Je n'ai pu lire que le tome 1 qui parle d'une légende classique en Bretagne ; il y a plusieurs mythes nés autour de monuments engloutis, et celui de la cathédrale en est le plus connu.
C'est une histoire qui est parue dans le magazine Triolo des éditions Fleurus en 1982, car Joëlle Savey travaillait pour cet éditeur à cette époque, on vit ses Bd dans J2 Magazine ou dans Fripounet avant qu'elle aborde une Bd plus adulte lorsqu'elle sera publiée par Glénat. Les aventures décrites ici ont une tournure dramatique à priori mais sont traitées quand même sur un ton fantaisiste, les situations sont très souvent cocasses, il y a des gags, et l'ensemble donne une vision un peu décalée de la Bretagne et des légendes bretonnes. C'est dommage que certains personnages soient un peu pénibles voire saoulants, mais je retiens la bonne humeur de cette Bd, c'est ce qui domine.
Le dessin de Savey est sympathique, il est dans un style encore semi humoristique et plus proche du caricatural, la dessinatrice changera peu après dès qu'elle abordera des bandes historiques plus sérieuses, notamment sur Le Postillon, son dessin sera beaucoup plus maîtrisé. Ici, sa narration tend à être plus farfelue, certaines pages sont aussi fouillis avec des textes envahissants, mais le trait est rapide, à la fois clair et précis, typique d'une bande jeunesse du début des années 80.
C'est une étrange aventure historique, une sorte d'épopée à travers le désert lybien, un long périple au cours duquel les principaux protagonistes vont révéler leurs caractères.
Sur fond de récit périlleux et aventureux, le scénario met l'accent sur les préjugés et les différences entre les êtres et les fanatismes religieux ; le chrétien s'oppose au musulman, chacun campe sur ses positions et ses idées reçues, ils vont peu à peu apprendre à se rapprocher par le biais de Salima, la soeur du musulman, plus tolérante, mais aussi par les épreuves traversées.
Ce fond historique de Moyen Age semble bon, mais c'est le développement qui coince un peu ; en effet, je trouve le récit un peu à l'étroit dans sa formule de one shot, alors qu'il aurait été préférable d'adopter un diptyque pour retranscrire tous ces sentiments humains et tous ces événements qui se succèdent à une vitesse accélérée. Il est d'ailleurs rare que la collection Vécu sorte des one shots, étant plutôt habituée à livrer des récits longs sur plusieurs albums. On sent aussi que les personnages manquent d'épaisseur et on ne nous dit pas tout de leur passé.
Le dessin de Pion est très correct, avec de bons décors, malgré de petits défauts dans les visages, j'avais déja remarqué ça sur d'autres bandes, il s'est depuis amélioré sur ce point précis, notamment sur Sigrid. Un bon récit mais qui pêche par une narration trop resserrée.
Frank et Baudoin adaptent 8 nouvelles ou romans d’auteurs très divers. Cet éclectisme se ressent dans l’album. Il y a bien le dessin de Baudoin pour créer un semblant d’unité, mais les histoires restent très différentes les unes des autres. Et aussi manquent souvent – format oblige – de coffre. Certes, Frank et Baudoin arrivent parfois à créer une ambiance, à raconter une petite histoire qui tient la route, mais je suis aussi souvent resté sur ma faim (à part pour les histoires inspirées des écrits de Schwob et de Londres).
Le dessin de Baudoin est classique pour cet auteur. Un trait gras, jouant sur un Noir et Blanc tranché (quelques planches subissent l’influence de Pratt), parfois expressionniste. Son dessin est peut-être inégal, pas toujours suffisamment lisible, mais globalement j’aime bien son travail.
Bref, un ensemble hétéroclite, qui ravira sans doute les amateurs du dessin de Baudoin. Pour les autres, un petit emprunt à l’occasion suffira.
Note réelle 2,5/5.
Cela part un peu dans tous les sens, avec des histoires qui semblent ne pas avoir de lien. En tout cas les personnages n’en ont pas. Mais, peu à peu, Parno réussit à lier ces itinéraires particuliers, en leur donnant un sens général.
Le sujet est centré sur la notion de « réussite », celle de réalisation de ses aspirations les plus profondes. Que l’ambition, les aléas de la vie ont malmenées.
Parmi tous les personnages, celui qui va servir de lien est un médecin, Vigan, lui-même en plein doute, qui, à la suite d’une rencontre fortuite, va se lancer à la recherche d’un homme dont le père mourant lui a confié un manuscrit expliquant pourquoi il avait plaqué femme et gosse il y a longtemps.
Au milieu de toutes ces vies frustrantes, gâchées ou mal vécues à des degrés divers, Parno cherche à maintenir un cap, un fil fragile, une sorte de feel good attitude qui peut paraître artificielle et/ou forcée (ce qu’elle est à plusieurs reprises, en particulier lorsque Vigan fait la leçon aux banquiers). Mais ça reste quand même une lecture agréable et très lisible.
Dessin et narration sont fluides et agréables à suivre. On peut pester contre certaines facilités, mais c’est un roman graphique qui trouvera ses amateurs.
Personnellement, je suis quand même moins enthousiaste, du fait d’une vision un peu trop idéaliste des choses, manichéenne. Mais je pense que d’autres y trouveront davantage leur compte.
Max Brooks (le fils de Mel) est plus connu en tant qu'écrivain, mais il a aussi scénarisé quelques comics, dont ce "Attaques répertoriées".
Un album qui se veut être un témoignage sur les méfaits des zombies depuis qu'homo sapiens sapiens a posé les pieds sur Terre.
Et pour rendre le récit crédible, l'album commence comme une enquête basée sur des travaux archéologiques. C'est extrêmement judicieux, j'ai eu envie de croire à l'existence de ces morts-vivants depuis des milliers d'années.
Un récit qui fait voyager sur tous les continents à différentes époques, de l'Afrique Centrale au parc national de Joshua Tree, de 60 000 ans avant J.-C. à 1992.
Le bémol, toutes les histoires ne se valent pas.
J'ai tiqué sur quelques incohérences, comme les trois ans de sièges par les zombies d'un fort au milieu du sahara. Comment un contingent de la légion étrangère peut-il survivre sans ravitaillement ?
Sinon, ma lecture fût agréable.
Un dessin réaliste en noir et blanc où toutes les nuances de gris dominent.
Très plaisant à regarder.
Une lecture recommandable.
Voilà une lecture sympathique, mais sur laquelle je ne pense pas revenir.
L’album est très vite lu. En effet, il est entièrement muet, et les deux « périodes » (matinées et soirées) de ce leporello ne développent pas une intrigue très dense. On observe juste les façades de quelques immeubles, les fenêtres, et les personnages qui y vivent, s’y croisent, de façon plus ou moins récurrente.
Ça se laisse lire donc, mais c’est un peu creux. Quelques polissonneries, un ou deux trucs vaguement amusants, un hommage au film « Fenêtre sur cour » d’Hitchcock (dont la silhouette apparait, comme dans plusieurs de ses films, sur une façade), c’est sympa, mais sans plus. Je m’attendais à quelque chose de plus élaboré, à la Tati ou je ne sais pas, mais ici, je suis resté sur ma faim.
Note réelle 2,5/5.
Je pense qu’il faut se laisser porter par le vent poétique qui souffle sur ce récit, sans chercher d’explications (qui ne viendront pas – sont-elles nécessaires d’ailleurs ?), pour apprécier cette histoire, à la fois linéaire et pleine de digressions.
C’est une sorte de road-trip, qui emprunte d’ailleurs davantage les chemins de traverse que les routes. Un type erre, avance, sorte de hobo lunaire, traversant les paysages, s’en remémorant d’autres. Il cherche la « note », une satisfaction illusoire ou utopique, on ne sait pas. Il ne s'attache ni à un paysage ni à une personne (y compris cette femme rencontrée devant une gare, qui aurait pu l'accompagner). Mais je me suis laissé aller à accompagner ces rêveries.
Le dessin de Baudoin (en couleur cette fois-ci) est parfait pour habiller ce genre de récit inclassable. Son trait gras donne un rendu brut, imprécis, parfois évanescent, comme le sont les images sortant de l’imagination de cet homme.
Un album témoignage, qui donne la parole à ceux qui ne l’ont jamais – et à qui on l’a quelque peu volée d’ailleurs. L’auteur s’est en effet rendue en Bretagne, durant le mouvement des Gilets jaunes, a rencontré certains participants qui ont accepté de donner leur version des « faits », d’expliquer leur engagement qui, pour beaucoup, ne coulait pas de source.
Le point commun de la majorité de ces témoignage est qu’ils révèlent des fêlures, des vies cabossées, mais aussi une soif de justice, une sincérité qui normalement devraient habiter les dirigeants politiques. Ceux-là même contre qui se sont soulevés les Gilets jaunes. Ceux-là même qui ont très brutalement, et très cyniquement brisé le mouvement, en l’enfumant (que ce soit par des lacrymogènes ou par des déclarations non suivies d’effet).
Le mérite de cet album est de donner la parole à des « laissés-pour-compte » de la société, mais aussi de voir, à hauteur d’homme et de femme, comment de simples citoyens ont gardé l’espoir que les choses changent, que les inégalités – qui ne cessent de se creuser depuis l’avènement de l’ultra libéralisme – soient réellement combattues.
On voit aussi comment le gouvernement et les principaux médias n’ont cessé de traiter par le mépris le plus éhonté cette révolte, qui a été non seulement sous médiatisée, mais qui a aussi été trahi par ces médias (qui mettaient l’accent sur certaines violences – mais jamais la casse sociale, qui systématiquement reprenaient les chiffres notoirement sous évalués des manifestants des ronds-points – voir à ce propos l’article publié par plusieurs chercheur dans le Monde diplomatique en février 2021).
On devine aussi dans les dernières images le détournement de « lois scélérates » initialement votées contre le terrorisme, et qui ont privé des milliers de personnes de leur droit à manifester.
Alors, certes, on sort de cette lecture comme les personnes interrogées, plein d’amertume. Mais on peut aussi y voir une source d’espoir, le feu couve, même si les braises ne sont plus toujours visibles.
Note réelle 3,5/5.
L’intrigue se déroule dans un Paris futuriste, dans une société sclérosée, totalitaire, dans une ambiance post-apocalypse (on ne connait pas trop les détails, on devine juste que l’eau est sévèrement rationnée).
On ne sait pas trop ce qui s’est passé, mais la société est divisée en trois « cercles » de personnes, celles du troisième cercle étant mises à l’écart.
L’héroïne travaille pour un ministère chargée de détruire tous les rebuts de l’ancienne société réapparaissant (sculpture, magazine, sachet de graines, etc.).
Et justement, elle découvre un sachet de graine, décide de cacher cette découverte et de faire pousser les tomates. Elle est dénoncée et passe en jugement.
Tout dans le traitement – du dessin à la colorisation, en passant par la narration (très sobre), renforce l’aspect froid de cette société, dans laquelle de zélés fonctionnaire appliquent aveuglément des décisions terribles.
Disons que ça se laisse lire, relativement rapidement (il y a peu de textes finalement). Mais j’en suis sorti un peu frustré. Essentiellement parce que la société en question est peu expliquée, on ne rentre pas dans les détails, et les personnages ne nous livrent pas grand-chose de leurs personnalités – il est vrai mises en retrait de force par le contrôle strict exercé sur chacun. Mais, après tout, cela participe aussi de l’ambiance froide, stérilisée qui imprègne l’histoire.
Ne cherchez pas ici de guerres intersidérales, avec envolées lyriques de vaisseaux spatiaux, ou des planches grandioses. Non, on est là au contraire dans du minimalisme. Remarque valable pour le dessin (minimaliste donc, proche parfois de celui de Tom Gauld, et en plus statique, abusant d’une sorte de quasi itération iconique). Mais aussi pour les scénarios : en effet, très peu de texte et de dialogues, peu d’action, et très peu de surprise, puisque les auteurs ont cherche tant que faire se peut de se conformer à la réalité de cette « conquête spatiale », dans laquelle les deux Grands de la guerre froide se sont lancés.
Cela peut paraître rébarbatif, mais ça passe quand même. Grâce aux dialogues, où se glissent quelques touches d’humour (voir le discours de Kennedy, ou tous les passages autour de la première expédition lunaire américaine). Quelques termes québécois aussi, ce qui m’amuse et plait à chaque fois.
Bref, un petit album qui ne paye pas de mine, mais qui se laisse lire rapidement, mais aussi agréablement.
Note réelle 3,5/5.
En France, les livres sont au même prix partout. C'est la loi !
Avec BDfugue, vous payez donc le même prix qu'avec les géants de la vente en ligne mais pour un meilleur service :
des promotions et des goodies en permanence
des réceptions en super état grâce à des cartons super robustes
une équipe joignable en cas de besoin
2. C'est plus avantageux pour nous
Si BDthèque est gratuit, il a un coût.
Pour financer le service et le faire évoluer, nous dépendons notamment des achats que vous effectuez depuis le site. En effet, à chaque fois que vous commencez vos achats depuis BDthèque, nous touchons une commission. Or, BDfugue est plus généreux que les géants de la vente en ligne !
3. C'est plus avantageux pour votre communauté
En choisissant BDfugue plutôt que de grandes plateformes de vente en ligne, vous faites la promotion du commerce local, spécialisé, éthique et indépendant.
Meilleur pour les emplois, meilleur pour les impôts, la librairie indépendante promeut l'émergence des nouvelles séries et donc nos futurs coups de cœur.
Chaque commande effectuée génère aussi un don à l'association Enfance & Partage qui défend et protège les enfants maltraités. Plus d'informations sur bdfugue.com
Pourquoi Cultura ?
Indépendante depuis sa création en 1998, Cultura se donne pour mission de faire vivre et aimer la culture.
La création de Cultura repose sur une vision de la culture, accessible et contributive. Nous avons ainsi considéré depuis toujours notre responsabilité sociétale, et par conviction, développé les pratiques durables et sociales. C’est maintenant au sein de notre stratégie de création de valeur et en accord avec les Objectifs de Développement Durable que nous déployons nos actions. Nous traitons avec lucidité l’impact de nos activités, avec une vision de long terme. Mais agir en responsabilité implique d’aller bien plus loin, en contribuant positivement à trois grands enjeux de développement durable.
Nos enjeux environnementaux
Nous sommes résolument engagés dans la réduction de notre empreinte carbone, pour prendre notre part dans la lutte contre le réchauffement climatique et la préservation de la planète.
Nos enjeux culturels et sociétaux
La mission de Cultura est de faire vivre et aimer la culture. Pour cela, nous souhaitons stimuler la diversité des pratiques culturelles, sources d’éveil et d’émancipation.
Nos enjeux sociaux
Nous accordons une attention particulière au bien-être de nos collaborateurs à la diversité, l’inclusion et l’égalité des chances, mais aussi à leur épanouissement, en encourageant l’expression des talents artistiques.
Votre vote
Cuscute
Je n'ai pu lire que le tome 1 qui parle d'une légende classique en Bretagne ; il y a plusieurs mythes nés autour de monuments engloutis, et celui de la cathédrale en est le plus connu. C'est une histoire qui est parue dans le magazine Triolo des éditions Fleurus en 1982, car Joëlle Savey travaillait pour cet éditeur à cette époque, on vit ses Bd dans J2 Magazine ou dans Fripounet avant qu'elle aborde une Bd plus adulte lorsqu'elle sera publiée par Glénat. Les aventures décrites ici ont une tournure dramatique à priori mais sont traitées quand même sur un ton fantaisiste, les situations sont très souvent cocasses, il y a des gags, et l'ensemble donne une vision un peu décalée de la Bretagne et des légendes bretonnes. C'est dommage que certains personnages soient un peu pénibles voire saoulants, mais je retiens la bonne humeur de cette Bd, c'est ce qui domine. Le dessin de Savey est sympathique, il est dans un style encore semi humoristique et plus proche du caricatural, la dessinatrice changera peu après dès qu'elle abordera des bandes historiques plus sérieuses, notamment sur Le Postillon, son dessin sera beaucoup plus maîtrisé. Ici, sa narration tend à être plus farfelue, certaines pages sont aussi fouillis avec des textes envahissants, mais le trait est rapide, à la fois clair et précis, typique d'une bande jeunesse du début des années 80.
Jérusalem
C'est une étrange aventure historique, une sorte d'épopée à travers le désert lybien, un long périple au cours duquel les principaux protagonistes vont révéler leurs caractères. Sur fond de récit périlleux et aventureux, le scénario met l'accent sur les préjugés et les différences entre les êtres et les fanatismes religieux ; le chrétien s'oppose au musulman, chacun campe sur ses positions et ses idées reçues, ils vont peu à peu apprendre à se rapprocher par le biais de Salima, la soeur du musulman, plus tolérante, mais aussi par les épreuves traversées. Ce fond historique de Moyen Age semble bon, mais c'est le développement qui coince un peu ; en effet, je trouve le récit un peu à l'étroit dans sa formule de one shot, alors qu'il aurait été préférable d'adopter un diptyque pour retranscrire tous ces sentiments humains et tous ces événements qui se succèdent à une vitesse accélérée. Il est d'ailleurs rare que la collection Vécu sorte des one shots, étant plutôt habituée à livrer des récits longs sur plusieurs albums. On sent aussi que les personnages manquent d'épaisseur et on ne nous dit pas tout de leur passé. Le dessin de Pion est très correct, avec de bons décors, malgré de petits défauts dans les visages, j'avais déja remarqué ça sur d'autres bandes, il s'est depuis amélioré sur ce point précis, notamment sur Sigrid. Un bon récit mais qui pêche par une narration trop resserrée.
Théâtre d'Ombres
Frank et Baudoin adaptent 8 nouvelles ou romans d’auteurs très divers. Cet éclectisme se ressent dans l’album. Il y a bien le dessin de Baudoin pour créer un semblant d’unité, mais les histoires restent très différentes les unes des autres. Et aussi manquent souvent – format oblige – de coffre. Certes, Frank et Baudoin arrivent parfois à créer une ambiance, à raconter une petite histoire qui tient la route, mais je suis aussi souvent resté sur ma faim (à part pour les histoires inspirées des écrits de Schwob et de Londres). Le dessin de Baudoin est classique pour cet auteur. Un trait gras, jouant sur un Noir et Blanc tranché (quelques planches subissent l’influence de Pratt), parfois expressionniste. Son dessin est peut-être inégal, pas toujours suffisamment lisible, mais globalement j’aime bien son travail. Bref, un ensemble hétéroclite, qui ravira sans doute les amateurs du dessin de Baudoin. Pour les autres, un petit emprunt à l’occasion suffira. Note réelle 2,5/5.
Nos vies prisonnières
Cela part un peu dans tous les sens, avec des histoires qui semblent ne pas avoir de lien. En tout cas les personnages n’en ont pas. Mais, peu à peu, Parno réussit à lier ces itinéraires particuliers, en leur donnant un sens général. Le sujet est centré sur la notion de « réussite », celle de réalisation de ses aspirations les plus profondes. Que l’ambition, les aléas de la vie ont malmenées. Parmi tous les personnages, celui qui va servir de lien est un médecin, Vigan, lui-même en plein doute, qui, à la suite d’une rencontre fortuite, va se lancer à la recherche d’un homme dont le père mourant lui a confié un manuscrit expliquant pourquoi il avait plaqué femme et gosse il y a longtemps. Au milieu de toutes ces vies frustrantes, gâchées ou mal vécues à des degrés divers, Parno cherche à maintenir un cap, un fil fragile, une sorte de feel good attitude qui peut paraître artificielle et/ou forcée (ce qu’elle est à plusieurs reprises, en particulier lorsque Vigan fait la leçon aux banquiers). Mais ça reste quand même une lecture agréable et très lisible. Dessin et narration sont fluides et agréables à suivre. On peut pester contre certaines facilités, mais c’est un roman graphique qui trouvera ses amateurs. Personnellement, je suis quand même moins enthousiaste, du fait d’une vision un peu trop idéaliste des choses, manichéenne. Mais je pense que d’autres y trouveront davantage leur compte.
Attaques répertoriées
Max Brooks (le fils de Mel) est plus connu en tant qu'écrivain, mais il a aussi scénarisé quelques comics, dont ce "Attaques répertoriées". Un album qui se veut être un témoignage sur les méfaits des zombies depuis qu'homo sapiens sapiens a posé les pieds sur Terre. Et pour rendre le récit crédible, l'album commence comme une enquête basée sur des travaux archéologiques. C'est extrêmement judicieux, j'ai eu envie de croire à l'existence de ces morts-vivants depuis des milliers d'années. Un récit qui fait voyager sur tous les continents à différentes époques, de l'Afrique Centrale au parc national de Joshua Tree, de 60 000 ans avant J.-C. à 1992. Le bémol, toutes les histoires ne se valent pas. J'ai tiqué sur quelques incohérences, comme les trois ans de sièges par les zombies d'un fort au milieu du sahara. Comment un contingent de la légion étrangère peut-il survivre sans ravitaillement ? Sinon, ma lecture fût agréable. Un dessin réaliste en noir et blanc où toutes les nuances de gris dominent. Très plaisant à regarder. Une lecture recommandable.
Fenêtres sur rue
Voilà une lecture sympathique, mais sur laquelle je ne pense pas revenir. L’album est très vite lu. En effet, il est entièrement muet, et les deux « périodes » (matinées et soirées) de ce leporello ne développent pas une intrigue très dense. On observe juste les façades de quelques immeubles, les fenêtres, et les personnages qui y vivent, s’y croisent, de façon plus ou moins récurrente. Ça se laisse lire donc, mais c’est un peu creux. Quelques polissonneries, un ou deux trucs vaguement amusants, un hommage au film « Fenêtre sur cour » d’Hitchcock (dont la silhouette apparait, comme dans plusieurs de ses films, sur une façade), c’est sympa, mais sans plus. Je m’attendais à quelque chose de plus élaboré, à la Tati ou je ne sais pas, mais ici, je suis resté sur ma faim. Note réelle 2,5/5.
Le Chant des baleines
Je pense qu’il faut se laisser porter par le vent poétique qui souffle sur ce récit, sans chercher d’explications (qui ne viendront pas – sont-elles nécessaires d’ailleurs ?), pour apprécier cette histoire, à la fois linéaire et pleine de digressions. C’est une sorte de road-trip, qui emprunte d’ailleurs davantage les chemins de traverse que les routes. Un type erre, avance, sorte de hobo lunaire, traversant les paysages, s’en remémorant d’autres. Il cherche la « note », une satisfaction illusoire ou utopique, on ne sait pas. Il ne s'attache ni à un paysage ni à une personne (y compris cette femme rencontrée devant une gare, qui aurait pu l'accompagner). Mais je me suis laissé aller à accompagner ces rêveries. Le dessin de Baudoin (en couleur cette fois-ci) est parfait pour habiller ce genre de récit inclassable. Son trait gras donne un rendu brut, imprécis, parfois évanescent, comme le sont les images sortant de l’imagination de cet homme.
Mon rond-point dans ta gueule - Portraits de gilets jaunes
Un album témoignage, qui donne la parole à ceux qui ne l’ont jamais – et à qui on l’a quelque peu volée d’ailleurs. L’auteur s’est en effet rendue en Bretagne, durant le mouvement des Gilets jaunes, a rencontré certains participants qui ont accepté de donner leur version des « faits », d’expliquer leur engagement qui, pour beaucoup, ne coulait pas de source. Le point commun de la majorité de ces témoignage est qu’ils révèlent des fêlures, des vies cabossées, mais aussi une soif de justice, une sincérité qui normalement devraient habiter les dirigeants politiques. Ceux-là même contre qui se sont soulevés les Gilets jaunes. Ceux-là même qui ont très brutalement, et très cyniquement brisé le mouvement, en l’enfumant (que ce soit par des lacrymogènes ou par des déclarations non suivies d’effet). Le mérite de cet album est de donner la parole à des « laissés-pour-compte » de la société, mais aussi de voir, à hauteur d’homme et de femme, comment de simples citoyens ont gardé l’espoir que les choses changent, que les inégalités – qui ne cessent de se creuser depuis l’avènement de l’ultra libéralisme – soient réellement combattues. On voit aussi comment le gouvernement et les principaux médias n’ont cessé de traiter par le mépris le plus éhonté cette révolte, qui a été non seulement sous médiatisée, mais qui a aussi été trahi par ces médias (qui mettaient l’accent sur certaines violences – mais jamais la casse sociale, qui systématiquement reprenaient les chiffres notoirement sous évalués des manifestants des ronds-points – voir à ce propos l’article publié par plusieurs chercheur dans le Monde diplomatique en février 2021). On devine aussi dans les dernières images le détournement de « lois scélérates » initialement votées contre le terrorisme, et qui ont privé des milliers de personnes de leur droit à manifester. Alors, certes, on sort de cette lecture comme les personnes interrogées, plein d’amertume. Mais on peut aussi y voir une source d’espoir, le feu couve, même si les braises ne sont plus toujours visibles. Note réelle 3,5/5.
La Tomate
L’intrigue se déroule dans un Paris futuriste, dans une société sclérosée, totalitaire, dans une ambiance post-apocalypse (on ne connait pas trop les détails, on devine juste que l’eau est sévèrement rationnée). On ne sait pas trop ce qui s’est passé, mais la société est divisée en trois « cercles » de personnes, celles du troisième cercle étant mises à l’écart. L’héroïne travaille pour un ministère chargée de détruire tous les rebuts de l’ancienne société réapparaissant (sculpture, magazine, sachet de graines, etc.). Et justement, elle découvre un sachet de graine, décide de cacher cette découverte et de faire pousser les tomates. Elle est dénoncée et passe en jugement. Tout dans le traitement – du dessin à la colorisation, en passant par la narration (très sobre), renforce l’aspect froid de cette société, dans laquelle de zélés fonctionnaire appliquent aveuglément des décisions terribles. Disons que ça se laisse lire, relativement rapidement (il y a peu de textes finalement). Mais j’en suis sorti un peu frustré. Essentiellement parce que la société en question est peu expliquée, on ne rentre pas dans les détails, et les personnages ne nous livrent pas grand-chose de leurs personnalités – il est vrai mises en retrait de force par le contrôle strict exercé sur chacun. Mais, après tout, cela participe aussi de l’ambiance froide, stérilisée qui imprègne l’histoire.
La Conquête du cosmos
Ne cherchez pas ici de guerres intersidérales, avec envolées lyriques de vaisseaux spatiaux, ou des planches grandioses. Non, on est là au contraire dans du minimalisme. Remarque valable pour le dessin (minimaliste donc, proche parfois de celui de Tom Gauld, et en plus statique, abusant d’une sorte de quasi itération iconique). Mais aussi pour les scénarios : en effet, très peu de texte et de dialogues, peu d’action, et très peu de surprise, puisque les auteurs ont cherche tant que faire se peut de se conformer à la réalité de cette « conquête spatiale », dans laquelle les deux Grands de la guerre froide se sont lancés. Cela peut paraître rébarbatif, mais ça passe quand même. Grâce aux dialogues, où se glissent quelques touches d’humour (voir le discours de Kennedy, ou tous les passages autour de la première expédition lunaire américaine). Quelques termes québécois aussi, ce qui m’amuse et plait à chaque fois. Bref, un petit album qui ne paye pas de mine, mais qui se laisse lire rapidement, mais aussi agréablement. Note réelle 3,5/5.