Avec ses trois galions abordant un rivage boisé, la couverture, dans des tons bleus et verts, constitue une véritable invitation au voyage, à la fois géographique et historique, à une époque où le Nouveau continent, encore peu exploré, recelait une infinité de promesses, où les océans inspiraient une fascination mêlée de terreur. L’histoire débute dans l’Angleterre des Tudor, où Jacques Le Moyne s’est réfugié avec son épouse et ses filles. Le cartographe de l’expédition française en Floride, qui eut lieu dix ans plus tôt, s’était depuis longtemps converti au protestantisme. A son retour, il avait alors décidé de fuir le climat délétère qui s’était emparé de la France, où la rivalité entre Catholiques et Huguenots n’avait de cesse de s’exacerber. Nous sommes en 1572, le massacre de la Saint-Barthélémy vient tout juste d’ensanglanter Paris et menace de s’étendre à tout le royaume. L’événement aura tôt fait de réveiller les fantômes de Le Moyne, qui depuis son aventure dans le Nouveau monde, l’accablaient d’une mélancolie sombre et incurable.
Au fur et à mesure de la narration, on va comprendre l’origine des tourments que dissimule cet homme derrière son masque de mutisme, laissant son épouse désemparée. On apprendra que l’expédition en Floride s’est achevée dans un bain de sang barbare, imprimant en son âme une cicatrice au fer rouge. D’un point de vue plus global, on réalise que les enjeux dans cette Amérique « vierge » étaient autant liés à la conquête de territoires qu’à la conquête des esprits. En cela, les guerres européennes de religion s’étaient déplacées sur le sol américain, et l’Espagne catholique, qui avait pris une certaine avance dans son projet colonisateur, s’en donnait à cœur joie pour extirper, par le fer et le feu, le poison protestant de sa zone d’influence en constante expansion. Et tant pis si ces terres étaient déjà peuplées par les Indiens, qui étaient ramenés sans états d’âme au statut de créatures sauvages ou de sous-hommes, selon les circonstances… Les Huguenots français, menés par Jean Ribault pour y implanter une colonie loin des tensions qui déchiraient leur pays, en tireront une bien amère expérience, tout au moins les rares survivants tels que Jacques Le Moyne.
Si Jean Dytar a choisi ce personnage secondaire pour évoquer un fait historique aussi tragique, ce n’est guère par hasard. Cartographe avant d’être explorateur, Le Moyne était d’abord un artiste, d’une sensibilité à fleur de peau et tout comme Dytar, illustrateur (il aimait également dessiner la faune et la flore). Enrôlé presque contre son gré, il fut entraîné dans un projet qui le dépassa et où il faillit laisser sa peau, traumatisé à jamais. Témoin narrateur de cette épopée, il fait ressortir la bêtise et la cruauté du genre humain dans ce qu’elles peuvent avoir de plus révoltant. Dytar n’a pas son pareil pour explorer les tourments de l’âme humaine, en jouant avec émotion sur l’expressivité des visages et des postures. De plus, l’affinité d’activité permet à l’auteur d’imprimer à son œuvre une tonalité graphique pertinente. Pour chaque changement de contexte, c’est un code couleur différent qui est utilisé, assorti de trouvailles visuelles sobres et délicates. Sa technique se rapproche beaucoup de la peinture, lui qui publia il y a quatre ans « La Vision de Bacchus », un hommage à à la Renaissance vénitienne. Contours estompés par l’aquarelle, clair-obscur, naturalisme, cubisme… il sait adapter son style en fonction du sujet.
« Florida » est donc une bande dessinée fortement recommandée. On prend beaucoup de plaisir à s’y plonger, tant pour la qualité du dessin que pour l’intérêt historique. Une autre bonne idée fut d’insérer vers la fin du récit les gravures de Jacques Le Moyne, dont on pense qu’elles ont été reproduites de mémoire par l’éditeur liégeois Théodore de Bry, la plupart des dessins du Français ayant été détruits par les Espagnols. Auteur complet, Jean Dytar maîtrise également sa narration et à travers son sujet, exprime son humanisme et son goût pour les choses de l’esprit, notamment dans le champ philosophico-religieux. Voilà donc une bien belle BD pour l’été !
J’ai connu le nom de Kurtzman par le biais de Goscinny, qui a toujours reconnu la dette qu’il avait envers lui, et qui a été son ami lorsqu’ils se sont connus aux Etats-Unis. Pilote doit beaucoup à ce qu’a fait Kurtzman avec Mad. Gotlib est aussi un auteur qui a beaucoup dit son admiration pour cet auteur américain adepte d’un humour décalé qui ne pouvait que lui plaire.
On comprend pourquoi les premiers Fluide Glacial ont publié des gags de Kurtzman, et pourquoi celui-ci a eu les honneurs d’une des premières publications des éditions Audie, avec cet album donc, qui reprend des histoires courtes et strips publiés initialement dans de petits magazines à la fin des années 1940. Une première réédition avait existé aux USA avec une préface/déclaration d’amour/hommage de Crumb, ici reprise.
Si je peux déplorer quelque retenue dans l’humour – époque oblige ! – le travail de Kurtzman est étonnamment moderne pour des bandes ayant près de 80 ans. On voit déjà bien le côté déjanté, assez corrosif et parfois nonsensique de ces histoires, dont certaines sont assez proches du travail du génial Tex Avery.
A noter que dans les deux histoires mettant en scène, de manière totalement absurde, le sherrif Pot-Shot Pete, son cheval (qui parle) s’appelle Jumpy Joller. Je ne sais si c’est le traducteur français qui lui a donné ce nom, ou si c’est celui de la version originale : on aurait alors là l’origine du nom du cheval de Lucky Luke (ce qui ne serait pas étonnant, Morris ayant lui aussi, comme son ami Goscinny, connu Kurtzman aux Etats-Unis dans les années 1950).
Les amateurs d’humour décalé peuvent sans problème jeter un œil à cet album, peu courant, mais dont les gags ne font vraiment pas leur grand âge.
Note réelle 3,5/5.
En peu de temps, cette série s’est transformée en une évidence pour moi. C’est l’été = le nouveau tome des beaux étés vient sur ma pile de lectures. Et elle y reste rarement longtemps.
Parce qu’il faut bien avouer que je ne traine pas à m’en emparer, justement parce que c’est une lecture d’été, rafraichissante comme un cocktail sucré, légère, sympathique et sans prise de tête. Pourtant le premier tome ne m’avait pas pleinement convaincu. Je l’avais certes trouvé agréable à lire mais j’en attendais plus.
Mais l’astuce de la série, de nous proposer de suivre les mêmes personnages au travers de plusieurs vacances estivales et dans un ordre pas spécialement chronologique, fait qu’à la longue ces personnages font partie de notre quotidien. Le père qui se débat avec les délais pour pouvoir partir en heure et en temps est un gag récurrent qui fait mouche. Les enfants que l’on peut suivre à différentes périodes de leur jeunesse, on s’y attache forcément et je m’amuse de voir leur évolution.
Et puis, il y a la patte des auteurs. Zidrou demeure un excellent dialoguiste sans oublier de truffer ses scénarios de petites anecdotes marquantes. Et Jordi Lafebre nous offre systématiquement de très belles planches, lumineuses, avec des personnages bien croqués, expressifs et sympathiques au premier coup d’œil.
Donc voilà, après six tomes, moi je suis devenu accro. Ce n’est pas la plus grande œuvre du monde, cela demeure une lecture légère et divertissante jouant sur le sentimentalisme des lecteurs et avec leurs souvenirs… mais c’est bon comme une Blanche de Namur par une après-midi caniculaire. On en sort rafraichi, le sourire aux lèvres et sans crainte du mal de tête.
Cet album est aussi instructif qu’amusant. Je pense même ne jamais avoir autant ri devant un documentaire, et c’est bien là la grande force de Marion Montaigne !
Le dessin, caricatural à souhait et d’aspect brouillon s’avère d’une redoutable efficacité tant pour reproduire un environnement pourtant souvent technique que pour dérider les zygomatiques des lecteurs.
Les explications scientifiques pourtant rigoureuses sont facilement digérées grâce aux multiples anecdotes amusantes qui émaillent cet album.
Et puis, l’univers des astronautes, cosmonautes, spationautes et autres taïkonautes a de tous temps fasciné les humains de tous bords. Y pénétrer en compagnie d’un personnage qui ne se prend pas pour un dieu, réaliser l’inconfort de leur métier et les compétences techniques, physiques et psychiques dont ils doivent disposer est tout simplement passionnant. Alors, si en plus l’autodérision et l’art de l’anecdote inutile mais hilarante s’en mêlent, comment résister ?
Une perle, à mes yeux.
Cet album se propose de revisiter le destin de Charlotte de Belgique, fille de Léopold 1er (le premier roi des Belges) et épouse de Maximilien d’Autriche (le frère cadet de François-Joseph). Revisiter car, les auteurs l’annoncent d’emblée, certains faits ont été remaniés et d’autres inventés. Je ne sais que penser de ce type de procédé, le problème étant de pouvoir distinguer le vrai du faux. La fiction ne me dérange pas, la réalité historique non plus mais mélanger les deux, c’est prendre le risque de propager des mensonges à propos de personnages réels (même si morts depuis longtemps) et donc de désinformer.
A titre personnel, même si je connais un peu l’histoire de la famille royale belge, je suis loin d’être calé en la matière. Du coup, je fais partie de ces lecteurs qui seront incapables de faire le tri dans les multiples informations livrées par cet album. Et, pour être tout à fait franc, de ce que je connais et au vu du caractère extrêmement crédible de cet excellent récit… et bien, je le trouve tout à fait réaliste. Et donc je ne peux m’empêcher de me demander à partir de quand je me fais manipuler.
Ceci dit !
Ceci dit, j’ai adoré cet album. La Charlotte de Belgique version Fabien Nury est un personnage extrêmement attachant. Adolescente romantique et pragmatique en même temps, épouse trahie et fragilisée, femme de caractère : elle est tout ça à la fois, et bien plus encore ! C’est un personnage historique incroyablement moderne que nous proposent de découvrir les auteurs. Et à ses côtés Maximilien, le faible, s’en prend plein la tronche. Lui qui voudrait être mais qui n’est pas offre un personnage tout aussi fascinant que Charlotte.
Le récit débute, après une rapide évocation de la mort de sa mère, lorsqu’à 16 ans Charlotte doit penser à se marier. Mariage plus ou moins arrangé, orienté en fonction des intérêts politiques du moment (son père n’avait-il pas lui-même consenti à prendre pour épouse Louise d’Orléans afin de ne pas se mettre à dos des Français pas spécialement ravis de la naissance de la Belgique ?) Et nous sommes directement plongés au cœur de cet univers où les intérêts personnels doivent s’effacer devant les devoirs et ambitions politiques des uns et des autres. Le tour de force des auteurs est de rendre cela extrêmement prenant et profondément humain. Loin d’être un récit historique bourré de dates, de faits et de personnages, cette histoire est avant tout celle d’êtres humains, avec leurs forces et leurs faiblesses. Avec un sens de la famille ou du devoir plus ou moins fort selon les personnages, leur éducation et l’amour qu’on leur porte.
Et puis comment ne pas se régaler devant une Sissi odieuse et à mille lieux de l’image policée que Romy Schneider lui a offerte le temps de quelques films ?
Mais ce récit n’aurait jamais eu pareil effet sur moi sans le dessin de Matthieu Bonhomme ! Ces grandes cases épurées, cette simplicité dans le trait, à l’opposé du dessin historique lambda, apportent une dimension supplémentaire à l’album. Peut-être justement parce que l’attention est portée sur l’émotion, sur le ressenti plutôt que sur la reproduction fidèle d’images figées. Et pourtant les décors ne sont pas oubliés, les cadrages sont soignés, mais ces éléments indispensables sont là pour mettre l’humain en avant plutôt que le contexte historique. De ce point de vue la mise en garde des auteurs en début d’album prend tout son sens : nous sommes devant une re-création plutôt que devant une reproduction.
Au final, ce premier tome m’a conquis, malgré les réserves émises au début de cet avis, et je me réjouis de lire la suite ! Un must-have, selon moi, qui devrait plaire tant aux amateurs de récits historiques qu’aux lecteurs de romans graphiques ou de récits d’aventure.
Voilà un moment que je n'avais pas replongé dans l'univers de Tezuka, et c'est la réédition en intégrale d'"Ayako" avec cette fin inédite en France qui m'en a donné l'occasion.
Et c'est une nouvelle fois une très bonne surprise. J'ai aimé retrouver son savoir faire pour construire des histoires très riches, bien développées et contrastées. Si c'est effectivement sa marque de fabrique, je suis toujours étonné de ce contraste existant entre ce dessin tout en rondeur, voire une certaine "douceur", des personnages et le fond du récit souvent dramatique. Tezuka bâtit encore ici une véritable tragédie que n'aurait pas renié Shakespeare.
Dans l'immédiate après-guerre de 39-45, le Japon vaincu doit se plier à la main mise américaine. Son système sociétal toujours plus ou moins resté engoncé dans un modèle médiéval va exploser petit à petit à coup de réformes, notamment en ce qui concerne les grands propriétaires terriens. Fini le monopole de la terre, ceux-ci vont devoir en donner une grande partie aux paysans locaux. C'est ce que va prendre pour base Tezuka avec la famille Tengé qui depuis 500 ans règne sur un domaine terrien dans le nord du Japon et où grandit la toute jeune Ayako.
C'est par ce biais que Tezuka nous plonge petit à petit dans ce Japon peu connu tout en nous dépeignant l'âme humaine de façon bien sombre, comme il sait si bien le faire. Ce petit monde resté relativement clos pendant des siècles ne va pas résister à cette transition historique, et l'immondice sur la quelle elle s'est bâtit au fil du temps va exploser au fil de la série.
Malgré ce dessin daté mais tellement maîtrisé, j'ai rapidement été pris par le talent narratif de l'auteur et j'ai dévoré cette intégrale de 700 pages en un rien de temps. Tezuka mérite pleinement le piédestal sur lequel il a été installé et la lectures de cette série ne fait que confirmer mon appréciation de cet auteur.
L’ennemi juré de Sherlock Holmes bénéficie de son propre manga. Ce récit, sombre et violent (mais d'une violence clinique, froide et posée), lui offre la parole pour ainsi nous permettre de comprendre ses actes. C’est, je trouve une très bonne idée. D’autant plus que nous suivons le personnage depuis son enfance et avant qu’il ne rencontre le fameux détective. Ce qui offre un double avantage. Le premier est de pouvoir suivre pas à pas l’évolution morale de Moriarty. Le second est de le libérer de l’ombre de Sherlock, le voilà ainsi exposé en pleine lumière, sans rival charismatique possible. Moriarty dans toute sa splendeur, dans toute sa complexité.
Dans toute sa complexité… C’est bien l’objectif affiché de ce manga. Montrer l’humanité du personnage sans occulter son machiavélisme ni sa violence. Et le pari est plutôt réussi. Les auteurs parviennent à rendre le personnage attachant, intriguant et inquiétant. Peut-être est-il un peu trop gentil à mon goût, mais cet aspect est compensé par son côté implacable lorsqu’il s’agit de punir les profiteurs.
Au niveau du dessin, le trait est fin et soigné. Pas spécialement différent de style mainstream dans lequel nage le manga depuis plusieurs années mais sa lisibilité couplée à une mise en page bien pensée font de ce manga une œuvre facile à lire.
La structure se décompose en plusieurs chapitres qui suivent chronologiquement l’évolution de Moriarty. Chaque chapitre se referme sur un crime commis par notre héros, des crimes impunis car indétectables. Leur mise en œuvre n’est pas ultra-complexe mais sans crier au génie, j’ai plutôt apprécié ma lecture.
Au final, voilà un manga qui devrait ravir les amateurs du genre et même attirer un autre lectorat. Une réussite, en somme (en espérant que Sherlock Holmes n’apparaisse pas trop vite voire pas du tout, ce qui serait encore mieux, à mes yeux).
C'est une des rares séries DC Rebirth que j'étais impatient de lire. Après avoir découvert l'existence du fils de Superman, j'ai tout de suite adoré ce personnage et sa relation avec Damien, le fils de Batman. J'ai donc voulu lire la série les mettant en vedette.
Je ne fus pas déçu après la lecture du premier tome. Superboy et Robin sont des personnages attachants (même si ce Robin-ci agit souvent comme un connard) et l'opposition de leurs deux personnalités est bien utilisée. Il y a un bon mélange d'action, d'aventure et d'humour et le scénario est palpitant à lire. Le dessin est dynamique et ne parait pas sans vie comme dans plein de comics modernes (quoique plus je lis des comics récents, plus je me demande si ce n'est pas un style qu'on voyait surtout dans les années 2000).
Bref, du bon comics de divertissement. C'est le genre de série qui est parfait pour faire connaitre les comics de super-héros à ses enfants quoique je préviens que parfois Damien fait de l'humour noir.
Encore un album très intéressant dans cette collection Sociorama. Il traite du rapport étrange qui lie les maghrébins français à leurs racines. Idéalisée, cette terre des origines n’est plus la leur. Attirés par elle mais se sentant trop différents des valeurs qu’elle défend, ils perdent tout repère. Ce sont les déracinés… Et cet album est le premier à m’avoir fait comprendre toute la complexité de cette situation.
En multipliant les profils, les auteurs établissent un large spectre des situations les plus fréquemment croisées, avec comme personnage de référence une jeune femme « dans la moyenne » à laquelle il est facile de s’attacher. Le résultat est plaisant à lire et très instructif.
Au niveau du dessin, le trait simple et direct permet une immersion directe dans le propos… et c’est tout ce qu’on lui demande.
Un des bons crus de cette collection, qui n’en manque pas.
De la belle et bonne aventure comme j'aimerais en lire plus souvent.
Et bien, et bien qu'il est rafraîchissant de retrouver le souffle de la grande aventure.
Certains esprits chagrins pourraient me rétorquer que tous les poncifs sont au rendez-vous. Et alors ? Que l'on en juge : En ce milieu du XVIIème siècle, la guerre fait rage entre l'Angleterre et la Hollande pour le contrôle des routes maritimes. Depuis la mort de son père le jeune Jonas vit avec son oncle et s'adonne aux joies de la botanique. Quand son oncle lui demande de le suivre pour une expédition au Yucatán, le jeune homme y voit une occasion de vivre enfin une grande aventure. Il y a la belle Mara qu'il ne pourra jamais aimer car mariée au capitaine Toledano. Le but de la quête du petit groupe ? Capturer une bête mythique créée par les divinités mayas et gage d’invincibilité pour ceux qui pourront la conquérir. Une griffe de la bête a été ramenée par un homme mystérieusement assassiné, le "cerbère des Dieux" est cependant convoité par d'autres groupes.
Au chapitre des poncifs vous voyez donc que nous sommes gâtés : un jeune premier un peu naïf, une belle inaccessible aux yeux de braises, un capitaine pirate à cheval sur les principes et fortement jaloux, des vaisseaux, un abordage, une jungle moite et hostile et bien sûr des indiens farouches et vindicatifs. Moi je dis génial, j'en redemande même.
David Muñoz au scénario et Tirso Cons au dessin -déjà rencontrés sur Le Manoir des Murmures- franchissent ici un cap ! Feuilletant le susdit album je ne peux qu'applaudir ici au fantastique travail de ces deux auteurs. Concernant le scénario celui-ci lorgne franchement vers le fantastique mais il n'est pas prégnant, il faut attendre une dernière planche hallucinante de maîtrise et de beauté qui laisse présager du grandiose pour la suite. Certes tout cela reste assez classique mais dépaysant, de l'Angleterre au Yucatán en passant par les Indes, la narration n'en reste pas moins fluide émaillée de flash-backs. Ce premier tome place l'intrigue sur ses rails, l'approfondissement des personnages reste à venir, (l'oncle présente des cicatrices qui, si elles sont du plus bel effet, n'en cachent pas moins un soupçon de mystère).
Le dessin de Tirso Cons est particulier dans ce sens où il a tendance à allonger les visages. Cela n'est pas gênant, les fonds de cases sont travaillés avec un découpage virevoltant et original. A mon sens l’intérêt principal réside dans la colorisation de Felideus juste parfaite qui donne à l'ensemble une atmosphère en adéquation totale avec le récit.
Un scénario pas le plus original du monde mais où souffle le parfum de l'aventure avec un grand A, que demander de plus ? Quand s'y ajoute un trait plus que virtuose l'on s'approche de la note maximale. Ah, cette dernière planche ! Elle promet du lourd.
Majoration après la sortie du tome 2 :
Avec la sortie de ce deuxième tome ma note ne varie pas. Je persiste et signe : c'est de la bonne aventure. C'est sympa, divertissant, rondement mené et le dessin mais particulièrement la colorisation sont au top. Moi, je suis preneur de ce genre d'histoire qui certes reprend certains poncifs vus ici ou là mais dès l'instant où l'ensemble est bien tricoté pourquoi bouder notre plaisir ?
L'autre point que je mets en avant, ce sont ces "Clifhangers". Déjà à la fin du premier tome je disais tout le bien que je pensais de cette dernière planche qui promettait du lourd. Que dire ici aussi sur la dernière planche qui pourrait laisser supposer une autre histoire sous d'autres cieux ? Mais ne soyons pas trop gourmands et faisons bosser notre imaginaire. Et une histoire en diptyque c'est plutôt bien non ?
Pas de changement de note donc et une grosse incitation à ce que le plus grand nombre aille y jeter un œil.
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Florida
Avec ses trois galions abordant un rivage boisé, la couverture, dans des tons bleus et verts, constitue une véritable invitation au voyage, à la fois géographique et historique, à une époque où le Nouveau continent, encore peu exploré, recelait une infinité de promesses, où les océans inspiraient une fascination mêlée de terreur. L’histoire débute dans l’Angleterre des Tudor, où Jacques Le Moyne s’est réfugié avec son épouse et ses filles. Le cartographe de l’expédition française en Floride, qui eut lieu dix ans plus tôt, s’était depuis longtemps converti au protestantisme. A son retour, il avait alors décidé de fuir le climat délétère qui s’était emparé de la France, où la rivalité entre Catholiques et Huguenots n’avait de cesse de s’exacerber. Nous sommes en 1572, le massacre de la Saint-Barthélémy vient tout juste d’ensanglanter Paris et menace de s’étendre à tout le royaume. L’événement aura tôt fait de réveiller les fantômes de Le Moyne, qui depuis son aventure dans le Nouveau monde, l’accablaient d’une mélancolie sombre et incurable. Au fur et à mesure de la narration, on va comprendre l’origine des tourments que dissimule cet homme derrière son masque de mutisme, laissant son épouse désemparée. On apprendra que l’expédition en Floride s’est achevée dans un bain de sang barbare, imprimant en son âme une cicatrice au fer rouge. D’un point de vue plus global, on réalise que les enjeux dans cette Amérique « vierge » étaient autant liés à la conquête de territoires qu’à la conquête des esprits. En cela, les guerres européennes de religion s’étaient déplacées sur le sol américain, et l’Espagne catholique, qui avait pris une certaine avance dans son projet colonisateur, s’en donnait à cœur joie pour extirper, par le fer et le feu, le poison protestant de sa zone d’influence en constante expansion. Et tant pis si ces terres étaient déjà peuplées par les Indiens, qui étaient ramenés sans états d’âme au statut de créatures sauvages ou de sous-hommes, selon les circonstances… Les Huguenots français, menés par Jean Ribault pour y implanter une colonie loin des tensions qui déchiraient leur pays, en tireront une bien amère expérience, tout au moins les rares survivants tels que Jacques Le Moyne. Si Jean Dytar a choisi ce personnage secondaire pour évoquer un fait historique aussi tragique, ce n’est guère par hasard. Cartographe avant d’être explorateur, Le Moyne était d’abord un artiste, d’une sensibilité à fleur de peau et tout comme Dytar, illustrateur (il aimait également dessiner la faune et la flore). Enrôlé presque contre son gré, il fut entraîné dans un projet qui le dépassa et où il faillit laisser sa peau, traumatisé à jamais. Témoin narrateur de cette épopée, il fait ressortir la bêtise et la cruauté du genre humain dans ce qu’elles peuvent avoir de plus révoltant. Dytar n’a pas son pareil pour explorer les tourments de l’âme humaine, en jouant avec émotion sur l’expressivité des visages et des postures. De plus, l’affinité d’activité permet à l’auteur d’imprimer à son œuvre une tonalité graphique pertinente. Pour chaque changement de contexte, c’est un code couleur différent qui est utilisé, assorti de trouvailles visuelles sobres et délicates. Sa technique se rapproche beaucoup de la peinture, lui qui publia il y a quatre ans « La Vision de Bacchus », un hommage à à la Renaissance vénitienne. Contours estompés par l’aquarelle, clair-obscur, naturalisme, cubisme… il sait adapter son style en fonction du sujet. « Florida » est donc une bande dessinée fortement recommandée. On prend beaucoup de plaisir à s’y plonger, tant pour la qualité du dessin que pour l’intérêt historique. Une autre bonne idée fut d’insérer vers la fin du récit les gravures de Jacques Le Moyne, dont on pense qu’elles ont été reproduites de mémoire par l’éditeur liégeois Théodore de Bry, la plupart des dessins du Français ayant été détruits par les Espagnols. Auteur complet, Jean Dytar maîtrise également sa narration et à travers son sujet, exprime son humanisme et son goût pour les choses de l’esprit, notamment dans le champ philosophico-religieux. Voilà donc une bien belle BD pour l’été !
Hé les mecs !
J’ai connu le nom de Kurtzman par le biais de Goscinny, qui a toujours reconnu la dette qu’il avait envers lui, et qui a été son ami lorsqu’ils se sont connus aux Etats-Unis. Pilote doit beaucoup à ce qu’a fait Kurtzman avec Mad. Gotlib est aussi un auteur qui a beaucoup dit son admiration pour cet auteur américain adepte d’un humour décalé qui ne pouvait que lui plaire. On comprend pourquoi les premiers Fluide Glacial ont publié des gags de Kurtzman, et pourquoi celui-ci a eu les honneurs d’une des premières publications des éditions Audie, avec cet album donc, qui reprend des histoires courtes et strips publiés initialement dans de petits magazines à la fin des années 1940. Une première réédition avait existé aux USA avec une préface/déclaration d’amour/hommage de Crumb, ici reprise. Si je peux déplorer quelque retenue dans l’humour – époque oblige ! – le travail de Kurtzman est étonnamment moderne pour des bandes ayant près de 80 ans. On voit déjà bien le côté déjanté, assez corrosif et parfois nonsensique de ces histoires, dont certaines sont assez proches du travail du génial Tex Avery. A noter que dans les deux histoires mettant en scène, de manière totalement absurde, le sherrif Pot-Shot Pete, son cheval (qui parle) s’appelle Jumpy Joller. Je ne sais si c’est le traducteur français qui lui a donné ce nom, ou si c’est celui de la version originale : on aurait alors là l’origine du nom du cheval de Lucky Luke (ce qui ne serait pas étonnant, Morris ayant lui aussi, comme son ami Goscinny, connu Kurtzman aux Etats-Unis dans les années 1950). Les amateurs d’humour décalé peuvent sans problème jeter un œil à cet album, peu courant, mais dont les gags ne font vraiment pas leur grand âge. Note réelle 3,5/5.
Les Beaux Étés
En peu de temps, cette série s’est transformée en une évidence pour moi. C’est l’été = le nouveau tome des beaux étés vient sur ma pile de lectures. Et elle y reste rarement longtemps. Parce qu’il faut bien avouer que je ne traine pas à m’en emparer, justement parce que c’est une lecture d’été, rafraichissante comme un cocktail sucré, légère, sympathique et sans prise de tête. Pourtant le premier tome ne m’avait pas pleinement convaincu. Je l’avais certes trouvé agréable à lire mais j’en attendais plus. Mais l’astuce de la série, de nous proposer de suivre les mêmes personnages au travers de plusieurs vacances estivales et dans un ordre pas spécialement chronologique, fait qu’à la longue ces personnages font partie de notre quotidien. Le père qui se débat avec les délais pour pouvoir partir en heure et en temps est un gag récurrent qui fait mouche. Les enfants que l’on peut suivre à différentes périodes de leur jeunesse, on s’y attache forcément et je m’amuse de voir leur évolution. Et puis, il y a la patte des auteurs. Zidrou demeure un excellent dialoguiste sans oublier de truffer ses scénarios de petites anecdotes marquantes. Et Jordi Lafebre nous offre systématiquement de très belles planches, lumineuses, avec des personnages bien croqués, expressifs et sympathiques au premier coup d’œil. Donc voilà, après six tomes, moi je suis devenu accro. Ce n’est pas la plus grande œuvre du monde, cela demeure une lecture légère et divertissante jouant sur le sentimentalisme des lecteurs et avec leurs souvenirs… mais c’est bon comme une Blanche de Namur par une après-midi caniculaire. On en sort rafraichi, le sourire aux lèvres et sans crainte du mal de tête.
Dans la combi de Thomas Pesquet
Cet album est aussi instructif qu’amusant. Je pense même ne jamais avoir autant ri devant un documentaire, et c’est bien là la grande force de Marion Montaigne ! Le dessin, caricatural à souhait et d’aspect brouillon s’avère d’une redoutable efficacité tant pour reproduire un environnement pourtant souvent technique que pour dérider les zygomatiques des lecteurs. Les explications scientifiques pourtant rigoureuses sont facilement digérées grâce aux multiples anecdotes amusantes qui émaillent cet album. Et puis, l’univers des astronautes, cosmonautes, spationautes et autres taïkonautes a de tous temps fasciné les humains de tous bords. Y pénétrer en compagnie d’un personnage qui ne se prend pas pour un dieu, réaliser l’inconfort de leur métier et les compétences techniques, physiques et psychiques dont ils doivent disposer est tout simplement passionnant. Alors, si en plus l’autodérision et l’art de l’anecdote inutile mais hilarante s’en mêlent, comment résister ? Une perle, à mes yeux.
Charlotte Impératrice
Cet album se propose de revisiter le destin de Charlotte de Belgique, fille de Léopold 1er (le premier roi des Belges) et épouse de Maximilien d’Autriche (le frère cadet de François-Joseph). Revisiter car, les auteurs l’annoncent d’emblée, certains faits ont été remaniés et d’autres inventés. Je ne sais que penser de ce type de procédé, le problème étant de pouvoir distinguer le vrai du faux. La fiction ne me dérange pas, la réalité historique non plus mais mélanger les deux, c’est prendre le risque de propager des mensonges à propos de personnages réels (même si morts depuis longtemps) et donc de désinformer. A titre personnel, même si je connais un peu l’histoire de la famille royale belge, je suis loin d’être calé en la matière. Du coup, je fais partie de ces lecteurs qui seront incapables de faire le tri dans les multiples informations livrées par cet album. Et, pour être tout à fait franc, de ce que je connais et au vu du caractère extrêmement crédible de cet excellent récit… et bien, je le trouve tout à fait réaliste. Et donc je ne peux m’empêcher de me demander à partir de quand je me fais manipuler. Ceci dit ! Ceci dit, j’ai adoré cet album. La Charlotte de Belgique version Fabien Nury est un personnage extrêmement attachant. Adolescente romantique et pragmatique en même temps, épouse trahie et fragilisée, femme de caractère : elle est tout ça à la fois, et bien plus encore ! C’est un personnage historique incroyablement moderne que nous proposent de découvrir les auteurs. Et à ses côtés Maximilien, le faible, s’en prend plein la tronche. Lui qui voudrait être mais qui n’est pas offre un personnage tout aussi fascinant que Charlotte. Le récit débute, après une rapide évocation de la mort de sa mère, lorsqu’à 16 ans Charlotte doit penser à se marier. Mariage plus ou moins arrangé, orienté en fonction des intérêts politiques du moment (son père n’avait-il pas lui-même consenti à prendre pour épouse Louise d’Orléans afin de ne pas se mettre à dos des Français pas spécialement ravis de la naissance de la Belgique ?) Et nous sommes directement plongés au cœur de cet univers où les intérêts personnels doivent s’effacer devant les devoirs et ambitions politiques des uns et des autres. Le tour de force des auteurs est de rendre cela extrêmement prenant et profondément humain. Loin d’être un récit historique bourré de dates, de faits et de personnages, cette histoire est avant tout celle d’êtres humains, avec leurs forces et leurs faiblesses. Avec un sens de la famille ou du devoir plus ou moins fort selon les personnages, leur éducation et l’amour qu’on leur porte. Et puis comment ne pas se régaler devant une Sissi odieuse et à mille lieux de l’image policée que Romy Schneider lui a offerte le temps de quelques films ? Mais ce récit n’aurait jamais eu pareil effet sur moi sans le dessin de Matthieu Bonhomme ! Ces grandes cases épurées, cette simplicité dans le trait, à l’opposé du dessin historique lambda, apportent une dimension supplémentaire à l’album. Peut-être justement parce que l’attention est portée sur l’émotion, sur le ressenti plutôt que sur la reproduction fidèle d’images figées. Et pourtant les décors ne sont pas oubliés, les cadrages sont soignés, mais ces éléments indispensables sont là pour mettre l’humain en avant plutôt que le contexte historique. De ce point de vue la mise en garde des auteurs en début d’album prend tout son sens : nous sommes devant une re-création plutôt que devant une reproduction. Au final, ce premier tome m’a conquis, malgré les réserves émises au début de cet avis, et je me réjouis de lire la suite ! Un must-have, selon moi, qui devrait plaire tant aux amateurs de récits historiques qu’aux lecteurs de romans graphiques ou de récits d’aventure.
Ayako
Voilà un moment que je n'avais pas replongé dans l'univers de Tezuka, et c'est la réédition en intégrale d'"Ayako" avec cette fin inédite en France qui m'en a donné l'occasion. Et c'est une nouvelle fois une très bonne surprise. J'ai aimé retrouver son savoir faire pour construire des histoires très riches, bien développées et contrastées. Si c'est effectivement sa marque de fabrique, je suis toujours étonné de ce contraste existant entre ce dessin tout en rondeur, voire une certaine "douceur", des personnages et le fond du récit souvent dramatique. Tezuka bâtit encore ici une véritable tragédie que n'aurait pas renié Shakespeare. Dans l'immédiate après-guerre de 39-45, le Japon vaincu doit se plier à la main mise américaine. Son système sociétal toujours plus ou moins resté engoncé dans un modèle médiéval va exploser petit à petit à coup de réformes, notamment en ce qui concerne les grands propriétaires terriens. Fini le monopole de la terre, ceux-ci vont devoir en donner une grande partie aux paysans locaux. C'est ce que va prendre pour base Tezuka avec la famille Tengé qui depuis 500 ans règne sur un domaine terrien dans le nord du Japon et où grandit la toute jeune Ayako. C'est par ce biais que Tezuka nous plonge petit à petit dans ce Japon peu connu tout en nous dépeignant l'âme humaine de façon bien sombre, comme il sait si bien le faire. Ce petit monde resté relativement clos pendant des siècles ne va pas résister à cette transition historique, et l'immondice sur la quelle elle s'est bâtit au fil du temps va exploser au fil de la série. Malgré ce dessin daté mais tellement maîtrisé, j'ai rapidement été pris par le talent narratif de l'auteur et j'ai dévoré cette intégrale de 700 pages en un rien de temps. Tezuka mérite pleinement le piédestal sur lequel il a été installé et la lectures de cette série ne fait que confirmer mon appréciation de cet auteur.
Moriarty
L’ennemi juré de Sherlock Holmes bénéficie de son propre manga. Ce récit, sombre et violent (mais d'une violence clinique, froide et posée), lui offre la parole pour ainsi nous permettre de comprendre ses actes. C’est, je trouve une très bonne idée. D’autant plus que nous suivons le personnage depuis son enfance et avant qu’il ne rencontre le fameux détective. Ce qui offre un double avantage. Le premier est de pouvoir suivre pas à pas l’évolution morale de Moriarty. Le second est de le libérer de l’ombre de Sherlock, le voilà ainsi exposé en pleine lumière, sans rival charismatique possible. Moriarty dans toute sa splendeur, dans toute sa complexité. Dans toute sa complexité… C’est bien l’objectif affiché de ce manga. Montrer l’humanité du personnage sans occulter son machiavélisme ni sa violence. Et le pari est plutôt réussi. Les auteurs parviennent à rendre le personnage attachant, intriguant et inquiétant. Peut-être est-il un peu trop gentil à mon goût, mais cet aspect est compensé par son côté implacable lorsqu’il s’agit de punir les profiteurs. Au niveau du dessin, le trait est fin et soigné. Pas spécialement différent de style mainstream dans lequel nage le manga depuis plusieurs années mais sa lisibilité couplée à une mise en page bien pensée font de ce manga une œuvre facile à lire. La structure se décompose en plusieurs chapitres qui suivent chronologiquement l’évolution de Moriarty. Chaque chapitre se referme sur un crime commis par notre héros, des crimes impunis car indétectables. Leur mise en œuvre n’est pas ultra-complexe mais sans crier au génie, j’ai plutôt apprécié ma lecture. Au final, voilà un manga qui devrait ravir les amateurs du genre et même attirer un autre lectorat. Une réussite, en somme (en espérant que Sherlock Holmes n’apparaisse pas trop vite voire pas du tout, ce qui serait encore mieux, à mes yeux).
Super sons
C'est une des rares séries DC Rebirth que j'étais impatient de lire. Après avoir découvert l'existence du fils de Superman, j'ai tout de suite adoré ce personnage et sa relation avec Damien, le fils de Batman. J'ai donc voulu lire la série les mettant en vedette. Je ne fus pas déçu après la lecture du premier tome. Superboy et Robin sont des personnages attachants (même si ce Robin-ci agit souvent comme un connard) et l'opposition de leurs deux personnalités est bien utilisée. Il y a un bon mélange d'action, d'aventure et d'humour et le scénario est palpitant à lire. Le dessin est dynamique et ne parait pas sans vie comme dans plein de comics modernes (quoique plus je lis des comics récents, plus je me demande si ce n'est pas un style qu'on voyait surtout dans les années 2000). Bref, du bon comics de divertissement. C'est le genre de série qui est parfait pour faire connaitre les comics de super-héros à ses enfants quoique je préviens que parfois Damien fait de l'humour noir.
Vacances au bled
Encore un album très intéressant dans cette collection Sociorama. Il traite du rapport étrange qui lie les maghrébins français à leurs racines. Idéalisée, cette terre des origines n’est plus la leur. Attirés par elle mais se sentant trop différents des valeurs qu’elle défend, ils perdent tout repère. Ce sont les déracinés… Et cet album est le premier à m’avoir fait comprendre toute la complexité de cette situation. En multipliant les profils, les auteurs établissent un large spectre des situations les plus fréquemment croisées, avec comme personnage de référence une jeune femme « dans la moyenne » à laquelle il est facile de s’attacher. Le résultat est plaisant à lire et très instructif. Au niveau du dessin, le trait simple et direct permet une immersion directe dans le propos… et c’est tout ce qu’on lui demande. Un des bons crus de cette collection, qui n’en manque pas.
Les Traqueurs
De la belle et bonne aventure comme j'aimerais en lire plus souvent. Et bien, et bien qu'il est rafraîchissant de retrouver le souffle de la grande aventure. Certains esprits chagrins pourraient me rétorquer que tous les poncifs sont au rendez-vous. Et alors ? Que l'on en juge : En ce milieu du XVIIème siècle, la guerre fait rage entre l'Angleterre et la Hollande pour le contrôle des routes maritimes. Depuis la mort de son père le jeune Jonas vit avec son oncle et s'adonne aux joies de la botanique. Quand son oncle lui demande de le suivre pour une expédition au Yucatán, le jeune homme y voit une occasion de vivre enfin une grande aventure. Il y a la belle Mara qu'il ne pourra jamais aimer car mariée au capitaine Toledano. Le but de la quête du petit groupe ? Capturer une bête mythique créée par les divinités mayas et gage d’invincibilité pour ceux qui pourront la conquérir. Une griffe de la bête a été ramenée par un homme mystérieusement assassiné, le "cerbère des Dieux" est cependant convoité par d'autres groupes. Au chapitre des poncifs vous voyez donc que nous sommes gâtés : un jeune premier un peu naïf, une belle inaccessible aux yeux de braises, un capitaine pirate à cheval sur les principes et fortement jaloux, des vaisseaux, un abordage, une jungle moite et hostile et bien sûr des indiens farouches et vindicatifs. Moi je dis génial, j'en redemande même. David Muñoz au scénario et Tirso Cons au dessin -déjà rencontrés sur Le Manoir des Murmures- franchissent ici un cap ! Feuilletant le susdit album je ne peux qu'applaudir ici au fantastique travail de ces deux auteurs. Concernant le scénario celui-ci lorgne franchement vers le fantastique mais il n'est pas prégnant, il faut attendre une dernière planche hallucinante de maîtrise et de beauté qui laisse présager du grandiose pour la suite. Certes tout cela reste assez classique mais dépaysant, de l'Angleterre au Yucatán en passant par les Indes, la narration n'en reste pas moins fluide émaillée de flash-backs. Ce premier tome place l'intrigue sur ses rails, l'approfondissement des personnages reste à venir, (l'oncle présente des cicatrices qui, si elles sont du plus bel effet, n'en cachent pas moins un soupçon de mystère). Le dessin de Tirso Cons est particulier dans ce sens où il a tendance à allonger les visages. Cela n'est pas gênant, les fonds de cases sont travaillés avec un découpage virevoltant et original. A mon sens l’intérêt principal réside dans la colorisation de Felideus juste parfaite qui donne à l'ensemble une atmosphère en adéquation totale avec le récit. Un scénario pas le plus original du monde mais où souffle le parfum de l'aventure avec un grand A, que demander de plus ? Quand s'y ajoute un trait plus que virtuose l'on s'approche de la note maximale. Ah, cette dernière planche ! Elle promet du lourd. Majoration après la sortie du tome 2 : Avec la sortie de ce deuxième tome ma note ne varie pas. Je persiste et signe : c'est de la bonne aventure. C'est sympa, divertissant, rondement mené et le dessin mais particulièrement la colorisation sont au top. Moi, je suis preneur de ce genre d'histoire qui certes reprend certains poncifs vus ici ou là mais dès l'instant où l'ensemble est bien tricoté pourquoi bouder notre plaisir ? L'autre point que je mets en avant, ce sont ces "Clifhangers". Déjà à la fin du premier tome je disais tout le bien que je pensais de cette dernière planche qui promettait du lourd. Que dire ici aussi sur la dernière planche qui pourrait laisser supposer une autre histoire sous d'autres cieux ? Mais ne soyons pas trop gourmands et faisons bosser notre imaginaire. Et une histoire en diptyque c'est plutôt bien non ? Pas de changement de note donc et une grosse incitation à ce que le plus grand nombre aille y jeter un œil.