3.5
J'ai enfin pu lire cette bande dessinée qui fait sans aucun doute partie des albums les plus populaires de la rentrée 2019. Globalement, j'ai bien aimé ma lecture, car je m'attendais à mieux au vu des avis que j'ai lus ici et un peu partout sur les sites de BD. Mes attentes étaient peut-être un peu trop élevées. Même si je ne crie pas au chef d'oeuvre comme plusieurs, j'ai trouvé que c'était un bon récit....la plupart du temps. Car oui, durant deux moments de ma lecture, je me suis un peu ennuyé.
Le livre est divisé en trois parties. La première partie est pas mal, mais un peu longue et vers les dernières pages de ce chapitre, je me demandais quand est-ce qu'on allait passer à autre chose. Heureusement, le second chapitre est vraiment excellent. Le récit est captivant de la première à la dernière page et à ce moment j'étais presque prêt à mettre 5 étoiles...et puis la troisième partie arrive et c'est le chapitre le moins intéressant du livre. Mon intérêt a donc baissé au fil que je le lisais et franchement je trouve que la fin est mauvaise. Elle s'étire et je trouve que c'était un peu n'importe quoi. Bref, après m'avoir captivé durant une bonne centaine de pages, le récit finit en eau de boudin.
Du coup je ne sais même pas quelle note donner parce que si j'ai bien aimé sur la majorité de l'album, ce dernier chapitre gâche tout. Je vais tout de même donner 4 étoiles parce que les parties que j'ai aimées sont vraiment extraordinaires, mais je conseille surtout un emprunt à la bibliothèque pour ce faire une idée avant un achat vu que le livre est cher.
Ah oui j'ai oublié de parler du dessin. Il est très beau et dynamique, mais pour je ne sais quelle raison j'ai trouvé que le trait de Guarnido était plus beau dans Blacksad. Peut-être que je préfère le voir dessiner des animaux et non des humains...
En fait j'ai bien aimé cette histoire mais il m'a fallu du temps. Toute la première partie de l'album j'ai trouvé ça un brin longuet, il n'y avait pour moi rien d'extraordinaire que de voir cette jeune fille comme une touriste lambda qui déambulait dans un pays étranger. Dès l’instant de la rencontre entre Lolita et Lo Thi Gom les choses évoluent vers cet apprivoisement entre deux êtres, deux cultures. Je trouve que les moments les plus fascinants sont en fait ceux où Lolita est de retour dans son pays et plus particulièrement à Montréal, lorsqu'elle fait l'expérience du deuil, de la séparation.
Quelques réflexions sur l'inéluctabilité de nos vies sont bien venues et peuvent résonner chez chaque lecteur.
Récit introspectif et initiatique c'est pour moi une belle découverte qui montre la grande sensibilité de son auteure qui contrairement à ce que l'on pourrait penser n'a peut être pas eu une vie de "petite fille riche". Certainement à lire.
Cela faisait des années que j'attendais un nouveau Paul avec impatience et après cet album je vais devoir attendre encore très longtemps car l'auteur a expliqué qu'il n'avait plus grand chose à raconter.
On retrouve un Paul qui a vieilli, divorcé de sa femme et qui a une mère malade. Le pauvre Paul semble n'avoir que des problèmes et l'auteur donne une version glauque de la vieillesse qui ne donne pas du tout envie de vieillir. Alors que je suis habitué à un Paul plus jeune, plus enthousiaste et énergique, ici il broie du noir. Rabagliati mélange la fiction et l'auto-biographie et c'est encore plus mis en avant ici vu que Paul est devenu un auteur de BD qui sort des livres sur lui-même avec les mêmes titres et le même éditeur que dans la réalité et pour avoir lu les dernières interviews de Rabagliati, il est clair qu'il agit maintenant comme le pauvre Paul qui est maintenant seul, ne semble avoir que des problèmes et n'aime pas trop ce monde moderne où tout le monde a un ipad. Je pense que ce qui m'a surtout frappé est à quel point il est seul. Avant, il était la plupart du temps avec sa femme, sa fille, sa famille ou des copains. Ici, la majorité de l'album le montre dans des scènes où il est seul ou encore isolé du monde extérieur.
J'ai pris du plaisir à lire cet album. L'auteur a vraiment le chic pour rendre captivants les moments quotidiens les plus anodins et les plus ennuyeux. Il y a tout de même quelques trucs qui m'ont gêné. La dernière fois que l'auteur avait été aussi loin dans la vie de Paul, cela se terminait en 1999 et ici on est en 2011. J'aurais aimé quelques flashbacks qui montrent un peu ce qui s'est passé durant les années 2000, surtout en ce qui concerne le divorce de Paul. Ici, on a juste droit aux explications minimales. Il y a aussi le fait que sa fille va partir en Angleterre et que le récit se termine lorsqu'elle part et j'aurais bien aimé savoir comment a été son séjour.
Donc pour moi, ce n'est pas le meilleur Paul, mais cela reste une bonne lecture dynamique et remplie d'émotions. Peut-être que je vais encore mieux adorer durant une relecture. Je pense qu'il faut que je m'habitue au ton qui est différent des autres Paul. À lire si on n'est pas allergique aux romans graphiques qui parlent de la vie de tous les jours.
Fabulissime,
Après son adaptation fort réussie de Les Montagnes Hallucinées, Gou Tanabe nous en remet une couche avec ce sublime Dans l'abîme du temps, dernier récit du maitre de Providence qui de son vivant ne connut pas le succès qu'il méritait étant sans doute trop en avance sur son temps ou bien trop novateur de par les sujets qu'il traitait. Cette nouvelle est une de mes préférées de Lovecraft tout près de " Le cauchemar d'Innsmouth" dont j'attends l'adaptation avec grande hâte.
Dans ce récit et comme dans Les Montagnes Hallucinées, Gou Tanabe a réussi le pari d'adapter l’œuvre en épurant le style littéraire de Lovecraft qui il faut bien le dire était parfois un peu suranné, l'auteur employant d'ailleurs souvent des termes anglais déjà obsolètes au moment où les nouvelles furent écrites. Sans moderniser le texte , Tanabe offre un récit puissant qui vaut bien sûr par son dessin. Je pense dans ce récit à la page d'ouverture nous montrant la bibliothèque de la Grande Race : il y a du Druillet dans cette planche, ce qui bien sûr n'est pas pour me déplaire. Dans l’œuvre de Lovecraft, les personnages sont bien souvent pour ne pas dire toujours à la limite de la folie, les expériences intérieures ou non qu'ils vivent les placent dans un état tel qu'ils ont du mal à faire la différence entre le réel et le monde onirique. Tanabe avec son style de visage un peu figé arrive paradoxalement à transmettre au lecteur ce sentiment d'angoisse ressenti par les personnages.
C'est donc un presque impossible défi que Tanabe relève ici et de fort belle manière. Si l'on ajoute à cela encore une fois une très belle édition utilisant le similicuir, rappel évident du célèbre "Necronomicon", il n'y a plus qu'à se ruer sur l'objet dont la lecture est indispensable pour tout amateur qui se respecte. Grandiose.
Si vous aimez les comédies romantiques à l’Américaine, voilà très certainement un récit à ne pas rater ! Car ici les deux mots qui composent ce genre sont on ne peut plus mis à l’honneur.
La comédie d’abord, avec un personnage masculin d’une maladresse charmante, d’une balourdise enchanteresse, d’une distraction envoûtante. Ce type est un fléau sympathique et certaines de ses mésaventures m’ont vraiment fait rire aux éclats (mention spéciale à ‘os du cul’). Cet humour par moments décalé m’a pris au dépourvu avec une première incursion page 12, cinquième case (visible dans la galerie), qui pour moi caractérise au mieux cet art de surprendre le lecteur en l’emmenant là où il ne s’attendait pas à atterrir.
La romance ensuite car ce récit est avant tout une histoire d’amour (avec adjonction d’eau de rose). Une histoire cousue de fil blanc bien dans l’esprit des récits ‘feel good’ où l’on sait d’avance que tout finira bien et que le tendre bisou marquera la fin de l’aventure. Et c’est con à dire… mais j’étais content pour ces personnages que tout cela débouche finalement sur ce happy end d’une totale simplicité.
Côté dessin, j’ai bien aimé l’expressivité des personnages et la rondeur du trait. L’emploi du noir et blanc ne m’a pas gêné du tout et je trouve même que cela apporte au récit un petit côté « De mal en pis » qui lui convient bien.
Rares sont les comédies romantiques qui m’ont convaincu dans l’univers de la bande dessinée. « The Cute Girl Network » y est parvenu haut la main ! Du coup, je ne peux que dire « franchement bien !! » (et encore, je trouve ça assez réducteur).
Que voilà un chouette récit policier ! Il nous raconte le destin d’un groupuscule terroriste inspiré par les mouvements radicaux d’extrême gauche qui ont défrayé les chroniques durant les années ’80 (Action Directe en France, Cellules Communistes Combattantes en Belgique ou encore Brigades Rouges en Italie).
Le récit que nous en offre Sylvain Ricard est extrêmement réaliste et pimenté par l’infiltration d’un jeune agent de police au sein de ce groupe. Par cet apport, l’intérêt de l’album est double. Il y a dans un premier temps l’aspect politique (et l’on constate avec dépit que les motivations de ces mouvements de gauche d’il y a 40 ans sont les mêmes qui animent des mouvements comme les gilets jaunes aujourd’hui. La précarité, le chômage, l’Etat voyou : rien n’a changé sous le ciel étoilé). Et dans un deuxième temps, le suspense nous happe car ce jeune policier, à force de s’investir dans le groupe, finit par développer des sentiments contradictoires… et on ne sait plus trop de quel côté il se situe.
Franchement, que ce soit pour le côté historique ou pour sa dimension fictionnelle, ce récit m’a beaucoup plu.
Côté dessin deux styles sont employés. L’un pour recréer l’époque (dessin de figures marquantes, extraits de journal parlé, etc…) est très réaliste et peu engageant. L’autre, utilisé pour tout ce qui est fiction (ce qui constitue la majeure partie de l’album), m’est au contraire apparu très agréable, lisible et dynamique. La combinaison de ces deux styles couplée à l’emploi du noir et blanc donne à cet album un aspect ‘documentaire-fiction’ qui peut effrayer… mais qui me semble convenir parfaitement à l’esprit du récit.
Au final, voilà une très chouette petite trouvaille. Un album qui ne paie pas de mine mais qui se révèle extrêmement bien fait dans ce genre.
Sans être aussi dithyrambique qu’Alix (que je remercie au passage pour avoir attiré mon attention sur cet album), j’ai bien apprécié cette plongée dans l’horreur.
Le gros point fort, pour moi, est double. Il y a tout d’abord la manière dont Jason Aaron brosse les profils de ses deux personnages principaux. Il y a ensuite cet emploi d’hallucinations vues par ces deux personnages.
Les deux profils, d’abord, nous permettent d’avoir deux approches différentes. Le jeune Vietnamien s’engage avant tout pour défendre sa terre. Il mène un combat pour sa survie et pour son indépendance. Bien sûr l’endoctrinement est présent mais ses motivations sont nobles. C’est l’agressé, le résistant. Le jeune Américain, lui, ne voit pas pourquoi il devrait aller se battre de l’autre côté de la planète dans un pays et pour une population qu’il exècre d’avance. C’est l’agresseur, l’envahisseur, mais un envahisseur contraint et forcé, sans idéal, sans ambition, sans illusions, bien conscient de ne mener ce combat que pour des intérêts économiques dont il ne tirera jamais le moindre bénéfice. Mais si leurs motivations sont diamétralement opposées, s’ils combattent pour des camps adverses, si l’un se retrouvera au bout du fusil de l’autre, ces deux hommes sont unis par l’horreur de la guerre, face à l’absurdité de ces morts en cascade, face à l’épuisement, face à la folie. La manière dont les monologues finissent par rebondir d'un personnage à l'autre (au point que l'on a parfois l'impression que l'un finit la phrase de l'autre) symbolise parfaitement cette communion de pensée... car les deux personnages sont fondamentalement sur la même longueur d'onde.
La folie, l'absurdité de la guerre… C’est finalement le sujet central du récit, très bien illustré par ces hallucinations qui se lovent de manière de plus en plus forte dans la vision du monde de ces deux soldats. L’un est rapidement ‘borderline’ et sa folie m’est apparue comme un ultime rempart avant qu’il ne perde son humanité. Et l’autre y sombrera aussi au fil du récit, au fil de l’horreur.
La fin de l’album est également très forte dans sa manière d’unir la folie et la mort, symbolisant ainsi toute l’absurdité de la guerre.
Seul bémol pour moi : le dessin. Non qu’il soit mauvais mais j’ai une fois de plus pu constater qu’un dessin de bande dessinée ne parvenait pas à m’effrayer. Des vers ont beau sortir d’une jambe, une tête peut bien être décollée de son corps, cela ne me choque pas, ne m’émeut pas. Et du coup, autant j’ai aimé l’aspect psychologique de cet album, autant le côté démonstratif du dessin m’a laissé de marbre.
Pas franchement bien, mais bien quand même. Un album qui mérite d’être lu et qui, j’en suis sûr, ravira plus d’un lecteur.
On va de surprise en surprise avec les éditions Ankama qui non seulement nous dégotent de jolis talents bien de chez nous pour leur label 619 mais également quelques figures de proues de la scène indépendante comme cet OVNI tout droit sorti de l'imagination débridée de son auteur Dan Hipp.
Gyakushu ! (Vengeance !) ne donne pourtant pas très envie a priori. Les pages représentées ici même ne donnent guère envie avec un dessin très (trop ?) épuré a priori.
L'histoire de vengeance inspirée d'un Kill Bill ou de Lady SnowBlood dans un monde Dark Fantasy n'a en soi rien de fichtrement original.
Les références de duel à la Sergio Leone sont également légion ainsi l'identité du voleur, principal protagoniste, est soigneusement éludée de la même façon que l'homme sans nom incarné par Clint Eastwood dans la trilogie du dollar.
Ce voleur, sorte de Robin des Bois un rien désinvolte, brave les autorités par jeu afin de dérober moult trésors.
Souhaitant élever son fils à l'abri avec sa compagne dans une contrée lointaine, il va être retrouvé par un sinistre Empereur et laissé pour mort après le massacre de sa propre famille.
Ressuscité sous la forme d'une créature recouverte de bandelettes, il est grand temps de régler les comptes à ses agresseurs 15 ans plus tard dans un pays dévasté par la tyrannie de son principal ennemi....
Avec un tel pitch il y a plusieurs façons d'opérer... Soit on s'y prend très au sérieux sous peine de se vautrer dans le ridicule des plus convenus soit on profite de la minceur du scénario et de sa banalité pour en faire un gros délire propre aux expériences graphiques et narratives des plus variées....
Et Dan Hipp a heureusement choisi la deuxième option en multipliant cadrages nerveux et un usage du noir et blanc à la Scott Pilgrim pour alterner scènes de flashbacks et de nombreux charcutages bien rythmés.
L'utilisation d'un mystérieux narrateur rythmant le récit à sa guise en nous envoyant dans le passé ou le présent du Voleur est plutôt ingénieuse car on évite la linéarité d'un récit convenu tout en ayant droit à quelques pincées d'humour plus que bienvenues.
Il n'y a rien de révolutionnaire dans tout cela et les 200 pages du premier tome s'avèrent être une simple mise en bouche divertissante et pourtant son cliffhanger interpelle quant à l'issue de cette histoire. Comme le dit si bien le narrateur de cette histoire : Tout va mal finir !
Le second volume éclate davantage l'ordre narratif en virevoltant dans le présent et le passé sans que l'on soit pour autant perdu grâce à l'aide de ce mystérieux narrateur.
Une fois de plus, pas de quartier avec trois frères psychopathes complètement allumés du cigare et un commanditaire masqué qui semble bien connaître notre héros...
Quelques amputations plus tard et des révélations qui relancent la mécanique et notre intérêt un rien perturbé par ce mélange pop et indépendant et on arrive déjà à la fin de ce chapitre avec pas mal de réponses mais avec de nouvelles questions en suspens.
Le troisième et ultime volet offre son lot de surprises et résout toutes les intrigues en cours. C'est la lecture de ce dernier acte qui justifie l’intérêt de toute la série au complet. S'y révèle même un soupçon imaginé de tension et d’émotions qu'on n'a pas vu du tout venir. Du grand art.
Dan Hipp manipule parfaitement la narration et en joue diaboliquement avec le lecteur pour offrir une digne fin à la hauteur d’une grande saga.
Utilisant les mécanismes d’une narration éclatée et tout autant de révélations qui redonnent une toute autre lecture à Gyakushu, une fois la dernière page tournée toute la richesse d'un scénario parfaitement écrit.
La patte graphique est loin d'être simpliste, Dan Hipp est avant tout un illustrateur de renom Outre-Atlantique qui a su adapter des règles purement cinématographiques pour dynamiser sa mise en scène. Gyakushu est un incroyable melting-pot d’influences et de saveurs uniques.
D’un intérêt initial plus qu’incertain, l'auteur a su rendre captivante une histoire de vengeance et l'étoffer pour rendre le récit haletant jusqu'à la dernière case.
Les personnages ont beau être peu développés, on comprend leurs motivations et ambitions en quelques cases.
Du coup l’ensemble est plus que hautement recommandable et Dan Hipp offre un lot de passages épiques voire bouleversants sans abandonner aucun de ses protagonistes.
C’est bien la caractéristique des grandes œuvres cultes, celles qui n’auront jamais un impact commercial monstrueux mais qui auront touché ou diverti les quelques bonnes âmes courageuses pour les découvrir.
À noter un travail d’édition remarquable de la part d’Ankama. Belle découverte pour ma part. :)
J'avais une grande envie de lire cette BD qui est si bien notée sur BDthèque mais qui est presque inconnue en dehors (et même sur BDthèque, finalement ...). Et surtout, une BD qui n'a pas marqué plus que cela vu le temps passé depuis sa sortie (et après lecture je n'aurais pas cru qu'elle était si vieille, presque trente ans !). D'autant que l'auteur n'a rien fait et que j'aurais beaucoup aimé découvrir un nouvel opus de cet auteur atypique. Et au final ... Eh bien je suis vraiment émerveillé !
Enfin, plutôt surpris, la surprise étant le maître mot de cette série selon moi. Une surprise qui est venue de partout, à commencer par ce dessin très serré, presque trop d'ailleurs. Il faut souvent plisser des yeux pour arriver à bien lire les cases, et plusieurs d'entre elles sont chargées. Mais cela n'empêche pas le dessin de trouver une certaine grâce, une élégance (quoique j'ai cru remarquer que l'auteur aimait un peu trop les profils de ses personnages, heureusement ça s'améliore au fur et à mesure du temps) qui rajoute beaucoup à l'ensemble. Et je ne parle pas de l'ambiance qui est distillée par ce dessin dans des teintes plutôt sombres, avec des foisonnements d'idées dans les décors, les personnages et les visuels. Un mélange de SF et de fantasy, rehaussé de trouvailles architecturales. Mais un mélange qui arrive à ne pas sembler brouillon ni saugrenu. Et pourtant il y aurait eu moyen d'être rapidement blasé visuellement. C'est rempli de petits détails que j'ai pris plaisir à trouver, et je ne doute pas que j'en trouverai plein d'autres à la relecture.
Niveau histoire, c'est bien plus corsé que je l'aurais pensé au premier tome. Bien que le triptyque offre une conclusion satisfaisante à l'histoire, elle aura beaucoup évolué depuis la trame annoncée au début, et j'en suis assez satisfait. C'est surprenant à ce niveau-là, parce que l'intrigue explorait des pistes déjà vues en terme de prophéties, d'histoire d'amour en construction ou de méchants qui reviennent de leurs retraites, et pourtant tout va évoluer selon une logique différente. L'auteur va prendre le temps de développer son histoire de manière très rapide, en un seul tome il se passe une quantité de choses incroyable qui rajoutent autant en densité du monde qu'en densité des personnage. Et même si je n'ai pas tout compris, notamment au niveau des doubles suboniriques, j'ai adoré les possibilités que l'auteur s’octroie, et le fait que l'ensemble s'articule parfaitement. Le mélange de dieux anciens (ou quelque chose dans le genre), conflit entre nations, déesse mythiques, élue, quête d'immortalité, conditions de populations inférieures, magie et technologie, il y a moyen de créer une soupe indigeste. Et pourtant je suis sous le charme de ce qui s'apparente à un conte étonnant. Le mélange des genres ne semble absolument pas indigeste, mais fait naviguer dans un mélange de fable ou de conte, et un ajout de quelque chose de moderne. C'est assez inexplicable, d'autant que l'humour est bien présent, qu'on a quelques personnages bien trouvés comme le pirate à grande gueule mais sympathique ou le bandit dramaturge.
C'est surtout cette narration qui tient à différentes choses que je trouve réellement merveilleuses, dans le sens où elle fait sentir quelque chose de merveilleux, d'irréel, de l'ordre du conte. La narration m'a tenu en haleine suffisamment pour que je dévore les trois tomes en une nuit au lieu de dormir, et pourtant la lenteur de la lecture aurait pu me ralentir. Mais quelque chose, une de ces inexplicables forces, travers ce récit et m'a tenu jusqu'au bout. Et j'aime ce genre de choses.
Je ne suis pas aveugle à quelques défauts de la BD, au niveau des dessins où l'on se demande parfois si l'auteur n'a pas du mal à faire autre chose que des profils, voir de l'histoire avec quelques pistes narratives un peu trop obscures, ou même une fin qui peut être insatisfaisante même si elle conclut toutes les trames. Mais c'est du pinaillage, parce que je me suis vraiment laissé entrainer dans une histoire qui sort des sentiers battus et qui a cette inspiration narrative qui me retient. J'ai adoré ma lecture, et je sens que c'est ce genre d'histoire que je vais devoir prendre le temps de relire, tranquillement et posément, afin d'en savourer tous les aspects. Ça faisait longtemps que je n'avais pas été plongé ainsi dans un autre monde, et chaque fois qu'une BD me le refait je redécouvre ce plaisir. Inutile de préciser que ce fut le cas ici !
Ces deux auteurs nous avaient livré il y a quelques années L'Héritage du Diable, une série sympathique mêlant ésotérisme avec la grande Histoire, série que j'avais beaucoup appréciée.
Cette fois-ci le tandem nous revient avec un western, et quel western!
Derrière une magnifique couverture, que l'on ait opté pour le tirage de luxe ou le tirage normal, nous découvrons une histoire assez inattendue.
Outre un scénario qui n'est pas avare en surprises, et qui défie tout ce que l'on attendait d'un western classique, il faut souligner la qualité exceptionnelle du dessin de Paul Gastine. Quels progrès depuis L'Héritage du Diable.
Avec des plans très cinématographiques (jetez un coup d’œil à la troisième case de la page 49), Gastine nous offre des planches somptueuses. Il est très à l'aise dans les scènes nocturnes, assez nombreuses dans cette histoire.
J'avoue avoir choisi l'édition grand format, en tirage de luxe pour admirer le dessin. J'attendais depuis plusieurs mois la sortie de cet album, après avoir découvert quelques planches sur certains sites, et mon attente a été à la hauteur de ce que j'espérais.
Car ce one shot, il faut souligner qu'il s'agit d'un one-shot, est sublime.
Jérôme Félix a l'habileté de nous offrir, derrière un début de scénario somme toute assez classique, souvent traité au cinéma (le déclin des cow-boys et l'émergence du chemin de fer) une histoire d'amitié, d'engagement qui va virer au cauchemar.
J'ai déjà relu cet album deux fois tant cette histoire m'a enthousiasmé, et je vous invite à découvrir ce one-shot, qui, avec Les Indes fourbes sera à mon avis, un des meilleurs albums de cette année.
En France, les livres sont au même prix partout. C'est la loi !
Avec BDfugue, vous payez donc le même prix qu'avec les géants de la vente en ligne mais pour un meilleur service :
des promotions et des goodies en permanence
des réceptions en super état grâce à des cartons super robustes
une équipe joignable en cas de besoin
2. C'est plus avantageux pour nous
Si BDthèque est gratuit, il a un coût.
Pour financer le service et le faire évoluer, nous dépendons notamment des achats que vous effectuez depuis le site. En effet, à chaque fois que vous commencez vos achats depuis BDthèque, nous touchons une commission. Or, BDfugue est plus généreux que les géants de la vente en ligne !
3. C'est plus avantageux pour votre communauté
En choisissant BDfugue plutôt que de grandes plateformes de vente en ligne, vous faites la promotion du commerce local, spécialisé, éthique et indépendant.
Meilleur pour les emplois, meilleur pour les impôts, la librairie indépendante promeut l'émergence des nouvelles séries et donc nos futurs coups de cœur.
Chaque commande effectuée génère aussi un don à l'association Enfance & Partage qui défend et protège les enfants maltraités. Plus d'informations sur bdfugue.com
Pourquoi Cultura ?
Indépendante depuis sa création en 1998, Cultura se donne pour mission de faire vivre et aimer la culture.
La création de Cultura repose sur une vision de la culture, accessible et contributive. Nous avons ainsi considéré depuis toujours notre responsabilité sociétale, et par conviction, développé les pratiques durables et sociales. C’est maintenant au sein de notre stratégie de création de valeur et en accord avec les Objectifs de Développement Durable que nous déployons nos actions. Nous traitons avec lucidité l’impact de nos activités, avec une vision de long terme. Mais agir en responsabilité implique d’aller bien plus loin, en contribuant positivement à trois grands enjeux de développement durable.
Nos enjeux environnementaux
Nous sommes résolument engagés dans la réduction de notre empreinte carbone, pour prendre notre part dans la lutte contre le réchauffement climatique et la préservation de la planète.
Nos enjeux culturels et sociétaux
La mission de Cultura est de faire vivre et aimer la culture. Pour cela, nous souhaitons stimuler la diversité des pratiques culturelles, sources d’éveil et d’émancipation.
Nos enjeux sociaux
Nous accordons une attention particulière au bien-être de nos collaborateurs à la diversité, l’inclusion et l’égalité des chances, mais aussi à leur épanouissement, en encourageant l’expression des talents artistiques.
Votre vote
Les Indes fourbes
3.5 J'ai enfin pu lire cette bande dessinée qui fait sans aucun doute partie des albums les plus populaires de la rentrée 2019. Globalement, j'ai bien aimé ma lecture, car je m'attendais à mieux au vu des avis que j'ai lus ici et un peu partout sur les sites de BD. Mes attentes étaient peut-être un peu trop élevées. Même si je ne crie pas au chef d'oeuvre comme plusieurs, j'ai trouvé que c'était un bon récit....la plupart du temps. Car oui, durant deux moments de ma lecture, je me suis un peu ennuyé. Le livre est divisé en trois parties. La première partie est pas mal, mais un peu longue et vers les dernières pages de ce chapitre, je me demandais quand est-ce qu'on allait passer à autre chose. Heureusement, le second chapitre est vraiment excellent. Le récit est captivant de la première à la dernière page et à ce moment j'étais presque prêt à mettre 5 étoiles...et puis la troisième partie arrive et c'est le chapitre le moins intéressant du livre. Mon intérêt a donc baissé au fil que je le lisais et franchement je trouve que la fin est mauvaise. Elle s'étire et je trouve que c'était un peu n'importe quoi. Bref, après m'avoir captivé durant une bonne centaine de pages, le récit finit en eau de boudin. Du coup je ne sais même pas quelle note donner parce que si j'ai bien aimé sur la majorité de l'album, ce dernier chapitre gâche tout. Je vais tout de même donner 4 étoiles parce que les parties que j'ai aimées sont vraiment extraordinaires, mais je conseille surtout un emprunt à la bibliothèque pour ce faire une idée avant un achat vu que le livre est cher. Ah oui j'ai oublié de parler du dessin. Il est très beau et dynamique, mais pour je ne sais quelle raison j'ai trouvé que le trait de Guarnido était plus beau dans Blacksad. Peut-être que je préfère le voir dessiner des animaux et non des humains...
Les Brumes de Sapa
En fait j'ai bien aimé cette histoire mais il m'a fallu du temps. Toute la première partie de l'album j'ai trouvé ça un brin longuet, il n'y avait pour moi rien d'extraordinaire que de voir cette jeune fille comme une touriste lambda qui déambulait dans un pays étranger. Dès l’instant de la rencontre entre Lolita et Lo Thi Gom les choses évoluent vers cet apprivoisement entre deux êtres, deux cultures. Je trouve que les moments les plus fascinants sont en fait ceux où Lolita est de retour dans son pays et plus particulièrement à Montréal, lorsqu'elle fait l'expérience du deuil, de la séparation. Quelques réflexions sur l'inéluctabilité de nos vies sont bien venues et peuvent résonner chez chaque lecteur. Récit introspectif et initiatique c'est pour moi une belle découverte qui montre la grande sensibilité de son auteure qui contrairement à ce que l'on pourrait penser n'a peut être pas eu une vie de "petite fille riche". Certainement à lire.
Paul à la maison
Cela faisait des années que j'attendais un nouveau Paul avec impatience et après cet album je vais devoir attendre encore très longtemps car l'auteur a expliqué qu'il n'avait plus grand chose à raconter. On retrouve un Paul qui a vieilli, divorcé de sa femme et qui a une mère malade. Le pauvre Paul semble n'avoir que des problèmes et l'auteur donne une version glauque de la vieillesse qui ne donne pas du tout envie de vieillir. Alors que je suis habitué à un Paul plus jeune, plus enthousiaste et énergique, ici il broie du noir. Rabagliati mélange la fiction et l'auto-biographie et c'est encore plus mis en avant ici vu que Paul est devenu un auteur de BD qui sort des livres sur lui-même avec les mêmes titres et le même éditeur que dans la réalité et pour avoir lu les dernières interviews de Rabagliati, il est clair qu'il agit maintenant comme le pauvre Paul qui est maintenant seul, ne semble avoir que des problèmes et n'aime pas trop ce monde moderne où tout le monde a un ipad. Je pense que ce qui m'a surtout frappé est à quel point il est seul. Avant, il était la plupart du temps avec sa femme, sa fille, sa famille ou des copains. Ici, la majorité de l'album le montre dans des scènes où il est seul ou encore isolé du monde extérieur. J'ai pris du plaisir à lire cet album. L'auteur a vraiment le chic pour rendre captivants les moments quotidiens les plus anodins et les plus ennuyeux. Il y a tout de même quelques trucs qui m'ont gêné. La dernière fois que l'auteur avait été aussi loin dans la vie de Paul, cela se terminait en 1999 et ici on est en 2011. J'aurais aimé quelques flashbacks qui montrent un peu ce qui s'est passé durant les années 2000, surtout en ce qui concerne le divorce de Paul. Ici, on a juste droit aux explications minimales. Il y a aussi le fait que sa fille va partir en Angleterre et que le récit se termine lorsqu'elle part et j'aurais bien aimé savoir comment a été son séjour. Donc pour moi, ce n'est pas le meilleur Paul, mais cela reste une bonne lecture dynamique et remplie d'émotions. Peut-être que je vais encore mieux adorer durant une relecture. Je pense qu'il faut que je m'habitue au ton qui est différent des autres Paul. À lire si on n'est pas allergique aux romans graphiques qui parlent de la vie de tous les jours.
Dans l'abîme du temps (Tanabe)
Fabulissime, Après son adaptation fort réussie de Les Montagnes Hallucinées, Gou Tanabe nous en remet une couche avec ce sublime Dans l'abîme du temps, dernier récit du maitre de Providence qui de son vivant ne connut pas le succès qu'il méritait étant sans doute trop en avance sur son temps ou bien trop novateur de par les sujets qu'il traitait. Cette nouvelle est une de mes préférées de Lovecraft tout près de " Le cauchemar d'Innsmouth" dont j'attends l'adaptation avec grande hâte. Dans ce récit et comme dans Les Montagnes Hallucinées, Gou Tanabe a réussi le pari d'adapter l’œuvre en épurant le style littéraire de Lovecraft qui il faut bien le dire était parfois un peu suranné, l'auteur employant d'ailleurs souvent des termes anglais déjà obsolètes au moment où les nouvelles furent écrites. Sans moderniser le texte , Tanabe offre un récit puissant qui vaut bien sûr par son dessin. Je pense dans ce récit à la page d'ouverture nous montrant la bibliothèque de la Grande Race : il y a du Druillet dans cette planche, ce qui bien sûr n'est pas pour me déplaire. Dans l’œuvre de Lovecraft, les personnages sont bien souvent pour ne pas dire toujours à la limite de la folie, les expériences intérieures ou non qu'ils vivent les placent dans un état tel qu'ils ont du mal à faire la différence entre le réel et le monde onirique. Tanabe avec son style de visage un peu figé arrive paradoxalement à transmettre au lecteur ce sentiment d'angoisse ressenti par les personnages. C'est donc un presque impossible défi que Tanabe relève ici et de fort belle manière. Si l'on ajoute à cela encore une fois une très belle édition utilisant le similicuir, rappel évident du célèbre "Necronomicon", il n'y a plus qu'à se ruer sur l'objet dont la lecture est indispensable pour tout amateur qui se respecte. Grandiose.
The Cute Girl Network
Si vous aimez les comédies romantiques à l’Américaine, voilà très certainement un récit à ne pas rater ! Car ici les deux mots qui composent ce genre sont on ne peut plus mis à l’honneur. La comédie d’abord, avec un personnage masculin d’une maladresse charmante, d’une balourdise enchanteresse, d’une distraction envoûtante. Ce type est un fléau sympathique et certaines de ses mésaventures m’ont vraiment fait rire aux éclats (mention spéciale à ‘os du cul’). Cet humour par moments décalé m’a pris au dépourvu avec une première incursion page 12, cinquième case (visible dans la galerie), qui pour moi caractérise au mieux cet art de surprendre le lecteur en l’emmenant là où il ne s’attendait pas à atterrir. La romance ensuite car ce récit est avant tout une histoire d’amour (avec adjonction d’eau de rose). Une histoire cousue de fil blanc bien dans l’esprit des récits ‘feel good’ où l’on sait d’avance que tout finira bien et que le tendre bisou marquera la fin de l’aventure. Et c’est con à dire… mais j’étais content pour ces personnages que tout cela débouche finalement sur ce happy end d’une totale simplicité. Côté dessin, j’ai bien aimé l’expressivité des personnages et la rondeur du trait. L’emploi du noir et blanc ne m’a pas gêné du tout et je trouve même que cela apporte au récit un petit côté « De mal en pis » qui lui convient bien. Rares sont les comédies romantiques qui m’ont convaincu dans l’univers de la bande dessinée. « The Cute Girl Network » y est parvenu haut la main ! Du coup, je ne peux que dire « franchement bien !! » (et encore, je trouve ça assez réducteur).
Unité Combattante Trudaine
Que voilà un chouette récit policier ! Il nous raconte le destin d’un groupuscule terroriste inspiré par les mouvements radicaux d’extrême gauche qui ont défrayé les chroniques durant les années ’80 (Action Directe en France, Cellules Communistes Combattantes en Belgique ou encore Brigades Rouges en Italie). Le récit que nous en offre Sylvain Ricard est extrêmement réaliste et pimenté par l’infiltration d’un jeune agent de police au sein de ce groupe. Par cet apport, l’intérêt de l’album est double. Il y a dans un premier temps l’aspect politique (et l’on constate avec dépit que les motivations de ces mouvements de gauche d’il y a 40 ans sont les mêmes qui animent des mouvements comme les gilets jaunes aujourd’hui. La précarité, le chômage, l’Etat voyou : rien n’a changé sous le ciel étoilé). Et dans un deuxième temps, le suspense nous happe car ce jeune policier, à force de s’investir dans le groupe, finit par développer des sentiments contradictoires… et on ne sait plus trop de quel côté il se situe. Franchement, que ce soit pour le côté historique ou pour sa dimension fictionnelle, ce récit m’a beaucoup plu. Côté dessin deux styles sont employés. L’un pour recréer l’époque (dessin de figures marquantes, extraits de journal parlé, etc…) est très réaliste et peu engageant. L’autre, utilisé pour tout ce qui est fiction (ce qui constitue la majeure partie de l’album), m’est au contraire apparu très agréable, lisible et dynamique. La combinaison de ces deux styles couplée à l’emploi du noir et blanc donne à cet album un aspect ‘documentaire-fiction’ qui peut effrayer… mais qui me semble convenir parfaitement à l’esprit du récit. Au final, voilà une très chouette petite trouvaille. Un album qui ne paie pas de mine mais qui se révèle extrêmement bien fait dans ce genre.
De l'autre côté
Sans être aussi dithyrambique qu’Alix (que je remercie au passage pour avoir attiré mon attention sur cet album), j’ai bien apprécié cette plongée dans l’horreur. Le gros point fort, pour moi, est double. Il y a tout d’abord la manière dont Jason Aaron brosse les profils de ses deux personnages principaux. Il y a ensuite cet emploi d’hallucinations vues par ces deux personnages. Les deux profils, d’abord, nous permettent d’avoir deux approches différentes. Le jeune Vietnamien s’engage avant tout pour défendre sa terre. Il mène un combat pour sa survie et pour son indépendance. Bien sûr l’endoctrinement est présent mais ses motivations sont nobles. C’est l’agressé, le résistant. Le jeune Américain, lui, ne voit pas pourquoi il devrait aller se battre de l’autre côté de la planète dans un pays et pour une population qu’il exècre d’avance. C’est l’agresseur, l’envahisseur, mais un envahisseur contraint et forcé, sans idéal, sans ambition, sans illusions, bien conscient de ne mener ce combat que pour des intérêts économiques dont il ne tirera jamais le moindre bénéfice. Mais si leurs motivations sont diamétralement opposées, s’ils combattent pour des camps adverses, si l’un se retrouvera au bout du fusil de l’autre, ces deux hommes sont unis par l’horreur de la guerre, face à l’absurdité de ces morts en cascade, face à l’épuisement, face à la folie. La manière dont les monologues finissent par rebondir d'un personnage à l'autre (au point que l'on a parfois l'impression que l'un finit la phrase de l'autre) symbolise parfaitement cette communion de pensée... car les deux personnages sont fondamentalement sur la même longueur d'onde. La folie, l'absurdité de la guerre… C’est finalement le sujet central du récit, très bien illustré par ces hallucinations qui se lovent de manière de plus en plus forte dans la vision du monde de ces deux soldats. L’un est rapidement ‘borderline’ et sa folie m’est apparue comme un ultime rempart avant qu’il ne perde son humanité. Et l’autre y sombrera aussi au fil du récit, au fil de l’horreur. La fin de l’album est également très forte dans sa manière d’unir la folie et la mort, symbolisant ainsi toute l’absurdité de la guerre. Seul bémol pour moi : le dessin. Non qu’il soit mauvais mais j’ai une fois de plus pu constater qu’un dessin de bande dessinée ne parvenait pas à m’effrayer. Des vers ont beau sortir d’une jambe, une tête peut bien être décollée de son corps, cela ne me choque pas, ne m’émeut pas. Et du coup, autant j’ai aimé l’aspect psychologique de cet album, autant le côté démonstratif du dessin m’a laissé de marbre. Pas franchement bien, mais bien quand même. Un album qui mérite d’être lu et qui, j’en suis sûr, ravira plus d’un lecteur.
Gyakushu !
On va de surprise en surprise avec les éditions Ankama qui non seulement nous dégotent de jolis talents bien de chez nous pour leur label 619 mais également quelques figures de proues de la scène indépendante comme cet OVNI tout droit sorti de l'imagination débridée de son auteur Dan Hipp. Gyakushu ! (Vengeance !) ne donne pourtant pas très envie a priori. Les pages représentées ici même ne donnent guère envie avec un dessin très (trop ?) épuré a priori. L'histoire de vengeance inspirée d'un Kill Bill ou de Lady SnowBlood dans un monde Dark Fantasy n'a en soi rien de fichtrement original. Les références de duel à la Sergio Leone sont également légion ainsi l'identité du voleur, principal protagoniste, est soigneusement éludée de la même façon que l'homme sans nom incarné par Clint Eastwood dans la trilogie du dollar. Ce voleur, sorte de Robin des Bois un rien désinvolte, brave les autorités par jeu afin de dérober moult trésors. Souhaitant élever son fils à l'abri avec sa compagne dans une contrée lointaine, il va être retrouvé par un sinistre Empereur et laissé pour mort après le massacre de sa propre famille. Ressuscité sous la forme d'une créature recouverte de bandelettes, il est grand temps de régler les comptes à ses agresseurs 15 ans plus tard dans un pays dévasté par la tyrannie de son principal ennemi.... Avec un tel pitch il y a plusieurs façons d'opérer... Soit on s'y prend très au sérieux sous peine de se vautrer dans le ridicule des plus convenus soit on profite de la minceur du scénario et de sa banalité pour en faire un gros délire propre aux expériences graphiques et narratives des plus variées.... Et Dan Hipp a heureusement choisi la deuxième option en multipliant cadrages nerveux et un usage du noir et blanc à la Scott Pilgrim pour alterner scènes de flashbacks et de nombreux charcutages bien rythmés. L'utilisation d'un mystérieux narrateur rythmant le récit à sa guise en nous envoyant dans le passé ou le présent du Voleur est plutôt ingénieuse car on évite la linéarité d'un récit convenu tout en ayant droit à quelques pincées d'humour plus que bienvenues. Il n'y a rien de révolutionnaire dans tout cela et les 200 pages du premier tome s'avèrent être une simple mise en bouche divertissante et pourtant son cliffhanger interpelle quant à l'issue de cette histoire. Comme le dit si bien le narrateur de cette histoire : Tout va mal finir ! Le second volume éclate davantage l'ordre narratif en virevoltant dans le présent et le passé sans que l'on soit pour autant perdu grâce à l'aide de ce mystérieux narrateur. Une fois de plus, pas de quartier avec trois frères psychopathes complètement allumés du cigare et un commanditaire masqué qui semble bien connaître notre héros... Quelques amputations plus tard et des révélations qui relancent la mécanique et notre intérêt un rien perturbé par ce mélange pop et indépendant et on arrive déjà à la fin de ce chapitre avec pas mal de réponses mais avec de nouvelles questions en suspens. Le troisième et ultime volet offre son lot de surprises et résout toutes les intrigues en cours. C'est la lecture de ce dernier acte qui justifie l’intérêt de toute la série au complet. S'y révèle même un soupçon imaginé de tension et d’émotions qu'on n'a pas vu du tout venir. Du grand art. Dan Hipp manipule parfaitement la narration et en joue diaboliquement avec le lecteur pour offrir une digne fin à la hauteur d’une grande saga. Utilisant les mécanismes d’une narration éclatée et tout autant de révélations qui redonnent une toute autre lecture à Gyakushu, une fois la dernière page tournée toute la richesse d'un scénario parfaitement écrit. La patte graphique est loin d'être simpliste, Dan Hipp est avant tout un illustrateur de renom Outre-Atlantique qui a su adapter des règles purement cinématographiques pour dynamiser sa mise en scène. Gyakushu est un incroyable melting-pot d’influences et de saveurs uniques. D’un intérêt initial plus qu’incertain, l'auteur a su rendre captivante une histoire de vengeance et l'étoffer pour rendre le récit haletant jusqu'à la dernière case. Les personnages ont beau être peu développés, on comprend leurs motivations et ambitions en quelques cases. Du coup l’ensemble est plus que hautement recommandable et Dan Hipp offre un lot de passages épiques voire bouleversants sans abandonner aucun de ses protagonistes. C’est bien la caractéristique des grandes œuvres cultes, celles qui n’auront jamais un impact commercial monstrueux mais qui auront touché ou diverti les quelques bonnes âmes courageuses pour les découvrir. À noter un travail d’édition remarquable de la part d’Ankama. Belle découverte pour ma part. :)
Le Mur de Pan
J'avais une grande envie de lire cette BD qui est si bien notée sur BDthèque mais qui est presque inconnue en dehors (et même sur BDthèque, finalement ...). Et surtout, une BD qui n'a pas marqué plus que cela vu le temps passé depuis sa sortie (et après lecture je n'aurais pas cru qu'elle était si vieille, presque trente ans !). D'autant que l'auteur n'a rien fait et que j'aurais beaucoup aimé découvrir un nouvel opus de cet auteur atypique. Et au final ... Eh bien je suis vraiment émerveillé ! Enfin, plutôt surpris, la surprise étant le maître mot de cette série selon moi. Une surprise qui est venue de partout, à commencer par ce dessin très serré, presque trop d'ailleurs. Il faut souvent plisser des yeux pour arriver à bien lire les cases, et plusieurs d'entre elles sont chargées. Mais cela n'empêche pas le dessin de trouver une certaine grâce, une élégance (quoique j'ai cru remarquer que l'auteur aimait un peu trop les profils de ses personnages, heureusement ça s'améliore au fur et à mesure du temps) qui rajoute beaucoup à l'ensemble. Et je ne parle pas de l'ambiance qui est distillée par ce dessin dans des teintes plutôt sombres, avec des foisonnements d'idées dans les décors, les personnages et les visuels. Un mélange de SF et de fantasy, rehaussé de trouvailles architecturales. Mais un mélange qui arrive à ne pas sembler brouillon ni saugrenu. Et pourtant il y aurait eu moyen d'être rapidement blasé visuellement. C'est rempli de petits détails que j'ai pris plaisir à trouver, et je ne doute pas que j'en trouverai plein d'autres à la relecture. Niveau histoire, c'est bien plus corsé que je l'aurais pensé au premier tome. Bien que le triptyque offre une conclusion satisfaisante à l'histoire, elle aura beaucoup évolué depuis la trame annoncée au début, et j'en suis assez satisfait. C'est surprenant à ce niveau-là, parce que l'intrigue explorait des pistes déjà vues en terme de prophéties, d'histoire d'amour en construction ou de méchants qui reviennent de leurs retraites, et pourtant tout va évoluer selon une logique différente. L'auteur va prendre le temps de développer son histoire de manière très rapide, en un seul tome il se passe une quantité de choses incroyable qui rajoutent autant en densité du monde qu'en densité des personnage. Et même si je n'ai pas tout compris, notamment au niveau des doubles suboniriques, j'ai adoré les possibilités que l'auteur s’octroie, et le fait que l'ensemble s'articule parfaitement. Le mélange de dieux anciens (ou quelque chose dans le genre), conflit entre nations, déesse mythiques, élue, quête d'immortalité, conditions de populations inférieures, magie et technologie, il y a moyen de créer une soupe indigeste. Et pourtant je suis sous le charme de ce qui s'apparente à un conte étonnant. Le mélange des genres ne semble absolument pas indigeste, mais fait naviguer dans un mélange de fable ou de conte, et un ajout de quelque chose de moderne. C'est assez inexplicable, d'autant que l'humour est bien présent, qu'on a quelques personnages bien trouvés comme le pirate à grande gueule mais sympathique ou le bandit dramaturge. C'est surtout cette narration qui tient à différentes choses que je trouve réellement merveilleuses, dans le sens où elle fait sentir quelque chose de merveilleux, d'irréel, de l'ordre du conte. La narration m'a tenu en haleine suffisamment pour que je dévore les trois tomes en une nuit au lieu de dormir, et pourtant la lenteur de la lecture aurait pu me ralentir. Mais quelque chose, une de ces inexplicables forces, travers ce récit et m'a tenu jusqu'au bout. Et j'aime ce genre de choses. Je ne suis pas aveugle à quelques défauts de la BD, au niveau des dessins où l'on se demande parfois si l'auteur n'a pas du mal à faire autre chose que des profils, voir de l'histoire avec quelques pistes narratives un peu trop obscures, ou même une fin qui peut être insatisfaisante même si elle conclut toutes les trames. Mais c'est du pinaillage, parce que je me suis vraiment laissé entrainer dans une histoire qui sort des sentiers battus et qui a cette inspiration narrative qui me retient. J'ai adoré ma lecture, et je sens que c'est ce genre d'histoire que je vais devoir prendre le temps de relire, tranquillement et posément, afin d'en savourer tous les aspects. Ça faisait longtemps que je n'avais pas été plongé ainsi dans un autre monde, et chaque fois qu'une BD me le refait je redécouvre ce plaisir. Inutile de préciser que ce fut le cas ici !
Jusqu'au dernier
Ces deux auteurs nous avaient livré il y a quelques années L'Héritage du Diable, une série sympathique mêlant ésotérisme avec la grande Histoire, série que j'avais beaucoup appréciée. Cette fois-ci le tandem nous revient avec un western, et quel western! Derrière une magnifique couverture, que l'on ait opté pour le tirage de luxe ou le tirage normal, nous découvrons une histoire assez inattendue. Outre un scénario qui n'est pas avare en surprises, et qui défie tout ce que l'on attendait d'un western classique, il faut souligner la qualité exceptionnelle du dessin de Paul Gastine. Quels progrès depuis L'Héritage du Diable. Avec des plans très cinématographiques (jetez un coup d’œil à la troisième case de la page 49), Gastine nous offre des planches somptueuses. Il est très à l'aise dans les scènes nocturnes, assez nombreuses dans cette histoire. J'avoue avoir choisi l'édition grand format, en tirage de luxe pour admirer le dessin. J'attendais depuis plusieurs mois la sortie de cet album, après avoir découvert quelques planches sur certains sites, et mon attente a été à la hauteur de ce que j'espérais. Car ce one shot, il faut souligner qu'il s'agit d'un one-shot, est sublime. Jérôme Félix a l'habileté de nous offrir, derrière un début de scénario somme toute assez classique, souvent traité au cinéma (le déclin des cow-boys et l'émergence du chemin de fer) une histoire d'amitié, d'engagement qui va virer au cauchemar. J'ai déjà relu cet album deux fois tant cette histoire m'a enthousiasmé, et je vous invite à découvrir ce one-shot, qui, avec Les Indes fourbes sera à mon avis, un des meilleurs albums de cette année.