Autopsie d'un imposteur

Note: 4/5
(4/5 pour 2 avis)

Comment trouver sa place quand on est certain de ne pas la mériter ? Avec ce polar vintage, Vincent Zabus offre un nouveau défi au talent de Thomas Campi qui prête vie de façon troublante à ce Rastignac de Bruxelles...


1946 - 1960 : L'Après-Guerre et le début de la Guerre Froide Auteurs italiens Bruxelles - Brussels Maisons closes et prostitution

Un polar qui se déroule dans les années 50, à Bruxelles, capitale défigurée par les travaux de L'Exposition Universelle. Un polar existentiel entre un maquereau citant Shakespeare et un héros cherchant à trouver coûte que coûte sa place dans un monde trop moderne pour lui. Un polar où il sera question de prostitution estudiantine, de vieilles bourgeoises, de pieds humains congelés et de jolies indics...

Scénario
Dessin
Couleurs
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution 22 Septembre 2021
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Autopsie d'un imposteur © Delcourt 2021
Les notes
Note: 4/5
(4/5 pour 2 avis)
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15/10/2021 | PAco
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Par Blue boy
Note: 4/5
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Fruit d’une nouvelle collaboration entre Vincent Zabus et Thomas Campi, cette fable sociale matinée de fantastique raconte les déboires d’un jeune homme pris au piège de son arrivisme. Coincé entre la honte de ses modestes racines paysannes et ses rêves irréfrénés de richesse, notre jeune « Rastignac » conserve pourtant quelques états d’âme. Sa soif de réussite ne sera, tentera-t-il de se convaincre, gouvernée que par le mérite et le travail, exempte de salissures… Hélas pour lui, les tentations de la ville auront tôt eu raison de ses prétentions de « self-made man » et de ses principes, bien fragiles devant les prestigieuses vitrines de prêt-à-porter… Ainsi, prêt à ravaler son honneur pour accélérer son ascension, Louis Dansart va s’essayer à la prostitution (clandestine évidemment), jusqu’à ce que son destin bascule lors d’un bal costumé échangiste où il tuera accidentellement une de ses clientes. Comme le suggère la couverture, « Autopsie d’un imposteur », c’est avant tout une affaire de masques, de déguisements, en quelque sorte le fil rouge du récit. Les rapports sociaux sont très souvent régis par l’apparence. Un beau costume servira à revendiquer son statut social ou dissimulera une réalité moins glorieuse, mais reflétera toujours le caractère profond de celui qui le porte. Tout comme le masque, en l’occurrence celui de reptile dont est affublé le jeune homme lorsqu’involontairement il blessera mortellement celle qui avait voulu voir son vrai visage. Dès le début, Louis Dansart est obsédé par cette quête des apparences, et lorsqu’il rentre dans une boutique de luxe pour essayer une jolie veste, le patron le chassera après l’avoir démasqué, renforçant chez Louis cette frustration qui va le pousser à griller les étapes de son ascension sociale en se prostituant. Si on peut comprendre les motivations du personnage, Vincent Zabus le fait apparaître d’emblée sous un jour antipathique par le biais du dialogue « silencieux » entamé avec lui, à moins que ce ne soit la mauvaise conscience du jeune homme qui le titille à la façon d’un Jiminy Cricket sarcastique. On pourrait presque avoir envie de prendre parti pour Louis face à ces accusations partiales, mais la suite permettra au lecteur de constater la lâcheté et la duplicité du bellâtre dont on voit qu’il est prêt à tout pour jeter son passé aux orties. Hélas pour notre « imposteur », devenu mort-vivant par ses mensonges, le passé n’admet jamais d’être oublié et finit toujours par vous rattraper d’une façon ou d’une autre. Telle est sans doute la morale de cette histoire, et l’inquiétant Monsieur Albert, écrivain raté devenu maquereau, est toujours là pour le rappeler au jeune homme, telle la mouche du coche, à coup de citations shakespeariennes. A cet égard, on appréciera la conclusion à la fois inquiétante et malicieuse qui verra un Louis aux prises avec ses vieux démons, masqués (toujours le thème du masque !) pour la circonstance. On pourra juste regretter l’absence de critique sociale, le récit dans sa tonalité romanesque étant davantage centré sur le personnage principal. On n’omettra pas de parler du talent de Thomas Campi, qui sait nous délecter de ses ambiances somptueuses à la colorisation riche et chatoyante, ce qui le rapproche du statut d’artiste. Certaines cases évoquent avec bonheur René Magritte, et ce n’est sans doute pas par hasard si le dessinateur italien a mis en images un album dédié à l’univers du peintre belge ("Magritte, ceci n’est pas une biographie »"), toujours en collaboration avec son complice Vincent Zabus. Et pour se convaincre des affinités de Campi avec le maître du surréalisme, il suffira de se connecter sur son site internet.

27/11/2021 (modifier)
Par PAco
Note: 4/5
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C'est avec L'Éveil (Delcourt) que j'ai découvert le travail de nos deux auteurs, Thomas Campi au dessin et Vincent Zabus au scénario. L'osmose et l'équilibre qu'ils avaient réussi à trouver en se jouant du fond et de la forme m'avaient impressionné. C'est donc plein d'attentes que je me suis lancé dans la lecture de ce nouvel album. Présenté comme un polar, nous allons suivre le parcours torturé du jeune Louis, monté à Bruxelles pour suivre des études de droit. Ce jeune Rastignac dans l'âme n'aspire qu'à une chose : évoluer parmi la haute société et oublier ses modestes origines campagnardes. Et c'est donc au moment des profonds bouleversements liés aux travaux de l'Exposition Universelle de 1958 que s'inscrit notre histoire. Pour ma part j'y ai plus trouvé une fable sociale sur les luttes de classes qu'un polar. Zabus et Campi nous tissent un récit sombre, certes, amoral, certainement, mais qui nous rappelle que notre conscience ne pourra jamais nous faire oublier nos origines. Nos deux auteurs ne peuvent s'empêcher de jouer de nouveau sur le fond et la forme de leur objet et d'explorer les possibles du medium. Si c'est plus léger et discret que dans L'Éveil, on ne peut s'empêcher de sourire quand le héros Louis prend a parti le narrateur. "Complicité" qui va se poursuivre jusqu'au dénouement... Thomas Campi continue de m'épater par son graphisme flamboyant. J'adore sa gestion des lumières et des ambiances qu'il pose page après page ; elles collent à merveille à l'histoire concoctée par son comparse. Encore une fois, voilà un très bel album, différent, mais qui fait son effet grâce à son charme sombre.

15/10/2021 (modifier)