Sic incipit fabula.
J'ai enfin pu me procurer le quatrième opus de la collection El Torres. Et il est dans la même veine que Le Puritain et Rituel Romain. Une histoire où un esprit maléfique va être la cause de bien des malheurs. El Torres nous plonge dans un Londres fin XIXe siècle, des ruelles sordides et brumeuses du quartier de Whitechapel aux beaux quartiers. Une mise en situation qui ne peut faire penser qu'à Jack l'Éventreur, car des meurtres horribles vont être commis. Les victimes ne seront pas des prostituées, mais des gens de la bonne société affiliés à une loge maçonnique. Deux inspecteurs de police mènent l'enquête, mais c'est un étrange personnage aux pouvoirs surnaturels, Hawke, qui sera au centre du récit.
Une histoire très classique dans le genre esprit maléfique et possession, mais El Torres va y introduire de la mythologie égyptienne avec le dieu Horus (le faucon) et surtout avec Jannès et Jambrès (des magiciens de la cour de Pharaon). C'est la dualité entre ces deux sorciers (qui ont traversé les siècles) qui met du piment au récit. Une narration maîtrisée pour un bon moment de lecture. Un délicieux mélange d'Éxorciste, de Lovecraft et de Penny Dreadful (avec la délicieuse Eva Green).
Ce qui saute aux yeux, c'est le magnifique rendu en noir et blanc de Joe Bocardo (Sang Barbare). Son dessin aux lignes brouillonnes et expressives retranscrit magnifiquement ce Londres Victorien dans toute sa flamboyance et son misérabilisme. La représentation des décors est somptueuse. Une mise en page très cinématographique.
Un artiste à surveiller.
Note réelle : 3,5.
Je conseille aux amateurs de ce genre de récit.
Étonnante cette série ! Du médiéval fantastique éloigné de Tolkien. Avec un groupe de personnages mêlant des animaux (un cheval, un oiseau charmeur, un chat tout plat…) et des humains originaux (dont un jeune chevalier coincé dans une armure trop petite). Et tous sont morts, sont des fantômes qui souhaitent se rendre à Jérusalem pour trouver une potion à même de leur rendre la vie, moyennant finances. Les voilà donc partis pour une sorte de pèlerinage vers la Terre sainte...
S'ils sont vite arrivés à Jérusalem, de nombreux flash-backs nous montrent le passé de chaque membre de l’équipe, on apprend à les connaitre.
Par contre, si la longue mise en place (le premier album est conséquent) est très intrigante, la suite est moins surprenante et palpitante. C’est un peu linéaire. Avec en plus une conclusion brutale, trop vite et trop facilement expédiée. Qui plus est avec un dessin qui change du tout au tout et n’est pas joli sur la fin.
Car pour le reste, le trait gras, charbonneux, d’Utkin, est plaisant.
Au final, une série relativement originale pour le genre, mais qui s’essouffle dans sa seconde moitié. Autre petit détail (goût personnel), je n’ai pas aimé le titre, vraiment moche – la simple utilisation de l’anglicisme people est trop incongrue ici.
Il faut toujours qu’elle fanfaronne, comme si s’en tenir au réel ne lui était pas suffisant…
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Ce tome contient une histoire complète de nature biographique. Son édition originale date de 2022. Il a été réalisé par Marie Bardiaux-Vaïente pour le scénario, et par Gaëlle Hersent pour les dessins et les couleurs, avec la participation du conseiller historique Farid Ameur. Il comporte quarante-six pages de bande dessinée. Il se termine par un dossier de huit pages, rédigé par Ameur, revenant sur la vie de Calamity Jane, l’aventurière : les repères biographiques avérés, son esprit rebelle, sa fureur de vivre, l’éternelle incorrigible, avec une carte retraçant ses voyages, des encadrés relatifs à la condition des femmes à cette époque, les lettres à sa fille (un authentique canular), À la vôtre (l’alcool et sa consommation à l’époque), une chronologie, des références bibliographiques.
Fin des années 1880 ou début des années 1890, Calamity Jane chevauche au fond d’un canyon une région sauvage, un aigle planant haut au-dessus d’elle. Elle lève la tête comme si elle regardait le lecteur, déclarant qu’il y a quelque chose qu’elle devrait confesser… En 1873, à Goose Creek dans le Wyoming, un détachement de cavalerie fait feu sur un groupe d’Indiens en train de fuir à cheval. Une fois cette action accomplie, les cavaliers s’arrêtent et le capitaine Egan s’adresse à Martha Jane Cannary, en lui indiquant qu’elle ne pourra pas l’empêcher de songer que sa présence parmi eux est des plus contestables : une femme n’a rien à faire dans l’armée. Elle lui rétorque qu’il s’agit là de l’avis d’un bonhomme. Agacé, il lui ordonne de passer devant, en tant qu’éclaireuse. Elle obéit et prend de la distance pour devancer le détachement. Soudainement, les Indiens reviennent à l’attaque contre les soldats. Elle raconte la suite de son point de vue, un peu enjolivé : son demi-tour en entendant le bruit de l’attaque, sa cavalcade et sa charge héroïque pour récupérer le capitaine Egan blessé, puis l’amener jusqu’à la ville la plus proche pour qu’un médecin s’occupe de lui. Enfin, la gratitude et les remerciements du capitaine à son égard.
En juillet 1876, à Deadwood dans le Dakota du Sud, Calamity Jane achève de raconter cette aventure à son ami Charlie Litter, en lui indiquant que c’est depuis qu’elle s’appelle Calamity Jane. Leur discussion est interrompue par l’arrivée d’un monsieur qui se présente comme se nommant Merrick. Il est le propriétaire et l’éditorialiste du Black Hills Pioneer. Il se déclare vraiment honoré d’enfin rencontrer Calamity Jane car la rumeur de ses exploits est parvenue jusqu’à eux, et c’est pourquoi il a annoncé son arrivée dans leurs colonnes. Il remet l’exemplaire du journal à la jeune femme. Elle se félicite d’être dans le journal et accoudée au comptoir, elle demande un whisky au barman. Il fait mine de ne pas l’entendre, et un autre client fait observer que le bar c’est pas pour les gonzesses. Enfin le barman se retourne pour indiquer à Jane qu’elle n’a rien à faire là, qu’à chaque fois elle met le bazar. Elle insiste pour être servie, allant même jusqu’à le menacer avec son fusil. Elle l’arme, mais une voix se fait entendre demandant que ce whisky lui soit servi. Depuis sa table de poker, Wild Bill Hickock intervient en faveur de son amie.
La couverture précise qu’il s’agit d’un tome dans la collection La véritable histoire du Far West, qui comprend également des tomes consacrés à Jesse James (1847-1882), Wild Bill Hickok (1837-1876), Jim Bridger (1804-1881), Little Big Horn (25 & 26 juin 1876), Chef Joseph (1840-1904), Alamo (du 23 février au 6 mars 1836), OK Corral (26/10/1881), La ruée vers l’or (1848-1856). La présente biographie se focalise sur les années 1870, majoritairement dans la petite ville de Deadwood, avec quelques retours en arrière sur sa famille, et sur son enrôlement dans l’armée. Au fil des séquences, le lecteur croise ainsi qu’un capitaine de l’armée (Egan), James Butler Hickok (dit Wild Bill Hickok) ; il assiste à une attaque de diligence servant également de malle postale, et il est présent lors d’une épidémie de variole à Deadwood en 1878. En fonction de sa connaissance sur le personnage, le lecteur prend pour argent comptant cette biographie, tout en relevant l’usage de passages contés à la manière de récits sensationnels (dime novels). Puis il lit le dossier en fin d’ouvrage, ce qui lui permet de mieux situer la démarche des autrices par rapport à la vérité historique. Il peut également continuer sa découverte de ce personnage historique en allant consulter une encyclopédie, et faire ainsi la part des choses entre la légende créée par Calamity Jane elle-même dans son autobiographie, et les lettres à sa fille avec leur authenticité discutée.
En termes de biographie, personne ne peut prétendre à recréer à la perfection une époque, ou tout du moins la perception qu’en a le personnage central, encore moins ce qui se passait dans sa tête à tel ou tel moment de sa vie. Les autrices ont pris le parti de raconter leur version de la légende de Calamity Jane, en choisissant les éléments historiques avérés, et ceux remodelées par cette aventurière. Cette façon de faire apparaît dès la première page quand Martha Jane Cannary indique qu’il y a quelque chose qu’elle devrait confesser, c’est-à-dire à la fois qu’elle s’est livrée à l’écriture de sa propre légende, et à la fois qu’elle est elle-même une conteuse, une narratrice subjective. Ce choix apparaît également de manière visuelle, l’artiste modifiant quelques caractéristiques de ses dessins, selon que le récit soit en train de suivre Calamity Jane au temps présent, qu’elle raconte sa vie passée, ou bien qu’elle soit passée en mode Enjolivements. Pour ce dernier, la mise en couleurs comprend une trame mécanographiée, des points de couleurs, des dessins aux contours plus secs et plus fins comme pris sur le vif, et des postures soulignant la vivacité de l’héroïne, sa témérité, ses prises de risques. Dans la page sept, un journaliste vient se présenter à Martha Jane Cannary et le lecteur sent bien que son reportage relève plus de l’exagération publicitaire, que de l’enquête et des faits. En page quarante-sept, un éditeur vient lui présenter des Dime Novels (nouvelles à sensations), confirmant la démarche commerciale. Quand la légende est plus belle que la réalité, imprimez la légende, pour reprendre la célèbre citation du film L’homme qui tua Liberty Valance (1962) de John Ford (1894-1973), avec John Wayne (1907-1979), James Stewart (1908-1997), Lee Marvin (1924-1987).
Le lecteur est venu pour un récit de type Western, et son horizon d’attente comprend une reconstitution historique et une évocation de l’Ouest américain dans lequel il puisse se projeter. Il est immédiatement mis en confiance par la première planche une succession de cinq cases de la largeur de la page, un travelling avant en partant en hauteur pour descendre vers le visage de Calamity Jane. Il peut ainsi admirer le sommet d’une chaîne rocheuse, un aigle planant sous lui dans le ciel, et la cavalière qui se rapproche. L’artiste fait en sorte de combler son attente de grands espaces : une plaine dans laquelle la cavalerie poursuit les Indiens, un cours d’eau paisible dans une gorge boisée, une voie de chemin de fer en construction traversant une prairie ouverte à perte de vue, des bisons se déplaçant en harde dans une autre prairie, une épaisse forêt interminable, la grand-rue de Deadwood en terre et interminable, un convoi de chariots bâchés progressant du Missouri vers le Montana, etc. Elle soigne tout autant les séquences dans Deadwood : le saloon, les façades en bois des bâtiments, les pièces communes de la maison close et sa cuisine, la prison et une cellule rudimentaire, l’installation de fortune du médecin pour soigner les malades lors de l’épidémie de syphilis, etc. Le lecteur se sent bien au Far West, trouvant les conventions visuelles attendues, et celles-ci disposant d’assez de détails pour être spécifiques, plutôt que des décors artificiels génériques.
Bien évidemment, le lecteur observe cette jeune femme qui a réussi à s’émanciper du rôle imposé par la société, pour vivre comme elle l’entend : un métier d’homme, des vêtements d’homme, même une façon masculine de monter à cheval et pas en amazone. Les autrices montrent ce comportement et les réactions qu’il suscite de manière organique et factuelle, plutôt que d’un point de vue militant. Les retours en arrière permettent de comprendre comment cette adolescente a acquis des compétences au tir (et en cuisine), comment elle a subvenu aux besoins de ses jeunes frères et sœurs en l’absence de leurs parents. Les autrices montrent ce qui lui en coûte en terme social : des remarques misogynes systématiques, des comportements destinés à lui faire reprendre un rôle de femme à cette époque, du mépris, une ostracisation systémique, aussi radicale que celle subie par Samuel Fields, un afro-américain. Martha Jane Cannary est pleinement consciente de cet état de fait, sans que cela n’entame sa bonne volonté, en particulier de se mettre au service de ses prochains lors de l’épidémie. Le lecteur comprend que la scénariste a choisi les faits qu’elle met en scène, piochant dans la légende que Calamity Jane s’est elle-même construite, dans quelques faits historiques, et en en laissant d’autres de côtés, comme son recours à la prostitution. Pour autant, elle la décrit comme un être humain faillible, par exemple son addiction à l’alcool.
Une version personnelle de Martha Jane Cannary, entre réalité historique et légende forgée par l’intéressée elle-même. Le lecteur s’immerge dans un western consistant et plausible, aux côtés d’une femme avec une forte personnalité. Il en ressort avec une meilleure compréhension de la personne qu’a pu être Martha Jane Cannary, une interprétation humaniste, baignant dans l’amour que leur portent les autrices. Une belle résilience dans une société intolérante à une femme indépendante.
J’ai lu le premier tome (qui peut se lire indépendamment du suivant). Disons que ça se laisse lire, rapidement, et que ça n’est pas désagréable.
Le dessin est hésitant, avec quelques défauts (des perspectives en particulier), mais le trait gras et moderne, faisant souvent l’impasse sur les décors – et plus globalement sur les détails – passe, même s’il n’est pas vraiment ma came.
Le récit est centré sur deux grands adolescents, qui luttent contre un certain mal être. Ils aspirent à être adultes, indépendants (ils ont leur bagnole), mais ne sont pas des rebelles (alcool, drogue et clopes absents). On suit leur rencontre fortuite alors que, tous deux fans des Cure, ils sèchent des cours pour être les premiers chez un disquaire à acheter une nouveauté de leur groupe favori. Hurd prend le temps de construire la rencontre, le « flirt », avec les tâtonnements – ici c’est la fille qui drague.
Après, rien d’extraordinaire non plus, ça reste quand même gentil, vite lu, mais pas inoubliable.
Note réelle 2,5/5.
De la métafiction ? Des personnages en quête de leurs origines, de leur démiurge, du sens de leur existence ? Une collaboration artistique mettant à l'honneur différentes interprétations conceptuelles et narratives ?
Normalement je devrais adorer !
Normalement, oui…
Raaah, je m'en voudrais presque de ne pas aimer cet album ! Mais il faut le dire : je le trouve chiant !
Après un début jouant avec les séparations elliptiques des cases, certes sans grande originalité mais tout de même de manière talentueuse, M. Marmouset, personnage récurent de Lécroart, quitte ses pages, sort de sa propre narration pour partir à la recherche de son créateur. Dieu ? Non. Enfin si, d'une certaine manière, car il part en réalité à la recherche de son auteur, celui qui l'a créé et qui lui a donné un sens. Alors, simple personnage de bande dessinée qu'il est, il tente tant bien que mal de s'extirper de sa prison narrative et d'explorer le monde au delà de ses cases à lui pour retrouver son origine. Sauf qu'en quittant ses pages, il quitte par là-même l'univers de son créateur et se retrouve à errer au-delà, chez d'autres auteur-ice-s.
Le projet a l'air super intéressant, n'est-ce pas ? Une quête des origines jouant sur la perception narrative, traitant du sujet très intéressant des personnages fictifs n'existant qu'à la condition que quelqu'un les imagine, qu'il s'agisse de lae créateur-ice ou es lecteur-ice-s, ça promet au minimum un récit engageant, non ? Eh bien non…
Sans doute est-ce la course effrénée de M. Marmouset qui n'a pas réussi à m'accrocher, sans doute aussi que les sauts et changements d'artistes à chaque page m'a paru ne pas permettre de pleinement profiter de ces divergences de formes, et sans doute enfin que les résultats de cette quêtes m'ont semblé au final bien pauvres. Pas mauvais, mais bien peu satisfaisants par rapport aux promesses.
C'est la conclusion de cet album pour moi : pas mauvais mais peu satisfaisant, voire ennuyant tout simplement.
Pour voir une meilleure expérimentation méta-fictive de l'auteur, je vous suggèrerais plutôt L'Elite à la portée de tous.
(Note réelle 2,5)
Les éditions 2042 (ex-2024) proposent souvent des œuvres graphiquement audacieuses. Rouge signal fait partie de celles-ci. Malheureusement, il manque un petit truc pour me convaincre tout à fait.
Oui, graphiquement, c’est assez réussi. Certaines pages sont vraiment belles. Je pense en particulier aux scènes représentant un feu de camp le soir. J’aime bien les scènes de boite de nuit également, où à la manière dont l’autrice joue avec la lumière des écrans.
S’il y a plein de détails assez bien vus, d’autres m’ont en revanche nettement moins convaincu. C’est le cas de la barbe des personnages. On a l’impression qu’ils portent un masque anti-covid sur le visage, ou qu’ils sont peints. Ça, franchement, ce n’est pas très heureux. Moins plaisant également, le fait de multiplier les cases pour représenter une seule et même scène. C’est un effet que je trouve d’ordinaire souvent inutile, mais là, c’est trop systématique. Si ça fonctionne assez bien quand il s’agit d’insister sur tel ou tel détail qui évolue avec l’histoire, je m’interroge sur le fait, par exemple, de consacrer deux pages à encaser un nuancier. Bon, bref !
Ce qui m’a globalement moins plu, c’est le manque de profondeur de l’histoire, à commencer par le personnage principal dont je ne comprends pas très bien les motivations. Et je ne le comprends pas parce que les situations qu’il vit sont esquissées trop rapidement. En gros, il se prend un râteau et hop ! il devient trop haineux à l’égard des femmes, la faute à une espèce de gourou masculiniste qui l’embarque dans son délire à base de stages paramilitaires en pleine nature. Mouais, bon, la misogynie ne s’inculque pas à coups de formations en bonne et due forme. C’est plus pervers que ça. Personne ne nous a jamais dit, à nous les hommes : « Bon, ok les gars, les femmes sont des chattes sur pattes tout juste bonne à faire la vaisselle et rien d’autre ». Non, le mépris des femmes chez les bonhommes, c’est bien désolant, mais c’est un truc plus noueux. Les racines de cette mécanique sont profondes et lointaines. C’est un véritable bain idéologique au quotidien dans lequel nous sommes immergés depuis l'enfance. Or ici, c’est brossé à grands traits pour devenir trop caricatural. C’est dommage.
Pour contrebalancer cette situation, les dialogues entre les nanas de l’onglerie paraissent eux nettement moins simplistes et pleins de nuances. J’ai aimé par exemple le débat autour de l’auteur des graffitis, qui selon certaines serait une femme, ou bien encore la séquence sur les arts martiaux…
Je suis un gars, hétéro de surcroit, mais je pense que le masculinisme est un poison, que c'est une gangrène qui fait chier tout le monde, à commencer par les hommes eux-mêmes (même s'ils l'ignorent), qui tue souvent aussi malheureusement, et qu'il doit être extirpé des cerveaux, mais ce n’est certainement pas en faisant des bonhommes des gros cons qui se déguisent en bidasse pour se pignoler entre eux qu’on arrivera à quelque chose. Un peu de nuance tout de même. Et on pourrait dire la même chose du racisme : c’est vraiment une sale idée, mais tous les racistes ne sont pas des gros méchants, ce serait trop simple. Pour se débarrasser de ces idées de merdre, il s’agit selon moins d’initier un processus qui doit mener à ouvrir la conscience, à la modifier et non d’opposer les gens dans un vulgaire réflexe manichéen. Ou alors c’est moi qui suis naïf, ou qui n'ai pas suffisamment conscience d'avoir le "beau" rôle ? Ou les deux ?
Bon, j’arrête là. J’ai réagi parce que sans doute je me sens impliqué dans cette question de cette déconstruction nécessaire. Mais je n’ai détesté cette BD qui contient graphiquement quelques chouettes motifs de satisfaction. C’est juste selon moi un peu grossier et caricatural. Je vais néanmoins suivre Laurie Agusti (mais pas dans la rue, hein ?).
Cette série se présente d'emblée comme une uchronie, une France moyen-âgeuse parallèle où le saint empire franc de Charlemagne a survécu jusqu'au 13e siècle ainsi que ses Missi Dominici, où les mongols de Gengis Khan ont pris le pas sur les Arabes en Terre Sainte et où les ruines de l'Atlantide pourraient être trouvées au milieu de l'océan.
C'est un récit médiéval-fantastique mettant en scène un enquêteur officiel de l'Empereur aux prises avec une maladie tenant de la possession démoniaque, une haine communautaire entre Catholiques, Cathares et Juifs, et un meurtre mystérieux dont bien des gens cherchent à lui cacher les tenants et aboutissants.
Le tout est servi par un dessin plutôt agréable malgré quelques drôles de perspective et un réalisme un peu approximatif dans les décors. Les couleurs aussi sont un peu étranges et peu vraisemblables. Mais le tout se lit bien donc je n'ai pas trop de reproche à leur faire.
Au niveau narratif, la lecture est fluide et coule bien. L'univers uchronique imaginé là est intéressant et original : j'aime sa rigueur historique malgré tout ce en quoi il diffère de notre monde. Je n'ai pas trop apprécié cependant les pensées de certains personnages apparaissant dans des bulles çà et là au long de l'album qui donnent un côté un peu artificiel ou naïf à la narration. Il y a aussi quelques petites facilités notamment plusieurs évènements importants qui se déroulent pile quand le héros arrive dans un nouvel endroit, comme par hasard.
Hormis cela, le scénario du tome 1 tient bien la route et la lecture est prenante. Le tome 2 pour sa part présente un rythme bien plus soutenu. La série initialement prévue en 3 tomes ayant réduite à 2 seulement par l'éditeur, les auteurs ont donc condenser leur histoire et cela se ressent un peu. En outre, la part de fantastique se fait ici bien plus présente alors qu'elle restait discrète dans le premier tome. La lecture reste agréable mais elle m'a moins enthousiasmé que le premier tome.
Mais comme j'ai bien aimé cet univers uchronique et son couple de héros, je lirais volontiers d'autres histoires les mettant en scène.
Ca faisait longtemps que je n'avais pas replongé dans l'univers de Troy. Même si ces récits n'ont jamais la prétention d'être très subtils, j'apprécie en général le dépaysement et le divertissement qu'ils procurent.
Cette histoire se déroule dans les baronnies d'Hédulie, dans une ambiance écossaise aux accents très shakespeariens, avec fantômes et cornemuses. L'intrigue de départ est assez convenue, presque déjà vue : un vieux seigneur bienveillant empoisonné par un héritier fourbe, une jeune sœur décidée à dévoiler la trahison, et le traître qui manipule tout le monde pour prendre le pouvoir et discréditer sa parole. Mais comme on est sur Troy, un élément vient pimenter le tout : le plus jeune frère, par accident, se retrouve doté du pouvoir de faire apparaître des fantômes, dont un ancêtre de la famille qui va épauler l'héroïne. Le premier tome reste ainsi très classique, tandis que le second prend une tournure plus orientée vers l'action, renouant davantage avec l'esprit de Troy grâce à ses vols de dragons et combats de trolls.
L'ensemble est plaisant et sans prise de tête. Les personnages fonctionnent plutôt bien, même si le petit frère qui se comporte comme un bébé malgré ses 12 ou 13 ans agace un peu, et que le traître reste très caricatural. L'utilisation des fantômes est amusante, même si elle manque parfois de cohérence, même dans la logique interne du récit ("Oh oui, tu as remarqué ? Maintenant que ça arrange le scénario, je ne disparais plus quand il fait jour.").
Le dessin d'Hérenguel est agréable lui aussi. Il convient tout à fait à l'ambiance de Troy qui n'est pas si éloignée de celle de Krän, même si j'avoue l'avoir confondu au début avec celui de Tiburce Oger, tant les châteaux, les fantômes et les teintes rappellent la série Gorn. J'ai toutefois noté deux incohérences qui m'ont un peu sorti de la lecture : dans le tome 1, le conseiller Théo assiste à la scène où le roi confie un parchemin à sa fille, mais quelques pages plus loin il agit comme s'il n'en savait rien ; et dans le tome 2, le troll fantôme fonce en hurlant à la bataille avant d'apparaître la case d'après à attendre tranquillement avec les autres.
La conclusion, elle aussi, m'a semblé trop abrupte, donnant l'impression que tout se résout un peu trop facilement.
Bref, ce n'est pas parfait, mais j'ai tout de même passé un bon moment, léger et divertissant.
Un nouveau volume dans la très belle collection des adaptations de Lovecraft par Gou Tanabe !
Cette fois-ci, plutôt qu'un récit complet, c'est un recueil d'adaptations de nouvelles, dont la plupart mettent en scène le mythique Randolph Carter. Et si l'ambiance est toujours à la paranoïa, à l'indicible, à l'innommable, on remarque une tendance moins forte à la représentation de monstres cauchemardesques, on est plus dans des récits qui mettent en scène les peurs, les cauchemars et probablement certains fantasmes de leur auteur, HP Lovecraft. L'intérêt est donc dans la mise en scène de ces mises en abyme, Carter étant véritablement le double de papier de Lovecraft. Parmi ces histoires, je retiens celle qui parle d'une maison en haut d'une falaise, habitée par un homme semblant détenir les secrets de l'univers, dans l'attente de la visite de créatures étranges... Les autres, si elles ne sont pas désagréables, sont moins denses.
Tanabe continue cependant son travail graphique de qualité, très réaliste, s'autorisant de belles doubles pages lors de visions cosmogoniques grandioses. Encore un beau volume à ajouter à la collection...
Les Arènes continuent leur collection à visée simili-encyclopédique avec cette Incroyable histoire qui s'intéresse à la Préhistoire. Un concept, un nom qi n'existent que depuis la première moitié du XIXème siècle, lorsque des ossements d'hommes de cette époque ont commencé à être interprétés, analysés. Depuis, de nombreuses découvertes marquantes (Néandertal, Lucy, Toumaï...) ont fait évoluer les travaux et les connaissances des paléontologues et archéologues, au sein d'une science qui fait toujours débat.
Nous avons donc droit à un panorama de cette avancée, des différentes périodes qui composent cette Préhistoire beaucoup plus nuancée et contrastée que l'imagerie populaire veut le faire croire. Ainsi chaque sous-division temporelle est-elle marquée par des évènements important : la domestication du feu, la fabrication d'outils, les débuts de l'écriture, de la religion, etc. L'humanité est, c'est confirmée, bien née, en quelque sort, dans l'est du continent africain, un territoire immense, bien plus que ne le laisse croire la projection de Mercator sur nos planisphères. Il n'y avait, par ailleurs, pas une langue primale, mère de toutes les autres, mais une multiplicité, probablement autant qu'il y avait de groupes de population à une certaine époque.
C'est un album très instructif, qui pose les bases, à date, de tout ce que l'on sait, grâce au regard scientifique de Jean-Paul Demoule, archéologue et préhistorien de renom. Benoist Simmat, journaliste scientifique connu pour de nombreux albums de vulgarisation surtout chez les Arènes, apporte son savoir-faire en termes de narration, avec cette pointe d'humour présente régulièrement. L'un des guides de lecture est d'ailleurs une sorte de lémurien, ancêtre de nous tous, qui apparaît de temps en temps dans les pages.
L'exécution graphique est assurée par Lucas Landais, dont c'est l'un des premiers albums. S'il n'y a aucun souci pour ses pages de cartes et les doubles et des scènes de paysages, je suis un peu plus réservé sur son niveau de représentation des personnages. Il manque de pas mal de maturité, mais cela n'est heureusement pas un frein à la lecture.
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Sic incipit fabula. J'ai enfin pu me procurer le quatrième opus de la collection El Torres. Et il est dans la même veine que Le Puritain et Rituel Romain. Une histoire où un esprit maléfique va être la cause de bien des malheurs. El Torres nous plonge dans un Londres fin XIXe siècle, des ruelles sordides et brumeuses du quartier de Whitechapel aux beaux quartiers. Une mise en situation qui ne peut faire penser qu'à Jack l'Éventreur, car des meurtres horribles vont être commis. Les victimes ne seront pas des prostituées, mais des gens de la bonne société affiliés à une loge maçonnique. Deux inspecteurs de police mènent l'enquête, mais c'est un étrange personnage aux pouvoirs surnaturels, Hawke, qui sera au centre du récit. Une histoire très classique dans le genre esprit maléfique et possession, mais El Torres va y introduire de la mythologie égyptienne avec le dieu Horus (le faucon) et surtout avec Jannès et Jambrès (des magiciens de la cour de Pharaon). C'est la dualité entre ces deux sorciers (qui ont traversé les siècles) qui met du piment au récit. Une narration maîtrisée pour un bon moment de lecture. Un délicieux mélange d'Éxorciste, de Lovecraft et de Penny Dreadful (avec la délicieuse Eva Green). Ce qui saute aux yeux, c'est le magnifique rendu en noir et blanc de Joe Bocardo (Sang Barbare). Son dessin aux lignes brouillonnes et expressives retranscrit magnifiquement ce Londres Victorien dans toute sa flamboyance et son misérabilisme. La représentation des décors est somptueuse. Une mise en page très cinématographique. Un artiste à surveiller. Note réelle : 3,5. Je conseille aux amateurs de ce genre de récit.
The Ex-People
Étonnante cette série ! Du médiéval fantastique éloigné de Tolkien. Avec un groupe de personnages mêlant des animaux (un cheval, un oiseau charmeur, un chat tout plat…) et des humains originaux (dont un jeune chevalier coincé dans une armure trop petite). Et tous sont morts, sont des fantômes qui souhaitent se rendre à Jérusalem pour trouver une potion à même de leur rendre la vie, moyennant finances. Les voilà donc partis pour une sorte de pèlerinage vers la Terre sainte... S'ils sont vite arrivés à Jérusalem, de nombreux flash-backs nous montrent le passé de chaque membre de l’équipe, on apprend à les connaitre. Par contre, si la longue mise en place (le premier album est conséquent) est très intrigante, la suite est moins surprenante et palpitante. C’est un peu linéaire. Avec en plus une conclusion brutale, trop vite et trop facilement expédiée. Qui plus est avec un dessin qui change du tout au tout et n’est pas joli sur la fin. Car pour le reste, le trait gras, charbonneux, d’Utkin, est plaisant. Au final, une série relativement originale pour le genre, mais qui s’essouffle dans sa seconde moitié. Autre petit détail (goût personnel), je n’ai pas aimé le titre, vraiment moche – la simple utilisation de l’anglicisme people est trop incongrue ici.
Calamity Jane (Bardiaux-Vaïente)
Il faut toujours qu’elle fanfaronne, comme si s’en tenir au réel ne lui était pas suffisant… - Ce tome contient une histoire complète de nature biographique. Son édition originale date de 2022. Il a été réalisé par Marie Bardiaux-Vaïente pour le scénario, et par Gaëlle Hersent pour les dessins et les couleurs, avec la participation du conseiller historique Farid Ameur. Il comporte quarante-six pages de bande dessinée. Il se termine par un dossier de huit pages, rédigé par Ameur, revenant sur la vie de Calamity Jane, l’aventurière : les repères biographiques avérés, son esprit rebelle, sa fureur de vivre, l’éternelle incorrigible, avec une carte retraçant ses voyages, des encadrés relatifs à la condition des femmes à cette époque, les lettres à sa fille (un authentique canular), À la vôtre (l’alcool et sa consommation à l’époque), une chronologie, des références bibliographiques. Fin des années 1880 ou début des années 1890, Calamity Jane chevauche au fond d’un canyon une région sauvage, un aigle planant haut au-dessus d’elle. Elle lève la tête comme si elle regardait le lecteur, déclarant qu’il y a quelque chose qu’elle devrait confesser… En 1873, à Goose Creek dans le Wyoming, un détachement de cavalerie fait feu sur un groupe d’Indiens en train de fuir à cheval. Une fois cette action accomplie, les cavaliers s’arrêtent et le capitaine Egan s’adresse à Martha Jane Cannary, en lui indiquant qu’elle ne pourra pas l’empêcher de songer que sa présence parmi eux est des plus contestables : une femme n’a rien à faire dans l’armée. Elle lui rétorque qu’il s’agit là de l’avis d’un bonhomme. Agacé, il lui ordonne de passer devant, en tant qu’éclaireuse. Elle obéit et prend de la distance pour devancer le détachement. Soudainement, les Indiens reviennent à l’attaque contre les soldats. Elle raconte la suite de son point de vue, un peu enjolivé : son demi-tour en entendant le bruit de l’attaque, sa cavalcade et sa charge héroïque pour récupérer le capitaine Egan blessé, puis l’amener jusqu’à la ville la plus proche pour qu’un médecin s’occupe de lui. Enfin, la gratitude et les remerciements du capitaine à son égard. En juillet 1876, à Deadwood dans le Dakota du Sud, Calamity Jane achève de raconter cette aventure à son ami Charlie Litter, en lui indiquant que c’est depuis qu’elle s’appelle Calamity Jane. Leur discussion est interrompue par l’arrivée d’un monsieur qui se présente comme se nommant Merrick. Il est le propriétaire et l’éditorialiste du Black Hills Pioneer. Il se déclare vraiment honoré d’enfin rencontrer Calamity Jane car la rumeur de ses exploits est parvenue jusqu’à eux, et c’est pourquoi il a annoncé son arrivée dans leurs colonnes. Il remet l’exemplaire du journal à la jeune femme. Elle se félicite d’être dans le journal et accoudée au comptoir, elle demande un whisky au barman. Il fait mine de ne pas l’entendre, et un autre client fait observer que le bar c’est pas pour les gonzesses. Enfin le barman se retourne pour indiquer à Jane qu’elle n’a rien à faire là, qu’à chaque fois elle met le bazar. Elle insiste pour être servie, allant même jusqu’à le menacer avec son fusil. Elle l’arme, mais une voix se fait entendre demandant que ce whisky lui soit servi. Depuis sa table de poker, Wild Bill Hickock intervient en faveur de son amie. La couverture précise qu’il s’agit d’un tome dans la collection La véritable histoire du Far West, qui comprend également des tomes consacrés à Jesse James (1847-1882), Wild Bill Hickok (1837-1876), Jim Bridger (1804-1881), Little Big Horn (25 & 26 juin 1876), Chef Joseph (1840-1904), Alamo (du 23 février au 6 mars 1836), OK Corral (26/10/1881), La ruée vers l’or (1848-1856). La présente biographie se focalise sur les années 1870, majoritairement dans la petite ville de Deadwood, avec quelques retours en arrière sur sa famille, et sur son enrôlement dans l’armée. Au fil des séquences, le lecteur croise ainsi qu’un capitaine de l’armée (Egan), James Butler Hickok (dit Wild Bill Hickok) ; il assiste à une attaque de diligence servant également de malle postale, et il est présent lors d’une épidémie de variole à Deadwood en 1878. En fonction de sa connaissance sur le personnage, le lecteur prend pour argent comptant cette biographie, tout en relevant l’usage de passages contés à la manière de récits sensationnels (dime novels). Puis il lit le dossier en fin d’ouvrage, ce qui lui permet de mieux situer la démarche des autrices par rapport à la vérité historique. Il peut également continuer sa découverte de ce personnage historique en allant consulter une encyclopédie, et faire ainsi la part des choses entre la légende créée par Calamity Jane elle-même dans son autobiographie, et les lettres à sa fille avec leur authenticité discutée. En termes de biographie, personne ne peut prétendre à recréer à la perfection une époque, ou tout du moins la perception qu’en a le personnage central, encore moins ce qui se passait dans sa tête à tel ou tel moment de sa vie. Les autrices ont pris le parti de raconter leur version de la légende de Calamity Jane, en choisissant les éléments historiques avérés, et ceux remodelées par cette aventurière. Cette façon de faire apparaît dès la première page quand Martha Jane Cannary indique qu’il y a quelque chose qu’elle devrait confesser, c’est-à-dire à la fois qu’elle s’est livrée à l’écriture de sa propre légende, et à la fois qu’elle est elle-même une conteuse, une narratrice subjective. Ce choix apparaît également de manière visuelle, l’artiste modifiant quelques caractéristiques de ses dessins, selon que le récit soit en train de suivre Calamity Jane au temps présent, qu’elle raconte sa vie passée, ou bien qu’elle soit passée en mode Enjolivements. Pour ce dernier, la mise en couleurs comprend une trame mécanographiée, des points de couleurs, des dessins aux contours plus secs et plus fins comme pris sur le vif, et des postures soulignant la vivacité de l’héroïne, sa témérité, ses prises de risques. Dans la page sept, un journaliste vient se présenter à Martha Jane Cannary et le lecteur sent bien que son reportage relève plus de l’exagération publicitaire, que de l’enquête et des faits. En page quarante-sept, un éditeur vient lui présenter des Dime Novels (nouvelles à sensations), confirmant la démarche commerciale. Quand la légende est plus belle que la réalité, imprimez la légende, pour reprendre la célèbre citation du film L’homme qui tua Liberty Valance (1962) de John Ford (1894-1973), avec John Wayne (1907-1979), James Stewart (1908-1997), Lee Marvin (1924-1987). Le lecteur est venu pour un récit de type Western, et son horizon d’attente comprend une reconstitution historique et une évocation de l’Ouest américain dans lequel il puisse se projeter. Il est immédiatement mis en confiance par la première planche une succession de cinq cases de la largeur de la page, un travelling avant en partant en hauteur pour descendre vers le visage de Calamity Jane. Il peut ainsi admirer le sommet d’une chaîne rocheuse, un aigle planant sous lui dans le ciel, et la cavalière qui se rapproche. L’artiste fait en sorte de combler son attente de grands espaces : une plaine dans laquelle la cavalerie poursuit les Indiens, un cours d’eau paisible dans une gorge boisée, une voie de chemin de fer en construction traversant une prairie ouverte à perte de vue, des bisons se déplaçant en harde dans une autre prairie, une épaisse forêt interminable, la grand-rue de Deadwood en terre et interminable, un convoi de chariots bâchés progressant du Missouri vers le Montana, etc. Elle soigne tout autant les séquences dans Deadwood : le saloon, les façades en bois des bâtiments, les pièces communes de la maison close et sa cuisine, la prison et une cellule rudimentaire, l’installation de fortune du médecin pour soigner les malades lors de l’épidémie de syphilis, etc. Le lecteur se sent bien au Far West, trouvant les conventions visuelles attendues, et celles-ci disposant d’assez de détails pour être spécifiques, plutôt que des décors artificiels génériques. Bien évidemment, le lecteur observe cette jeune femme qui a réussi à s’émanciper du rôle imposé par la société, pour vivre comme elle l’entend : un métier d’homme, des vêtements d’homme, même une façon masculine de monter à cheval et pas en amazone. Les autrices montrent ce comportement et les réactions qu’il suscite de manière organique et factuelle, plutôt que d’un point de vue militant. Les retours en arrière permettent de comprendre comment cette adolescente a acquis des compétences au tir (et en cuisine), comment elle a subvenu aux besoins de ses jeunes frères et sœurs en l’absence de leurs parents. Les autrices montrent ce qui lui en coûte en terme social : des remarques misogynes systématiques, des comportements destinés à lui faire reprendre un rôle de femme à cette époque, du mépris, une ostracisation systémique, aussi radicale que celle subie par Samuel Fields, un afro-américain. Martha Jane Cannary est pleinement consciente de cet état de fait, sans que cela n’entame sa bonne volonté, en particulier de se mettre au service de ses prochains lors de l’épidémie. Le lecteur comprend que la scénariste a choisi les faits qu’elle met en scène, piochant dans la légende que Calamity Jane s’est elle-même construite, dans quelques faits historiques, et en en laissant d’autres de côtés, comme son recours à la prostitution. Pour autant, elle la décrit comme un être humain faillible, par exemple son addiction à l’alcool. Une version personnelle de Martha Jane Cannary, entre réalité historique et légende forgée par l’intéressée elle-même. Le lecteur s’immerge dans un western consistant et plausible, aux côtés d’une femme avec une forte personnalité. Il en ressort avec une meilleure compréhension de la personne qu’a pu être Martha Jane Cannary, une interprétation humaniste, baignant dans l’amour que leur portent les autrices. Une belle résilience dans une société intolérante à une femme indépendante.
A Strange Day
J’ai lu le premier tome (qui peut se lire indépendamment du suivant). Disons que ça se laisse lire, rapidement, et que ça n’est pas désagréable. Le dessin est hésitant, avec quelques défauts (des perspectives en particulier), mais le trait gras et moderne, faisant souvent l’impasse sur les décors – et plus globalement sur les détails – passe, même s’il n’est pas vraiment ma came. Le récit est centré sur deux grands adolescents, qui luttent contre un certain mal être. Ils aspirent à être adultes, indépendants (ils ont leur bagnole), mais ne sont pas des rebelles (alcool, drogue et clopes absents). On suit leur rencontre fortuite alors que, tous deux fans des Cure, ils sèchent des cours pour être les premiers chez un disquaire à acheter une nouveauté de leur groupe favori. Hurd prend le temps de construire la rencontre, le « flirt », avec les tâtonnements – ici c’est la fille qui drague. Après, rien d’extraordinaire non plus, ça reste quand même gentil, vite lu, mais pas inoubliable. Note réelle 2,5/5.
Le Cycle
De la métafiction ? Des personnages en quête de leurs origines, de leur démiurge, du sens de leur existence ? Une collaboration artistique mettant à l'honneur différentes interprétations conceptuelles et narratives ? Normalement je devrais adorer ! Normalement, oui… Raaah, je m'en voudrais presque de ne pas aimer cet album ! Mais il faut le dire : je le trouve chiant ! Après un début jouant avec les séparations elliptiques des cases, certes sans grande originalité mais tout de même de manière talentueuse, M. Marmouset, personnage récurent de Lécroart, quitte ses pages, sort de sa propre narration pour partir à la recherche de son créateur. Dieu ? Non. Enfin si, d'une certaine manière, car il part en réalité à la recherche de son auteur, celui qui l'a créé et qui lui a donné un sens. Alors, simple personnage de bande dessinée qu'il est, il tente tant bien que mal de s'extirper de sa prison narrative et d'explorer le monde au delà de ses cases à lui pour retrouver son origine. Sauf qu'en quittant ses pages, il quitte par là-même l'univers de son créateur et se retrouve à errer au-delà, chez d'autres auteur-ice-s. Le projet a l'air super intéressant, n'est-ce pas ? Une quête des origines jouant sur la perception narrative, traitant du sujet très intéressant des personnages fictifs n'existant qu'à la condition que quelqu'un les imagine, qu'il s'agisse de lae créateur-ice ou es lecteur-ice-s, ça promet au minimum un récit engageant, non ? Eh bien non… Sans doute est-ce la course effrénée de M. Marmouset qui n'a pas réussi à m'accrocher, sans doute aussi que les sauts et changements d'artistes à chaque page m'a paru ne pas permettre de pleinement profiter de ces divergences de formes, et sans doute enfin que les résultats de cette quêtes m'ont semblé au final bien pauvres. Pas mauvais, mais bien peu satisfaisants par rapport aux promesses. C'est la conclusion de cet album pour moi : pas mauvais mais peu satisfaisant, voire ennuyant tout simplement. Pour voir une meilleure expérimentation méta-fictive de l'auteur, je vous suggèrerais plutôt L'Elite à la portée de tous. (Note réelle 2,5)
Rouge signal
Les éditions 2042 (ex-2024) proposent souvent des œuvres graphiquement audacieuses. Rouge signal fait partie de celles-ci. Malheureusement, il manque un petit truc pour me convaincre tout à fait. Oui, graphiquement, c’est assez réussi. Certaines pages sont vraiment belles. Je pense en particulier aux scènes représentant un feu de camp le soir. J’aime bien les scènes de boite de nuit également, où à la manière dont l’autrice joue avec la lumière des écrans. S’il y a plein de détails assez bien vus, d’autres m’ont en revanche nettement moins convaincu. C’est le cas de la barbe des personnages. On a l’impression qu’ils portent un masque anti-covid sur le visage, ou qu’ils sont peints. Ça, franchement, ce n’est pas très heureux. Moins plaisant également, le fait de multiplier les cases pour représenter une seule et même scène. C’est un effet que je trouve d’ordinaire souvent inutile, mais là, c’est trop systématique. Si ça fonctionne assez bien quand il s’agit d’insister sur tel ou tel détail qui évolue avec l’histoire, je m’interroge sur le fait, par exemple, de consacrer deux pages à encaser un nuancier. Bon, bref ! Ce qui m’a globalement moins plu, c’est le manque de profondeur de l’histoire, à commencer par le personnage principal dont je ne comprends pas très bien les motivations. Et je ne le comprends pas parce que les situations qu’il vit sont esquissées trop rapidement. En gros, il se prend un râteau et hop ! il devient trop haineux à l’égard des femmes, la faute à une espèce de gourou masculiniste qui l’embarque dans son délire à base de stages paramilitaires en pleine nature. Mouais, bon, la misogynie ne s’inculque pas à coups de formations en bonne et due forme. C’est plus pervers que ça. Personne ne nous a jamais dit, à nous les hommes : « Bon, ok les gars, les femmes sont des chattes sur pattes tout juste bonne à faire la vaisselle et rien d’autre ». Non, le mépris des femmes chez les bonhommes, c’est bien désolant, mais c’est un truc plus noueux. Les racines de cette mécanique sont profondes et lointaines. C’est un véritable bain idéologique au quotidien dans lequel nous sommes immergés depuis l'enfance. Or ici, c’est brossé à grands traits pour devenir trop caricatural. C’est dommage. Pour contrebalancer cette situation, les dialogues entre les nanas de l’onglerie paraissent eux nettement moins simplistes et pleins de nuances. J’ai aimé par exemple le débat autour de l’auteur des graffitis, qui selon certaines serait une femme, ou bien encore la séquence sur les arts martiaux… Je suis un gars, hétéro de surcroit, mais je pense que le masculinisme est un poison, que c'est une gangrène qui fait chier tout le monde, à commencer par les hommes eux-mêmes (même s'ils l'ignorent), qui tue souvent aussi malheureusement, et qu'il doit être extirpé des cerveaux, mais ce n’est certainement pas en faisant des bonhommes des gros cons qui se déguisent en bidasse pour se pignoler entre eux qu’on arrivera à quelque chose. Un peu de nuance tout de même. Et on pourrait dire la même chose du racisme : c’est vraiment une sale idée, mais tous les racistes ne sont pas des gros méchants, ce serait trop simple. Pour se débarrasser de ces idées de merdre, il s’agit selon moins d’initier un processus qui doit mener à ouvrir la conscience, à la modifier et non d’opposer les gens dans un vulgaire réflexe manichéen. Ou alors c’est moi qui suis naïf, ou qui n'ai pas suffisamment conscience d'avoir le "beau" rôle ? Ou les deux ? Bon, j’arrête là. J’ai réagi parce que sans doute je me sens impliqué dans cette question de cette déconstruction nécessaire. Mais je n’ai détesté cette BD qui contient graphiquement quelques chouettes motifs de satisfaction. C’est juste selon moi un peu grossier et caricatural. Je vais néanmoins suivre Laurie Agusti (mais pas dans la rue, hein ?).
Démon
Cette série se présente d'emblée comme une uchronie, une France moyen-âgeuse parallèle où le saint empire franc de Charlemagne a survécu jusqu'au 13e siècle ainsi que ses Missi Dominici, où les mongols de Gengis Khan ont pris le pas sur les Arabes en Terre Sainte et où les ruines de l'Atlantide pourraient être trouvées au milieu de l'océan. C'est un récit médiéval-fantastique mettant en scène un enquêteur officiel de l'Empereur aux prises avec une maladie tenant de la possession démoniaque, une haine communautaire entre Catholiques, Cathares et Juifs, et un meurtre mystérieux dont bien des gens cherchent à lui cacher les tenants et aboutissants. Le tout est servi par un dessin plutôt agréable malgré quelques drôles de perspective et un réalisme un peu approximatif dans les décors. Les couleurs aussi sont un peu étranges et peu vraisemblables. Mais le tout se lit bien donc je n'ai pas trop de reproche à leur faire. Au niveau narratif, la lecture est fluide et coule bien. L'univers uchronique imaginé là est intéressant et original : j'aime sa rigueur historique malgré tout ce en quoi il diffère de notre monde. Je n'ai pas trop apprécié cependant les pensées de certains personnages apparaissant dans des bulles çà et là au long de l'album qui donnent un côté un peu artificiel ou naïf à la narration. Il y a aussi quelques petites facilités notamment plusieurs évènements importants qui se déroulent pile quand le héros arrive dans un nouvel endroit, comme par hasard. Hormis cela, le scénario du tome 1 tient bien la route et la lecture est prenante. Le tome 2 pour sa part présente un rythme bien plus soutenu. La série initialement prévue en 3 tomes ayant réduite à 2 seulement par l'éditeur, les auteurs ont donc condenser leur histoire et cela se ressent un peu. En outre, la part de fantastique se fait ici bien plus présente alors qu'elle restait discrète dans le premier tome. La lecture reste agréable mais elle m'a moins enthousiasmé que le premier tome. Mais comme j'ai bien aimé cet univers uchronique et son couple de héros, je lirais volontiers d'autres histoires les mettant en scène.
Légendes de Troy - Nuit Safran
Ca faisait longtemps que je n'avais pas replongé dans l'univers de Troy. Même si ces récits n'ont jamais la prétention d'être très subtils, j'apprécie en général le dépaysement et le divertissement qu'ils procurent. Cette histoire se déroule dans les baronnies d'Hédulie, dans une ambiance écossaise aux accents très shakespeariens, avec fantômes et cornemuses. L'intrigue de départ est assez convenue, presque déjà vue : un vieux seigneur bienveillant empoisonné par un héritier fourbe, une jeune sœur décidée à dévoiler la trahison, et le traître qui manipule tout le monde pour prendre le pouvoir et discréditer sa parole. Mais comme on est sur Troy, un élément vient pimenter le tout : le plus jeune frère, par accident, se retrouve doté du pouvoir de faire apparaître des fantômes, dont un ancêtre de la famille qui va épauler l'héroïne. Le premier tome reste ainsi très classique, tandis que le second prend une tournure plus orientée vers l'action, renouant davantage avec l'esprit de Troy grâce à ses vols de dragons et combats de trolls. L'ensemble est plaisant et sans prise de tête. Les personnages fonctionnent plutôt bien, même si le petit frère qui se comporte comme un bébé malgré ses 12 ou 13 ans agace un peu, et que le traître reste très caricatural. L'utilisation des fantômes est amusante, même si elle manque parfois de cohérence, même dans la logique interne du récit ("Oh oui, tu as remarqué ? Maintenant que ça arrange le scénario, je ne disparais plus quand il fait jour."). Le dessin d'Hérenguel est agréable lui aussi. Il convient tout à fait à l'ambiance de Troy qui n'est pas si éloignée de celle de Krän, même si j'avoue l'avoir confondu au début avec celui de Tiburce Oger, tant les châteaux, les fantômes et les teintes rappellent la série Gorn. J'ai toutefois noté deux incohérences qui m'ont un peu sorti de la lecture : dans le tome 1, le conseiller Théo assiste à la scène où le roi confie un parchemin à sa fille, mais quelques pages plus loin il agit comme s'il n'en savait rien ; et dans le tome 2, le troll fantôme fonce en hurlant à la bataille avant d'apparaître la case d'après à attendre tranquillement avec les autres. La conclusion, elle aussi, m'a semblé trop abrupte, donnant l'impression que tout se résout un peu trop facilement. Bref, ce n'est pas parfait, mais j'ai tout de même passé un bon moment, léger et divertissant.
L'Indicible
Un nouveau volume dans la très belle collection des adaptations de Lovecraft par Gou Tanabe ! Cette fois-ci, plutôt qu'un récit complet, c'est un recueil d'adaptations de nouvelles, dont la plupart mettent en scène le mythique Randolph Carter. Et si l'ambiance est toujours à la paranoïa, à l'indicible, à l'innommable, on remarque une tendance moins forte à la représentation de monstres cauchemardesques, on est plus dans des récits qui mettent en scène les peurs, les cauchemars et probablement certains fantasmes de leur auteur, HP Lovecraft. L'intérêt est donc dans la mise en scène de ces mises en abyme, Carter étant véritablement le double de papier de Lovecraft. Parmi ces histoires, je retiens celle qui parle d'une maison en haut d'une falaise, habitée par un homme semblant détenir les secrets de l'univers, dans l'attente de la visite de créatures étranges... Les autres, si elles ne sont pas désagréables, sont moins denses. Tanabe continue cependant son travail graphique de qualité, très réaliste, s'autorisant de belles doubles pages lors de visions cosmogoniques grandioses. Encore un beau volume à ajouter à la collection...
L'Incroyable Histoire de la Préhistoire
Les Arènes continuent leur collection à visée simili-encyclopédique avec cette Incroyable histoire qui s'intéresse à la Préhistoire. Un concept, un nom qi n'existent que depuis la première moitié du XIXème siècle, lorsque des ossements d'hommes de cette époque ont commencé à être interprétés, analysés. Depuis, de nombreuses découvertes marquantes (Néandertal, Lucy, Toumaï...) ont fait évoluer les travaux et les connaissances des paléontologues et archéologues, au sein d'une science qui fait toujours débat. Nous avons donc droit à un panorama de cette avancée, des différentes périodes qui composent cette Préhistoire beaucoup plus nuancée et contrastée que l'imagerie populaire veut le faire croire. Ainsi chaque sous-division temporelle est-elle marquée par des évènements important : la domestication du feu, la fabrication d'outils, les débuts de l'écriture, de la religion, etc. L'humanité est, c'est confirmée, bien née, en quelque sort, dans l'est du continent africain, un territoire immense, bien plus que ne le laisse croire la projection de Mercator sur nos planisphères. Il n'y avait, par ailleurs, pas une langue primale, mère de toutes les autres, mais une multiplicité, probablement autant qu'il y avait de groupes de population à une certaine époque. C'est un album très instructif, qui pose les bases, à date, de tout ce que l'on sait, grâce au regard scientifique de Jean-Paul Demoule, archéologue et préhistorien de renom. Benoist Simmat, journaliste scientifique connu pour de nombreux albums de vulgarisation surtout chez les Arènes, apporte son savoir-faire en termes de narration, avec cette pointe d'humour présente régulièrement. L'un des guides de lecture est d'ailleurs une sorte de lémurien, ancêtre de nous tous, qui apparaît de temps en temps dans les pages. L'exécution graphique est assurée par Lucas Landais, dont c'est l'un des premiers albums. S'il n'y a aucun souci pour ses pages de cartes et les doubles et des scènes de paysages, je suis un peu plus réservé sur son niveau de représentation des personnages. Il manque de pas mal de maturité, mais cela n'est heureusement pas un frein à la lecture. Instructif et sympathique.