Un pur récit d'aventure maritime, Dorison nous entraîne sur le Jakarta et nous fait partager le quotidien d'un équipage sur un navire du 17ème siècle.
Basé sur des faits historiques réels, l'auteur intègre un récit avec des personnages classiques dans une aventure de piraterie, un savant équilibre qui fait la réussite de cette bd.
Pas un seul moment de répit dans ce scénario, tout ce voyage basé sur la cupidité des armateurs qui veulent rentabiliser au plus vite leurs investissements sans aucune considération humaine nous entraîne dans une fuite en avant où nous pressentons la catastrophe finale.
La qualité de l'ouvrage est un peu hors norme pour un grand éditeur, la couverture, l'épaisseur du papier et le marque page. Pour l'oeuvre par elle-même, c'est du même niveau, l'auteur présente avant le début de l'histoire une carte du trajet du navire, un plan du Jakarta et surtout le mode de fonctionnement de la VOC pour comprendre la hiérarchie sur les bateaux de cette compagnie. Ces informations permettent d'être immergées dès le départ dans l'ambiance des transports maritimes à cette époque.
Le dessin de Montaigne fait la part belle à la représentation des visages marqués par la dureté de la vie en mer, les détails du bateau ne sont pas en reste et grâce aux couleurs sombres à l'intérieur du bateau nous ressentons l'enfermement de tout l'équipage.
Un premier tome qui donne envie de lire la suite.
Tome 3 "La Nuit des justes"
Comme pour tenter de comprendre ce qui produit les tyrans, ce troisième tome s’ouvre sur un flashback spectaculaire montrant un Silvio jeune, harassé par le poids de la charrette qu’il doit tirer sous les ordres d’un chien sans pitié, des années avant qu’il ne fasse son putsch pour commander la ferme. Le syndrome de la victime devenue bourreau à son tour…
Après avoir croisé l’épouse du numéro 1, assassiné par Silvio à la fin du tome 2, contrainte de quitter le château avec ses chiots après être tombée en disgrâce, Miss B est saisie par le doute et ne souhaite plus mener la révolution. D’autant qu’elle ne veut pas cautionner une partie des animaux qui souhaite désormais passer à l’action violente pour évincer Silvio de son palais. « Tant que notre colère sera plus forte que nous, nous ne vaudrons pas mieux que Silvio. » lance-t-elle à ses troupes. Azélar le vieux rat va s’employer à la convaincre de ne pas lâcher le combat. La clé ? Faire cesser la peur, mettre un programme sur pied pour instaurer la justice et le vote… et toujours sans violence ! La marguerite deviendra l’emblème de ce de ce « printemps des animaux » ! Mais le tyran n’est pas prêt à céder, persuadé d’avoir fait amende honorable en jetant à la foule un os à ranger : l’assassinat en public de son « numéro un ». Ainsi, quoi de plus logique pour lui, que d’emprisonner ceux qui refusent de déposer la marguerite qu’ils arborent dans ses sinistres geôles ?
En lisant cette « Nuit des justes », impossible de ne pas penser aux événements qui se déroulent actuellement en Iran, où les femmes se révoltent contre le port obligatoire du tchador. Notamment avec cette scène marquante où les animaux décident de jeter leurs colliers à clochette devant la milice de chiens, sans crainte des morsures qu’ils auraient à subir en représailles.
Il faut noter l’humour au vitriol présent dans la série, autant à l’adresse des tyrans que de leurs courtisans, prêts à s’abaisser jusqu’au ridicule pour s’acquérir les bonnes grâces du maître, humour que Delep a su retranscrire dans son dessin semi-réaliste enlevé. Délaissant le choix d’une apparence anthropomorphe des animaux, le dessinateur n’a conservé que les expressions humaines, et celles-ci suscitent souvent l’amusement, telle celle du futur numéro un (en page 8), très flatté de se voir promu par le « président » lui-même.
On ne saura reprocher à cette saga la profondeur et la puissance de son message politique, un message universel en résonance avec la situation actuelle, décrivant la façon la plus subtile de faire pression sur les pouvoirs autoritaires, d’autant plus dangereux lorsqu’ils se parent des « plumes » de la démocratie et dénoncent ses adversaires, si pacifiques soient-ils, comme les ennemis ultimes. En d’autres termes, l’art de retourner la situation et de jeter l’huile sur le feu. La soif de domination n’a pas de prix ! L’autre point fort du « Château des animaux », purement formel, ce sont bien ses couvertures, toutes aussi réussies les unes que les autres. Alors s’il est un bémol à pointer, certes mineur, il se trouve peut-être du côté de la narration, qui laisse une vague impression de délayage. Deux tomes auraient sans doute suffi pour cette revisite du roman de Georges Orwell, qui est tout de même une sorte de huis-clos où le rêve, un vigoureux rêve de liberté, demeure tout du long confiné au périmètre de la ferme. Ainsi on se félicite de savoir que la série verra sa conclusion dans un quatrième et dernier tome, que l’on n’en a pas moins hâte de découvrir !
Tome 2 "Les Marguerites de l’hiver "
Dans la lignée du tome 1, cette suite poursuit la revisite de « La Ferme des animaux » avec un certain brio et une profondeur politique assez poussée, qui fait de cette série un véritable petit manuel en faveur de la révolution pacifique. Ce qu’on apprécie, c’est que même si on sent qu’il s’agit d’une diatribe contre les régimes tyranniques, Dorison évite le piège d’un manichéisme caricatural et d’une lutte binaire que soutiendraient « comme un seul homme » tous les « opprimés » du système décrit. Le plus dur étant peut-être de convaincre ceux de son propre camp…
Il fait intervenir des contradicteurs – certains animaux sont sceptiques quant au bien-fondé d’une révolution pacifique – et évite de dépeindre ceux du camp d’en face comme de purs salauds, car le fameux « numéro 1 », tout ordure soit-il, a aussi une famille qui pâtira du sort qui lui est réservé.
Tome 1 "Miss Bengalore"
Référence explicite à « La Ferme des animaux » de George Orwell, la nouvelle série du prolifique Xavier Dorison suscite avec ce premier tome un engouement évident et tout à fait justifié. La très belle couverture, évoquant l’univers du conte, y est sans doute pour quelque chose. A l’instar du roman d’Orwell, Dorison dénonce les dictatures dont la principale caractéristique est d’exercer le pouvoir par la violence et la manipulation, mais comme il le dit lui-même, il a ajouté une note d’optimisme en démontrant que tout pouvoir rejeté par le peuple peut tomber par d’autres moyens que la violence, à savoir la désobéissance civile. Pour ce faire, il s’appuie sur des personnages historiques qui y ont eu recours dans leur pays, en premier lieu Gandhi, mais aussi Lech Walesa, Nelson Mandela, Martin Luther King. Gandhi est symbolisé dans l’histoire par le rat Azélar, qui depuis sa cachette va organiser la fronde contre le dictateur Silvio, incarné par un taureau imposant et agressif, protégé par sa meute de molosses. Pour tenter d’ébranler la toute puissance de ce dernier, Azélar et ses amis, la chatte Miss Bengalore et le lapin César, utiliseront une arme redoutable : le rire !
Le dessin a été confié à Félix Delep, qui pour une première BD, possède un talent évident. Si son style dynamique et percutant rappelle beaucoup celui de Juanjo Guarnido ou de Sokal, le jeune dessinateur ne recourt pas à l’anthropomorphisme — sauf peut-être pour les « gueules », très expressives — mais a préféré laissé ses animaux sur quatre pattes, si l’on excepte bien entendu les volailles… Une fois surmonté le scepticisme du début, force est de reconnaître que Delep possède un sacré coup de patte ! (trop tentante pour ne pas la faire, celle-là…)
Avec ce premier volet, c’est une véritable fable politique — accessoirement animalière — qui se dessine, dans l’esprit de Jean de la Fontaine, à laquelle la formule de ce dernier correspond on ne peut mieux : « Selon que vous serez puissants ou misérables, les jugements de cour vous rendent blanc ou noir ». Et déjà à son époque, le fabuliste avait bien compris la puissance de l’humour contre le tyrannie… Prévu en quatre tomes, « Le Château des animaux » s’avère une série plutôt prometteuse qui pourrait faire date.
Je trouve que la BD est un médium efficace pour mettre en lumière des situations assez dramatiques. J'ai pu lire plusieurs séries qui traitent des maladies rares (orphelines) et je n'ai jamais été déçu.
Ici Joris Chamblain et Anne-Lise Nalin m'ont ému en me faisant redécouvrir la Xeroderma Pigmentosum (XP) et ses effets sur la vie quotidienne des enfants qui en souffrent.
J'ai beaucoup aimé la mise en scène proposée par Joris Chamblain. Son idée de nous faire entrer dans l'univers de Maxime via les yeux de Morgane une ado (faussement) révoltée contre son entourage à travers la lecture d'un journal intime est vraiment bonne.
Le récit prend des allures de roman rose et de roman policier ce qui éloigne le lecteur d'un enfermement trop angoissant dans la maladie. C'est un message d'espoir qui est délivré même s’il est parsemé de moments de révoltes (légitimes celles-là).
Le dessin de Anne-Lise Nalin est moderne avec un trait qui correspond à ce que l'on voit couramment sur les écrans ou dans les séries pour ados. Ce n'est pas mon graphisme préféré mais cela porte bien le récit pour élargir le public des lecteurs et lectrices.
Une bonne série qui aborde un sujet touchant traité avec beaucoup de délicatesse et de justesse. Très bonne lecture assez rapide.
Duchazeau réussit là, dans un style assez dépouillé, à montrer la folie, l’improbable rapidité avec laquelle les Espagnols se sont rendus maîtres de l’Empire inca, mais aussi la fragilité de ce dernier.
Tout d’abord, ce qui saute aux yeux – et qui sans doute rebutera certains autant qu’il en attirera d’autres – c’est le dessin de Frantz Duchazeau. Globalement épuré donc, avec un trait très gras, charbonneux, à la limite de l’abstrait parfois, je l’ai trouvé à la fois très beau et parfaitement raccord avec l’histoire et le ton qu’il souhaitais lui donner. Les Espagnols, avec leurs airs de spectres, illustrent une sorte de mesnie Hellequin, une apocalypse où le monde, proche de la fin, ne serait plus éclairé que par des cendres, une lumière noire fantastique et désespérée.
Duchazeau avait quelques années auparavant déjà traité ce thème avec Fabien Vehlmann dans La Nuit de l'Inca. Mais le ton, la colorisation donnaient quelque chose de différent, de clairement moins noir – je préfère la version des « Vaincus ».
Au cœur de ce désastre qui ne nous surprend pas, puisque nous connaissons cette histoire sanglante, simple réplique de celle des Aztèques une quinzaine d’années plus tôt, nous suivons un guide, Apoo, chasqui (c’est-à-dire messager royal). Ses courses éperdues (ses messages de fin du monde arrivent ou pas, mais le destin de ce monde n’en dépend plus) illustrent le désarroi des peuples des Andes face à ces dieux étrangers.
Le récit est très simple dans sa construction, à tout prendre aussi dans son illustration. Mais c’est un album que j’ai vraiment apprécié, et dont je vous recommande la lecture – surtout si, comme moi, vous accrochez au style graphique de Duchazeau.
Une adaptation d'un roman du regretté Jean Teulé.
Une adaptation réussie.
Je ne peux pas comparer avec l'œuvre originale, ne l'ayant pas lue.
Un récit reprenant la vie de ce roi de France dont le seul fait marquant sera "le massacre de la Saint-Barthélémy". Pas terrible comme héritage historique ! Pourtant ...
Charles IX monte sur le trône à l'âge de 10 ans après la mort de son frère François II mort à 16 ans. La période est trouble au royaume de France, il est secoué par les guerres de religions entre protestants et catholiques.
Un album qui commence la veille du massacre de la Saint-Barthélémy, une décision prise sous la pression de sa mère, Catherine de Médicis et de ses ministres. Une décision qui va le marquer toute sa courte vie. Il ne lui reste plus que 2 ans à vivre.
Charles IX est un homme faible qui n'était pas fait pour être roi, il est sous la coupe d'une mère autoritaire. Il va doucement, mais sûrement, basculer dans la folie (avec des passages effarants), jusqu'à cette dernière journée et la sécrétion de sang par les pores de sa peau.
J'ai beaucoup apprécié la narration corrosive comme l'humour employé. Charly 9 ne sort pas grandi après la lecture des 126 planches, mais j'ai ressenti une certaine empathie pour ce jeune homme décédé à 24 ans.
Guérineau dans un style semi réaliste a su cerner Charles IX, tant physiquement que psychologiquement. On ressent sa détresse lors des premières planches lorsqu'il doit approuver le fameux massacre. La transformation de son visage au fil des pages est saisissante.
Superbe.
Un vrai bon moment de lecture.
Les nombreux faits historiques exposés ici ne sortent pas de l'imagination des auteurs, ils sont avérés.
Cette histoire m’a donné tout ce que la couverture m’avait promis : de l’aventure, de l’action et des grands espaces américains. Matz n’en est pas à son coup d’essai et a réalisé de nombreux polars (dont le mythique Le Tueur), et ce nouvel album ne déçoit pas.
L’histoire (inspirée du programme de sécurité des témoins américain, Witsec) est certes classique au possible, mais bien construite et rondement menée. La narration en « voix off » est un peu lourde par moment, mais bien amenée (le narrateur parle à son coyote adopté) et permet au lecteur d’en apprendre plus sur la situation actuelle mais aussi sur le passé du personnage. Le procédé est efficace, et j’ai avalé les 140 pages d’une traite. Surtout que le dessin est magnifique. Il est fin et détaillé, très lisible, et les paysages américains sont parfaitement représentés… quel dépaysement !
Un polar de qualité, que je recommande vivement aux amateurs du genre.
Rhàà lovely ! glop glop ! mais que cet album est bon ! Cela devient extrêmement rare de trouver un excellent polar avec une fin que tu ne vois pas venir de loin. J’ai adoré me perdre !
Un ex-flic démis de ses fonctions traine péniblement sa carcasse à la recherche de la rédemption. Une occasion se présente à lui. Il va donc mettre toutes ses forces et toutes ses compétences pour dénouer un crime abominable. Ca sent le brulé ! C’est oppressant ! C’est glauque ! c’est violent ! Les pistes sont abondantes. Difficile de trouver qui est l’assassin ! Le scénario haletant tient la route.
Le graphisme est nerveux et sombre. Le trait noir est épais. Peter Krause ne fait pas dans la fioriture et c’est tant mieux. Cela donne du rythme à cette histoire poisseuse autour d’un personnage à la dérive.
A noter que l’album est complété par une galerie d’illustrations. Ce bonus est juste magnifique esthétiquement.
Voilà donc un one shot brulant - dans la même veine que les comics US - vraiment agréable à lire que je recommande vivement. Et je vous l’annonce d’ores et déjà, vous serez surpris par le dénouement.
Rochette a encore gravi un échelon sur l'échelle graphique. Cette dernière reine est tout à fait remarquable. Pour l'anecdote, et sans vouloir raconter ma life (peu intéressante au demeurant), je suis resté un long moment chez mon libraire avec dans une main l'édition courante, et dans l'autre le tirage limité, imprimé en noir et blanc dans un format plus conséquent. Son trait de toute beauté m'a plongé dans une sorte d'indécision plutôt inhabituelle chez moi. Outre le prix outrageux du tirage de luxe (ainsi que la couverture à mon sens mal choisie), c'est finalement la mise en couleur qui m'a fait opter pour l'édition courante. En effet, je la trouve très réussie. Les scènes sont baignées dans une atmosphère sombre tout à fait de circonstance. On est dans l'immédiat après-guerre. A l'image d’Édouard Roux, le héros de cette histoire, le pays se réveille avec la gueule cassée, des artistes nouveaux émergent peu à peu en marge de l'art officiel... On y croise notamment Chaïm Soutine ou le sculpteur François Pompon (dont l'Ours Blanc exposé au musée d'Orsay, allusion à la disparition des ours polaires, est un écho actuel au dernier ours du Vercors raconté ici par Rochette - parce que oui, Rochette nous parle bien d'aujourd'hui)... Bref ! L'époque semble très bien reconstituée ici.
Je l'évoquais : La dernière reine est un livre d'aujourd'hui. Chez les peuples indiens, la nature n'existe pas. A la question "qu'est-ce que la nature ?", un habitant de la forêt amazonienne répondra : "mais la Nature, c'est moi !". Cette micro digression pour dire que pour aborder la question du lien qui unie l'Homme à la nature, tout à fait centrale dans ce récit, Jean-Marc Rochette choisit précisément d'ancrer son histoire dans une époque troublée. L'image de la gueule cassée pourrait s'appliquer à bon nombre d'entre nous tant les séquelles de la guerre économique de tous contre chacun depuis disons 2001 détruit nos vies et notre quotidien. Et bien entendu, comment ne pas voir dans la dernière ourse abattue une allégorie de l'extinction de masse qui se déroule sous nos yeux incrédules ? Quant à notre couple qui fait le choix de se retirer du Monde pour aller vivre de la terre, il s'agit d'une vision d'un futur qui n'appartient pas qu' à son auteur mais s'incruste dans bon nombre de têtes... Mais pas question de tout révéler. Il y a beaucoup beaucoup de choses à manger (le modèle pris par Édouard pour son masque en est une autre), sans que l'on ressente pour autant la sensation d'ingérer un truc bourratif.
Autre chose : le fait d'établir des corrélations entre différentes époques est un truc auquel je suis personnellement très sensible. Cette idée qu'un lieu est habité par un esprit, que les événements imprègnent le temps qui passe, me parle énormément. Rochette utilise pas mal ce ressort, et de mon point de vue, cela confère encore davantage de profondeur à son récit.
Bref ! C'est une chouette BD, dotée d'une belle densité sémique. Celle-ci n'est pourtant pas exempte de maladresses. Par exemple, je m'interroge sur l'utilité de ces images fragmentées en plusieurs cases. Quel est l'intérêt, par exemple, de nous montrer un ours dressé sur ses pattes arrières dont le dessin est divisé en 6 cases là une seule grande aurait suffit ? Quant aux bons sentiments qui agitent nos protagonistes, certains pourront les trouver un peu mièvres et sans réelle profondeur. Ha ! Les bons sentiments que voilà ! Je peux parfaitement l'entendre. MAIS ce serait passer outre ce flux narratif qui nous embarque dans une époque et nous donne à voir une histoire à laquelle on a terriblement envie de croire. Ce serait oublier le trait affuté comme jamais de cet auteur incontournable. Et surtout ce serait manquer ce qui se révèle être au fil des pages un écho tangible à notre époque. Enfin, les bons sentiments, ça ne mange pas de pain. On en a besoin par les temps qui courent.
Certains pourront trouver à cette BD un côté un peu gadget. Anouk Ricard s'appuie donc sur des titres d'articles de presse qu'elle extrapole pour en tirer une histoire invraisemblable. Et c'est réussi. Tantôt absurdes, tantôt ridicules, ces scénarios abracadabrantesques (qui tiennent parfois en un seul dessin) sont truculents. C'est vraiment très très drôle, tout à fait dans mon style d'humour.
Elle a donné suite pour faire un tome 2 de Faits Divers, malheureusement moins réussi.
Ce tome 1 est un régal à savourer comme un bonbon. Avec le même inconvénient : ça ne dure pas très longtemps mais qu'est-ce que c'est bonbon !
Voilà certainement une des grandes BD de cette année 2022.
Ce qui m'a étonné au premier abord, c'est le style graphique de Alex W. Inker qui donne à voir ici une nouvelle facette de son talent. Personnellement, de ce strict point de vue, je trouve que Colorado Train est sa meilleure réalisation. Elle est graphiquement ce qu' Un travail comme un autre était scénaristiquement parlant (c'est compréhensible ?).
Ce trait noir d'encre est magnifique et colle parfaitement à l'épisode sordide (et noir d'encre, donc) qui se déroule sous nos yeux. L'histoire des clous ponctuant chaque chapitre est une trouvaille géniale pour faire monter la tension. A mesure que leur nombre augmente, on sent que l'affaire s'enlise dans une noirceur poisseuse. Blue Boy évoque à juste titre la trame narrative de Stand By Me. Il a parfaitement raison. Seulement ici, Inker nous entraine plutôt du côté du Silence des agneaux.
Bref ! Une histoire bien trash que l'on pourra déguster avec la B.O. livrée avec (que des titres bien lourds, de Mudhoney à Smashing Pumpkins).
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1629 ou l'effrayante histoire des naufragés du Jakarta
Un pur récit d'aventure maritime, Dorison nous entraîne sur le Jakarta et nous fait partager le quotidien d'un équipage sur un navire du 17ème siècle. Basé sur des faits historiques réels, l'auteur intègre un récit avec des personnages classiques dans une aventure de piraterie, un savant équilibre qui fait la réussite de cette bd. Pas un seul moment de répit dans ce scénario, tout ce voyage basé sur la cupidité des armateurs qui veulent rentabiliser au plus vite leurs investissements sans aucune considération humaine nous entraîne dans une fuite en avant où nous pressentons la catastrophe finale. La qualité de l'ouvrage est un peu hors norme pour un grand éditeur, la couverture, l'épaisseur du papier et le marque page. Pour l'oeuvre par elle-même, c'est du même niveau, l'auteur présente avant le début de l'histoire une carte du trajet du navire, un plan du Jakarta et surtout le mode de fonctionnement de la VOC pour comprendre la hiérarchie sur les bateaux de cette compagnie. Ces informations permettent d'être immergées dès le départ dans l'ambiance des transports maritimes à cette époque. Le dessin de Montaigne fait la part belle à la représentation des visages marqués par la dureté de la vie en mer, les détails du bateau ne sont pas en reste et grâce aux couleurs sombres à l'intérieur du bateau nous ressentons l'enfermement de tout l'équipage. Un premier tome qui donne envie de lire la suite.
Le Château des Animaux
Tome 3 "La Nuit des justes" Comme pour tenter de comprendre ce qui produit les tyrans, ce troisième tome s’ouvre sur un flashback spectaculaire montrant un Silvio jeune, harassé par le poids de la charrette qu’il doit tirer sous les ordres d’un chien sans pitié, des années avant qu’il ne fasse son putsch pour commander la ferme. Le syndrome de la victime devenue bourreau à son tour… Après avoir croisé l’épouse du numéro 1, assassiné par Silvio à la fin du tome 2, contrainte de quitter le château avec ses chiots après être tombée en disgrâce, Miss B est saisie par le doute et ne souhaite plus mener la révolution. D’autant qu’elle ne veut pas cautionner une partie des animaux qui souhaite désormais passer à l’action violente pour évincer Silvio de son palais. « Tant que notre colère sera plus forte que nous, nous ne vaudrons pas mieux que Silvio. » lance-t-elle à ses troupes. Azélar le vieux rat va s’employer à la convaincre de ne pas lâcher le combat. La clé ? Faire cesser la peur, mettre un programme sur pied pour instaurer la justice et le vote… et toujours sans violence ! La marguerite deviendra l’emblème de ce de ce « printemps des animaux » ! Mais le tyran n’est pas prêt à céder, persuadé d’avoir fait amende honorable en jetant à la foule un os à ranger : l’assassinat en public de son « numéro un ». Ainsi, quoi de plus logique pour lui, que d’emprisonner ceux qui refusent de déposer la marguerite qu’ils arborent dans ses sinistres geôles ? En lisant cette « Nuit des justes », impossible de ne pas penser aux événements qui se déroulent actuellement en Iran, où les femmes se révoltent contre le port obligatoire du tchador. Notamment avec cette scène marquante où les animaux décident de jeter leurs colliers à clochette devant la milice de chiens, sans crainte des morsures qu’ils auraient à subir en représailles. Il faut noter l’humour au vitriol présent dans la série, autant à l’adresse des tyrans que de leurs courtisans, prêts à s’abaisser jusqu’au ridicule pour s’acquérir les bonnes grâces du maître, humour que Delep a su retranscrire dans son dessin semi-réaliste enlevé. Délaissant le choix d’une apparence anthropomorphe des animaux, le dessinateur n’a conservé que les expressions humaines, et celles-ci suscitent souvent l’amusement, telle celle du futur numéro un (en page 8), très flatté de se voir promu par le « président » lui-même. On ne saura reprocher à cette saga la profondeur et la puissance de son message politique, un message universel en résonance avec la situation actuelle, décrivant la façon la plus subtile de faire pression sur les pouvoirs autoritaires, d’autant plus dangereux lorsqu’ils se parent des « plumes » de la démocratie et dénoncent ses adversaires, si pacifiques soient-ils, comme les ennemis ultimes. En d’autres termes, l’art de retourner la situation et de jeter l’huile sur le feu. La soif de domination n’a pas de prix ! L’autre point fort du « Château des animaux », purement formel, ce sont bien ses couvertures, toutes aussi réussies les unes que les autres. Alors s’il est un bémol à pointer, certes mineur, il se trouve peut-être du côté de la narration, qui laisse une vague impression de délayage. Deux tomes auraient sans doute suffi pour cette revisite du roman de Georges Orwell, qui est tout de même une sorte de huis-clos où le rêve, un vigoureux rêve de liberté, demeure tout du long confiné au périmètre de la ferme. Ainsi on se félicite de savoir que la série verra sa conclusion dans un quatrième et dernier tome, que l’on n’en a pas moins hâte de découvrir ! Tome 2 "Les Marguerites de l’hiver " Dans la lignée du tome 1, cette suite poursuit la revisite de « La Ferme des animaux » avec un certain brio et une profondeur politique assez poussée, qui fait de cette série un véritable petit manuel en faveur de la révolution pacifique. Ce qu’on apprécie, c’est que même si on sent qu’il s’agit d’une diatribe contre les régimes tyranniques, Dorison évite le piège d’un manichéisme caricatural et d’une lutte binaire que soutiendraient « comme un seul homme » tous les « opprimés » du système décrit. Le plus dur étant peut-être de convaincre ceux de son propre camp… Il fait intervenir des contradicteurs – certains animaux sont sceptiques quant au bien-fondé d’une révolution pacifique – et évite de dépeindre ceux du camp d’en face comme de purs salauds, car le fameux « numéro 1 », tout ordure soit-il, a aussi une famille qui pâtira du sort qui lui est réservé. Tome 1 "Miss Bengalore" Référence explicite à « La Ferme des animaux » de George Orwell, la nouvelle série du prolifique Xavier Dorison suscite avec ce premier tome un engouement évident et tout à fait justifié. La très belle couverture, évoquant l’univers du conte, y est sans doute pour quelque chose. A l’instar du roman d’Orwell, Dorison dénonce les dictatures dont la principale caractéristique est d’exercer le pouvoir par la violence et la manipulation, mais comme il le dit lui-même, il a ajouté une note d’optimisme en démontrant que tout pouvoir rejeté par le peuple peut tomber par d’autres moyens que la violence, à savoir la désobéissance civile. Pour ce faire, il s’appuie sur des personnages historiques qui y ont eu recours dans leur pays, en premier lieu Gandhi, mais aussi Lech Walesa, Nelson Mandela, Martin Luther King. Gandhi est symbolisé dans l’histoire par le rat Azélar, qui depuis sa cachette va organiser la fronde contre le dictateur Silvio, incarné par un taureau imposant et agressif, protégé par sa meute de molosses. Pour tenter d’ébranler la toute puissance de ce dernier, Azélar et ses amis, la chatte Miss Bengalore et le lapin César, utiliseront une arme redoutable : le rire ! Le dessin a été confié à Félix Delep, qui pour une première BD, possède un talent évident. Si son style dynamique et percutant rappelle beaucoup celui de Juanjo Guarnido ou de Sokal, le jeune dessinateur ne recourt pas à l’anthropomorphisme — sauf peut-être pour les « gueules », très expressives — mais a préféré laissé ses animaux sur quatre pattes, si l’on excepte bien entendu les volailles… Une fois surmonté le scepticisme du début, force est de reconnaître que Delep possède un sacré coup de patte ! (trop tentante pour ne pas la faire, celle-là…) Avec ce premier volet, c’est une véritable fable politique — accessoirement animalière — qui se dessine, dans l’esprit de Jean de la Fontaine, à laquelle la formule de ce dernier correspond on ne peut mieux : « Selon que vous serez puissants ou misérables, les jugements de cour vous rendent blanc ou noir ». Et déjà à son époque, le fabuliste avait bien compris la puissance de l’humour contre le tyrannie… Prévu en quatre tomes, « Le Château des animaux » s’avère une série plutôt prometteuse qui pourrait faire date.
Journal d'un Enfant de Lune
Je trouve que la BD est un médium efficace pour mettre en lumière des situations assez dramatiques. J'ai pu lire plusieurs séries qui traitent des maladies rares (orphelines) et je n'ai jamais été déçu. Ici Joris Chamblain et Anne-Lise Nalin m'ont ému en me faisant redécouvrir la Xeroderma Pigmentosum (XP) et ses effets sur la vie quotidienne des enfants qui en souffrent. J'ai beaucoup aimé la mise en scène proposée par Joris Chamblain. Son idée de nous faire entrer dans l'univers de Maxime via les yeux de Morgane une ado (faussement) révoltée contre son entourage à travers la lecture d'un journal intime est vraiment bonne. Le récit prend des allures de roman rose et de roman policier ce qui éloigne le lecteur d'un enfermement trop angoissant dans la maladie. C'est un message d'espoir qui est délivré même s’il est parsemé de moments de révoltes (légitimes celles-là). Le dessin de Anne-Lise Nalin est moderne avec un trait qui correspond à ce que l'on voit couramment sur les écrans ou dans les séries pour ados. Ce n'est pas mon graphisme préféré mais cela porte bien le récit pour élargir le public des lecteurs et lectrices. Une bonne série qui aborde un sujet touchant traité avec beaucoup de délicatesse et de justesse. Très bonne lecture assez rapide.
Les Vaincus
Duchazeau réussit là, dans un style assez dépouillé, à montrer la folie, l’improbable rapidité avec laquelle les Espagnols se sont rendus maîtres de l’Empire inca, mais aussi la fragilité de ce dernier. Tout d’abord, ce qui saute aux yeux – et qui sans doute rebutera certains autant qu’il en attirera d’autres – c’est le dessin de Frantz Duchazeau. Globalement épuré donc, avec un trait très gras, charbonneux, à la limite de l’abstrait parfois, je l’ai trouvé à la fois très beau et parfaitement raccord avec l’histoire et le ton qu’il souhaitais lui donner. Les Espagnols, avec leurs airs de spectres, illustrent une sorte de mesnie Hellequin, une apocalypse où le monde, proche de la fin, ne serait plus éclairé que par des cendres, une lumière noire fantastique et désespérée. Duchazeau avait quelques années auparavant déjà traité ce thème avec Fabien Vehlmann dans La Nuit de l'Inca. Mais le ton, la colorisation donnaient quelque chose de différent, de clairement moins noir – je préfère la version des « Vaincus ». Au cœur de ce désastre qui ne nous surprend pas, puisque nous connaissons cette histoire sanglante, simple réplique de celle des Aztèques une quinzaine d’années plus tôt, nous suivons un guide, Apoo, chasqui (c’est-à-dire messager royal). Ses courses éperdues (ses messages de fin du monde arrivent ou pas, mais le destin de ce monde n’en dépend plus) illustrent le désarroi des peuples des Andes face à ces dieux étrangers. Le récit est très simple dans sa construction, à tout prendre aussi dans son illustration. Mais c’est un album que j’ai vraiment apprécié, et dont je vous recommande la lecture – surtout si, comme moi, vous accrochez au style graphique de Duchazeau.
Charly 9
Une adaptation d'un roman du regretté Jean Teulé. Une adaptation réussie. Je ne peux pas comparer avec l'œuvre originale, ne l'ayant pas lue. Un récit reprenant la vie de ce roi de France dont le seul fait marquant sera "le massacre de la Saint-Barthélémy". Pas terrible comme héritage historique ! Pourtant ... Charles IX monte sur le trône à l'âge de 10 ans après la mort de son frère François II mort à 16 ans. La période est trouble au royaume de France, il est secoué par les guerres de religions entre protestants et catholiques. Un album qui commence la veille du massacre de la Saint-Barthélémy, une décision prise sous la pression de sa mère, Catherine de Médicis et de ses ministres. Une décision qui va le marquer toute sa courte vie. Il ne lui reste plus que 2 ans à vivre. Charles IX est un homme faible qui n'était pas fait pour être roi, il est sous la coupe d'une mère autoritaire. Il va doucement, mais sûrement, basculer dans la folie (avec des passages effarants), jusqu'à cette dernière journée et la sécrétion de sang par les pores de sa peau. J'ai beaucoup apprécié la narration corrosive comme l'humour employé. Charly 9 ne sort pas grandi après la lecture des 126 planches, mais j'ai ressenti une certaine empathie pour ce jeune homme décédé à 24 ans. Guérineau dans un style semi réaliste a su cerner Charles IX, tant physiquement que psychologiquement. On ressent sa détresse lors des premières planches lorsqu'il doit approuver le fameux massacre. La transformation de son visage au fil des pages est saisissante. Superbe. Un vrai bon moment de lecture. Les nombreux faits historiques exposés ici ne sortent pas de l'imagination des auteurs, ils sont avérés.
Le Serpent et le Coyote
Cette histoire m’a donné tout ce que la couverture m’avait promis : de l’aventure, de l’action et des grands espaces américains. Matz n’en est pas à son coup d’essai et a réalisé de nombreux polars (dont le mythique Le Tueur), et ce nouvel album ne déçoit pas. L’histoire (inspirée du programme de sécurité des témoins américain, Witsec) est certes classique au possible, mais bien construite et rondement menée. La narration en « voix off » est un peu lourde par moment, mais bien amenée (le narrateur parle à son coyote adopté) et permet au lecteur d’en apprendre plus sur la situation actuelle mais aussi sur le passé du personnage. Le procédé est efficace, et j’ai avalé les 140 pages d’une traite. Surtout que le dessin est magnifique. Il est fin et détaillé, très lisible, et les paysages américains sont parfaitement représentés… quel dépaysement ! Un polar de qualité, que je recommande vivement aux amateurs du genre.
Blacking out
Rhàà lovely ! glop glop ! mais que cet album est bon ! Cela devient extrêmement rare de trouver un excellent polar avec une fin que tu ne vois pas venir de loin. J’ai adoré me perdre ! Un ex-flic démis de ses fonctions traine péniblement sa carcasse à la recherche de la rédemption. Une occasion se présente à lui. Il va donc mettre toutes ses forces et toutes ses compétences pour dénouer un crime abominable. Ca sent le brulé ! C’est oppressant ! C’est glauque ! c’est violent ! Les pistes sont abondantes. Difficile de trouver qui est l’assassin ! Le scénario haletant tient la route. Le graphisme est nerveux et sombre. Le trait noir est épais. Peter Krause ne fait pas dans la fioriture et c’est tant mieux. Cela donne du rythme à cette histoire poisseuse autour d’un personnage à la dérive. A noter que l’album est complété par une galerie d’illustrations. Ce bonus est juste magnifique esthétiquement. Voilà donc un one shot brulant - dans la même veine que les comics US - vraiment agréable à lire que je recommande vivement. Et je vous l’annonce d’ores et déjà, vous serez surpris par le dénouement.
La Dernière Reine (Rochette)
Rochette a encore gravi un échelon sur l'échelle graphique. Cette dernière reine est tout à fait remarquable. Pour l'anecdote, et sans vouloir raconter ma life (peu intéressante au demeurant), je suis resté un long moment chez mon libraire avec dans une main l'édition courante, et dans l'autre le tirage limité, imprimé en noir et blanc dans un format plus conséquent. Son trait de toute beauté m'a plongé dans une sorte d'indécision plutôt inhabituelle chez moi. Outre le prix outrageux du tirage de luxe (ainsi que la couverture à mon sens mal choisie), c'est finalement la mise en couleur qui m'a fait opter pour l'édition courante. En effet, je la trouve très réussie. Les scènes sont baignées dans une atmosphère sombre tout à fait de circonstance. On est dans l'immédiat après-guerre. A l'image d’Édouard Roux, le héros de cette histoire, le pays se réveille avec la gueule cassée, des artistes nouveaux émergent peu à peu en marge de l'art officiel... On y croise notamment Chaïm Soutine ou le sculpteur François Pompon (dont l'Ours Blanc exposé au musée d'Orsay, allusion à la disparition des ours polaires, est un écho actuel au dernier ours du Vercors raconté ici par Rochette - parce que oui, Rochette nous parle bien d'aujourd'hui)... Bref ! L'époque semble très bien reconstituée ici. Je l'évoquais : La dernière reine est un livre d'aujourd'hui. Chez les peuples indiens, la nature n'existe pas. A la question "qu'est-ce que la nature ?", un habitant de la forêt amazonienne répondra : "mais la Nature, c'est moi !". Cette micro digression pour dire que pour aborder la question du lien qui unie l'Homme à la nature, tout à fait centrale dans ce récit, Jean-Marc Rochette choisit précisément d'ancrer son histoire dans une époque troublée. L'image de la gueule cassée pourrait s'appliquer à bon nombre d'entre nous tant les séquelles de la guerre économique de tous contre chacun depuis disons 2001 détruit nos vies et notre quotidien. Et bien entendu, comment ne pas voir dans la dernière ourse abattue une allégorie de l'extinction de masse qui se déroule sous nos yeux incrédules ? Quant à notre couple qui fait le choix de se retirer du Monde pour aller vivre de la terre, il s'agit d'une vision d'un futur qui n'appartient pas qu' à son auteur mais s'incruste dans bon nombre de têtes... Mais pas question de tout révéler. Il y a beaucoup beaucoup de choses à manger (le modèle pris par Édouard pour son masque en est une autre), sans que l'on ressente pour autant la sensation d'ingérer un truc bourratif. Autre chose : le fait d'établir des corrélations entre différentes époques est un truc auquel je suis personnellement très sensible. Cette idée qu'un lieu est habité par un esprit, que les événements imprègnent le temps qui passe, me parle énormément. Rochette utilise pas mal ce ressort, et de mon point de vue, cela confère encore davantage de profondeur à son récit. Bref ! C'est une chouette BD, dotée d'une belle densité sémique. Celle-ci n'est pourtant pas exempte de maladresses. Par exemple, je m'interroge sur l'utilité de ces images fragmentées en plusieurs cases. Quel est l'intérêt, par exemple, de nous montrer un ours dressé sur ses pattes arrières dont le dessin est divisé en 6 cases là une seule grande aurait suffit ? Quant aux bons sentiments qui agitent nos protagonistes, certains pourront les trouver un peu mièvres et sans réelle profondeur. Ha ! Les bons sentiments que voilà ! Je peux parfaitement l'entendre. MAIS ce serait passer outre ce flux narratif qui nous embarque dans une époque et nous donne à voir une histoire à laquelle on a terriblement envie de croire. Ce serait oublier le trait affuté comme jamais de cet auteur incontournable. Et surtout ce serait manquer ce qui se révèle être au fil des pages un écho tangible à notre époque. Enfin, les bons sentiments, ça ne mange pas de pain. On en a besoin par les temps qui courent.
Faits divers
Certains pourront trouver à cette BD un côté un peu gadget. Anouk Ricard s'appuie donc sur des titres d'articles de presse qu'elle extrapole pour en tirer une histoire invraisemblable. Et c'est réussi. Tantôt absurdes, tantôt ridicules, ces scénarios abracadabrantesques (qui tiennent parfois en un seul dessin) sont truculents. C'est vraiment très très drôle, tout à fait dans mon style d'humour. Elle a donné suite pour faire un tome 2 de Faits Divers, malheureusement moins réussi. Ce tome 1 est un régal à savourer comme un bonbon. Avec le même inconvénient : ça ne dure pas très longtemps mais qu'est-ce que c'est bonbon !
Colorado train
Voilà certainement une des grandes BD de cette année 2022. Ce qui m'a étonné au premier abord, c'est le style graphique de Alex W. Inker qui donne à voir ici une nouvelle facette de son talent. Personnellement, de ce strict point de vue, je trouve que Colorado Train est sa meilleure réalisation. Elle est graphiquement ce qu' Un travail comme un autre était scénaristiquement parlant (c'est compréhensible ?). Ce trait noir d'encre est magnifique et colle parfaitement à l'épisode sordide (et noir d'encre, donc) qui se déroule sous nos yeux. L'histoire des clous ponctuant chaque chapitre est une trouvaille géniale pour faire monter la tension. A mesure que leur nombre augmente, on sent que l'affaire s'enlise dans une noirceur poisseuse. Blue Boy évoque à juste titre la trame narrative de Stand By Me. Il a parfaitement raison. Seulement ici, Inker nous entraine plutôt du côté du Silence des agneaux. Bref ! Une histoire bien trash que l'on pourra déguster avec la B.O. livrée avec (que des titres bien lourds, de Mudhoney à Smashing Pumpkins).