Avec la «Berceuse assassine », « Sur la route de Selma » est le deuxième récit policier et sombre que je possède d’un scénariste plus connu pour ses œuvres humoristiques. Et, à nouveau, cette histoire est excellente.
Certes, le scénario est très classique, avec cette opposition entre un contremaître blanc, violent et raciste et un jeune noir trop instruit à la recherche de 6.000 dollars pour sortir son frère de prison (le tout, bien entendu, se passant dans l’Alabama des années ’60-'70), mais la narration à la première personne (un point fort de ce scénariste) est tellement bonne que l’on se retrouve aspiré par cette histoire, tel un petit canard en plastique par le puissant tourbillon d’une baignoire.
Cette narration, et ses dialogues avec un chien quelque peu collant, nous permettent de comprendre les motivations d'un Clément Brown qui, au lieu de prendre ses jambes à son cou, préfère mettre ce dernier sous de redoutables canines en se jetant dans la gueule du loup. Le personnage me semble cohérent et dégage un charisme indiscutable.
Le graphisme extrêmement limpide de Berthet convient parfaitement à l’illustration de cette histoire aux décors horizontaux. Grands espaces, routes interminables, motels et cimetière d’avions constituent le théâtre de ce drame classique. De plus, l’artiste croque joliment ses personnages féminins, ce qui apporte un soupçon de charme sensuel au récit.
En résumé : un polar extrêmement classique, très bien mené, très bien conté et très joliment illustré. Que demander de plus ?
Voici une de mes bandes dessinées préférées du duo Warnauts-Raives.
Cette chronique de la vie d’une jeune femme allemande de la fin du second conflit mondial à la fin des années ’40 a beau être très décousue, je n’en suis pas moins tombé sous le charme.
Raisons principales :
Tout d’abord, le contexte historique. Il est rare qu’une bande dessinée s’intéresse à cette tranche d’histoire sous cet angle de vue. En effet, nous suivons ici une « innocente » allemande (d’où le titre). D’abord peu concernée par les idéologies politiques (elle ne cherche qu’à rejoindre sa tante à Berlin et à vivre le plus calmement possible la fin de la guerre), elle va, au fil du temps, des rencontres, mais aussi après le procès de Nuremberg, développer une vrai conscience politique et morale tout en gardant cette volonté d’innocence. Grâce à ce personnage atypique et à cet angle de vue original, la traversée de cette trouble période devient passionnante.
Ensuite, et c’est une constante dans les œuvres du duo, le dessin de Raives est à nouveau séduisant de finesse et de précision. Et ses nombreux nus, s'ils ne se justifient pas toujours d'un point de vue strictement scénaristique, n'en demeurent pas moins très accrocheur pour l'oeil masculin en ma possession (on n'est pas que des bêtes, mais quand même ...). Mais, contrairement à des œuvres plus récentes, j'ai trouvé le style de Raives plus fluide et moins froid ici. La colorisation est, certes, plus terne qu’à l’heure actuelle, mais, dans un contexte tel que celui abordé dans cet album, elle me parait tout à fait opportune.
Reste le point faible de l’album : une histoire d’amour compliquée et inutile. Warnauts a, de plus, la maladroite idée de clore son récit sur cette histoire. La fin de l’album est donc sans intérêt.
N’empêche, un très bon album !
Après une première lecture, on se dit que quelque chose nous a échappé. On ne comprend pas grand-chose et les séquences semblent sans lien apparent. Une recherche rapide sur le net nous rassure. Ce one shot est truffé de sens codés qui requièrent toute l’attention du lecteur pour être interprétés. Ce récit à tiroirs, mélangeant rêves et réalité, est donc assez exigeant. Plusieurs lectures m’ont été nécessaires pour l’appréhender. Chaque lecture permet de nouvelles déductions, de lier des séquences entre elles ou encore de distinguer l’imaginaire du réel.
Rien n’est laissé au hasard. Pour ceux qui veulent aller plus loin dans la réflexion ou tout simplement confronter leurs déductions avec celles d’autres passionnés d’Andréas, le lien fourni par Ro leur est tout indiqué.
Bref, une bd à décortiquer patiemment et à retourner (dans son esprit).
Voilà une série originale qui sort des sentiers battus.
« Carême » est aux antipodes de ce que j’ai lu de Christophe Bec jusqu’à aujourd’hui à savoir : Carthago, Pandemonium, Le Temps des loups et Sanctuaire. Fan de son style sombre et oppressant et de ses monstres fantastiques, c’est avec beaucoup de curiosité et une part de scepticisme que je me suis procuré la série « Carême ».
Cette bande dessinée nous parle d’une amitié. Rien de plus, rien de moins. Aimé et Martinien se rencontrent dans une auberge de montagne et ne semblent avoir rien en commun. Au détour d’une conversation quelque peu forcée, la vérité est tout autre. Le lecteur suivra pas à pas la naissance et le développement de leur relation.
Après Laurel et Hardy, j’ai donc rencontré Martinien et Aimé. Martinien est vendeur itinérant d’aspirateurs, plutôt maigre et petit avec des lunettes. Aimé est très grand et gros, cultivé et restaurateur de tableaux. Ils vont ensemble faire un voyage vers la capitale de l’empire, Lanmeurbourg, voyage durant lequel le lecteur apprend à les connaître.
L’univers de « Carême » est véritablement envoûtant. On est transporté dans un monde à la fois très éloigné et très proche du notre. Les villes et villages traversés par les deux amis ont été pensées de manière admirable. En voyant Nouvelle York ou encore Lanmeurbourg, je n’ai pas pu m’empêcher de penser aux cités majestueuses des Cités obscures de Peeters et Schuiten ou a Boréa dans L'Anneau des 7 Mondes.
Ceci m’amène au dessin que j’ai trouvé très léger et en même temps très puissant. Il a un petit côté aérien et fantastique qui plonge complètement le lecteur dans l’univers d’Aimé et Martinien. On est totalement dépaysé même si certains lieux comme Nouvelle York, capitale du nouveau continent rappelle bien évidemment la réalité (New York). Le monde de « Carême » est une sorte de monde parallèle, un mélange entre la technologie moderne et les années 30. J’ai été transporté. Coup de chapeau à Mottura donc !
Véritablement originale, intéressante et dépaysante, « Carême » est une série qui mérite d’être découverte. À ceux qui prétextent déjà ne pas avoir les moyens ni la place d’accueillir les trois tomes de la série, je répondrai qu’une intégrale petit format à € 9,90 vient de paraître. Il n’y a donc plus aucune excuse pour ne pas découvrir Christophe Bec sous un angle différent de celui qui l’a fait connaître du grand public.
Les nombreuses productions de Larcenet font parfois peur, avec son dessin léger on peut se dire que c’est vite fait et que ça ne vaut pas le coup. J’avais donc un peu évité cette BD.
Quel dommage ! Car une fois ouvert, la surprise est de taille. Evidemment il y a le dessin… Je ne suis pas fan de ce dessin de Larcenet que je trouve trop anguleux, trop brouillon. En revanche il faut admettre une adresse réelle : si les décors sont sommaires la majeure partie du temps, les rares fois où ils sont travaillés cela percute et renforce le scénario.
Quand au scénario : c’est une tranche d’absurde complètement loufoque. Comment malgré cette apparence de chaos Larcenet arrive-t-il à tracer une ligne directrice aussi claire et un message aussi fort ? J’avoue que c’est pour moi la grande force de ce récit : arriver à ne pas se prendre au sérieux avec des délires perpétuels (tout de même tarzan zoophile, robin des bois avec Alzheimer, frère tuck pape…) tout en traitant de sujets graves de façon pertinente et non dogmatique…
Larcenet est donc d’une adresse déroutante pour toucher son lecteur et transmettre de l’humain dans un monde qui se déshumanise. Le tout sans militer, avec une grosse tranche d’humour, une créativité déroutante et un refus de prise au sérieux des propos. Je dis sans militer mais en réalité c’est encore mieux : il donne l’air de militer, puis se rend compte de la faiblesse et incohérence de sa position militante et relativise. Faire naitre du chaos de son fil scénaristique une histoire cohérente et touchante, je n’en reviens toujours pas. Alors certes le dessin peut laisser à désirer, mais chapeau l’artiste. Cet opus est à mon sens avec Le Combat ordinaire ce qu’il a fait de mieux.
A lire et relire.
Aguiché par le nom d'Etienne Lécroart en titre et une alléchante quatrième de couverture vantant les lectures à double sens du dit ouvrage, je sautai sur l'occasion ce dimanche.
Passé inaperçu pour ma part à sa sortie, je fus surpris lorsque j'eus regagné mes pénates de constater que cet album était déjà publié depuis près de 2 ans.
Chez Fluide Glacial dans un format relié à la couverture souple, et en couleurs s'il vous plaît, nous retrouvons le Professeur et ses deux assistants à la recherche des ressorts de l'humour. Et comme les précédents ouvrages de l'auteur, je trouve ça toujours aussi génial même si l'effet de surprise y est moins présent forcément et que les techniques utilisées chères à l'Oubapo avaient déjà été vues. On se prend à essayer de débusquer l'astuce de lecture avant qu'elle ne soit fournie au lecteur. Lécroart toujours aussi porté sur la chose use de lecture à double sens, de double lecture une case sur 2 ou bien encore d'itération iconique dans ce recueil de huit histoires. Seule la dernière se démarque un peu du lot par sa forme, la seule en noir et blanc, et son sujet à savoir la mangalisation du marché de la bande dessinée chère à Gilles Laborderie.
En conclusion, même si je ne mets pas une meilleure note, moins d'éclats de rire et un peu de déjà-vu bien qu'il y ait aussi des idées neuves et drôles, à commencer par le gag avec la couverture, je conserve beaucoup d'estime pour ce travail et continuerai de suivre l'auteur.
Cette BD est une merveille, j'ai pris une claque en la lisant.
Les auteurs ne peuvent pas être plus complémentaires !!!
Wazem offre un scénario sensible, émouvant et difficile mais jamais larmoyant.
Il faut du temps pour comprendre le lien de la première scène choc et le reste du récit.
En fait, on comprend les tenants et les aboutissants au fil de l'eau.
Le récit a une part de fantastique qui permet d'adoucir ce thème qu'est la mort.
Un parallèle est présent tout au long du récit entre l'épreuve que vit l'héroïne et le déluge de fin du monde.
Tirabosco sublime ce superbe scénario avec un dessin expressif et personnel.
Avec pour seules couleurs le bleu, le blanc et le noir, l'ambiance du récit est surnaturelle.
Cette histoire est un modèle du genre et vaut le détour.
Le dessin et le scénario se mettent mutuellement en valeur pour notre plus grand plaisir.
Le coup de coeur du moment.
J'ai acheté cet album suite à une critique élogieuse faisant notamment référence à Tintin et Blake et Mortimer. Et j’ai vraiment beaucoup aimé ! J’y retrouve effectivement ce dessin ligne claire chère à Hergé et Jacobs, ainsi qu’un scénario intéressant avec suspense et rebondissements.
Alors, oui, bien sûr, on n'est pas encore au niveau d’un « Secret de la licorne » et autre « SOS Météores », mais il ne s’agit là que des premiers tomes. Et ils sont, selon moi, TRES prometteurs.
Longtemps dans le monde de la BD, le héros était un garçon honnête et droit, bien sous tout rapport, qui parcourait le monde en quête d'aventure et qui triomphait toujours de l'adversité. A la fin des années soixante-dix, le héros affiche une personnalité moins lisse, il n'est pas bien différent de Monsieur tout le monde, et a lui aussi des travers.
"S.O.S. Bagarreur" est un peu au tournant de ces deux époques.
Le "héros", qui n'en est pas vraiment un, ne manque pas de courage et est prêt à tout pour sauver les marins a la dérive, mais c'est aussi quelqu'un de sûr de lui, un peu prétentieux, vantard, qui se fiche pas mal des ordres donnés par sa hiérarchie, c'est à dire le capitaine du bateau sur lequel il navigue. On se rendra compte vers la fin qu'il manque singulièrement de psychologie et affiche même une certaine naïveté.
Bref ce n'est pas vraiment un gendre parfait à la "Tintin", et je doute que les revues catholiques d'après-guerre eussent apprécié un tel personnage dans leurs pages.
"S.O.S. Bagarreur" est un one shot au scénario écrit de manière rigoureuse par Tillieux et fort bien mis en image par le talentueux René Follet.
Une BD pour les nostalgiques de la grande époque du Journal Spirou et des récits d'aventure.
J'ai découvert cette série par le biais de l'intégrale à petit prix qui vient de sortir et j'ai été véritablement séduit.
Je connaissais déjà bien l'oeuvre de Brüno et j'apprécie son dessin qui m'avait charmé lors de ma lecture de Nemo. A la fois simple et naïf, et pourtant très personnel, stylé et esthétique.
Ensemble, avec Fatima Ammari-B, ils arrivent à redonner vie de très chouette manière à la société urbaine des années 70, teintée d'ambiance afro-américaine, de musiques planantes, de pantalons "pattes d'eph" et de décors design pop aux couleurs volontiers orange et marron. Wouhou, cool man, get funky ! Le récit et les décors sont bourrés de petites références, parfois humoristiques, parfois un peu anachroniques, et le tout est vraiment plein de vie.
L'intrigue pour sa part fait la part belle au polar de gangsters, avec magouilles et corporations maffieuses. Chaque tome fait le choix, toujours agréable quand il est bien mené comme c'est le cas ici, de présenter le même récit sous trois points de vue différents permettant à chaque fois de comprendre un peu mieux tous les détails de l'histoire. Il n'y a aucune redite et on suit des personnages différents dans des contextes bien différents. Tout s'imbrique parfaitement et permet une très bonne conclusion.
Du beau boulot tant graphiquement parlant qu'au niveau de l'histoire, avec en plus l'avantage de mettre en scène une atmosphère d'époque particulièrement réussie et assez amusante en même temps.
Je n'ai qu'un regret, c'est de ne pas avoir pu suivre davantage les aventures des frères Brown du tome 1.
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Sur la route de Selma
Avec la «Berceuse assassine », « Sur la route de Selma » est le deuxième récit policier et sombre que je possède d’un scénariste plus connu pour ses œuvres humoristiques. Et, à nouveau, cette histoire est excellente. Certes, le scénario est très classique, avec cette opposition entre un contremaître blanc, violent et raciste et un jeune noir trop instruit à la recherche de 6.000 dollars pour sortir son frère de prison (le tout, bien entendu, se passant dans l’Alabama des années ’60-'70), mais la narration à la première personne (un point fort de ce scénariste) est tellement bonne que l’on se retrouve aspiré par cette histoire, tel un petit canard en plastique par le puissant tourbillon d’une baignoire. Cette narration, et ses dialogues avec un chien quelque peu collant, nous permettent de comprendre les motivations d'un Clément Brown qui, au lieu de prendre ses jambes à son cou, préfère mettre ce dernier sous de redoutables canines en se jetant dans la gueule du loup. Le personnage me semble cohérent et dégage un charisme indiscutable. Le graphisme extrêmement limpide de Berthet convient parfaitement à l’illustration de cette histoire aux décors horizontaux. Grands espaces, routes interminables, motels et cimetière d’avions constituent le théâtre de ce drame classique. De plus, l’artiste croque joliment ses personnages féminins, ce qui apporte un soupçon de charme sensuel au récit. En résumé : un polar extrêmement classique, très bien mené, très bien conté et très joliment illustré. Que demander de plus ?
L'Innocente
Voici une de mes bandes dessinées préférées du duo Warnauts-Raives. Cette chronique de la vie d’une jeune femme allemande de la fin du second conflit mondial à la fin des années ’40 a beau être très décousue, je n’en suis pas moins tombé sous le charme. Raisons principales : Tout d’abord, le contexte historique. Il est rare qu’une bande dessinée s’intéresse à cette tranche d’histoire sous cet angle de vue. En effet, nous suivons ici une « innocente » allemande (d’où le titre). D’abord peu concernée par les idéologies politiques (elle ne cherche qu’à rejoindre sa tante à Berlin et à vivre le plus calmement possible la fin de la guerre), elle va, au fil du temps, des rencontres, mais aussi après le procès de Nuremberg, développer une vrai conscience politique et morale tout en gardant cette volonté d’innocence. Grâce à ce personnage atypique et à cet angle de vue original, la traversée de cette trouble période devient passionnante. Ensuite, et c’est une constante dans les œuvres du duo, le dessin de Raives est à nouveau séduisant de finesse et de précision. Et ses nombreux nus, s'ils ne se justifient pas toujours d'un point de vue strictement scénaristique, n'en demeurent pas moins très accrocheur pour l'oeil masculin en ma possession (on n'est pas que des bêtes, mais quand même ...). Mais, contrairement à des œuvres plus récentes, j'ai trouvé le style de Raives plus fluide et moins froid ici. La colorisation est, certes, plus terne qu’à l’heure actuelle, mais, dans un contexte tel que celui abordé dans cet album, elle me parait tout à fait opportune. Reste le point faible de l’album : une histoire d’amour compliquée et inutile. Warnauts a, de plus, la maladroite idée de clore son récit sur cette histoire. La fin de l’album est donc sans intérêt. N’empêche, un très bon album !
Le Triangle Rouge
Après une première lecture, on se dit que quelque chose nous a échappé. On ne comprend pas grand-chose et les séquences semblent sans lien apparent. Une recherche rapide sur le net nous rassure. Ce one shot est truffé de sens codés qui requièrent toute l’attention du lecteur pour être interprétés. Ce récit à tiroirs, mélangeant rêves et réalité, est donc assez exigeant. Plusieurs lectures m’ont été nécessaires pour l’appréhender. Chaque lecture permet de nouvelles déductions, de lier des séquences entre elles ou encore de distinguer l’imaginaire du réel. Rien n’est laissé au hasard. Pour ceux qui veulent aller plus loin dans la réflexion ou tout simplement confronter leurs déductions avec celles d’autres passionnés d’Andréas, le lien fourni par Ro leur est tout indiqué. Bref, une bd à décortiquer patiemment et à retourner (dans son esprit).
Carême
Voilà une série originale qui sort des sentiers battus. « Carême » est aux antipodes de ce que j’ai lu de Christophe Bec jusqu’à aujourd’hui à savoir : Carthago, Pandemonium, Le Temps des loups et Sanctuaire. Fan de son style sombre et oppressant et de ses monstres fantastiques, c’est avec beaucoup de curiosité et une part de scepticisme que je me suis procuré la série « Carême ». Cette bande dessinée nous parle d’une amitié. Rien de plus, rien de moins. Aimé et Martinien se rencontrent dans une auberge de montagne et ne semblent avoir rien en commun. Au détour d’une conversation quelque peu forcée, la vérité est tout autre. Le lecteur suivra pas à pas la naissance et le développement de leur relation. Après Laurel et Hardy, j’ai donc rencontré Martinien et Aimé. Martinien est vendeur itinérant d’aspirateurs, plutôt maigre et petit avec des lunettes. Aimé est très grand et gros, cultivé et restaurateur de tableaux. Ils vont ensemble faire un voyage vers la capitale de l’empire, Lanmeurbourg, voyage durant lequel le lecteur apprend à les connaître. L’univers de « Carême » est véritablement envoûtant. On est transporté dans un monde à la fois très éloigné et très proche du notre. Les villes et villages traversés par les deux amis ont été pensées de manière admirable. En voyant Nouvelle York ou encore Lanmeurbourg, je n’ai pas pu m’empêcher de penser aux cités majestueuses des Cités obscures de Peeters et Schuiten ou a Boréa dans L'Anneau des 7 Mondes. Ceci m’amène au dessin que j’ai trouvé très léger et en même temps très puissant. Il a un petit côté aérien et fantastique qui plonge complètement le lecteur dans l’univers d’Aimé et Martinien. On est totalement dépaysé même si certains lieux comme Nouvelle York, capitale du nouveau continent rappelle bien évidemment la réalité (New York). Le monde de « Carême » est une sorte de monde parallèle, un mélange entre la technologie moderne et les années 30. J’ai été transporté. Coup de chapeau à Mottura donc ! Véritablement originale, intéressante et dépaysante, « Carême » est une série qui mérite d’être découverte. À ceux qui prétextent déjà ne pas avoir les moyens ni la place d’accueillir les trois tomes de la série, je répondrai qu’une intégrale petit format à € 9,90 vient de paraître. Il n’y a donc plus aucune excuse pour ne pas découvrir Christophe Bec sous un angle différent de celui qui l’a fait connaître du grand public.
La Légende de Robin des Bois
Les nombreuses productions de Larcenet font parfois peur, avec son dessin léger on peut se dire que c’est vite fait et que ça ne vaut pas le coup. J’avais donc un peu évité cette BD. Quel dommage ! Car une fois ouvert, la surprise est de taille. Evidemment il y a le dessin… Je ne suis pas fan de ce dessin de Larcenet que je trouve trop anguleux, trop brouillon. En revanche il faut admettre une adresse réelle : si les décors sont sommaires la majeure partie du temps, les rares fois où ils sont travaillés cela percute et renforce le scénario. Quand au scénario : c’est une tranche d’absurde complètement loufoque. Comment malgré cette apparence de chaos Larcenet arrive-t-il à tracer une ligne directrice aussi claire et un message aussi fort ? J’avoue que c’est pour moi la grande force de ce récit : arriver à ne pas se prendre au sérieux avec des délires perpétuels (tout de même tarzan zoophile, robin des bois avec Alzheimer, frère tuck pape…) tout en traitant de sujets graves de façon pertinente et non dogmatique… Larcenet est donc d’une adresse déroutante pour toucher son lecteur et transmettre de l’humain dans un monde qui se déshumanise. Le tout sans militer, avec une grosse tranche d’humour, une créativité déroutante et un refus de prise au sérieux des propos. Je dis sans militer mais en réalité c’est encore mieux : il donne l’air de militer, puis se rend compte de la faiblesse et incohérence de sa position militante et relativise. Faire naitre du chaos de son fil scénaristique une histoire cohérente et touchante, je n’en reviens toujours pas. Alors certes le dessin peut laisser à désirer, mais chapeau l’artiste. Cet opus est à mon sens avec Le Combat ordinaire ce qu’il a fait de mieux. A lire et relire.
Les Caïds de la gaudriole
Aguiché par le nom d'Etienne Lécroart en titre et une alléchante quatrième de couverture vantant les lectures à double sens du dit ouvrage, je sautai sur l'occasion ce dimanche. Passé inaperçu pour ma part à sa sortie, je fus surpris lorsque j'eus regagné mes pénates de constater que cet album était déjà publié depuis près de 2 ans. Chez Fluide Glacial dans un format relié à la couverture souple, et en couleurs s'il vous plaît, nous retrouvons le Professeur et ses deux assistants à la recherche des ressorts de l'humour. Et comme les précédents ouvrages de l'auteur, je trouve ça toujours aussi génial même si l'effet de surprise y est moins présent forcément et que les techniques utilisées chères à l'Oubapo avaient déjà été vues. On se prend à essayer de débusquer l'astuce de lecture avant qu'elle ne soit fournie au lecteur. Lécroart toujours aussi porté sur la chose use de lecture à double sens, de double lecture une case sur 2 ou bien encore d'itération iconique dans ce recueil de huit histoires. Seule la dernière se démarque un peu du lot par sa forme, la seule en noir et blanc, et son sujet à savoir la mangalisation du marché de la bande dessinée chère à Gilles Laborderie. En conclusion, même si je ne mets pas une meilleure note, moins d'éclats de rire et un peu de déjà-vu bien qu'il y ait aussi des idées neuves et drôles, à commencer par le gag avec la couverture, je conserve beaucoup d'estime pour ce travail et continuerai de suivre l'auteur.
La Fin du monde
Cette BD est une merveille, j'ai pris une claque en la lisant. Les auteurs ne peuvent pas être plus complémentaires !!! Wazem offre un scénario sensible, émouvant et difficile mais jamais larmoyant. Il faut du temps pour comprendre le lien de la première scène choc et le reste du récit. En fait, on comprend les tenants et les aboutissants au fil de l'eau. Le récit a une part de fantastique qui permet d'adoucir ce thème qu'est la mort. Un parallèle est présent tout au long du récit entre l'épreuve que vit l'héroïne et le déluge de fin du monde. Tirabosco sublime ce superbe scénario avec un dessin expressif et personnel. Avec pour seules couleurs le bleu, le blanc et le noir, l'ambiance du récit est surnaturelle. Cette histoire est un modèle du genre et vaut le détour. Le dessin et le scénario se mettent mutuellement en valeur pour notre plus grand plaisir. Le coup de coeur du moment.
Allan Mac Bride
J'ai acheté cet album suite à une critique élogieuse faisant notamment référence à Tintin et Blake et Mortimer. Et j’ai vraiment beaucoup aimé ! J’y retrouve effectivement ce dessin ligne claire chère à Hergé et Jacobs, ainsi qu’un scénario intéressant avec suspense et rebondissements. Alors, oui, bien sûr, on n'est pas encore au niveau d’un « Secret de la licorne » et autre « SOS Météores », mais il ne s’agit là que des premiers tomes. Et ils sont, selon moi, TRES prometteurs.
Alain Brisant - S.O.S. Bagarreur
Longtemps dans le monde de la BD, le héros était un garçon honnête et droit, bien sous tout rapport, qui parcourait le monde en quête d'aventure et qui triomphait toujours de l'adversité. A la fin des années soixante-dix, le héros affiche une personnalité moins lisse, il n'est pas bien différent de Monsieur tout le monde, et a lui aussi des travers. "S.O.S. Bagarreur" est un peu au tournant de ces deux époques. Le "héros", qui n'en est pas vraiment un, ne manque pas de courage et est prêt à tout pour sauver les marins a la dérive, mais c'est aussi quelqu'un de sûr de lui, un peu prétentieux, vantard, qui se fiche pas mal des ordres donnés par sa hiérarchie, c'est à dire le capitaine du bateau sur lequel il navigue. On se rendra compte vers la fin qu'il manque singulièrement de psychologie et affiche même une certaine naïveté. Bref ce n'est pas vraiment un gendre parfait à la "Tintin", et je doute que les revues catholiques d'après-guerre eussent apprécié un tel personnage dans leurs pages. "S.O.S. Bagarreur" est un one shot au scénario écrit de manière rigoureuse par Tillieux et fort bien mis en image par le talentueux René Follet. Une BD pour les nostalgiques de la grande époque du Journal Spirou et des récits d'aventure.
Inner City Blues
J'ai découvert cette série par le biais de l'intégrale à petit prix qui vient de sortir et j'ai été véritablement séduit. Je connaissais déjà bien l'oeuvre de Brüno et j'apprécie son dessin qui m'avait charmé lors de ma lecture de Nemo. A la fois simple et naïf, et pourtant très personnel, stylé et esthétique. Ensemble, avec Fatima Ammari-B, ils arrivent à redonner vie de très chouette manière à la société urbaine des années 70, teintée d'ambiance afro-américaine, de musiques planantes, de pantalons "pattes d'eph" et de décors design pop aux couleurs volontiers orange et marron. Wouhou, cool man, get funky ! Le récit et les décors sont bourrés de petites références, parfois humoristiques, parfois un peu anachroniques, et le tout est vraiment plein de vie. L'intrigue pour sa part fait la part belle au polar de gangsters, avec magouilles et corporations maffieuses. Chaque tome fait le choix, toujours agréable quand il est bien mené comme c'est le cas ici, de présenter le même récit sous trois points de vue différents permettant à chaque fois de comprendre un peu mieux tous les détails de l'histoire. Il n'y a aucune redite et on suit des personnages différents dans des contextes bien différents. Tout s'imbrique parfaitement et permet une très bonne conclusion. Du beau boulot tant graphiquement parlant qu'au niveau de l'histoire, avec en plus l'avantage de mettre en scène une atmosphère d'époque particulièrement réussie et assez amusante en même temps. Je n'ai qu'un regret, c'est de ne pas avoir pu suivre davantage les aventures des frères Brown du tome 1.