Contrairement à ce que disent la plupart des autres avis, pas besoin d'être un expert sur la Russie pour comprendre les gags. Il suffit simplement d'avoir été à l'école.
L'humour est à la fois cynique et corrosif, et se moque de la situation chaotique de la Russie de la fin des années 80 au début des années 90 : corruption, chômage, traumatisme de la guerre d'Afghanistan, crise économique, pénuries et marché noir, arrogance des touristes.... Tout y passe.
Les 4 premiers tomes sont excellents car ils suivent ce fil rouge.
Le dernier tome, le 5ème, est hélas beaucoup moins réussi car les personnages principaux se retrouvent sans un sou aux USA et découvrent l'ancien ennemi par le même prisme corrosif. Beaucoup moins dépaysant, plus familier, et donc moins drôle car certains éléments caricaturaux ne le sont pas vraiment, la réalité étant aussi terrible que la fiction. Et c'est hélas sur cette note américaine que s'achève la serie, interrompue en laissant leonid en rade.
Je recommande vivement les 4 premiers tomes en tout cas, j'avoue avoir bien ri.
Dans les années 2000 était alors diffusée une série québécoise hilarante parodiant de façon absurde et grotesque les Soap Operas comme "Les feux de l'amour" et autres "Santa Barbara".
Ce petit bijou portait le doux nom de "Le coeur a ses raisons", un joli titre qui ne veut rien dire du tout tout comme le présent ouvrage de Fabcaro avec cette jolie lapalissade et cette couverture signée B-Gnet (l'auteur de Santiago) avec ce clone de Bernard Tapie jeune, joue contre joue de sa bienaimée.
Bref Fabcaro n'a fait ni plus ni moins que reproduire Le coeur a ses sentiments en poussant le curseur de l'absurde et du ridicule encore un peu plus loin dans cette franche déconnade proche du roman photos avec ses personnages figés et agominés dans des poses proches de la nature morte.
Par contre le talent de Fabcaro n'est ni mort ni tari car il n'a pas son pareil pour raconter de façon improbable cette rencontre amoureuse entre Sandrine, petite bobo oisive et Michel, livreur de macédoine et grand fan de Jean-Pierre François et son "Je te survivrai" à ses heures perdues.
Effectivement le décalage entre les dialogues nonsensiques et les personnages de papier fait des étincelles et provoque des éclats de rire. Autant le style graphique semi réaliste épuré de l'auteur me plaisait moins dans Zai Zai Zai Zai, autant il trouve tout à fait sa place dans cette histoire d'amour contrariée.
Et tout y passe, visite d'un zoo aux animaux démonstratifs, photos volées ou coup de poing sur être de papier, Fabcaro revisite la bêtise humaine et l'art du vide en racontant quelque chose d'hilarant sur des personnages sans intérêt. Chaque chapitre se termine par une scène figée du quotidien où les spectateurs de cette passion navrante y vont de leur petit commentaire. C'est tout simplement à mourir de rire !!!!
Je ne lis pas beaucoup de Tardi.
C’est un tort.
Je devrais.
Pour apprécier cette série, il faut la prendre pour ce qu’elle est, ça évitera bien des désillusions.
C’est un témoignage, celui du père de l’auteur, qui raconte son quotidien comme prisonnier de guerre (P.G.) puis son retour chaotique en France. Il s’agit donc d’avantage d’une bd documentaire qui relate des faits patiemment consignés puis restitués de manière chronologique. Pour rendre le récit plus vivant, Tardi a eu l’intelligence de se projeter dans le récit de son père afin de lui donner la réplique et le faire parler. Il y expose en parallèle, lorsque cela est opportun, des faits de guerre contemporains mais qui ont été connus que plus tard.
C’est un récit dur dont ses propos factuels peuvent présenter un petit côté rébarbatif. Pourtant, ce récit m’a passionné. Je comprends Tardi d’avoir voulu en savoir plus, d’essayer de comprendre par où était passé son papa et ce qu’il avait vécu. Je ne peux m’empêcher de faire l’analogie avec le carnet de notes que j’ai hérité de mon grand-père et qui était P.G. lui aussi. Grâce à ces témoignages, on redécouvre la grande histoire par la petite porte, celle ouverte par sa famille.
Un récit instructif et édifiant qui permet d’apprendre des choses qu’aucun manuel scolaire, ni livre d’histoire, n’a relaté car le quotidien des P.G. n’intéresse pas grand monde malheureusement.
Après la bonne poilade réservée par la lecture de Z comme Don Diego, il n'en fallait pas plus pour choper aveuglément dans ma crèmerie préférée ce One Shot tout carré des mêmes auteurs sur un sujet diablement différent pensez donc : la France a reçu le feu vert et le budget pour lancer toute seule comme une grande sa propre fusée pour l'exploration de la planète Mars, rien que ça dite donc !
Le seul souci c'est que les coupes budgétaires se font ressentir et qu'il va falloir composer avec toute une belle bande d'incompétents pour mener à terme cet ambitieux projet !!!
Mais c'est bien mal barré vu que la fusée refuse de décoller alors que tous les regards sont tournés vers ce moment historique !!!! Ce léger incident sans gravité (martienne) va être observé de différents points de vue : le Général en charge du projet et tout le staff technique de la base, le Président de la République Hollande 1er himself et son assistant, une famille de bons français scotchée devant sa télé ne loupant aucune minute du direct de cet enfoirage euh décollage et surtout les 3 astronautes persuadés d'être en route vers la planète rouge !!!
Quel bon moment de déconnade ! On retrouve ici Fabrice Erre et son style tout en rondeurs à la Jacovitti dans des strips de 3 cases pour la plupart tous hilarants sur le comportement crétinoide de haute volée de la plupart des protagonistes ! Il faut dire qu'il est aidé par le redoutable Fabcaro qui est en passe de devenir le roi absolu de l'humour absurde que n'auraient surement pas renié les Monty Python ou les Nuls, les maîtres anglo-saxons et français respectivement en la matière !
Parsemé de bons gags et jamais à l'abri d'une panne d'humour, ce petit bouquin élégant est truffé de dessins rigolos et de bons jeux de mots. Si on déplore rarement quelques effets mécaniques imposés pour faire rire (3 cases c'est peu pour produire le sourire), Mars! ne souffre d'aucun défaut ou baisse de rythme tant et si bien qu'on se demande où Fabcaro va trouver autant d'inspiration. En regardant surement ses congénères pour n'en garder que le ridicule. Objectif Nul complètement atteint avec ce petit bonheur d'absurde !
Visiblement je n'étais pas le seul à attendre le nouvel album de Frederik Peeters, auteur précieux et discret à qui l'on doit de jolies pépites originales.
Depuis l'annonce de ce projet avec l'exigeant Serge Lehman, il me tardait de mettre la main sur ce généreux récit de plus de 300 pages au titre mystérieux et dont on pouvait déjà deviner qu'il allait nous entrainer dans des contrées sans autre limite que celle de l'imagination fertile de ces 2 auteurs.
De ce côté, on n'est guère déçu avec le portrait d'une génération de 3 femmes, de l'ado espiègle à la grand mère protectrice et sans oublier le rôle principal de Betty, quadra célibataire mal dans sa peau et un peu paumée. Sublimé par un Paris noyé sous une pluie constante, le quotidien présumé banal de ces trois femmes va être bousculé par une menace surnaturelle surgie du passé. Betty et sa fille Clara vont mener l’enquête et apprendre à se connaitre dans une seconde partie surprenante qui les emmènera au delà de la capitale et de la pluie vers une province remplie de brume et d'amertume.
Toujours aussi à l'aise, les dessins de Peeters sont superbes, une constante chez cet auteur qui retrouve le noir et blanc de son chef d'oeuvre Lupus tout en parvenant à insuffler un rythme plus rapide qu'à l'accoutumée malgré le confort apporté par les nombreuses planches de l'Homme Gribouillé.
Son sens du découpage fait également mouche lors d'une scène d'action dans un lieu public où certains protagonistes sont occis à la vitesse de la lumière par un assassin méthodique et redoutable; Mais c'est surtout une fois de plus dans la construction de ses personnages principaux ou secondaires que l'on prend le plus de plaisir au point où l'on pourrait presque lire ce pavé sans se rendre compte que Serge Lehman est aux manettes. Au scénariste de lancer les thèses de sa légende urbaine et à Peeters de brouiller les pistes par ses cases poétiques. L'ensemble serait presque parfait si la dernière partie n'était aussi brusque et maladroite dans son raisonnement. Rien de bien méchant au contraire mais on a l'impression d'être passé à côté d'un conte gigantesque en refermant le livre puis en repensant finalement que l'histoire importe peu mais que le traitement du quotidien est croustillant et qu'on a passé un beau moment.
Et comment ne pas tomber amoureux des héroïnes notamment Betty, si expressive dans ses regards profonds qui confinent au silence.
Hillbilly est la dernière création d'Eric Powell.
Au premier abord, le personnage de Rondel est un peu moins brutal que son cousin The Goon… jusqu'à ce qu'il sorte son hachoir.
C'est un genre de vagabond imposant et aveugle, fagoté comme un trappeur en retour d'hivernage et équipé d'un énorme hachoir, dont on apprend qu'il fut autrefois volé à Lucifer en personne. Son visage est marqué par les larmes noires qu'il pleura lorsqu'une sorcière ruina son enfance. Depuis, il parcourt le monde accompagné d'une ourse géante et caractérielle, en découpant les créatures maléfiques qui croisent sa route.
Et ça tombe bien, étant donné que l'univers de Powell grouille de sorcières, goules, trolls, violonistes vampires, chiens à dents de sabre, serpents volants et autres sangliers géants…
L'environnement du Hillbilly est conforme à ce qu'annonce le titre. Powell ancre son récit « dans le territoire d'antan situé dans les Appalaches ». On navigue chez les ploucs échappés de Délivrance – dueling banjos, « fais l'cochon ! »… – Des gens fringués avec des salopettes crasseuses, avec leur esprit étroit, leur haine des étrangers, leur peur du diable, leurs cruchons d'alcool frelaté, leurs tourtes à la citrouille, leurs tronches d'abrutis consanguins… Powell s'en donne à cœur joie dans la peinture d'une humanité superstitieuse, mesquine et dégénérée.
Face à ces tristes spécimens, le bestiaire griffu et les sorcières ricanantes qui hantent collines et forêts passeraient presque des parangons d'humanité.
Rondel met un peu d'ordre dans ce merdier, avec son ustensile de tueur des abattoirs. Tourmenté, solitaire, il traîne une histoire complexe qu'il nous dévoile par bribes au fil des récits qui composent ce premier album.
Graphiquement, le style de Powell est immédiatement reconnaissable. Il excelle dans la représentation d'humains plus ou moins tarés, de démons émaciés, de sorcières tordues comme de vieux ceps de vigne et de fauves effrayants. Des décors, il ne livre que le minimum, mais l'ambiance morbide est rehaussée par sa mis en couleurs gris-pastel.
Ce premier volume inaugure donc une série plaisante et fort bien réalisée. Le fond des récits est peut-être un peu classique, mais leur mise en musique est remarquable.
Powell est bien l'un des meilleurs dans son genre. Si vous appréciez les univers fantastiques de Courtney Crumrin ou de L'Étrange Vie de Nobody Owens, vous devriez adorer Hillbilly.
C'est l'histoire d'un petit commando de soldats noir-américains lancé dans l'Europe de la seconde guerre mondiale à la poursuite d'une ancienne relique, le tout premier drapeau des Etats-Unis d'Amérique. Mais derrière cette quête, il y en a une motivation bien spécifique car ce drapeau cache un secret depuis deux siècles, un symbole qui pourrait bouleverser la vision alors encore très raciste des américains de l'époque.
Cinq branches de coton noir est un bel album, grand et épais, de plus de 170 pages.
Le dessin de Steve Cuzor y est très classe. Son trait soigné, précis et en même temps dynamique m'y fait penser au style de Ralph Meyer (Berceuse assassine, Undertaker...) que j'aime beaucoup. C'est un dessin fait pour le noir et blanc ce à quoi la colorisation s'adapte en étant ici réalisée dans des teintes monochromes, avec globalement une teinte spécifique par chapitre. Même s'il en ressort une ambiance un peu triste, cela donne aux planches une réelle élégance à l'ancienne.
Le scénario aborde avec un œil neuf la problématique du racisme anti-noir aux Etats-Unis. On le découvre tel qu'il existait en 1776 à l'époque de la guerre d'Indépendance, tel qu'il demeurait dans l'Amérique moderne de 1944, mais aussi tel qu'il apparaissait dans l'armée américaine en guerre en Europe et évidemment tel qu'il était incisif chez les nazis allemands de leur côté également.
L'intrigue est basée sur une idée originale et donne une motivation bien particulière aux héros du récit. J'avoue qu'avec les yeux d'un lecteur des années 2000, de les voir ainsi risquer leur vie pour ce qui au final n'est qu'un simple symbole, parait un peu difficile à appréhender. Mais j'imagine que dans le contexte de l'époque et pour le combat pour l'égalité entre noirs et blancs, cette motivation pouvait suffire à expliquer tous les sacrifices.
Seule la fin très amère m'a légèrement déçu. J'ai trouvé qu'il n'était pas utile d'en faire davantage et l'un des éléments de cette conclusion m'a paru en rajouter un peu trop en matière de tragédie fataliste.
Dans l'ensemble, l'histoire est dense et très bien menée. Tout y est crédible, à la fois enrichissant et prenant. Les personnages sont bons et on s'y attache facilement.
Et il y a toute cette atmosphère visuelle et narrative d'un grand récit d'aventure à l'ancienne qui donne une vraie saveur au récit. Un bel album.
Malgré certains défauts – et certains regrets de ma part – cette série est plutôt chouette, et mérite vraiment d’être suivie. En tout cas, aucun des quatre albums déjà parus ne m’a déçu.
Le dessin de Gibrat est vraiment beau, très réussi. Pas parfait, c’est sûr (son style réaliste s’accommode fort bien de certaines libertés), mais c’est clairement un plus pour le lecteur. Le travail à l’aquarelle visiblement joue sur des teintes chaudes, et une colorisation assez « retenue », comme l’est finalement Mattéo par rapport aux flots de l’Histoire qui le happent, ou même par rapport à ceux de l’amour qui l’attirent. Mattéo est un Ulysse dont le voyage parsemé de danger est long : mais son épopée est bien plus calme que celle de son illustre prédécesseur d’Ithaque.
Personnage central et catalyseur, Mattéo traverse la première moitié du vingtième siècle un peu comme un somnambule (c’est un peu le reproche que je ferais à Gibrat). En effet, s’il semble être partie prenante des convulsions de l’époque (il participe à la boucherie de la Grande guerre, à la Révolution russe, aux guerres civiles espagnoles, voire aux débats autour du Front populaire français), tout ceci ne m’a semblé n’être que décors. Même si Gibrat semble s’être documenté sur la Révolution russe, avec les débats et guerres internes opposant les différents courants révolutionnaires, il ne va pas jusqu’au bout. Moi qui suis plus qu’intéressé par l’anarchisme, j’aurais bien aimé le voir davantage éclairé (par exemple la référence à Makhno en Russie, ou par les différences entre Staliniens, POUM et anarchistes en Espagne), d’autant plus que c’est vers ce courant de pensée que penche Mattéo (Gibrat semble d’ailleurs moins familier avec ces idées…).
Les différentes ellipses (chaque album ne traite que quelques mois, et est virtuellement espacé dans le temps de plusieurs années, même si les deux derniers s’enchaînent, et que le cinquième suivra sans coupure temporelle visiblement) accentuent sans doute ce côté pointilliste, au détriment d’une vue plus « générale » et théorique. Et ce n’était sans doute pas la priorité de Gibrat. Du coup, je regrette aussi que le dessin ne prenne pas suffisamment en compte ce temps qui passe, les personnages ne semblant pas vieillir au rythme que l’on pourrait imaginer.
Mais, malgré ces regrets, l’histoire se laisse lire très agréablement ! Le Lecteur est emporté par la petite histoire comme Mattéo l’est par la grande.
Au cœur (sans jeu de mot – quoi que…) des pérégrinations de Mattéo, trois femmes occupent une place importante. Il les croise, en France, en Russie, en Espagne et, qu’elle soit premier amour (et bien souvent boussole), passionaria russe, républicaine polonaise ou belle infirmière française (mais qui soigne les maux du cœur même après la fin des conflits – et qui pour le moment n’est qu’un amour platonique !) ces femmes aiguillent Mattéo quand le moral ou la raison semblent rendre les armes.
Comme je l’ai déjà dit sur d’autres séries, Gibrat a un très beau coup de crayon, particulièrement pour les femmes ! Même si elles ont un très joli minois, leurs visages ont un peu tendance à se ressembler (voir aussi ceux des héroïnes des série Le Sursis et Le Vol du Corbeau - qui rappellent au passage l’attirance de l’auteur pour les années 1930-40). Mais bon, je préfère quand même les résultats de cette manie pour les visages féminins à celle des « Cromagnonnes » d’Hermann, hein !
Même si j’ai trouvé le quatrième un peu moins dense et un chouia moins captivant, c’est en tout cas une bien belle série, que je vous encourage à découvrir si ce n’est déjà fait !
Isabella Bird, c'est le récit de la traversée en 1878 du Nord du Japon par une exploratrice anglaise et son guide japonais. C'est l'occasion d'une part de rendre hommage à cette femme aventurière et écrivaine, et d'autre part de mettre en scène le Japon traditionnel de l'époque, un aspect de sa civilisation qui était alors précisément en train de disparaître sous le raz-de-marée de la modernisation de l'ère Meiji.
C'est une très bonne série, aussi belle qu'enrichissante.
Le dessin est particulièrement beau et soigné. Le souci apporté au détail et à la documentation est manifeste. Les décors, costumes et autres éléments historiques sont parfaitement rendus et valent le coup d’œil.
Alors qu'il s'agit d'un seinen, les visages des personnages par contre sont plus proches du genre manga shojo et présente quelques défauts inhérents à ses tics de production. Les expressions faciales de l'héroïne notamment sont un peu trop exagérées, yeux brillants et bouche grande ouverte, comme si elle était en permanence stupéfiée et admirative. C'est rapidement pénible et il faut réussir à passer outre. Les personnages ont également presque tous l'air de sortir à peine de l'adolescence. Telle quelle est dessinée, on dirait qu'Isabella Bird avait une vingtaine d'années tout au plus au moment de ce voyage alors qu'elle approchait de la cinquantaine à l'époque. Son guide, lui, avait véritablement 20 ans ce qui colle bien avec son aspect visuel dans le manga, mais là où ça cloche, c'est quand l'auteur lui donne dans le récit un CV long comme le bras avant de rencontrer Isabella, ce qui parait peu réaliste du coup.
Mais voilà, j'ai fait là le tour des petits défauts de ce manga car pour le reste je l'ai beaucoup apprécié. Le rythme est bon, le sujet très intéressant, le récit bien raconté, on ne s'ennuie pas une seconde tout en apprenant beaucoup de choses sur la civilisation traditionnelle japonaise de la fin 19e siècle et sur les conditions de voyage dans le pays à l'époque.
Là je m'inquiète, parce qu'en voyant l'avis de Gaston je me suis rendu compte que je n'ai pas publié mon avis, ce dont j'étais certain.
Mais trêve de divagations incessantes sur ma mémoire, parlons plutôt de cette très jolie série qu'est Happy!, une série que j'ai savouré tout au long de sa publication.
Car c'est le genre de série dont on apprécie la découverte progressive d'un tome à l'autre, les petits suspenses dont l'auteur nous régale à chaque fin de chapitre donnant envie de découvrir la suite. L'histoire est moins en force lorsqu'on la lit d'une traite, je pense. D'ailleurs je préfère encore la relire par petite touche.
Le dessin est toujours dans la veine de ce que fait Ursawa, même si je le trouve moins soigné que dans Monster. Il dégage cependant un petit quelque chose, à la fois léger et enfantin. C'est probablement lié au ton de la série, bien loin de la gravité de Monster, bien que toujours dans une veine assez réaliste.
D'ailleurs, c'est ce que j'ai apprécié dans cette BD : le ton mélangé entre le sérieux du fond (histoire de Yakuza, de famille endeuillé, de dettes et d'odieux connards) et la forme très légère et humoristique. L'alternance des deux à quelque chose de très décalé, donnant encore plus de piquant à l'histoire. On ne sait jamais si le chapitre va basculer dans le propos humoristique ou le propos sérieux.
L'idée du héros (ou de l'héroïne) qui cherche à tout prix à monter au meilleur niveau de sa discipline, c'est du déjà vu et ressassé, certes. Mais là, on a quelque chose de différent : directement dans le bain (la joueuse est déjà excellente), pas de visée progressive (elle cherche à devenir première mondiale dès le début), et surtout des personnages très atypiques : un coach alcoolique et pervers, une rivale absolument horrible en plus d'être excellente joueuse, des acolytes très peu conventionnels (j'adore le Yakuza notamment) ... C'est pas forcément ce qu'on imaginerait d'une telle série : l'héroïne ne se fait pas aider par le pouvoir de l'amitié (en vrai elle se fait une seule amie de tout le manga !) et c'est bien plus réaliste sur les dures conditions des circuits professionnels. On joue plus pour les sponsors et les placements que pour le réel niveau.
Par contre, je dois reconnaitre un bémol à la BD : l'héroïne est ... très peu intéressante. Elle devient rapidement personnage secondaire de sa propre histoire, tant elle connait peu d'évolution : toujours forte et souriante, excellente et battante. En soi, ce sont les personnages autour d'elles qui vont connaitre une véritable évolution (avec en tête le Yakuza, Choko et son sempaï), ce qui est un peu dommage pour un tel genre de BD. Mais ne boudons pas notre plaisir : pour une série de ce style, avec une héroïne de ce calibre (l'auteur aime bien faire des filles fortes et ça fait plaisir !) et une histoire qui tient sur les quinze tomes, c'est du bon !
J'ai toujours un peu de tendresse pour cette BD qui m'a beaucoup plu au moment de sa sortie et pour laquelle j'ai toujours une certaine tendresse, notamment avec sa fin absolument épique après tout ces volumes dans lequel on voit un personnage se faire autant haïr ... Il y a un vrai plaisir dans la montée progressive, et ça fait du bien de voir des fins comme ça. C'est un manga que j'aime pour son titre, qui est bien résumé : c'est une histoire très heureuse !
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Leonid et Spoutnika
Contrairement à ce que disent la plupart des autres avis, pas besoin d'être un expert sur la Russie pour comprendre les gags. Il suffit simplement d'avoir été à l'école. L'humour est à la fois cynique et corrosif, et se moque de la situation chaotique de la Russie de la fin des années 80 au début des années 90 : corruption, chômage, traumatisme de la guerre d'Afghanistan, crise économique, pénuries et marché noir, arrogance des touristes.... Tout y passe. Les 4 premiers tomes sont excellents car ils suivent ce fil rouge. Le dernier tome, le 5ème, est hélas beaucoup moins réussi car les personnages principaux se retrouvent sans un sou aux USA et découvrent l'ancien ennemi par le même prisme corrosif. Beaucoup moins dépaysant, plus familier, et donc moins drôle car certains éléments caricaturaux ne le sont pas vraiment, la réalité étant aussi terrible que la fiction. Et c'est hélas sur cette note américaine que s'achève la serie, interrompue en laissant leonid en rade. Je recommande vivement les 4 premiers tomes en tout cas, j'avoue avoir bien ri.
Et si l'amour c'était aimer ?
Dans les années 2000 était alors diffusée une série québécoise hilarante parodiant de façon absurde et grotesque les Soap Operas comme "Les feux de l'amour" et autres "Santa Barbara". Ce petit bijou portait le doux nom de "Le coeur a ses raisons", un joli titre qui ne veut rien dire du tout tout comme le présent ouvrage de Fabcaro avec cette jolie lapalissade et cette couverture signée B-Gnet (l'auteur de Santiago) avec ce clone de Bernard Tapie jeune, joue contre joue de sa bienaimée. Bref Fabcaro n'a fait ni plus ni moins que reproduire Le coeur a ses sentiments en poussant le curseur de l'absurde et du ridicule encore un peu plus loin dans cette franche déconnade proche du roman photos avec ses personnages figés et agominés dans des poses proches de la nature morte. Par contre le talent de Fabcaro n'est ni mort ni tari car il n'a pas son pareil pour raconter de façon improbable cette rencontre amoureuse entre Sandrine, petite bobo oisive et Michel, livreur de macédoine et grand fan de Jean-Pierre François et son "Je te survivrai" à ses heures perdues. Effectivement le décalage entre les dialogues nonsensiques et les personnages de papier fait des étincelles et provoque des éclats de rire. Autant le style graphique semi réaliste épuré de l'auteur me plaisait moins dans Zai Zai Zai Zai, autant il trouve tout à fait sa place dans cette histoire d'amour contrariée. Et tout y passe, visite d'un zoo aux animaux démonstratifs, photos volées ou coup de poing sur être de papier, Fabcaro revisite la bêtise humaine et l'art du vide en racontant quelque chose d'hilarant sur des personnages sans intérêt. Chaque chapitre se termine par une scène figée du quotidien où les spectateurs de cette passion navrante y vont de leur petit commentaire. C'est tout simplement à mourir de rire !!!!
Moi René Tardi prisonnier de guerre au stalag IIb
Je ne lis pas beaucoup de Tardi. C’est un tort. Je devrais. Pour apprécier cette série, il faut la prendre pour ce qu’elle est, ça évitera bien des désillusions. C’est un témoignage, celui du père de l’auteur, qui raconte son quotidien comme prisonnier de guerre (P.G.) puis son retour chaotique en France. Il s’agit donc d’avantage d’une bd documentaire qui relate des faits patiemment consignés puis restitués de manière chronologique. Pour rendre le récit plus vivant, Tardi a eu l’intelligence de se projeter dans le récit de son père afin de lui donner la réplique et le faire parler. Il y expose en parallèle, lorsque cela est opportun, des faits de guerre contemporains mais qui ont été connus que plus tard. C’est un récit dur dont ses propos factuels peuvent présenter un petit côté rébarbatif. Pourtant, ce récit m’a passionné. Je comprends Tardi d’avoir voulu en savoir plus, d’essayer de comprendre par où était passé son papa et ce qu’il avait vécu. Je ne peux m’empêcher de faire l’analogie avec le carnet de notes que j’ai hérité de mon grand-père et qui était P.G. lui aussi. Grâce à ces témoignages, on redécouvre la grande histoire par la petite porte, celle ouverte par sa famille. Un récit instructif et édifiant qui permet d’apprendre des choses qu’aucun manuel scolaire, ni livre d’histoire, n’a relaté car le quotidien des P.G. n’intéresse pas grand monde malheureusement.
Mars !
Après la bonne poilade réservée par la lecture de Z comme Don Diego, il n'en fallait pas plus pour choper aveuglément dans ma crèmerie préférée ce One Shot tout carré des mêmes auteurs sur un sujet diablement différent pensez donc : la France a reçu le feu vert et le budget pour lancer toute seule comme une grande sa propre fusée pour l'exploration de la planète Mars, rien que ça dite donc ! Le seul souci c'est que les coupes budgétaires se font ressentir et qu'il va falloir composer avec toute une belle bande d'incompétents pour mener à terme cet ambitieux projet !!! Mais c'est bien mal barré vu que la fusée refuse de décoller alors que tous les regards sont tournés vers ce moment historique !!!! Ce léger incident sans gravité (martienne) va être observé de différents points de vue : le Général en charge du projet et tout le staff technique de la base, le Président de la République Hollande 1er himself et son assistant, une famille de bons français scotchée devant sa télé ne loupant aucune minute du direct de cet enfoirage euh décollage et surtout les 3 astronautes persuadés d'être en route vers la planète rouge !!! Quel bon moment de déconnade ! On retrouve ici Fabrice Erre et son style tout en rondeurs à la Jacovitti dans des strips de 3 cases pour la plupart tous hilarants sur le comportement crétinoide de haute volée de la plupart des protagonistes ! Il faut dire qu'il est aidé par le redoutable Fabcaro qui est en passe de devenir le roi absolu de l'humour absurde que n'auraient surement pas renié les Monty Python ou les Nuls, les maîtres anglo-saxons et français respectivement en la matière ! Parsemé de bons gags et jamais à l'abri d'une panne d'humour, ce petit bouquin élégant est truffé de dessins rigolos et de bons jeux de mots. Si on déplore rarement quelques effets mécaniques imposés pour faire rire (3 cases c'est peu pour produire le sourire), Mars! ne souffre d'aucun défaut ou baisse de rythme tant et si bien qu'on se demande où Fabcaro va trouver autant d'inspiration. En regardant surement ses congénères pour n'en garder que le ridicule. Objectif Nul complètement atteint avec ce petit bonheur d'absurde !
L'Homme gribouillé
Visiblement je n'étais pas le seul à attendre le nouvel album de Frederik Peeters, auteur précieux et discret à qui l'on doit de jolies pépites originales. Depuis l'annonce de ce projet avec l'exigeant Serge Lehman, il me tardait de mettre la main sur ce généreux récit de plus de 300 pages au titre mystérieux et dont on pouvait déjà deviner qu'il allait nous entrainer dans des contrées sans autre limite que celle de l'imagination fertile de ces 2 auteurs. De ce côté, on n'est guère déçu avec le portrait d'une génération de 3 femmes, de l'ado espiègle à la grand mère protectrice et sans oublier le rôle principal de Betty, quadra célibataire mal dans sa peau et un peu paumée. Sublimé par un Paris noyé sous une pluie constante, le quotidien présumé banal de ces trois femmes va être bousculé par une menace surnaturelle surgie du passé. Betty et sa fille Clara vont mener l’enquête et apprendre à se connaitre dans une seconde partie surprenante qui les emmènera au delà de la capitale et de la pluie vers une province remplie de brume et d'amertume. Toujours aussi à l'aise, les dessins de Peeters sont superbes, une constante chez cet auteur qui retrouve le noir et blanc de son chef d'oeuvre Lupus tout en parvenant à insuffler un rythme plus rapide qu'à l'accoutumée malgré le confort apporté par les nombreuses planches de l'Homme Gribouillé. Son sens du découpage fait également mouche lors d'une scène d'action dans un lieu public où certains protagonistes sont occis à la vitesse de la lumière par un assassin méthodique et redoutable; Mais c'est surtout une fois de plus dans la construction de ses personnages principaux ou secondaires que l'on prend le plus de plaisir au point où l'on pourrait presque lire ce pavé sans se rendre compte que Serge Lehman est aux manettes. Au scénariste de lancer les thèses de sa légende urbaine et à Peeters de brouiller les pistes par ses cases poétiques. L'ensemble serait presque parfait si la dernière partie n'était aussi brusque et maladroite dans son raisonnement. Rien de bien méchant au contraire mais on a l'impression d'être passé à côté d'un conte gigantesque en refermant le livre puis en repensant finalement que l'histoire importe peu mais que le traitement du quotidien est croustillant et qu'on a passé un beau moment. Et comment ne pas tomber amoureux des héroïnes notamment Betty, si expressive dans ses regards profonds qui confinent au silence.
Hillbilly
Hillbilly est la dernière création d'Eric Powell. Au premier abord, le personnage de Rondel est un peu moins brutal que son cousin The Goon… jusqu'à ce qu'il sorte son hachoir. C'est un genre de vagabond imposant et aveugle, fagoté comme un trappeur en retour d'hivernage et équipé d'un énorme hachoir, dont on apprend qu'il fut autrefois volé à Lucifer en personne. Son visage est marqué par les larmes noires qu'il pleura lorsqu'une sorcière ruina son enfance. Depuis, il parcourt le monde accompagné d'une ourse géante et caractérielle, en découpant les créatures maléfiques qui croisent sa route. Et ça tombe bien, étant donné que l'univers de Powell grouille de sorcières, goules, trolls, violonistes vampires, chiens à dents de sabre, serpents volants et autres sangliers géants… L'environnement du Hillbilly est conforme à ce qu'annonce le titre. Powell ancre son récit « dans le territoire d'antan situé dans les Appalaches ». On navigue chez les ploucs échappés de Délivrance – dueling banjos, « fais l'cochon ! »… – Des gens fringués avec des salopettes crasseuses, avec leur esprit étroit, leur haine des étrangers, leur peur du diable, leurs cruchons d'alcool frelaté, leurs tourtes à la citrouille, leurs tronches d'abrutis consanguins… Powell s'en donne à cœur joie dans la peinture d'une humanité superstitieuse, mesquine et dégénérée. Face à ces tristes spécimens, le bestiaire griffu et les sorcières ricanantes qui hantent collines et forêts passeraient presque des parangons d'humanité. Rondel met un peu d'ordre dans ce merdier, avec son ustensile de tueur des abattoirs. Tourmenté, solitaire, il traîne une histoire complexe qu'il nous dévoile par bribes au fil des récits qui composent ce premier album. Graphiquement, le style de Powell est immédiatement reconnaissable. Il excelle dans la représentation d'humains plus ou moins tarés, de démons émaciés, de sorcières tordues comme de vieux ceps de vigne et de fauves effrayants. Des décors, il ne livre que le minimum, mais l'ambiance morbide est rehaussée par sa mis en couleurs gris-pastel. Ce premier volume inaugure donc une série plaisante et fort bien réalisée. Le fond des récits est peut-être un peu classique, mais leur mise en musique est remarquable. Powell est bien l'un des meilleurs dans son genre. Si vous appréciez les univers fantastiques de Courtney Crumrin ou de L'Étrange Vie de Nobody Owens, vous devriez adorer Hillbilly.
Cinq branches de coton noir
C'est l'histoire d'un petit commando de soldats noir-américains lancé dans l'Europe de la seconde guerre mondiale à la poursuite d'une ancienne relique, le tout premier drapeau des Etats-Unis d'Amérique. Mais derrière cette quête, il y en a une motivation bien spécifique car ce drapeau cache un secret depuis deux siècles, un symbole qui pourrait bouleverser la vision alors encore très raciste des américains de l'époque. Cinq branches de coton noir est un bel album, grand et épais, de plus de 170 pages. Le dessin de Steve Cuzor y est très classe. Son trait soigné, précis et en même temps dynamique m'y fait penser au style de Ralph Meyer (Berceuse assassine, Undertaker...) que j'aime beaucoup. C'est un dessin fait pour le noir et blanc ce à quoi la colorisation s'adapte en étant ici réalisée dans des teintes monochromes, avec globalement une teinte spécifique par chapitre. Même s'il en ressort une ambiance un peu triste, cela donne aux planches une réelle élégance à l'ancienne. Le scénario aborde avec un œil neuf la problématique du racisme anti-noir aux Etats-Unis. On le découvre tel qu'il existait en 1776 à l'époque de la guerre d'Indépendance, tel qu'il demeurait dans l'Amérique moderne de 1944, mais aussi tel qu'il apparaissait dans l'armée américaine en guerre en Europe et évidemment tel qu'il était incisif chez les nazis allemands de leur côté également. L'intrigue est basée sur une idée originale et donne une motivation bien particulière aux héros du récit. J'avoue qu'avec les yeux d'un lecteur des années 2000, de les voir ainsi risquer leur vie pour ce qui au final n'est qu'un simple symbole, parait un peu difficile à appréhender. Mais j'imagine que dans le contexte de l'époque et pour le combat pour l'égalité entre noirs et blancs, cette motivation pouvait suffire à expliquer tous les sacrifices. Seule la fin très amère m'a légèrement déçu. J'ai trouvé qu'il n'était pas utile d'en faire davantage et l'un des éléments de cette conclusion m'a paru en rajouter un peu trop en matière de tragédie fataliste. Dans l'ensemble, l'histoire est dense et très bien menée. Tout y est crédible, à la fois enrichissant et prenant. Les personnages sont bons et on s'y attache facilement. Et il y a toute cette atmosphère visuelle et narrative d'un grand récit d'aventure à l'ancienne qui donne une vraie saveur au récit. Un bel album.
Mattéo
Malgré certains défauts – et certains regrets de ma part – cette série est plutôt chouette, et mérite vraiment d’être suivie. En tout cas, aucun des quatre albums déjà parus ne m’a déçu. Le dessin de Gibrat est vraiment beau, très réussi. Pas parfait, c’est sûr (son style réaliste s’accommode fort bien de certaines libertés), mais c’est clairement un plus pour le lecteur. Le travail à l’aquarelle visiblement joue sur des teintes chaudes, et une colorisation assez « retenue », comme l’est finalement Mattéo par rapport aux flots de l’Histoire qui le happent, ou même par rapport à ceux de l’amour qui l’attirent. Mattéo est un Ulysse dont le voyage parsemé de danger est long : mais son épopée est bien plus calme que celle de son illustre prédécesseur d’Ithaque. Personnage central et catalyseur, Mattéo traverse la première moitié du vingtième siècle un peu comme un somnambule (c’est un peu le reproche que je ferais à Gibrat). En effet, s’il semble être partie prenante des convulsions de l’époque (il participe à la boucherie de la Grande guerre, à la Révolution russe, aux guerres civiles espagnoles, voire aux débats autour du Front populaire français), tout ceci ne m’a semblé n’être que décors. Même si Gibrat semble s’être documenté sur la Révolution russe, avec les débats et guerres internes opposant les différents courants révolutionnaires, il ne va pas jusqu’au bout. Moi qui suis plus qu’intéressé par l’anarchisme, j’aurais bien aimé le voir davantage éclairé (par exemple la référence à Makhno en Russie, ou par les différences entre Staliniens, POUM et anarchistes en Espagne), d’autant plus que c’est vers ce courant de pensée que penche Mattéo (Gibrat semble d’ailleurs moins familier avec ces idées…). Les différentes ellipses (chaque album ne traite que quelques mois, et est virtuellement espacé dans le temps de plusieurs années, même si les deux derniers s’enchaînent, et que le cinquième suivra sans coupure temporelle visiblement) accentuent sans doute ce côté pointilliste, au détriment d’une vue plus « générale » et théorique. Et ce n’était sans doute pas la priorité de Gibrat. Du coup, je regrette aussi que le dessin ne prenne pas suffisamment en compte ce temps qui passe, les personnages ne semblant pas vieillir au rythme que l’on pourrait imaginer. Mais, malgré ces regrets, l’histoire se laisse lire très agréablement ! Le Lecteur est emporté par la petite histoire comme Mattéo l’est par la grande. Au cœur (sans jeu de mot – quoi que…) des pérégrinations de Mattéo, trois femmes occupent une place importante. Il les croise, en France, en Russie, en Espagne et, qu’elle soit premier amour (et bien souvent boussole), passionaria russe, républicaine polonaise ou belle infirmière française (mais qui soigne les maux du cœur même après la fin des conflits – et qui pour le moment n’est qu’un amour platonique !) ces femmes aiguillent Mattéo quand le moral ou la raison semblent rendre les armes. Comme je l’ai déjà dit sur d’autres séries, Gibrat a un très beau coup de crayon, particulièrement pour les femmes ! Même si elles ont un très joli minois, leurs visages ont un peu tendance à se ressembler (voir aussi ceux des héroïnes des série Le Sursis et Le Vol du Corbeau - qui rappellent au passage l’attirance de l’auteur pour les années 1930-40). Mais bon, je préfère quand même les résultats de cette manie pour les visages féminins à celle des « Cromagnonnes » d’Hermann, hein ! Même si j’ai trouvé le quatrième un peu moins dense et un chouia moins captivant, c’est en tout cas une bien belle série, que je vous encourage à découvrir si ce n’est déjà fait !
Isabella Bird, femme exploratrice
Isabella Bird, c'est le récit de la traversée en 1878 du Nord du Japon par une exploratrice anglaise et son guide japonais. C'est l'occasion d'une part de rendre hommage à cette femme aventurière et écrivaine, et d'autre part de mettre en scène le Japon traditionnel de l'époque, un aspect de sa civilisation qui était alors précisément en train de disparaître sous le raz-de-marée de la modernisation de l'ère Meiji. C'est une très bonne série, aussi belle qu'enrichissante. Le dessin est particulièrement beau et soigné. Le souci apporté au détail et à la documentation est manifeste. Les décors, costumes et autres éléments historiques sont parfaitement rendus et valent le coup d’œil. Alors qu'il s'agit d'un seinen, les visages des personnages par contre sont plus proches du genre manga shojo et présente quelques défauts inhérents à ses tics de production. Les expressions faciales de l'héroïne notamment sont un peu trop exagérées, yeux brillants et bouche grande ouverte, comme si elle était en permanence stupéfiée et admirative. C'est rapidement pénible et il faut réussir à passer outre. Les personnages ont également presque tous l'air de sortir à peine de l'adolescence. Telle quelle est dessinée, on dirait qu'Isabella Bird avait une vingtaine d'années tout au plus au moment de ce voyage alors qu'elle approchait de la cinquantaine à l'époque. Son guide, lui, avait véritablement 20 ans ce qui colle bien avec son aspect visuel dans le manga, mais là où ça cloche, c'est quand l'auteur lui donne dans le récit un CV long comme le bras avant de rencontrer Isabella, ce qui parait peu réaliste du coup. Mais voilà, j'ai fait là le tour des petits défauts de ce manga car pour le reste je l'ai beaucoup apprécié. Le rythme est bon, le sujet très intéressant, le récit bien raconté, on ne s'ennuie pas une seconde tout en apprenant beaucoup de choses sur la civilisation traditionnelle japonaise de la fin 19e siècle et sur les conditions de voyage dans le pays à l'époque.
Happy!
Là je m'inquiète, parce qu'en voyant l'avis de Gaston je me suis rendu compte que je n'ai pas publié mon avis, ce dont j'étais certain. Mais trêve de divagations incessantes sur ma mémoire, parlons plutôt de cette très jolie série qu'est Happy!, une série que j'ai savouré tout au long de sa publication. Car c'est le genre de série dont on apprécie la découverte progressive d'un tome à l'autre, les petits suspenses dont l'auteur nous régale à chaque fin de chapitre donnant envie de découvrir la suite. L'histoire est moins en force lorsqu'on la lit d'une traite, je pense. D'ailleurs je préfère encore la relire par petite touche. Le dessin est toujours dans la veine de ce que fait Ursawa, même si je le trouve moins soigné que dans Monster. Il dégage cependant un petit quelque chose, à la fois léger et enfantin. C'est probablement lié au ton de la série, bien loin de la gravité de Monster, bien que toujours dans une veine assez réaliste. D'ailleurs, c'est ce que j'ai apprécié dans cette BD : le ton mélangé entre le sérieux du fond (histoire de Yakuza, de famille endeuillé, de dettes et d'odieux connards) et la forme très légère et humoristique. L'alternance des deux à quelque chose de très décalé, donnant encore plus de piquant à l'histoire. On ne sait jamais si le chapitre va basculer dans le propos humoristique ou le propos sérieux. L'idée du héros (ou de l'héroïne) qui cherche à tout prix à monter au meilleur niveau de sa discipline, c'est du déjà vu et ressassé, certes. Mais là, on a quelque chose de différent : directement dans le bain (la joueuse est déjà excellente), pas de visée progressive (elle cherche à devenir première mondiale dès le début), et surtout des personnages très atypiques : un coach alcoolique et pervers, une rivale absolument horrible en plus d'être excellente joueuse, des acolytes très peu conventionnels (j'adore le Yakuza notamment) ... C'est pas forcément ce qu'on imaginerait d'une telle série : l'héroïne ne se fait pas aider par le pouvoir de l'amitié (en vrai elle se fait une seule amie de tout le manga !) et c'est bien plus réaliste sur les dures conditions des circuits professionnels. On joue plus pour les sponsors et les placements que pour le réel niveau. Par contre, je dois reconnaitre un bémol à la BD : l'héroïne est ... très peu intéressante. Elle devient rapidement personnage secondaire de sa propre histoire, tant elle connait peu d'évolution : toujours forte et souriante, excellente et battante. En soi, ce sont les personnages autour d'elles qui vont connaitre une véritable évolution (avec en tête le Yakuza, Choko et son sempaï), ce qui est un peu dommage pour un tel genre de BD. Mais ne boudons pas notre plaisir : pour une série de ce style, avec une héroïne de ce calibre (l'auteur aime bien faire des filles fortes et ça fait plaisir !) et une histoire qui tient sur les quinze tomes, c'est du bon ! J'ai toujours un peu de tendresse pour cette BD qui m'a beaucoup plu au moment de sa sortie et pour laquelle j'ai toujours une certaine tendresse, notamment avec sa fin absolument épique après tout ces volumes dans lequel on voit un personnage se faire autant haïr ... Il y a un vrai plaisir dans la montée progressive, et ça fait du bien de voir des fins comme ça. C'est un manga que j'aime pour son titre, qui est bien résumé : c'est une histoire très heureuse !