Malgré les réserves que je vais signaler plus loin, je dois dire que je suis sorti de ma lecture avec l’envie de lire les autres productions de cet auteur. En effet, voilà un ancêtre qui ne fait pas son âge !
Christophe développe son intrigue en une suite de courtes histoires (de six cases à chaque fois) qui forment une histoire complète. Cela lui permet de présenter au fur et à mesure les protagonistes (dont le voisin, un dentiste, dont Cosinus va involontairement pourrir la vie), et d’enchainer sur les mésaventures de cet ahuri de Brioché, alias Cosinus (proche par certains aspect de monsieur Hulot, du professeur Tournesol ou de certains personnages d'Harold Lloyd).
Christophe use d’un humour mêlant le noir, le décalé, l’ironie ou le second, voire troisième degré parfois. C’est-à-dire qu’il est plus que moderne (rappelons que cela date de la fin du XIXème siècle !). Dès le début, j’ai bien aimé le ton, avec des titres et des commentaires qui, par leur côté exagéré et/ou décalé, complètent, enrichissent et surtout dynamisent l’histoire.
Alors, certes, les commentaires sis sous les cases (aucune bulle, tout est au style indirect) sont souvent un peu trop longs. Et l’humour – vraiment très bon pour l’époque, et passant quand même bien je trouve pour aujourd’hui, même s’il faut de l’indulgence et ne pas tout lire d’un coup, aurait gagné à être plus percutant, plus noir (mais là c’est sans doute affaire de goût).
En tout cas, ces strips soutiennent clairement la comparaison avec pas mal d’autres, produits depuis plus d’un siècle. Je vous encourage à jeter un œil sur cet album, et je vais de ce pas m’intéresser aux autres productions de Christophe.
Je regrette juste que l’éditeur n’ait pas eu l’idée de placer une introduction, un dossier éclairant et mettant en perspective le travail de Christophe (comme le feront plus tard avec d’autres très vieilles séries Futuropolis et Horay). J’ai lu l’édition de 1961, et je pense que la suivante, au format à l’italienne, est plus adapté (et peut-être que là un dossier a été ajouté ?).
Mais tout amateur de l’histoire du neuvième art se doit de connaître cet « ancêtre ».
Format inhabituel pour cet album ( 28.9 * 36.8 cm ) .
Un très bon graphisme néo-rétro qui accentue la touche d' originalité de celui-ci .
Atypique mais indispensable dans une bédéthèque .
"Le Château des étoiles", voilà une histoire que Jules Verne aurait certainement très appréciée, lui qui a émerveillé bon nombre de petits et grands avec ses récits imaginaires décomplexés. Une sorte de Voyage au centre de la Terre inversée, direction la conquête de l’espace au moyen de cette substance qu’on appelle l’éther et dont serait composé le vide spatial et qu’une grande majorité de scientifiques du XIXème siècle croyaient réelle. Partir du principe que dans cette époque de révolution industrielle on découvre l’existence de l’éther et que des nations colonisatrices telles que la Prusse de Bismarck vont tenter de s'approprier cette découverte, c’est le parti pris de cette nouvelle grande aventure signée Alex Alice.
Une histoire qui n’est pas tout à fait ce qu’on peut nommer comme une uchronie car Alice s’amuse à incorporer à son récit fictif des éléments historiques véridiques ainsi que des personnages ayant bien existé. Ainsi on verra apparaître furtivement le compositeur Richard Wagner, l’architecte royal Christian Jank chargé de réaliser la structure de l’astronef, Élisabeth « Sissi » impératrice d’Autriche, et dans un rôle de premier plan le roi Ludwig de Bavière. La passion de ce dernier pour les contes et le mythe du Graal et des chevaliers de la table ronde sont tout à fait authentiques. De même que le château où se déroule la grande majorité de l’intrigue n’est ni plus ni moins que le château de Neuschwanstein qui est un des mes préférés dans le monde. Il est majestueusement dépeint ici aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur. Quel talent de la part de l’auteur ! Il sait comment vendre du rêve (plus que celui de Disneyland qui est lui aussi inspiré de Neuschwanstein pour la petite anecdote).
Pour en revenir à la BD, on peut dire que j’ai pris mon pied pour faire court. Pour la version longue, j’ai trouvé cette BD très intéressante également pour les lecteurs fans d’Alex Alice. On arrive à déceler des points communs dans chacune de ses œuvres. Je soupçonne Alice d’avoir un gros faible pour les jolies rousses, après Elisabeth d’Elsénor dans Le Troisième Testament et la Walkyrie dans Siegfried, c’est la ravissante Sophie qui reprend le flambeau. C’est même un combo de rouquine si on y ajoute Claire Dulac et Sissi impératrice. D’ailleurs en parlant de Sissi, la ressemblance physique du duo très proche Sissi-Ludwig est quasi similaire à celle du couple la Walkyrie et Siegfried, comme si ces derniers étaient de lointains ascendants aux deux autres. Je ne sais pas si c’est voulu ou non mais je suis très tenté de le croire, c’est très cool et ça apporte une certaine profondeur. C’est comme si les œuvres d’Alice étaient imprégnées d’une continuité, l’histoire comme un éternel recommencement. Même le cadre est identique, la mythologie germanique face à la romantique Bavière.
L’histoire de cet « intégrale 1 » se veut plus qu’introductive car elle fait aussi la part belle à l’action et les complots de couloirs. L’auteur fait monter la pression petit à petit et cela devrait atteindre son point culminant dans le deuxième intégrale. C’est un peu l’équivalent d’un Objectif Lune chez Tintin.
Le dessin est majestueux comme je l’ai dit plus haut, tout en esquisse, on peut utiliser n’importe quel superlatif juste pour dire que c’est du grand art. Alice s’essaye pour la première fois à la couleur directe et je pense qu’on peut dire que le pari est gagné, on en prend plein les mirettes.
Alors, y a-t-il tout de même quelques défauts ? Personnellement rien ne m’a dérangé, si, aller, quelques situations ne paraissent pas très crédibles mais à partir du moment où on envisage la théorie de l’éther comme crédible on fait un peu fi de la crédibilité, place à la magie (ce qui est paradoxal vu que le récit se repose beaucoup sur la science).
Le physique de Hans et son aspect « cartoonesque » peut décontenancer plus d’un lecteur car il apparaît en plus assez tardivement dans l’histoire mais cela ne m’a moi pas dérangé car il apporte une caution humoristique enfantine. Le Nibelung Mime avait déjà un peu le même rôle dans Siegfried avec un rôle plus sarcastique. J’y vois là une volonté de plaire aux enfants car cette série peut tout aussi bien s’adresser à un public adulte (le langage scientifique n’est pas à la porté de tout le monde), ou de grands enfants. L’esprit « julesvernien » est donc respecté.
En attendant les prochaines aventures de Séraphin et ses amis chevaliers de l’éther, je souhaite à ce premier volume de conquérir les étagères des bédéphiles.
Le Château des étoiles – 2ème diptyque – 3ème année Les Chevaliers de Mars !
Les plus impatients peuvent d’ores et déjà embarquer à bord de la suite. Deux mois avant la sortie de la gazette numéro 7, Rue de Sèvres sort un coffret comprenant ladite gazette plus un almanach calendrier de belle facture avec des hommages de grands artistes, plus la maquette du Cygne des étoiles à monter soi-même pour ceux qui ont gardé leur âme d’enfant.
La 2ème année mettait en scène l’alunissage de nos aventuriers, leur exploration et la révélation des mystères de l’astre. La tonalité enfantine du premier livre perdait peu à peu de son innocence pour rentrer davantage dans le mythe arthurien avec cet émouvant adieu du roi Ludwig à Séraphin qui lui fît promettre de partager la connaissance de l’éther pour le bien des peuples, tel le roi Arthur désignant Perceval comme son meilleur disciple et successeur, avant de partir pour Avalon d’où il ne revint jamais. Et ainsi une fois revenu sur Terre, ce deuxième chapitre se concluait sur un formidable message d’espoir, de tolérance et d’appel à la fraternité entre les peuples.
Si je lui trouvais des allures d’Objectif Lune au tout début de l'aventure, Les Chevaliers de Mars débute sous des auspices dignes de L’Île Noire. L'intrigue prend pour cadre celui d’une Bretagne idyllique et campagnarde avec beaucoup de dessins représentants Océan, phare, plage, village typique du coin… dans une ambiance inquiétante où les personnages cherchent à se faire peur. Il se murmure de sombres rumeurs dans les tavernes parmi les pedzouilles mal débourrés dont certains auraient aperçu un albatros monstrueusement géant (ces derniers n’ayant jamais entendu parler de l’éthernef). Et lorsque se ne sont pas ces béotiens, c’est cet indécrottable trouillard d’Hans qui s’y colle, croyant dur comme fer à ces légendes celtes.
Au premier plan, nos champions vont être forcés de sortir de leur retraite : le père de Séraphin a disparu, ses modèles paternels disparaissent les uns après les autres, et le doute commence à s’installer dans son esprit, d’autant plus que les relations avec ses frères chevaliers n’est pas au beau-fixe. Le temps joue contre eux car si la publication des plans de l’éthernef a permis dans un premier temps de couper l’herbe sous le pied de Bismark, ce vampire assoiffé de conquête et qui s’imagine bien tel le dieu de la guerre, n’a pas dit son dernier mot et Mars pourrait bien être la clé de voûte ouvrant la voie à la conquête de toute la galaxie !
Admiratif des graphismes des deux premiers tomes, la suite demeure du même tonneau. Alex Alice nous offre des compositions qui laissent d’abord médusé puis rêveur : il n’y a pas de mot pour décrire le fog londonien et ce plan sur Big Ben en contre-plongée, ou cette vision fantasmagorique de Mars la rouge surplombant cette petite île de Bretagne entourée d’une eau bleue sombre où nos héros se sont installés.
Grand enfant ou vieil amateur nostalgique d’Edgar Rice Burroughs, Les Chevaliers de Mars constitue un événement à suivre et à ne surtout pas manquer.
Mise à jour 04/07/20184ème année - Fin du deuxième diptyque
Le Château des étoiles, 2ème diptyque, gazette n°12, c'est déjà fini ! Que le temps passe... on ne voit pas nos héros Séraphin, Sophie et Hans grandirent et pourtant il y a de légères nuances dans les traits faciaux, un brin plus adolescent, moins enfantins qu'aux débuts... et que d'aventures parcourus, que de dangers mortels évités !
Ces Chevaliers de Mars a tenu toutes ses promesses, c'était digne du grand Edgar Rice Burroughs. Alex Alice délaisse dans sa deuxième partie l'action pour davantage d'exploration mais comme encore 12 gazettes sont prévus à la programmation, un petit temps peut faire du bien. Je retiens surtout l'aspect graphique parce que c'est... whoua, il n'y a juste pas de mot pour décrire ces visuels époustouflants en grand format. C'est du niveau Miyazaki quoi. Avec cette série Alice rentre dans la cour des grands, des très grands (il y était déjà selon moi mais là, il n'y a plus de doute possible).
Désormais, la guerre des mondes est déclarée. Vivement la suite !
I love Plunk too, serais-je tenté de dire, pour répondre au titre du premier album.
En tout cas, j’ai vraiment aimé suivre les mésaventures de ce personnage bizarroïde, sans jambe, avec des pieds qui ressemblent à des mains, un nez en trompette, et qui est seulement vêtu d’un grand short vert et d’un entonnoir sur le crâne.
Cet improbable bonhomme traverse ses aventures un peu comme monsieur Hulot, ballotté, s’étonnant à peine de l’incroyable. La quasi-totalité des gags sont réussis, apportant au minimum le sourire, voire le rire (c’est plus rare, certes).
De l’humour con, parfois absurde, pas mal de poésie. On est là proche de ce que font des auteurs de la même région, comme De Poortere avec Dickie, ou alors Retera avec Jean-Norbert, même si, Dupuis oblige, on est là plus dans la retenue (rien de trash, ou de trop enlevé). Mais c’est quand même une série bien sympa, drôle et à découvrir.
Il ne fait jamais bon vieillir quoi qu’on en dise, et personne ne souhaite expérimenter ce « naufrage », plus ou moins long dans la durée selon l’horloge interne de chacun. Pourtant, un jour ou l’autre, vient le moment où l’on vous laisse la place dans le bus, sans que l’on ait vu venir le coup. Et là, s’ensuit le temps des questionnements et peut-être de la déprime… A la soixantaine, peut-on encore être utile à quelqu’un et bâtir des projets ? Peut-on encore être désirable et connaître le grand amour quand on est seul ?
Avec cet album au titre original, mais ne reflétant guère son contenu, Zidrou nous propose quelques éléments de réponse, qui, il faut l’avouer, s’avèrent plutôt réconfortants. L’histoire, qui démarre dans une certaine noirceur liée à la problématique du vieillissement, opère un virage à 180° dès lors que la rencontre entre Ulysse et Méditerranée aura lieu. On assiste alors à une sorte de petit miracle qui, une fois passé le cap de l’acceptation des corps flétris, va rajeunir les visages et injecter du sourire dans les expressions, avant que ne soit posée la cerise rouge vif sur le gâteau de l’amour tardif dont on ne pourra rien dire ici pour éviter de spoiler le récit.
« L'Obsolescence programmée de nos sentiments » est servie par de très beaux textes où l’humour n’est pas absent. L’auteur belge, qui n’en est pas moins lucide pour autant, montre, sans tabous, qu’il n’y a pas nécessairement de fatalité, quand bien même avec l’âge on en vient à se sentir « blanchi comme un cheval fourbu », comme le chantait avec tant de désespérance Léo Ferré. A ce titre, cette fable optimiste sur le temps qui passe trouverait peut-être davantage son inspiration dans la chanson d’un compatriote non moins célèbre, j'ai nommé Jacques Brel, qui déclamait de façon poignante que le feu pouvait rejaillir « d'un ancien volcan qu'on croyait trop vieux ».
Impossible de terminer cette chronique sans évoquer Aimée de Jongh, jeune dessinatrice néerlandaise déjà récompensée pour Le Retour de la Bondrée, qui illustre avec sensibilité le récit de Zidrou. Alliant son trait expressif à un cadrage bien senti, elle fait ressortir aussi bien les tourments intérieurs des personnages que leur besoin criant d’amour, les rend encore plus vivants en y mettant toute sa tendresse et son humanité. La synergie entre les deux auteurs a donc très bien fonctionné pour cette love story séniorisante, trop belle pour être vraie diront les grincheux, mais comme une pause bienfaisante face au tic-tac implacable de l’horloge.
Larcenet fait aujourd'hui figure d'autorité dans le paysage de la BD française, avec des sorties d'albums toujours plus remarquées, des critiques élogieuses et une omniprésence dans les ventes, les articles et les festivals. C'est un monstre de la BD, et à ce titre j'essaye de rester encore plus neutre lorsque j'en parle. Il est beaucoup trop facile de tomber dans les louanges faciles quand on aime quasiment tout de l'auteur.
Pourtant, le rapport de Brodeck m'a happé à nouveau. Comme tout les autres ouvrages de l'auteur. Implacablement.
Je ne pourrais pas dire grand chose que les autres avis n'ont déjà soulignés. Tout est bon, du dessin à l'histoire, les cadrages, les partis pris et les représentations, ce qui s'en dégage ... Tout ! Rien ne semble laissé au hasard, et j'ai une envie de le relire alors même que je rédige cet avis. Mais je crois qu'il faut prendre le temps pour le lire, parce que cette œuvre est dense et noire. Très noire. Pas seulement au niveau du trait.
C'est ici l'humanité dans toute son horreur à laquelle on assiste. Et ça n'est vraiment pas beau. D'ailleurs Larcenet renforce cette horreur par la contemplation de la nature qui environne ce village. Une nature qui gagne toujours à la fin, recouvrant tout, les crimes et l'horreur. Des thèmes chers à l'auteur et qu'on retrouve dans bon nombre d’œuvres.
Larcenet signe ici un chef-d’œuvre (et je ne pourrais dire si c'est SON chef-d’œuvre, tant les autres me semblent légitimes à concourir aussi), et l'adaptation est une réussite à tout point. Je n'ai nul envie de lire le livre, convaincu que je n'en tirerais rien de plus. La BD est suffisante à elle-même sur tout. Elle n'appelle nulle lecture supplémentaire.
Je m'arrêterais ici, en suggérant simplement la lecture de cet œuvre. Elle est traversée d'une noirceur et d'une fatalité, mais elle marque. Larcenet à plus que réussi son coup, et prouve encore une fois la mesure de son talent. Un monstre sacré, cet auteur.
Tezuka ... Le dieu du manga n'usurpe pas son nom, c'est certain. Il a un talent de conteur, de dessinateur, d'auteur et allie tout cela avec une intelligence de propos. Et toujours le mélange entre la noirceur et l'humanité de tout ses personnages. C'est une véritable mine d'or que chacune de ses séries. Et encore une fois, l'Histoire des 3 Adolf ne déroge pas à la règle.
Cette histoire se développe sur toute la période du nazisme (et même après) et prend le temps d'installer ses personnages et son histoire. C'est impressionnant comme il est facile de gober autant de pages alors même que le propos est bien souvent très noir. Mais tout passe sans aucun souci.
On retrouve ici bon nombre de thèmes chers à Tezuka : l'humanité des personnages inhumains, la dictature et la guerre (on sent très bien à quel point il a été traumatisé par ce qu'il vécut dans la seconde guerre mondiale), la violence faite aux femmes (qui revient presque tout le temps dans ses œuvres) ... Le tout associés à des nouvelles thématiques autour de l'idéologie nazies, mais aussi de la façon dont tout finit par revenir. Je ne peux pas ici en dire plus sans spoiler, mais la fin est d'une cruauté rare et d'une justesse douloureuse. Elle reboucle parfaitement sur l’imbécilité de l'humain qui n'en finira jamais de se taper dessus et de se haïr. C'en est presque désespérant.
J'ai beau savoir que le propos de départ de la BD est une légende urbaine, il n'empêche que je suis époustouflé par la facilité avec laquelle Tezuka utilise cela pour développer une histoire complète autour. Une histoire qui prend au tripes et qui laisse finalement songeur lorsqu'on referme le livre.
Je le redis encore une fois, mais le dessin me subjugue à chaque fois. La maestria dont il fait preuve, le dynamisme et la précision qu'il y met est incroyable. Le drame côtoie la comédie, la satyre côtoie la réalité crue, l'histoire côtoie la fiction. C'est impressionnant de réussite dans chaque case, dans chaque organisation de planches.
Je ne saurais quoi dire sans donner l'impression de m'épancher encore et encore sur son talent, mais je recommande cette oeuvre. En fait, je recommande plutôt l'auteur. Vraiment.
Fabcaro avait frappé fort à la sortie de Zaï Zaï Zaï Zaï. La BD a largement fait parler d'elle et c'est tout naturellement plein de confiance que je me suis précipité dessus. Grand bien m'en a fait d'ailleurs.
Cette BD est un condensé d'humour, mais pas exempt d'une pointe de critique sociale acerbe. Fabcaro a l'art de croquer le français moyen, dans sa toute moyenne. Il émaille son récit de petites répliques bien senties, de petites piques envers des personnes ou des institutions, le tout en n'oubliant pas de rester délicieusement absurde.
Je crois que c'est le premier Fabcaro que j'ai lu, et je ne le regrette absolument pas. C'est du tout bon de A à Z, le dessin très particulier mais complètement dans l'air de la BD apportant sa touche de comique supplémentaire. Je ne peux que recommander une BD comme celle-ci.
On peut dire que Soleil a fait fort pour accoucher du petit dernier de la collection Métamorphose, « Minivip et Supervip ». Présenté dans un tirage soigné avec vernis sélectif pour la couverture, l’éditeur a fait appel à un vétéran de l’animation italienne, Bruno Bozzetto, et à Grégory Panaccione, figure montante de la BD européenne. Récompensé par un Ours d’or à Berlin en 1990, le Milanais a ressorti ses propres archives pour ce one-shot dérivé de son long métrage de 1968, méconnu de ce côté-ci des Alpes, « VIP, mon frère Superman », avec ses deux héros improbables, parodies des surhommes marvelliens d’outre-Atlantique.
Quant à Panaccione, jeune quinqua arrivé tardivement dans la BD mais déjà remarqué pour Un océan d'amour et sa série Chronosquad, il a su réactualiser l’univers « sixties » de l’Italien sans en dénaturer l’esprit, un rien provocateur. Son dessin « cartoonesque », graphiquement très abouti, dynamise parfaitement cette histoire aux rebondissements multiples, entre la fable écolo et le pastiche SF. Jouant davantage sur le visuel, ce pavé de 280 pages sans temps morts se lit plutôt vite, et, de façon fort logique, donne parfois l’impression de regarder un dessin animé (il suffit de visionner la bande-annonce pour comprendre). Résultant d’une mise en page serrée, le mouvement est punchy et les trombines des personnages, qu’elles soient flegmatiques ou hallucinées, produisent leur effet comique à plein. Seul bémol, les répliques ne sont pas toujours drôles et la narration tend parfois à s’égarer dans des délires quelque peu tortueux qui diluent la tension censée habiter le récit, même si bien sûr, on est davantage dans le registre de la dérision.
« Supervip et Minivip », ces deux frangins héros plus « anti » que « super » dont on retient surtout la capacité à commettre des gaffes, sauront-ils trouver leur public au-delà de l’Italie ? En tous cas, cet album « jeunesse-mais-aussi-pour-toute-la-famille » ne manque pas d’atouts pour les y aider, avec notamment cette galerie de créatures décalées et hilarantes (l’Impératrice « Fertilité », petite sœur de Jabba the Hutt, Sing-Song, le gorille aux angoisses shakespeariennes, ou encore Sterminator, géant vert très benêt à la syntaxe fantaisiste). Avant de téléporter sur une planète lointaine nos deux zigues en collants, on peut donc les inviter dans son salon de lecture, tout en les priant bien évidemment de ne pas faire de zèle…
Alors que Châteaux-Bordeaux se dirige vers son dernier tome, voilà une nouvelle suite qui se décline pour découvrir la haute gastronomie. Après le vin, quoi de plus normal ? A noter que Les Gouttes de Dieu que doit certainement lire l'auteur a suivi exactement le même chemin avec son fameux mariage entre mets et bon cru.
Au niveau de la construction du récit, il n'y a rien à redire tant la maîtrise est visible. Au niveau du dessin, c'est toujours aussi excellent. Il faut dire que j'aime bien ce genre de graphisme réaliste qui a le souci du détail. Par ailleurs, quelle plaisir de retrouver Alexandra Baudricourt qui ouvre un restaurant au sein du domaine familial Le Chêne Courbe.
On découvre un monde tout aussi riche que celui du vin dans un univers pas aussi éloigné que cela. Les fans de la saga originale qui s'est d'ailleurs très bien vendu seront ravis. Les autres pourront passer leur chemin.
Oenologie et restauration vont bien ensemble. Cependant, après avoir eu des souci avec son vin, l'héroïne va en avoir avec son restaurant. Cela fait certes un peu répétition mais si bien dosé que la lecture demeure très agréable et qu'on en redemande. Une belle proposition à consommer sans se retenir.
Note Dessin: 4/5 - Note Scénario: 4/5 - Note Globale: 4/5
En France, les livres sont au même prix partout. C'est la loi !
Avec BDfugue, vous payez donc le même prix qu'avec les géants de la vente en ligne mais pour un meilleur service :
des promotions et des goodies en permanence
des réceptions en super état grâce à des cartons super robustes
une équipe joignable en cas de besoin
2. C'est plus avantageux pour nous
Si BDthèque est gratuit, il a un coût.
Pour financer le service et le faire évoluer, nous dépendons notamment des achats que vous effectuez depuis le site. En effet, à chaque fois que vous commencez vos achats depuis BDthèque, nous touchons une commission. Or, BDfugue est plus généreux que les géants de la vente en ligne !
3. C'est plus avantageux pour votre communauté
En choisissant BDfugue plutôt que de grandes plateformes de vente en ligne, vous faites la promotion du commerce local, spécialisé, éthique et indépendant.
Meilleur pour les emplois, meilleur pour les impôts, la librairie indépendante promeut l'émergence des nouvelles séries et donc nos futurs coups de cœur.
Chaque commande effectuée génère aussi un don à l'association Enfance & Partage qui défend et protège les enfants maltraités. Plus d'informations sur bdfugue.com
Pourquoi Cultura ?
Indépendante depuis sa création en 1998, Cultura se donne pour mission de faire vivre et aimer la culture.
La création de Cultura repose sur une vision de la culture, accessible et contributive. Nous avons ainsi considéré depuis toujours notre responsabilité sociétale, et par conviction, développé les pratiques durables et sociales. C’est maintenant au sein de notre stratégie de création de valeur et en accord avec les Objectifs de Développement Durable que nous déployons nos actions. Nous traitons avec lucidité l’impact de nos activités, avec une vision de long terme. Mais agir en responsabilité implique d’aller bien plus loin, en contribuant positivement à trois grands enjeux de développement durable.
Nos enjeux environnementaux
Nous sommes résolument engagés dans la réduction de notre empreinte carbone, pour prendre notre part dans la lutte contre le réchauffement climatique et la préservation de la planète.
Nos enjeux culturels et sociétaux
La mission de Cultura est de faire vivre et aimer la culture. Pour cela, nous souhaitons stimuler la diversité des pratiques culturelles, sources d’éveil et d’émancipation.
Nos enjeux sociaux
Nous accordons une attention particulière au bien-être de nos collaborateurs à la diversité, l’inclusion et l’égalité des chances, mais aussi à leur épanouissement, en encourageant l’expression des talents artistiques.
Votre vote
L'Idée fixe du savant Cosinus
Malgré les réserves que je vais signaler plus loin, je dois dire que je suis sorti de ma lecture avec l’envie de lire les autres productions de cet auteur. En effet, voilà un ancêtre qui ne fait pas son âge ! Christophe développe son intrigue en une suite de courtes histoires (de six cases à chaque fois) qui forment une histoire complète. Cela lui permet de présenter au fur et à mesure les protagonistes (dont le voisin, un dentiste, dont Cosinus va involontairement pourrir la vie), et d’enchainer sur les mésaventures de cet ahuri de Brioché, alias Cosinus (proche par certains aspect de monsieur Hulot, du professeur Tournesol ou de certains personnages d'Harold Lloyd). Christophe use d’un humour mêlant le noir, le décalé, l’ironie ou le second, voire troisième degré parfois. C’est-à-dire qu’il est plus que moderne (rappelons que cela date de la fin du XIXème siècle !). Dès le début, j’ai bien aimé le ton, avec des titres et des commentaires qui, par leur côté exagéré et/ou décalé, complètent, enrichissent et surtout dynamisent l’histoire. Alors, certes, les commentaires sis sous les cases (aucune bulle, tout est au style indirect) sont souvent un peu trop longs. Et l’humour – vraiment très bon pour l’époque, et passant quand même bien je trouve pour aujourd’hui, même s’il faut de l’indulgence et ne pas tout lire d’un coup, aurait gagné à être plus percutant, plus noir (mais là c’est sans doute affaire de goût). En tout cas, ces strips soutiennent clairement la comparaison avec pas mal d’autres, produits depuis plus d’un siècle. Je vous encourage à jeter un œil sur cet album, et je vais de ce pas m’intéresser aux autres productions de Christophe. Je regrette juste que l’éditeur n’ait pas eu l’idée de placer une introduction, un dossier éclairant et mettant en perspective le travail de Christophe (comme le feront plus tard avec d’autres très vieilles séries Futuropolis et Horay). J’ai lu l’édition de 1961, et je pense que la suivante, au format à l’italienne, est plus adapté (et peut-être que là un dossier a été ajouté ?). Mais tout amateur de l’histoire du neuvième art se doit de connaître cet « ancêtre ».
Adam Clarks
Format inhabituel pour cet album ( 28.9 * 36.8 cm ) . Un très bon graphisme néo-rétro qui accentue la touche d' originalité de celui-ci . Atypique mais indispensable dans une bédéthèque .
Le Château des étoiles
"Le Château des étoiles", voilà une histoire que Jules Verne aurait certainement très appréciée, lui qui a émerveillé bon nombre de petits et grands avec ses récits imaginaires décomplexés. Une sorte de Voyage au centre de la Terre inversée, direction la conquête de l’espace au moyen de cette substance qu’on appelle l’éther et dont serait composé le vide spatial et qu’une grande majorité de scientifiques du XIXème siècle croyaient réelle. Partir du principe que dans cette époque de révolution industrielle on découvre l’existence de l’éther et que des nations colonisatrices telles que la Prusse de Bismarck vont tenter de s'approprier cette découverte, c’est le parti pris de cette nouvelle grande aventure signée Alex Alice. Une histoire qui n’est pas tout à fait ce qu’on peut nommer comme une uchronie car Alice s’amuse à incorporer à son récit fictif des éléments historiques véridiques ainsi que des personnages ayant bien existé. Ainsi on verra apparaître furtivement le compositeur Richard Wagner, l’architecte royal Christian Jank chargé de réaliser la structure de l’astronef, Élisabeth « Sissi » impératrice d’Autriche, et dans un rôle de premier plan le roi Ludwig de Bavière. La passion de ce dernier pour les contes et le mythe du Graal et des chevaliers de la table ronde sont tout à fait authentiques. De même que le château où se déroule la grande majorité de l’intrigue n’est ni plus ni moins que le château de Neuschwanstein qui est un des mes préférés dans le monde. Il est majestueusement dépeint ici aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur. Quel talent de la part de l’auteur ! Il sait comment vendre du rêve (plus que celui de Disneyland qui est lui aussi inspiré de Neuschwanstein pour la petite anecdote). Pour en revenir à la BD, on peut dire que j’ai pris mon pied pour faire court. Pour la version longue, j’ai trouvé cette BD très intéressante également pour les lecteurs fans d’Alex Alice. On arrive à déceler des points communs dans chacune de ses œuvres. Je soupçonne Alice d’avoir un gros faible pour les jolies rousses, après Elisabeth d’Elsénor dans Le Troisième Testament et la Walkyrie dans Siegfried, c’est la ravissante Sophie qui reprend le flambeau. C’est même un combo de rouquine si on y ajoute Claire Dulac et Sissi impératrice. D’ailleurs en parlant de Sissi, la ressemblance physique du duo très proche Sissi-Ludwig est quasi similaire à celle du couple la Walkyrie et Siegfried, comme si ces derniers étaient de lointains ascendants aux deux autres. Je ne sais pas si c’est voulu ou non mais je suis très tenté de le croire, c’est très cool et ça apporte une certaine profondeur. C’est comme si les œuvres d’Alice étaient imprégnées d’une continuité, l’histoire comme un éternel recommencement. Même le cadre est identique, la mythologie germanique face à la romantique Bavière. L’histoire de cet « intégrale 1 » se veut plus qu’introductive car elle fait aussi la part belle à l’action et les complots de couloirs. L’auteur fait monter la pression petit à petit et cela devrait atteindre son point culminant dans le deuxième intégrale. C’est un peu l’équivalent d’un Objectif Lune chez Tintin. Le dessin est majestueux comme je l’ai dit plus haut, tout en esquisse, on peut utiliser n’importe quel superlatif juste pour dire que c’est du grand art. Alice s’essaye pour la première fois à la couleur directe et je pense qu’on peut dire que le pari est gagné, on en prend plein les mirettes. Alors, y a-t-il tout de même quelques défauts ? Personnellement rien ne m’a dérangé, si, aller, quelques situations ne paraissent pas très crédibles mais à partir du moment où on envisage la théorie de l’éther comme crédible on fait un peu fi de la crédibilité, place à la magie (ce qui est paradoxal vu que le récit se repose beaucoup sur la science). Le physique de Hans et son aspect « cartoonesque » peut décontenancer plus d’un lecteur car il apparaît en plus assez tardivement dans l’histoire mais cela ne m’a moi pas dérangé car il apporte une caution humoristique enfantine. Le Nibelung Mime avait déjà un peu le même rôle dans Siegfried avec un rôle plus sarcastique. J’y vois là une volonté de plaire aux enfants car cette série peut tout aussi bien s’adresser à un public adulte (le langage scientifique n’est pas à la porté de tout le monde), ou de grands enfants. L’esprit « julesvernien » est donc respecté. En attendant les prochaines aventures de Séraphin et ses amis chevaliers de l’éther, je souhaite à ce premier volume de conquérir les étagères des bédéphiles. Le Château des étoiles – 2ème diptyque – 3ème année Les Chevaliers de Mars ! Les plus impatients peuvent d’ores et déjà embarquer à bord de la suite. Deux mois avant la sortie de la gazette numéro 7, Rue de Sèvres sort un coffret comprenant ladite gazette plus un almanach calendrier de belle facture avec des hommages de grands artistes, plus la maquette du Cygne des étoiles à monter soi-même pour ceux qui ont gardé leur âme d’enfant. La 2ème année mettait en scène l’alunissage de nos aventuriers, leur exploration et la révélation des mystères de l’astre. La tonalité enfantine du premier livre perdait peu à peu de son innocence pour rentrer davantage dans le mythe arthurien avec cet émouvant adieu du roi Ludwig à Séraphin qui lui fît promettre de partager la connaissance de l’éther pour le bien des peuples, tel le roi Arthur désignant Perceval comme son meilleur disciple et successeur, avant de partir pour Avalon d’où il ne revint jamais. Et ainsi une fois revenu sur Terre, ce deuxième chapitre se concluait sur un formidable message d’espoir, de tolérance et d’appel à la fraternité entre les peuples. Si je lui trouvais des allures d’Objectif Lune au tout début de l'aventure, Les Chevaliers de Mars débute sous des auspices dignes de L’Île Noire. L'intrigue prend pour cadre celui d’une Bretagne idyllique et campagnarde avec beaucoup de dessins représentants Océan, phare, plage, village typique du coin… dans une ambiance inquiétante où les personnages cherchent à se faire peur. Il se murmure de sombres rumeurs dans les tavernes parmi les pedzouilles mal débourrés dont certains auraient aperçu un albatros monstrueusement géant (ces derniers n’ayant jamais entendu parler de l’éthernef). Et lorsque se ne sont pas ces béotiens, c’est cet indécrottable trouillard d’Hans qui s’y colle, croyant dur comme fer à ces légendes celtes. Au premier plan, nos champions vont être forcés de sortir de leur retraite : le père de Séraphin a disparu, ses modèles paternels disparaissent les uns après les autres, et le doute commence à s’installer dans son esprit, d’autant plus que les relations avec ses frères chevaliers n’est pas au beau-fixe. Le temps joue contre eux car si la publication des plans de l’éthernef a permis dans un premier temps de couper l’herbe sous le pied de Bismark, ce vampire assoiffé de conquête et qui s’imagine bien tel le dieu de la guerre, n’a pas dit son dernier mot et Mars pourrait bien être la clé de voûte ouvrant la voie à la conquête de toute la galaxie ! Admiratif des graphismes des deux premiers tomes, la suite demeure du même tonneau. Alex Alice nous offre des compositions qui laissent d’abord médusé puis rêveur : il n’y a pas de mot pour décrire le fog londonien et ce plan sur Big Ben en contre-plongée, ou cette vision fantasmagorique de Mars la rouge surplombant cette petite île de Bretagne entourée d’une eau bleue sombre où nos héros se sont installés. Grand enfant ou vieil amateur nostalgique d’Edgar Rice Burroughs, Les Chevaliers de Mars constitue un événement à suivre et à ne surtout pas manquer. Mise à jour 04/07/2018 4ème année - Fin du deuxième diptyque Le Château des étoiles, 2ème diptyque, gazette n°12, c'est déjà fini ! Que le temps passe... on ne voit pas nos héros Séraphin, Sophie et Hans grandirent et pourtant il y a de légères nuances dans les traits faciaux, un brin plus adolescent, moins enfantins qu'aux débuts... et que d'aventures parcourus, que de dangers mortels évités ! Ces Chevaliers de Mars a tenu toutes ses promesses, c'était digne du grand Edgar Rice Burroughs. Alex Alice délaisse dans sa deuxième partie l'action pour davantage d'exploration mais comme encore 12 gazettes sont prévus à la programmation, un petit temps peut faire du bien. Je retiens surtout l'aspect graphique parce que c'est... whoua, il n'y a juste pas de mot pour décrire ces visuels époustouflants en grand format. C'est du niveau Miyazaki quoi. Avec cette série Alice rentre dans la cour des grands, des très grands (il y était déjà selon moi mais là, il n'y a plus de doute possible). Désormais, la guerre des mondes est déclarée. Vivement la suite !
Plunk
I love Plunk too, serais-je tenté de dire, pour répondre au titre du premier album. En tout cas, j’ai vraiment aimé suivre les mésaventures de ce personnage bizarroïde, sans jambe, avec des pieds qui ressemblent à des mains, un nez en trompette, et qui est seulement vêtu d’un grand short vert et d’un entonnoir sur le crâne. Cet improbable bonhomme traverse ses aventures un peu comme monsieur Hulot, ballotté, s’étonnant à peine de l’incroyable. La quasi-totalité des gags sont réussis, apportant au minimum le sourire, voire le rire (c’est plus rare, certes). De l’humour con, parfois absurde, pas mal de poésie. On est là proche de ce que font des auteurs de la même région, comme De Poortere avec Dickie, ou alors Retera avec Jean-Norbert, même si, Dupuis oblige, on est là plus dans la retenue (rien de trash, ou de trop enlevé). Mais c’est quand même une série bien sympa, drôle et à découvrir.
L'Obsolescence programmée de nos sentiments
Il ne fait jamais bon vieillir quoi qu’on en dise, et personne ne souhaite expérimenter ce « naufrage », plus ou moins long dans la durée selon l’horloge interne de chacun. Pourtant, un jour ou l’autre, vient le moment où l’on vous laisse la place dans le bus, sans que l’on ait vu venir le coup. Et là, s’ensuit le temps des questionnements et peut-être de la déprime… A la soixantaine, peut-on encore être utile à quelqu’un et bâtir des projets ? Peut-on encore être désirable et connaître le grand amour quand on est seul ? Avec cet album au titre original, mais ne reflétant guère son contenu, Zidrou nous propose quelques éléments de réponse, qui, il faut l’avouer, s’avèrent plutôt réconfortants. L’histoire, qui démarre dans une certaine noirceur liée à la problématique du vieillissement, opère un virage à 180° dès lors que la rencontre entre Ulysse et Méditerranée aura lieu. On assiste alors à une sorte de petit miracle qui, une fois passé le cap de l’acceptation des corps flétris, va rajeunir les visages et injecter du sourire dans les expressions, avant que ne soit posée la cerise rouge vif sur le gâteau de l’amour tardif dont on ne pourra rien dire ici pour éviter de spoiler le récit. « L'Obsolescence programmée de nos sentiments » est servie par de très beaux textes où l’humour n’est pas absent. L’auteur belge, qui n’en est pas moins lucide pour autant, montre, sans tabous, qu’il n’y a pas nécessairement de fatalité, quand bien même avec l’âge on en vient à se sentir « blanchi comme un cheval fourbu », comme le chantait avec tant de désespérance Léo Ferré. A ce titre, cette fable optimiste sur le temps qui passe trouverait peut-être davantage son inspiration dans la chanson d’un compatriote non moins célèbre, j'ai nommé Jacques Brel, qui déclamait de façon poignante que le feu pouvait rejaillir « d'un ancien volcan qu'on croyait trop vieux ». Impossible de terminer cette chronique sans évoquer Aimée de Jongh, jeune dessinatrice néerlandaise déjà récompensée pour Le Retour de la Bondrée, qui illustre avec sensibilité le récit de Zidrou. Alliant son trait expressif à un cadrage bien senti, elle fait ressortir aussi bien les tourments intérieurs des personnages que leur besoin criant d’amour, les rend encore plus vivants en y mettant toute sa tendresse et son humanité. La synergie entre les deux auteurs a donc très bien fonctionné pour cette love story séniorisante, trop belle pour être vraie diront les grincheux, mais comme une pause bienfaisante face au tic-tac implacable de l’horloge.
Le Rapport de Brodeck
Larcenet fait aujourd'hui figure d'autorité dans le paysage de la BD française, avec des sorties d'albums toujours plus remarquées, des critiques élogieuses et une omniprésence dans les ventes, les articles et les festivals. C'est un monstre de la BD, et à ce titre j'essaye de rester encore plus neutre lorsque j'en parle. Il est beaucoup trop facile de tomber dans les louanges faciles quand on aime quasiment tout de l'auteur. Pourtant, le rapport de Brodeck m'a happé à nouveau. Comme tout les autres ouvrages de l'auteur. Implacablement. Je ne pourrais pas dire grand chose que les autres avis n'ont déjà soulignés. Tout est bon, du dessin à l'histoire, les cadrages, les partis pris et les représentations, ce qui s'en dégage ... Tout ! Rien ne semble laissé au hasard, et j'ai une envie de le relire alors même que je rédige cet avis. Mais je crois qu'il faut prendre le temps pour le lire, parce que cette œuvre est dense et noire. Très noire. Pas seulement au niveau du trait. C'est ici l'humanité dans toute son horreur à laquelle on assiste. Et ça n'est vraiment pas beau. D'ailleurs Larcenet renforce cette horreur par la contemplation de la nature qui environne ce village. Une nature qui gagne toujours à la fin, recouvrant tout, les crimes et l'horreur. Des thèmes chers à l'auteur et qu'on retrouve dans bon nombre d’œuvres. Larcenet signe ici un chef-d’œuvre (et je ne pourrais dire si c'est SON chef-d’œuvre, tant les autres me semblent légitimes à concourir aussi), et l'adaptation est une réussite à tout point. Je n'ai nul envie de lire le livre, convaincu que je n'en tirerais rien de plus. La BD est suffisante à elle-même sur tout. Elle n'appelle nulle lecture supplémentaire. Je m'arrêterais ici, en suggérant simplement la lecture de cet œuvre. Elle est traversée d'une noirceur et d'une fatalité, mais elle marque. Larcenet à plus que réussi son coup, et prouve encore une fois la mesure de son talent. Un monstre sacré, cet auteur.
L'Histoire des 3 Adolf
Tezuka ... Le dieu du manga n'usurpe pas son nom, c'est certain. Il a un talent de conteur, de dessinateur, d'auteur et allie tout cela avec une intelligence de propos. Et toujours le mélange entre la noirceur et l'humanité de tout ses personnages. C'est une véritable mine d'or que chacune de ses séries. Et encore une fois, l'Histoire des 3 Adolf ne déroge pas à la règle. Cette histoire se développe sur toute la période du nazisme (et même après) et prend le temps d'installer ses personnages et son histoire. C'est impressionnant comme il est facile de gober autant de pages alors même que le propos est bien souvent très noir. Mais tout passe sans aucun souci. On retrouve ici bon nombre de thèmes chers à Tezuka : l'humanité des personnages inhumains, la dictature et la guerre (on sent très bien à quel point il a été traumatisé par ce qu'il vécut dans la seconde guerre mondiale), la violence faite aux femmes (qui revient presque tout le temps dans ses œuvres) ... Le tout associés à des nouvelles thématiques autour de l'idéologie nazies, mais aussi de la façon dont tout finit par revenir. Je ne peux pas ici en dire plus sans spoiler, mais la fin est d'une cruauté rare et d'une justesse douloureuse. Elle reboucle parfaitement sur l’imbécilité de l'humain qui n'en finira jamais de se taper dessus et de se haïr. C'en est presque désespérant. J'ai beau savoir que le propos de départ de la BD est une légende urbaine, il n'empêche que je suis époustouflé par la facilité avec laquelle Tezuka utilise cela pour développer une histoire complète autour. Une histoire qui prend au tripes et qui laisse finalement songeur lorsqu'on referme le livre. Je le redis encore une fois, mais le dessin me subjugue à chaque fois. La maestria dont il fait preuve, le dynamisme et la précision qu'il y met est incroyable. Le drame côtoie la comédie, la satyre côtoie la réalité crue, l'histoire côtoie la fiction. C'est impressionnant de réussite dans chaque case, dans chaque organisation de planches. Je ne saurais quoi dire sans donner l'impression de m'épancher encore et encore sur son talent, mais je recommande cette oeuvre. En fait, je recommande plutôt l'auteur. Vraiment.
Zaï Zaï Zaï Zaï
Fabcaro avait frappé fort à la sortie de Zaï Zaï Zaï Zaï. La BD a largement fait parler d'elle et c'est tout naturellement plein de confiance que je me suis précipité dessus. Grand bien m'en a fait d'ailleurs. Cette BD est un condensé d'humour, mais pas exempt d'une pointe de critique sociale acerbe. Fabcaro a l'art de croquer le français moyen, dans sa toute moyenne. Il émaille son récit de petites répliques bien senties, de petites piques envers des personnes ou des institutions, le tout en n'oubliant pas de rester délicieusement absurde. Je crois que c'est le premier Fabcaro que j'ai lu, et je ne le regrette absolument pas. C'est du tout bon de A à Z, le dessin très particulier mais complètement dans l'air de la BD apportant sa touche de comique supplémentaire. Je ne peux que recommander une BD comme celle-ci.
Minivip & Supervip
On peut dire que Soleil a fait fort pour accoucher du petit dernier de la collection Métamorphose, « Minivip et Supervip ». Présenté dans un tirage soigné avec vernis sélectif pour la couverture, l’éditeur a fait appel à un vétéran de l’animation italienne, Bruno Bozzetto, et à Grégory Panaccione, figure montante de la BD européenne. Récompensé par un Ours d’or à Berlin en 1990, le Milanais a ressorti ses propres archives pour ce one-shot dérivé de son long métrage de 1968, méconnu de ce côté-ci des Alpes, « VIP, mon frère Superman », avec ses deux héros improbables, parodies des surhommes marvelliens d’outre-Atlantique. Quant à Panaccione, jeune quinqua arrivé tardivement dans la BD mais déjà remarqué pour Un océan d'amour et sa série Chronosquad, il a su réactualiser l’univers « sixties » de l’Italien sans en dénaturer l’esprit, un rien provocateur. Son dessin « cartoonesque », graphiquement très abouti, dynamise parfaitement cette histoire aux rebondissements multiples, entre la fable écolo et le pastiche SF. Jouant davantage sur le visuel, ce pavé de 280 pages sans temps morts se lit plutôt vite, et, de façon fort logique, donne parfois l’impression de regarder un dessin animé (il suffit de visionner la bande-annonce pour comprendre). Résultant d’une mise en page serrée, le mouvement est punchy et les trombines des personnages, qu’elles soient flegmatiques ou hallucinées, produisent leur effet comique à plein. Seul bémol, les répliques ne sont pas toujours drôles et la narration tend parfois à s’égarer dans des délires quelque peu tortueux qui diluent la tension censée habiter le récit, même si bien sûr, on est davantage dans le registre de la dérision. « Supervip et Minivip », ces deux frangins héros plus « anti » que « super » dont on retient surtout la capacité à commettre des gaffes, sauront-ils trouver leur public au-delà de l’Italie ? En tous cas, cet album « jeunesse-mais-aussi-pour-toute-la-famille » ne manque pas d’atouts pour les y aider, avec notamment cette galerie de créatures décalées et hilarantes (l’Impératrice « Fertilité », petite sœur de Jabba the Hutt, Sing-Song, le gorille aux angoisses shakespeariennes, ou encore Sterminator, géant vert très benêt à la syntaxe fantaisiste). Avant de téléporter sur une planète lointaine nos deux zigues en collants, on peut donc les inviter dans son salon de lecture, tout en les priant bien évidemment de ne pas faire de zèle…
Châteaux Bordeaux - A table !
Alors que Châteaux-Bordeaux se dirige vers son dernier tome, voilà une nouvelle suite qui se décline pour découvrir la haute gastronomie. Après le vin, quoi de plus normal ? A noter que Les Gouttes de Dieu que doit certainement lire l'auteur a suivi exactement le même chemin avec son fameux mariage entre mets et bon cru. Au niveau de la construction du récit, il n'y a rien à redire tant la maîtrise est visible. Au niveau du dessin, c'est toujours aussi excellent. Il faut dire que j'aime bien ce genre de graphisme réaliste qui a le souci du détail. Par ailleurs, quelle plaisir de retrouver Alexandra Baudricourt qui ouvre un restaurant au sein du domaine familial Le Chêne Courbe. On découvre un monde tout aussi riche que celui du vin dans un univers pas aussi éloigné que cela. Les fans de la saga originale qui s'est d'ailleurs très bien vendu seront ravis. Les autres pourront passer leur chemin. Oenologie et restauration vont bien ensemble. Cependant, après avoir eu des souci avec son vin, l'héroïne va en avoir avec son restaurant. Cela fait certes un peu répétition mais si bien dosé que la lecture demeure très agréable et qu'on en redemande. Une belle proposition à consommer sans se retenir. Note Dessin: 4/5 - Note Scénario: 4/5 - Note Globale: 4/5