La version de Disney – que tout le monde a sans doute en tête (et qui n’est clairement pas la pire adaptation réalisée par ces studios) a été en grande partie recouverte dans mon esprit après que j'aie eu l'occasion de lire cette série de Loisel, au fur et à mesure de la sortie des albums, il y a maintenant pas mal de temps. On a là une version un peu plus « adulte », en tout cas une belle réussite.
J’ai bien aimé cette histoire, dans laquelle certains aspects plutôt « gentils », à la limite parfois de la mièvrerie (mais sans jamais l’atteindre) sont contrebalancés par d’autres plus durs (tous les passages sordides dans le Londres de Jack l’Eventreur, les relations entre Peter et sa mère, la mort de Rose, etc.).
Le personnage du capitaine des pirates – et ses échanges avec Mouche ou ses relations avec le crocodile ajoutent une touche d’humour : c’est un faux dur assez réussi.
Je regrette juste quelques longueurs, quelques passages inutiles ou trop dilués, entre les gamins et les nouveaux amis de Peter sur l’île. Loisel aurait sans doute gagné à raccourcir d’un tome l’ensemble.
Quant au dessin de Loisel, il est lui aussi réussi, avec une colorisation un peu datée (proche de celle de La Quête de l'Oiseau du Temps).
C’est une série que j’ai plaisir à relire.
Dans le futur, les hommes, ayant rendu la Terre invivable, s’entassent dans une gigantesque station spatiale. Cette mini-société est entièrement dirigée par une entreprise qui fournit à ses employés travail, loisir et information. Elle a remplacé la religion par le culte exacerbé de la consommation de masse afin de contrôler les foules tout en promettant un avenir aux hommes en terra formant un satellite de Saturne.
L’univers de Shangri-La est extrêmement riche tant il regorge de thématiques propres à la SF (voyage dans le temps, manipulations génétiques, colonisation spatiale) et de sujets contemporains (toute puissance de la société de consommation, stigmatisation des minorités, écologie, terrorisme). Ça fonctionne plutôt bien, d’autant que le scénario est dense et accrocheur en dépit de quelques longueurs. Il faut dire que l’auteur a choisi de développer sans contrainte son univers dystopique dans cet album plus que volumineux (220 pages).
Graphiquement, c’est assez impressionnant… bien qu’inégal. Les environnements sont magnifiques et Mathieu Bablet fait preuve, comme pour son scénario, de beaucoup de créativité. Par contre, les personnages sont plutôt moches, peu reconnaissables et à l’expression figée et un peu grimaçante. Les scènes d’action sont elles aussi moins réussies mais ces défauts n’entachent pas la puissance du récit et du visuel général.
Shangri-La est incontestablement une réussite dans l’univers de la science-fiction. Original, dense et passionnant, cet album est assurément à découvrir rapidement.
L'auteur se livre sur son adolescence et cette période où (certains le disent) tout se joue.
Dans son cas sa rencontre avec la montagne et son apprentissage exigeant lui permettent de surmonter ses douleurs intimes. Une BD profonde et indispensable à tous les amoureux de la montagne.
Jens Harder est un habitué des projets atypiques, pour lesquels il mène un long travail de recherche, et qui l’amènent à traiter d’une période ancienne (voir "Alpha… directions"). Une nouvelle fois Actes Sud recueille le fruit de son travail.
Même si ce n’est pas absolument nécessaire, je vous recommande de commencer par la fin, c’est-à-dire l’important (dans tous les sens du terme) dossier de fin de volume. En plus d’une iconographie très riche, d’un lexique et d’un index des noms cités, Jens Harder y explique comment lui est venu l’idée de traiter de ce sujet, ses questionnements, et les réflexions que son travail a entrainées. Très riche, instructif, et intéressant !
L’épopée de Gilgamesh est un texte fondateur et, par-delà ses qualités « littéraires », c’est aussi une mine de renseignements sur la pensée des peuples mésopotamiens d’il y a quelques millénaires.
Jens Harder a pris le parti dans son traitement graphique, de coller au maximum au niveau du rendu à ce que l’on peut voir sur les sculptures, fresques que nous connaissons de cette époque (vues au Louvre par exemple), en particulier en représentant la plupart du temps les personnages de profil, avec un rendu proche de la sculpture : c’est vraiment original et très réussi !
Pour ce qui est de « l’histoire » en elle-même, il suit celle que les études des 12 tablettes aujourd’hui découvertes et analysées nous ont livrée (il signale juste par des pointillés lorsque le texte est lacunaire) : mais la narration ne souffre pas de cette volonté d’être fidèle à un texte assez éloigné de prime abord des canons narratifs contemporains.
Toujours est-il que les aventures du roi Gilgamesh et de son compagnon Enkidu, au milieu des dieux et des hommes, avec un Gilgamesh qui pourrait prétendre – bien avant Héraclès ! – à être le premier super-héros, se laissent lire très agréablement. Il faut juste être réceptif à ce genre de texte – mais c’est mon cas. Et je trouve que le traitement de Harder est très adapté au sujet, en ne sacrifiant pas le texte et son cheminement à une réécriture artificielle. Harder garde bien la naïveté, et la force du texte d’origine, ses « adaptations » se faisant de manière très discrète. C’est en tout cas une belle transcription de ce grand texte en BD !
C’est par sa collaboration avec Bourgeon sur la superbe série Le Cycle de Cyann que j’avais découvert le nom de Lacroix (sans trop savoir à l'époque reconnaître sa part dans ce travail collectif).
Je m’étais donc ensuite plongé dans l’œuvre du bonhomme, et c’est par cette série que je découvre son travail.
Eh bien, force m’est de reconnaître que c’est vraiment chouette et original ! Certes, c'est très marqué par une époque (fin des années 1970 dans Pilote), mais il y a là un univers assez personnel.
Le personnage principal – coiffé d’un chapeau donc – n’est pas des plus agréables, c'est le moins que l'on puisse dire. Il ronchonne, râle, proteste, critique, avec un cynisme, une mauvaise foi et un sale caractère assumés. Les petites phrases qui accompagnent le titre de ces histoires courtes – jouant sur la notion du « pire » - ajoutent du négatif à l’ambiance déjà plombée par le triste bonhomme. Ce type a quelques accointances avec le Julius de MAM.
Les histoires sont assez courtes donc, et développent une ambiance souvent loufoque, parfois totalement absurde, avec un peu d’humour noir. C’est assez inclassable, mais j’ai bien aimé ces petits délires, qui partent d’observations du quotidien (plus ou moins distordu ensuite, avec quelques touches surréalistes). Quant au dessin de Lacroix, il est simple et efficace, s’affranchit généralement des décors.
Une série clairement recommandable.
C’est le deuxième opus réalisé par Dutreix pour l’éditeur galeriste nancéen La Parenthèse, dans sa série de petits albums parodiques. C’est peut-être le plus réussi des cinq albums déjà parus. C’est peut-être aussi celui dans lequel Dutreix réussit le mieux à s’affranchir de la contrainte du petit nombre de cases pour développer un semblant d’histoire.
Le principe de l’histoire est assez simple. Michel Rabagliati est désespéré, son « Paul » n’est pas disponible pour de nouvelles aventures. Et l’agence contactée pour lui trouver un remplaçant lui envoie un « Paul » quelque peu différent de l’original, puisque c’est un gros costaud, adepte du coup de poing et du dézingage (à coup de tronçonneuse, de fusil mitrailleur, etc).
Bref, là où le « Paul » original naviguait pépère, c’est une sorte de Rambo/Schwarzenegger survitaminé, plus héros de blockbuster que de roman graphique intimiste et donnant peu dans la psychologie qui le remplace, ceci donnant lieu à quelques scènes plutôt marrantes, les autres protagonistes ayant du mal à se mettre au diapason de ce nouveau « Paul ».
Un petit album pas forcément facile à trouver (le tirage de 500 exemplaires est depuis longtemps épuisé), mais qui vaut le détour.
Note réelle 3,5/5.
Adapté librement de son propre livre "Vue imprenable sur la folie du monde" qu'il scénarise sur des dessins de Franck Biancarelli, Grand Est porte un regard avisé sur une région française bien souvent écartée des projecteurs : la Lorraine et par extension le Grand Est comme il est de coutume de l'appeler depuis quelques années.
Nul n'est besoin de connaître le remarquable travail d'investigations de Denis Robert pour en savourer les contours, cette région pourrait tout aussi bien être une autre et servir de porte étendard aux maux économiques actuels de notre société.
Oui mais voilà, cette région c'est la mienne. Celle dans laquelle je vis depuis presque 50 ans et dans laquelle je finirais également probablement mes jours. Celle de mon quotidien, de mes espoirs et une région qui porte peu d'attractivité pour qui n'y serait pas né. Car la Lorraine ce n'est pas que de la grisaille mais surtout une formidable terre d'accueil et d'espoirs pour tous les horizons qui s'est rapidement ternie au cours des années 70 avec la fermeture de grands sites sidérurgiques.
Denis Robert ne porte pas d'orientation politique à ses souvenirs qu'il nous fait vivre sous la forme d'un Road Movie avec son plus jeune fils. L'occasion idéale pour emmener le lecteur d'Alsace en Moselle sans oublier les Vosges pour croiser des gens simples mais riches de souvenirs.
Le gosse constitue la part d'innocence, lui ne se préoccupe que de savoir si tel héros Marvel est plus fort que tel héros Marvel. Il représente le présent et le futur de la région dans toute l'insouciance innocente d'un gamin d'une dizaine d'années peut avoir. Denis Robert se joue de métaphores sur des lieux touristiques ou des faits divers et sociaux en rappelant à quel point le monde actuel est malade. Le tout pourrait paraitre rébarbatif à la longue mais la mise en scène de Biancarelli est juste et agréable à l'oeil, reproduisant l'environnement si caractéristique de cette région et par une colorisation bichromique toujours alerte.
Ce livre est immense, le récit est beau et passionnant. Revisiter tout un pan de ma vie en ces quelques pages est un exercice difficile et aurait pu rapidement basculer dans la facilité et le redondant. Il n'en est rien. Ceci est un simple constat de la vie qui passe dans une région qui a beaucoup morflé et cherche toujours à se relever.
Indispensable à mes yeux en espérant que Grand Est le soit également pour vous, lecteurs de tous horizons.
Par une amusante combinaison des récits de E.P. Jacobs et des romans de Gaston Leroux, Docteur Radar est un immense hommage aux vieilles séries radiophoniques dont Simsolo s'est fortement inspiré pour donner vie à cette course poursuite sans fin entre le machiavélique Docteur Radar et une équipe de dilettantes aventuriers.
Le principal intérêt tient en deux mots : le rythme soutenu de ces aventures essentiellement nocturnes d'une part et le dessin de Frédéric Bézian d'autre part. Qu'il s'agisse du choix de couleurs restreint mais de toute beauté ou des cadrages ambitieux, le lecteur peine à s'attarder sur le charme rétro des dessins ou l'envie de poursuivre et de tourner à vive allure les pages afin d'en connaître le prochain rebondissement.
Il s'agit donc d'une grande réussite à 4 mains pour un titre qui ne révolutionnera pas le monde de la Bande Dessinée mais dont il serait difficile de s'en passer tant le plaisir est instantané pour les yeux comme le dépaysement.
Foerster a produit beaucoup d’albums mêlant Fantastique et humour chez Fluide Glacial, et a déjà participé (aux dessins seulement) à un western, avec Chiens de prairie. Avec cet album, on est clairement à la frontière de tous ces univers, et Foerster réussit plutôt bien son coup.
Le décor – que ce soit pour les grands espaces, le vent balayant les buissons, ou pour les décors plus « proches « (saloon, rue flanquée de deux rangées de baraques au milieu de rien du tout) – use de pas mal du clichés du genre western.
Mais Foerster va pervertir quelque peu le schéma classique.
D’abord en introduisant une héroïne plus qu’atypique ! Une gamine d’une douzaine d’années, courageuse et fière, se prétendant fille de Billy le Kid, qui descend sans frémir ceux qui se mettent sur sa route.
Ensuite en introduisant son fantastique habituel – dont il n’abuse pas trop (heureusement je pense, pour ne pas rompre l’équilibre, car l’histoire de base autour de la fille du Kid pouvait suffire à construire une histoire intéressante). Foerster arrive à retomber sur ses pattes, et la chute est amusante.
Pour le reste, comme souvent chez Foerster, les personnages sont élancés, le réalisme n’est pas toujours au rendez-vous. En tout cas j’aime bien son dessin, et la colorisation de l’album, assez tranchée. C’est d’ailleurs l’album dans son ensemble que j’ai apprécié. Foerster est un auteur qui de toute façon m’a rarement déçu.
Note réelle 3,5/5.
Cela fait un moment que je n'avais pas été autant emballé par une BD, voilà une lecture qui fait vraiment plaisir ! C'est simple, il y a tout dans cette BD. Un dessin en tout point excellent, des cadrages dynamiques au possible, un scénario aux petits oignons, des touches d'humour, de l'action juste ce qu'il faut, un personnage principal énigmatique qui est une merveille d'originalité à lui tout seul.
Imaginez donc, le meilleur réparateur d'aspirateur de sa firme, installé dans cette ville paumée d'Arizona. Employé modèle, prêt à tout pour satisfaire les exigences de son boss, jamais un mot plus haut que l'autre... Bon normal notre bonhomme est muet :-)
Sauf que ce portrait est une façade derrière laquelle se cache un ancien homme de main de la mafia mexicaine qui n'a pas trouvé mieux comme couverture. Autant dire qu'il est hautement recherché par ses anciens collègues. Et quand 2 d'entre eux vont croiser sa route, cela va faire quelques étincelles.
Clairement j'avais l'impression de lire du très bon Tarantino. Un polar à tendance loufoque, des enchainements de scènes aux rebondissements aussi improbable que bien vu. Quelques personnages secondaires truculents pour venir compléter le décor. Une juste dose d'action, des dialogues excellentissimes qui amènent par moment une touche d'humour décalé. Un découpage efficace de l'histoire, quelques excellentes fausses pubs viennent se glisser aussi ça et là dans l'album... Bref, j'ai beau cherché je ne vois pas un défaut à cet album.
Bravo monsieur Pétrimaux pour cet univers génial, j'applaudis des deux mains et j'attend la suite avec impatience.
En France, les livres sont au même prix partout. C'est la loi !
Avec BDfugue, vous payez donc le même prix qu'avec les géants de la vente en ligne mais pour un meilleur service :
des promotions et des goodies en permanence
des réceptions en super état grâce à des cartons super robustes
une équipe joignable en cas de besoin
2. C'est plus avantageux pour nous
Si BDthèque est gratuit, il a un coût.
Pour financer le service et le faire évoluer, nous dépendons notamment des achats que vous effectuez depuis le site. En effet, à chaque fois que vous commencez vos achats depuis BDthèque, nous touchons une commission. Or, BDfugue est plus généreux que les géants de la vente en ligne !
3. C'est plus avantageux pour votre communauté
En choisissant BDfugue plutôt que de grandes plateformes de vente en ligne, vous faites la promotion du commerce local, spécialisé, éthique et indépendant.
Meilleur pour les emplois, meilleur pour les impôts, la librairie indépendante promeut l'émergence des nouvelles séries et donc nos futurs coups de cœur.
Chaque commande effectuée génère aussi un don à l'association Enfance & Partage qui défend et protège les enfants maltraités. Plus d'informations sur bdfugue.com
Pourquoi Cultura ?
Indépendante depuis sa création en 1998, Cultura se donne pour mission de faire vivre et aimer la culture.
La création de Cultura repose sur une vision de la culture, accessible et contributive. Nous avons ainsi considéré depuis toujours notre responsabilité sociétale, et par conviction, développé les pratiques durables et sociales. C’est maintenant au sein de notre stratégie de création de valeur et en accord avec les Objectifs de Développement Durable que nous déployons nos actions. Nous traitons avec lucidité l’impact de nos activités, avec une vision de long terme. Mais agir en responsabilité implique d’aller bien plus loin, en contribuant positivement à trois grands enjeux de développement durable.
Nos enjeux environnementaux
Nous sommes résolument engagés dans la réduction de notre empreinte carbone, pour prendre notre part dans la lutte contre le réchauffement climatique et la préservation de la planète.
Nos enjeux culturels et sociétaux
La mission de Cultura est de faire vivre et aimer la culture. Pour cela, nous souhaitons stimuler la diversité des pratiques culturelles, sources d’éveil et d’émancipation.
Nos enjeux sociaux
Nous accordons une attention particulière au bien-être de nos collaborateurs à la diversité, l’inclusion et l’égalité des chances, mais aussi à leur épanouissement, en encourageant l’expression des talents artistiques.
Votre vote
Peter Pan
La version de Disney – que tout le monde a sans doute en tête (et qui n’est clairement pas la pire adaptation réalisée par ces studios) a été en grande partie recouverte dans mon esprit après que j'aie eu l'occasion de lire cette série de Loisel, au fur et à mesure de la sortie des albums, il y a maintenant pas mal de temps. On a là une version un peu plus « adulte », en tout cas une belle réussite. J’ai bien aimé cette histoire, dans laquelle certains aspects plutôt « gentils », à la limite parfois de la mièvrerie (mais sans jamais l’atteindre) sont contrebalancés par d’autres plus durs (tous les passages sordides dans le Londres de Jack l’Eventreur, les relations entre Peter et sa mère, la mort de Rose, etc.). Le personnage du capitaine des pirates – et ses échanges avec Mouche ou ses relations avec le crocodile ajoutent une touche d’humour : c’est un faux dur assez réussi. Je regrette juste quelques longueurs, quelques passages inutiles ou trop dilués, entre les gamins et les nouveaux amis de Peter sur l’île. Loisel aurait sans doute gagné à raccourcir d’un tome l’ensemble. Quant au dessin de Loisel, il est lui aussi réussi, avec une colorisation un peu datée (proche de celle de La Quête de l'Oiseau du Temps). C’est une série que j’ai plaisir à relire.
Shangri-La
Dans le futur, les hommes, ayant rendu la Terre invivable, s’entassent dans une gigantesque station spatiale. Cette mini-société est entièrement dirigée par une entreprise qui fournit à ses employés travail, loisir et information. Elle a remplacé la religion par le culte exacerbé de la consommation de masse afin de contrôler les foules tout en promettant un avenir aux hommes en terra formant un satellite de Saturne. L’univers de Shangri-La est extrêmement riche tant il regorge de thématiques propres à la SF (voyage dans le temps, manipulations génétiques, colonisation spatiale) et de sujets contemporains (toute puissance de la société de consommation, stigmatisation des minorités, écologie, terrorisme). Ça fonctionne plutôt bien, d’autant que le scénario est dense et accrocheur en dépit de quelques longueurs. Il faut dire que l’auteur a choisi de développer sans contrainte son univers dystopique dans cet album plus que volumineux (220 pages). Graphiquement, c’est assez impressionnant… bien qu’inégal. Les environnements sont magnifiques et Mathieu Bablet fait preuve, comme pour son scénario, de beaucoup de créativité. Par contre, les personnages sont plutôt moches, peu reconnaissables et à l’expression figée et un peu grimaçante. Les scènes d’action sont elles aussi moins réussies mais ces défauts n’entachent pas la puissance du récit et du visuel général. Shangri-La est incontestablement une réussite dans l’univers de la science-fiction. Original, dense et passionnant, cet album est assurément à découvrir rapidement.
Ailefroide - Altitude 3954
L'auteur se livre sur son adolescence et cette période où (certains le disent) tout se joue. Dans son cas sa rencontre avec la montagne et son apprentissage exigeant lui permettent de surmonter ses douleurs intimes. Une BD profonde et indispensable à tous les amoureux de la montagne.
Gilgamesh (Harder)
Jens Harder est un habitué des projets atypiques, pour lesquels il mène un long travail de recherche, et qui l’amènent à traiter d’une période ancienne (voir "Alpha… directions"). Une nouvelle fois Actes Sud recueille le fruit de son travail. Même si ce n’est pas absolument nécessaire, je vous recommande de commencer par la fin, c’est-à-dire l’important (dans tous les sens du terme) dossier de fin de volume. En plus d’une iconographie très riche, d’un lexique et d’un index des noms cités, Jens Harder y explique comment lui est venu l’idée de traiter de ce sujet, ses questionnements, et les réflexions que son travail a entrainées. Très riche, instructif, et intéressant ! L’épopée de Gilgamesh est un texte fondateur et, par-delà ses qualités « littéraires », c’est aussi une mine de renseignements sur la pensée des peuples mésopotamiens d’il y a quelques millénaires. Jens Harder a pris le parti dans son traitement graphique, de coller au maximum au niveau du rendu à ce que l’on peut voir sur les sculptures, fresques que nous connaissons de cette époque (vues au Louvre par exemple), en particulier en représentant la plupart du temps les personnages de profil, avec un rendu proche de la sculpture : c’est vraiment original et très réussi ! Pour ce qui est de « l’histoire » en elle-même, il suit celle que les études des 12 tablettes aujourd’hui découvertes et analysées nous ont livrée (il signale juste par des pointillés lorsque le texte est lacunaire) : mais la narration ne souffre pas de cette volonté d’être fidèle à un texte assez éloigné de prime abord des canons narratifs contemporains. Toujours est-il que les aventures du roi Gilgamesh et de son compagnon Enkidu, au milieu des dieux et des hommes, avec un Gilgamesh qui pourrait prétendre – bien avant Héraclès ! – à être le premier super-héros, se laissent lire très agréablement. Il faut juste être réceptif à ce genre de texte – mais c’est mon cas. Et je trouve que le traitement de Harder est très adapté au sujet, en ne sacrifiant pas le texte et son cheminement à une réécriture artificielle. Harder garde bien la naïveté, et la force du texte d’origine, ses « adaptations » se faisant de manière très discrète. C’est en tout cas une belle transcription de ce grand texte en BD !
L'Homme au chapeau mou
C’est par sa collaboration avec Bourgeon sur la superbe série Le Cycle de Cyann que j’avais découvert le nom de Lacroix (sans trop savoir à l'époque reconnaître sa part dans ce travail collectif). Je m’étais donc ensuite plongé dans l’œuvre du bonhomme, et c’est par cette série que je découvre son travail. Eh bien, force m’est de reconnaître que c’est vraiment chouette et original ! Certes, c'est très marqué par une époque (fin des années 1970 dans Pilote), mais il y a là un univers assez personnel. Le personnage principal – coiffé d’un chapeau donc – n’est pas des plus agréables, c'est le moins que l'on puisse dire. Il ronchonne, râle, proteste, critique, avec un cynisme, une mauvaise foi et un sale caractère assumés. Les petites phrases qui accompagnent le titre de ces histoires courtes – jouant sur la notion du « pire » - ajoutent du négatif à l’ambiance déjà plombée par le triste bonhomme. Ce type a quelques accointances avec le Julius de MAM. Les histoires sont assez courtes donc, et développent une ambiance souvent loufoque, parfois totalement absurde, avec un peu d’humour noir. C’est assez inclassable, mais j’ai bien aimé ces petits délires, qui partent d’observations du quotidien (plus ou moins distordu ensuite, avec quelques touches surréalistes). Quant au dessin de Lacroix, il est simple et efficace, s’affranchit généralement des décors. Une série clairement recommandable.
Paul a un empêchement
C’est le deuxième opus réalisé par Dutreix pour l’éditeur galeriste nancéen La Parenthèse, dans sa série de petits albums parodiques. C’est peut-être le plus réussi des cinq albums déjà parus. C’est peut-être aussi celui dans lequel Dutreix réussit le mieux à s’affranchir de la contrainte du petit nombre de cases pour développer un semblant d’histoire. Le principe de l’histoire est assez simple. Michel Rabagliati est désespéré, son « Paul » n’est pas disponible pour de nouvelles aventures. Et l’agence contactée pour lui trouver un remplaçant lui envoie un « Paul » quelque peu différent de l’original, puisque c’est un gros costaud, adepte du coup de poing et du dézingage (à coup de tronçonneuse, de fusil mitrailleur, etc). Bref, là où le « Paul » original naviguait pépère, c’est une sorte de Rambo/Schwarzenegger survitaminé, plus héros de blockbuster que de roman graphique intimiste et donnant peu dans la psychologie qui le remplace, ceci donnant lieu à quelques scènes plutôt marrantes, les autres protagonistes ayant du mal à se mettre au diapason de ce nouveau « Paul ». Un petit album pas forcément facile à trouver (le tirage de 500 exemplaires est depuis longtemps épuisé), mais qui vaut le détour. Note réelle 3,5/5.
Grand Est
Adapté librement de son propre livre "Vue imprenable sur la folie du monde" qu'il scénarise sur des dessins de Franck Biancarelli, Grand Est porte un regard avisé sur une région française bien souvent écartée des projecteurs : la Lorraine et par extension le Grand Est comme il est de coutume de l'appeler depuis quelques années. Nul n'est besoin de connaître le remarquable travail d'investigations de Denis Robert pour en savourer les contours, cette région pourrait tout aussi bien être une autre et servir de porte étendard aux maux économiques actuels de notre société. Oui mais voilà, cette région c'est la mienne. Celle dans laquelle je vis depuis presque 50 ans et dans laquelle je finirais également probablement mes jours. Celle de mon quotidien, de mes espoirs et une région qui porte peu d'attractivité pour qui n'y serait pas né. Car la Lorraine ce n'est pas que de la grisaille mais surtout une formidable terre d'accueil et d'espoirs pour tous les horizons qui s'est rapidement ternie au cours des années 70 avec la fermeture de grands sites sidérurgiques. Denis Robert ne porte pas d'orientation politique à ses souvenirs qu'il nous fait vivre sous la forme d'un Road Movie avec son plus jeune fils. L'occasion idéale pour emmener le lecteur d'Alsace en Moselle sans oublier les Vosges pour croiser des gens simples mais riches de souvenirs. Le gosse constitue la part d'innocence, lui ne se préoccupe que de savoir si tel héros Marvel est plus fort que tel héros Marvel. Il représente le présent et le futur de la région dans toute l'insouciance innocente d'un gamin d'une dizaine d'années peut avoir. Denis Robert se joue de métaphores sur des lieux touristiques ou des faits divers et sociaux en rappelant à quel point le monde actuel est malade. Le tout pourrait paraitre rébarbatif à la longue mais la mise en scène de Biancarelli est juste et agréable à l'oeil, reproduisant l'environnement si caractéristique de cette région et par une colorisation bichromique toujours alerte. Ce livre est immense, le récit est beau et passionnant. Revisiter tout un pan de ma vie en ces quelques pages est un exercice difficile et aurait pu rapidement basculer dans la facilité et le redondant. Il n'en est rien. Ceci est un simple constat de la vie qui passe dans une région qui a beaucoup morflé et cherche toujours à se relever. Indispensable à mes yeux en espérant que Grand Est le soit également pour vous, lecteurs de tous horizons.
Docteur Radar
Par une amusante combinaison des récits de E.P. Jacobs et des romans de Gaston Leroux, Docteur Radar est un immense hommage aux vieilles séries radiophoniques dont Simsolo s'est fortement inspiré pour donner vie à cette course poursuite sans fin entre le machiavélique Docteur Radar et une équipe de dilettantes aventuriers. Le principal intérêt tient en deux mots : le rythme soutenu de ces aventures essentiellement nocturnes d'une part et le dessin de Frédéric Bézian d'autre part. Qu'il s'agisse du choix de couleurs restreint mais de toute beauté ou des cadrages ambitieux, le lecteur peine à s'attarder sur le charme rétro des dessins ou l'envie de poursuivre et de tourner à vive allure les pages afin d'en connaître le prochain rebondissement. Il s'agit donc d'une grande réussite à 4 mains pour un titre qui ne révolutionnera pas le monde de la Bande Dessinée mais dont il serait difficile de s'en passer tant le plaisir est instantané pour les yeux comme le dépaysement.
La Frontière
Foerster a produit beaucoup d’albums mêlant Fantastique et humour chez Fluide Glacial, et a déjà participé (aux dessins seulement) à un western, avec Chiens de prairie. Avec cet album, on est clairement à la frontière de tous ces univers, et Foerster réussit plutôt bien son coup. Le décor – que ce soit pour les grands espaces, le vent balayant les buissons, ou pour les décors plus « proches « (saloon, rue flanquée de deux rangées de baraques au milieu de rien du tout) – use de pas mal du clichés du genre western. Mais Foerster va pervertir quelque peu le schéma classique. D’abord en introduisant une héroïne plus qu’atypique ! Une gamine d’une douzaine d’années, courageuse et fière, se prétendant fille de Billy le Kid, qui descend sans frémir ceux qui se mettent sur sa route. Ensuite en introduisant son fantastique habituel – dont il n’abuse pas trop (heureusement je pense, pour ne pas rompre l’équilibre, car l’histoire de base autour de la fille du Kid pouvait suffire à construire une histoire intéressante). Foerster arrive à retomber sur ses pattes, et la chute est amusante. Pour le reste, comme souvent chez Foerster, les personnages sont élancés, le réalisme n’est pas toujours au rendez-vous. En tout cas j’aime bien son dessin, et la colorisation de l’album, assez tranchée. C’est d’ailleurs l’album dans son ensemble que j’ai apprécié. Foerster est un auteur qui de toute façon m’a rarement déçu. Note réelle 3,5/5.
Il faut flinguer Ramirez
Cela fait un moment que je n'avais pas été autant emballé par une BD, voilà une lecture qui fait vraiment plaisir ! C'est simple, il y a tout dans cette BD. Un dessin en tout point excellent, des cadrages dynamiques au possible, un scénario aux petits oignons, des touches d'humour, de l'action juste ce qu'il faut, un personnage principal énigmatique qui est une merveille d'originalité à lui tout seul. Imaginez donc, le meilleur réparateur d'aspirateur de sa firme, installé dans cette ville paumée d'Arizona. Employé modèle, prêt à tout pour satisfaire les exigences de son boss, jamais un mot plus haut que l'autre... Bon normal notre bonhomme est muet :-) Sauf que ce portrait est une façade derrière laquelle se cache un ancien homme de main de la mafia mexicaine qui n'a pas trouvé mieux comme couverture. Autant dire qu'il est hautement recherché par ses anciens collègues. Et quand 2 d'entre eux vont croiser sa route, cela va faire quelques étincelles. Clairement j'avais l'impression de lire du très bon Tarantino. Un polar à tendance loufoque, des enchainements de scènes aux rebondissements aussi improbable que bien vu. Quelques personnages secondaires truculents pour venir compléter le décor. Une juste dose d'action, des dialogues excellentissimes qui amènent par moment une touche d'humour décalé. Un découpage efficace de l'histoire, quelques excellentes fausses pubs viennent se glisser aussi ça et là dans l'album... Bref, j'ai beau cherché je ne vois pas un défaut à cet album. Bravo monsieur Pétrimaux pour cet univers génial, j'applaudis des deux mains et j'attend la suite avec impatience.