Instructif.
Cette enquête dans les rouages de la production d'une série télé française donne un point de vue diversifié, depuis l'idée, jusqu'aux différentes strates des intervenants : scénaristes, dialoguistes, réalisateurs, acteurs, coiffeurs, une montagne de fourmis, chacune assignée à son poste sans possibilité de sortir de son cadre.
Le petit budget, le besoin d'une audience très large, le compartimentage des rôles dans la fourmilière, créent des contraintes assez différentes du cinéma. Après lecture de la BD, mon regard sur les films en général s'est considérablement modifié. Les moyens, le temps consacré étant réellement d'un tout autre ordre que celui alloué aux séries télé.
Les dessins, en noir et blanc, sur leur papier rugueux, sont comme d'habitude dans la série Sociorama, assez raides mais comme d'habitude aussi suffisamment justes pour qu'on puisse suivre les personnages sans difficulté.
Reportage maquillé en fiction, cet épisode de Sociorama est réussi.
J’ai bien apprécié cette lecture de Sept Missionnaires. À une histoire traitant de foi et de christianisation, ce n’est pas un moindre hommage que d’avoir fait appel à Alain Ayroles, le scénariste du très culte De Cape et de Crocs, et qui offre ici un récit plein d’ironie mordante, une pique un brin méchante sur les religions avec ce qu’il faut d’humour et de dérision pour que cela ne fâche personne. L’exercice du stand alone est périlleux, plus d’un s’y sont cassés les dents, mais j’ai trouvé la gestion du rythme et l’enchaînement des passages parfaitement maîtrisés, il y a ici une belle entente entre les auteurs.
Assez sympathique, le début ainsi que la présentation des protagonistes est on ne peut plus picaresque et m’a rappelé aux bagarres de gaulois dans Astérix (et l'illustration de couverture représentant une enluminure de ces 7 "Saints" me fait penser aux Dalton). En plus du contexte historique très intéressant en soi (les invasions au IXème siècle), toute la sève du récit réside dans le temps fort où nos sept missionnaires vont contre toute attente, et à l'insu de leur plein gré, réussir cette mission impossible. C’est là que j’ai trouvé l’histoire brillamment cynique, car ce n’est pas par leur piété ni leur passion que ces indécrottables pêcheurs convertiront les païens, mais plus ou moins involontairement par une série d’heureux hasards où chacun aura l’occasion de montrer sa principale qualité, pourtant considérée comme un pêché par l’Église.
L’un est cupide et fort bon négociant (encore un pêché), un autre n’est que colère et les berserkers imposent le respect parmi ces guerriers ; un autre n’est que tristesse (c’est l’acédie en fait mais réduit au concept de tristesse pour une meilleure compréhension du public) et touchera ces âmes brutales de par sa musique, mode pupilles humides et dilatées façon Chat Botté dans Shrek ; un autre est un dépravé qui gagnera le faible sexe à sa cause ; le gourmand remplira les estomacs des gaillards grâce à ses connaissances gastronomiques, tandis que l’orgueilleux et l’envieux qui se suivent joueront un rôle dans la mécanique des péripéties. Ce sont de simples hommes qui parlent à d’autres hommes tout aussi normaux qu’eux. Égoïstes, petits, individualistes, bas, leur principal défaut condamné par l’Église se révélera finalement une aptitude qui sauvera leur peau. Et moi je trouve ça plutôt drôle comme message railleur.
Le dessin de Luigi Critone est assez plaisant même si ce n’est pas ce vers quoi je me dirige en premier. Il est cependant bien à propos avec les trognes des moines qui concordent avec leur pêché respectif, leurs expressions faciales limites caricaturales sont un vrai régal lorsqu’ils se balancent des fions entre eux. Décalage intelligent par rapport au sérieux de l’Ordre ou des « fomoirés ». Un dessin sublimé par les couleurs de Lorenzo Pieri qui offre un véritable feu d’artifice et apporte gaieté et bonne humeur à ce codex qui n’en manque pourtant pas (même si c’est dramatique quand il le faut). Un vrai contraste par rapport à l’apparente austérité des syndiqués de la religion.
« Qu’il est bon d’être apostat » pourrait être la morale de cette hasardeuse croisade.
Un manga très surprenant, mais qui m'a plu. Sans aller jusqu'à dire que c'est un chef-d’œuvre, il contient une bonne histoire, un dessin très correct, de bonnes scènes et des bons personnages, et surtout beaucoup de surprises. Le début fait penser à une romance basique, mais apporte ensuite des bonnes idées qui changent pas mal le point de vue des protagonistes. On est loin d'adolescents banals qui se rencontrent.
L'histoire est rapide, mais le manga prend tout de même le temps et pose une ambiance, et c'est ce qui rend la lecture plaisante. L'histoire n'est pas étoffée mais n'en a pas besoin, c'est juste quelques jours qui changent deux jeunes personnes. Et personnellement, ça m'a suffit.
Bref, un manga pas forcément indispensable, mais qui sait remplir toute son office. Ca m'a plu, j'ai beaucoup apprécié ma lecture et je l'ai déjà relu avec plaisir. Un petit morceau d'histoire bien sympathique. Lecture recommandée, si ce n'est l'achat.
L’homme qui n’aimait pas les armes à feu n’est pas la série qui révolutionnera le western mais j’y ai trouvé ce que j’espérais… et même un peu plus.
L’intrigue tient la route et fait montre d’originalité. Il y sera beaucoup question du deuxième amendement, ce qui justifie pleinement le titre de la série. L’humour est un des points forts du début de la série avec quelques personnages hauts en couleur. Cet humour se fait de moins en moins présent au fil des tomes mais sans jamais réellement disparaître.
De western, il est bel et bien question même si nous sommes à la fin de la période mythique du far-West. Ici, les avocats et autres hommes de loi commencent à prendre le pas sur les cow-boys. Nous avons cependant droit à quelques personnages classiques du genre. Je pense donc que l’amateur de western classique risque dans un premier temps d’être un peu dérouté avant de retrouver ses marques.
La narration est vive et l’action ne manque pas. Le trait dynamique et très expressif de Paul Salomone renforce encore le caractère mouvementé de ces aventures. Les personnages, hauts en couleur, sont très bien typés dans un style caricatural qui favorise les expressions de visage et donc l’humour.
Personnellement, c’est un des westerns récents que j’ai eu le plus de plaisir à suivre. Je vous le recommande donc vivement.
Trois albums qui se lisent vite, car il n’y a finalement pas beaucoup de textes, de dialogues (mises à part les plaidoiries lors du procès), mais aussi parce que l’intrigue est vraiment bien fichue, qu’elle captive le lecteur.
La série alterne les flash-back – qui nous expliquent la jeunesse des deux héros, leur rencontre, et comment ils en sont arrivés à la situation folle qui les happe dès le début du premier album – et une intrigue plus linéaire, essentiellement un road movie, sorte de fuite en avant vers nulle part.
David Chauvel montre très bien, par petites touches, comment l’amitié qui lie Joey et Marc va amener ce dernier à poursuivre cette folle équipée, dont il va finalement être le seul à répondre (de manière muette) devant la justice.
L’univers de banlieue, de famille qui se délitent, est lui aussi bien dépeint, expliquant la trajectoire des deux copains, dans un engrenage que certains appellent destin. C’est glauque, mais aussi vivifiant (l’amitié donnant de l’air à une ambiance très noire). C’est en tout cas un triptyque dont je vous recommande chaudement la lecture.
J’ai énormément apprécié la lecture de cette biographie romancée d’un anarchiste à principes. Pour de multiples raisons.
Tout d’abord, et pourvu qu’il y ait derrière leurs agissements une conscience politique, j’aime bien les anarchistes convaincus (anarchie et communisme partagent d’ailleurs à mes yeux un point commun, leur utopie et je trouve toujours touchants ces gens qui croient le miracle possible), surtout s’ils se montrent cohérents avec eux-mêmes.
Par ailleurs, la vie d’Alexandre Jacob a été tout sauf un long fleuve tranquille. Il est même injuste de ne parler que d’une vie car ce personnage en a réellement vécu plusieurs. On n’a vraiment pas le temps de s’ennuyer devant l’évocation d’une existence aussi remplie de voyages, d’aventures et de prises de conscience.
Ensuite, l’image qu’en donnent les auteurs en fait un véritable héros de roman. Une sorte de Robin des Bois, naïf et pragmatique à la fois, cultivé mais n’hésitant pas à tuer au besoin. Ce personnage développe pas mal de contradictions mais les auteurs privilégient ses bons côtés, son humour, sa conscience politique, son sens moral. On ne peut que s’attacher à l’homme et oublier le meurtrier qu’il était également.
Le dessin, dans son style semi-réaliste, accentue le sentiment de légèreté de cette biographie. Le destin d’Alexandre Jacob n’a pourtant rien de drôle mais les auteurs ont opté tant au niveau de la narration que du dessin pour une forme de légèreté qui m’aura aidé à rentrer dans cette biographie. Je n’ai jamais eu le sentiment de lire une œuvre historique scolaire mais bien un récit d’aventure.
Distrayant et instructif, ce sont là deux qualités que je recherche bien souvent dans mes lectures et cet album les réunit de fort belle manière. Franchement bien, par conséquent.
Ces « fantaisies » regroupent des histoires plus ou moins longues (parfois une simple page) parues initialement en magazines : essentiellement Pilote et Fluide glacial, que dirigeaient deux personnes ayant largement contribué à « lancer » le travail d’Alexis, à savoir Goscinny et Gotlib. Et avec lesquels il avait collaboré pour plusieurs albums.
Ici les « fantaisies » sont « solitaires », Alexis se chargeant du dessin et des scénarios.
Autant le dire tout de suite, je suis fan du dessin d’Alexis, qui use d’un Noir et Blanc classique – comme est classique (et excellent !) son trait. C’est d’ailleurs le décalage entre le classicisme du trait et le côté humour pince-sans-rire, absurde (très Monty Python) de certaines histoires qui renforce l’humour, souvent vers un noir loufoque – et non dénué de poésie.
Mais le ton n’est pas toujours uniquement à l’humour dans ces histoires. En effet, plusieurs développent une intrigue, ou simplement une ambiance fantastique, étrange (comme « Vengeance » ou « La curiosité est un vilain défaut » par exemple). Mais là aussi, humour et poésie affleurent.
En tout cas, c’est un recueil vraiment chouette, dont je vous recommande la lecture – comme beaucoup d’œuvres d’Alexis d’ailleurs !
Davodeau est un auteur à deux facettes – d’inégale valeur de mon point de vue : il publie des romans graphiques, et des documentaires généralement engagés. C’est la seconde catégorie que je préfère, et de loin (ses romans graphiques m’ayant le plus souvent déçu).
Ici, le parti pris est assez simple, puisque Davodeau séjourne chez un ami viticulteur, en Anjou : celui-ci lui fera découvrir son travail (auquel il participera), tandis que Davodeau fera découvrir à son ami une liste (relativement éclectique) d’œuvres du neuvième art. Ceci étant accompagné de la rencontre de certains de ces auteurs (et pas des moindres, puisqu’entre autres Gibrat, Marc-Antoine Mathieu, Guibert). J’aurais bien aimé accompagner leurs pérégrinations (accompagnées de dégustations sympas le plus souvent), et en particulier discuter avec Marc-Antoine Mathieu !
La partie BD est intéressante – mais je suis moins néophyte que Richard Leroy, le viticulteur, et j’ai donc moins appris de choses. Même si le regard d’un béotien sur certaines œuvres est assez caustique parfois (et pas dénué de fraicheur), comme son incompréhension de l’engouement entourant le travail de Moebius, ou ses questionnements par rapport à l’intérêt de l’oubapo. Hélas, les amis de Davodeau étant généralement – comme lui – des « noms », l’aspect « métier précaire » du bédéiste est passé sous silence (alors que je pense qu’une grande partie des auteurs sont loin de gagner franchement leur vie avec leur travail – ou alors en acceptant certaines concessions (travaux alimentaires, publicitaires, etc).
C’est d’autant plus dommage que Leroy ne cache pas, lui, les difficultés de son métier. C’est d’ailleurs cette partie qui m’a le plus captivé, puisque si je suis amateur de « bons vins », je n’ai aucune réelle culture dans ce domaine, et n’ai que des connaissances fragmentaires sur le processus qui mène le raisin à mon gosier.
Là aussi toutefois, Davodeau n’éclaire qu’un aspect des choses, puisque Leroy est un viticulteur relativement atypique, car produisant en bio (mais en plus refusant d’afficher le label et pratiquant la culture biodynamique – tout en se questionnant à son propos).
Deux « ignorants » qui découvrent certains aspects du métier de l’autre donc, mais qui sont curieux, et ne sont pas englués dans une pensée monolithique.
Le dessin de Davodeau est simple, efficace (quelques visages difficiles à différencier parfois quand même), et le travail en Noir et Blanc (avec nuances de gris) rend l’ensemble agréable à lire.
Une chouette réussite en tout cas !
J'ai beaucoup apprécié la lecture de cette BD. Un univers en noir et blanc aux dessins sobres mais justes. Le fil de l'histoire se déroule tout en retenue et nous plonge dans le Japon des années 1920. On prend beaucoup de plaisir à suivre l'évolution de cette petite fille qui découvre le monde des geishas.
Les petites victoires est un récit autobiographique touchant dans lequel l’auteur a décidé de mettre en avant non une maladie mais la beauté de l’amour parental. Cet album ne traite donc pas tant de l’autisme que du plaisir ressenti par les acteurs lorsqu’ils parviennent à contourner l’obstacle. Ce sont ces fameuses petites victoires qui donnent son titre à l’album et qui procurent à celui-ci cette humanité rayonnante et ce positivisme qui font du bien.
J’ai beaucoup aimé. Sans doute parce que le handicap et la différence sont des sujets qui font partie de mon quotidien. Toute la dimension « technique » m’a fortement intéressé tant elle reflète une évidence : à l’heure actuelle, nous ne savons pas encore grand-chose de l’autisme et de la manière dont on doit aborder les personnes qui en souffrent. Le fait que l’auteur de cet album soit Québécois m’a interpellé. Le Canada est réputé pour être un des sinon le pays le plus avancé en matière de traitement de l’autisme. Pourtant, Yvon Roy va souvent opter pour l’opposé de ce qui lui est préconisé. Avec des résultats étonnants et encourageants. Il ne condamne nullement ce qui est fait par le corps médical mais propose une autre approche. Et la combinaison des deux explique très certainement ces nombreuses petites victoires.
La dimension humaine laisse difficilement insensible. L’auteur occulte volontairement les « petites défaites » inévitables face à ce genre de maladie, ce qui donne au final un récit d’un positivisme revigorant. C’est touchant et drôle à la fois. Jamais larmoyant, bien au contraire !
Enfin, le dessin dans ce style dépouillé, très direct, casse les barrières entre le lecteur et le narrateur. Le trait s’efface au profit de l’histoire. A la limite, on ne se rend même plus compte qu’il s’agit de simples dessins tant nous sommes avec les personnages, tant nous partageons leurs sentiments.
Et en partageant leurs « petites victoires » on ne peut que se sentir mieux, notre subconscient considérant celles-ci un peu comme si elles étaient nôtres.
Non, franchement, c’est un bel album.
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Plus belle la série
Instructif. Cette enquête dans les rouages de la production d'une série télé française donne un point de vue diversifié, depuis l'idée, jusqu'aux différentes strates des intervenants : scénaristes, dialoguistes, réalisateurs, acteurs, coiffeurs, une montagne de fourmis, chacune assignée à son poste sans possibilité de sortir de son cadre. Le petit budget, le besoin d'une audience très large, le compartimentage des rôles dans la fourmilière, créent des contraintes assez différentes du cinéma. Après lecture de la BD, mon regard sur les films en général s'est considérablement modifié. Les moyens, le temps consacré étant réellement d'un tout autre ordre que celui alloué aux séries télé. Les dessins, en noir et blanc, sur leur papier rugueux, sont comme d'habitude dans la série Sociorama, assez raides mais comme d'habitude aussi suffisamment justes pour qu'on puisse suivre les personnages sans difficulté. Reportage maquillé en fiction, cet épisode de Sociorama est réussi.
Sept Missionnaires
J’ai bien apprécié cette lecture de Sept Missionnaires. À une histoire traitant de foi et de christianisation, ce n’est pas un moindre hommage que d’avoir fait appel à Alain Ayroles, le scénariste du très culte De Cape et de Crocs, et qui offre ici un récit plein d’ironie mordante, une pique un brin méchante sur les religions avec ce qu’il faut d’humour et de dérision pour que cela ne fâche personne. L’exercice du stand alone est périlleux, plus d’un s’y sont cassés les dents, mais j’ai trouvé la gestion du rythme et l’enchaînement des passages parfaitement maîtrisés, il y a ici une belle entente entre les auteurs. Assez sympathique, le début ainsi que la présentation des protagonistes est on ne peut plus picaresque et m’a rappelé aux bagarres de gaulois dans Astérix (et l'illustration de couverture représentant une enluminure de ces 7 "Saints" me fait penser aux Dalton). En plus du contexte historique très intéressant en soi (les invasions au IXème siècle), toute la sève du récit réside dans le temps fort où nos sept missionnaires vont contre toute attente, et à l'insu de leur plein gré, réussir cette mission impossible. C’est là que j’ai trouvé l’histoire brillamment cynique, car ce n’est pas par leur piété ni leur passion que ces indécrottables pêcheurs convertiront les païens, mais plus ou moins involontairement par une série d’heureux hasards où chacun aura l’occasion de montrer sa principale qualité, pourtant considérée comme un pêché par l’Église. L’un est cupide et fort bon négociant (encore un pêché), un autre n’est que colère et les berserkers imposent le respect parmi ces guerriers ; un autre n’est que tristesse (c’est l’acédie en fait mais réduit au concept de tristesse pour une meilleure compréhension du public) et touchera ces âmes brutales de par sa musique, mode pupilles humides et dilatées façon Chat Botté dans Shrek ; un autre est un dépravé qui gagnera le faible sexe à sa cause ; le gourmand remplira les estomacs des gaillards grâce à ses connaissances gastronomiques, tandis que l’orgueilleux et l’envieux qui se suivent joueront un rôle dans la mécanique des péripéties. Ce sont de simples hommes qui parlent à d’autres hommes tout aussi normaux qu’eux. Égoïstes, petits, individualistes, bas, leur principal défaut condamné par l’Église se révélera finalement une aptitude qui sauvera leur peau. Et moi je trouve ça plutôt drôle comme message railleur. Le dessin de Luigi Critone est assez plaisant même si ce n’est pas ce vers quoi je me dirige en premier. Il est cependant bien à propos avec les trognes des moines qui concordent avec leur pêché respectif, leurs expressions faciales limites caricaturales sont un vrai régal lorsqu’ils se balancent des fions entre eux. Décalage intelligent par rapport au sérieux de l’Ordre ou des « fomoirés ». Un dessin sublimé par les couleurs de Lorenzo Pieri qui offre un véritable feu d’artifice et apporte gaieté et bonne humeur à ce codex qui n’en manque pourtant pas (même si c’est dramatique quand il le faut). Un vrai contraste par rapport à l’apparente austérité des syndiqués de la religion. « Qu’il est bon d’être apostat » pourrait être la morale de cette hasardeuse croisade.
Our Summer Holiday
Un manga très surprenant, mais qui m'a plu. Sans aller jusqu'à dire que c'est un chef-d’œuvre, il contient une bonne histoire, un dessin très correct, de bonnes scènes et des bons personnages, et surtout beaucoup de surprises. Le début fait penser à une romance basique, mais apporte ensuite des bonnes idées qui changent pas mal le point de vue des protagonistes. On est loin d'adolescents banals qui se rencontrent. L'histoire est rapide, mais le manga prend tout de même le temps et pose une ambiance, et c'est ce qui rend la lecture plaisante. L'histoire n'est pas étoffée mais n'en a pas besoin, c'est juste quelques jours qui changent deux jeunes personnes. Et personnellement, ça m'a suffit. Bref, un manga pas forcément indispensable, mais qui sait remplir toute son office. Ca m'a plu, j'ai beaucoup apprécié ma lecture et je l'ai déjà relu avec plaisir. Un petit morceau d'histoire bien sympathique. Lecture recommandée, si ce n'est l'achat.
L'Homme qui n'aimait pas les armes à feu
L’homme qui n’aimait pas les armes à feu n’est pas la série qui révolutionnera le western mais j’y ai trouvé ce que j’espérais… et même un peu plus. L’intrigue tient la route et fait montre d’originalité. Il y sera beaucoup question du deuxième amendement, ce qui justifie pleinement le titre de la série. L’humour est un des points forts du début de la série avec quelques personnages hauts en couleur. Cet humour se fait de moins en moins présent au fil des tomes mais sans jamais réellement disparaître. De western, il est bel et bien question même si nous sommes à la fin de la période mythique du far-West. Ici, les avocats et autres hommes de loi commencent à prendre le pas sur les cow-boys. Nous avons cependant droit à quelques personnages classiques du genre. Je pense donc que l’amateur de western classique risque dans un premier temps d’être un peu dérouté avant de retrouver ses marques. La narration est vive et l’action ne manque pas. Le trait dynamique et très expressif de Paul Salomone renforce encore le caractère mouvementé de ces aventures. Les personnages, hauts en couleur, sont très bien typés dans un style caricatural qui favorise les expressions de visage et donc l’humour. Personnellement, c’est un des westerns récents que j’ai eu le plus de plaisir à suivre. Je vous le recommande donc vivement.
Nuit Noire
Trois albums qui se lisent vite, car il n’y a finalement pas beaucoup de textes, de dialogues (mises à part les plaidoiries lors du procès), mais aussi parce que l’intrigue est vraiment bien fichue, qu’elle captive le lecteur. La série alterne les flash-back – qui nous expliquent la jeunesse des deux héros, leur rencontre, et comment ils en sont arrivés à la situation folle qui les happe dès le début du premier album – et une intrigue plus linéaire, essentiellement un road movie, sorte de fuite en avant vers nulle part. David Chauvel montre très bien, par petites touches, comment l’amitié qui lie Joey et Marc va amener ce dernier à poursuivre cette folle équipée, dont il va finalement être le seul à répondre (de manière muette) devant la justice. L’univers de banlieue, de famille qui se délitent, est lui aussi bien dépeint, expliquant la trajectoire des deux copains, dans un engrenage que certains appellent destin. C’est glauque, mais aussi vivifiant (l’amitié donnant de l’air à une ambiance très noire). C’est en tout cas un triptyque dont je vous recommande chaudement la lecture.
Le Travailleur de la nuit
J’ai énormément apprécié la lecture de cette biographie romancée d’un anarchiste à principes. Pour de multiples raisons. Tout d’abord, et pourvu qu’il y ait derrière leurs agissements une conscience politique, j’aime bien les anarchistes convaincus (anarchie et communisme partagent d’ailleurs à mes yeux un point commun, leur utopie et je trouve toujours touchants ces gens qui croient le miracle possible), surtout s’ils se montrent cohérents avec eux-mêmes. Par ailleurs, la vie d’Alexandre Jacob a été tout sauf un long fleuve tranquille. Il est même injuste de ne parler que d’une vie car ce personnage en a réellement vécu plusieurs. On n’a vraiment pas le temps de s’ennuyer devant l’évocation d’une existence aussi remplie de voyages, d’aventures et de prises de conscience. Ensuite, l’image qu’en donnent les auteurs en fait un véritable héros de roman. Une sorte de Robin des Bois, naïf et pragmatique à la fois, cultivé mais n’hésitant pas à tuer au besoin. Ce personnage développe pas mal de contradictions mais les auteurs privilégient ses bons côtés, son humour, sa conscience politique, son sens moral. On ne peut que s’attacher à l’homme et oublier le meurtrier qu’il était également. Le dessin, dans son style semi-réaliste, accentue le sentiment de légèreté de cette biographie. Le destin d’Alexandre Jacob n’a pourtant rien de drôle mais les auteurs ont opté tant au niveau de la narration que du dessin pour une forme de légèreté qui m’aura aidé à rentrer dans cette biographie. Je n’ai jamais eu le sentiment de lire une œuvre historique scolaire mais bien un récit d’aventure. Distrayant et instructif, ce sont là deux qualités que je recherche bien souvent dans mes lectures et cet album les réunit de fort belle manière. Franchement bien, par conséquent.
Fantaisies Solitaires
Ces « fantaisies » regroupent des histoires plus ou moins longues (parfois une simple page) parues initialement en magazines : essentiellement Pilote et Fluide glacial, que dirigeaient deux personnes ayant largement contribué à « lancer » le travail d’Alexis, à savoir Goscinny et Gotlib. Et avec lesquels il avait collaboré pour plusieurs albums. Ici les « fantaisies » sont « solitaires », Alexis se chargeant du dessin et des scénarios. Autant le dire tout de suite, je suis fan du dessin d’Alexis, qui use d’un Noir et Blanc classique – comme est classique (et excellent !) son trait. C’est d’ailleurs le décalage entre le classicisme du trait et le côté humour pince-sans-rire, absurde (très Monty Python) de certaines histoires qui renforce l’humour, souvent vers un noir loufoque – et non dénué de poésie. Mais le ton n’est pas toujours uniquement à l’humour dans ces histoires. En effet, plusieurs développent une intrigue, ou simplement une ambiance fantastique, étrange (comme « Vengeance » ou « La curiosité est un vilain défaut » par exemple). Mais là aussi, humour et poésie affleurent. En tout cas, c’est un recueil vraiment chouette, dont je vous recommande la lecture – comme beaucoup d’œuvres d’Alexis d’ailleurs !
Les Ignorants
Davodeau est un auteur à deux facettes – d’inégale valeur de mon point de vue : il publie des romans graphiques, et des documentaires généralement engagés. C’est la seconde catégorie que je préfère, et de loin (ses romans graphiques m’ayant le plus souvent déçu). Ici, le parti pris est assez simple, puisque Davodeau séjourne chez un ami viticulteur, en Anjou : celui-ci lui fera découvrir son travail (auquel il participera), tandis que Davodeau fera découvrir à son ami une liste (relativement éclectique) d’œuvres du neuvième art. Ceci étant accompagné de la rencontre de certains de ces auteurs (et pas des moindres, puisqu’entre autres Gibrat, Marc-Antoine Mathieu, Guibert). J’aurais bien aimé accompagner leurs pérégrinations (accompagnées de dégustations sympas le plus souvent), et en particulier discuter avec Marc-Antoine Mathieu ! La partie BD est intéressante – mais je suis moins néophyte que Richard Leroy, le viticulteur, et j’ai donc moins appris de choses. Même si le regard d’un béotien sur certaines œuvres est assez caustique parfois (et pas dénué de fraicheur), comme son incompréhension de l’engouement entourant le travail de Moebius, ou ses questionnements par rapport à l’intérêt de l’oubapo. Hélas, les amis de Davodeau étant généralement – comme lui – des « noms », l’aspect « métier précaire » du bédéiste est passé sous silence (alors que je pense qu’une grande partie des auteurs sont loin de gagner franchement leur vie avec leur travail – ou alors en acceptant certaines concessions (travaux alimentaires, publicitaires, etc). C’est d’autant plus dommage que Leroy ne cache pas, lui, les difficultés de son métier. C’est d’ailleurs cette partie qui m’a le plus captivé, puisque si je suis amateur de « bons vins », je n’ai aucune réelle culture dans ce domaine, et n’ai que des connaissances fragmentaires sur le processus qui mène le raisin à mon gosier. Là aussi toutefois, Davodeau n’éclaire qu’un aspect des choses, puisque Leroy est un viticulteur relativement atypique, car produisant en bio (mais en plus refusant d’afficher le label et pratiquant la culture biodynamique – tout en se questionnant à son propos). Deux « ignorants » qui découvrent certains aspects du métier de l’autre donc, mais qui sont curieux, et ne sont pas englués dans une pensée monolithique. Le dessin de Davodeau est simple, efficace (quelques visages difficiles à différencier parfois quand même), et le travail en Noir et Blanc (avec nuances de gris) rend l’ensemble agréable à lire. Une chouette réussite en tout cas !
Geisha ou Le jeu du shamisen
J'ai beaucoup apprécié la lecture de cette BD. Un univers en noir et blanc aux dessins sobres mais justes. Le fil de l'histoire se déroule tout en retenue et nous plonge dans le Japon des années 1920. On prend beaucoup de plaisir à suivre l'évolution de cette petite fille qui découvre le monde des geishas.
Les Petites Victoires
Les petites victoires est un récit autobiographique touchant dans lequel l’auteur a décidé de mettre en avant non une maladie mais la beauté de l’amour parental. Cet album ne traite donc pas tant de l’autisme que du plaisir ressenti par les acteurs lorsqu’ils parviennent à contourner l’obstacle. Ce sont ces fameuses petites victoires qui donnent son titre à l’album et qui procurent à celui-ci cette humanité rayonnante et ce positivisme qui font du bien. J’ai beaucoup aimé. Sans doute parce que le handicap et la différence sont des sujets qui font partie de mon quotidien. Toute la dimension « technique » m’a fortement intéressé tant elle reflète une évidence : à l’heure actuelle, nous ne savons pas encore grand-chose de l’autisme et de la manière dont on doit aborder les personnes qui en souffrent. Le fait que l’auteur de cet album soit Québécois m’a interpellé. Le Canada est réputé pour être un des sinon le pays le plus avancé en matière de traitement de l’autisme. Pourtant, Yvon Roy va souvent opter pour l’opposé de ce qui lui est préconisé. Avec des résultats étonnants et encourageants. Il ne condamne nullement ce qui est fait par le corps médical mais propose une autre approche. Et la combinaison des deux explique très certainement ces nombreuses petites victoires. La dimension humaine laisse difficilement insensible. L’auteur occulte volontairement les « petites défaites » inévitables face à ce genre de maladie, ce qui donne au final un récit d’un positivisme revigorant. C’est touchant et drôle à la fois. Jamais larmoyant, bien au contraire ! Enfin, le dessin dans ce style dépouillé, très direct, casse les barrières entre le lecteur et le narrateur. Le trait s’efface au profit de l’histoire. A la limite, on ne se rend même plus compte qu’il s’agit de simples dessins tant nous sommes avec les personnages, tant nous partageons leurs sentiments. Et en partageant leurs « petites victoires » on ne peut que se sentir mieux, notre subconscient considérant celles-ci un peu comme si elles étaient nôtres. Non, franchement, c’est un bel album.