens règnent sans partage, où les bandits sont des crapules sans états d'âme. Dubois et Armand nous replongent dans une chevauchée sauvage où la route de Texas Jack croise celle du Marshal Sykes, le Marshal qui est toujours accompagné de ses deux acolytes O'Maley et Renard Gris, Texas Jack lui de ses 3 cascadeurs, Amy O'hara, Kwakengoo et Ryan Greed qui pour moi est un vrai pistolero pas juste un virtuose de la gâchette comme Texas Jack. Le récit est égrainé de quelques saynètes cocasses qui donnent un ton léger à cette chasse à l'homme impitoyable. Pour ce qui est du dessin, il correspond parfaitement à l'ambiance générale, la fusillade finale en est le parfait exemple : une seule grande scène en un seul plan en double page. Texas Jack pour moi est une réussite.
Doggybags - Mapple squares
Ahhhh ba voilà du bon Doggybag comme je les aime !!! Si j'avais apprécié les derniers opus sortis sous le label 619, il me manquait la petite fièvre et l'étincelle qui font la différence que je retrouve enfin avec délectation dans cet album ! 150 pages de bon gros délire chez les tarés de l’Amérique profonde, ça vaut son pesant de Mapple Square, ces caramels collants qui firent la richesse et la renommée de ce bled paumé américain. Suite à de nombreuses disparitions, deux agents du FBI sont donc dépêchés sur place pour mener l'enquête. Commence alors un défilé de personnages tous plus hallucinants les uns que les autres ! Entre le garagiste à qui je ne confierais pas ma trottinette, le tenancier du bar qui doit être le cousin pas si éloigné de Jabba the Hutt, et son frère en cuisine dont je ne voudrais même pas serrer la main, on se demande qui est le plus inquiétant du lot ! Et encore je ne vous ai pas parlé du shériff... Bref, notre duo de choc va rapidement tomber sur un os (voire plusieurs) et tout va rapidement partir en couille ! Mais de la couille maîtrisée môôôssieur ! On sent le doigté, on sent le savoir faire et le travail rondement mené de nos deux auteurs ! Que ce soit la trame narrative que nous pose sur des rails David Hasteda ou le dessin singulier et cartoonesque de Ludovic Chesnot, nous sommes comblés ! Dur de lâcher l'objet qu'on nous donne à ronger tel un os tant on est embarqué dans ce récit hypnotique et barré ! Alors oui, les références sont nombreuses et multiples, oui l'histoire pourrait ressembler à d'autres, mais ce petit grain de folie inhérent à cet album est juste jubilatoire ! Alors si vous êtes du genre adepte du Label 619, sachez que vous tenez là un de leurs meilleurs albums ! A lire !
The Private Eye
J’ai beaucoup aimé ce récit d’anticipation, qui ne fait que confirmer tout le bien que je pense de Brian K . Vaughan. Sa vision personnelle d’un monde futuriste dans lequel la protection de la vie privée serait devenue une préoccupation majeure de tout un chacun m’a semblé aussi pertinente que décalée. Outre cet univers, déjà bien plaisant et intelligent en soi, j’ai franchement accroché à l’aspect policier du récit. L’action est au rendez-vous, avec de multiples pistes à explorer, des confrontations musclées, du mystère et des rebondissements. Et lorsque vient l’heure des révélations finales, et bien là encore, les auteurs parviennent à me surprendre ! C’est qu’ils en avaient gardé sous le pied pour nous dérouter une dernière fois tout en soulevant de nouvelles questions éthiques qui méritent réflexion. Et puis, que dire et du dessin et du format ? Le dessin de Marcos Martin, bien servi par la colorisation de Vicente Muntsa, convient parfaitement au sujet. Il dote ce récit d’une atmosphère à la fois rétro et futuriste. Il est d’une lisibilité sans mesures avec des personnages bien typés, des scènes d’action limpides et un découpage d’une grande clarté. Un découpage qui explose encore grâce à ce format à l’Italienne, qui étire les planches, nous offrant un visuel très panoramique sur ce récit. Alors que ce récit était à la base prévu pour une diffusion via le net, cette mise en page (que seul un format papier peut offrir) est un des maîtres atouts de cet album ! Un très bel objet. Un univers original. De l’action, du suspense, des rebondissements. Il n’en faut pas plus pour mon bonheur !
L'Autoroute du soleil
Un road-bd sympathique où vont se croiser deux jeunes, Karim, arabe 80's calé dans les années 50 et Alexandre, complexé et envieux (dans le bon sens) de Karim qui sait parler aux femmes, un futur ex candidat local du FN (pardon, de l'Elan National) et ses sbires, un VRP infidèle et sa famille, des trafiquants lyonnais, un anar qui cache son jeu, des routiers sympas, bref, tout une cohorte de personnages savoureux qui fleurent bon la montée du FN dans les années 80 sur fond de fin de métallurgie lorraine. Nos deux compères se retrouvent embarqués malgré eux dans un western français, et doivent parcourir la route vers le sud puis retour en croisant tout ce joli monde. Le scénario n'est pas exceptionnel mais ici c'est le chemin qui est le principal moteur et non l'arrivée. De son dessin caractéristique, Baru nous offre des trognes et croque ses personnages qui sont tous la vraie valeur ajoutée du bouquin. Certes on ne fouille pas trop la psychologie mais on suit tout ce beau monde avec plaisir, intérêt et une certaine jubilation. La seule erreur à mon sens réside dans les réactions de notre politicard extrémiste lorsqu'il parvient à mettre la main sur Karim. Il y a ici une facilité de l'auteur pour poursuivre son chemin. Malgré tout un vrai moment de plaisir (non)coupable.
L'Eté Diabolik
Belle surprise cette oeuvre. Evidemment, c'est les couleurs, l'esthétique, qui frappent et enchantent la lecture. C'est tout moderne et tellement rétro. Quelle maîtrise! Et puis au final, l'histoire tient plus ou moins la route. Les personnages sont certes un peu superficiels, mais difficile de décrire des psychologies plus complexes sur autant de protagonistes en un one-shot. Perso, je trouve le job de directeur d'usine du père tellement improbable, ou encore les retrouvailles en deuxième partie un peu capilotracté... Mais la narration et l'enchainement des scènes est juste parfaite. Donc laissons nous aller à ce court voyage dans les sixties.
Mandela et le général
John Carlin et Oriol Malet signent avec cet album une des biographies les plus intéressantes qu'il m'ait été donné de lire depuis longtemps. Tout du moins, c'est une biographie partielle dont il s'agit plutôt, mais qui traite de l'un des moments clés de la vie de Nelson Mandela : sa libération en 1990 et les tractations qu'il va devoir alors mener pour éviter à l'Afrique du Sud de basculer dans une guerre civile. Car si la libération de Nelson Mandela en 1990 résonne pour beaucoup comme la fin de l'apartheid en Afrique du Sud, il faudra encore cinq ans au pays pour sortir de ce système discriminatoire de la pire espèce. Cet ouvrage nous permet d'appréhender toute la finesse et la diplomatie que Nelson Mandela va devoir déployer envers le général Viljoen. Ce dernier, issu d'une famille d'afrikaners, va faire carrière dans l'armée et monter les échelons pour finir général ; il prend finalement sa retraite et se retire dans sa ferme familiale. C'est là que les chefs d’extrême droite des différentes milices qui ont commencées à se former mais sont divisées vont venir le chercher pour lui proposer de prendre la tête de cette pseudo armée pour empêcher que l'apartheid ne tombe. Le pays est alors prêt à exploser, avec d'un côté cette armée de type néo-nazi et de l'autre des radicaux noirs qui veulent aussi en découdre pour gagner le pouvoir. Malgré tout cela, Nelson Mandela réussira au fil de rencontres discrètes avec le général Viljoen à lui faire comprendre que l'intérêt supérieur du pays réside dans le fait d'empêcher l'affrontement d'avoir lieu. Reste à ce dernier à faire passer le message dans son camps ce qui ne fut, on l'imagine, pas chose aisée. John Carlin, grand reporter international pour le quotidien espagnol El Pais nous propose un récit limpide et saisissant de ce moment clé de l'histoire de l'Afrique du Sud. Étant correspondant de presse pour le journal The Independant à l'époque, c'est sur le terrain et en ayant eu la chance d'interviewer Nelson Mandela qu'il tire sa matière pour nous restituer l'essentiel. La narration est impeccable, et le trait singulier de l'auteur espagnol Oriol Malet est juste parfait pour nous rendre compte de cette période charnière. Son trait et son encrage épais est mis en valeur par une colorisation déroutante au début mais d'une grande subtilité. En effet son noir et blanc est juste colorisé d'aplats de gris, de rouge ou d'orange qui mettent en valeur les détails importants de certaines scènes et de certaines cases. Voilà donc un album que je recommande chaudement pour tous les curieux de l'histoire de ce pays, de ce grand bonhomme que fût Nelson Mandela et cet inconnu que fût aussi le général Viljoen, mais sans qui l'Afrique du Sud ne serait pas ce qu'elle est aujourd'hui.