Ma connaissance des kaiju se limite, pour l'heure, à des films comme Godzilla (celui d'Emmerich, à ma grande honte), ainsi que Pacific Rim (ok, c'est un peu mieux. Sans oublier le roman original japonais qui a inspiré la franchise Gojira à partir des années 1950. C'est maigre, et ce manga est l'occasion de saisir un peu plus l'essence de ce sous-genre très populaire au Pays du Soleil Levant.
Ici Gaea-Tima est un monstre qui a provoqué la destruction de toute une ville avant de se dissoudre dans la Mer du Japon, avant de réapparaître dix ans plus tard, dans le sillage d'une survivante de la catastrophe, avec un lien tout particulier, et cette fois peut-être dans la peau du sauveur... L'histoire est assez intéressante pour qui s'intéresse aux mythes shintô, qui ont par exemple inspiré les films de Miyazaki, comme Nausicaä de la Vallée du Vent. Ainsi le Japon, qui subit nombre de catastrophes climatiques tous les ans, a intégré cela dans son quotidien, dans sa culture, dans sa littérature. Et y voit parfois des bienfaits, comme lorsque la nature reprend ses droits après telle ou telle catastrophe... Cette dualité est présente dans les personnages de Miyako et Tatsurumi, chacun incarnant un sentiment opposé concernant Gaea-Tima, le kaiju qui a ravagé la ville une décennie plus tôt.
C'est plutôt sympa, et cet aspect sociologique lié au folklore m'intéresse particulièrement? je suis curieux de voir comment cela va évoluer dans les tomes à venir...
Il s'est passé des choses vraiment sales en Irak, et celles que le photographe Ali Arkady a vues en font clairement partie. Au-delà des horreurs évidentes de la guerre et des exactions de l'État Islamique, j'avais déjà été écœuré par Bagdad Inc., qui montrait comment des sociétés de mercenaires comme Blackwater, et bien d'autres entreprises proches des cercles Cheney/Rumsfeld, avaient profité du chaos pour s'enrichir sur fond de corruption sanglante à l'échelle mondiale. Ici, c'est un autre pan tout aussi sinistre qui est exposé : les crimes de guerre, les tortures, les exécutions d'innocents, perpétrés par l'armée irakienne de libération soutenue par les Américains, dans une forme de revanche aveugle contre quiconque ayant croisé la route de l'État Islamique, volontairement ou non.
Ali Arkady, photographe reporter, a accompagné une unité militaire irakienne qu'il a suivie pendant des mois, jusqu'à la libération de Mossoul. Il admirait au départ ces soldats qui prétendaient vouloir sauver et non détruire, et il documentait leurs actions avec respect. Mais peu à peu, il a été témoin d'actes insoutenables, jusqu'à décider de les dénoncer, rompant la confiance qui le liait à ces hommes et s'exposant, lui et sa famille, à de graves menaces de représailles.
Le récit est grave, documenté avec sobriété, et témoigne d'une démarche courageuse. Il montre comment Ali s'est rapproché de l'horreur, au plus près, pour en rapporter les preuves. La tension est présente, l'engagement est réel, et l'ensemble est solidement informé. Pourtant, malgré l'intensité des faits, la narration reste relativement plate. Le lecteur n'est jamais complètement happé. La mise en forme est trop factuelle, trop documentaire, pour restituer pleinement la violence du drame humain vécu sur place. On s'y perd aussi un peu dans les personnages secondaires. Et en même temps, je suis resté perplexe sur les raisons qui ont bien pu pousser les coupables de ces actes terrible à accepter d'avoir un photographe qui les suit et prend en photo leurs crimes si c'est pour ensuite lui dire qu'il faudrait vraiment qu'il les efface et ne les diffuse jamais.
Cette lecture est certes utile, elle alerte, elle éveille les consciences sur des réalités ignorées ou cachées. Mais elle peine à bouleverser. On en ressort informé, conscientisé, mais pas véritablement ébranlé. Le choc des faits est là, mais pas celui de la mise en récit.
Cestac et Pennac s'associent pour nous proposer une histoire d'amour insolite et plaisante bien dans l'esprit de l'écrivain. J'ai beaucoup aimé la construction du récit qui nous propose un amour un peu en trompe l'œil qui est surtout là pour ouvrir à l'amour des livres et introduire la thématique Amour dans la littérature. Roméo et Juliette, Tristan et Iseult, Paul et Virginie, Swann restent à travers les siècles des œuvres à portée universelle dans l'égalité des genres. Conformément à la tradition littéraire Pennac fait de ses deux héros des marginaux qui vont à l'encontre des valeurs sociétales de leur époque. Conformément à la tradition littéraire Pennac réunit les deux amants pour l'éternité. Le récit est drôle et intelligent mais il manque un côté dramatique pour vraiment l'inscrire dans les pas de ses illustres prédécesseurs. C'est là ma principale réserve sur le fond de l'histoire. La relation de Jean et Germaine ne dure qu'en s'appuyant sur l'acceptation bienveillante des codes bourgeois: mariage, héritage rentier, petite propriété de retraités avant l'heure. Nous sommes loin de l'exemplarité dramatique de la thématique principale.
Je suis assez réticent au graphisme de Cestac trop uniforme dans sa représentation humaine qui fait presque penser à une représentation animalière. Pourtant ici j'ai été séduit par le rythme et l'humour que l'autrice parvient à insuffler à la narration. De plus je suis très fan de ce type de mise en couleurs vives qui donnent un air de gaité au récit. Ainsi pour moi le récit renvoie plus à des références cinématographiques des années 70 comme "Max et les ferrailleurs" ou "César et Rosalie".
Cela reste une belle lecture agréable, plaisante et intelligente. Un bon 3.
J'avais lu Le Livre de la Jungle dans sa version Folio Junior avec mes enfants. C'est à ce moment que j'ai pu distinguer les différences avec la version Disney très édulcorée pour les enfants. Cette version Manga suit au plus près le déroulé de l'histoire de Kipling. C'est d'ailleurs une caractéristique de cette collection qui ne s'éloigne pas trop des œuvres originales adaptées. Le second avantage de cette série est de proposer les autres nouvelles qui accompagnent l'histoire de Mowgli dans l'œuvre de Kipling. On a donc un découpage en sept livres : les trois premiers pour Mowgli puis des récits courts exotiques sur un phoque blanc, une mangouste tueuse de cobras, un petit guide pour éléphants et enfin une parade de l'armée impériale britannique des Indes. Quelques poèmes ou chansons accompagnent certains épisodes, ce qui procurent des pauses dans les récits aventureux.
C'est donc une véritable découverte de cette œuvre pourtant très connue.
Malheureusement le graphisme de Julien Choy reste assez inabouti à de nombreux endroits. Le trait est grossier, peu détaillé et abusant des déformations. Cela reste suffisamment dynamique pour que la lecture ne soit pas ennuyeuse.
2.5
Un one-shot qui montre le voyage à travers les États-Unis de John Muir, un écrivain que je ne connaissais pas du tout.
Encore une fois, j'ai trouvé moyen une BD qui a enthousiasmé plusieurs aviseurs. Je peux comprendre que cette œuvre ait plu à plusieurs. Il y a des qualités dont le dessin qui est magnifique. Les paysages sont superbes et j'aime ce style de dessin réaliste dynamique et très bien en noir et blanc (je n’ose imaginer le résultat avec des couleurs). Le scénario a de quoi plaire aux fans de naturalisme. J'ai rien contre ce genre de récit, mais le scénario ne m'a pas emballé plus que ça. J'ai surtout eu l'impression de voir une série de scénettes à l'intérêt varié. Rien dans cet album ne m'a touché ou bouleversé.
Je me demande si mon appréhension différente d'autres lecteurs ne vient pas d'une différence culturelle. Pour un lecteur européen, le voyage de Muir est vraiment dépaysant, alors que pour quelqu'un comme moi qui vit en Amérique du Nord et qui connait bien sa géographie et son histoire, j'ai pas eu l'impression d'avoir eu grand chose de nouveau à me mettre sous la dent.
Un récit sympathique sur l’enfance. En tout cas sur quelques moments de l’enfance de l’auteur en Tunisie (on imagine la part autobiographique importante dans ce récit).
J’ai bien aimé le dessin de Néjib, que j’avais découvert avec le très bon Stupor Mundi. Un trait moderne et vif, parfaitement adapté au ton décousu du récit, et aux « aventures » des gamins que nous suivons. Très peu détaillé, sans que ce soit frustrant.
Ma légère frustration viendrait plutôt du récit lui-même, que j’aurais aimé voir un chouia plus développé, plus densifié. Le récit se lit très vite, et seuls quelques ressorts dramatiques lui permettent de n’être pas trop lisse. En particulier autour du maître d’école, qui sera à l’origine d’échanges très violents avec les gamins, dans une surenchère brutale, jusqu’à une petite révélation finale, qui donne une tonalité plus amère et « adulte » à l’histoire.
Histoire qui se termine un peu brutalement, on ne nous donne à voir que quelques jours de la vie de ces gamins.
Mais bon, si ça n’atteint pas la force de certains récits d’enfance (comme le Le Petit Christian), ça reste néanmoins une lecture très sympathique.
C’est la deuxième série abandonnée de Régis Hautière que je lis coup sur coup (après Le Marin, l'Actrice et la Croisière Jaune), et là encore c’est plutôt regrettable. Là peut-être même encore davantage.
Car ce tome inaugural présentait bien le contexte (la période trouble durant laquelle le président de la République Louis-Napoléon Bonaparte préparait le terrain pour faire son coup d’État et devenir empereur), et il avait très bien installé les personnages. J’ai même été étonné que Hautière n’hésite pas à se débarrasser de certains personnages que l’on pensait devoir suivre bien plus longtemps. Magouilles politiques, arnaques financières, personnages ambigus, secrets de famille commençant à effleurer : il y a de quoi captiver le lecteur, avec une narration fluide et agréable.
Le dessin est lui aussi très fluide, même si je ne le trouve pas forcément très détaillé (les visages en particulier).
En tout cas, les révélations en forme de teasing dans les dernières pages frustrent le lecteur, qui n’aura jamais la suite et la fin de cette histoire, qui hélas ne se suffit pas à elle-même, comme indiquée sur la fiche).
Ça n’est pas forcément ma came. En effet, c’est très court (comme tous les albums de cette collection), et c’est franchement sirupeux, presque édifiant – sans dépasser non plus certaines limites. Disons que c’est parfaitement adapté à un jeune lectorat, et que ça passe très difficilement la barrière de l’âge. C’est à l’aune du public visé que je l’évalue donc.
Car il y a des bons sentiments, et c’est bourré de positif. Prendre sur soi, faire confiance aux autres pour nous aider lorsque on traverse une période difficile (ici la mère de Merlin atteinte d’une maladie grave). Et puis finalement l’amour qui triomphe de tout. Carpe Diem, tel semble être le leitmotiv des albums où apparaissent les mêmes personnages (j'avais lu il y a quelques temps Jeannot).
Le dessin de Maurel est lui aussi plein de rondeurs. Lisible et agréable en tout cas.
C'est en consultant le site que j'ai découvert avec surprise que cette série avait été primé en 2018 par le Jury d'Angoulême. L'œuvre de Marion Fayolle est effectivement originale s'essayant à des ponts entre BD, théâtre et poésie sur une thématique universelle. On remarque d'ailleurs l'accord utilisé pour le titre qui introduit le lectorat à un régime poétique et soutenu. La construction se démarque d'un récit linéaire et utilise une technique qui rappelle le versification avec de nombreux retour . L'image de la danse et du chant est d'ailleurs souvent reprise dans le récit. J'ai trouvé cette lecture assez intello avec un texte rare mais recherché. Nous sommes donc loin de la série commerciale et je reconnais la créativité et le risque pris par l'autrice et son (petit) éditeur. Pourtant je ne suis pas totalement satisfait de ma lecture.
En premier lieu 260 pages c'est trop. Trop pour la planète et trop pour mon confort de lecture. L'ouvrage est lourd et difficile à manipulé dans son lit. Ensuite le graphisme est trop minimaliste sans décor, avec des personnages plats, aux expressions uniquement gestuelles dans les mêmes tenues du début à la fin. Même si cela fait partie de la mise en scène souhaitée par l'autrice la lecture devient lassante . Cela me rappelle le théâtre ou le cinéma d'Auteurs plus ou moins hermétiques réservés aux salles d'Art et d'Essais.
Une curiosité pour amateur de créativité.
En quelques images au trait souple et épuré, l'autrice canadienne Qin Leng illustre des instants du quotidien de son jeune fils : ses jeux, son imaginaire, les histoires du soir ou de simples échanges amusants. À travers ces moments d'apparence anodine mais chargés d'émotion, elle saisit la tendresse et la magie de l'enfance, telle qu'elle peut être perçue à hauteur de parent.
C'est un album mignon, délicat. Le dessin est doux, clair, fluide. Les scènes, parfois muettes, évoquent davantage des instants saisis sur le vif que de véritables récits. On sent une grande sincérité, une vraie sensibilité dans le regard porté sur l'enfance. Et tout parent s'y reconnaîtra probablement, que ce soit dans une posture, un jeu, une manière de parler ou de s'évader.
Mais ce n'est pas un album qui parlera à tout le monde. Par moments, il évoque ces bandes dessinées sur les chats où les auteurs se laissent attendrir par les moindres mimiques de leur compagnon à poils. Si on n'est pas soi-même touché par le sujet, ici l'enfance plutôt que les chats, on risque de rester à distance. Car il n'y a ni intrigue, ni tension, ni véritable humour : juste une succession de petites scènes tendres, presque suspendues. C'est charmant, mais cela peut aussi vite paraître plat ou trop sucré pour qui ne partage pas cette émotion. Un de ces livres qui émeuvent les parents attendris… et laissent les autres de marbre.
En France, les livres sont au même prix partout. C'est la loi !
Avec BDfugue, vous payez donc le même prix qu'avec les géants de la vente en ligne mais pour un meilleur service :
des promotions et des goodies en permanence
des réceptions en super état grâce à des cartons super robustes
une équipe joignable en cas de besoin
2. C'est plus avantageux pour nous
Si BDthèque est gratuit, il a un coût.
Pour financer le service et le faire évoluer, nous dépendons notamment des achats que vous effectuez depuis le site. En effet, à chaque fois que vous commencez vos achats depuis BDthèque, nous touchons une commission. Or, BDfugue est plus généreux que les géants de la vente en ligne !
3. C'est plus avantageux pour votre communauté
En choisissant BDfugue plutôt que de grandes plateformes de vente en ligne, vous faites la promotion du commerce local, spécialisé, éthique et indépendant.
Meilleur pour les emplois, meilleur pour les impôts, la librairie indépendante promeut l'émergence des nouvelles séries et donc nos futurs coups de cœur.
Chaque commande effectuée génère aussi un don à l'association Enfance & Partage qui défend et protège les enfants maltraités. Plus d'informations sur bdfugue.com
Pourquoi Cultura ?
Indépendante depuis sa création en 1998, Cultura se donne pour mission de faire vivre et aimer la culture.
La création de Cultura repose sur une vision de la culture, accessible et contributive. Nous avons ainsi considéré depuis toujours notre responsabilité sociétale, et par conviction, développé les pratiques durables et sociales. C’est maintenant au sein de notre stratégie de création de valeur et en accord avec les Objectifs de Développement Durable que nous déployons nos actions. Nous traitons avec lucidité l’impact de nos activités, avec une vision de long terme. Mais agir en responsabilité implique d’aller bien plus loin, en contribuant positivement à trois grands enjeux de développement durable.
Nos enjeux environnementaux
Nous sommes résolument engagés dans la réduction de notre empreinte carbone, pour prendre notre part dans la lutte contre le réchauffement climatique et la préservation de la planète.
Nos enjeux culturels et sociétaux
La mission de Cultura est de faire vivre et aimer la culture. Pour cela, nous souhaitons stimuler la diversité des pratiques culturelles, sources d’éveil et d’émancipation.
Nos enjeux sociaux
Nous accordons une attention particulière au bien-être de nos collaborateurs à la diversité, l’inclusion et l’égalité des chances, mais aussi à leur épanouissement, en encourageant l’expression des talents artistiques.
Votre vote
Great Kaiju - Gaea-Tima
Ma connaissance des kaiju se limite, pour l'heure, à des films comme Godzilla (celui d'Emmerich, à ma grande honte), ainsi que Pacific Rim (ok, c'est un peu mieux. Sans oublier le roman original japonais qui a inspiré la franchise Gojira à partir des années 1950. C'est maigre, et ce manga est l'occasion de saisir un peu plus l'essence de ce sous-genre très populaire au Pays du Soleil Levant. Ici Gaea-Tima est un monstre qui a provoqué la destruction de toute une ville avant de se dissoudre dans la Mer du Japon, avant de réapparaître dix ans plus tard, dans le sillage d'une survivante de la catastrophe, avec un lien tout particulier, et cette fois peut-être dans la peau du sauveur... L'histoire est assez intéressante pour qui s'intéresse aux mythes shintô, qui ont par exemple inspiré les films de Miyazaki, comme Nausicaä de la Vallée du Vent. Ainsi le Japon, qui subit nombre de catastrophes climatiques tous les ans, a intégré cela dans son quotidien, dans sa culture, dans sa littérature. Et y voit parfois des bienfaits, comme lorsque la nature reprend ses droits après telle ou telle catastrophe... Cette dualité est présente dans les personnages de Miyako et Tatsurumi, chacun incarnant un sentiment opposé concernant Gaea-Tima, le kaiju qui a ravagé la ville une décennie plus tôt. C'est plutôt sympa, et cet aspect sociologique lié au folklore m'intéresse particulièrement? je suis curieux de voir comment cela va évoluer dans les tomes à venir...
L'Homme qui en a trop vu
Il s'est passé des choses vraiment sales en Irak, et celles que le photographe Ali Arkady a vues en font clairement partie. Au-delà des horreurs évidentes de la guerre et des exactions de l'État Islamique, j'avais déjà été écœuré par Bagdad Inc., qui montrait comment des sociétés de mercenaires comme Blackwater, et bien d'autres entreprises proches des cercles Cheney/Rumsfeld, avaient profité du chaos pour s'enrichir sur fond de corruption sanglante à l'échelle mondiale. Ici, c'est un autre pan tout aussi sinistre qui est exposé : les crimes de guerre, les tortures, les exécutions d'innocents, perpétrés par l'armée irakienne de libération soutenue par les Américains, dans une forme de revanche aveugle contre quiconque ayant croisé la route de l'État Islamique, volontairement ou non. Ali Arkady, photographe reporter, a accompagné une unité militaire irakienne qu'il a suivie pendant des mois, jusqu'à la libération de Mossoul. Il admirait au départ ces soldats qui prétendaient vouloir sauver et non détruire, et il documentait leurs actions avec respect. Mais peu à peu, il a été témoin d'actes insoutenables, jusqu'à décider de les dénoncer, rompant la confiance qui le liait à ces hommes et s'exposant, lui et sa famille, à de graves menaces de représailles. Le récit est grave, documenté avec sobriété, et témoigne d'une démarche courageuse. Il montre comment Ali s'est rapproché de l'horreur, au plus près, pour en rapporter les preuves. La tension est présente, l'engagement est réel, et l'ensemble est solidement informé. Pourtant, malgré l'intensité des faits, la narration reste relativement plate. Le lecteur n'est jamais complètement happé. La mise en forme est trop factuelle, trop documentaire, pour restituer pleinement la violence du drame humain vécu sur place. On s'y perd aussi un peu dans les personnages secondaires. Et en même temps, je suis resté perplexe sur les raisons qui ont bien pu pousser les coupables de ces actes terrible à accepter d'avoir un photographe qui les suit et prend en photo leurs crimes si c'est pour ensuite lui dire qu'il faudrait vraiment qu'il les efface et ne les diffuse jamais. Cette lecture est certes utile, elle alerte, elle éveille les consciences sur des réalités ignorées ou cachées. Mais elle peine à bouleverser. On en ressort informé, conscientisé, mais pas véritablement ébranlé. Le choc des faits est là, mais pas celui de la mise en récit.
Un Amour exemplaire
Cestac et Pennac s'associent pour nous proposer une histoire d'amour insolite et plaisante bien dans l'esprit de l'écrivain. J'ai beaucoup aimé la construction du récit qui nous propose un amour un peu en trompe l'œil qui est surtout là pour ouvrir à l'amour des livres et introduire la thématique Amour dans la littérature. Roméo et Juliette, Tristan et Iseult, Paul et Virginie, Swann restent à travers les siècles des œuvres à portée universelle dans l'égalité des genres. Conformément à la tradition littéraire Pennac fait de ses deux héros des marginaux qui vont à l'encontre des valeurs sociétales de leur époque. Conformément à la tradition littéraire Pennac réunit les deux amants pour l'éternité. Le récit est drôle et intelligent mais il manque un côté dramatique pour vraiment l'inscrire dans les pas de ses illustres prédécesseurs. C'est là ma principale réserve sur le fond de l'histoire. La relation de Jean et Germaine ne dure qu'en s'appuyant sur l'acceptation bienveillante des codes bourgeois: mariage, héritage rentier, petite propriété de retraités avant l'heure. Nous sommes loin de l'exemplarité dramatique de la thématique principale. Je suis assez réticent au graphisme de Cestac trop uniforme dans sa représentation humaine qui fait presque penser à une représentation animalière. Pourtant ici j'ai été séduit par le rythme et l'humour que l'autrice parvient à insuffler à la narration. De plus je suis très fan de ce type de mise en couleurs vives qui donnent un air de gaité au récit. Ainsi pour moi le récit renvoie plus à des références cinématographiques des années 70 comme "Max et les ferrailleurs" ou "César et Rosalie". Cela reste une belle lecture agréable, plaisante et intelligente. Un bon 3.
Le Livre de la Jungle (Manga)
J'avais lu Le Livre de la Jungle dans sa version Folio Junior avec mes enfants. C'est à ce moment que j'ai pu distinguer les différences avec la version Disney très édulcorée pour les enfants. Cette version Manga suit au plus près le déroulé de l'histoire de Kipling. C'est d'ailleurs une caractéristique de cette collection qui ne s'éloigne pas trop des œuvres originales adaptées. Le second avantage de cette série est de proposer les autres nouvelles qui accompagnent l'histoire de Mowgli dans l'œuvre de Kipling. On a donc un découpage en sept livres : les trois premiers pour Mowgli puis des récits courts exotiques sur un phoque blanc, une mangouste tueuse de cobras, un petit guide pour éléphants et enfin une parade de l'armée impériale britannique des Indes. Quelques poèmes ou chansons accompagnent certains épisodes, ce qui procurent des pauses dans les récits aventureux. C'est donc une véritable découverte de cette œuvre pourtant très connue. Malheureusement le graphisme de Julien Choy reste assez inabouti à de nombreux endroits. Le trait est grossier, peu détaillé et abusant des déformations. Cela reste suffisamment dynamique pour que la lecture ne soit pas ennuyeuse.
Au cœur des solitudes
2.5 Un one-shot qui montre le voyage à travers les États-Unis de John Muir, un écrivain que je ne connaissais pas du tout. Encore une fois, j'ai trouvé moyen une BD qui a enthousiasmé plusieurs aviseurs. Je peux comprendre que cette œuvre ait plu à plusieurs. Il y a des qualités dont le dessin qui est magnifique. Les paysages sont superbes et j'aime ce style de dessin réaliste dynamique et très bien en noir et blanc (je n’ose imaginer le résultat avec des couleurs). Le scénario a de quoi plaire aux fans de naturalisme. J'ai rien contre ce genre de récit, mais le scénario ne m'a pas emballé plus que ça. J'ai surtout eu l'impression de voir une série de scénettes à l'intérêt varié. Rien dans cet album ne m'a touché ou bouleversé. Je me demande si mon appréhension différente d'autres lecteurs ne vient pas d'une différence culturelle. Pour un lecteur européen, le voyage de Muir est vraiment dépaysant, alors que pour quelqu'un comme moi qui vit en Amérique du Nord et qui connait bien sa géographie et son histoire, j'ai pas eu l'impression d'avoir eu grand chose de nouveau à me mettre sous la dent.
Haute enfance
Un récit sympathique sur l’enfance. En tout cas sur quelques moments de l’enfance de l’auteur en Tunisie (on imagine la part autobiographique importante dans ce récit). J’ai bien aimé le dessin de Néjib, que j’avais découvert avec le très bon Stupor Mundi. Un trait moderne et vif, parfaitement adapté au ton décousu du récit, et aux « aventures » des gamins que nous suivons. Très peu détaillé, sans que ce soit frustrant. Ma légère frustration viendrait plutôt du récit lui-même, que j’aurais aimé voir un chouia plus développé, plus densifié. Le récit se lit très vite, et seuls quelques ressorts dramatiques lui permettent de n’être pas trop lisse. En particulier autour du maître d’école, qui sera à l’origine d’échanges très violents avec les gamins, dans une surenchère brutale, jusqu’à une petite révélation finale, qui donne une tonalité plus amère et « adulte » à l’histoire. Histoire qui se termine un peu brutalement, on ne nous donne à voir que quelques jours de la vie de ces gamins. Mais bon, si ça n’atteint pas la force de certains récits d’enfance (comme le Le Petit Christian), ça reste néanmoins une lecture très sympathique.
Pour tout l'or du monde
C’est la deuxième série abandonnée de Régis Hautière que je lis coup sur coup (après Le Marin, l'Actrice et la Croisière Jaune), et là encore c’est plutôt regrettable. Là peut-être même encore davantage. Car ce tome inaugural présentait bien le contexte (la période trouble durant laquelle le président de la République Louis-Napoléon Bonaparte préparait le terrain pour faire son coup d’État et devenir empereur), et il avait très bien installé les personnages. J’ai même été étonné que Hautière n’hésite pas à se débarrasser de certains personnages que l’on pensait devoir suivre bien plus longtemps. Magouilles politiques, arnaques financières, personnages ambigus, secrets de famille commençant à effleurer : il y a de quoi captiver le lecteur, avec une narration fluide et agréable. Le dessin est lui aussi très fluide, même si je ne le trouve pas forcément très détaillé (les visages en particulier). En tout cas, les révélations en forme de teasing dans les dernières pages frustrent le lecteur, qui n’aura jamais la suite et la fin de cette histoire, qui hélas ne se suffit pas à elle-même, comme indiquée sur la fiche).
Merlin
Ça n’est pas forcément ma came. En effet, c’est très court (comme tous les albums de cette collection), et c’est franchement sirupeux, presque édifiant – sans dépasser non plus certaines limites. Disons que c’est parfaitement adapté à un jeune lectorat, et que ça passe très difficilement la barrière de l’âge. C’est à l’aune du public visé que je l’évalue donc. Car il y a des bons sentiments, et c’est bourré de positif. Prendre sur soi, faire confiance aux autres pour nous aider lorsque on traverse une période difficile (ici la mère de Merlin atteinte d’une maladie grave). Et puis finalement l’amour qui triomphe de tout. Carpe Diem, tel semble être le leitmotiv des albums où apparaissent les mêmes personnages (j'avais lu il y a quelques temps Jeannot). Le dessin de Maurel est lui aussi plein de rondeurs. Lisible et agréable en tout cas.
Les Amours suspendues
C'est en consultant le site que j'ai découvert avec surprise que cette série avait été primé en 2018 par le Jury d'Angoulême. L'œuvre de Marion Fayolle est effectivement originale s'essayant à des ponts entre BD, théâtre et poésie sur une thématique universelle. On remarque d'ailleurs l'accord utilisé pour le titre qui introduit le lectorat à un régime poétique et soutenu. La construction se démarque d'un récit linéaire et utilise une technique qui rappelle le versification avec de nombreux retour . L'image de la danse et du chant est d'ailleurs souvent reprise dans le récit. J'ai trouvé cette lecture assez intello avec un texte rare mais recherché. Nous sommes donc loin de la série commerciale et je reconnais la créativité et le risque pris par l'autrice et son (petit) éditeur. Pourtant je ne suis pas totalement satisfait de ma lecture. En premier lieu 260 pages c'est trop. Trop pour la planète et trop pour mon confort de lecture. L'ouvrage est lourd et difficile à manipulé dans son lit. Ensuite le graphisme est trop minimaliste sans décor, avec des personnages plats, aux expressions uniquement gestuelles dans les mêmes tenues du début à la fin. Même si cela fait partie de la mise en scène souhaitée par l'autrice la lecture devient lassante . Cela me rappelle le théâtre ou le cinéma d'Auteurs plus ou moins hermétiques réservés aux salles d'Art et d'Essais. Une curiosité pour amateur de créativité.
Fantastique Lou
En quelques images au trait souple et épuré, l'autrice canadienne Qin Leng illustre des instants du quotidien de son jeune fils : ses jeux, son imaginaire, les histoires du soir ou de simples échanges amusants. À travers ces moments d'apparence anodine mais chargés d'émotion, elle saisit la tendresse et la magie de l'enfance, telle qu'elle peut être perçue à hauteur de parent. C'est un album mignon, délicat. Le dessin est doux, clair, fluide. Les scènes, parfois muettes, évoquent davantage des instants saisis sur le vif que de véritables récits. On sent une grande sincérité, une vraie sensibilité dans le regard porté sur l'enfance. Et tout parent s'y reconnaîtra probablement, que ce soit dans une posture, un jeu, une manière de parler ou de s'évader. Mais ce n'est pas un album qui parlera à tout le monde. Par moments, il évoque ces bandes dessinées sur les chats où les auteurs se laissent attendrir par les moindres mimiques de leur compagnon à poils. Si on n'est pas soi-même touché par le sujet, ici l'enfance plutôt que les chats, on risque de rester à distance. Car il n'y a ni intrigue, ni tension, ni véritable humour : juste une succession de petites scènes tendres, presque suspendues. C'est charmant, mais cela peut aussi vite paraître plat ou trop sucré pour qui ne partage pas cette émotion. Un de ces livres qui émeuvent les parents attendris… et laissent les autres de marbre.