Les derniers avis (39405 avis)

Par Blue boy
Note: 4/5
Couverture de la série Autopsie d'un imposteur
Autopsie d'un imposteur

Fruit d’une nouvelle collaboration entre Vincent Zabus et Thomas Campi, cette fable sociale matinée de fantastique raconte les déboires d’un jeune homme pris au piège de son arrivisme. Coincé entre la honte de ses modestes racines paysannes et ses rêves irréfrénés de richesse, notre jeune « Rastignac » conserve pourtant quelques états d’âme. Sa soif de réussite ne sera, tentera-t-il de se convaincre, gouvernée que par le mérite et le travail, exempte de salissures… Hélas pour lui, les tentations de la ville auront tôt eu raison de ses prétentions de « self-made man » et de ses principes, bien fragiles devant les prestigieuses vitrines de prêt-à-porter… Ainsi, prêt à ravaler son honneur pour accélérer son ascension, Louis Dansart va s’essayer à la prostitution (clandestine évidemment), jusqu’à ce que son destin bascule lors d’un bal costumé échangiste où il tuera accidentellement une de ses clientes. Comme le suggère la couverture, « Autopsie d’un imposteur », c’est avant tout une affaire de masques, de déguisements, en quelque sorte le fil rouge du récit. Les rapports sociaux sont très souvent régis par l’apparence. Un beau costume servira à revendiquer son statut social ou dissimulera une réalité moins glorieuse, mais reflétera toujours le caractère profond de celui qui le porte. Tout comme le masque, en l’occurrence celui de reptile dont est affublé le jeune homme lorsqu’involontairement il blessera mortellement celle qui avait voulu voir son vrai visage. Dès le début, Louis Dansart est obsédé par cette quête des apparences, et lorsqu’il rentre dans une boutique de luxe pour essayer une jolie veste, le patron le chassera après l’avoir démasqué, renforçant chez Louis cette frustration qui va le pousser à griller les étapes de son ascension sociale en se prostituant. Si on peut comprendre les motivations du personnage, Vincent Zabus le fait apparaître d’emblée sous un jour antipathique par le biais du dialogue « silencieux » entamé avec lui, à moins que ce ne soit la mauvaise conscience du jeune homme qui le titille à la façon d’un Jiminy Cricket sarcastique. On pourrait presque avoir envie de prendre parti pour Louis face à ces accusations partiales, mais la suite permettra au lecteur de constater la lâcheté et la duplicité du bellâtre dont on voit qu’il est prêt à tout pour jeter son passé aux orties. Hélas pour notre « imposteur », devenu mort-vivant par ses mensonges, le passé n’admet jamais d’être oublié et finit toujours par vous rattraper d’une façon ou d’une autre. Telle est sans doute la morale de cette histoire, et l’inquiétant Monsieur Albert, écrivain raté devenu maquereau, est toujours là pour le rappeler au jeune homme, telle la mouche du coche, à coup de citations shakespeariennes. A cet égard, on appréciera la conclusion à la fois inquiétante et malicieuse qui verra un Louis aux prises avec ses vieux démons, masqués (toujours le thème du masque !) pour la circonstance. On pourra juste regretter l’absence de critique sociale, le récit dans sa tonalité romanesque étant davantage centré sur le personnage principal. On n’omettra pas de parler du talent de Thomas Campi, qui sait nous délecter de ses ambiances somptueuses à la colorisation riche et chatoyante, ce qui le rapproche du statut d’artiste. Certaines cases évoquent avec bonheur René Magritte, et ce n’est sans doute pas par hasard si le dessinateur italien a mis en images un album dédié à l’univers du peintre belge ("Magritte, ceci n’est pas une biographie »"), toujours en collaboration avec son complice Vincent Zabus. Et pour se convaincre des affinités de Campi avec le maître du surréalisme, il suffira de se connecter sur son site internet.

27/11/2021 (modifier)
Par Titanick
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Fils de ploucs
Fils de ploucs

Passionnant ! L'auteur, né en 1934, nous raconte avec brio son enfance dans la campagne bretonne de son village en « Plou » – (paroisse en Breton) dans les années 30-40 pour ce premier tome. Il s'agit certes de son enfance, mais c'est aussi le regard de l'adulte qu'il est devenu sur la société rurale bretonne de cette époque. Et ce regard est acéré ; attendri certes, après tout ce sont des souvenirs de gosse, mais il en profite pour en décrypter le fonctionnement. Dans le même registre, on pense au célèbre « cheval d'orgueil » de Pierre-Jakez Hélias. D'ailleurs ces deux auteurs ont quasiment le même parcours : partis d'une paroisse perdue du Finistère et s'exprimant en breton, ils sont tous deux devenus professeurs de lettres classiques à l'université. Mais il y a une nuance dans leur approche. Là où Hélias avait tendance à magnifier son cadre de vie, Rohou est ici plus critique. Enfin critique n'est pas vraiment le mot juste, lucide peut-être. Et drôle, en plus, cerise sur le gâteau. Car il sait raconter, et bien. Les personnages sont hauts en couleurs. En permier lieu, sa mère, au caractère trempé et pour le moins originale, pas bigote pour deux sous dans cette terre sous la férule catholique et dont le rêve, brisé, était de devenir concierge à Paris... La chronologie est ponctuée de petits apartés thématiques fichtrement bien sentis, les mariages, l'organisation du mobilier dans la maison, le petit penchant pour la bibine, l'hygiène... ah, l'hygiène, j'en ai pleuré de rire sur ces pages là ! Même les années de guerre, pourtant bien sombres avec le père parti au front, sont l'occasion de mettre en avant la personnalité pour le moins affirmée de sa mère, qui mène son monde tambour battant. C'est curieux de voir les anecdotes cocasses que retient un gamin de la campagne de ces années là. Et le dessin donne un sacré ton à l'ensemble. À la fois caricatural et doté d'une belle poésie. Il ne pouvait coller mieux aux souvenirs de ce vieux monsieur. Une mise en page aérée, une belle bichromie, j'aime beaucoup. J'attends la suite avec impatience et je crois qu'après je lirai les mémoires de l'auteur dont cette bd est adaptée. Je vois que ce volume n'est pas dans la sélection pour Angoulème, tant pis, il est dans ma sélection à moi, et voilà. Qui a dit que je n'étais pas objective parce que je suis moi-même petite-fille de ploucs ?

27/11/2021 (modifier)
Par cac
Note: 4/5
Couverture de la série Agughia
Agughia

Hugues Micol dont j'ai déjà lu quelques ouvrages précédemment est vraiment un très bon dessinateur, et de plus le choix de couleurs un peu 'pop' va très bien avec cette histoire de science-fiction. Je n'avais rien lu du résumé avant donc j'ai mis pas mal de temps à comprendre que ça se passait en Corse. Sauf qu'on est dans le futur, ce qu'on comprend tout de suite et même dès la couverture, une certaine partie de la population très très riche vit dans l'espace, les Ailleurs, et d'autres sur Terre dans un confort plus relatif. Un homme débarque pour y passer ses vacances, avec un sac en bandoulière qui attire les convoitises, notamment d'une jeune voleuse. Dans ce lieu de vacances on se croirait à Miami où tout est dans le paraitre, mince, musculeux, ou encore Phuket, en mode entassé sur des plages climatisées et boites de nuit incroyables. L'auteur a de bonnes idées, par exemple avec cette grande roue sur la plage, mais si c'est ça le futur ça ne va pas dans le sens du progrès... Maintenant les riches y ont un projet immobilier qui ne convient pas à tout le monde, mais sont tellement riches qu'ils font ce qu'ils veulent. Le propos peut sembler un peu manichéen mais j'ai bien apprécié cette histoire et cette vision de la société qui égratigne au passage celle de notre présent.

27/11/2021 (modifier)
Par Ro
Note: 4/5
Couverture de la série Les Naufragés de la Méduse
Les Naufragés de la Méduse

Vous connaissez le tableau de Géricault représentant le radeau de la méduse ? Connaissez-vous l'histoire de ce fameux naufrage de la Méduse ? Et connaissez-vous également l'histoire de la création du tableau en lui-même ? C'est ce que se propose de nous raconter cette bande dessinée. Nous y suivons deux histoires en parallèle, celle du fameux naufrage en 1816 d'une part, et celle plus d'un an après du peintre Géricault se lançant dans le projet de le peindre. L'album alterne tout du long de courtes séquences de chaque époque pour mieux les mêler. Au pinceau, Jean-Sébastien Bordas nous offre un graphisme à l'aquarelle élégant et charmant. Il se débrouille aussi bien pour représenter les rues du Paris du début XIXe siècle que la mer, le pont du navire ou encore celui du radeau. Le contexte historique et politique de l'époque est très bien mis en avant. Nous sommes tout juste après la chute de l'Empire et la France vient de retrouver la royauté dans une ambiance de conflit larvé entre anciens soutiens de l'Empereur et nouveaux nobles. C'est cette situation qui sera, comme on le constatera, en grande partie à l'origine de la tragédie, puis ensuite des déboires de l'artiste pour peindre un évènement aussi polémique dans une France dont le gouvernement veut protéger son aristocratie. J'ai été captivé par le récit de la Méduse. C'est partie de l'histoire est particulièrement prenante et instructive. C'est fascinant de découvrir comment les choses se sont passées et de réaliser qu'à plein de moments il aurait été possible d'éviter le pire. J'ai un peu moins été passionné par le récit parallèle sur l'artiste peintre mais celui-ci est également instructif, à la fois sur la vie intime de Géricault mais aussi sur les épreuves qu'il a dû surmonter pour enfin parvenir à peindre son chef d'œuvre. Si je n'avais pas trouvé la fin de la fin de l'album un peu moins rythmée et prenante que le reste, j'aurais sans doute eu un coup de cœur pour cette BD. Note : 3.5/5

26/11/2021 (modifier)
Par iannick
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Sous les galets la plage
Sous les galets la plage

Après avoir été moyennement convaincu par mes précédentes lectures des bd de Pascal Rabaté, son nouvel album « Sous les galets la plage » me réconcilie avec cet auteur ! « Sous les galets la plage » nous invite à suivre les péripéties d’un jeune homme dans les années 60. Celui-ci se retrouve seul dans la maison familiale pour les dernières semaines de vacances, après le départ de ses parents. Du coup, il en profite pour s’amuser avec ses potes. Et c’est ainsi qu’ils vont rencontrer une jeune femme qui se révèle libertine… Qu’est-ce que j’ai aimé cet album ! Pascal Rabaté, à travers les aventures de notre personnage principal nous fait voyager dans les prémices de mai 1968… on retrouve dans ce one-shot ce désir de se libérer des contraintes familiales, de s’affranchir des barrières sociales, d’être son propre libre-arbitre… Et bizarrement, après la période compliquée que nous avions vécue et à la vue des inspirations de la jeunesse actuelle, je pense que Pascal Rabaté n’a pas vraiment choisi par hasard la situation de son récit dans les sixties tant des similitudes y apparaissent entre ces deux générations. A méditer… Et puis, qu'elle est belle cette histoire d’amour ! Ne vous inquiétez pas, il n’y a rien de niais dans cette histoire, je vous laisse découvrir… Après, pour ce qui est de la partie graphique, au constat de l’excellente maitrise de la narration et de la mise en scène, on sent que l’auteur a une sacrée expérience cinématographique : tout est fluidité dans cet album, les enchainements entre séquences sont comme naturels, le découpage reste suffisamment vivant et varié pour ne pas lasser le lecteur, c’est vraiment du très bon travail ! Je n’ai pas pu juger de la mise en couleur étant donné que j’ai acquis sa version noir et blanc. Ça faisait un bon moment que les récits de Pascal Rabaté ne m’avaient pas autant enthousiasmé, son nouvel album renoue avec ce que j’avais aimé lors de la lecture de Les Petits Ruisseaux du même auteur : une histoire accrocheuse, simple et universelle ; un désir de faire un récit sentant bon la liberté, une certaine révolte contre les préjugés et l’ordre social… Une nomination à la sélection officielle d’Angoulême 2022 -à mon avis- amplement méritée !

26/11/2021 (modifier)
Couverture de la série Severiano de Heredia - Élu de la République
Severiano de Heredia - Élu de la République

Homme politique de premier plan, Severiano de Heredia est probablement moins connu en France qu'à l'étranger. La preuve est que la seule rue de Paris portant son nom a été décidée en 2013 après le discours du Président Obama qui faisait référence à monsieur De Heredia. Antoine Ozanam et Isabelle Dethan sortent justement de l'oubli la mémoire d'un homme dont l'action est encore visible de nos jours. Défenseur de la laïcité, de l'école publique, il crée le réseau de bibliothèques municipales parisien. Le scénario montre bien l'ascension politique de Severiano. Ozanam n'oublie pas aussi les contradictions de cet esprit brillant. Né mulâtre, riche et esclavagiste, son esprit libre penseur l'engage vers le radicalisme en contradiction avec son passé familial esclavagiste dont il a du mal à se dessaisir. De même il appartient à un gouvernement fortement colonialiste dont il soutient la politique dans ce sens. Plus intellectuel qu'homme d'action, De Heredia aura du mal à se situer quand la politique le repoussera et qu'il redeviendra patron. Bien sûr il sera confronté à des remarques racistes mais cela ne l'empêchera pas de briller dans les sociétés où il évoluera. Sa vie familiale n'est pas oubliée et cela donne beaucoup de corp à ce récit tellement elle aura un impact sur sa personnalité vis à vis des femmes notamment. Très beaux dessins d'Isabelle Dethan avec de grandes pages picturales décrivant les anciennes rues de Paris. Les costumes de bourgeois ou d'ouvriers sont bien documentés. Une rue dans le très bourgeois 17eme arrondissement pour ce défenseur de la cause ouvrière voilà un paradoxe de l'histoire de plus.

26/11/2021 (modifier)
Par Solo
Note: 4/5
Couverture de la série Abdallahi
Abdallahi

Décidément, Futuropolis devient mon éditeur à suivre de très près. Voilà un très beau voyage d’exploration, adaptée librement en un parcours initiatique. Nous suivons l’itinéraire de René Caillié, un explorateur français solitaire, sans soutien et sans titre de noblesse. Avide de connaissance, il a pour obsession de découvrir la ville de Tombouctou et d’en sortir sans y laisser sa peau. Pour mener à bien sa propre mission, il s’imprègne de la culture, de la langue et de la religion pour être accepté par le plus grand nombre. Il rencontre rapidement celui qui lui servira de guide, Arafanba, dont la personnalité clivante l’empêchera longtemps de lui faire pleinement confiance. Cette relation entre compagnons de voyage est vraiment intéressante, même si elle est tirée de l’imagination des auteurs (on ne sait visiblement pas grand chose du guide dans les écrits de René Caillié). On se cherche, chacun à ses secrets, ses faiblesses, et tâchent de les garder pour soi. Les questions posées par l’un ou l’autre se confrontent parfois, mais leur ambition respective les amène à se serrer les coudes. Et puis forcément, l’amitié vraie pointe le bout de son nez. Très touchant jusqu'à la fin. Il est aussi précisé en postface que l’aspect initiatique du voyage ne se dégage pas du livre publié par René Caillié. Et là encore, l’inspiration des auteurs est franchement réussie. L’essentiel du récit ne porte pas que sur la découverte de nouveaux territoires ou sur le comportement des individus, mais plutôt sur l’évolution de la pensée de notre héros miséreux : ses méthodes pour parvenir à ses fins, sa pugnacité, ses doutes, ses souffrances physiques… Le texte, pas si abondant que ça, apporte pourtant beaucoup de poids à l’histoire. Je viens de lire Revoir Paris et j'ai écrit que l'héroïne me fatiguait à tomber de fatigue tous les 100 mètres. Dans Abdallahi, René Caillié avance dans une forme encore plus misérable et ça n'a pas affecté mon plaisir pour un sou. C'est fou hein. Quant au dessin, ça a été pour moi une montée en puissance continue. Je l’ai trouvé de plus en plus beau à mesure que j’avançais dans ma lecture. Peut-être même que le tome 2 est encore plus magnifique graphiquement que le premier. C’est une peinture magnifique, les couleurs complexes et profondes m’ont envahies. J’aurais bien apprécié quelques illustrations pleines pages (arrivée à Tombouctou, l’entrée dans le désert, etc.), cerises sur le gâteau pour me prendre une grosse claque visuelle dans la tronche. La réalité se confronte aux rêves. Et si la réalité peut faire souffrir, l’accomplissement est inestimable. Le rythme est assez lent, surtout dans le premier tome, ce qui ne plaira peut-être pas à tout le monde. En ce qui me concerne c'est le kiff. A lire, définitivement.

25/11/2021 (modifier)
Couverture de la série Les Dossiers de l'Archange
Les Dossiers de l'Archange

Messieurs Clavé et Godard nous ont laissé une série politique à l'humour noir bien originale. Cette série a eu peu de succès et je trouve cela dommage. Voici Fulbert nom de code "petit lapin" qui se retrouve pris dans une histoire érotico-politique qui va le dépasser. Les auteurs ont probablement puisé dans les agissements troubles et glauques d'officines du type S.A.C (service d'action civique) qui a eu son heure de "gloire" en 81 massacrant toute une famille dans le sud de la France. Tout cela en se considérant comme "petits soldats" de l'Etat Républicain. S'y ajoute la thématique de financements occultes très présente dans ces années et encore pour quelques années. Sous un aspect BD grand public, je trouve qu'en réalité c'est une charge assez cynique sur les agissements de l'ombre. Les méchants sont des vrais méchants sans état d'âme. Par exemple : "Pourquoi [Fulbert] dans la baignoire ? - Parce que c'est plus facile à nettoyer !". Toujours prêts à s'entredévorer. Pour enrober le piment les auteurs nous servent une histoire érotique très coquine dans sa suggestivité. Fulbert n'aura pas tout perdu car nous passons en revue les fantasmes de l'infirmière, la secrétaire, l'espionne et de la fée clochette. Les femmes dans le tome 2 dégagent un pouvoir érotique très puissant sans avoir à en montrer beaucoup. Les scènes du mythique théâtre "Des Deux Boules" des années 70 ou du métro parisien à 3h du mat sont originales et super bien rendues. Je trouve le dessin très bon avec des ambiances de nuits inquiétantes superbes. Cela soutient la partie fantastique du récit qui elle aussi est une trouvaille. La fin ouvre sur une éventuelle suite qui ne sera pas. Dommage

25/11/2021 (modifier)
Par Ro
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série La Bibliomule de Cordoue
La Bibliomule de Cordoue

C'est amusant, en lisant cet album sans voir les auteurs, j'étais persuadé que le dessinateur était Thierry Martin (Le Roman de Renart) dont j'aime beaucoup le style. C'est n'est pourtant pas lui mais bien Léonard Chemineau qui est ici au dessin, dans un style plus doux et mignon que celui que je lui connaissais dans Le Travailleur de la nuit ou Julio Popper. C'est en tout cas un style de dessin que j'apprécie vraiment. Il est à la fois esthétique, épuré et en même très lisible. Les décors sont beaux, lumineux, et les personnages sont très réussis. J'aime surtout la bouille de la mule dont les expressions me font rire presque à chaque fois. L'histoire n'est pas en reste. Son cadre historique est excellent et tellement rare en BD. Quel incroyable contraste entre la finesse de ce califat Andalou du Xe siècle et la barbarie violente du monde Franc et Viking de la même époque. Et quelle plongée intéressante dans cet univers. Quelle surprise d'y voir des gardes musulmans armés, vêtus et coiffés comme des soldats francs, loin des clichés de l'arabe en turban et au sabre courbe. Quelle surprise d'y voir justement quelques vikings aborder les rivages espagnols. Et quel véritable intérêt de découvrir les relations entre les peuples de l'époque, les machinations politiques et leur impact sur la science et la littérature qui ont fait la gloire du monde arabe d'alors. Cela, nous le découvrons par le biais d'une véritable histoire à l'échelle humaine avec quatre protagonistes principaux, dont une mule, lancés dans une aventure pour sauver des livres précieux. C'est un récit qui mêle aventure et humour, avec de bons personnages, des dialogues ciselés, et surtout une très bonne tenue de route tant dans le rythme que dans l'attachement à son intrigue, sa crédibilité et son intelligence. Un vrai plaisir de lecture qui apporte en outre son lot d'informations historiques particulièrement instructives.

25/11/2021 (modifier)
Couverture de la série Les Artilleuses
Les Artilleuses

Premier cycle pleinement réussi pour cet explosif trio d’héroïnes. L’univers mêle steampunk et monde parallèle de type « elfique » et, quand on connait un peu le dessinateur (Etienne Willem est lui-même un grand adepte de steampunk), le scénariste (Pierre Pevel développe ici une histoire originale se déroulant dans l’univers qu’il a créé par ailleurs pour une série de romans) et l’éditeur (Drakoo est sinon dirigé du moins supervisé par Scotch Arleston, auteur de Lanfeust de Troy et de bien d’autres séries de fantasy), on ne peut pas être trop surpris du produit proposé. Et franchement, j’ai bien aimé ! Ce premier cycle propose une histoire suffisamment complexe pour ne pas tomber dans la facilité et suffisamment claire pour ne pas nous ronger les neurones. Le dessin est expressif et dynamique, avec des décors soignés, des personnages séduisants et un rendu cartoon et festif, les dialogues sont vifs et apportent leur écot d’humour. Si les trois héroïnes sont pour une bonne part dans la capacité de séduction de la série, j’ai particulièrement apprécié le fait que le policier qui les affronte, sous ses airs un peu nigauds, ne soit pas le souffre-douleur attendu, bien au contraire ! Son obstination, ses compétences et son humanité m’ont vraiment bien plu, bien plus que si les auteurs n’en avaient fait qu’un simple bouffon. Le Paris imaginé par les auteurs fait rêver, avec cette esthétique propre au genre steampunk mais ici encore enrichi par l’univers elfique. Ce mélange des genres est harmonieux, sans doute parce que l’on reste principalement dans le monde « humain » sans sempiternels sauts d’un monde à l’autre. Du coup, il y a une cohérence visuelle qui rassure. L’histoire, comme déjà dit, tient la route. Le rythme est agréable avec pas mal de scènes d’action, une intrigue bien menée, de l’humour et tout cela en nous promenant dans cet univers original et en introduisant pas mal de personnages. Enfin, cerise sur le gâteau, la fin du troisième tome est une vraie fin d’histoire. Elle autorise certes de nouvelles aventures mais on a vraiment droit ici à une histoire complète en trois tomes. … ceci dit, j’en reprendrais bien une petite lichette ! Moi, je suis partant pour une suite !!!

21/01/2021 (MAJ le 25/11/2021) (modifier)