Franchement bien principalement parce que j’ai été on ne peut plus réceptif à l’humour distillé dans cet album. Cette galerie de personnages à la fois farfelus et proches de nous est exploitée avec toute la dérision nécessaire par l’autrice. C’est vivant, humain et joyeux jusque dans les moments les plus sombres.
Le dessin est en parfaite osmose avec le ton de l’album. Un côté naïf dans le trait, certains profils parfois franchement ratés, mais des couleurs vives et joyeuses. Le charme du graphisme vient de son imperfection au même titre que le charme des personnages vient de leurs imperfections. Osmose, donc…
L’histoire en elle-même est des plus anodines, mais je me suis attaché à ces personnages, j’ai aimé le caractère saugrenu de certains passages, j’ai été touché par d’autres… En clair, même s’il ne s’y passe rien d’exceptionnel, j’ai beaucoup aimé cette lecture.
Aaaaah ... Léon la terreur ! Voilà bien le genre de BD que j'aime particulièrement pour son décalage. Décalage entre la croyance de lire une vieille BD années 60 ligne claire toute mignonne avec un héros très propre et la réalité d'un humour complètement déjanté où tout part en vrille ! Et j'adore !!! Surtout à l'heure actuelle où le système politiquement correct nous rappelle qu'il est interdit de se lâcher, bref pas de sujet politique ici !
Léon est un monsieur catastrophe aux réactions complètement hallucinées et improbables (mention spéciale à la réplique "vous arrivez à éjac... correctement ?" réponse : "oui, vous voulez l'essayer ?" : ça m'a éclaté de rire). Humour certainement hollandais-flamand que j'affectionne. Par contre, comme il a été dit dans les avis précédents, il doit y avoir quelques difficultés de traduction car quelques gags ne sont pas bien lisibles.
Concernant le dessin, la ligne très claire que l'on connait se prête très bien à ce personnage anti-héros par excellence. Honnêtement j'adore.
C'est loin d'être la première BD que je lis qui raconte la jeunesse et le parcours de son auteur, comment lui est venu la passion de la BD et comment il en a fait sa carrière. Toutefois c'est bien la seule qui m'a montré de cette manière la vie et la situation politique en Turquie des années 70 aux années 2000. Et elle m'a appris beaucoup de choses.
J'ai réalisé à sa lecture à quel point ma vision de la Turquie était faussée par les clichés que j'en avais et le peu que j'en avais vu, via des films comme Midnight Express ou le premier tome de Largo Winch. J'y voyais un pays corrompu et autoritaire, mais avec une vision aussi simple que celle que je pouvais avoir de pays africains avec un président à vie à leur tête et des autorités corrompues. Il me manquait un élément essentiel, à savoir à quel point la modernisation du pays par Atatürk avait paradoxalement entrainé des années plus tard l'exacerbation d'extrêmes entre les prodémocratie laïques, les ultra-nationalistes et les musulmans radicaux. Je n'avais aucune idée de la dangerosité du pays dans les années 70 quand la population civile était entre le marteau et l'enclume d'une guerre civile larvée et maffieuse entre radicaux de gauche et de droite. Je n'avais pas non plus une vision claire du rôle de l'armée ni de la montée de l'islamisme politique et de la pression sociale agressive dont ils ont pu faire preuve ensuite sur la population, pas plus que de la manière dont Erdogan avait réalisé son ascension au pouvoir avec ce soutien islamiste à peine masqué. Alors que Journal inquiet d'Istanbul raconte purement la jeunesse de son auteur, c'est bien par son biais que j'ai pu découvrir tout cet aspect de la Turquie que je connaissais trop mal.
Mais est-ce qu'un contenu instructif suffit à faire une bonne BD ?
Non, mais dans le cas présent, un dessin de bonne qualité et une narration très fluide et agréable le permettent pour de bon.
Je ne connaissais pas Ersin Karabulut. Ses personnages très caricaturaux ont un temps masqué à mes yeux son talent graphique mais ses décors réalistes et très soignés m'ont convaincu. J'apprécie aussi l'élégance de sa colorisation. Sa mise en scène est simple mais efficace et la lecture coule avec fluidité. On ne s'ennuie pas, il y a toujours une légèreté dans le ton qui contraste avec le sérieux du fond et évite le pathos.
Au-delà de l'aspect instructif de l'histoire concernant la société turque de la fin du 20e siècle à nos jours, le personnage principal est relativement attachant et son parcours intéressant. On comprend notamment combien le fait de s'être définitivement engagé dans la carrière artistique a été pour lui complexe et largement moins anodin que ça aurait pu l'être dans un pays purement démocratique et libre, et à quel point il a pu être tiraillé entre sa passion et la peur qu'elle engendrait pour sa famille qui tenait tant à lui.
A priori, une suite est annoncée mais ce simple premier tome se suffit déjà très bien à lui-même.
C'est un documentaire choc que nous proposent David et Bruno Cénou. J'avais déjà apprécié David dans son très bon Un Juste qui piochait dans les archives de sa famille pour nous relater une histoire (vraie) de justice et d'humanité sous l'Occupation.
Dans "Panthers in the hole" ces deux thèmes sont encore centraux dans le récit des Cénou. Sous le patronage d’Amnesty International les auteurs nous relatent l'histoire ahurissante des "3 d'Angola".
Ahurissante car cela ne se déroule pas dans une dictature brune ou rouge mais bien dans le "Land of Free" entre 1972 et 2016. Autant dire que la couleur des Administrations n'a eu que peu d'effet sur le déroulement des événements.
Que les Black Panthers furent l'ennemi 1 vers 1970 avec une véritable guerre menée par le FBI, cela est rentré dans l'histoire. Mais un tel acharnement sur trois hommes dont les appuis politiques avaient disparu depuis longtemps laisse incrédule.
D'une certaine manière cela montre aussi la puissance de la justice locale, de la séparation des pouvoirs et sa limite quand elle est pervertie par des notions interprétées de façon personnelle et très discutable.
En effet si le discours du directeur Cain (le travail, la moralité et la confiance) est audible pour la réinsertion des délinquants, sa violence, son sadisme, son racisme et le non-contrôle de son autorité sont inacceptables dans un pays comme les USA.
Bien sûr on pourrait objecter que le scénario est uniquement à charge contre les institutions pénitentiaires de Louisiane mais les faits dévoilés sont tellement crédibles que l'on suit aisément les auteurs même si nous ne disposons pas de tous les éléments du dossier des trois hommes.
Le graphisme en N&B de David Cénou porte bien le récit. Le trait est efficace et précis et apporte son appui à une mise en scène assez compliquée puisqu'il faut suivre les trois destins en parallèles.
J'ai trouvé cette lecture très intéressante pour qui aime penser les notions de justice et de droit dans des contextes sociaux et raciaux difficiles.
Je découvre cette collection Jeunesse pour les tout-petits et je suis conquis. Comme quoi, on peut s'adresser aux petits enfants d'une façon intelligente et pleine d'émotion.
Les scénarii sont simples mais correspondent bien au vécu des enfants même assez petits : "amour" de son copin-e de classe ou de palier, petit animal de compagnie à la fois encombrant et attachant ou premier jeu de rôle façon rêve de bambins.
C'est juste et peut être lu dès la maternelle. Les dessins qui remplacent le lettrage sont efficaces et la compréhension immédiate.
Le graphisme est doux sans agressivité, ce qui plaira aux plus jeunes. La mise en couleur accompagne et renforce cette douceur.
Une lecture bien mignonne pour tous les âges. À partir de trois ans.
J’avais découvert cet auteur néerlandais il y a quelques années avec un album des plus originaux, hautement intrigant : Sine qua non.
Quelques temps après, j’avais rencontré des représentants de The Hoochie Coochie sur un petit salon, et avais discuté de cet auteur inclassable, découvrant au passage qu’il avait poursuivi dans sa veine médiévale, avec cet « Inferno », directement inspiré de La Divine Comédie de Dante. Et je l’avais donc acheté, puis remisé sur, puis sous une de mes « piles à lire », jusqu’à ce que je tombe sur le plus récent "Les bienheureuses" chez le même éditeur et dans la même lignée.
Donc, voilà, je me suis dit qu’il faudrait que je les lise, en commençant par « Inferno » donc.
Le travail éditorial est vraiment beau, avec une couverture épaisse à rabats, ce qui met bien en valeur le travail de Ruijters, qui ressemble encore une fois à des gravures médiévales (le travail en Noir et blanc, mais aussi son dessin très particulier, l’absence de perspective moderne renforcent cette impression).
L’iconographie pleine de créatures aussi diaboliques qu’imaginaires, tout en suivant Dante, donne aussi une patine, une coloration médiévale : c’est en tout cas un dessin et des choix graphiques qui m’accrochent.
Comme l’explique Ruijters dans un très intéressant texte de présentation, beaucoup de gens connaissent Dante et son enfer, sans l’avoir lu. Ce qui est mon cas. Pourtant, je sens bien que Ruijters, comme il l’explique, lui a été fidèle dans l’esprit et la représentation. Il a par contre fait le choix de n’impliquer que des figures féminines (Dante devient Danta, accompagnée de la poétesse Virgilia et elles ne rencontrent dans les différents cercles des enfers que des pécheresses).
Il fait ressortir aussi sur la fin un aspect qui m’avait échappé de cette œuvre de Dante, à savoir une critique des mœurs commerciales de l’époque (en cela – mais cet aspect et bien évidemment absent du travail de Ruijters – on peut le voir comme un jalon qui mène, avec la naissance du purgatoire, aux critiques de Luther contre les indulgences, et de Marx contre certains aspects de la société capitaliste).
Si quelques petites pointes d'humour et une grande fantaisie sont repérables, c'est clairement une ambiance noire qui domine.
Si quelques très rares bulles occupent l’espace (avec alors quelques mots latins, mais plus généralement des dessins dans les phylactères), le texte est quasiment toujours en bas des planches. Cela peut surprendre, mais ça n’a pas gêné ma lecture.
Au final, Ruijters donne une belle interprétation du texte de Dante, et confirme avec cette adaptation qu’il est un artiste inspiré, original, que je vais continuer à suivre en tout cas.
Il n'y a pas grand-chose à ajouter au très bel avis de Blue Boy sur cette agréable série de Lucas Harari. Je n'ai pas lu Martin Eden de Jack London et peut être que cela ajouterait à l'attrait de clins d'oeil supplémentaires.
Bien sûr une belle blonde, un héros qui semble piégé dans une ambiance qui le dépasse et un épisode psychiatrique nous ramènent au monde d'Hitchcock. On y ajoute un zest d'Alain Delon jeune au bord d'une piscine pour plonger dans le personnage de Léo que j'ai beaucoup aimé.
Il y a bien quelques épisodes où Léo joue au Tintin amateur quand il découvre des statuettes qui portent malheur ou quand il s'agit de s'introduire dans une sinistre clinique. Je trouve que le scénario est à double entrée et la fin reste ouverte. Car l'énigme se résume-t-elle à ce qui est montré par Rose et ses proches ?
N'y a-t-il pas d'autres mystères dans les draps de Sylvain le cousin bien énigmatique ? Le texte est rare, ce qui ne facilite pas notre guidage. C'est d'ailleurs dommage car les rares dialogues un peu suivis sont d'un très bon niveau.
Harari nous manipule presque entre deux époques. Cette bande d'amis est vraiment très 60's, impression renforcée par ce graphisme au look vintage. Mais quand Léo parle de "boucan d'enfer", Rose nous fait bien sentir que ce vocabulaire est révolu et appartient à une autre génération.
Le dessin est très élégant et racé. Le graphisme seul suffit à planter l'atmosphère étrange et languissante du récit. Un mot sur les formidables couleurs qui claquent sous le soleil de la Méditerranée.
188 pages qui se lisent avec avidité et plaisir pour un excellent moment de lecture.
Un Chabouté de temps en temps, à lire ou à relire, c’est la garantie de passer un très bon moment. Ambiance bien noire, dès les premières pages le ton est donné. Dans un grand flash-back, Christophe Chabouté reprend le déroulement de la vie de Landru « tueur en série », détaillant la mécanique des crimes dont il est accusé. C’est glaçant. Peu bavard, l’album laisse la part belle au dessin fort et incisif. Totalement muettes, les premières pages sont sublimes et donnent le ton de l’histoire qui va suivre… Chabouté sait parfaitement manier les silences et laisser le dessin s’exprimer sans en rajouter, sans alourdir. Ça, c’est un premier point fort de cet album. Autre point fort, c’est l’interprétation du personnage de Landru par Chabouté qui laisse planer le doute sur son degré de culpabilité étant donné qu’il est déclaré qu’il est « quasiment » certain qu’il a commis ces meurtres. Eh oui, « quasiment » !! Il est vrai qu’il n’a jamais avoué les 11 meurtres dont il est accusé ! Côté dessin, c’est du grand art. Comme dans ses autres albums, Chabouté joue sur les ambiances, sur les regards des personnages, sur les failles de la nature humaine, sur les non-dits. Un très bon Chabouté.
Très sympa, prenant jusqu'au bout, on ne s'ennuie pas. Quelques facilités par ci par-là mais ça a l'avantage de faire avancer rapidement l'histoire plutôt que de tirer en longueur.
Les personnages et les animaux sont très bien dessinés. L'ambiance préhistorique se ressent très bien. Lecture agréable, j'ai enchaîné les 3 tomes.
L'auteur camerounais Japhet Miagotar nous propose une série en forme de théâtre d'ombres et de masques. Cette excellente mise en scène renforce la déshumanisation que souligne le récit.
C'est un cri de colère que hurle Miagotar en lieu et place de ces victimes si vite oubliées à leurs détresses.
Japhet Miagotar est dans son rôle premier d'artiste qui donne son talent pour faire entendre ces milliers de sans voix qui subissent l'injustice d'un système asservi au dieu dollars.
Ce scandale illustre bien un thème assez peu utilisé par nos artistes : celui de la gestion frauduleuse des déchets industriels. Les sommes en jeu étant énormes, cette problématique fait le bonheur de toutes les organisations criminelles du monde.
C'est aussi un cauchemar de toutes les autorités politiques puisque cela touche souvent des multinationales capables de faire du chantage à l'emploi. C'est ce que souligne l'auteur, les pénalités sont souvent faibles en regard des profits effectués. La gestion des déchets toxiques étant d'un coût très élevé pour une entreprise qui suit scrupuleusement les normes de sécurité.
Comme le montre le graphisme si original de l'auteur, tout le monde se cache derrière son masque et tant pis pour les victimes. "Pas vu pas pris" et l'on repart les poches pleines. Quitte à perdre quelques miettes en route pour faire plaisir au système politico-médiatique.
Japhet introduit une fin dans un esprit très africain qui peut désorienter un esprit rationaliste mais le récit n'en perd pas de sa force.
Impossible d'aviser cette série sans parler de son graphisme si particulier. À la fois moderne et traditionnel l'absence de visages nous réduit à nous focaliser sur l'acte. Aucune empathie ni antipathie n'est possible par cette représentation si particulière. L'auteur m'a donné l'impression d'un monde qui obéit à sa propre logique destructrice en dehors de toute considération humaine, un peu comme dans un camp de concentration.
Ce n'est pas une lecture spécialement facile et qui peut désorienter mais qui vaut vraiment qu'on s'y attarde pour son originalité.
En France, les livres sont au même prix partout. C'est la loi !
Avec BDfugue, vous payez donc le même prix qu'avec les géants de la vente en ligne mais pour un meilleur service :
des promotions et des goodies en permanence
des réceptions en super état grâce à des cartons super robustes
une équipe joignable en cas de besoin
2. C'est plus avantageux pour nous
Si BDthèque est gratuit, il a un coût.
Pour financer le service et le faire évoluer, nous dépendons notamment des achats que vous effectuez depuis le site. En effet, à chaque fois que vous commencez vos achats depuis BDthèque, nous touchons une commission. Or, BDfugue est plus généreux que les géants de la vente en ligne !
3. C'est plus avantageux pour votre communauté
En choisissant BDfugue plutôt que de grandes plateformes de vente en ligne, vous faites la promotion du commerce local, spécialisé, éthique et indépendant.
Meilleur pour les emplois, meilleur pour les impôts, la librairie indépendante promeut l'émergence des nouvelles séries et donc nos futurs coups de cœur.
Chaque commande effectuée génère aussi un don à l'association Enfance & Partage qui défend et protège les enfants maltraités. Plus d'informations sur bdfugue.com
Pourquoi Cultura ?
Indépendante depuis sa création en 1998, Cultura se donne pour mission de faire vivre et aimer la culture.
La création de Cultura repose sur une vision de la culture, accessible et contributive. Nous avons ainsi considéré depuis toujours notre responsabilité sociétale, et par conviction, développé les pratiques durables et sociales. C’est maintenant au sein de notre stratégie de création de valeur et en accord avec les Objectifs de Développement Durable que nous déployons nos actions. Nous traitons avec lucidité l’impact de nos activités, avec une vision de long terme. Mais agir en responsabilité implique d’aller bien plus loin, en contribuant positivement à trois grands enjeux de développement durable.
Nos enjeux environnementaux
Nous sommes résolument engagés dans la réduction de notre empreinte carbone, pour prendre notre part dans la lutte contre le réchauffement climatique et la préservation de la planète.
Nos enjeux culturels et sociétaux
La mission de Cultura est de faire vivre et aimer la culture. Pour cela, nous souhaitons stimuler la diversité des pratiques culturelles, sources d’éveil et d’émancipation.
Nos enjeux sociaux
Nous accordons une attention particulière au bien-être de nos collaborateurs à la diversité, l’inclusion et l’égalité des chances, mais aussi à leur épanouissement, en encourageant l’expression des talents artistiques.
Votre vote
Juliette - Les Fantômes reviennent au Printemps
Franchement bien principalement parce que j’ai été on ne peut plus réceptif à l’humour distillé dans cet album. Cette galerie de personnages à la fois farfelus et proches de nous est exploitée avec toute la dérision nécessaire par l’autrice. C’est vivant, humain et joyeux jusque dans les moments les plus sombres. Le dessin est en parfaite osmose avec le ton de l’album. Un côté naïf dans le trait, certains profils parfois franchement ratés, mais des couleurs vives et joyeuses. Le charme du graphisme vient de son imperfection au même titre que le charme des personnages vient de leurs imperfections. Osmose, donc… L’histoire en elle-même est des plus anodines, mais je me suis attaché à ces personnages, j’ai aimé le caractère saugrenu de certains passages, j’ai été touché par d’autres… En clair, même s’il ne s’y passe rien d’exceptionnel, j’ai beaucoup aimé cette lecture.
Léon-la-Terreur (Léon Van Oukel)
Aaaaah ... Léon la terreur ! Voilà bien le genre de BD que j'aime particulièrement pour son décalage. Décalage entre la croyance de lire une vieille BD années 60 ligne claire toute mignonne avec un héros très propre et la réalité d'un humour complètement déjanté où tout part en vrille ! Et j'adore !!! Surtout à l'heure actuelle où le système politiquement correct nous rappelle qu'il est interdit de se lâcher, bref pas de sujet politique ici ! Léon est un monsieur catastrophe aux réactions complètement hallucinées et improbables (mention spéciale à la réplique "vous arrivez à éjac... correctement ?" réponse : "oui, vous voulez l'essayer ?" : ça m'a éclaté de rire). Humour certainement hollandais-flamand que j'affectionne. Par contre, comme il a été dit dans les avis précédents, il doit y avoir quelques difficultés de traduction car quelques gags ne sont pas bien lisibles. Concernant le dessin, la ligne très claire que l'on connait se prête très bien à ce personnage anti-héros par excellence. Honnêtement j'adore.
Journal inquiet d'Istanbul
C'est loin d'être la première BD que je lis qui raconte la jeunesse et le parcours de son auteur, comment lui est venu la passion de la BD et comment il en a fait sa carrière. Toutefois c'est bien la seule qui m'a montré de cette manière la vie et la situation politique en Turquie des années 70 aux années 2000. Et elle m'a appris beaucoup de choses. J'ai réalisé à sa lecture à quel point ma vision de la Turquie était faussée par les clichés que j'en avais et le peu que j'en avais vu, via des films comme Midnight Express ou le premier tome de Largo Winch. J'y voyais un pays corrompu et autoritaire, mais avec une vision aussi simple que celle que je pouvais avoir de pays africains avec un président à vie à leur tête et des autorités corrompues. Il me manquait un élément essentiel, à savoir à quel point la modernisation du pays par Atatürk avait paradoxalement entrainé des années plus tard l'exacerbation d'extrêmes entre les prodémocratie laïques, les ultra-nationalistes et les musulmans radicaux. Je n'avais aucune idée de la dangerosité du pays dans les années 70 quand la population civile était entre le marteau et l'enclume d'une guerre civile larvée et maffieuse entre radicaux de gauche et de droite. Je n'avais pas non plus une vision claire du rôle de l'armée ni de la montée de l'islamisme politique et de la pression sociale agressive dont ils ont pu faire preuve ensuite sur la population, pas plus que de la manière dont Erdogan avait réalisé son ascension au pouvoir avec ce soutien islamiste à peine masqué. Alors que Journal inquiet d'Istanbul raconte purement la jeunesse de son auteur, c'est bien par son biais que j'ai pu découvrir tout cet aspect de la Turquie que je connaissais trop mal. Mais est-ce qu'un contenu instructif suffit à faire une bonne BD ? Non, mais dans le cas présent, un dessin de bonne qualité et une narration très fluide et agréable le permettent pour de bon. Je ne connaissais pas Ersin Karabulut. Ses personnages très caricaturaux ont un temps masqué à mes yeux son talent graphique mais ses décors réalistes et très soignés m'ont convaincu. J'apprécie aussi l'élégance de sa colorisation. Sa mise en scène est simple mais efficace et la lecture coule avec fluidité. On ne s'ennuie pas, il y a toujours une légèreté dans le ton qui contraste avec le sérieux du fond et évite le pathos. Au-delà de l'aspect instructif de l'histoire concernant la société turque de la fin du 20e siècle à nos jours, le personnage principal est relativement attachant et son parcours intéressant. On comprend notamment combien le fait de s'être définitivement engagé dans la carrière artistique a été pour lui complexe et largement moins anodin que ça aurait pu l'être dans un pays purement démocratique et libre, et à quel point il a pu être tiraillé entre sa passion et la peur qu'elle engendrait pour sa famille qui tenait tant à lui. A priori, une suite est annoncée mais ce simple premier tome se suffit déjà très bien à lui-même.
Panthers in the hole
C'est un documentaire choc que nous proposent David et Bruno Cénou. J'avais déjà apprécié David dans son très bon Un Juste qui piochait dans les archives de sa famille pour nous relater une histoire (vraie) de justice et d'humanité sous l'Occupation. Dans "Panthers in the hole" ces deux thèmes sont encore centraux dans le récit des Cénou. Sous le patronage d’Amnesty International les auteurs nous relatent l'histoire ahurissante des "3 d'Angola". Ahurissante car cela ne se déroule pas dans une dictature brune ou rouge mais bien dans le "Land of Free" entre 1972 et 2016. Autant dire que la couleur des Administrations n'a eu que peu d'effet sur le déroulement des événements. Que les Black Panthers furent l'ennemi 1 vers 1970 avec une véritable guerre menée par le FBI, cela est rentré dans l'histoire. Mais un tel acharnement sur trois hommes dont les appuis politiques avaient disparu depuis longtemps laisse incrédule. D'une certaine manière cela montre aussi la puissance de la justice locale, de la séparation des pouvoirs et sa limite quand elle est pervertie par des notions interprétées de façon personnelle et très discutable. En effet si le discours du directeur Cain (le travail, la moralité et la confiance) est audible pour la réinsertion des délinquants, sa violence, son sadisme, son racisme et le non-contrôle de son autorité sont inacceptables dans un pays comme les USA. Bien sûr on pourrait objecter que le scénario est uniquement à charge contre les institutions pénitentiaires de Louisiane mais les faits dévoilés sont tellement crédibles que l'on suit aisément les auteurs même si nous ne disposons pas de tous les éléments du dossier des trois hommes. Le graphisme en N&B de David Cénou porte bien le récit. Le trait est efficace et précis et apporte son appui à une mise en scène assez compliquée puisqu'il faut suivre les trois destins en parallèles. J'ai trouvé cette lecture très intéressante pour qui aime penser les notions de justice et de droit dans des contextes sociaux et raciaux difficiles.
Valentine et Valentin
Je découvre cette collection Jeunesse pour les tout-petits et je suis conquis. Comme quoi, on peut s'adresser aux petits enfants d'une façon intelligente et pleine d'émotion. Les scénarii sont simples mais correspondent bien au vécu des enfants même assez petits : "amour" de son copin-e de classe ou de palier, petit animal de compagnie à la fois encombrant et attachant ou premier jeu de rôle façon rêve de bambins. C'est juste et peut être lu dès la maternelle. Les dessins qui remplacent le lettrage sont efficaces et la compréhension immédiate. Le graphisme est doux sans agressivité, ce qui plaira aux plus jeunes. La mise en couleur accompagne et renforce cette douceur. Une lecture bien mignonne pour tous les âges. À partir de trois ans.
Inferno (Ruijters)
J’avais découvert cet auteur néerlandais il y a quelques années avec un album des plus originaux, hautement intrigant : Sine qua non. Quelques temps après, j’avais rencontré des représentants de The Hoochie Coochie sur un petit salon, et avais discuté de cet auteur inclassable, découvrant au passage qu’il avait poursuivi dans sa veine médiévale, avec cet « Inferno », directement inspiré de La Divine Comédie de Dante. Et je l’avais donc acheté, puis remisé sur, puis sous une de mes « piles à lire », jusqu’à ce que je tombe sur le plus récent "Les bienheureuses" chez le même éditeur et dans la même lignée. Donc, voilà, je me suis dit qu’il faudrait que je les lise, en commençant par « Inferno » donc. Le travail éditorial est vraiment beau, avec une couverture épaisse à rabats, ce qui met bien en valeur le travail de Ruijters, qui ressemble encore une fois à des gravures médiévales (le travail en Noir et blanc, mais aussi son dessin très particulier, l’absence de perspective moderne renforcent cette impression). L’iconographie pleine de créatures aussi diaboliques qu’imaginaires, tout en suivant Dante, donne aussi une patine, une coloration médiévale : c’est en tout cas un dessin et des choix graphiques qui m’accrochent. Comme l’explique Ruijters dans un très intéressant texte de présentation, beaucoup de gens connaissent Dante et son enfer, sans l’avoir lu. Ce qui est mon cas. Pourtant, je sens bien que Ruijters, comme il l’explique, lui a été fidèle dans l’esprit et la représentation. Il a par contre fait le choix de n’impliquer que des figures féminines (Dante devient Danta, accompagnée de la poétesse Virgilia et elles ne rencontrent dans les différents cercles des enfers que des pécheresses). Il fait ressortir aussi sur la fin un aspect qui m’avait échappé de cette œuvre de Dante, à savoir une critique des mœurs commerciales de l’époque (en cela – mais cet aspect et bien évidemment absent du travail de Ruijters – on peut le voir comme un jalon qui mène, avec la naissance du purgatoire, aux critiques de Luther contre les indulgences, et de Marx contre certains aspects de la société capitaliste). Si quelques petites pointes d'humour et une grande fantaisie sont repérables, c'est clairement une ambiance noire qui domine. Si quelques très rares bulles occupent l’espace (avec alors quelques mots latins, mais plus généralement des dessins dans les phylactères), le texte est quasiment toujours en bas des planches. Cela peut surprendre, mais ça n’a pas gêné ma lecture. Au final, Ruijters donne une belle interprétation du texte de Dante, et confirme avec cette adaptation qu’il est un artiste inspiré, original, que je vais continuer à suivre en tout cas.
La Dernière Rose de l'été
Il n'y a pas grand-chose à ajouter au très bel avis de Blue Boy sur cette agréable série de Lucas Harari. Je n'ai pas lu Martin Eden de Jack London et peut être que cela ajouterait à l'attrait de clins d'oeil supplémentaires. Bien sûr une belle blonde, un héros qui semble piégé dans une ambiance qui le dépasse et un épisode psychiatrique nous ramènent au monde d'Hitchcock. On y ajoute un zest d'Alain Delon jeune au bord d'une piscine pour plonger dans le personnage de Léo que j'ai beaucoup aimé. Il y a bien quelques épisodes où Léo joue au Tintin amateur quand il découvre des statuettes qui portent malheur ou quand il s'agit de s'introduire dans une sinistre clinique. Je trouve que le scénario est à double entrée et la fin reste ouverte. Car l'énigme se résume-t-elle à ce qui est montré par Rose et ses proches ? N'y a-t-il pas d'autres mystères dans les draps de Sylvain le cousin bien énigmatique ? Le texte est rare, ce qui ne facilite pas notre guidage. C'est d'ailleurs dommage car les rares dialogues un peu suivis sont d'un très bon niveau. Harari nous manipule presque entre deux époques. Cette bande d'amis est vraiment très 60's, impression renforcée par ce graphisme au look vintage. Mais quand Léo parle de "boucan d'enfer", Rose nous fait bien sentir que ce vocabulaire est révolu et appartient à une autre génération. Le dessin est très élégant et racé. Le graphisme seul suffit à planter l'atmosphère étrange et languissante du récit. Un mot sur les formidables couleurs qui claquent sous le soleil de la Méditerranée. 188 pages qui se lisent avec avidité et plaisir pour un excellent moment de lecture.
Henri Désiré Landru
Un Chabouté de temps en temps, à lire ou à relire, c’est la garantie de passer un très bon moment. Ambiance bien noire, dès les premières pages le ton est donné. Dans un grand flash-back, Christophe Chabouté reprend le déroulement de la vie de Landru « tueur en série », détaillant la mécanique des crimes dont il est accusé. C’est glaçant. Peu bavard, l’album laisse la part belle au dessin fort et incisif. Totalement muettes, les premières pages sont sublimes et donnent le ton de l’histoire qui va suivre… Chabouté sait parfaitement manier les silences et laisser le dessin s’exprimer sans en rajouter, sans alourdir. Ça, c’est un premier point fort de cet album. Autre point fort, c’est l’interprétation du personnage de Landru par Chabouté qui laisse planer le doute sur son degré de culpabilité étant donné qu’il est déclaré qu’il est « quasiment » certain qu’il a commis ces meurtres. Eh oui, « quasiment » !! Il est vrai qu’il n’a jamais avoué les 11 meurtres dont il est accusé ! Côté dessin, c’est du grand art. Comme dans ses autres albums, Chabouté joue sur les ambiances, sur les regards des personnages, sur les failles de la nature humaine, sur les non-dits. Un très bon Chabouté.
La Guerre du Feu (Delcourt)
Très sympa, prenant jusqu'au bout, on ne s'ennuie pas. Quelques facilités par ci par-là mais ça a l'avantage de faire avancer rapidement l'histoire plutôt que de tirer en longueur. Les personnages et les animaux sont très bien dessinés. L'ambiance préhistorique se ressent très bien. Lecture agréable, j'ai enchaîné les 3 tomes.
Cargaison Mortelle à Abidjan
L'auteur camerounais Japhet Miagotar nous propose une série en forme de théâtre d'ombres et de masques. Cette excellente mise en scène renforce la déshumanisation que souligne le récit. C'est un cri de colère que hurle Miagotar en lieu et place de ces victimes si vite oubliées à leurs détresses. Japhet Miagotar est dans son rôle premier d'artiste qui donne son talent pour faire entendre ces milliers de sans voix qui subissent l'injustice d'un système asservi au dieu dollars. Ce scandale illustre bien un thème assez peu utilisé par nos artistes : celui de la gestion frauduleuse des déchets industriels. Les sommes en jeu étant énormes, cette problématique fait le bonheur de toutes les organisations criminelles du monde. C'est aussi un cauchemar de toutes les autorités politiques puisque cela touche souvent des multinationales capables de faire du chantage à l'emploi. C'est ce que souligne l'auteur, les pénalités sont souvent faibles en regard des profits effectués. La gestion des déchets toxiques étant d'un coût très élevé pour une entreprise qui suit scrupuleusement les normes de sécurité. Comme le montre le graphisme si original de l'auteur, tout le monde se cache derrière son masque et tant pis pour les victimes. "Pas vu pas pris" et l'on repart les poches pleines. Quitte à perdre quelques miettes en route pour faire plaisir au système politico-médiatique. Japhet introduit une fin dans un esprit très africain qui peut désorienter un esprit rationaliste mais le récit n'en perd pas de sa force. Impossible d'aviser cette série sans parler de son graphisme si particulier. À la fois moderne et traditionnel l'absence de visages nous réduit à nous focaliser sur l'acte. Aucune empathie ni antipathie n'est possible par cette représentation si particulière. L'auteur m'a donné l'impression d'un monde qui obéit à sa propre logique destructrice en dehors de toute considération humaine, un peu comme dans un camp de concentration. Ce n'est pas une lecture spécialement facile et qui peut désorienter mais qui vaut vraiment qu'on s'y attarde pour son originalité.