Bravo !
Guérineau, connu pour ses stryges, signe ici un album en solo en adaptant un récit de Jean Teulé. Découpage, narration, dialogues, dessins, colorisation … et un seul homme pour tout faire. Chapeau !
La première chose qui frappe, c’est le dessin. L’auteur personnalise son trait en lui donnant une âme, une profondeur qui lui faisait défaut précédemment, et cela, au service d’une histoire sombre et cynique à souhaits. Il adapte les tonalités de ses planches aux passages contés. Il y a une réelle alchimie entre texte et dessins qui ne peut exister que dans la main d’un seul homme. Grâce à ce one shot, je découvre la vie de Charles IX, qui s’est fait tristement connaître par le massacre de la St Barthélémy dans un contexte de guerre des religions (protestants vs catholiques). C’est un réel tour de force que de proposer de suivre la décadence d’un homme important pour son époque sans hachures ni heurts dans les séquences. La lecture reste fluide (comme le sang) et prenante de bout en bout. A noter quelques clins d’œil et un final sur mesure.
La dimension psychologique du personnage, ses tourments, ses doutes, sa folie, ses moments de lucidité sont admirablement rendus. Du beau travail … du grand art ! Et, curieusement, c’est sans ses créatures ailées, que Guérineau prend son envol comme auteur complet (et avec brio !). Une réelle découverte !!
Une œuvre culte, tout simplement.
À mes yeux, c’est le meilleur album de l'année ! (au moins…)
Reprenant la trame et le ton du roman éponyme de Jean Teulé, Richard Guérineau délaisse momentanément Le Chant des Stryges pour réaliser en solo ce formidable one shot historique.
Et c’est une merveilleuse surprise car il montre un véritable talent d’auteur complet.
Le découpage du scénario, en une vingtaine de chapitres, permet de décrire divers épisodes de la vie de Charles IX entre le 23 août 1572, veille du massacre de la Saint-Barthélemy et le 12 juillet 1574, date de ses funérailles (40 jours après sa mort), qui donne lieu à de nouveaux massacres.
L’originalité de l’ouvrage réside dans le fait que ces événements tragiques ne sont pas traités avec la gravité morbide habituelle (voir l'ambiance sinistre de « La reine Margot » de Patrice Chéreau). Sans rien nier de la violence tragique des faits, Guérineau montre un Charly 9 qui fait le choix de sa folie. Inspiré par l’image d’une autruche que lui montre son médecin Ambroise Paré, il se cache la tête non dans le sable, mais dans la chair, pour fuir la réalité de la politique. Dès lors, profitant de son statut de monarque à qui nul ne peut rien refuser, il multiplie les comportements absurdes, assourdissant son entourage à grands coups de cor de chasse, pourchassant le cerf nu sur son cheval à travers le palais du Louvre, crachant des noyaux de cerise à la face du légat du pape, ou massacrant des lapins à l’arbalète dans la chambre de sa maîtresse.
Et malgré l’horreur des événements, l’humour noir fait mouche et l’on rit souvent, des situations burlesques, des folies du roi, de la débilité des fanatiques religieux ou du cynisme des politiques. Certains passages ne sont pas sans écho contemporains, comme la lecture de cet édit qui exhorte les sujets à « serrer [leurs] ceintures déjà bien étroites afin que la France puisse retrouver sa grandeur d’antan ».
Le récit est servi par un dessin et une mise en couleurs particulièrement inspirés, qui permettent à Guérineau de se hisser un niveau des très grands. Dans un style complexe et changeant, qui oscille entre réalisme cru et caricature, il illustre son propos avec talent, multipliant les ambiances différentes (du burlesque au terrifiant, du grandiose au poétique) qui collent aux variations d’état d’âme du jeune souverain. Au détour des planches, il se paie même le luxe de quelques hommages à d’autres grandes plumes du neuvième art (Peyo, Morris, André Juillard…), sans entamer la fluidité du récit.
Jusqu’à « Charly 9 », nous n’avions pas eu la chance de découvrir les talents de scénariste de Richard Guérineau, et si son dessin a toujours été propre et très efficace, je ne lui trouvais pas de personnalité particulière.
« Charly 9 » m’a vraiment bluffé, et je donne sans hésiter un 5/5 à cet album.
C’est vraiment de la belle ouvrage, Monsieur Guérineau, et j’ai hâte de vous lire à nouveau dans vos travaux en solo !
Enfin une BD sans concession qui ose dire les choses telles qu’elles sont en réalité! J'ai aimé ce ton résolument décalé d'une noirceur inégalé. Les auteurs donnent une version bien pessimiste de la société et de l'âme humaine. C'est presque malsain.
On suit le parcours d’un tueur implacable comme s’il s’agissait d’une profession ordinaire dans un genre d'autobiographie pas comme les autres! Cela peut faire froid dans le dos mais cela répond à une certaine logique. Je me suis surpris par exemple à avoir presque de la sympathie pour un homme froid et solitaire, méthodique et consciencieux dans son travail mais dont les états d'âmes sont intéressants à plus d'un titre.
J’ai tout de suite accroché par une lecture très prenante qui fait la part belle à l’aspect psychologique du personnage et de son regard sur la société. Il est vrai qu'avec ces longs monologues, on entre plus facilement dans l'intimité, voir dans la tête de ce tueur. C'est une performance scénaristique étonnante avec une ambiance pesante et captivante.
Mais attention: il ne faut surtout pas tomber dans le piège de légitimer le rôle des tueurs dans notre société. Gardez bien à l'esprit la notion de bien et de mal. Cet assassin tue des êtres humains pour de l'argent et il ne recule devant rien! Par ailleurs, il ne se remet jamais en cause avec son air détaché et un peu méprisant vis à vis du genre humain. Son cynisme nous désarme assez souvent. Le monde appartient-il réellement aux riches ? Faut-il profiter du système plutôt que d'être un bon citoyen et vivre une vie difficile ? C'est une philosophie qui en vaut d'autres et qui nous amène à nous poser des questions.
Du grand art et de la maîtrise dans le dessin surtout au niveau de l’agencement des cases. Le découpage fluide permet une immersion totale dans la vie du personnage. Le graphisme froid et glacial est à l'image du tueur. Bref, une réussite totale!
C'est une série grandiose parmi mes préférés qui ne bénéficie que des éloges d’un avis général des bédéphiles. Extraordinaire et époustouflant car les auteurs donnent pour une fois la parole à un anti-héros. Qu'on adhère ou pas, c'est une autre question...
Note Dessin : 4/5 – Note Scénario : 5/5 – Note Globale : 4.5/5
Blacksad est sans doute une de mes bd préférées parmi toutes celles qui existent et qui inondent le marché depuis tant d'années. Un dessin absolument extraordinaire dans les traits presque hors normes (parmi les plus beaux dessins que je connais). Un découpage de planches et des prises de vue magnifiques! On a une impression générale de vertige et de mystère. Bref, une qualité graphique tout à fait exceptionnelle!
Le parti pris de « bestialiser » les hommes offre une vue intéressante. On peut dire que le choix de l'animal correspondant à chaque personnage représente admirablement la personnalité des protagonistes de tout bon polar de ce type (ex: le berger allemand inspecteur de police, le gorille boxeur, le malfrat à tête de crapaud, le tueur reptile et le rat espion et cafteur...). De belles trouvailles en perspective!
Le scénario de chaque tome est passionnant et renvoi à des thèmes résolument adultes. La critique distillée du racisme, du nucléaire, de la chasse aux sorcières communistes est parfaite.
Tome 1 : Quelque part entre les ombres
Ce premier tome est une histoire certes classique avec tous les codes propres au genre polar mais emmené avec un tel brio que la barre est d'emblée placée très haute. On découvre un univers fort intéressant avec ce détective fort charismatique. Les dés sont jetés pour une série qui va s'avérer tout à fait exceptionnelle.
Tome 2: Artic Nation
Le deuxième tome est une critique de l'Amérique ségrégationniste et intolérante. Cette dimension politique élève d'un cran le niveau de la série qui devient de plus en plus intéressante entre fausses pistes et rebondissements.
Tome 3: Ame rouge
Le troisième opus nous plonge totalement dans une histoire d'espionnage sur fond de communisme et de menace nucléaire. Le scénario se corse un peu pour nous livrer un final détonnant. Par ailleurs, les personnages et notamment notre héros prend une véritable dimension plus psychologique entre trahison et déception.
Tome 4: L'enfer, le silence
Ce 4ème tome s'est fait attendre ! En effet, il a fallu patienter près de 5 ans. Pour quel résultat? Je ne suis absolument pas déçu car c'est tout bonnement magnifique ! J'en avais presque les larmes aux yeux devant tant de grâce et de beauté. Le scénario se déroule dans une ville aux airs jazzy de la Nouvelle-Orléans. L'intrigue nous mène en bateau de manière magistrale.
Tome 5: Amarillo
Après un dernier tome jugé peu convaincant par la critique, c'était l'album le plus attendu de l'année. Pour moi, il n'y a pas photo: c'est une réussite totale ! Que du plaisir pour les yeux avec ces dessins tout simplement somptueux avec une finesse du trait inégalé. Le scénario n'est pas en reste avec des personnages à la psychologie plus vraie que nature. L'ambiance dégagée procure que du bonheur. Bref, c'est une maîtrise éblouissante !
C’est une série géniale sous bien des aspects. Ce côté polar américain des années 50 m’a littéralement transporté dans cette autre époque. Je ne suis pourtant pas à la base un fana du genre « polar » mais on ne peut pas passer à côté. Un vrai régal pour tous les amoureux de la bande dessinée. J'accorde la note maximale pour le dessin.
Note Dessin : 5/5 – Note Scénario : 4.5/5 – Note Globale : 4.75/5
Je ne mets pas souvent des 5 étoiles, mais là, ça les vaut... Ces 9 courts récits complets parus dans le journal Pilote entre 1961 et 1965, sont une réécriture de l'Histoire complètement farfelue, dont l'humour étrangement, n'a pas vieilli. C'est un exercice dont raffolait Goscinny, qui était assez mal vu chez Spirou, et une fois dans son journal, il put donner libre cours à sa passion pour les calembours.
Dans un esprit assez proche de Les Dingodossiers qu'il animera avec Gotlib, et dont c'est un peu une sorte de préfiguration, cette bande est un pur chef-d'oeuvre de drôlerie, à l'humour complètement azimuté, qui détone même pour son époque de parution, car les bandes humoristiques étaient plutôt du genre sage et conventionnel. On dirait que Goscinny se déchaîne ici ; son sens du comique est utilisé de façon hilarante, il ne pouvait sans doute pas trop expérimenter ce type d'humour dans les autres bandes qu'il scénarisait, car il raconte des anecdotes inspirées de célèbres romans ou d'événements historiques d'une façon vraiment très personnelle.
Et surtout, cette série contient en germe de nombreuses trouvailles que Goscinny réutilisera dans Astérix, notamment des allusions directes aux Bretons, aux Normands et au Bouclier Arverne, en plus des nombreux jeux de mots. J'ai toujours aimé le graphisme très expressif de Martial, et dans cette Bd peu connue, il se surpasse ; son dessin très propre, précis et rempli de détails savoureux, contribue énormément à cette entreprise de démolition comique, son style graphique semi-réaliste est très reconnaissable, mais malgré ça, Martial reste injustement méconnu du grand public.
En tout cas, cette Bd est un vrai remède contre la déprime, à consommer sans modération.
Mon avis est peut être tronqué par mon coté nostalgique, mais si je devais garder une BD de ma collection, ce serait celle-ci.
Le lac de l'homme mort est l'un des premiers albums que j'ai eus. C'est mon père qui me l'a offert, alors que j’étais alité suite à une grosse angine. L'album que j'ai est issu de la collection Péchés de jeunesse de Spirou. C'est l'une de mes BD que j'ai le plus relues, avec le 16 est au départ, de Graton.
Le dessin est parfait, l'aventure nous plonge dans les années 50 et l'auteur a su parfaitement en reproduire l'ambiance de cette époque (le marché avec le vendeur d'oeufs, l'intérieur de la maison du sénateur, Pépi et ses gangsters (rangés des affaires), les tenues vestimentaires, les autos etc...) Le scénario est pas mal, c'est du Tillieux.
Un seul regret, c'est que le second récit n'a jamais été fini et que la série en est restée là. Dommage.
C'est bien sûr une série culte, tout comme son auteur.
J'ai découvert Tillieux lorsque mon père m'a offert "Le lac de l'homme mort" seul album de la série Marc Jaguar parue dans "Risque tout", qui malheureusement s'est stoppée au milieu du second volume "Les camions du diable". J'ai lu et relu cet album, qui était de loin mon préféré dans ce qui était le début de ma collection de BD
Lorsqu'un jour de 1985, je découvre chez mon libraire préféré, le tout premier volume de "Tout Gil Jourdan", j'ai cru rêver. J'ai de suite commandé les 16 albums de la série, qui étaient encore disponibles en réédition.
J'ai vraiment pris mon pied en découvrant cette série. Depuis j'ai pu compléter ma collection de Félix au fil des parutions des rééditions. Autant vous dire que je suis un inconditionnel de Tillieux.
J'adore son dessin, ses mises en scènes et surtout l'ambiance qu'il arrivait à reproduire, autant dans ses scénarios, que dans son dessin (la première case de Pâtée explosive en est un exemple probant), j'aime aussi beaucoup les intérieurs des bistros, les véhicules, les camions en particulier ("L'enfer de Xique-Xique", "Les trois taches" ou encore les camions de la Sofraco dans "Les cargos du crépuscule"), les scènes se déroulant au crépuscule ou de nuit, les rues dans les villes etc... En fait, je suis accro à cette ambiance de la fin des années cinquante et des années soixante et peu d'albums de cette époque sont à la hauteur des albums de Tillieux.
Gil Jourdan est pour moi un chef d’œuvre de la BD et mérite d'être cité au même titre que Spirou ou Tintin. Tillieux est disparu bien trop tôt... Snif...
Je ne saurais vous conseiller la série Félix, qui est une création de Tillieux, antérieure à Gil Jourdan, plus cadrée dans les années d'après guerre, en noir et blanc (à l'exception du dernier album "L'affaire des bijoux", très proche des "Gil Jourdan"), mais dans un style plus noir. Seul hic à l’œuvre de Tillieux, c'est la réutilisation de certains scénarios, dans plusieurs séries, "La guerre en caleçon" entre autre.
Pour les inconditionnels de Tillieux, il existe un album récemment paru chez Glénat, qui lui est consacré, "M'sieur Maurice et la dauphine jaune". L'auteur (Bazile) semble très bien connaitre Tillieux et fait des tonnes de clins d’œil à son œuvre.
Bravo aux auteurs !
Bien sûr, ils disposent de scénarii en béton. Les "Racontars arctiques" de Jørn Riel font partie de ces bouquins que l'on dévore, puis que l'on diffuse longtemps tout autour de soi afin de faire profiter tous ses amis du ravissement que leur lecture nous a apporté.
Jørn Riel a vécu dans les années 1950 au Groenland parmi les chasseurs de fourrure. Des hommes rudes, qui s'engagent à passer au moins un hivernage sur place, isolés loin de toute civilisation, dans la nuit, le froid et surtout dans une quasi solitude, puisqu'ils ne sont qu'une poignée à occuper des cabanes sommaires très éloignées les unes des autres. De quoi devenir fou… et justement, c'est ce qu'ils font tous un peu, juste pour passer le temps !
Car leur pire ennemi est l'ennui et la routine.
Bien que généralement séparés les uns des autres, ces hommes hors-du-monde aiment à se retrouver chez les uns ou les autres. Et, lors des ces rares visites de courtoisie, pour peupler les longues soirées arrosées à l'alcool frelaté, ils parlent. Mais attention, comme le fait remarquer l'un des personnages « parler de ses exploits, c'est peut-être pas mal pour tuer une soirée d'hiver… mais tant qu'à faire, vaut mieux raconter quelque chose que les autres n'ont pas vécu ». Dans cette microsociété, le moindre fait, même insignifiant, qui sort de l’ordinaire mérite d’être monté en épingle et devient un « racontar », c’est-à-dire « une histoire vraie qui pourrait passer pour un mensonge ; à moins que ce ne soit l’inverse ».
Entre anecdotes réalistes et histoires loufoques, les "Racontars arctiques" de Jørn Riel naviguent dans cet entre-deux qui mêle rêves et réalités.
Il fallait du talent pour rendre cet univers si particulier en bande dessinée.
Gwen de Bonneval parvient à trancher dans les nouvelles de Riel pour en conserver l’esprit. Alternant scènes d’action presque muettes et longues séquences bavardes, il rend vivants et attachants une galerie de personnages dont on identifie aisément le caractère et les petits travers.
Hervé Tanquerelle parvient à rendre l’ambiance de l’arctique, un monde où la lumière est faible, avec des ambiances monochromes. Le choix du noir et blanc rehaussé de lavis est judicieux, et tant pis s’il nous prive du bleu limpide du ciel ou des aurores boréales.
Les adaptations d’œuvres romanesques en bande dessinées ne sont pas toujours des chefs-d’œuvre, loin s’en faut… Souvent, on a l’impression que leurs auteurs cherchent à réaliser des albums dont ils espèrent que toutes les bibliothèques scolaires de France feront l’acquisition, ce qui leur assurera un volume de ventes bien supérieur à ce que mériterait leur travail.
Mais cette série sort franchement du lot : Bonneval & Tanquerelle réalisent une œuvre intelligente et drôle, qui respecte les nouvelles de Jørn Riel. Ils produisent aussi une vraie bande dessinée, une œuvre originale et aboutie.
J’ai adoré ces trois premiers albums, autant que j’avais adoré les recueils de nouvelles qui les ont inspirés, et, croyez-moi, ce n’est pas peu dire !
J’espère que la série se poursuivra longtemps ; il y a encore de beaux racontars à mettre en images.
Joseph Joanovici est un jeune immigré juif lorsqu'il débarque en France avec sa femme ; il est pauvre et n'a d'autre talent que celui de savoir reconnaître la pureté des métaux. Il va vite mettre à profit ce don pour se construire un petit empire à force de roublardises et de magouilles.
L'histoire aurait pu être des plus banales si elle s'était déroulée à notre époque car une personne de son envergure serait certainement devenue un homme d'affaires respecté et craint ; une sorte de Berlusconi à la française en somme.
Mais l'action se déroule avant et surtout pendant la Seconde Guerre Mondiale et en ces temps troublés notre homme va jouer sur tous les tableaux afin, bien évidemment, de survivre mais surtout d’accroître de plus en plus sa fortune personnelle.
Nury parvient à retranscrire avec brio et plus ou moins de véracité la vie d'un personnage très controversé à la fois rusé, malin, bienfaiteur et patriote pour les uns, malfaisant et collabo pour les autres.
Perso, je dirais qu'il s'agit simplement d'un homme sans scrupule doublé d'un fieffé opportuniste ; le genre de personne qui fascine et que l'on aime(rait) détester.
Au niveau narratif, on ne peut que saluer le remarquable talent de l'auteur qui a su broder, autour des actes d'un personnage réel, une histoire à la fois complexe mais fluide extrêmement bien menée du début à la fin mais aussi très intelligemment écrite car on en arrive à prendre fait et cause pour cet anti-héros en adhérant à sa logique tout à fait répréhensible.
Ainsi malgré un premier tome légèrement embrumé par de nombreux flash-back et de multiples protagonistes, on tombe vite sous le charme des pérégrinations de ce personnage haut en couleurs à un tel point que cela en frôle même l'addiction.
Saluons aussi l'excellent travail de Vallée ; ses dessins qui cadrent parfaitement à l'histoire accompagnés d'une colorisation très harmonieuse donnent un rendu tout simplement parfait.
Pour moi l'ensemble ne comporte aucun défaut, fait assez rare pour être souligné, sauf celui de ne pas vraiment savoir ce qui appartient à l'Histoire et ce qui reste de la fiction.
Bref, une magnifique série qui oscille entre la biographie et le roman ; très prenante de bout en bout car écrite et dessinée d'une main de maître.
Un indispensable du genre à découvrir absolument.
J’ai récemment lu et adoré Le Beau Voyage et La Peau de l'ours de Benoît Zidrou, je continue sur ma lancée avec cette nouveauté qui a visiblement séduit les lecteurs en cette fin d’année 2013.
On retrouve ici un roman graphique pure souche racontant le quotidien d’une maman s’occupant de son fils handicapé suite à un accident de voiture. Le ton est bien entendu très intimiste. L’auteur réussit à nous raconter une histoire extrêmement touchante (j’ai eu la boule dans la gorge plus d’une fois) sans trop en faire, sans verser dans le larmoyant, et surtout fait preuve d’un optimisme qui fait plaisir à lire (c’était d’ailleurs déjà le cas dans Le Beau Voyage). La maman est parfaitement dépeinte, quel amour, quelle persévérance, mais aussi quelques moments de faiblesses bien naturels.
Le dessin et les couleurs de Roger (Jazz Maynard) sont magnifiques et parfaitement adaptés au récit.
Un roman graphique qui devrait ravir les fans du genre. Un sans-faute en ce qui me concerne – la note maximale donc.
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Charly 9
Bravo ! Guérineau, connu pour ses stryges, signe ici un album en solo en adaptant un récit de Jean Teulé. Découpage, narration, dialogues, dessins, colorisation … et un seul homme pour tout faire. Chapeau ! La première chose qui frappe, c’est le dessin. L’auteur personnalise son trait en lui donnant une âme, une profondeur qui lui faisait défaut précédemment, et cela, au service d’une histoire sombre et cynique à souhaits. Il adapte les tonalités de ses planches aux passages contés. Il y a une réelle alchimie entre texte et dessins qui ne peut exister que dans la main d’un seul homme. Grâce à ce one shot, je découvre la vie de Charles IX, qui s’est fait tristement connaître par le massacre de la St Barthélémy dans un contexte de guerre des religions (protestants vs catholiques). C’est un réel tour de force que de proposer de suivre la décadence d’un homme important pour son époque sans hachures ni heurts dans les séquences. La lecture reste fluide (comme le sang) et prenante de bout en bout. A noter quelques clins d’œil et un final sur mesure. La dimension psychologique du personnage, ses tourments, ses doutes, sa folie, ses moments de lucidité sont admirablement rendus. Du beau travail … du grand art ! Et, curieusement, c’est sans ses créatures ailées, que Guérineau prend son envol comme auteur complet (et avec brio !). Une réelle découverte !! Une œuvre culte, tout simplement.
Charly 9
À mes yeux, c’est le meilleur album de l'année ! (au moins…) Reprenant la trame et le ton du roman éponyme de Jean Teulé, Richard Guérineau délaisse momentanément Le Chant des Stryges pour réaliser en solo ce formidable one shot historique. Et c’est une merveilleuse surprise car il montre un véritable talent d’auteur complet. Le découpage du scénario, en une vingtaine de chapitres, permet de décrire divers épisodes de la vie de Charles IX entre le 23 août 1572, veille du massacre de la Saint-Barthélemy et le 12 juillet 1574, date de ses funérailles (40 jours après sa mort), qui donne lieu à de nouveaux massacres. L’originalité de l’ouvrage réside dans le fait que ces événements tragiques ne sont pas traités avec la gravité morbide habituelle (voir l'ambiance sinistre de « La reine Margot » de Patrice Chéreau). Sans rien nier de la violence tragique des faits, Guérineau montre un Charly 9 qui fait le choix de sa folie. Inspiré par l’image d’une autruche que lui montre son médecin Ambroise Paré, il se cache la tête non dans le sable, mais dans la chair, pour fuir la réalité de la politique. Dès lors, profitant de son statut de monarque à qui nul ne peut rien refuser, il multiplie les comportements absurdes, assourdissant son entourage à grands coups de cor de chasse, pourchassant le cerf nu sur son cheval à travers le palais du Louvre, crachant des noyaux de cerise à la face du légat du pape, ou massacrant des lapins à l’arbalète dans la chambre de sa maîtresse. Et malgré l’horreur des événements, l’humour noir fait mouche et l’on rit souvent, des situations burlesques, des folies du roi, de la débilité des fanatiques religieux ou du cynisme des politiques. Certains passages ne sont pas sans écho contemporains, comme la lecture de cet édit qui exhorte les sujets à « serrer [leurs] ceintures déjà bien étroites afin que la France puisse retrouver sa grandeur d’antan ». Le récit est servi par un dessin et une mise en couleurs particulièrement inspirés, qui permettent à Guérineau de se hisser un niveau des très grands. Dans un style complexe et changeant, qui oscille entre réalisme cru et caricature, il illustre son propos avec talent, multipliant les ambiances différentes (du burlesque au terrifiant, du grandiose au poétique) qui collent aux variations d’état d’âme du jeune souverain. Au détour des planches, il se paie même le luxe de quelques hommages à d’autres grandes plumes du neuvième art (Peyo, Morris, André Juillard…), sans entamer la fluidité du récit. Jusqu’à « Charly 9 », nous n’avions pas eu la chance de découvrir les talents de scénariste de Richard Guérineau, et si son dessin a toujours été propre et très efficace, je ne lui trouvais pas de personnalité particulière. « Charly 9 » m’a vraiment bluffé, et je donne sans hésiter un 5/5 à cet album. C’est vraiment de la belle ouvrage, Monsieur Guérineau, et j’ai hâte de vous lire à nouveau dans vos travaux en solo !
Le Tueur
Enfin une BD sans concession qui ose dire les choses telles qu’elles sont en réalité! J'ai aimé ce ton résolument décalé d'une noirceur inégalé. Les auteurs donnent une version bien pessimiste de la société et de l'âme humaine. C'est presque malsain. On suit le parcours d’un tueur implacable comme s’il s’agissait d’une profession ordinaire dans un genre d'autobiographie pas comme les autres! Cela peut faire froid dans le dos mais cela répond à une certaine logique. Je me suis surpris par exemple à avoir presque de la sympathie pour un homme froid et solitaire, méthodique et consciencieux dans son travail mais dont les états d'âmes sont intéressants à plus d'un titre. J’ai tout de suite accroché par une lecture très prenante qui fait la part belle à l’aspect psychologique du personnage et de son regard sur la société. Il est vrai qu'avec ces longs monologues, on entre plus facilement dans l'intimité, voir dans la tête de ce tueur. C'est une performance scénaristique étonnante avec une ambiance pesante et captivante. Mais attention: il ne faut surtout pas tomber dans le piège de légitimer le rôle des tueurs dans notre société. Gardez bien à l'esprit la notion de bien et de mal. Cet assassin tue des êtres humains pour de l'argent et il ne recule devant rien! Par ailleurs, il ne se remet jamais en cause avec son air détaché et un peu méprisant vis à vis du genre humain. Son cynisme nous désarme assez souvent. Le monde appartient-il réellement aux riches ? Faut-il profiter du système plutôt que d'être un bon citoyen et vivre une vie difficile ? C'est une philosophie qui en vaut d'autres et qui nous amène à nous poser des questions. Du grand art et de la maîtrise dans le dessin surtout au niveau de l’agencement des cases. Le découpage fluide permet une immersion totale dans la vie du personnage. Le graphisme froid et glacial est à l'image du tueur. Bref, une réussite totale! C'est une série grandiose parmi mes préférés qui ne bénéficie que des éloges d’un avis général des bédéphiles. Extraordinaire et époustouflant car les auteurs donnent pour une fois la parole à un anti-héros. Qu'on adhère ou pas, c'est une autre question... Note Dessin : 4/5 – Note Scénario : 5/5 – Note Globale : 4.5/5
Blacksad
Blacksad est sans doute une de mes bd préférées parmi toutes celles qui existent et qui inondent le marché depuis tant d'années. Un dessin absolument extraordinaire dans les traits presque hors normes (parmi les plus beaux dessins que je connais). Un découpage de planches et des prises de vue magnifiques! On a une impression générale de vertige et de mystère. Bref, une qualité graphique tout à fait exceptionnelle! Le parti pris de « bestialiser » les hommes offre une vue intéressante. On peut dire que le choix de l'animal correspondant à chaque personnage représente admirablement la personnalité des protagonistes de tout bon polar de ce type (ex: le berger allemand inspecteur de police, le gorille boxeur, le malfrat à tête de crapaud, le tueur reptile et le rat espion et cafteur...). De belles trouvailles en perspective! Le scénario de chaque tome est passionnant et renvoi à des thèmes résolument adultes. La critique distillée du racisme, du nucléaire, de la chasse aux sorcières communistes est parfaite. Tome 1 : Quelque part entre les ombres Ce premier tome est une histoire certes classique avec tous les codes propres au genre polar mais emmené avec un tel brio que la barre est d'emblée placée très haute. On découvre un univers fort intéressant avec ce détective fort charismatique. Les dés sont jetés pour une série qui va s'avérer tout à fait exceptionnelle. Tome 2: Artic Nation Le deuxième tome est une critique de l'Amérique ségrégationniste et intolérante. Cette dimension politique élève d'un cran le niveau de la série qui devient de plus en plus intéressante entre fausses pistes et rebondissements. Tome 3: Ame rouge Le troisième opus nous plonge totalement dans une histoire d'espionnage sur fond de communisme et de menace nucléaire. Le scénario se corse un peu pour nous livrer un final détonnant. Par ailleurs, les personnages et notamment notre héros prend une véritable dimension plus psychologique entre trahison et déception. Tome 4: L'enfer, le silence Ce 4ème tome s'est fait attendre ! En effet, il a fallu patienter près de 5 ans. Pour quel résultat? Je ne suis absolument pas déçu car c'est tout bonnement magnifique ! J'en avais presque les larmes aux yeux devant tant de grâce et de beauté. Le scénario se déroule dans une ville aux airs jazzy de la Nouvelle-Orléans. L'intrigue nous mène en bateau de manière magistrale. Tome 5: Amarillo Après un dernier tome jugé peu convaincant par la critique, c'était l'album le plus attendu de l'année. Pour moi, il n'y a pas photo: c'est une réussite totale ! Que du plaisir pour les yeux avec ces dessins tout simplement somptueux avec une finesse du trait inégalé. Le scénario n'est pas en reste avec des personnages à la psychologie plus vraie que nature. L'ambiance dégagée procure que du bonheur. Bref, c'est une maîtrise éblouissante ! C’est une série géniale sous bien des aspects. Ce côté polar américain des années 50 m’a littéralement transporté dans cette autre époque. Je ne suis pourtant pas à la base un fana du genre « polar » mais on ne peut pas passer à côté. Un vrai régal pour tous les amoureux de la bande dessinée. J'accorde la note maximale pour le dessin. Note Dessin : 5/5 – Note Scénario : 4.5/5 – Note Globale : 4.75/5
Les Divagations de Mr Sait-Tout
Je ne mets pas souvent des 5 étoiles, mais là, ça les vaut... Ces 9 courts récits complets parus dans le journal Pilote entre 1961 et 1965, sont une réécriture de l'Histoire complètement farfelue, dont l'humour étrangement, n'a pas vieilli. C'est un exercice dont raffolait Goscinny, qui était assez mal vu chez Spirou, et une fois dans son journal, il put donner libre cours à sa passion pour les calembours. Dans un esprit assez proche de Les Dingodossiers qu'il animera avec Gotlib, et dont c'est un peu une sorte de préfiguration, cette bande est un pur chef-d'oeuvre de drôlerie, à l'humour complètement azimuté, qui détone même pour son époque de parution, car les bandes humoristiques étaient plutôt du genre sage et conventionnel. On dirait que Goscinny se déchaîne ici ; son sens du comique est utilisé de façon hilarante, il ne pouvait sans doute pas trop expérimenter ce type d'humour dans les autres bandes qu'il scénarisait, car il raconte des anecdotes inspirées de célèbres romans ou d'événements historiques d'une façon vraiment très personnelle. Et surtout, cette série contient en germe de nombreuses trouvailles que Goscinny réutilisera dans Astérix, notamment des allusions directes aux Bretons, aux Normands et au Bouclier Arverne, en plus des nombreux jeux de mots. J'ai toujours aimé le graphisme très expressif de Martial, et dans cette Bd peu connue, il se surpasse ; son dessin très propre, précis et rempli de détails savoureux, contribue énormément à cette entreprise de démolition comique, son style graphique semi-réaliste est très reconnaissable, mais malgré ça, Martial reste injustement méconnu du grand public. En tout cas, cette Bd est un vrai remède contre la déprime, à consommer sans modération.
Marc Jaguar
Mon avis est peut être tronqué par mon coté nostalgique, mais si je devais garder une BD de ma collection, ce serait celle-ci. Le lac de l'homme mort est l'un des premiers albums que j'ai eus. C'est mon père qui me l'a offert, alors que j’étais alité suite à une grosse angine. L'album que j'ai est issu de la collection Péchés de jeunesse de Spirou. C'est l'une de mes BD que j'ai le plus relues, avec le 16 est au départ, de Graton. Le dessin est parfait, l'aventure nous plonge dans les années 50 et l'auteur a su parfaitement en reproduire l'ambiance de cette époque (le marché avec le vendeur d'oeufs, l'intérieur de la maison du sénateur, Pépi et ses gangsters (rangés des affaires), les tenues vestimentaires, les autos etc...) Le scénario est pas mal, c'est du Tillieux. Un seul regret, c'est que le second récit n'a jamais été fini et que la série en est restée là. Dommage.
Gil Jourdan
C'est bien sûr une série culte, tout comme son auteur. J'ai découvert Tillieux lorsque mon père m'a offert "Le lac de l'homme mort" seul album de la série Marc Jaguar parue dans "Risque tout", qui malheureusement s'est stoppée au milieu du second volume "Les camions du diable". J'ai lu et relu cet album, qui était de loin mon préféré dans ce qui était le début de ma collection de BD Lorsqu'un jour de 1985, je découvre chez mon libraire préféré, le tout premier volume de "Tout Gil Jourdan", j'ai cru rêver. J'ai de suite commandé les 16 albums de la série, qui étaient encore disponibles en réédition. J'ai vraiment pris mon pied en découvrant cette série. Depuis j'ai pu compléter ma collection de Félix au fil des parutions des rééditions. Autant vous dire que je suis un inconditionnel de Tillieux. J'adore son dessin, ses mises en scènes et surtout l'ambiance qu'il arrivait à reproduire, autant dans ses scénarios, que dans son dessin (la première case de Pâtée explosive en est un exemple probant), j'aime aussi beaucoup les intérieurs des bistros, les véhicules, les camions en particulier ("L'enfer de Xique-Xique", "Les trois taches" ou encore les camions de la Sofraco dans "Les cargos du crépuscule"), les scènes se déroulant au crépuscule ou de nuit, les rues dans les villes etc... En fait, je suis accro à cette ambiance de la fin des années cinquante et des années soixante et peu d'albums de cette époque sont à la hauteur des albums de Tillieux. Gil Jourdan est pour moi un chef d’œuvre de la BD et mérite d'être cité au même titre que Spirou ou Tintin. Tillieux est disparu bien trop tôt... Snif... Je ne saurais vous conseiller la série Félix, qui est une création de Tillieux, antérieure à Gil Jourdan, plus cadrée dans les années d'après guerre, en noir et blanc (à l'exception du dernier album "L'affaire des bijoux", très proche des "Gil Jourdan"), mais dans un style plus noir. Seul hic à l’œuvre de Tillieux, c'est la réutilisation de certains scénarios, dans plusieurs séries, "La guerre en caleçon" entre autre. Pour les inconditionnels de Tillieux, il existe un album récemment paru chez Glénat, qui lui est consacré, "M'sieur Maurice et la dauphine jaune". L'auteur (Bazile) semble très bien connaitre Tillieux et fait des tonnes de clins d’œil à son œuvre.
Racontars Arctiques
Bravo aux auteurs ! Bien sûr, ils disposent de scénarii en béton. Les "Racontars arctiques" de Jørn Riel font partie de ces bouquins que l'on dévore, puis que l'on diffuse longtemps tout autour de soi afin de faire profiter tous ses amis du ravissement que leur lecture nous a apporté. Jørn Riel a vécu dans les années 1950 au Groenland parmi les chasseurs de fourrure. Des hommes rudes, qui s'engagent à passer au moins un hivernage sur place, isolés loin de toute civilisation, dans la nuit, le froid et surtout dans une quasi solitude, puisqu'ils ne sont qu'une poignée à occuper des cabanes sommaires très éloignées les unes des autres. De quoi devenir fou… et justement, c'est ce qu'ils font tous un peu, juste pour passer le temps ! Car leur pire ennemi est l'ennui et la routine. Bien que généralement séparés les uns des autres, ces hommes hors-du-monde aiment à se retrouver chez les uns ou les autres. Et, lors des ces rares visites de courtoisie, pour peupler les longues soirées arrosées à l'alcool frelaté, ils parlent. Mais attention, comme le fait remarquer l'un des personnages « parler de ses exploits, c'est peut-être pas mal pour tuer une soirée d'hiver… mais tant qu'à faire, vaut mieux raconter quelque chose que les autres n'ont pas vécu ». Dans cette microsociété, le moindre fait, même insignifiant, qui sort de l’ordinaire mérite d’être monté en épingle et devient un « racontar », c’est-à-dire « une histoire vraie qui pourrait passer pour un mensonge ; à moins que ce ne soit l’inverse ». Entre anecdotes réalistes et histoires loufoques, les "Racontars arctiques" de Jørn Riel naviguent dans cet entre-deux qui mêle rêves et réalités. Il fallait du talent pour rendre cet univers si particulier en bande dessinée. Gwen de Bonneval parvient à trancher dans les nouvelles de Riel pour en conserver l’esprit. Alternant scènes d’action presque muettes et longues séquences bavardes, il rend vivants et attachants une galerie de personnages dont on identifie aisément le caractère et les petits travers. Hervé Tanquerelle parvient à rendre l’ambiance de l’arctique, un monde où la lumière est faible, avec des ambiances monochromes. Le choix du noir et blanc rehaussé de lavis est judicieux, et tant pis s’il nous prive du bleu limpide du ciel ou des aurores boréales. Les adaptations d’œuvres romanesques en bande dessinées ne sont pas toujours des chefs-d’œuvre, loin s’en faut… Souvent, on a l’impression que leurs auteurs cherchent à réaliser des albums dont ils espèrent que toutes les bibliothèques scolaires de France feront l’acquisition, ce qui leur assurera un volume de ventes bien supérieur à ce que mériterait leur travail. Mais cette série sort franchement du lot : Bonneval & Tanquerelle réalisent une œuvre intelligente et drôle, qui respecte les nouvelles de Jørn Riel. Ils produisent aussi une vraie bande dessinée, une œuvre originale et aboutie. J’ai adoré ces trois premiers albums, autant que j’avais adoré les recueils de nouvelles qui les ont inspirés, et, croyez-moi, ce n’est pas peu dire ! J’espère que la série se poursuivra longtemps ; il y a encore de beaux racontars à mettre en images.
Il était une fois en France
Joseph Joanovici est un jeune immigré juif lorsqu'il débarque en France avec sa femme ; il est pauvre et n'a d'autre talent que celui de savoir reconnaître la pureté des métaux. Il va vite mettre à profit ce don pour se construire un petit empire à force de roublardises et de magouilles. L'histoire aurait pu être des plus banales si elle s'était déroulée à notre époque car une personne de son envergure serait certainement devenue un homme d'affaires respecté et craint ; une sorte de Berlusconi à la française en somme. Mais l'action se déroule avant et surtout pendant la Seconde Guerre Mondiale et en ces temps troublés notre homme va jouer sur tous les tableaux afin, bien évidemment, de survivre mais surtout d’accroître de plus en plus sa fortune personnelle. Nury parvient à retranscrire avec brio et plus ou moins de véracité la vie d'un personnage très controversé à la fois rusé, malin, bienfaiteur et patriote pour les uns, malfaisant et collabo pour les autres. Perso, je dirais qu'il s'agit simplement d'un homme sans scrupule doublé d'un fieffé opportuniste ; le genre de personne qui fascine et que l'on aime(rait) détester. Au niveau narratif, on ne peut que saluer le remarquable talent de l'auteur qui a su broder, autour des actes d'un personnage réel, une histoire à la fois complexe mais fluide extrêmement bien menée du début à la fin mais aussi très intelligemment écrite car on en arrive à prendre fait et cause pour cet anti-héros en adhérant à sa logique tout à fait répréhensible. Ainsi malgré un premier tome légèrement embrumé par de nombreux flash-back et de multiples protagonistes, on tombe vite sous le charme des pérégrinations de ce personnage haut en couleurs à un tel point que cela en frôle même l'addiction. Saluons aussi l'excellent travail de Vallée ; ses dessins qui cadrent parfaitement à l'histoire accompagnés d'une colorisation très harmonieuse donnent un rendu tout simplement parfait. Pour moi l'ensemble ne comporte aucun défaut, fait assez rare pour être souligné, sauf celui de ne pas vraiment savoir ce qui appartient à l'Histoire et ce qui reste de la fiction. Bref, une magnifique série qui oscille entre la biographie et le roman ; très prenante de bout en bout car écrite et dessinée d'une main de maître. Un indispensable du genre à découvrir absolument.
Pendant que le roi de Prusse faisait la guerre, qui donc lui reprisait ses chaussettes ?
J’ai récemment lu et adoré Le Beau Voyage et La Peau de l'ours de Benoît Zidrou, je continue sur ma lancée avec cette nouveauté qui a visiblement séduit les lecteurs en cette fin d’année 2013. On retrouve ici un roman graphique pure souche racontant le quotidien d’une maman s’occupant de son fils handicapé suite à un accident de voiture. Le ton est bien entendu très intimiste. L’auteur réussit à nous raconter une histoire extrêmement touchante (j’ai eu la boule dans la gorge plus d’une fois) sans trop en faire, sans verser dans le larmoyant, et surtout fait preuve d’un optimisme qui fait plaisir à lire (c’était d’ailleurs déjà le cas dans Le Beau Voyage). La maman est parfaitement dépeinte, quel amour, quelle persévérance, mais aussi quelques moments de faiblesses bien naturels. Le dessin et les couleurs de Roger (Jazz Maynard) sont magnifiques et parfaitement adaptés au récit. Un roman graphique qui devrait ravir les fans du genre. Un sans-faute en ce qui me concerne – la note maximale donc.