Voila un bien étrange western. Mais je dois bien dire que je suis assez proche de l'avis de bamiléké, même, si je vais être un peu plus indulgent dans ma notation.
Comme beaucoup, je soulignerais le trait qui va a merveille au récit ! C'est une très belle composition en noir et blanc, avec un trait charbonneux qui permet immédiatement de se plonger dans le récit sans pour autant négliger les paysages qui sont magnifiques. C'est l'Amérique profonde, les forêts et les montagnes, sublimés par le dessin qui vraiment laisse une grande place à la contemplation. Le récit plutôt lent et pas très bavard s'harmonise avec ce trait et je trouve que ça rend vraiment bien. De même, l'expressivité des personnages passe presque essentiellement par le trait et je suis vraiment comblé par celui-ci.
Maintenant, là où le bat blesse, c'est que l'histoire c'est pas la même qualité. En fait, je me demande encore de quoi la BD parle exactement. Nous avons une jeune veuve qui fuit deux hommes en se cachant dans la nature. Et progressivement, le récit voit arriver divers personnages qui se greffent autour de ce récit. Sauf que j'ai du mal à comprendre ce qui est central dans ce récit : sa fuite, sa reconstruction, ses questionnements ? Je ne sais pas trop et le récit semble toujours osciller entre plusieurs types de récits : course-poursuite, survie, questionnement sur l'humanité, considérations sociales ... Peut-être que tout est limpide pour d'autres lecteurs mais personnellement en sortant du récit je ne saurais dire ce qui se dégage de manière claire du récit. Trop de sujets traités, sans doute, tout en ayant une BD qui est plus contemplative que descriptive. Au final, ça part un peu trop en tout sens et le final est certes joli dans son ouverture, mais semble indiquer que le sujet central est la relation et la reconstruction de cette veuve par ses sentiments. Mais alors pourquoi autant développer le reste ?
C'est une BD étrangement bancal dans son traitement, faisant un peu trop de choses et parfois trop facile dans son traitement. C'est dommage, j'aurais voulu beaucoup plus aimer notamment pour son trait que j'ai adoré.
Pour répondre aux questions existentielles de son jeune fils, Fred Bernard choisit de raconter toute sa vie dans un album de plus de 200 pages, conçu comme une suite d’étapes menant à la personne qu’il est aujourd’hui. Tout commence en 1969 à Savigny-lès-Beaune, au cœur des vignes et de la nature, puis vient l’école, le collège éloigné dans la ville voisine, le lycée où il rêve d’être vétérinaire mais suit les cours du soir des Beaux-Arts, avant les études artistiques, la vie de jeune adulte et tout ça jusqu’à 2024, voire 2025. Au fil des pages, on le voit grandir, s’affirmer, changer, et l’on découvre une existence foisonnante, riche en rencontres et en voyages.
Il livre ici un véritable récit au long cours. Son dessin léger et coloré pourrait faire croire à une lecture rapide, mais il n’en est rien : il m’a fallu plus de quatre heures pour en venir à bout. Et malgré la densité du propos, il reste des zones d’ombre (il évoque très peu ses amours, par exemple, et passe sous silence tout ce qui relève de ses premiers émois). Il se livre pourtant beaucoup, et son parcours apparaît à la fois attachant et rempli de péripéties d’un quotidien finalement peu ordinaire.
Chaque chapitre s’ouvre sur une époque de l’histoire de France, que l’auteur associe à une période de sa propre vie : la Préhistoire pour la petite enfance, l’Antiquité pour la maternelle, le Moyen Âge pour le primaire, etc. Son avatar adopte alors les traits d’un personnage de l’époque correspondante. Il insère aussi à chaque fois quelques pages de contexte historique, souvent centrées sur la liberté, l’égalité ou l’écologie. Ces passages, bien qu’instructifs, paraissent parfois verbeux et détachés du récit principal. Ce n’est qu’à la fin qu’on comprend leur rôle : souligner les valeurs auxquelles Fred Bernard reste fidèle aujourd’hui.
J'ai été intéressé par cette lecture car elle m’a permis de découvrir la vie d’un homme très différent de moi, aussi différent qu’un artiste extraverti peut l’être d’un cartésien introverti. On s’attache vite à son parcours et à la manière vivante dont il déroule le fil de ses souvenirs avec une quantité de détails indiquant un bel effort de mémoire. Sa personnalité se dessine clairement à travers les âges, et l’on voit son évolution sans qu’il ait besoin de la souligner.
Sur la forme, le dessin est agréable et fluide, mais certaines planches manquent de clarté : il m’est arrivé plusieurs fois d’hésiter sur l’ordre de lecture des images et des textes, tant les lignes se chevauchent. Cela donne un aspect un peu brouillon, certes dynamique, mais parfois confus. En outre, à mesure que le récit avance, de nouveaux personnages apparaissent sans véritable introduction, ce qui complique la lecture. Dans les dernières pages, j’étais parfois perdu quant à l’identité de certains d’entre eux. Enfin, il élude souvent la question de ses relations amoureuses : on comprend qu’il est en couple, mais sans jamais savoir comment ces histoires ont commencé ni ce qu’elles ont représenté pour lui.
À l’inverse, plusieurs passages se révèlent d’une intensité émotionnelle remarquable. Son récit d’accident et de convalescence, quand il n’était pas encore sûr de ne pas finir paralysé à vie, est particulièrement touchant. Tout comme celui de la mort de son petit frère, qu’il fait revivre deux fois : d’abord au moment où il apprend la nouvelle, alors qu’il dessinait un chapitre précédent de cet album, puis plus tard, quand le fil chronologique de son histoire l’amène à affronter pleinement ce souvenir et à le faire ressentir au lecteur.
C’est un album dense et foisonnant, parfois un peu long ou inégal, avec une mise en page qui peut manquer de clarté. Mais au-delà de ces défauts mineurs, il s’agit d’un témoignage de vie fascinant, celui d’un artiste que je ne connaissais pas et dont la personnalité m’a surpris autant qu’elle m’a touché. Très différent de la personne que je suis, Fred Bernard parvient pourtant à créer un lien sincère avec son lecteur, grâce à une honnêteté et une humanité rares dans l’autobiographie dessinée.
L'excellent Dialogues, puis le franchement bon Salade César (dans lequel il entamait sa collaboration avec Duparcmeur) m'avaient fait découvrir un auteur talentueux, dans un registre que j'apprécie beaucoup, à savoir l'humour absurde et/ou con. Mais, depuis, je trouve qu'il peine à retrouver sur tout un album la percussion du gag omniprésente dans les deux séries citées plus haut.
Cet album confirme cette frustration, même si, honnêtement, il se révèle plaisant à lire, et si certains dialogues sont amusants. C'est surtout le personnage de Dieu, dépassé par ce que font certaines de ses créatures - Jeanne d'Arc en tête - qui est drôle, en vieux bonhomme que personne ne voit ou ne considère comme il le souhaiterait.
Mais c'est inégal, et parfois un peu poussif.
Il faut dire que ce type d'humour absurde est de plus en plus utilisé (Fabcaro entre autre l'a placé très haut), que Dieu ou Jeanne d'Arc ont déjà été de nombreuses fois caricaturés, parodiés, et que Karibou lui-même multiplie les albums de ce genre. La surprise, essentielle pour renforcer la force de ce type de gags, est donc de plus en plus difficile à provoquer.
Mais bon, ça reste quand même suffisamment amusant pour que je n'insiste pas plus sur ce qui a pu me laisser sur ma faim.
Quand au dessin de Duparcmeur, c'est son habituel style réaliste et figé, usant souvent d'une certaine itération iconique - elle aussi de plus en plus à la mode - qui est adapté à ce type d'humour.
Je ne connais pas l'œuvre originale, mais je retrouve bien dans cette histoire les idées de Victor Hugo : la dénonciation de la misère et des injustices qu'elle entraîne, mais aussi celle de la peine de mort.
Je ne sais pas si le texte d'Hugo était long, mais ici tout est traité de façon simple et assez lapidaire. Cela renforce la violence subie par Gueux (voir les premières scènes où il est contraint de voler pour sauver de la faim et du froid sa famille), mais cela empêche de nuancer certains passages, un peu manichéens concernant le directeur de prison froidement antipathique qui pousse Gueux à bout.
L'album est vite lu, et vaut avant tout pour les messages véhiculés.
Note réelle 3,5/5.
Un album intéressant, mais peut-être pas autant que je ne l'escomptais en l'entamant.
Le gros de l'histoire se déroule dans les premiers temps de la guerre civile syrienne (l'héroïne espère même dans un dialogue qu'elle ne durera plus que quelques semaines !). On est dans une petite ville provinciale éloignée de Damas.
Tout tourne autour d'une jeune infirmière faisant fonctionner un hôpital clandestin pour soigner les victimes de la violente répression du régime Assad. Nous suivons aussi une dizaine de personnages d'horizons variés, plus ou moins impliqués dans les luttes et plus ou moins radicaux (l'un d'entre eux finit même leader local du califat de Daech en formation dans le chaos syrien).
Il y a aussi une journaliste franco-syrienne, amie de l'héroïne, venue faire un reportage clandestin de terrain.
Pendant longtemps j'ai cru lire un reportage, jusqu'à ce qu'on apprenne que, si l'auteur s'est inspiré d'évènements réels, c'est en fait un roman graphique. Bizarre.
Le décompte lancinant des morts, entre chaque "moment " dramatise le récit, qui s'étire parfois trop, et on voit bien que la brutalité de la répression fait basculer certains vers des solutions extrêmes.
Mais cette évolution est traitée un peu trop rapidement sur la fin. Et en plus l'album se termine un peu "gentiment ", alors même que la guerre n'en est qu'à ses débuts, rien n'est conclu, loin de là hélas.
Le dessin est inégal, pas toujours facile à déchiffrer, même si le choix d'un Noir et Blanc tranché est judicieux pour ce type de récit.
2.5
Une lecture légère comme c'est le cas des autres collections d'albums qui se lisent en 2 minutes.
Pour rendre une histoire courte mémorable, il faut une idée forte et j'ai l'impression que les auteurs réussis à moitié. En effet, j'aime bien l'idée de départ, mais la fin m'a un peu déçu. C'est pas mauvais, mais un peu banal comme fin je trouve. J'ai plus apprécié les discussions entre les membres de la famille pour savoir quoi faire de la bouteille. J'ai retrouvé les dialogues savoureux que j'aime tant chez Trondheim. Le dessin est sympa.
À lire si on est un fan de Trondheim et qu'on veut tout lire de lui.
Sfar continue son autobiographique et ses questions sur l'avenir des juifs depuis la monté de l'antisémite.
C'est un livre très dense et très long, un peu long avec des longueurs. Il parle de sa famille, de l'actualité du moment (comme l'élection législative française de 2024...et il parle même pas des résultats, j'imagine que ça va l'être dans sa prochaine autobiographie de 500 pages), l'histoire de la diaspora juive, la guerre à Gaza....On va croiser plusieurs personnages historiques et aussi des gens que rencontrent Sfar durant la production de son livre.
C'est un livre riche en thématique et peut-être un peu trop. Par exemple, le voyage de Sfar à Tel-Aviv aurait pu être l'objet de sa propre BD. Ce n'est pas un livre à lire en entier parce qu'à la longue on dirait que l'auteur tourne un peu en ronds et se répète. Je ne suis pas certains d'adhéré 100 % au discours de l'auteur, mais au moins il me pousse à réfléchir et j'aime mieux ça que ceux qui ont comme seul argument des slogans. Il y a des passages que j'ai bien aimé et d'autres moins....faut dire que parfois il y a tellement de textes que c'est un peu illisible. Mention spécial lorsque les notes de bas de pages sont plus longs que le reste du texte de la page !
Persuadé de retrouver dans le Nouveau Monde une vision religieuse qu'il croit être celle du paradis, un jeune noble s'embarque vers les colonies, plein de foi et d'idéaux. Mais une fois sur place, il découvre surtout la brutalité, l'hypocrisie et la folie des hommes. À travers ses yeux, on passe de l'espoir mystique à la désillusion la plus sombre : la foi devient fanatisme, la mission divine vire à la barbarie, et le paradis espéré se change en enfer.
Nicolas Presl livre un récit dérangeant, entièrement muet. Tout passe par le dessin si personnel de l'auteur. Malgré l'absence de dialogues, la narration est fluide, très visuelle, avec des compositions soignées et des symboles clairs. On sent une maîtrise technique réelle et une ambition artistique presque biblique dans la mise en scène de la chute morale du héros. Le voyage prend la forme d'une descente aux enfers, à la fois religieuse et humaine. Ses thématiques mêlent foi, désir, culpabilité et violence coloniale dans une atmosphère tragique. Même si l'approche reste parfois exigeante, j'ai trouvé le fond assez fort et chargé d'une portée morale et symbolique qui dépasse le simple cadre du récit historique.
Toutefois, comme pour Priape, la précédente oeuvre du même auteur, j'ai toujours du mal avec son style graphique. Son trait taillé à la serpe, très anguleux, privilégie les déformations et une forme de laideur volontaire. C'est certes expressif et percutant, mais cette esthétique des corps et des visages a tendance à me rebuter, ce qui m'empêche de pleinement entrer dans le récit. On ne peut cependant pas nier que cette dureté visuelle renforce le malaise général, certainement voulu par l'auteur.
Divine Colonie est une œuvre singulière, clairement pensée pour bousculer le lecteur. J'ai trouvé l'ensemble fort et riche en symboles, mais aussi assez austère, voire étouffant. C'est le genre de BD que je referme en me disant qu'il faut saluer la démarche artistique, sans pour autant avoir envie d'y replonger immédiatement.
3e album de la récente collection Waves créée chez Delcourt, et c'est sans doute celui qui m'aura le moins emballé.
Cet album présenté comme un remake de Frankenstein peine à embarquer le lecteur ; il m'aura fallu attendre les deux tiers de la BD pour enfin être accroché par le récit.
L'album nous raconte l'histoire de deux soeurs jumelles, Frances et Maura, passionnées par les sciences. On frôle l'occulte et le fantastique s'invite naturellement dans leur environnement jusqu'à un incident tragique lors d'une expérience au cours de laquelle Maura décède. Francès n'aura de cesse de faire revenir sa soeur à la vie ; détermination qui finira par payer, car une de ses expériences conduit au miracle... ou presque... Car si c'est bien le corps rafistolé de Maura, au niveau conscience et souvenirs, ce n'est pas la même... "Maura", aidée de la "vraie" (qui apparait dans les miroirs) va tenter de donner le change jusqu'au moment ou elle va péter les plombs...
Et pour le coup, c'est à partir de ce moment que le récit décolle... Dommage, car on en est déjà au dernier tiers de l'album !
Côté graphisme Talia Dutton impose une patte qui manque peut-être encore un peu de maturité mais prometteur. Sa gestion des noirs au niveau encrage m'a beaucoup plu, et ses découpages sont souvent biens pensés. Je suis moins enthousiaste sur cette colorisation monochrome qui joue sur un camaïeu de bleus.
Bref, un début d'album qui prend trop de temps à lancer véritablement l'histoire, un déséquilibre qui pénalise l'appréciation globale de cette BD.
2.5/5
Cette collection du Cycliste avait l’intérêt de pouvoir faire découvrir un auteur pour pas cher, dans un format très peu épais qui hélas avait aussi l’inconvénient de frustrer le lecteur qui, comme moi ici – aurait bien vu l’histoire se développer davantage. Mais c’était sans doute la première publication de Supiot.
Un conte oriental vite lu donc, mais pas sans intérêt. D’abord, si l’intrigue en elle-même n’est pas très étoffée, et si elle est un peu linéaire, la narration, essentiellement sous forme de commentaires en appui du dessin est déroulée sous une forme un peu poétique (le texte est discrètement versifié).
Le point fort de cet album reste quand même le dessin de Martin, qui lui aussi débutait. Si son trait est parfois – rarement en fait – mal assuré – il est le plus souvent très bon, et très beau. Un beau Noir et Blanc, avec un trait fin dans les deux premiers tiers du récit, puis plusieurs styles et techniques se superposent sur la fin, avec un résultat très plaisant.
Un petit conte sympathique.
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La Veuve
Voila un bien étrange western. Mais je dois bien dire que je suis assez proche de l'avis de bamiléké, même, si je vais être un peu plus indulgent dans ma notation. Comme beaucoup, je soulignerais le trait qui va a merveille au récit ! C'est une très belle composition en noir et blanc, avec un trait charbonneux qui permet immédiatement de se plonger dans le récit sans pour autant négliger les paysages qui sont magnifiques. C'est l'Amérique profonde, les forêts et les montagnes, sublimés par le dessin qui vraiment laisse une grande place à la contemplation. Le récit plutôt lent et pas très bavard s'harmonise avec ce trait et je trouve que ça rend vraiment bien. De même, l'expressivité des personnages passe presque essentiellement par le trait et je suis vraiment comblé par celui-ci. Maintenant, là où le bat blesse, c'est que l'histoire c'est pas la même qualité. En fait, je me demande encore de quoi la BD parle exactement. Nous avons une jeune veuve qui fuit deux hommes en se cachant dans la nature. Et progressivement, le récit voit arriver divers personnages qui se greffent autour de ce récit. Sauf que j'ai du mal à comprendre ce qui est central dans ce récit : sa fuite, sa reconstruction, ses questionnements ? Je ne sais pas trop et le récit semble toujours osciller entre plusieurs types de récits : course-poursuite, survie, questionnement sur l'humanité, considérations sociales ... Peut-être que tout est limpide pour d'autres lecteurs mais personnellement en sortant du récit je ne saurais dire ce qui se dégage de manière claire du récit. Trop de sujets traités, sans doute, tout en ayant une BD qui est plus contemplative que descriptive. Au final, ça part un peu trop en tout sens et le final est certes joli dans son ouverture, mais semble indiquer que le sujet central est la relation et la reconstruction de cette veuve par ses sentiments. Mais alors pourquoi autant développer le reste ? C'est une BD étrangement bancal dans son traitement, faisant un peu trop de choses et parfois trop facile dans son traitement. C'est dommage, j'aurais voulu beaucoup plus aimer notamment pour son trait que j'ai adoré.
Nos héritages - Une histoire de nos évolutions racontée à mon fils
Pour répondre aux questions existentielles de son jeune fils, Fred Bernard choisit de raconter toute sa vie dans un album de plus de 200 pages, conçu comme une suite d’étapes menant à la personne qu’il est aujourd’hui. Tout commence en 1969 à Savigny-lès-Beaune, au cœur des vignes et de la nature, puis vient l’école, le collège éloigné dans la ville voisine, le lycée où il rêve d’être vétérinaire mais suit les cours du soir des Beaux-Arts, avant les études artistiques, la vie de jeune adulte et tout ça jusqu’à 2024, voire 2025. Au fil des pages, on le voit grandir, s’affirmer, changer, et l’on découvre une existence foisonnante, riche en rencontres et en voyages. Il livre ici un véritable récit au long cours. Son dessin léger et coloré pourrait faire croire à une lecture rapide, mais il n’en est rien : il m’a fallu plus de quatre heures pour en venir à bout. Et malgré la densité du propos, il reste des zones d’ombre (il évoque très peu ses amours, par exemple, et passe sous silence tout ce qui relève de ses premiers émois). Il se livre pourtant beaucoup, et son parcours apparaît à la fois attachant et rempli de péripéties d’un quotidien finalement peu ordinaire. Chaque chapitre s’ouvre sur une époque de l’histoire de France, que l’auteur associe à une période de sa propre vie : la Préhistoire pour la petite enfance, l’Antiquité pour la maternelle, le Moyen Âge pour le primaire, etc. Son avatar adopte alors les traits d’un personnage de l’époque correspondante. Il insère aussi à chaque fois quelques pages de contexte historique, souvent centrées sur la liberté, l’égalité ou l’écologie. Ces passages, bien qu’instructifs, paraissent parfois verbeux et détachés du récit principal. Ce n’est qu’à la fin qu’on comprend leur rôle : souligner les valeurs auxquelles Fred Bernard reste fidèle aujourd’hui. J'ai été intéressé par cette lecture car elle m’a permis de découvrir la vie d’un homme très différent de moi, aussi différent qu’un artiste extraverti peut l’être d’un cartésien introverti. On s’attache vite à son parcours et à la manière vivante dont il déroule le fil de ses souvenirs avec une quantité de détails indiquant un bel effort de mémoire. Sa personnalité se dessine clairement à travers les âges, et l’on voit son évolution sans qu’il ait besoin de la souligner. Sur la forme, le dessin est agréable et fluide, mais certaines planches manquent de clarté : il m’est arrivé plusieurs fois d’hésiter sur l’ordre de lecture des images et des textes, tant les lignes se chevauchent. Cela donne un aspect un peu brouillon, certes dynamique, mais parfois confus. En outre, à mesure que le récit avance, de nouveaux personnages apparaissent sans véritable introduction, ce qui complique la lecture. Dans les dernières pages, j’étais parfois perdu quant à l’identité de certains d’entre eux. Enfin, il élude souvent la question de ses relations amoureuses : on comprend qu’il est en couple, mais sans jamais savoir comment ces histoires ont commencé ni ce qu’elles ont représenté pour lui. À l’inverse, plusieurs passages se révèlent d’une intensité émotionnelle remarquable. Son récit d’accident et de convalescence, quand il n’était pas encore sûr de ne pas finir paralysé à vie, est particulièrement touchant. Tout comme celui de la mort de son petit frère, qu’il fait revivre deux fois : d’abord au moment où il apprend la nouvelle, alors qu’il dessinait un chapitre précédent de cet album, puis plus tard, quand le fil chronologique de son histoire l’amène à affronter pleinement ce souvenir et à le faire ressentir au lecteur. C’est un album dense et foisonnant, parfois un peu long ou inégal, avec une mise en page qui peut manquer de clarté. Mais au-delà de ces défauts mineurs, il s’agit d’un témoignage de vie fascinant, celui d’un artiste que je ne connaissais pas et dont la personnalité m’a surpris autant qu’elle m’a touché. Très différent de la personne que je suis, Fred Bernard parvient pourtant à créer un lien sincère avec son lecteur, grâce à une honnêteté et une humanité rares dans l’autobiographie dessinée.
Jeanne et Cierges
L'excellent Dialogues, puis le franchement bon Salade César (dans lequel il entamait sa collaboration avec Duparcmeur) m'avaient fait découvrir un auteur talentueux, dans un registre que j'apprécie beaucoup, à savoir l'humour absurde et/ou con. Mais, depuis, je trouve qu'il peine à retrouver sur tout un album la percussion du gag omniprésente dans les deux séries citées plus haut. Cet album confirme cette frustration, même si, honnêtement, il se révèle plaisant à lire, et si certains dialogues sont amusants. C'est surtout le personnage de Dieu, dépassé par ce que font certaines de ses créatures - Jeanne d'Arc en tête - qui est drôle, en vieux bonhomme que personne ne voit ou ne considère comme il le souhaiterait. Mais c'est inégal, et parfois un peu poussif. Il faut dire que ce type d'humour absurde est de plus en plus utilisé (Fabcaro entre autre l'a placé très haut), que Dieu ou Jeanne d'Arc ont déjà été de nombreuses fois caricaturés, parodiés, et que Karibou lui-même multiplie les albums de ce genre. La surprise, essentielle pour renforcer la force de ce type de gags, est donc de plus en plus difficile à provoquer. Mais bon, ça reste quand même suffisamment amusant pour que je n'insiste pas plus sur ce qui a pu me laisser sur ma faim. Quand au dessin de Duparcmeur, c'est son habituel style réaliste et figé, usant souvent d'une certaine itération iconique - elle aussi de plus en plus à la mode - qui est adapté à ce type d'humour.
Claude Gueux
Je ne connais pas l'œuvre originale, mais je retrouve bien dans cette histoire les idées de Victor Hugo : la dénonciation de la misère et des injustices qu'elle entraîne, mais aussi celle de la peine de mort. Je ne sais pas si le texte d'Hugo était long, mais ici tout est traité de façon simple et assez lapidaire. Cela renforce la violence subie par Gueux (voir les premières scènes où il est contraint de voler pour sauver de la faim et du froid sa famille), mais cela empêche de nuancer certains passages, un peu manichéens concernant le directeur de prison froidement antipathique qui pousse Gueux à bout. L'album est vite lu, et vaut avant tout pour les messages véhiculés. Note réelle 3,5/5.
Freedom Hospital
Un album intéressant, mais peut-être pas autant que je ne l'escomptais en l'entamant. Le gros de l'histoire se déroule dans les premiers temps de la guerre civile syrienne (l'héroïne espère même dans un dialogue qu'elle ne durera plus que quelques semaines !). On est dans une petite ville provinciale éloignée de Damas. Tout tourne autour d'une jeune infirmière faisant fonctionner un hôpital clandestin pour soigner les victimes de la violente répression du régime Assad. Nous suivons aussi une dizaine de personnages d'horizons variés, plus ou moins impliqués dans les luttes et plus ou moins radicaux (l'un d'entre eux finit même leader local du califat de Daech en formation dans le chaos syrien). Il y a aussi une journaliste franco-syrienne, amie de l'héroïne, venue faire un reportage clandestin de terrain. Pendant longtemps j'ai cru lire un reportage, jusqu'à ce qu'on apprenne que, si l'auteur s'est inspiré d'évènements réels, c'est en fait un roman graphique. Bizarre. Le décompte lancinant des morts, entre chaque "moment " dramatise le récit, qui s'étire parfois trop, et on voit bien que la brutalité de la répression fait basculer certains vers des solutions extrêmes. Mais cette évolution est traitée un peu trop rapidement sur la fin. Et en plus l'album se termine un peu "gentiment ", alors même que la guerre n'en est qu'à ses débuts, rien n'est conclu, loin de là hélas. Le dessin est inégal, pas toujours facile à déchiffrer, même si le choix d'un Noir et Blanc tranché est judicieux pour ce type de récit.
La Bouteille
2.5 Une lecture légère comme c'est le cas des autres collections d'albums qui se lisent en 2 minutes. Pour rendre une histoire courte mémorable, il faut une idée forte et j'ai l'impression que les auteurs réussis à moitié. En effet, j'aime bien l'idée de départ, mais la fin m'a un peu déçu. C'est pas mauvais, mais un peu banal comme fin je trouve. J'ai plus apprécié les discussions entre les membres de la famille pour savoir quoi faire de la bouteille. J'ai retrouvé les dialogues savoureux que j'aime tant chez Trondheim. Le dessin est sympa. À lire si on est un fan de Trondheim et qu'on veut tout lire de lui.
Que faire des juifs ?
Sfar continue son autobiographique et ses questions sur l'avenir des juifs depuis la monté de l'antisémite. C'est un livre très dense et très long, un peu long avec des longueurs. Il parle de sa famille, de l'actualité du moment (comme l'élection législative française de 2024...et il parle même pas des résultats, j'imagine que ça va l'être dans sa prochaine autobiographie de 500 pages), l'histoire de la diaspora juive, la guerre à Gaza....On va croiser plusieurs personnages historiques et aussi des gens que rencontrent Sfar durant la production de son livre. C'est un livre riche en thématique et peut-être un peu trop. Par exemple, le voyage de Sfar à Tel-Aviv aurait pu être l'objet de sa propre BD. Ce n'est pas un livre à lire en entier parce qu'à la longue on dirait que l'auteur tourne un peu en ronds et se répète. Je ne suis pas certains d'adhéré 100 % au discours de l'auteur, mais au moins il me pousse à réfléchir et j'aime mieux ça que ceux qui ont comme seul argument des slogans. Il y a des passages que j'ai bien aimé et d'autres moins....faut dire que parfois il y a tellement de textes que c'est un peu illisible. Mention spécial lorsque les notes de bas de pages sont plus longs que le reste du texte de la page !
Divine colonie
Persuadé de retrouver dans le Nouveau Monde une vision religieuse qu'il croit être celle du paradis, un jeune noble s'embarque vers les colonies, plein de foi et d'idéaux. Mais une fois sur place, il découvre surtout la brutalité, l'hypocrisie et la folie des hommes. À travers ses yeux, on passe de l'espoir mystique à la désillusion la plus sombre : la foi devient fanatisme, la mission divine vire à la barbarie, et le paradis espéré se change en enfer. Nicolas Presl livre un récit dérangeant, entièrement muet. Tout passe par le dessin si personnel de l'auteur. Malgré l'absence de dialogues, la narration est fluide, très visuelle, avec des compositions soignées et des symboles clairs. On sent une maîtrise technique réelle et une ambition artistique presque biblique dans la mise en scène de la chute morale du héros. Le voyage prend la forme d'une descente aux enfers, à la fois religieuse et humaine. Ses thématiques mêlent foi, désir, culpabilité et violence coloniale dans une atmosphère tragique. Même si l'approche reste parfois exigeante, j'ai trouvé le fond assez fort et chargé d'une portée morale et symbolique qui dépasse le simple cadre du récit historique. Toutefois, comme pour Priape, la précédente oeuvre du même auteur, j'ai toujours du mal avec son style graphique. Son trait taillé à la serpe, très anguleux, privilégie les déformations et une forme de laideur volontaire. C'est certes expressif et percutant, mais cette esthétique des corps et des visages a tendance à me rebuter, ce qui m'empêche de pleinement entrer dans le récit. On ne peut cependant pas nier que cette dureté visuelle renforce le malaise général, certainement voulu par l'auteur. Divine Colonie est une œuvre singulière, clairement pensée pour bousculer le lecteur. J'ai trouvé l'ensemble fort et riche en symboles, mais aussi assez austère, voire étouffant. C'est le genre de BD que je referme en me disant qu'il faut saluer la démarche artistique, sans pour autant avoir envie d'y replonger immédiatement.
M is for Monster
3e album de la récente collection Waves créée chez Delcourt, et c'est sans doute celui qui m'aura le moins emballé. Cet album présenté comme un remake de Frankenstein peine à embarquer le lecteur ; il m'aura fallu attendre les deux tiers de la BD pour enfin être accroché par le récit. L'album nous raconte l'histoire de deux soeurs jumelles, Frances et Maura, passionnées par les sciences. On frôle l'occulte et le fantastique s'invite naturellement dans leur environnement jusqu'à un incident tragique lors d'une expérience au cours de laquelle Maura décède. Francès n'aura de cesse de faire revenir sa soeur à la vie ; détermination qui finira par payer, car une de ses expériences conduit au miracle... ou presque... Car si c'est bien le corps rafistolé de Maura, au niveau conscience et souvenirs, ce n'est pas la même... "Maura", aidée de la "vraie" (qui apparait dans les miroirs) va tenter de donner le change jusqu'au moment ou elle va péter les plombs... Et pour le coup, c'est à partir de ce moment que le récit décolle... Dommage, car on en est déjà au dernier tiers de l'album ! Côté graphisme Talia Dutton impose une patte qui manque peut-être encore un peu de maturité mais prometteur. Sa gestion des noirs au niveau encrage m'a beaucoup plu, et ses découpages sont souvent biens pensés. Je suis moins enthousiaste sur cette colorisation monochrome qui joue sur un camaïeu de bleus. Bref, un début d'album qui prend trop de temps à lancer véritablement l'histoire, un déséquilibre qui pénalise l'appréciation globale de cette BD. 2.5/5
Erzurum
Cette collection du Cycliste avait l’intérêt de pouvoir faire découvrir un auteur pour pas cher, dans un format très peu épais qui hélas avait aussi l’inconvénient de frustrer le lecteur qui, comme moi ici – aurait bien vu l’histoire se développer davantage. Mais c’était sans doute la première publication de Supiot. Un conte oriental vite lu donc, mais pas sans intérêt. D’abord, si l’intrigue en elle-même n’est pas très étoffée, et si elle est un peu linéaire, la narration, essentiellement sous forme de commentaires en appui du dessin est déroulée sous une forme un peu poétique (le texte est discrètement versifié). Le point fort de cet album reste quand même le dessin de Martin, qui lui aussi débutait. Si son trait est parfois – rarement en fait – mal assuré – il est le plus souvent très bon, et très beau. Un beau Noir et Blanc, avec un trait fin dans les deux premiers tiers du récit, puis plusieurs styles et techniques se superposent sur la fin, avec un résultat très plaisant. Un petit conte sympathique.