C’est un énième album traitant de la guerre d’Espagne et de ses conséquences, mais qui le fait de façon intéressante, avec un flash-back plutôt bien amené : une femme découvre par hasard que sa vieille mère, commence à perdre la tête, en tout cas à parler espagnol dans la maison de retraite où elle se trouve, ce qui la surprend, puisqu’elle ne l’a jamais fait et ne lui a jamais parlé de l’Espagne. C’est l’occasion de mener une enquête pour comprendre cela, et donc de retourner en Espagne, là où s’est déroulée la « Retirada » à la fin de la guerre d’Espagne, lorsque les familles de Républicains fuyaient désespérément la répression franquiste.
Sur un sujet déjà pas mal traité donc, et relativement sensible, Bruno Loth parvient à tenir un récit au ton équilibré, presque dépassionné (le moment où la gamine se retrouve seule en mer alors que sa mère se noie est prenant, mais vite évacué.
Surtout, Loth inscrit son récit dans l’actualité contemporaine de l’Espagne, alors que de grosses manifestations se déroulent, et que les élections portent au pouvoir des élus du mouvement contestataire Podemos, contre la corruption et la mainmise des partis traditionnels (Parti populaire en tête). Sans y toucher, Loth relève certains points communs entre les luttes contemporaines et celles qui étaient menées par les Républicains.
Le récit est en tout cas agréable à lire.
J'avais beaucoup aimé Les Innocents coupables qui travaillait sur la même thématique de l'univers pénitentiaire pour enfants/adolescents, il y a plus d'un siècle. Autour de documents d'archives, Julien Hillion construit une fiction sur le personnage de Mathurin Réto envoyé à 14 ans dans le "bagne pour enfants" de Belle-Île. Je suis resté un peu sur ma faim à cause d'un déroulé du récit trop rapide à mes yeux. En voulant dramatiser à l'excès son récit l'auteur fait de son héros un personnage auquel j'ai eu du mal à m'attacher. De plus la construction du récit m'a donné l'impression que les brutalités se concentraient uniquement sur Mathurin et son ami Ernest. J'aurais aimé une vision plus large de la vie de la prison. Le personnage du gardien narrateur aurait eu plus de poids si dans le récit on avait noté un vrai lien entre les personnages.
Même si le graphisme de René Coquin n'est pas mon style préféré, son trait pointu avec des visages taillés à la serpe correspond bien à la dureté de l'ambiance. Le final, historiquement avéré, arrive un peu abruptement à mon goût car tout le début du récit donne l'impression d'un Mathurin indestructible.
Une lecture plaisante mais un peu superficielle sur certain points à mes yeux.
J'ai pris plaisir à scier les os.
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Ce tome contient une histoire complète et indépendante de toute autre, qui peut aussi être considéré comme le pilote d'une série, si tant est qu'elle rencontre du succès. Il est paru d'un seul tenant en 2019, sans prépublication, écrit par Gaby Dunn, dessiné et encré par Claire Roe, avec une mise en couleurs réalisée par Miquel Muerto. Il se termine avec 6 pages d'études graphiques sur les personnages.
La nuit, le portable sonne et réveille monsieur Pierce. À l'autre bout du fil, Lexington Ford une journaliste du Boston Lede : elle demande si son interlocuteur connaît Thomas Pierce junior, en expliquant qu'il a été impliqué dans une tuerie de masse. L'homme est interloqué et répond qu'il ne voit pas qui aurait voulu tuer Tom. Lexington Ford raccroche et rend compte au rédacteur en chef Terry Flaherty. À côté d'elle la stagiaire de fin d'études Madison Jackson écoute car elle n'a pas réussi à obtenir autant de décrochés que Ford. Flaherty s'adresse à Jackson pour lui demander un article sur le fait que la maire Caroline Yang n'a pas tenu sa promesse sur la lutte contre le crime. Après avoir fini son article, elle a le droit d'emprunter une voiture de service. Elle capte un appel de police pour un possible meurtre. Elle se rend sur place, mais Janie Lu du Boston Trombone est déjà sur place. Jackson aperçoit le policier Dominick O'Shane qu'elle connaît et l'interpelle pour savoir ce qui s'est passé.
Le policier passe son téléphone à Madison Jackson et elle lit les textos. Elle comprend que Edgar Ballantyne a été assassiné à son domicile. Elle appelle incontinent son journal, mais le rédacteur en chef lui indique que l'information est déjà disponible sur le site internet du Boston trombone. Elle voit deux policiers emmener Dahlia Kennedy (l'épouse de Ballantyne), menottes aux poignets, sa robe maculée de sang. Le lendemain matin au petit déjeuner, elle écoute les informations télévisées et elle consulte son fil d'informations : Dahlia Kennedy n'a fait aucune déclaration. Son frère David Jackson lui demande s'ils sont vraiment obligés d'écouter ça. Il lui fait remarquer que sa synthèse sur la maire ne l'a pas aidé, car il fait partie de son équipe, et en plus il a encore un peu pal aux cheveux de la séance de dégustation de champagne de la veille au soir. Stefanie, sa fiancée, lui rappelle que cette dégustation était indispensable. Madison Jackson et Lexington Ford se rendent au commissariat dans la matinée, et elles croisent Janie Lu qui en sort déjà. Ford aperçoit la baby-sitter d'Henri Ballantyne-Kennedy assise sur les marches et suggère à Madison d'aller lui parler. Dahlia Kennedy a refusé de parler à Janie Lu, puis à Lexington Ford. Contre toute attente, elle accepte de parler à Madison Jackson. Cette dernière engage la conversation en déclarant qu'elle a l'intime conviction que Dahlia Kennedy n'a pas tué son mari. Cette dernière lui répond en évoquant le plaisir qu'elle a pris à scier les os du cadavre de son fils pour le faire disparaître.
La couverture vante le fait que la scénariste fait partie de la liste du New York Times recensant les auteurs les plus vendeurs, mais sa notoriété n'a pas encore traversé l'Atlantique. Sur la base de la quatrième de couverture, le lecteur sait qu'il peut s'attendre à une enquête menée par une stagiaire en école de journalisme. La scénariste raconte son histoire de manière naturaliste. Il n'y a que les entretiens entre Madison Jackson et Dahlia Kennedy qui relève d'un procédé nécessitant un surcroit de suspension d'incrédulité consentie. Pour le reste, elle décrit un travail de journaliste pas forcément très palpitant qui consiste à interroger des personnes, effectuer des recherches majoritairement sur internet et passer des coups de fil. L'enquête progresse régulièrement pour que le récit dispose d'un rythme régulier, avec des surprises qui sont amenées naturellement, pendant les discussions ou les recherches. Il n'y a pas d'éclair de génie venant soudainement apporter une compréhension totale, ou d'informateur sortant de nulle part qui vient contacter la stagiaire parce qu'il faut que l'intrigue progresse. Les personnages disposent de suffisamment d'épaisseur pour exister : l'éditeur en chef rigoureux et ne faisant pas de sentiment, Lexington Ford voyant progresser la stagiaire empiétant sur ses propres articles, le jeune policier utilisant la stagiaire pour faire progresser l'enquête par d'autres moyens, le frère de Madison Jackson, qui l'héberge et s'occupe de sa propre carrière, Harold Genero la journaliste chevronnée, etc.
Claire Roe a opté pour une narration graphique descriptive dans un registre naturaliste, avec un degré de simplification dans les formes, en phase avec la nature du récit. Elle campe des personnages réalistes, sans exagération morphologique, avec un jeu d'acteur naturaliste. Le lecteur peut voir les différences d'âge en regardant les personnages : Madison Jackson jeune adulte, Lexington Ford plus âgée (autour de 30 ans), Harold Genero ayant passé la cinquantaine, de même pour Terry Flaherty. Chaque personnage dispose de traits de visage différenciés, d'une garde-robe spécifique. Il note que de temps à autre les contours perdent un peu de leur assurance, dans le détourage d'une silhouette ou dans la représentation d'un visage, sans que cela ne le fasse sortir du récit. De même, parfois, une expression de visage peut sembler un peu exagérée ou décalée par rapport à la situation, là encore sans que cela ne provoque une impression de caricature. Assez rapidement, le lecteur éprouve l'impression que le coloriste est fortement influencé par le travail d'Elizabeth Breitweiser sur les séries d'Ed Brubaker dessinées par Sean Phillips, par exemple Kill or be killed. Il procède par aplats de couleurs pour chaque forme détourée ajoutant par-dessus une forme irrégulière d'une teinte plus foncée pour rendre compte des ombres, sans oser aller jusqu'à glisser dans un registre pour impressionniste comme le fait Breitweiser.
Visiblement, Claire Roe estime que la représentation des environnements est importante car elle y consacre assez de temps pour qu'ils soient consistants et régulièrement représentés. Le lecteur peut ainsi observer la façade de l'immeuble où habite monsieur Pierce, l'aménagement de la salle de rédaction et les meubles utilisés, la pièce principale de l'appartement de Stefanie & David, la chambre de l'appartement de Lexington Ford, le beau pavillon de Charles Ballard, la façade de la précédente demeure de Dahlia Kennedy, et la salle de deux ou trois bars. À nouveau, l'artiste ne se lance pas dans une représentation photographique, mais elle trouve le bon équilibre entre les éléments représentés et leur degré de détails pour que la lecture ne s'en trouve pas ralentie. Elle trouve également le bon dosage pour les scènes de dialogue, avec des arrière-plans peu fournis, mais suffisant, et une bonne gestion de l'évolution de la prise de vue pour éviter l'enfilade de têtes en train de parler. Le lecteur plonge dans un monde réaliste, peuplé d'individus plausibles et aisément reconnaissables.
Alors que le lecteur suppose qu'il va s'installer un jeu du chat et de la souris entre Dahlia Kennedy et la jeune Madison Jackson (à l'instar de celui malsain entre Hannibal Lecter et Clarice Sterling), Gaby Dunn fait preuve de plus d'originalité. Kennedy manipule bien la jeune journaliste, mais sans sadisme. Du coup, le lecteur se prête bien volontiers à ce jeu, n'essayant pas de devancer les révélations de Dahlia Kennedy qui en sait un peu beaucoup, mais se rangeant plutôt du côté de Madison Jackson qui comprend bien qu'elle est manipulée. L'enquête progresse régulièrement à un rythme plausible, pour déboucher sur un crime immonde plusieurs fois répété. Le lecteur sent bien que de temps à autre la scénariste amène les faits avec un soupçon de maladresse, ce qui les rend un peu abrupts. Mais ce défaut est compensé par les interactions entre les principaux personnages. Dans un premier temps, le lecteur suppose que la relation entre Madison Jackson et Dominick O'Shane relève de la convention qui veut que les journalistes cultivent des relations dans la police pour obtenir des informations confidentielles. Il met l'inimitié du frère et la sœur sur le même compte : une convention pratique pour introduire un peu d'animation à peu de frais. En cours de route, il relève que Madison Jackson se montre peu amène avec Dominick O'Shane, sans aucune reconnaissance. Il constate que David Jackson fait des remarques amères à sa sœur, qui dépassent les piques usuelles. Gaby Dunn fait apparaître la nature des motivations de ces personnages, et de plusieurs autres. Le récit révèle une absence totale d'angélisme ou de naïveté, que ce soit pour Madison Jackson et sa vocation, pour Lexington Ford, pour Dominick O'Shane, ou pour Dahlia Kennedy. Il s'agit bien d'adultes qui savent ce qu'ils veulent, et qui connaissent le prix à payer. Ils n'en deviennent pas infaillibles ou invulnérables pour autant.
Gaby Dunn et Claire Roe racontent une histoire de genre mêlant enquête journalistique et thriller. La narration visuelle est accordée au scénario pour rendre les individus et les lieux plausibles et concrets. Le scénario associe des éléments plausibles, mais sans toujours prendre le temps de les étoffer ou de bien les intégrer, tout en développant un point de vue très adulte sur la motivation professionnelle des individus, tout en manquant un peu de subtilités dans la caractérisation psychologique de certains individus.
Zerocalcare continue de raconter sa vie et ici il met en avant sa relation avec son père, les secrets de famille du côté paternel et la honte qu'il a de ne pas avoir d'enfants alors qu'il a maintenant 40 ans.
J'ai retrouvé les qualités et les défauts de l'auteur lorsqu'il parle de sa vie. Il y a des passages très bons, mais il y aussi des parties moins intéressantes. C'est un peu long, notamment au début. Je pense que c'est vraiment durant l'acte 2 que j'ai commencé à trouver qu'il y avait des éléments intéressants dans le scénario. Il y a aussi le fait que je me demande à quel point l'auteur invente. C'est clair que certains passages sont de la fiction comme lorsque l'auteur se bat contre une figurine géante, mais je trouve cela tout de même surprenant que sa mère ET son père aient des secrets de famille. Il y aussi le fait qu'il y a des allusions typiquement italiennes (notamment lorsque Zerocalcare invoque un saint que je ne connais pas) qui me sont passées au dessus de la tête.
Parmi les qualités, l'humour fonctionne souvent et les dialogues sont savoureux. On voit aussi l'évolution de Zerocalcare comme auteur. Je me souviens que dans ses œuvres plus anciennes je trouvais que c'était décousu. Ici, l'auteur parle encore une fois de plusieurs sujets, mais tout est plus complémentaire et on ne se perd pas dans les flashbacks qui se passent à différentes époques. Le dessin est très bon et la mise en scène dynamique. Il y aussi quelques cases dessinées de manière un peu plus réalistes que le style habituel de l'auteur.
Malgré que tout ne soit pas excellent, j'ai quand même passé un bon moment et je compte continuer d'emprunter les albums de cet auteur italien particulier.
Un GROS délire.
Tout d'abord un mot sur Greg Broadmore, il est néo-zélandais et il a travaillé en tant que concept designer sur des films tel que Le Monde de Narnia, King Kong ou encore Avatar. Ayant une passion pour les dinosaures, il les met en scène dans ce comics.
Ensuite un autre petit mot sur l'éditeur Blueman, la conception du bouquin est superbe et il nous propose un très grand format pour mieux en apprécier les magnifiques planches.
Je disais donc un GROS délire, Greg Broadmore nous plonge dans une préhistoire fantasmée où une tribu de femmes des cavernes va côtoyer des dinosaures. Et il ne s'arrête pas là, en effet, à l'instar d'Homo Sapiens qui a domestiqué le loup, nos femmes des cavernes vont domestiquer des tyrannosaures.
Un clan de femmes où il n'y a aucun homme, elles n'en ont pas besoin pour avoir des enfants, ces derniers sont pondus - façon Alien - dans une grotte.
Une tribu qui mène une existence difficile, la chasse est leur seul moyen de subsistance. Jusqu'au jour où une des membres du clan, Chemin Droit, va instaurer une nouvelle pratique de chasse.
Un récit extrêmement violent, le sang coule à flot, des corps sont éventrés, des têtes vont tomber...
Une narration où le texte se fait rare, il laisse la part belle à la partie graphique.
Une trame très classique qui évolue tout doucement vers quelque chose de plus consistant. Je suis quand même sur la réserve sur un point en particulier.
Maintenant place à la partie graphique et là Greg Broadmore réalise des prouesses avec sa table graphique. Je crois que je n'ai jamais vu autant de femmes nues que dans ce comics. Attention, elles n'ont rien de bimbos. Elles sont sales, les seins qui tombent, des visages ingrats et des poils aux jambes. En parlant de poils, la pilosité excessive au niveau du pubis de ces dames empêche de voir leur partie intime. Les décors sont riches et époustouflants, la représentation des dinosaures est criante de vérité et la mise en page est cinématographique. Juste un petit bémol sur l'enchaînement de certaines cases qui occasionne m'a remarque ci-dessus.
J'adore.
Curieux de lire la suite pour affiner ma note.
Je ne suis probablement pas le meilleur lecteur pour introduire cette série dans la base. En effet je n'ai pas de smartphone et je n'utilise jamais les emoji. Toutefois le phénomène de communication que représentent ces petits pictogrammes souvent amusants méritait bien une production BD. Le scénariste néophyte en BD, propose une construction dans un documentaire à la fois bien documenté, complété par une grosse bibliographie sur chacun des chapitres évoqués : historique, droit, le consortium unicode, la linguistique et d'autres anecdotes moins signifiantes. Pour rendre le récit moins didactique David Groison introduit comme fil rouge la tentative d'introduction d'un nouvel Emoji, une éolienne.
C'est le côté tendance écologique du récit. Mouais là je vais encore pousser un coup de gueule. En effet comment rendre crédible cette aspiration à la sensibilisation au réchauffement climatique avec une journaliste qui passe sa vie en avion pour des interviews très facilement réalisables à distance. Le récit nous propose un Paris-Tokyo-LA-Paris puis un A/R Paris-LA et un autre Paris-Le Caire pour nous vendre de la lutte contre les gaz à effet de serre sans sourciller et en toute bonne conscience. Cette contradiction interne au récit m'a beaucoup déplu tellement c'est ridicule à mes yeux.
Le graphisme de Paul Rey est très lisible dans un style simple et fluide. Cela me semble destiné à un large public avec une gamme de couleurs assez douces. L'expressivité est minimale mais cela donne une lecture sans souci.
Une thématique peu abordée avec des points intéressants mais une approche écologique que je n'ai pas pu m'approprier, une grosse faiblesse et une contradiction à mes yeux. Un petit 3
L'Horloge est la première grande BD de José Roosevelt et elle porte tous les germes de ce qui composera ses œuvres suivantes. Peintre surréaliste à l'origine, Roosevelt s'inspire essentiellement de Dali mais aussi de Bosch et Brueghel. Dans L'Horloge, il intègre ses tableaux comme des éléments à part entière de l'intrigue. C'est aussi pour lui l'occasion de créer la galerie de personnages qui vont peupler toutes ses BD ultérieures, jouant chaque fois des rôles sensiblement différents, à la manière d'une Commedia dell'Arte façonnant peu à peu son univers artistique et narratif.
Cette série constitue donc la première brique de cet univers, déjà extrêmement riche en symbolisme, ésotérisme et références érudites. Elle dégage une atmosphère onirique séduisante au départ, mais devient vite confuse, voire étouffante.
Suite à l'assassinat mystérieux d'un peintre aux allures de prophète, le canard anthropomorphe Juanalberto et le couple de jeunes faunes, Vi et Ian, quittent leur vallée paisible pour partir vers l'Est à la recherche d'on ne sait trop quoi : un message, une rencontre avec d'hypothétiques hérétiques, ou encore un sens au rêve que le peintre leur a transmis. Leur quête est structurée en 12 chapitres, comme autant d'heures d'une horloge, mais aussi comme autant d'étapes ésotériques liées au zodiaque, aux saisons, aux anges et à d'autres symboles mystiques.
Graphiquement, on oscille entre le splendide et l'approximatif : les peintures sont remarquables, mais le dessin des personnages ou certains choix de couleurs peuvent sembler maladroits, voire rebutants. On sent qu'il s'agit des débuts de l'auteur en BD, notamment dans la raideur de Juanalberto, qui deviendra plus tard son personnage fétiche, quasi avatar. Les couleurs de l'édition Paquet ne sont pas mauvaises mais portent la marque de la colorisation informatique de la fin des années 1990 (la même qui avait momentanément défiguré L'Incal de Moebius). 25 ans plus tard, la réédition en intégrale aux Éditions du Canard a repris ces couleurs dans des teintes monochromatiques plus élégantes, qui mettent bien mieux en valeur les peintures.
J'ai apprécié l'ambiance mystérieuse et certaines planches où les peintures à l'huile s'intègrent parfaitement au récit, apportant un supplément d'âme et de mystère. Les premiers chapitres intriguent grâce à leurs idées originales et à des décors intéressants. Malheureusement, la suite s'alourdit : tirades pompeuses, personnages absurdes ou mal exploités, et développements scénaristiques qui tiennent souvent du raccourci ou du fourre-tout. Les intrigues se perdent dans des allusions bibliques, littéraires ou philosophiques qui brouillent le propos au lieu de l'éclairer. Certains monologues sont franchement rébarbatifs. Le travail symbolique, lui, reste intéressant : chaque chapitre s'ancre dans une ambiance et des motifs ésotériques qui seront explicités à la fin du troisième tome par un tableau symbolique récapitulatif. Mais là encore, aucune explication véritable n'est donnée sur leur signification. On notera également un clin d'œil appuyé à l'œuvre de Carl Barks à la fin de ce même tome.
C'est aussi à ce moment de la lecture que l'on croit toucher enfin aux révélations, que l'intrigue semble s'ordonner et promet de tout éclairer... sauf que l'œuvre s'arrête brusquement, comme s'il manquait une ultime page de révélation ou au moins de retrouvailles. Effet sans doute volontaire d'un auteur qui souhaite laisser libre cours à l'interprétation du lecteur, mais le résultat est frustrant et laisse un goût d'inachevé.
En définitive, malgré quelques fulgurances visuelles et une vraie ambition intellectuelle, j'ai trouvé cette lecture plus frustrante qu'enrichissante. Elle m'a donné le sentiment d'une œuvre pleine d'intentions et de symbolisme, mais mal aboutie. J'ai parfois été captivé, mais bien souvent aussi perdu en route.
J'avais découvert le travail de Sandra Hernandez dans la belle adaptation d'une œuvre de Jean Giono L'Homme qui plantait des arbres.
Ses peintures "naïves" façon Douanier Rousseau correspondaient bien à l'esprit ensoleillé et optimiste du conte de Giono. Je suis moins convaincu par l'exercice dans cette atmosphère fantastique bien plus sombre. La discontinuité très marquée de la composition graphique correspond bien à l'esprit du roman mais rend la lecture aride.
L'autrice espagnole respecte bien le récit de Mary Shelley. La transformation de docteur en doctoresse n'apporte pas grand chose au récit sauf à le féminiser au goût du jour. C'est une transformation quelque peu superficielle à mes yeux. De plus je ne suis pas amateur du récit fantastique de Shelley que je trouve simpliste dans la psychologie du "monstre".
Une lecture à laquelle j'ai eu du mal a accrocher sauf pour le côté original du graphisme. 2.5
Je n'ai pas été surpris par cette œuvre de Jiro Taniguchi. On retrouve la thématique de la relation au père qu'il a beaucoup travaillé et qui l'a rendu célèbre. Le récit est classique avec le transfert de "l'âme" dans un autre corps puis le conflit interne dans ce corps.
Les conflits sont très soft que ce soit au sein des familles ou dans le corps de Takuya. Il y a beaucoup de retenues dans les personnages ce qui conduit plus à l'introspection qu'à la révolte. Le rythme est assez lent malgré le compte à rebours imposé par le scénario. Le final parachuté accentue ce côté soft qui contredit la thématique du deuil violent imposée par la première scène. N'étant pas spécialement nostalgique de nature, je suis resté entre deux chaises avec ces deux positions extrêmes entre la brutalité d'une mort violente et cet esprit cool grâce à cette présence sage vécue comme un cadeau post mortem.
Le dessin de Taniguchi est toujours aussi élégant même si j'ai trouvé moins de profusion dans les détails et des personnages trop stéréotypés ou rigides.
Une lecture classique qui ne m'a pas remué plus que cela.
Cet album ne révolutionne rien, mais les amateurs de polar poisseux classique y trouveront une histoire globalement sympathique – malgré quelques facilités – agrémentée d’un dessin adapté à ce style de récit.
En effet, Risso est un vieil habitué du genre. Son Noir et Blanc tranché donne un rendu assez chouette (il a déjà pas mal accompagné Trillo sur des récits du même acabit).
L’histoire n’est pas inoubliable, mais c’est quand même bien mené, en restant bien ancré dans du classique. A commencer par le héros, Jonny Double (pas génial comme nom de héros, mais bon…), détective privé, ancien flic, sans client et peinant à payer son loyer, etc. Azzarello évite quand même le cliché de la bombasse et de la secrétaire pin-up amoureuse de son patron.
Outre le dessin de Risso, l’autre atout est le rythme donné au récit, on ne s’ennuie pas. Une fois accepté quelque facilités (comme le braquage de l’héritage bancaire d’Al Capone ! ou la chute un peu facile), on est embarqué dans une histoire poisseuse et sanglante.
Une lecture détente pas désagréable.
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Dolorès (Loth)
C’est un énième album traitant de la guerre d’Espagne et de ses conséquences, mais qui le fait de façon intéressante, avec un flash-back plutôt bien amené : une femme découvre par hasard que sa vieille mère, commence à perdre la tête, en tout cas à parler espagnol dans la maison de retraite où elle se trouve, ce qui la surprend, puisqu’elle ne l’a jamais fait et ne lui a jamais parlé de l’Espagne. C’est l’occasion de mener une enquête pour comprendre cela, et donc de retourner en Espagne, là où s’est déroulée la « Retirada » à la fin de la guerre d’Espagne, lorsque les familles de Républicains fuyaient désespérément la répression franquiste. Sur un sujet déjà pas mal traité donc, et relativement sensible, Bruno Loth parvient à tenir un récit au ton équilibré, presque dépassionné (le moment où la gamine se retrouve seule en mer alors que sa mère se noie est prenant, mais vite évacué. Surtout, Loth inscrit son récit dans l’actualité contemporaine de l’Espagne, alors que de grosses manifestations se déroulent, et que les élections portent au pouvoir des élus du mouvement contestataire Podemos, contre la corruption et la mainmise des partis traditionnels (Parti populaire en tête). Sans y toucher, Loth relève certains points communs entre les luttes contemporaines et celles qui étaient menées par les Républicains. Le récit est en tout cas agréable à lire.
Enfermé - Mathurin Reto, pupille à Belle-Ile
J'avais beaucoup aimé Les Innocents coupables qui travaillait sur la même thématique de l'univers pénitentiaire pour enfants/adolescents, il y a plus d'un siècle. Autour de documents d'archives, Julien Hillion construit une fiction sur le personnage de Mathurin Réto envoyé à 14 ans dans le "bagne pour enfants" de Belle-Île. Je suis resté un peu sur ma faim à cause d'un déroulé du récit trop rapide à mes yeux. En voulant dramatiser à l'excès son récit l'auteur fait de son héros un personnage auquel j'ai eu du mal à m'attacher. De plus la construction du récit m'a donné l'impression que les brutalités se concentraient uniquement sur Mathurin et son ami Ernest. J'aurais aimé une vision plus large de la vie de la prison. Le personnage du gardien narrateur aurait eu plus de poids si dans le récit on avait noté un vrai lien entre les personnages. Même si le graphisme de René Coquin n'est pas mon style préféré, son trait pointu avec des visages taillés à la serpe correspond bien à la dureté de l'ambiance. Le final, historiquement avéré, arrive un peu abruptement à mon goût car tout le début du récit donne l'impression d'un Mathurin indestructible. Une lecture plaisante mais un peu superficielle sur certain points à mes yeux.
Bury the Lede
J'ai pris plaisir à scier les os. - Ce tome contient une histoire complète et indépendante de toute autre, qui peut aussi être considéré comme le pilote d'une série, si tant est qu'elle rencontre du succès. Il est paru d'un seul tenant en 2019, sans prépublication, écrit par Gaby Dunn, dessiné et encré par Claire Roe, avec une mise en couleurs réalisée par Miquel Muerto. Il se termine avec 6 pages d'études graphiques sur les personnages. La nuit, le portable sonne et réveille monsieur Pierce. À l'autre bout du fil, Lexington Ford une journaliste du Boston Lede : elle demande si son interlocuteur connaît Thomas Pierce junior, en expliquant qu'il a été impliqué dans une tuerie de masse. L'homme est interloqué et répond qu'il ne voit pas qui aurait voulu tuer Tom. Lexington Ford raccroche et rend compte au rédacteur en chef Terry Flaherty. À côté d'elle la stagiaire de fin d'études Madison Jackson écoute car elle n'a pas réussi à obtenir autant de décrochés que Ford. Flaherty s'adresse à Jackson pour lui demander un article sur le fait que la maire Caroline Yang n'a pas tenu sa promesse sur la lutte contre le crime. Après avoir fini son article, elle a le droit d'emprunter une voiture de service. Elle capte un appel de police pour un possible meurtre. Elle se rend sur place, mais Janie Lu du Boston Trombone est déjà sur place. Jackson aperçoit le policier Dominick O'Shane qu'elle connaît et l'interpelle pour savoir ce qui s'est passé. Le policier passe son téléphone à Madison Jackson et elle lit les textos. Elle comprend que Edgar Ballantyne a été assassiné à son domicile. Elle appelle incontinent son journal, mais le rédacteur en chef lui indique que l'information est déjà disponible sur le site internet du Boston trombone. Elle voit deux policiers emmener Dahlia Kennedy (l'épouse de Ballantyne), menottes aux poignets, sa robe maculée de sang. Le lendemain matin au petit déjeuner, elle écoute les informations télévisées et elle consulte son fil d'informations : Dahlia Kennedy n'a fait aucune déclaration. Son frère David Jackson lui demande s'ils sont vraiment obligés d'écouter ça. Il lui fait remarquer que sa synthèse sur la maire ne l'a pas aidé, car il fait partie de son équipe, et en plus il a encore un peu pal aux cheveux de la séance de dégustation de champagne de la veille au soir. Stefanie, sa fiancée, lui rappelle que cette dégustation était indispensable. Madison Jackson et Lexington Ford se rendent au commissariat dans la matinée, et elles croisent Janie Lu qui en sort déjà. Ford aperçoit la baby-sitter d'Henri Ballantyne-Kennedy assise sur les marches et suggère à Madison d'aller lui parler. Dahlia Kennedy a refusé de parler à Janie Lu, puis à Lexington Ford. Contre toute attente, elle accepte de parler à Madison Jackson. Cette dernière engage la conversation en déclarant qu'elle a l'intime conviction que Dahlia Kennedy n'a pas tué son mari. Cette dernière lui répond en évoquant le plaisir qu'elle a pris à scier les os du cadavre de son fils pour le faire disparaître. La couverture vante le fait que la scénariste fait partie de la liste du New York Times recensant les auteurs les plus vendeurs, mais sa notoriété n'a pas encore traversé l'Atlantique. Sur la base de la quatrième de couverture, le lecteur sait qu'il peut s'attendre à une enquête menée par une stagiaire en école de journalisme. La scénariste raconte son histoire de manière naturaliste. Il n'y a que les entretiens entre Madison Jackson et Dahlia Kennedy qui relève d'un procédé nécessitant un surcroit de suspension d'incrédulité consentie. Pour le reste, elle décrit un travail de journaliste pas forcément très palpitant qui consiste à interroger des personnes, effectuer des recherches majoritairement sur internet et passer des coups de fil. L'enquête progresse régulièrement pour que le récit dispose d'un rythme régulier, avec des surprises qui sont amenées naturellement, pendant les discussions ou les recherches. Il n'y a pas d'éclair de génie venant soudainement apporter une compréhension totale, ou d'informateur sortant de nulle part qui vient contacter la stagiaire parce qu'il faut que l'intrigue progresse. Les personnages disposent de suffisamment d'épaisseur pour exister : l'éditeur en chef rigoureux et ne faisant pas de sentiment, Lexington Ford voyant progresser la stagiaire empiétant sur ses propres articles, le jeune policier utilisant la stagiaire pour faire progresser l'enquête par d'autres moyens, le frère de Madison Jackson, qui l'héberge et s'occupe de sa propre carrière, Harold Genero la journaliste chevronnée, etc. Claire Roe a opté pour une narration graphique descriptive dans un registre naturaliste, avec un degré de simplification dans les formes, en phase avec la nature du récit. Elle campe des personnages réalistes, sans exagération morphologique, avec un jeu d'acteur naturaliste. Le lecteur peut voir les différences d'âge en regardant les personnages : Madison Jackson jeune adulte, Lexington Ford plus âgée (autour de 30 ans), Harold Genero ayant passé la cinquantaine, de même pour Terry Flaherty. Chaque personnage dispose de traits de visage différenciés, d'une garde-robe spécifique. Il note que de temps à autre les contours perdent un peu de leur assurance, dans le détourage d'une silhouette ou dans la représentation d'un visage, sans que cela ne le fasse sortir du récit. De même, parfois, une expression de visage peut sembler un peu exagérée ou décalée par rapport à la situation, là encore sans que cela ne provoque une impression de caricature. Assez rapidement, le lecteur éprouve l'impression que le coloriste est fortement influencé par le travail d'Elizabeth Breitweiser sur les séries d'Ed Brubaker dessinées par Sean Phillips, par exemple Kill or be killed. Il procède par aplats de couleurs pour chaque forme détourée ajoutant par-dessus une forme irrégulière d'une teinte plus foncée pour rendre compte des ombres, sans oser aller jusqu'à glisser dans un registre pour impressionniste comme le fait Breitweiser. Visiblement, Claire Roe estime que la représentation des environnements est importante car elle y consacre assez de temps pour qu'ils soient consistants et régulièrement représentés. Le lecteur peut ainsi observer la façade de l'immeuble où habite monsieur Pierce, l'aménagement de la salle de rédaction et les meubles utilisés, la pièce principale de l'appartement de Stefanie & David, la chambre de l'appartement de Lexington Ford, le beau pavillon de Charles Ballard, la façade de la précédente demeure de Dahlia Kennedy, et la salle de deux ou trois bars. À nouveau, l'artiste ne se lance pas dans une représentation photographique, mais elle trouve le bon équilibre entre les éléments représentés et leur degré de détails pour que la lecture ne s'en trouve pas ralentie. Elle trouve également le bon dosage pour les scènes de dialogue, avec des arrière-plans peu fournis, mais suffisant, et une bonne gestion de l'évolution de la prise de vue pour éviter l'enfilade de têtes en train de parler. Le lecteur plonge dans un monde réaliste, peuplé d'individus plausibles et aisément reconnaissables. Alors que le lecteur suppose qu'il va s'installer un jeu du chat et de la souris entre Dahlia Kennedy et la jeune Madison Jackson (à l'instar de celui malsain entre Hannibal Lecter et Clarice Sterling), Gaby Dunn fait preuve de plus d'originalité. Kennedy manipule bien la jeune journaliste, mais sans sadisme. Du coup, le lecteur se prête bien volontiers à ce jeu, n'essayant pas de devancer les révélations de Dahlia Kennedy qui en sait un peu beaucoup, mais se rangeant plutôt du côté de Madison Jackson qui comprend bien qu'elle est manipulée. L'enquête progresse régulièrement à un rythme plausible, pour déboucher sur un crime immonde plusieurs fois répété. Le lecteur sent bien que de temps à autre la scénariste amène les faits avec un soupçon de maladresse, ce qui les rend un peu abrupts. Mais ce défaut est compensé par les interactions entre les principaux personnages. Dans un premier temps, le lecteur suppose que la relation entre Madison Jackson et Dominick O'Shane relève de la convention qui veut que les journalistes cultivent des relations dans la police pour obtenir des informations confidentielles. Il met l'inimitié du frère et la sœur sur le même compte : une convention pratique pour introduire un peu d'animation à peu de frais. En cours de route, il relève que Madison Jackson se montre peu amène avec Dominick O'Shane, sans aucune reconnaissance. Il constate que David Jackson fait des remarques amères à sa sœur, qui dépassent les piques usuelles. Gaby Dunn fait apparaître la nature des motivations de ces personnages, et de plusieurs autres. Le récit révèle une absence totale d'angélisme ou de naïveté, que ce soit pour Madison Jackson et sa vocation, pour Lexington Ford, pour Dominick O'Shane, ou pour Dahlia Kennedy. Il s'agit bien d'adultes qui savent ce qu'ils veulent, et qui connaissent le prix à payer. Ils n'en deviennent pas infaillibles ou invulnérables pour autant. Gaby Dunn et Claire Roe racontent une histoire de genre mêlant enquête journalistique et thriller. La narration visuelle est accordée au scénario pour rendre les individus et les lieux plausibles et concrets. Le scénario associe des éléments plausibles, mais sans toujours prendre le temps de les étoffer ou de bien les intégrer, tout en développant un point de vue très adulte sur la motivation professionnelle des individus, tout en manquant un peu de subtilités dans la caractérisation psychologique de certains individus.
À ta mort, ce sera à moi
Zerocalcare continue de raconter sa vie et ici il met en avant sa relation avec son père, les secrets de famille du côté paternel et la honte qu'il a de ne pas avoir d'enfants alors qu'il a maintenant 40 ans. J'ai retrouvé les qualités et les défauts de l'auteur lorsqu'il parle de sa vie. Il y a des passages très bons, mais il y aussi des parties moins intéressantes. C'est un peu long, notamment au début. Je pense que c'est vraiment durant l'acte 2 que j'ai commencé à trouver qu'il y avait des éléments intéressants dans le scénario. Il y a aussi le fait que je me demande à quel point l'auteur invente. C'est clair que certains passages sont de la fiction comme lorsque l'auteur se bat contre une figurine géante, mais je trouve cela tout de même surprenant que sa mère ET son père aient des secrets de famille. Il y aussi le fait qu'il y a des allusions typiquement italiennes (notamment lorsque Zerocalcare invoque un saint que je ne connais pas) qui me sont passées au dessus de la tête. Parmi les qualités, l'humour fonctionne souvent et les dialogues sont savoureux. On voit aussi l'évolution de Zerocalcare comme auteur. Je me souviens que dans ses œuvres plus anciennes je trouvais que c'était décousu. Ici, l'auteur parle encore une fois de plusieurs sujets, mais tout est plus complémentaire et on ne se perd pas dans les flashbacks qui se passent à différentes époques. Le dessin est très bon et la mise en scène dynamique. Il y aussi quelques cases dessinées de manière un peu plus réalistes que le style habituel de l'auteur. Malgré que tout ne soit pas excellent, j'ai quand même passé un bon moment et je compte continuer d'emprunter les albums de cet auteur italien particulier.
Cave Girls
Un GROS délire. Tout d'abord un mot sur Greg Broadmore, il est néo-zélandais et il a travaillé en tant que concept designer sur des films tel que Le Monde de Narnia, King Kong ou encore Avatar. Ayant une passion pour les dinosaures, il les met en scène dans ce comics. Ensuite un autre petit mot sur l'éditeur Blueman, la conception du bouquin est superbe et il nous propose un très grand format pour mieux en apprécier les magnifiques planches. Je disais donc un GROS délire, Greg Broadmore nous plonge dans une préhistoire fantasmée où une tribu de femmes des cavernes va côtoyer des dinosaures. Et il ne s'arrête pas là, en effet, à l'instar d'Homo Sapiens qui a domestiqué le loup, nos femmes des cavernes vont domestiquer des tyrannosaures. Un clan de femmes où il n'y a aucun homme, elles n'en ont pas besoin pour avoir des enfants, ces derniers sont pondus - façon Alien - dans une grotte. Une tribu qui mène une existence difficile, la chasse est leur seul moyen de subsistance. Jusqu'au jour où une des membres du clan, Chemin Droit, va instaurer une nouvelle pratique de chasse. Un récit extrêmement violent, le sang coule à flot, des corps sont éventrés, des têtes vont tomber... Une narration où le texte se fait rare, il laisse la part belle à la partie graphique. Une trame très classique qui évolue tout doucement vers quelque chose de plus consistant. Je suis quand même sur la réserve sur un point en particulier. Maintenant place à la partie graphique et là Greg Broadmore réalise des prouesses avec sa table graphique. Je crois que je n'ai jamais vu autant de femmes nues que dans ce comics. Attention, elles n'ont rien de bimbos. Elles sont sales, les seins qui tombent, des visages ingrats et des poils aux jambes. En parlant de poils, la pilosité excessive au niveau du pubis de ces dames empêche de voir leur partie intime. Les décors sont riches et époustouflants, la représentation des dinosaures est criante de vérité et la mise en page est cinématographique. Juste un petit bémol sur l'enchaînement de certaines cases qui occasionne m'a remarque ci-dessus. J'adore. Curieux de lire la suite pour affiner ma note.
La Révolution emoji
Je ne suis probablement pas le meilleur lecteur pour introduire cette série dans la base. En effet je n'ai pas de smartphone et je n'utilise jamais les emoji. Toutefois le phénomène de communication que représentent ces petits pictogrammes souvent amusants méritait bien une production BD. Le scénariste néophyte en BD, propose une construction dans un documentaire à la fois bien documenté, complété par une grosse bibliographie sur chacun des chapitres évoqués : historique, droit, le consortium unicode, la linguistique et d'autres anecdotes moins signifiantes. Pour rendre le récit moins didactique David Groison introduit comme fil rouge la tentative d'introduction d'un nouvel Emoji, une éolienne. C'est le côté tendance écologique du récit. Mouais là je vais encore pousser un coup de gueule. En effet comment rendre crédible cette aspiration à la sensibilisation au réchauffement climatique avec une journaliste qui passe sa vie en avion pour des interviews très facilement réalisables à distance. Le récit nous propose un Paris-Tokyo-LA-Paris puis un A/R Paris-LA et un autre Paris-Le Caire pour nous vendre de la lutte contre les gaz à effet de serre sans sourciller et en toute bonne conscience. Cette contradiction interne au récit m'a beaucoup déplu tellement c'est ridicule à mes yeux. Le graphisme de Paul Rey est très lisible dans un style simple et fluide. Cela me semble destiné à un large public avec une gamme de couleurs assez douces. L'expressivité est minimale mais cela donne une lecture sans souci. Une thématique peu abordée avec des points intéressants mais une approche écologique que je n'ai pas pu m'approprier, une grosse faiblesse et une contradiction à mes yeux. Un petit 3
L'Horloge
L'Horloge est la première grande BD de José Roosevelt et elle porte tous les germes de ce qui composera ses œuvres suivantes. Peintre surréaliste à l'origine, Roosevelt s'inspire essentiellement de Dali mais aussi de Bosch et Brueghel. Dans L'Horloge, il intègre ses tableaux comme des éléments à part entière de l'intrigue. C'est aussi pour lui l'occasion de créer la galerie de personnages qui vont peupler toutes ses BD ultérieures, jouant chaque fois des rôles sensiblement différents, à la manière d'une Commedia dell'Arte façonnant peu à peu son univers artistique et narratif. Cette série constitue donc la première brique de cet univers, déjà extrêmement riche en symbolisme, ésotérisme et références érudites. Elle dégage une atmosphère onirique séduisante au départ, mais devient vite confuse, voire étouffante. Suite à l'assassinat mystérieux d'un peintre aux allures de prophète, le canard anthropomorphe Juanalberto et le couple de jeunes faunes, Vi et Ian, quittent leur vallée paisible pour partir vers l'Est à la recherche d'on ne sait trop quoi : un message, une rencontre avec d'hypothétiques hérétiques, ou encore un sens au rêve que le peintre leur a transmis. Leur quête est structurée en 12 chapitres, comme autant d'heures d'une horloge, mais aussi comme autant d'étapes ésotériques liées au zodiaque, aux saisons, aux anges et à d'autres symboles mystiques. Graphiquement, on oscille entre le splendide et l'approximatif : les peintures sont remarquables, mais le dessin des personnages ou certains choix de couleurs peuvent sembler maladroits, voire rebutants. On sent qu'il s'agit des débuts de l'auteur en BD, notamment dans la raideur de Juanalberto, qui deviendra plus tard son personnage fétiche, quasi avatar. Les couleurs de l'édition Paquet ne sont pas mauvaises mais portent la marque de la colorisation informatique de la fin des années 1990 (la même qui avait momentanément défiguré L'Incal de Moebius). 25 ans plus tard, la réédition en intégrale aux Éditions du Canard a repris ces couleurs dans des teintes monochromatiques plus élégantes, qui mettent bien mieux en valeur les peintures. J'ai apprécié l'ambiance mystérieuse et certaines planches où les peintures à l'huile s'intègrent parfaitement au récit, apportant un supplément d'âme et de mystère. Les premiers chapitres intriguent grâce à leurs idées originales et à des décors intéressants. Malheureusement, la suite s'alourdit : tirades pompeuses, personnages absurdes ou mal exploités, et développements scénaristiques qui tiennent souvent du raccourci ou du fourre-tout. Les intrigues se perdent dans des allusions bibliques, littéraires ou philosophiques qui brouillent le propos au lieu de l'éclairer. Certains monologues sont franchement rébarbatifs. Le travail symbolique, lui, reste intéressant : chaque chapitre s'ancre dans une ambiance et des motifs ésotériques qui seront explicités à la fin du troisième tome par un tableau symbolique récapitulatif. Mais là encore, aucune explication véritable n'est donnée sur leur signification. On notera également un clin d'œil appuyé à l'œuvre de Carl Barks à la fin de ce même tome. C'est aussi à ce moment de la lecture que l'on croit toucher enfin aux révélations, que l'intrigue semble s'ordonner et promet de tout éclairer... sauf que l'œuvre s'arrête brusquement, comme s'il manquait une ultime page de révélation ou au moins de retrouvailles. Effet sans doute volontaire d'un auteur qui souhaite laisser libre cours à l'interprétation du lecteur, mais le résultat est frustrant et laisse un goût d'inachevé. En définitive, malgré quelques fulgurances visuelles et une vraie ambition intellectuelle, j'ai trouvé cette lecture plus frustrante qu'enrichissante. Elle m'a donné le sentiment d'une œuvre pleine d'intentions et de symbolisme, mais mal aboutie. J'ai parfois été captivé, mais bien souvent aussi perdu en route.
Frankenstein (Hernandez)
J'avais découvert le travail de Sandra Hernandez dans la belle adaptation d'une œuvre de Jean Giono L'Homme qui plantait des arbres. Ses peintures "naïves" façon Douanier Rousseau correspondaient bien à l'esprit ensoleillé et optimiste du conte de Giono. Je suis moins convaincu par l'exercice dans cette atmosphère fantastique bien plus sombre. La discontinuité très marquée de la composition graphique correspond bien à l'esprit du roman mais rend la lecture aride. L'autrice espagnole respecte bien le récit de Mary Shelley. La transformation de docteur en doctoresse n'apporte pas grand chose au récit sauf à le féminiser au goût du jour. C'est une transformation quelque peu superficielle à mes yeux. De plus je ne suis pas amateur du récit fantastique de Shelley que je trouve simpliste dans la psychologie du "monstre". Une lecture à laquelle j'ai eu du mal a accrocher sauf pour le côté original du graphisme. 2.5
Un ciel radieux
Je n'ai pas été surpris par cette œuvre de Jiro Taniguchi. On retrouve la thématique de la relation au père qu'il a beaucoup travaillé et qui l'a rendu célèbre. Le récit est classique avec le transfert de "l'âme" dans un autre corps puis le conflit interne dans ce corps. Les conflits sont très soft que ce soit au sein des familles ou dans le corps de Takuya. Il y a beaucoup de retenues dans les personnages ce qui conduit plus à l'introspection qu'à la révolte. Le rythme est assez lent malgré le compte à rebours imposé par le scénario. Le final parachuté accentue ce côté soft qui contredit la thématique du deuil violent imposée par la première scène. N'étant pas spécialement nostalgique de nature, je suis resté entre deux chaises avec ces deux positions extrêmes entre la brutalité d'une mort violente et cet esprit cool grâce à cette présence sage vécue comme un cadeau post mortem. Le dessin de Taniguchi est toujours aussi élégant même si j'ai trouvé moins de profusion dans les détails et des personnages trop stéréotypés ou rigides. Une lecture classique qui ne m'a pas remué plus que cela.
Jonny Double
Cet album ne révolutionne rien, mais les amateurs de polar poisseux classique y trouveront une histoire globalement sympathique – malgré quelques facilités – agrémentée d’un dessin adapté à ce style de récit. En effet, Risso est un vieil habitué du genre. Son Noir et Blanc tranché donne un rendu assez chouette (il a déjà pas mal accompagné Trillo sur des récits du même acabit). L’histoire n’est pas inoubliable, mais c’est quand même bien mené, en restant bien ancré dans du classique. A commencer par le héros, Jonny Double (pas génial comme nom de héros, mais bon…), détective privé, ancien flic, sans client et peinant à payer son loyer, etc. Azzarello évite quand même le cliché de la bombasse et de la secrétaire pin-up amoureuse de son patron. Outre le dessin de Risso, l’autre atout est le rythme donné au récit, on ne s’ennuie pas. Une fois accepté quelque facilités (comme le braquage de l’héritage bancaire d’Al Capone ! ou la chute un peu facile), on est embarqué dans une histoire poisseuse et sanglante. Une lecture détente pas désagréable.