Les derniers avis (47792 avis)

Couverture de la série Tout ce qui reste de nous
Tout ce qui reste de nous

Étrange album, sur lequel j'ai vraiment du mal à poser une "notation", mais surtout à expliciter mon ressenti. Plusieurs choses m'ont dérouté. D'abord le côté presque évanescent de certains récits - surtout le troisième. Et aussi le fait qu'il n'y a pas forcément de conclusion claire pour les trois histoires regroupées ici. Le dessin m'a lui aussi dérouté, comme la colorisation: des côtés un peu trop esquissés, un rendu parfois trop "sucré", je ne sais pas. Pourtant la lecture n'est pas désagréable. Et même ce dessin, pourtant a priori pas ma came, se révèle plaisant. Et aussi s'accorde bien à la tonalité des récits, qui jouent sur du fantastique onirique, comme si l'auteur, au travers du texte et du dessin, cherchait à représenter des rêveries, la pensée en action. A feuilleter et découvrir à l'occasion.

15/09/2025 (modifier)
Couverture de la série Wandering Souls
Wandering Souls

Hmm, cet avis sera, malheureusement, sans doute un peu confus. La raison est simple : je n'arrive toujours pas à savoir quoi penser de cette œuvre. Le diptyque est bon, très bon même, pourtant je ne sais pas vraiment comment formuler mon avis, voire même mon ressenti, post-lecture. Le scénario, pour commencer par les bases, n'est pas d'apparence très original mais tout de même intéressant. On y suit Ayten, une jeune fille différente, rejetée par les habitants de son village, et qui s'en retrouvera bannie après que ses capacités extraordinaires soient découvertes par la populace. Une prémisse qui sent bon les récits adolescents comme il en foisonne tellement, pourtant n'oublions pas qu'une base connue n'empêche pas une réinterprétation travaillée. Au delà d'un simple récit initiatique, il est ici question de trouver sa place dans le monde, un sens à sa vie. Le titre ne ment pas, c'est bien d'âme errante dont il est question, d'êtres en perdition, en quête d'un but, d'un moyen de pouvoir être avec les autres. La notion d'âme prend même une valeur toute relative lorsque l'on découvre que la montagne et la forêt entourant les territoires humains sont peuplés de Shagaï, des sortes d'esprits protecteurs de la nature. Un conflit entre les esprits de la nature et la cruauté et l'expansion humaine, des protagonistes cherchant leur place dans ce monde, jouant malgré elleux les médiateur-ice-s dans un conflit qui les dépasse, une mise en avant de la réflexion et de la philosophie des protagonistes, … tout ceci m'évoque quelques œuvres comme Princesse Mononoke (pour ne citer que la plus connue). La comparaison est positive, les deux œuvres développent un propos intéressant (bien qu'un tantinet différent) sur leur sujet. Mais alors, si le récit est si intéressant, pourquoi suis-je moi-même si perdue quant-à mon ressenti ? Pour tout dire je me pose encore la question. Est-ce la mise en scène, les dessins, qui ne m'ont pas toujours semblé iconiser ou retranscrire de manière fluide les scènes d'action ? Peut-être, mais j'ai tout de même trouvé que de nombreuses cases étaient finement construites et que les dessins étaient très travaillés (même si je déplore quelques visages un peu trop brouillons par moment). Peut-être alors est-ce les dialogues qui m'ont semblé parfois trop convenus ? Là encore je ne pense pas que cela soit le problème, l'incident ne m'a d'ailleurs été visible qu'au début de l'histoire, le final donnant la part belle à quelques beaux échanges et phrases à portée réflective. Ou alors s'agit-il des petits apartés comiques qui m'ont parfois semblé de trop ? J'en doute car ils sont en réalité bienvenus pour s'attacher aux personnages, et les seuls qui m'ont vraiment paru de trop se trouvaient surtout au tout début (encore). Bref, je trouve l'œuvre bonne et pourtant je ne sais pas pourquoi un petit quelque chose me titille. Après, même si je n'arrive pas à mettre le doigt sur ce qui me gène dans cette série, elle n'en reste pas moins fort agréable à lire. Pas parfaite, quelques fois plutôt convenue, mais on ne peut plus intéressante et avec quelques bonnes petites surprises de-ci de-là.

14/09/2025 (modifier)
Couverture de la série Un tournage en enfer - Apocalypse Now
Un tournage en enfer - Apocalypse Now

Apocalypse Now est incontestablement un film qui a marqué ma génération. Quelques années après la chute de Saïgon les blessures des deux camps étaient encore vives et les USA étaient moralement atteints et en recul idéologique par rapport à l'Urss qui n'avait pas encore le bourbier afghan dans les bottes. Ne connaissant pas l'œuvre de Conrad , je n'avais rien compris au film à cette époque. J'ai bien plus apprécié mes derniers visionnages ce qui m'a permis de rentrer directement dans l'univers du livre de Florent Silloray. On y retrouve une bonne partie des scènes qui ont laissé leur empreinte au film et dans la mémoire des spectateurs ( la charge des hélicos, le pont, l'intro). Silloray montre bien comment la construction du film se fait à l'ancienne sans trop d'effets spéciaux mais à force de pyrotechnie nécessitant des moyens démesurés pour quelques secondes d'images ( le napalm). Evidemment une lecture contemporaine et écologiste ne peut que s'offusquer des moyens utilisés ( incendie, dynamite, pont aérien pour des hamburgers, figurants autochtones sous payés, corruption). Silloray n'insiste pas sur ces points, comme il ne porte aucun jugement sur l'ambiance déjantée du tournage très 70's( alcool, drogues à tout va) en contraste total avec la rigueur pro exigée par Coppola sur le plateau. J'ai particulièrement aimé certains passages comme le choix de l'acteur pour le rôle du capitaine Willard. Le final est moins passionnant même si le long passage du difficile montage puis de la présentation du film conclut la série de façon honorable. Le graphisme fait le travail mais sans plus. C'est d'ailleurs assez paradoxal pour un film qui a bâti une partie de sa notoriété sur ses images époustouflantes. Ainsi je ne trouve pas les personnages très précis. C'est surtout vrai pour Martin Sheen extraordinaire dans le rôle de Willard. Cela reste une lecture agréable pour les fans de cinéma et même très intéressante sur certains points.

14/09/2025 (modifier)
Couverture de la série Yasmina (Mannaert)
Yasmina (Mannaert)

Je profite de la récente sortie de l'intégrale pour lire et aviser cette petite trilogie. De Yasmina et les mangeurs de patates, un sympathique petit one-shot sur les sujets de la cuisine et de l'écologie, Mannaert a décidé de sortir une série. L'idée est bonne, la prémisse et le personnages sont propices à de courtes aventures étoffant toujours un peu plus le sujet, et je dois dire que le résultat est tel que je l'attendais. C'est du bon, le discours tenu est intéressant, suffisamment complexe dans ses propos pour aborder de nombreuses nuances du sujet (comme la diversité des visions ou encore la nécessité de ne pas jouer aux divinité-e-s, même lorsqu'il s'agit de corriger des erreurs) mais également suffisamment simple pour être accessible à un public jeune. Les personnages, sans être très complexes, sont efficaces. Aucun personnage ne détient la science infuse, et, même s'il y a clairement une scission dépeinte entre la majeure partie de la population qui se désintéresse ouvertement des problématiques abordées et la poignée de personnes souhaitant sincèrement changer les choses que nous suivons, force est de constater que la série n'oublie pas de voir s'affronter plusieurs visions, plusieurs solutions chez nos protagonistes face à ces problématiques. Un petit rien en apparence, sans doute, mais cela permet de solidifier, concrétiser le propos, d'humaniser ces personnages, aussi. Le dessin de Mannaert leur confère en plus un petit charisme choupinou (ce terme est homologué) qui les rend sincèrement attachant. Est-ce parfait pour autant ? Non. Je déplore notamment quelques passages où, sans doute emporté par sa verve et son envie sincère de réveiller les consciences, Mannaert écrit quelques dialogues et logorrhées un poil trop indigestes (un comble pour cette série qui m'a, mis à part cela, donné l'eau à la bouche). Pas un gros défaut en soi, d'autant que j'adhère on ne peut plus aux divers propos défendus ici en ce qui concerne le sincère besoin de changer nos habitudes alimentaires et de productions pour s'assurer la survie de notre espèce (et d'un bon nombre qui nous suivraient dans la tombe si nous venions à continuer sur cette voie), mais je me doute que cet aspect pourrait paraître bien plus rédhibitoire chez certaines personnes. Bon, quoi qu'il en soit, la série est bonne, les recettes présentées donnent l'eau à la bouche, l'envie de réveiller les consciences est sincère et louable, les personnages sont sympathiques, les courtes aventures fluides, … Bref, j'espère que Mannaert continuera cette série, je ne serais pas contre retrouver Yasmina, ses anecdotes culinaires et ses petites aventures écologiques dans de nouveaux récits.

14/09/2025 (modifier)
Couverture de la série Inferno
Inferno

Le dessin est précis – presque trop léger même parfois. Comme pour la plupart des séries de cette collection dédiée à l’aéronautique, les carlingues des avions, et les combats aériens (ici aussi les bombardements) sont soignés. Les amateurs de militaria et des avions de la Seconde guerre mondiale y trouveront sans doute leur compte. J’ai moins accroché par contre à la colorisation informatique, dont le rendu n’est pas toujours joli, et qui lisse beaucoup trop les détails (en accentuant aussi le côté « trop léché » évoqué précédemment). J’ai lu les deux albums, chacun développant, durant l’année 1943 un récit indépendant, le premier autour d’un bombardement massif de la RAF sur Hambourg en 1943, le second autour d’opérations dans la Manche et la Mer du Nord de 1943 à la fin 1944, menées par la même équipe de pilotes. Si tout ce qui concerne les opérations militaires est vraiment bien rendu, la lecture est un peu « sèche » pour le reste. Le premier album se concentre uniquement sur l’opération de bombardement, on ne connait presque rien des pilotes et on ne s’attache pas vraiment à eux. Dans le tome suivant, Crespin se retrouve seul aux commandes, et a cherché à corriger ce défaut, en développant un peu plus les temps morts à terre, et une idylle entre un pilote et une jeune femme. C’est un peu léger, mais bon, c’est un peu mieux, même si les relations entre personnages manquent quand même de nuances (voir l’altercation entre notre pilote amoureux et un soldat américain). Chaque album indique présenter une histoire complète. Si le premier correspond bien à cette annonce, ça n’est pas vraiment le cas du suivant, qui ne clôt pas vraiment « l’intrigue » : on est sans nouvelle du pilote/personnage principal, et la dernière case ressemble quand même à un cliffhanger ! Note réelle 2,5/5.

14/09/2025 (modifier)
Par Cacal69
Note: 3/5
Couverture de la série Phantasmagoria
Phantasmagoria

Sic incipit fabula. J'ai enfin pu me procurer le quatrième opus de la collection El Torres. Et il est dans la même veine que Le Puritain et Rituel Romain. Une histoire où un esprit maléfique va être la cause de bien des malheurs. El Torres nous plonge dans un Londres fin XIXe siècle, des ruelles sordides et brumeuses du quartier de Whitechapel aux beaux quartiers. Une mise en situation qui ne peut faire penser qu'à Jack l'Éventreur, car des meurtres horribles vont être commis. Les victimes ne seront pas des prostituées, mais des gens de la bonne société affiliés à une loge maçonnique. Deux inspecteurs de police mènent l'enquête, mais c'est un étrange personnage aux pouvoirs surnaturels, Hawke, qui sera au centre du récit. Une histoire très classique dans le genre esprit maléfique et possession, mais El Torres va y introduire de la mythologie égyptienne avec le dieu Horus (le faucon) et surtout avec Jannès et Jambrès (des magiciens de la cour de Pharaon). C'est la dualité entre ces deux sorciers (qui ont traversé les siècles) qui met du piment au récit. Une narration maîtrisée pour un bon moment de lecture. Un délicieux mélange d'Éxorciste, de Lovecraft et de Penny Dreadful (avec la délicieuse Eva Green). Ce qui saute aux yeux, c'est le magnifique rendu en noir et blanc de Joe Bocardo (Sang Barbare). Son dessin aux lignes brouillonnes et expressives retranscrit magnifiquement ce Londres Victorien dans toute sa flamboyance et son misérabilisme. La représentation des décors est somptueuse. Une mise en page très cinématographique. Un artiste à surveiller. Note réelle : 3,5. Je conseille aux amateurs de ce genre de récit.

13/09/2025 (modifier)
Couverture de la série The Ex-People
The Ex-People

Étonnante cette série ! Du médiéval fantastique éloigné de Tolkien. Avec un groupe de personnages mêlant des animaux (un cheval, un oiseau charmeur, un chat tout plat…) et des humains originaux (dont un jeune chevalier coincé dans une armure trop petite). Et tous sont morts, sont des fantômes qui souhaitent se rendre à Jérusalem pour trouver une potion à même de leur rendre la vie, moyennant finances. Les voilà donc partis pour une sorte de pèlerinage vers la Terre sainte... S'ils sont vite arrivés à Jérusalem, de nombreux flash-backs nous montrent le passé de chaque membre de l’équipe, on apprend à les connaitre. Par contre, si la longue mise en place (le premier album est conséquent) est très intrigante, la suite est moins surprenante et palpitante. C’est un peu linéaire. Avec en plus une conclusion brutale, trop vite et trop facilement expédiée. Qui plus est avec un dessin qui change du tout au tout et n’est pas joli sur la fin. Car pour le reste, le trait gras, charbonneux, d’Utkin, est plaisant. Au final, une série relativement originale pour le genre, mais qui s’essouffle dans sa seconde moitié. Autre petit détail (goût personnel), je n’ai pas aimé le titre, vraiment moche – la simple utilisation de l’anglicisme people est trop incongrue ici.

13/09/2025 (modifier)
Par Présence
Note: 3/5
Couverture de la série Calamity Jane (Bardiaux-Vaïente)
Calamity Jane (Bardiaux-Vaïente)

Il faut toujours qu’elle fanfaronne, comme si s’en tenir au réel ne lui était pas suffisant… - Ce tome contient une histoire complète de nature biographique. Son édition originale date de 2022. Il a été réalisé par Marie Bardiaux-Vaïente pour le scénario, et par Gaëlle Hersent pour les dessins et les couleurs, avec la participation du conseiller historique Farid Ameur. Il comporte quarante-six pages de bande dessinée. Il se termine par un dossier de huit pages, rédigé par Ameur, revenant sur la vie de Calamity Jane, l’aventurière : les repères biographiques avérés, son esprit rebelle, sa fureur de vivre, l’éternelle incorrigible, avec une carte retraçant ses voyages, des encadrés relatifs à la condition des femmes à cette époque, les lettres à sa fille (un authentique canular), À la vôtre (l’alcool et sa consommation à l’époque), une chronologie, des références bibliographiques. Fin des années 1880 ou début des années 1890, Calamity Jane chevauche au fond d’un canyon une région sauvage, un aigle planant haut au-dessus d’elle. Elle lève la tête comme si elle regardait le lecteur, déclarant qu’il y a quelque chose qu’elle devrait confesser… En 1873, à Goose Creek dans le Wyoming, un détachement de cavalerie fait feu sur un groupe d’Indiens en train de fuir à cheval. Une fois cette action accomplie, les cavaliers s’arrêtent et le capitaine Egan s’adresse à Martha Jane Cannary, en lui indiquant qu’elle ne pourra pas l’empêcher de songer que sa présence parmi eux est des plus contestables : une femme n’a rien à faire dans l’armée. Elle lui rétorque qu’il s’agit là de l’avis d’un bonhomme. Agacé, il lui ordonne de passer devant, en tant qu’éclaireuse. Elle obéit et prend de la distance pour devancer le détachement. Soudainement, les Indiens reviennent à l’attaque contre les soldats. Elle raconte la suite de son point de vue, un peu enjolivé : son demi-tour en entendant le bruit de l’attaque, sa cavalcade et sa charge héroïque pour récupérer le capitaine Egan blessé, puis l’amener jusqu’à la ville la plus proche pour qu’un médecin s’occupe de lui. Enfin, la gratitude et les remerciements du capitaine à son égard. En juillet 1876, à Deadwood dans le Dakota du Sud, Calamity Jane achève de raconter cette aventure à son ami Charlie Litter, en lui indiquant que c’est depuis qu’elle s’appelle Calamity Jane. Leur discussion est interrompue par l’arrivée d’un monsieur qui se présente comme se nommant Merrick. Il est le propriétaire et l’éditorialiste du Black Hills Pioneer. Il se déclare vraiment honoré d’enfin rencontrer Calamity Jane car la rumeur de ses exploits est parvenue jusqu’à eux, et c’est pourquoi il a annoncé son arrivée dans leurs colonnes. Il remet l’exemplaire du journal à la jeune femme. Elle se félicite d’être dans le journal et accoudée au comptoir, elle demande un whisky au barman. Il fait mine de ne pas l’entendre, et un autre client fait observer que le bar c’est pas pour les gonzesses. Enfin le barman se retourne pour indiquer à Jane qu’elle n’a rien à faire là, qu’à chaque fois elle met le bazar. Elle insiste pour être servie, allant même jusqu’à le menacer avec son fusil. Elle l’arme, mais une voix se fait entendre demandant que ce whisky lui soit servi. Depuis sa table de poker, Wild Bill Hickock intervient en faveur de son amie. La couverture précise qu’il s’agit d’un tome dans la collection La véritable histoire du Far West, qui comprend également des tomes consacrés à Jesse James (1847-1882), Wild Bill Hickok (1837-1876), Jim Bridger (1804-1881), Little Big Horn (25 & 26 juin 1876), Chef Joseph (1840-1904), Alamo (du 23 février au 6 mars 1836), OK Corral (26/10/1881), La ruée vers l’or (1848-1856). La présente biographie se focalise sur les années 1870, majoritairement dans la petite ville de Deadwood, avec quelques retours en arrière sur sa famille, et sur son enrôlement dans l’armée. Au fil des séquences, le lecteur croise ainsi qu’un capitaine de l’armée (Egan), James Butler Hickok (dit Wild Bill Hickok) ; il assiste à une attaque de diligence servant également de malle postale, et il est présent lors d’une épidémie de variole à Deadwood en 1878. En fonction de sa connaissance sur le personnage, le lecteur prend pour argent comptant cette biographie, tout en relevant l’usage de passages contés à la manière de récits sensationnels (dime novels). Puis il lit le dossier en fin d’ouvrage, ce qui lui permet de mieux situer la démarche des autrices par rapport à la vérité historique. Il peut également continuer sa découverte de ce personnage historique en allant consulter une encyclopédie, et faire ainsi la part des choses entre la légende créée par Calamity Jane elle-même dans son autobiographie, et les lettres à sa fille avec leur authenticité discutée. En termes de biographie, personne ne peut prétendre à recréer à la perfection une époque, ou tout du moins la perception qu’en a le personnage central, encore moins ce qui se passait dans sa tête à tel ou tel moment de sa vie. Les autrices ont pris le parti de raconter leur version de la légende de Calamity Jane, en choisissant les éléments historiques avérés, et ceux remodelées par cette aventurière. Cette façon de faire apparaît dès la première page quand Martha Jane Cannary indique qu’il y a quelque chose qu’elle devrait confesser, c’est-à-dire à la fois qu’elle s’est livrée à l’écriture de sa propre légende, et à la fois qu’elle est elle-même une conteuse, une narratrice subjective. Ce choix apparaît également de manière visuelle, l’artiste modifiant quelques caractéristiques de ses dessins, selon que le récit soit en train de suivre Calamity Jane au temps présent, qu’elle raconte sa vie passée, ou bien qu’elle soit passée en mode Enjolivements. Pour ce dernier, la mise en couleurs comprend une trame mécanographiée, des points de couleurs, des dessins aux contours plus secs et plus fins comme pris sur le vif, et des postures soulignant la vivacité de l’héroïne, sa témérité, ses prises de risques. Dans la page sept, un journaliste vient se présenter à Martha Jane Cannary et le lecteur sent bien que son reportage relève plus de l’exagération publicitaire, que de l’enquête et des faits. En page quarante-sept, un éditeur vient lui présenter des Dime Novels (nouvelles à sensations), confirmant la démarche commerciale. Quand la légende est plus belle que la réalité, imprimez la légende, pour reprendre la célèbre citation du film L’homme qui tua Liberty Valance (1962) de John Ford (1894-1973), avec John Wayne (1907-1979), James Stewart (1908-1997), Lee Marvin (1924-1987). Le lecteur est venu pour un récit de type Western, et son horizon d’attente comprend une reconstitution historique et une évocation de l’Ouest américain dans lequel il puisse se projeter. Il est immédiatement mis en confiance par la première planche une succession de cinq cases de la largeur de la page, un travelling avant en partant en hauteur pour descendre vers le visage de Calamity Jane. Il peut ainsi admirer le sommet d’une chaîne rocheuse, un aigle planant sous lui dans le ciel, et la cavalière qui se rapproche. L’artiste fait en sorte de combler son attente de grands espaces : une plaine dans laquelle la cavalerie poursuit les Indiens, un cours d’eau paisible dans une gorge boisée, une voie de chemin de fer en construction traversant une prairie ouverte à perte de vue, des bisons se déplaçant en harde dans une autre prairie, une épaisse forêt interminable, la grand-rue de Deadwood en terre et interminable, un convoi de chariots bâchés progressant du Missouri vers le Montana, etc. Elle soigne tout autant les séquences dans Deadwood : le saloon, les façades en bois des bâtiments, les pièces communes de la maison close et sa cuisine, la prison et une cellule rudimentaire, l’installation de fortune du médecin pour soigner les malades lors de l’épidémie de syphilis, etc. Le lecteur se sent bien au Far West, trouvant les conventions visuelles attendues, et celles-ci disposant d’assez de détails pour être spécifiques, plutôt que des décors artificiels génériques. Bien évidemment, le lecteur observe cette jeune femme qui a réussi à s’émanciper du rôle imposé par la société, pour vivre comme elle l’entend : un métier d’homme, des vêtements d’homme, même une façon masculine de monter à cheval et pas en amazone. Les autrices montrent ce comportement et les réactions qu’il suscite de manière organique et factuelle, plutôt que d’un point de vue militant. Les retours en arrière permettent de comprendre comment cette adolescente a acquis des compétences au tir (et en cuisine), comment elle a subvenu aux besoins de ses jeunes frères et sœurs en l’absence de leurs parents. Les autrices montrent ce qui lui en coûte en terme social : des remarques misogynes systématiques, des comportements destinés à lui faire reprendre un rôle de femme à cette époque, du mépris, une ostracisation systémique, aussi radicale que celle subie par Samuel Fields, un afro-américain. Martha Jane Cannary est pleinement consciente de cet état de fait, sans que cela n’entame sa bonne volonté, en particulier de se mettre au service de ses prochains lors de l’épidémie. Le lecteur comprend que la scénariste a choisi les faits qu’elle met en scène, piochant dans la légende que Calamity Jane s’est elle-même construite, dans quelques faits historiques, et en en laissant d’autres de côtés, comme son recours à la prostitution. Pour autant, elle la décrit comme un être humain faillible, par exemple son addiction à l’alcool. Une version personnelle de Martha Jane Cannary, entre réalité historique et légende forgée par l’intéressée elle-même. Le lecteur s’immerge dans un western consistant et plausible, aux côtés d’une femme avec une forte personnalité. Il en ressort avec une meilleure compréhension de la personne qu’a pu être Martha Jane Cannary, une interprétation humaniste, baignant dans l’amour que leur portent les autrices. Une belle résilience dans une société intolérante à une femme indépendante.

13/09/2025 (modifier)
Couverture de la série A Strange Day
A Strange Day

J’ai lu le premier tome (qui peut se lire indépendamment du suivant). Disons que ça se laisse lire, rapidement, et que ça n’est pas désagréable. Le dessin est hésitant, avec quelques défauts (des perspectives en particulier), mais le trait gras et moderne, faisant souvent l’impasse sur les décors – et plus globalement sur les détails – passe, même s’il n’est pas vraiment ma came. Le récit est centré sur deux grands adolescents, qui luttent contre un certain mal être. Ils aspirent à être adultes, indépendants (ils ont leur bagnole), mais ne sont pas des rebelles (alcool, drogue et clopes absents). On suit leur rencontre fortuite alors que, tous deux fans des Cure, ils sèchent des cours pour être les premiers chez un disquaire à acheter une nouveauté de leur groupe favori. Hurd prend le temps de construire la rencontre, le « flirt », avec les tâtonnements – ici c’est la fille qui drague. Après, rien d’extraordinaire non plus, ça reste quand même gentil, vite lu, mais pas inoubliable. Note réelle 2,5/5.

12/09/2025 (modifier)
Couverture de la série Le Cycle
Le Cycle

De la métafiction ? Des personnages en quête de leurs origines, de leur démiurge, du sens de leur existence ? Une collaboration artistique mettant à l'honneur différentes interprétations conceptuelles et narratives ? Normalement je devrais adorer ! Normalement, oui… Raaah, je m'en voudrais presque de ne pas aimer cet album ! Mais il faut le dire : je le trouve chiant ! Après un début jouant avec les séparations elliptiques des cases, certes sans grande originalité mais tout de même de manière talentueuse, M. Marmouset, personnage récurent de Lécroart, quitte ses pages, sort de sa propre narration pour partir à la recherche de son créateur. Dieu ? Non. Enfin si, d'une certaine manière, car il part en réalité à la recherche de son auteur, celui qui l'a créé et qui lui a donné un sens. Alors, simple personnage de bande dessinée qu'il est, il tente tant bien que mal de s'extirper de sa prison narrative et d'explorer le monde au delà de ses cases à lui pour retrouver son origine. Sauf qu'en quittant ses pages, il quitte par là-même l'univers de son créateur et se retrouve à errer au-delà, chez d'autres auteur-ice-s. Le projet a l'air super intéressant, n'est-ce pas ? Une quête des origines jouant sur la perception narrative, traitant du sujet très intéressant des personnages fictifs n'existant qu'à la condition que quelqu'un les imagine, qu'il s'agisse de lae créateur-ice ou es lecteur-ice-s, ça promet au minimum un récit engageant, non ? Eh bien non… Sans doute est-ce la course effrénée de M. Marmouset qui n'a pas réussi à m'accrocher, sans doute aussi que les sauts et changements d'artistes à chaque page m'a paru ne pas permettre de pleinement profiter de ces divergences de formes, et sans doute enfin que les résultats de cette quêtes m'ont semblé au final bien pauvres. Pas mauvais, mais bien peu satisfaisants par rapport aux promesses. C'est la conclusion de cet album pour moi : pas mauvais mais peu satisfaisant, voire ennuyant tout simplement. Pour voir une meilleure expérimentation méta-fictive de l'auteur, je vous suggèrerais plutôt L'Elite à la portée de tous. (Note réelle 2,5)

12/09/2025 (modifier)