Après treize numéros et deux hors série, voilà que Doggybags nous revient sous la formule "oneshot" pour notre plus grand plaisir. On garde la présentation caractéristique qui a fait la renommée et le succès du format, mais en version cartonnée cette fois, ce qui est loin d'être désagréable.
Pour conduire ce "TeddyBear" c'est la plume de Francesco Giugiaro que nous suivons et le trait Jérémie Gasparutto. Le duo fonctionne parfaitement pour nous trainer du côté obscur des conflits africains et plus spécifiquement sur celui des enfants soldats. Ce récit n'a pas été sans me rappeler le très bon album abordant le même sujet Le Ventre de la Hyène de Clément Baloup et Christophe Alliel. Car si j'étais au fait ce cette pratique dramatique pour la jeunesse africaine, j'étais loin d'en mesurer l'ampleur. C'est ce que permet le format DoggyBags et ses intermèdes informatifs qui ponctuent la fiction de Francesco Giugiaro. Mais s'il s'agit bien d'une fiction, elle est malheureusement bien ancrée dans des faits tragiques et reconnus, où la violence inouïe et les exactions de ces jeunes enrôlés de force et drogués est devenue monnaie courante.
"TeddyBear" nous plonge dans le destin tragique d'un de ces jeunes enrôlé par une de ces factions macabres. Parcours hallucinant et halluciné où la conscience a été tout bonnement effacée pour ne laisser place qu'à une chose : l'instinct de survie.
Voilà donc un album coup de poing sur un sujet dramatique traité de façon percutante qui ne pourra pas vous laisser indifférent.
Sans doute LA BD qui a fait le plus parler d'elle récemment, Dans la combi de Thomas Pesquet est une BD acclamée, encensée et brandie face à toute critique que l'on fait à ce média. J'ai préféré attendre avant de me lancer dans l'achat et la lecture, craignant d'avoir trop d'attentes. Mais ma retenue était inutile : cette BD est bien pourvue de tous les atouts qu'on lui accorde.
J'aime beaucoup le travail de dessin de Marion Montaigne, qui semble toujours un peu "facile" et brouillon, mais qui allie une efficacité de lecture avec un foisonnement de détails. Et ce n'est pas si évident que ça d'arriver à synthétiser l'intérieur de l'ISS ou les nombreux détails techniques que l'astronome voit chaque seconde.
La BD est un documentaire qui allie une histoire agréable à suivre, de l'humour, des explications techniques et surtout une grande passion. Passion de Thomas Pesquet pour son métier et toutes les facettes plus humaines dont il regorge, évidemment, mais aussi de Marion Montaigne pour la vulgarisation ! Elle arrive à transmettre aussi bien les données techniques que les données plus humaines, elle nous fait rire et nous en apprend quasiment à chaque page. C'est toujours plaisant à lire, prenant et documenté. On en redemande une fois la BD finie !
Dans la longue liste des qualités, il faut ajouter la taille de la BD, qui prend ainsi le temps de tout développer, des premiers test de sélection jusqu'aux détails de la préparation. Et le découpage en chapitres rajoute à l'immersion qui est faite dans la BD (pour l'anecdote, j'ai rêvé d'espace pendant plusieurs jours après la lecture ... Immersif, comme dit).
En vrai, il n'y a pas grand chose à redire sur cette BD. Je lui décernerais presque le culte (on va dire que ça ne m'a pas bouleversé au point que je le lui décerne), mais on est dans un parfait immanquable. C'est drôle et distrayant, instructif, prenant et parfaitement dans l'air du temps. Si vous aussi vous avez suivi les aventures de Thomas Pesquet et que vous voulez en savoir plus sur les coulisses de chaque photo qu'il poste, ruez-vous sur la BD. C'est vraiment un plaisir et l'engouement autour de cette BD est parfaitement justifié.
Qui n’a toujours pas lu La ferme des animaux de George Orwell ? Court roman devenu un classique dénonçant le stalinisme et de façon plus générale les régimes totalitaires au travers d’une fable animalière où ces derniers après avoir renversé les humains qui les exploitaient, devenaient à leur tour les despotes de leurs congénères, l’oppressé d’hier devenant ironiquement l’oppresseur de demain.
Très clairement Le Château des animaux ne renient pas cette influence orwellienne et ce jusqu’à son introduction très similaire à quelques détails près : pour une raison inconnue les humains du château sont partis, laissant les animaux présents sur place à leur libre destinée, ceux-ci ayant très vite basculé dans un régime tyrannique qui ne dit pas son nom, à moins qu’il en est été ainsi depuis le début. Au sein de ce microcosme bestial, c’est la loi du plus fort qui règne en réalité : l’égalité n’est même plus une utopie, le partage des richesses n’est qu’un leurre, les valeurs d’entraide un mirage, tandis que la terreur règne au sein de la basse-cour. La masse composée des frêles lapins, canards, poules, moutons et autres vertébrés dociles, est dispersée. Faibles individuellement, ces derniers ne se rendent pas compte qu’ensemble en unissant leur volonté, ils peuvent déplacer des montagnes et pourquoi pas, renverser le joug implacable de celui qui incarne l’autorité, le « Duce », le taureau Silvio, entouré qu’il est de ses sbires, les chiens de garde du système, et du coq collabo figure du « vox princeps ». L’étincelle rallumant la flamme de l’indépendance viendra t-elle de l’oie Adélaïde, voix de la colère, d’Azelar le rat vagabond et séditieux, ou bien de Miss B la chatte mère-courage ?
Une histoire prenante, bien que n’ayant parcouru pour le moment que 24 pages du récit, pleine de passions et de dramaturgie. C’est peut être là que se joue la différence avec la fiction d’Orwell car là où La Ferme... se « limitait » un peu à l’allégorie politique, Xavier Dorison la poule aux œufs d’or de la bd franco-belge, romance tout cela en y injectant des personnages bien campés, classiques dans leur genre mais néanmoins efficaces et attachants, du drama, un bon sens du rythme, ainsi qu’une tonalité réaliste et violente à ne pas mettre entre toutes les pattes. Pour illustrer cette rébellion, c’est vers un jeune espoir que s’est tourné Dorison, en la personne de Félix Delep. Inconnu au bataillon, ce jeune artiste n’est pas pour autant un lapin de six semaines tant ses dessins impressionnent sur tous les aspects par leur maturité et la maîtrise qu’il s’en dégage. Un trait semi-réaliste absolument nickel, dans la lignée des maîtres de l’anthropomorphisme que sont Juanjo Guarnido (Blacksad) ou Willem (L'Épée d'Ardenois) à la différence que les animaux d’ici n’ont pas une morphologie humaine, se sont juste des animaux à 2 ou 4 pattes capables de communiquer entre eux et d’interagir avec les éléments du décor. Le travail à la couleur directe façon aquarelle, le soin apporté aux décors, des cadrages alternant les différentes prises de vue, sans oublier le format gazette en 29,7 x 41,8 cm qui en met plein les mirettes, viennent parachever la bonne impression d’ensemble. Une vraie réussite pour le peu qu’on puisse en juger.
« Vous ne pouvez pas avoir une révolution si vous ne la faites pas pour votre compte ; une dictature bienveillante, ça n’existe pas ».
George Orwell.
Un moine quitte à contre cœur son monastère perdu dans les montagnes pour se rendre à Paris, afin de toucher un héritage laissé par une tante fortunée. Après 25 ans d’une vie ascétique, ce bref retour à la vie laïque est une parenthèse qui le force à se confronter à son passé et à sa famille dont il est quasiment sans nouvelles.
Zep, à l’image de son personnage principal, invente un récit très contemplatif et économe en dialogues, où la réflexion sur les questions existentielles est centrale. L’intrigue, grave et douce à la fois, est très agréable à suivre, bien portée par des personnages crédibles et intéressants.
Les dessins de Zep sont une fois de plus magnifiques, dont le rythme lent accompagne à merveille l’histoire.
Un bruit étrange et beau est un roman graphique fin et très joliment illustré.
J’ai beaucoup apprécié cette série qui nous entraîne dans une histoire fantastique aux consonances un peu apocalyptiques tout en renvoyant à la mythologie grecque. Prométhée a défié Zeus pour donner le feu aux hommes. Ce dernier lui a réservé un châtiment pour le moins cruel : avoir son foie dévoré par un aigle tout en étant enchainé sur un mont du Caucase. C’est une métaphore de l’apport de la connaissance aux hommes et de la folie de se mesurer aux Dieux pour s’élever de leur condition. Oui, il faut toujours payer le prix. Et il se comptera en millions de morts.
La scène d’introduction du premier tome avec les conquistadors dans la jungle est d’une formidable réussite. C’est vrai qu’il faut jongler sans cesse avec les nombreux retours en arrière. Il y a également une multiplication de personnages à l’image de films catastrophes où l’on suit les histoires personnelles de chacun tout en sentant qu’ils sont impliqués dans un tout. Parmi ces personnages, le héros prend les traits de Fred Ward, un acteur américain habitué aux seconds rôles dont l’évocation ne dit rien d’un premier abord mais qui a une gueule dont on se rappelle.
Au niveau du dessin, c’est très beau par moment. Je pense notamment à ces gros plans insérés sur deux pages qui donnent une dimension particulière. Cependant, quelquefois c’est moins bien dans le traitement graphique des visages des personnages. Cette irrégularité a d’ailleurs été soulevée par de nombreux lecteurs attentifs aux détails. Et puis, les planches aux couleurs informatisées restent tout de même assez froides. J’ai relevé que Bec a conçu tout seul ses premiers albums pour être rejoint par d’autres dessinateurs à partir du troisième volume dans le but d’augmenter le rythme de parution. Je ne suis pas contre.
Les deux premiers tomes restent purement introductifs. En effet, l’auteur pose à la fois le problème et met en scène les protagonistes. Néanmoins, il est dommage de se limiter aux 46 pages de rigueur. Cela aurait gagné en profondeur de dépasser ce quota absurde pour vraiment installer l’histoire. Maintenant, on va voir si cette série plutôt ambitieuse tiendra ses promesses. Si c’est le cas, cela sera sans nul doute un futur chef d’œuvre du genre.
Avec la lecture du second et du troisième tome, ma première bonne impression se poursuit fort agréablement. On voit que Bec maîtrise parfaitement son scénario. Les différents acteurs jouent leur rôle de composition comme dans un film hollywoodien. C'est d'ailleurs parfaitement assumé par l'auteur. Le suspense monte en créscendo. Pour autant, c'est également le temps des questions. En effet, on s’interroge sur le fait que l’action semble s’éterniser comme ses pendules qui s’arrêtent sur 13h13.
Il faut dire que le quatrième ainsi que le cinquième tome progressent beaucoup trop lentement. On a l’impression que ces chapitres ne servent finalement qu’à meubler l’espace en multipliant les mystères et choses insolites à travers le monde. J’apprends également que la série fera pas moins de 12 tomes et je me rends compte de la supercherie en tant qu’acheteur. Les scènes contemplatives sont légions et paraissent souvent inutiles. Les mini-intrigues morcelées rendent difficile la compréhension de l’ensemble. Cela gâche un peu la progression de l’histoire. Certes, on voit que la théorie des extra-terrestres ne tient pas la route pour expliquer les mystérieux phénomènes observés et que cela serait plutôt celle d’une expérience gouvernementale qui a mal tourné. Bref, la théorie du complot avec la fameuse zone 51 ou l’expérience Philadelphia: tous les clichés du genre réuni ! C’est dommage car le plaisir disparaît petit à petit. Le risque d’un énorme gâchis est réel à ce stade de l’aventure. On gagera que l’auteur puisse donner une nouvelle impulsion à une bonne idée de scénario.
Mon propos sera plus mesuré pour le 7ème tome qui avec la théorie du 100ème singe donne l’explication tant attendue ainsi que les enjeux. Cependant, cela ne veut pas dire pour autant que l’aventure est terminée. Il y a un compte à rebours qui se poursuit. L’avenir de l’humanité semble en jeu. On ne s’ennuie pas à la lecture. J’ai l’impression d’une véritable relance de l’histoire. Bec reste un très bon conteur d’histoire avec un mélange réussi entre science-fiction et fantastique. L’enjeu est de savoir comment va réagir l’homme face à une menace qui le dépasse.
Les auteurs nous disent en postface que le 12ème tome ne sera pas le dernier mais il clôt le récit amorcé dans le premier volume. Il y a une boucle qui se referme. La plupart des mini-intrigues trouvent leur dénouement. Et puis surtout, on a droit à un final apocalyptique qui ne fera pas dans la dentelle. Sur la longueur, j’ai apprécié ce récit de science-fiction qui pourra se révéler crédible dans le futur mais on ne l’espère pas. L’auteur est parvenu à nous rappeler les enjeux, puis la chronologie des faits avant de donner une explication. Il reste encore de nombreuses questions à résoudre. Je n’arrive pas à me satisfaire de l’hypothèse du test et du créateur destructeur. On verra que tout est de la faute des politiques. Le président français en fera les frais alors que le président américain totalement responsable de ce désastre se cachera bien sous un puissant abri antiatomique. La justice divine est très partiale.
Alors qu'on nous avait promis que le 13ème tome serait le dernier de la série, voilà un 14ème tome qui semble marquer un nouveau cycle ce que confirme d'ailleurs un tome 15 ainsi que les tomes suivants un peu plus constructif et moins passif. Je ne dis pas que c'est mauvais forcément. J'ai plutôt apprécié cette lecture qui semble remettre l'aventure sur d'autres rails. Il est vrai que je n'étais pas entièrement satisfait de la fin de cette saga tout comme de nombreux autres lecteurs. Christophe Bec a visiblement tenu compte des remarques qu'il avait reçues à ce sujet. On va vers la résolution de certains mystères et une progression du récit. Cependant, il faudra accepter un nombre de tomes conséquents ce qui fait assez feuilleton. C'est une série qui se vend autour de 35000 exemplaires chaque tome en moyenne. Bref, cela fonctionne parfaitement car la demande est présente. Pourquoi s'en priver alors ? Il faut sans doute préciser qu'il faut également savoir conclure car toute bonne chose a une fin.
Je me suis également aperçu que c’est une série qu’il faut lire d’un coup pour faire le lien. On ne comprend pas grand-chose si on lit les albums séparément à chaque fois qu’ils paraissent. Il faut tout reprendre depuis le début pour apprécier cette lecture. Au final, on se rend compte que c’est diablement efficace. Bec a beaucoup progressé, c’est incontestable. En ce qui me concerne, une des meilleures séries de science-fiction de l'époque moderne de la BD.
Note Dessin: 4.5/5 - Note Scénario: 4.5/5 - Note Globale: 4.5/5
Bout d’homme est une BD assez méconnue en 4 tomes qui a pour cadre la Bretagne. J’ai beaucoup aimé la "dureté" de l’histoire entre la misère et l'injustice ainsi que toute cette haine qui se dégage dans la relation du héros Rémi avec ses parents. Il est question d’un enfant qui ne peut plus grandir et à 19 ans, il en parait 10. Il est dommage que le dernier tome vienne rompre subitement le ton plutôt sombre et triste de l’histoire. Le "happy end" ne s'imposait pas ! C'était à mon sens une erreur scénaristique qui a détruit la magie qui se dégageait des premiers volumes.
C’est l’une des premières bd véritablement adulte que j’ai commencé à lire. Je me rappelle que cette lecture m’avait beaucoup marqué à l’époque. Je trouverai sans doute cela dépassé aujourd’hui. Cependant, la nostalgie du début et la bonne impression m’est toujours resté.
Et alors que nous lecteur, on croyait que cette série était bel et bien terminée, voilà que l'auteur nous revient près de 14 ans après pour écrire un deuxième chapitre qui est censé se situer entre le 3ème tome et le dernier pour lever des voiles d'ombres sur le mystère autour de Bout d'Homme qui avait subitement grandi durant un voyage outre-Atlantique.
La ficelle paraît trop grosse pour expliquer cette démarche. Je ne crois pas que le lecteur voulait absolument une suite sous cette forme. Par ailleurs, l'auteur introduit beaucoup d'éléments lié à la religion qui faisait défaut dans l'œuvre originelle si bien que l'on se pose de sérieuses questions. La qualité de la colorisation s'est également nettement amélioré ce qui rompt avec les premiers tomes. Certes, au final, on a du plaisir à retrouver Rémi et à suivre ses pérégrinations.
Le tome 6 qui est le dernier tome de la série est sorti en 2018 soit près de 28 ans après le tome 1. Il a fallu également attendre 10 ans entre le dernier tome et l’avant dernier. Bref, le lecteur qui a suivi Rémy a dû faire preuve de beaucoup de patience. Au final, c’est assez crédible car cela explique le changement d’état d’esprit de Remy dans le tome 4. C’est comme si ce voyage était destinée à réparer ce que j’évoquais plus haut. Et puis, c’est toujours bien de terminer sur une note positive et pleine d’espoir. L’amour va triompher de la haine.
Note Dessin: 4.5/5 - Note Scénario: 4.5/5 - Note Globale: 4.5/5
L'idée d'entrelacer la mythologie grecque, en particulier la guerre de Troie, avec l'histoire du peuple des amazones est assez bien traitée par Géraldine Bindi, qui signe, je crois, son premier scénario; même s'il manque parfois de fluidité.
Mais la force ou la beauté de ce one-shot réside sans nul doute dans le dessin de Christian Rossi qui nous offre de magnifiques planches où les cases en noir et blanc côtoient celles réalisées en sépia, voire où les deux styles cohabitent dans une seule et même vignette voire une pleine page (pages 122 ou 148, par exemple).
Un très bel album, qui certes manque un peu de rythme, mais qui revisite avec intelligence un aspect de la mythique guerre de Troie.
Ce titre qui est issu d'un roman à succès de Ron Rash risque de sévères critiques de ligues féministes. En effet, il a malheur de décrire le portrait d'une femme dans tout ce qu'il y a de plus vil, de plus vénale et de plus horrible au niveau du comportement. On ne pourra difficilement faire pire.
Il parait que notre héroïne d'Hunger Games à savoir Jennifer Lawrence s'est essayée à la version cinématographique de ce roman portant le même nom en 2014 et cela a été un flop retentissant. Elle n'était visiblement pas assez crédible ou convaincante pour ce rôle de méchante perfide.
Pour autant, je dois bien avouer que la bd m'a beaucoup plu. Le récit se déroule dans le contexte économique de la crise de 1929 et notamment dans l'industrie du bois. On apprend qu'être bûcheron était alors un métier plus que difficile où on avait de grande malchance de perdre la vie entre une branche acérée, un coup de hache mal placé ou encore les crotales vénéneux.
Une bonne mise en scène, un format très grand qui laisse admirer le graphisme, aucun temps mort. Bref, c'est une bd très réussie sur le fond et sur la forme. On se souviendra longtemps de Séréna en espérant ne jamais la croiser dans nos vies.
Fabcaro ne serait-il pas en train de s’embourgeoiser ? On est loin en tout cas de l’auteur maniant l’autodérision chez de « petits éditeurs » et publiant On n'est pas là pour réussir, inconnu et transparent lors des signatures en festival.
S’il publie encore chez ces petits éditeurs, les plus grands lui font des yeux doux, chacun d’entre eux cherchant à l’avoir dans son catalogue. Le dernier en date est donc Glénat, qui inaugure ici une nouvelle collection (GlénAAARG!), issu de feue la revue AAARG!. Glénat était visiblement tellement pressé qu’il a semble-t-il oublié – du moins dans mon exemplaire – de faire un massicotage correct !
En tout cas, foin de couverture souple, mais de l’épais, du sérieux. Et même – mais cela ne me plait guère car frôlant le ridicule, un bandeau (« par l’auteur de Zaï Zaï Zaï Zaï »).
Pour revenir à cet album, il est effectivement dans la lignée de Zaï Zaï Zaï Zaï ou de Et si l'amour c'était aimer ?, avec une même utilisation d’un dessin figé (trait du visage presque effacés, peu expressif, réutilisation d’une même image plusieurs fois, bichromie terne, etc.). C’est une suite de petites saynètes d’une page (entre 2 et 6 cases) éclairant les dialogues de divers personnages (un seul – le plus crétin – est récurrent).
Tout est donc misé sur les dialogues. Et force est de reconnaître que Fabcaro s’y connaît pour mettre en avant les petits renoncements, les misères du quotidien : ces phrases échangées pour meubler, ces malentendus qui s’éternisent. Couples au bord de l’ennui, dialogues décalés, répliques affreusement hors-sujet, etc. Voilà le matériau avec lequel Fabcaro concocte un album plutôt sympa et drôle (moins réussi que Zaï Zaï Zaï Zaï, puisqu’il faut les comparer), mais quand même amusant, pour une vie de couple passée au vitriol.
Note réelle 3,5/5.
J’ai eu à peu près la même difficulté à entrer dans cet album que pour Atar Gull ou le destin d'un esclave modèle, la précédente collaboration du duo Nury/Brüno. La faute au dessin de Brüno, qui nécessite un temps d’adaptation (pour moi en tout cas).
Puis, une fois habitué, je lui trouve des qualités (même s’il ne fait pas partie de mes préférés). Il faut dire qu’il colle plutôt bien à cette histoire finalement assez épurée.
L’histoire justement. Le scénario de Nury est bon, utilisant à bon escient certains flash-back pour créer des effets de surprise. Pour ce qui est des dialogues et de la construction, on est assez proche je trouve de Tarantino, violence teintée d’humour y compris d’ailleurs.
Alors, c’est sûr que Tyler Cross fait le ménage autour de lui, et qu’il ne fait pas bon se trouver au travers de son chemin. Voire même sur le bord… et qu’il vise bien (et que son chargeur est bien rempli...) ! Enfin bon, les quelques invraisemblances sont habillement escamotées par un rythme haletant, et nous suivons – en essayant de les précéder en imagination – les péripéties menant Tyler à traverser le Rio Bravo.
Une bonne histoire de gangsters, avec un personnage principal aussi froid que Chéri, son éphémère compagnon de cellule de crotale. A découvrir. Et à suivre, puisque les deux auteurs annoncent une suite (même si cet album se suffit à lui-même et pourrait très bien rester un one shot).
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Bon, ben voilà, la "suite" est sortie. Encore que, de suite il n'y en a pas vraiment, puisque chaque album se lit tout à fait indépendamment de l'autre.
On y retrouve donc le dessin de Brüno, qui n'est toujours pas ce que je préfère, mais auquel je vais finir par m'habituer. En tout cas il colle bien au parti pris de Nury, c'est à dire de "raconter" une histoire sans fioriture, avec des coups de poings scénaristiques, et une voix off omniprésente.
C'est toujours violent, froid, visant l'épure au niveau des émotions et de la personnalité des personnages (Tyler y compris). Simplicité aussi dans les thèmes abordés: rien que du classique. Au point qu'on pourrait croire que Nury souhaite faire le tour de tous les clichés du polar noir, dans une sorte d'anthologie rendue vivante par l'implacable Tyler Cross.
Cet album est sans doute mieux réussi que le premier. Je ne change pas ma note, mais si vous ne devez en lire qu'un, choisissez cet album, dense, prenant (le découpage, très haché et cinématographique est vraiment bien fait). Pour amateur d'action, un très bon "album de genre"...
Note réelle 3,5/5 (3 pour le premier, 4 pour le second)...
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Les auteurs continuent sur la même lancée avec ce troisième tome, Miami, en jouant encore la carte de l'album de genre, avec un dessin épuré, des cadrages et un Montage très cinématographique. Et des dialogues eux-aussi minimalistes, à la fois brutaux et teintés d'humour noir.
L'album se laisse lire rapidement, il n'y a pas trop de temps morts, ni de circonvolutions au niveau du scénario: comme Tyler, on va à l'essentiel. Si j'avais préféré le tome précédent, celui-ci ne dépare pas par rapport aux autres (note réelle 3,5/5).
Je profite de cette mise à jour pour monter aux quatre étoiles. Cette série sans prétention n'est pas un chef d'œuvre, mais elle est un très bon divertissement, jouant sur les clichés, les codes du polar, et dynamisant les classiques par un traitement tarentinesque.
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Doggybags - Teddy Bear
Après treize numéros et deux hors série, voilà que Doggybags nous revient sous la formule "oneshot" pour notre plus grand plaisir. On garde la présentation caractéristique qui a fait la renommée et le succès du format, mais en version cartonnée cette fois, ce qui est loin d'être désagréable. Pour conduire ce "TeddyBear" c'est la plume de Francesco Giugiaro que nous suivons et le trait Jérémie Gasparutto. Le duo fonctionne parfaitement pour nous trainer du côté obscur des conflits africains et plus spécifiquement sur celui des enfants soldats. Ce récit n'a pas été sans me rappeler le très bon album abordant le même sujet Le Ventre de la Hyène de Clément Baloup et Christophe Alliel. Car si j'étais au fait ce cette pratique dramatique pour la jeunesse africaine, j'étais loin d'en mesurer l'ampleur. C'est ce que permet le format DoggyBags et ses intermèdes informatifs qui ponctuent la fiction de Francesco Giugiaro. Mais s'il s'agit bien d'une fiction, elle est malheureusement bien ancrée dans des faits tragiques et reconnus, où la violence inouïe et les exactions de ces jeunes enrôlés de force et drogués est devenue monnaie courante. "TeddyBear" nous plonge dans le destin tragique d'un de ces jeunes enrôlé par une de ces factions macabres. Parcours hallucinant et halluciné où la conscience a été tout bonnement effacée pour ne laisser place qu'à une chose : l'instinct de survie. Voilà donc un album coup de poing sur un sujet dramatique traité de façon percutante qui ne pourra pas vous laisser indifférent.
Dans la combi de Thomas Pesquet
Sans doute LA BD qui a fait le plus parler d'elle récemment, Dans la combi de Thomas Pesquet est une BD acclamée, encensée et brandie face à toute critique que l'on fait à ce média. J'ai préféré attendre avant de me lancer dans l'achat et la lecture, craignant d'avoir trop d'attentes. Mais ma retenue était inutile : cette BD est bien pourvue de tous les atouts qu'on lui accorde. J'aime beaucoup le travail de dessin de Marion Montaigne, qui semble toujours un peu "facile" et brouillon, mais qui allie une efficacité de lecture avec un foisonnement de détails. Et ce n'est pas si évident que ça d'arriver à synthétiser l'intérieur de l'ISS ou les nombreux détails techniques que l'astronome voit chaque seconde. La BD est un documentaire qui allie une histoire agréable à suivre, de l'humour, des explications techniques et surtout une grande passion. Passion de Thomas Pesquet pour son métier et toutes les facettes plus humaines dont il regorge, évidemment, mais aussi de Marion Montaigne pour la vulgarisation ! Elle arrive à transmettre aussi bien les données techniques que les données plus humaines, elle nous fait rire et nous en apprend quasiment à chaque page. C'est toujours plaisant à lire, prenant et documenté. On en redemande une fois la BD finie ! Dans la longue liste des qualités, il faut ajouter la taille de la BD, qui prend ainsi le temps de tout développer, des premiers test de sélection jusqu'aux détails de la préparation. Et le découpage en chapitres rajoute à l'immersion qui est faite dans la BD (pour l'anecdote, j'ai rêvé d'espace pendant plusieurs jours après la lecture ... Immersif, comme dit). En vrai, il n'y a pas grand chose à redire sur cette BD. Je lui décernerais presque le culte (on va dire que ça ne m'a pas bouleversé au point que je le lui décerne), mais on est dans un parfait immanquable. C'est drôle et distrayant, instructif, prenant et parfaitement dans l'air du temps. Si vous aussi vous avez suivi les aventures de Thomas Pesquet et que vous voulez en savoir plus sur les coulisses de chaque photo qu'il poste, ruez-vous sur la BD. C'est vraiment un plaisir et l'engouement autour de cette BD est parfaitement justifié.
Le Château des Animaux
Qui n’a toujours pas lu La ferme des animaux de George Orwell ? Court roman devenu un classique dénonçant le stalinisme et de façon plus générale les régimes totalitaires au travers d’une fable animalière où ces derniers après avoir renversé les humains qui les exploitaient, devenaient à leur tour les despotes de leurs congénères, l’oppressé d’hier devenant ironiquement l’oppresseur de demain. Très clairement Le Château des animaux ne renient pas cette influence orwellienne et ce jusqu’à son introduction très similaire à quelques détails près : pour une raison inconnue les humains du château sont partis, laissant les animaux présents sur place à leur libre destinée, ceux-ci ayant très vite basculé dans un régime tyrannique qui ne dit pas son nom, à moins qu’il en est été ainsi depuis le début. Au sein de ce microcosme bestial, c’est la loi du plus fort qui règne en réalité : l’égalité n’est même plus une utopie, le partage des richesses n’est qu’un leurre, les valeurs d’entraide un mirage, tandis que la terreur règne au sein de la basse-cour. La masse composée des frêles lapins, canards, poules, moutons et autres vertébrés dociles, est dispersée. Faibles individuellement, ces derniers ne se rendent pas compte qu’ensemble en unissant leur volonté, ils peuvent déplacer des montagnes et pourquoi pas, renverser le joug implacable de celui qui incarne l’autorité, le « Duce », le taureau Silvio, entouré qu’il est de ses sbires, les chiens de garde du système, et du coq collabo figure du « vox princeps ». L’étincelle rallumant la flamme de l’indépendance viendra t-elle de l’oie Adélaïde, voix de la colère, d’Azelar le rat vagabond et séditieux, ou bien de Miss B la chatte mère-courage ? Une histoire prenante, bien que n’ayant parcouru pour le moment que 24 pages du récit, pleine de passions et de dramaturgie. C’est peut être là que se joue la différence avec la fiction d’Orwell car là où La Ferme... se « limitait » un peu à l’allégorie politique, Xavier Dorison la poule aux œufs d’or de la bd franco-belge, romance tout cela en y injectant des personnages bien campés, classiques dans leur genre mais néanmoins efficaces et attachants, du drama, un bon sens du rythme, ainsi qu’une tonalité réaliste et violente à ne pas mettre entre toutes les pattes. Pour illustrer cette rébellion, c’est vers un jeune espoir que s’est tourné Dorison, en la personne de Félix Delep. Inconnu au bataillon, ce jeune artiste n’est pas pour autant un lapin de six semaines tant ses dessins impressionnent sur tous les aspects par leur maturité et la maîtrise qu’il s’en dégage. Un trait semi-réaliste absolument nickel, dans la lignée des maîtres de l’anthropomorphisme que sont Juanjo Guarnido (Blacksad) ou Willem (L'Épée d'Ardenois) à la différence que les animaux d’ici n’ont pas une morphologie humaine, se sont juste des animaux à 2 ou 4 pattes capables de communiquer entre eux et d’interagir avec les éléments du décor. Le travail à la couleur directe façon aquarelle, le soin apporté aux décors, des cadrages alternant les différentes prises de vue, sans oublier le format gazette en 29,7 x 41,8 cm qui en met plein les mirettes, viennent parachever la bonne impression d’ensemble. Une vraie réussite pour le peu qu’on puisse en juger. « Vous ne pouvez pas avoir une révolution si vous ne la faites pas pour votre compte ; une dictature bienveillante, ça n’existe pas ». George Orwell.
Un bruit étrange et beau
Un moine quitte à contre cœur son monastère perdu dans les montagnes pour se rendre à Paris, afin de toucher un héritage laissé par une tante fortunée. Après 25 ans d’une vie ascétique, ce bref retour à la vie laïque est une parenthèse qui le force à se confronter à son passé et à sa famille dont il est quasiment sans nouvelles. Zep, à l’image de son personnage principal, invente un récit très contemplatif et économe en dialogues, où la réflexion sur les questions existentielles est centrale. L’intrigue, grave et douce à la fois, est très agréable à suivre, bien portée par des personnages crédibles et intéressants. Les dessins de Zep sont une fois de plus magnifiques, dont le rythme lent accompagne à merveille l’histoire. Un bruit étrange et beau est un roman graphique fin et très joliment illustré.
Prométhée
J’ai beaucoup apprécié cette série qui nous entraîne dans une histoire fantastique aux consonances un peu apocalyptiques tout en renvoyant à la mythologie grecque. Prométhée a défié Zeus pour donner le feu aux hommes. Ce dernier lui a réservé un châtiment pour le moins cruel : avoir son foie dévoré par un aigle tout en étant enchainé sur un mont du Caucase. C’est une métaphore de l’apport de la connaissance aux hommes et de la folie de se mesurer aux Dieux pour s’élever de leur condition. Oui, il faut toujours payer le prix. Et il se comptera en millions de morts. La scène d’introduction du premier tome avec les conquistadors dans la jungle est d’une formidable réussite. C’est vrai qu’il faut jongler sans cesse avec les nombreux retours en arrière. Il y a également une multiplication de personnages à l’image de films catastrophes où l’on suit les histoires personnelles de chacun tout en sentant qu’ils sont impliqués dans un tout. Parmi ces personnages, le héros prend les traits de Fred Ward, un acteur américain habitué aux seconds rôles dont l’évocation ne dit rien d’un premier abord mais qui a une gueule dont on se rappelle. Au niveau du dessin, c’est très beau par moment. Je pense notamment à ces gros plans insérés sur deux pages qui donnent une dimension particulière. Cependant, quelquefois c’est moins bien dans le traitement graphique des visages des personnages. Cette irrégularité a d’ailleurs été soulevée par de nombreux lecteurs attentifs aux détails. Et puis, les planches aux couleurs informatisées restent tout de même assez froides. J’ai relevé que Bec a conçu tout seul ses premiers albums pour être rejoint par d’autres dessinateurs à partir du troisième volume dans le but d’augmenter le rythme de parution. Je ne suis pas contre. Les deux premiers tomes restent purement introductifs. En effet, l’auteur pose à la fois le problème et met en scène les protagonistes. Néanmoins, il est dommage de se limiter aux 46 pages de rigueur. Cela aurait gagné en profondeur de dépasser ce quota absurde pour vraiment installer l’histoire. Maintenant, on va voir si cette série plutôt ambitieuse tiendra ses promesses. Si c’est le cas, cela sera sans nul doute un futur chef d’œuvre du genre. Avec la lecture du second et du troisième tome, ma première bonne impression se poursuit fort agréablement. On voit que Bec maîtrise parfaitement son scénario. Les différents acteurs jouent leur rôle de composition comme dans un film hollywoodien. C'est d'ailleurs parfaitement assumé par l'auteur. Le suspense monte en créscendo. Pour autant, c'est également le temps des questions. En effet, on s’interroge sur le fait que l’action semble s’éterniser comme ses pendules qui s’arrêtent sur 13h13. Il faut dire que le quatrième ainsi que le cinquième tome progressent beaucoup trop lentement. On a l’impression que ces chapitres ne servent finalement qu’à meubler l’espace en multipliant les mystères et choses insolites à travers le monde. J’apprends également que la série fera pas moins de 12 tomes et je me rends compte de la supercherie en tant qu’acheteur. Les scènes contemplatives sont légions et paraissent souvent inutiles. Les mini-intrigues morcelées rendent difficile la compréhension de l’ensemble. Cela gâche un peu la progression de l’histoire. Certes, on voit que la théorie des extra-terrestres ne tient pas la route pour expliquer les mystérieux phénomènes observés et que cela serait plutôt celle d’une expérience gouvernementale qui a mal tourné. Bref, la théorie du complot avec la fameuse zone 51 ou l’expérience Philadelphia: tous les clichés du genre réuni ! C’est dommage car le plaisir disparaît petit à petit. Le risque d’un énorme gâchis est réel à ce stade de l’aventure. On gagera que l’auteur puisse donner une nouvelle impulsion à une bonne idée de scénario. Mon propos sera plus mesuré pour le 7ème tome qui avec la théorie du 100ème singe donne l’explication tant attendue ainsi que les enjeux. Cependant, cela ne veut pas dire pour autant que l’aventure est terminée. Il y a un compte à rebours qui se poursuit. L’avenir de l’humanité semble en jeu. On ne s’ennuie pas à la lecture. J’ai l’impression d’une véritable relance de l’histoire. Bec reste un très bon conteur d’histoire avec un mélange réussi entre science-fiction et fantastique. L’enjeu est de savoir comment va réagir l’homme face à une menace qui le dépasse. Les auteurs nous disent en postface que le 12ème tome ne sera pas le dernier mais il clôt le récit amorcé dans le premier volume. Il y a une boucle qui se referme. La plupart des mini-intrigues trouvent leur dénouement. Et puis surtout, on a droit à un final apocalyptique qui ne fera pas dans la dentelle. Sur la longueur, j’ai apprécié ce récit de science-fiction qui pourra se révéler crédible dans le futur mais on ne l’espère pas. L’auteur est parvenu à nous rappeler les enjeux, puis la chronologie des faits avant de donner une explication. Il reste encore de nombreuses questions à résoudre. Je n’arrive pas à me satisfaire de l’hypothèse du test et du créateur destructeur. On verra que tout est de la faute des politiques. Le président français en fera les frais alors que le président américain totalement responsable de ce désastre se cachera bien sous un puissant abri antiatomique. La justice divine est très partiale. Alors qu'on nous avait promis que le 13ème tome serait le dernier de la série, voilà un 14ème tome qui semble marquer un nouveau cycle ce que confirme d'ailleurs un tome 15 ainsi que les tomes suivants un peu plus constructif et moins passif. Je ne dis pas que c'est mauvais forcément. J'ai plutôt apprécié cette lecture qui semble remettre l'aventure sur d'autres rails. Il est vrai que je n'étais pas entièrement satisfait de la fin de cette saga tout comme de nombreux autres lecteurs. Christophe Bec a visiblement tenu compte des remarques qu'il avait reçues à ce sujet. On va vers la résolution de certains mystères et une progression du récit. Cependant, il faudra accepter un nombre de tomes conséquents ce qui fait assez feuilleton. C'est une série qui se vend autour de 35000 exemplaires chaque tome en moyenne. Bref, cela fonctionne parfaitement car la demande est présente. Pourquoi s'en priver alors ? Il faut sans doute préciser qu'il faut également savoir conclure car toute bonne chose a une fin. Je me suis également aperçu que c’est une série qu’il faut lire d’un coup pour faire le lien. On ne comprend pas grand-chose si on lit les albums séparément à chaque fois qu’ils paraissent. Il faut tout reprendre depuis le début pour apprécier cette lecture. Au final, on se rend compte que c’est diablement efficace. Bec a beaucoup progressé, c’est incontestable. En ce qui me concerne, une des meilleures séries de science-fiction de l'époque moderne de la BD. Note Dessin: 4.5/5 - Note Scénario: 4.5/5 - Note Globale: 4.5/5
Bout d'homme
Bout d’homme est une BD assez méconnue en 4 tomes qui a pour cadre la Bretagne. J’ai beaucoup aimé la "dureté" de l’histoire entre la misère et l'injustice ainsi que toute cette haine qui se dégage dans la relation du héros Rémi avec ses parents. Il est question d’un enfant qui ne peut plus grandir et à 19 ans, il en parait 10. Il est dommage que le dernier tome vienne rompre subitement le ton plutôt sombre et triste de l’histoire. Le "happy end" ne s'imposait pas ! C'était à mon sens une erreur scénaristique qui a détruit la magie qui se dégageait des premiers volumes. C’est l’une des premières bd véritablement adulte que j’ai commencé à lire. Je me rappelle que cette lecture m’avait beaucoup marqué à l’époque. Je trouverai sans doute cela dépassé aujourd’hui. Cependant, la nostalgie du début et la bonne impression m’est toujours resté. Et alors que nous lecteur, on croyait que cette série était bel et bien terminée, voilà que l'auteur nous revient près de 14 ans après pour écrire un deuxième chapitre qui est censé se situer entre le 3ème tome et le dernier pour lever des voiles d'ombres sur le mystère autour de Bout d'Homme qui avait subitement grandi durant un voyage outre-Atlantique. La ficelle paraît trop grosse pour expliquer cette démarche. Je ne crois pas que le lecteur voulait absolument une suite sous cette forme. Par ailleurs, l'auteur introduit beaucoup d'éléments lié à la religion qui faisait défaut dans l'œuvre originelle si bien que l'on se pose de sérieuses questions. La qualité de la colorisation s'est également nettement amélioré ce qui rompt avec les premiers tomes. Certes, au final, on a du plaisir à retrouver Rémi et à suivre ses pérégrinations. Le tome 6 qui est le dernier tome de la série est sorti en 2018 soit près de 28 ans après le tome 1. Il a fallu également attendre 10 ans entre le dernier tome et l’avant dernier. Bref, le lecteur qui a suivi Rémy a dû faire preuve de beaucoup de patience. Au final, c’est assez crédible car cela explique le changement d’état d’esprit de Remy dans le tome 4. C’est comme si ce voyage était destinée à réparer ce que j’évoquais plus haut. Et puis, c’est toujours bien de terminer sur une note positive et pleine d’espoir. L’amour va triompher de la haine. Note Dessin: 4.5/5 - Note Scénario: 4.5/5 - Note Globale: 4.5/5
Le Coeur des Amazones
L'idée d'entrelacer la mythologie grecque, en particulier la guerre de Troie, avec l'histoire du peuple des amazones est assez bien traitée par Géraldine Bindi, qui signe, je crois, son premier scénario; même s'il manque parfois de fluidité. Mais la force ou la beauté de ce one-shot réside sans nul doute dans le dessin de Christian Rossi qui nous offre de magnifiques planches où les cases en noir et blanc côtoient celles réalisées en sépia, voire où les deux styles cohabitent dans une seule et même vignette voire une pleine page (pages 122 ou 148, par exemple). Un très bel album, qui certes manque un peu de rythme, mais qui revisite avec intelligence un aspect de la mythique guerre de Troie.
Serena
Ce titre qui est issu d'un roman à succès de Ron Rash risque de sévères critiques de ligues féministes. En effet, il a malheur de décrire le portrait d'une femme dans tout ce qu'il y a de plus vil, de plus vénale et de plus horrible au niveau du comportement. On ne pourra difficilement faire pire. Il parait que notre héroïne d'Hunger Games à savoir Jennifer Lawrence s'est essayée à la version cinématographique de ce roman portant le même nom en 2014 et cela a été un flop retentissant. Elle n'était visiblement pas assez crédible ou convaincante pour ce rôle de méchante perfide. Pour autant, je dois bien avouer que la bd m'a beaucoup plu. Le récit se déroule dans le contexte économique de la crise de 1929 et notamment dans l'industrie du bois. On apprend qu'être bûcheron était alors un métier plus que difficile où on avait de grande malchance de perdre la vie entre une branche acérée, un coup de hache mal placé ou encore les crotales vénéneux. Une bonne mise en scène, un format très grand qui laisse admirer le graphisme, aucun temps mort. Bref, c'est une bd très réussie sur le fond et sur la forme. On se souviendra longtemps de Séréna en espérant ne jamais la croiser dans nos vies.
Moins qu'hier (plus que demain)
Fabcaro ne serait-il pas en train de s’embourgeoiser ? On est loin en tout cas de l’auteur maniant l’autodérision chez de « petits éditeurs » et publiant On n'est pas là pour réussir, inconnu et transparent lors des signatures en festival. S’il publie encore chez ces petits éditeurs, les plus grands lui font des yeux doux, chacun d’entre eux cherchant à l’avoir dans son catalogue. Le dernier en date est donc Glénat, qui inaugure ici une nouvelle collection (GlénAAARG!), issu de feue la revue AAARG!. Glénat était visiblement tellement pressé qu’il a semble-t-il oublié – du moins dans mon exemplaire – de faire un massicotage correct ! En tout cas, foin de couverture souple, mais de l’épais, du sérieux. Et même – mais cela ne me plait guère car frôlant le ridicule, un bandeau (« par l’auteur de Zaï Zaï Zaï Zaï »). Pour revenir à cet album, il est effectivement dans la lignée de Zaï Zaï Zaï Zaï ou de Et si l'amour c'était aimer ?, avec une même utilisation d’un dessin figé (trait du visage presque effacés, peu expressif, réutilisation d’une même image plusieurs fois, bichromie terne, etc.). C’est une suite de petites saynètes d’une page (entre 2 et 6 cases) éclairant les dialogues de divers personnages (un seul – le plus crétin – est récurrent). Tout est donc misé sur les dialogues. Et force est de reconnaître que Fabcaro s’y connaît pour mettre en avant les petits renoncements, les misères du quotidien : ces phrases échangées pour meubler, ces malentendus qui s’éternisent. Couples au bord de l’ennui, dialogues décalés, répliques affreusement hors-sujet, etc. Voilà le matériau avec lequel Fabcaro concocte un album plutôt sympa et drôle (moins réussi que Zaï Zaï Zaï Zaï, puisqu’il faut les comparer), mais quand même amusant, pour une vie de couple passée au vitriol. Note réelle 3,5/5.
Tyler Cross
J’ai eu à peu près la même difficulté à entrer dans cet album que pour Atar Gull ou le destin d'un esclave modèle, la précédente collaboration du duo Nury/Brüno. La faute au dessin de Brüno, qui nécessite un temps d’adaptation (pour moi en tout cas). Puis, une fois habitué, je lui trouve des qualités (même s’il ne fait pas partie de mes préférés). Il faut dire qu’il colle plutôt bien à cette histoire finalement assez épurée. L’histoire justement. Le scénario de Nury est bon, utilisant à bon escient certains flash-back pour créer des effets de surprise. Pour ce qui est des dialogues et de la construction, on est assez proche je trouve de Tarantino, violence teintée d’humour y compris d’ailleurs. Alors, c’est sûr que Tyler Cross fait le ménage autour de lui, et qu’il ne fait pas bon se trouver au travers de son chemin. Voire même sur le bord… et qu’il vise bien (et que son chargeur est bien rempli...) ! Enfin bon, les quelques invraisemblances sont habillement escamotées par un rythme haletant, et nous suivons – en essayant de les précéder en imagination – les péripéties menant Tyler à traverser le Rio Bravo. Une bonne histoire de gangsters, avec un personnage principal aussi froid que Chéri, son éphémère compagnon de cellule de crotale. A découvrir. Et à suivre, puisque les deux auteurs annoncent une suite (même si cet album se suffit à lui-même et pourrait très bien rester un one shot). ****************************************************************************** Bon, ben voilà, la "suite" est sortie. Encore que, de suite il n'y en a pas vraiment, puisque chaque album se lit tout à fait indépendamment de l'autre. On y retrouve donc le dessin de Brüno, qui n'est toujours pas ce que je préfère, mais auquel je vais finir par m'habituer. En tout cas il colle bien au parti pris de Nury, c'est à dire de "raconter" une histoire sans fioriture, avec des coups de poings scénaristiques, et une voix off omniprésente. C'est toujours violent, froid, visant l'épure au niveau des émotions et de la personnalité des personnages (Tyler y compris). Simplicité aussi dans les thèmes abordés: rien que du classique. Au point qu'on pourrait croire que Nury souhaite faire le tour de tous les clichés du polar noir, dans une sorte d'anthologie rendue vivante par l'implacable Tyler Cross. Cet album est sans doute mieux réussi que le premier. Je ne change pas ma note, mais si vous ne devez en lire qu'un, choisissez cet album, dense, prenant (le découpage, très haché et cinématographique est vraiment bien fait). Pour amateur d'action, un très bon "album de genre"... Note réelle 3,5/5 (3 pour le premier, 4 pour le second)... ************************** Les auteurs continuent sur la même lancée avec ce troisième tome, Miami, en jouant encore la carte de l'album de genre, avec un dessin épuré, des cadrages et un Montage très cinématographique. Et des dialogues eux-aussi minimalistes, à la fois brutaux et teintés d'humour noir. L'album se laisse lire rapidement, il n'y a pas trop de temps morts, ni de circonvolutions au niveau du scénario: comme Tyler, on va à l'essentiel. Si j'avais préféré le tome précédent, celui-ci ne dépare pas par rapport aux autres (note réelle 3,5/5). Je profite de cette mise à jour pour monter aux quatre étoiles. Cette série sans prétention n'est pas un chef d'œuvre, mais elle est un très bon divertissement, jouant sur les clichés, les codes du polar, et dynamisant les classiques par un traitement tarentinesque.