Tiens, c’est étonnant que cette série soit si peu avisée ou lue. Car, dans son genre, c’est plutôt une réussite.
Rien d’hyper original, mais tout me parait bien fait (à l’exception de deux bémols signalés plus loin). Emilio van der Zuiden (que je découvre avec cette série), nous a concocté un bon polar classique, situé dans les années 1960, avec un privé récemment « retraité » de la police, plusieurs affaires qui se croisent, des coups tordus auxquels des ripoux sont mêlés, et des nanas très très sexy, à forte personnalité (et forte poitrine !).
Le scénario est efficace, et réutilise très bien tous ces clichés : les deux albums de ce qui n’est au départ qu’un premier cycle sont très rythmés et réussis. Et le dessin est lui aussi très chouette (seule la colorisation manque peut-être de nuance)
Finalement, je n’aurais que deux petits reproches à faire au scénario de van der Zuiden. D’abord le visage simiesque, avec une couleur de peau bleue de McQueen n’est ici ni expliqué ni justifié, et il m’a parfois un peu gêné.
Ensuite l’acolyte de McQueen, Pépé Fregasol est trop rapidement tué. Le fait qu’il soit ensuite réutilisé en apparaissant, tel un fantôme, montre bien que van der Zuiden avait besoin de lui. J’aurais préféré le voir rester en chair et en os, comme une sorte d’« Huggy les bons tuyaux » au côté du héros, il y avait là un bon potentiel pour un side-man bien utilisé (cela pouvait aussi raccrocher au scénario ses amitiés dans les ghettos blacks)
Bref, un chouette diptyque. Aucune nouvelle depuis, il est donc à craindre que Paquet ne publie pas d’autre cycle (à moins que l’auteur n’en veuille pas). C’est vraiment dommage, car j’aurais bien vu d’autres aventures de notre détective, accompagné de sa bombasse de Cherry. La fin du deuxième album ne clôt d’ailleurs pas toutes les intrigues, et laisse deviner une suite possible (j’aurais bien aimé en savoir plus aussi sur la psychiatre – même si elle peut n’avoir servi que comme outil de narration).
Malgré une couverture d'album qui ne me faisait pas de l'oeil comme ça a pu être le cas avec d'autres Bd western, ce 1er tome m'a littéralement soufflé, non seulement par le dessin de Lamontagne (j'y reviendrai) mais aussi par le déroulé du scénario de Gloris. Il retrace la destinée de Martha Cannary avant qu'elle ne devienne la célèbre Calamity Jane ; à partir de la légende, il reprend le parcours de cette femme décidée à conquérir sa liberté, et plonge dans la réalité sordide et cruelle d'un univers impitoyable.
Les auteurs cernent les 2 personnages principaux que sont Martha et Wild Bill Hicock au plus près du contexte historique, au moment où la conquête de l'Ouest bat son plein, notamment avec l'arrivée du chemin de fer, le tout dans une sérieuse odeur de poudre et de sang. Le ton est en effet très cru et violent, très proche de la série TV Deadwood, dans la même optique démythifiante vue dans des films comme Tombstone ou Wyatt Earp. D'ailleurs, cette Bd me rappelle énormément le film Wild Bill de 1995 réalisé par le solide métier de Walter Hill où Ellen Barkin campait une Calamity piquante, et Jeff Bridges un Wild Bill tout en excès ; ce film est passé injustement inaperçu, il offrait une vision bien plus crédible que ce qui avait été montré à Hollywood sur ces personnages auparavant. J'y retrouve plein d'éléments approchants dans cette Bd, le Far West y est montré dans toute sa dureté et sa violence sanglante, son côté sordide et sale, où les femmes sont condamnées à la prostitution, bref c'est un Ouest sans concession, j'aime cet aspect parce qu'il est plus proche de ce que fut l'Ouest en réalité, loin de l'imagerie de carte postale et trop propre montrée dans les westerns de l'âge d'or.
Je pense que Gloris a dû s'inspirer des mémoires de Calamity Jane intitulées "Lettres à sa fille - 1877-1902", petit bouquin très instructif publié par le Seuil en 1979, il y a pas mal de faits que j'ai retrouvé dans ce livre, mais il a aussi pris des libertés scénaristiques qu'il a mélangées habilement, de sorte qu'on ne sait trop ce qui est vrai et ce qui ne l'est pas, la vie de Calamity ayant été très aventureuse, et elle aussi n'a sans doute pas tout dit. En tout cas, tout est tellement plausible que rien ne cloche à ce niveau. Le tome 1 est peut-être celui où Gloris a pu "inventer" des détails, il montre l'activité des bordels miteux de l'Ouest, dans un ton glauque et plein de noirceur, où Martha survit tant bien que mal, piégée par un salopard qui va l'obliger à se prostituer. Le tome 2 s'écarte de ce postulat pour évoluer dans les paysages de l'Ouest , en montrant la quête de Wild Bill et la spoliation des terres indiennes, le ton est proche du film Danse avec les loups, en moins contemplatif, jusqu'aux retrouvailles entre les 2 figures de légende qui se ressemblaient beaucoup sur le plan caractériel et sur leur choix de vie.
J'en viens au dessin de Jacques Lamontagne que j'avais déjà admiré sur ses autres séries comme Les Druides notamment, mais là c'est tout bonnement époustouflant, avec un trait précis, puissant et réaliste, bourré de détails et une colorisation qui accentue l'aspect sombre de la vie dans ces saloons et bordels crasseux, sans parler des cadrages très cinématographiques ; c'est comme ça que je conçois un western en bande dessinée, avec ce type de dessin. Certes, il magnifie un peu Martha, surtout au début, car c'était une femme pas tout à fait hommasse, mais pas très féminine quand même, et à l'hygiène douteuse. Qu'importe parce que c'est graphiquement superbe, je suis totalement conquis par ce western, ça rattrape les 2 déceptions que j'ai eues sur Prisonnière des Apaches et Ennemis - Noir/Blanc.
Le gros point fort de ces albums, c'est un graphisme qui se démarque totalement des productions actuelles.
Rien que pour cela, c'est rafraichissant au possible !
Assez proche de l'enluminure par instant, mêlant l'onirique au matériel pour d'autres planches, avec toujours une recherche graphique originale et une colorisation variée et agréable. Extrêmement réjouissant.
Le choix de ne pas toujours découper les actions case par case mais de les mêler dans une seule grande case allège aussi le découpage et se laisse appréhender facilement.
Contrairement à d'autres chroniqueurs ici, je n'ai pas trouvé le 2ème tome inférieur. Une fois compris le décalage temporel (assez faible), ce deuxième tome explique l'évolution de mentalité de l'héroïne qui s'éloigne donc définitivement de la jolie princesse façon Disney .
Le jeu politique des différentes factions et de leurs meneurs, mouvant au gré des circonstances, est plutôt bien vu en intégrant la dimension psychologique de ces personnages sans que d'inutiles intrigues compliquées viennent alourdir le récit.
J'ai aimé
Je n'aurais qu'un mot : un album qui vous emporte ! ... Loin de l'Angleterre, dans les mers du sud. Cet album est réussi à tous points de vue. Le récit s'appuie sur le journal de bord de Richard Walter, chapelain du HMS Centurion qui participait à l'expédition et sur celui du lieutenant Saumarez retrouvé ultérieurement. Il est utilement agrémenté de cartes anciennes qui nous permettent de suivre le périple du Commodore Anson au jour le jour (avec une grande carte en fin d'album que l'on peut déplier). Et c'est précisément le ryhthme quasi journlier donné à ce récit qui lui apporte cette ambiance particulière, cette intimité de la vie à bord, des journées interminables quand le vent faiblit ou des jours et des nuits de tempêtes qui n'enfinissent pas. On est au milieu du XVIIIe siècle quand les grandes puissances maritimes se confrontent sur les océans. Le scénario est découpé en cours chapitres, chacun introduit par quels lignes et une carte. C'est très bien construit et très fluide. On y apprend plein de choses intéressantes : comment se préparait une expédition au long cours, qui sont les équipages, comment étaient-ils recrutés, comment se déroulait la vie à bord selon la place que chacun occupait sur le navire, mais aussi les manoeuvres avec tout le vocabulaire qui va avec. Et les auteurs ne se privent pas d'user et d'abuser du langage des marins pour décrire le bateau et les manoeuvres des équipages : un pur bonheur. Tout un monde à découvrir...
Le dessin est à peine esquissé comme s'il était fait dans l'urgence, comme pour fixer sur le papier des scènes de vie et des épisodes marquants de l'expédition. La typographie utilisée est volontairement un peu tremblante, comme si on suivait un récit écrit au jour le jour depuis une des cabines du HMS Centurion alors que le bateau roule, tangue et craque de toutes parts. Les planches pleine page sont superbes avec les lueurs du ciel à l'aube ou au coucher du soleil, et la mer aux couleurs changeantes, passant du bleu profond au vert, puis au noir. Un très grand plaisir de lecture et un très bon moment de totale évasion et d'aventure dans le temps et l'espace.
L'époque est à la reprise de héros "iconique" de la bande dessinée ; il est toujours intéressant de voir un bon dessinateur comme Matthieu Bonhomme faire un travail de dépoussiérage de Lucky Luke. J'aime bien Bonhomme, notamment, pour des séries comme Charlotte Impératrice où il fait preuve d'une très belle maîtrise graphique.
Concernant les reprises de héros de bd classique, beaucoup d'auteurs contemporains s'y sont risqués avec plus ou moins de bonheur : avec succès comme Emile Bravo pour Spirou, de façon beaucoup plus déconcertante pour Blutch avec Tif et Tondu et d'autre fois en dénaturant le personnage comme le Blueberry de Sfar et Blain. C'est sans compter les reprises en one shot des Tuniques bleues par Munuera et Béka, Valérian par Larcenet, Lucky Luke par Guillaume Bouzard, ou encore de Blake et Mortimer par François Schuiten et j'en oublie.
Le premier album "l'homme qui tua Lucky Luke", référence sans nulle doute à "l'homme qui tua Liberty Valence", m'avait plu en tant que fan de western. J'y avais trouvé un album ultra-référencé, mais, au final, l'histoire ne m'avait pas laissé un grand souvenir, si ce n'est que le héros cherchait vainement du tabac. D'ailleurs, j'e l'ai relu lors de la sortie du second tome et j'avais oublié une bonne partie de l'intrigue.
Le deuxième opus Wanted m'a beaucoup plus plu ; sans doute, parce qu'il joue à fond la carte du fan service. Je suis un grand fan du cowboy solitaire (il suffit de voir mon avatar) et sur cet album j'ai été gâté. Bonne idée de départ, le début de l'album commence par la fin traditionnelle où l'on voit le cowboy s'éloigner. La tête de Lucky Luke est mise à prix et il rencontre un groupe de trois jeunes filles à la gâchette facile. C'est l'occasion pour Bonhomme de digresser sur le mythe du cowboy solitaire et sur ses relations avec les femmes.
Matthieu bonhomme en profite pour faire revenir un certain nombre de personnages cultes des albums de Lucky Luke : le fils de Phil Defer Brad au physique longiligne comme son père ; mais aussi la bande de Joss Jamon. On relèvera un moment de tension et un clin d'œil assez sympathique, lorsque Luke affronte Pete l'indécis -caricature de Goscinny- dans un duel où le cowboy solitaire lui dit qu'il est tout à lui.
On retrouve le colonel O'Nollan et l'Indien Patronimo, personnages du mythique canyon apache, album centré sur la paternité, comme si il fallait y voir quelque chose en sous-texte. Chose plus étrange, on découvre aussi un autre cousin des Dalton.
les mises en page et cadrages sont de toute beauté, tout comme les couleurs qui rappellent le travail du Morris de la grande époque. Tout l'album oscille entre les lumières orangées du jour et les teintes bleutées de la nuit.
De ce fait, je milite pour que Matthieu Bonhomme fasse un troisième album.
Cet album est dans la lignée de Tarzan contre la vie chère, qui m’avait fait découvrir cet auteur. Je m’étonne juste de le retrouver chez Casterman. Mais depuis la percée de Fabcaro, j’imagine que chaque éditeur cherche à creuser le filon de l’humour absurde.
Car on est vraiment dans l’absurde. L’ensemble est une alternance d’histoires courtes (dont celles mettant en scène le couple Giscard – monsieur ayant toujours des idées lumineuses et modernes débiles) et de strips gags, voire de simples images (souvent des scènes de films connus, ou des pastiches de films de genre, la situation de départ étant totalement pervertie par les dialogues décalés mis dans la bouche des personnages – parfois de simples chansons populaires).
Comme pour son album précédent, on est parfois proche des détournements situationnistes, même s’il y a moins d’arrière-pensées politiques – quoi que…
Pour l’aspect graphique – secondaire ici, il y a là aussi mélange des genres. De l’itération iconique jouant sur les dialogues loufoques (proche de ce que fait Fabcaro), avec absence de décors et dessin réaliste en Noir et Blanc, aux histoires plus longues avec une colorisation volontairement chargée, en passant par les détournements de films (photos retouchées ou retravaillées ?), tout y passe.
Il faut être adepte de ce genre d’humour pour apprécier cet album, mais c’est mon cas et, même si tout n’est pas drôle, c’est quand même une lecture réjouissante.
Note réelle 3,5/5
Il est rare de voir des bandes dessinées venues du Danemark être traduites dans l'Hexagone. Mais pour le coup, on comprend que celle-ci ait tapé dans l'oeil des éditrices ou éditeurs chez Jungle.
Son sujet est dur. Lourd, complexe. Que faire (en l'occurrence, en tant que collégienne) lorsqu'on apprend qu'une de nos amies est victime des coups d'un de ses parents ? La première bonne idée du scénariste, "spécialiste" des sujets de société douloureux (notamment au travers de nombreux livres) est de nous placer dans l'esprit de Véra, qui apprend le secret d'Anna au cours d'un "jeu du murmure" (ce que nous appelons ici "le téléphone arabe"). Véra est d'abord surprise, troublée. Puis vient le gros doute, quand elle voit que la mère d'Anna semble sympathique. .Alors elle évite délibérément sa camarade de classe. Mais au travers de petits gestes, de regards à la dérobée d'Anna, de quelques mots jetés par sa mère en public, Véra comprend.
Ce processus, probablement inspiré de faits réels, est tétanisant. Et malgré les dénégations de ses parents, de ses amies, Véra sait qu'elle doit faire quelque chose. En parler. Aux bonnes personnes. Et la fin est surprenante, très surprenante. C'est probablement celle à laquelle je m'attendais le moins au fil de ma lecture.
Le dessin, la mise en scène de Sophie Louise Dam sont dépouillés, sans fioriture. on se croirait un peu dans un album de Bastien Vivès, pour le style, avec un surcroît d'expression des personnages. Il y a un subtil jeu sur les couleurs, l'album se présentant en bichromie évolutive. Lorsque l'ambiance est à l'ignorance, au doute, au déni, c'est une sorte de lie-de-vin. Lorsque Véra se pose des questions, on passe à l'orangé. Puis au turquoise lorsque la vérité éclate. Des teintes reposantes, mais significatives.
A noter en annexe, un petit texte proposé par la CNAPE, une fédération d'associations spécialisées dans la protection de l'enfance, sur ce qu'est la violence envers les enfants, et la conduite à tenir lorsqu'on en est témoin ou qu'on en entend parler. Très utile.
C'est une BD teintée d'humanité, d'amitié, d'entraide, qui parle des non-dits, du courage et de l'adolescence. Une perle.
Il arrive parfois qu’un bijou tombe du ciel, et cette bande dessinée en est un. La surprise est d’autant plus agréable quand on n’avait pas forcément eu l’intention de la lire au départ. Il arrive aussi que la couverture ne mente pas, et celle-ci, particulièrement réussie, en traduit parfaitement le contenu. Bienvenue au Jardin de la ville-lumière !
Cette fiction nous transporte – le terme est on ne peut plus adéquat — dans un cabaret parisien pendant les années folles. L’univers délicieux de Gaëlle Geniller est sublimé par les décors et accessoires de style Art nouveau, telle cette lampe de la couverture, et une palette de couleurs riches et chatoyantes. Le trait élégant, d’une sensibilité rare, retranscrit avec bonheur les mouvements gracieux des danseuses et danseurs, mais également les états d’âme des protagonistes. Ce cabaret, ce « jardin » paradisiaque, haut lieu des nuits parisiennes enivrantes de l’entre-deux-guerres où les danseuses portent un prénom de fleur, on l’a à peine découvert qu’on ne voudrait déjà plus le quitter.
Quant à la narration, rien à redire là non plus, elle est impeccablement construite. Ces chroniques, bien qu’un tantinet fleur bleue, évitent pourtant tout pathos ou mélodrame inutiles. A cet égard, l’élégance du dessin est totalement en phase avec le scénario. Le lecteur va suivre avec fascination l’évolution de Rose, ce jeune homme, élevé « en vase clos » dans le cocon protecteur et entièrement féminin du cabaret dirigé par sa mère. Celui-ci va s’affirmer de plus en plus dans son identité transgenre, sous la houlette de celui qui deviendra son impresario, le charmant et distingué Monsieur Aimé.
A l’époque, le terme « transgenre » n’existait pas vu que la question ne se posait pas. On parlait de travestis et ceux-ci n’étaient tolérés que dans le cadre d’un spectacle. Là où le parcours de Rose fascine, c’est que le jeune homme arrive à se faire accepter dans ses tenues féminines, même hors du cabaret, notamment lorsqu’il part séjourner en province….. Il faut dire que Rose est très beau, qu’il bénéficie d’une morphologie gracile et d’un visage très androgyne, ce qui semble suffire à faire taire les esprits ronchons et réactionnaires.
Malgré le terrain glissant sur lequel repose ce récit, Gaëlle Geniller parvient à éviter toute vulgarité, ne cherchant aucunement à choquer le lecteur. L’érotisme facile est totalement hors champ. Cela tient beaucoup à la belle personnalité de Rose, tout en candeur, pour qui le fait de danser dans un lieu « olé-olé » apparaît tout à fait naturel. Certes, le jeune homme y a grandi, mais pour lui, seul son art compte, peu importe les centimètres carré de peau dénudée. A la question d’un journaliste qui lui demandait s’il se considérait comme une femme dans le corps d’un homme, Rose répond avec une simplicité désarmante : « Je me considère comme un homme, mais un homme qui aime tellement les femmes qu’il a envie de faire comme elle ».
Certes, le monde décrit semble idéalisé et loin des problématiques de l’époque liées à la proximité des deux guerres (l’une qui venait de se terminer dans une gigantesque tragédie humaine et l’autre, non moins terrible, qui déjà grondait au loin), et pourtant on déguste, et surtout on respire avec bonheur ce « jardin de fleurs » aux mille odeurs.
Il faudra vraiment suivre cette jeune autrice qui semble promise à un avenir aussi radieux que son jeune danseur de cabaret. Avec son charmant « Jardin » parisien, on lui saura gré de dédramatiser avec une grande finesse un sujet délicat, de rendre sans objet une polémique affectionnée par les réactionnaires de tout poil qui hélas refusent de se cantonner aux oubliettes patriarcales du XXe siècle.
Le dessin et les deux tiers du scénario m'embarque avec excitation… C’est simplement l’épilogue qui m’empêchera de scander une réussite totale.
J’ai totalement aimé suivre ce héros gueux et manipulateur et chercher à débusquer le fin mot de l’histoire avant qu’il nous soit révélé. Tout est tellement bien monté, la surprise est bien là à la première lecture. Il est presque impossible de deviner ce qui va se passer du début à la fin. Vraiment j’ai tout dévoré jusqu’au bout et j’ai pris plaisir sur toute ma lecture… A part…
A part la fin, qui manquera un peu de tact pour moi. A la sortie de mes multiples lectures, je retiens essentiellement la « première » aventure du héros plus que les autres qui suivront. Ce qui me laisse à penser que l’histoire est un peu déséquilibrée et que je ne ressens pas la montée en puissance, mais plutôt un léger désintérêt sur la fin. Et les dernières planches, bien qu’étonnantes, atteindront le paroxysme de ce qui m’aura décidément déçu. Au final, j’ai toujours ce ressenti que le rythme s’accélère « sous prétexte que » notre héros a fait le plus dur, scénaristiquement. Mais personnellement, j’ai surtout l’impression que les auteurs se devaient de boucler avec un one-shot, pas plus.
Pour autant, impossible de limiter ma critique à *** tellement le dessin est d’une richesse et d’un style où je m’y retrouve complètement. Comparativement à Blacksad, on profite de la patte de Guarnido pour créer une ambiance digne de l’époque et de l’intrigue. Impossible de laisser un *** alors que les auteurs réussissent à nous faire aimer un héros qui est, mine de rien, parmi les pires espèces humaines que l’on puisse rencontrer dans une société.
Mais voilà, juste dommage que les derniers chapitres s’accélèrent et marquent un point final qui, pour une fois, me paraît être un peu hâtif. Cela a pour conséquence d’avoir quelque chose tiré par les cheveux alors qu’un véritable développement (un deuxième tome quoi) aurait rendu l’ensemble plus équilibré.
Quoi qu’il en soit, c’est définitivement une lecture que je recommande, qui plait et peut se savourer à tout âge !
Bon, moi je lis pour me distraire.
Je viens seulement de découvrir ces auteurs (désolé).
Là, il y a la qualité du dessin, et le fait de torturer la réalité ne me gêne pas du tout, au contraire, c'est intéressant.
On voit qu'il y a de la recherche servie par une imagination débordante ... moi j'aime !
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McQueen
Tiens, c’est étonnant que cette série soit si peu avisée ou lue. Car, dans son genre, c’est plutôt une réussite. Rien d’hyper original, mais tout me parait bien fait (à l’exception de deux bémols signalés plus loin). Emilio van der Zuiden (que je découvre avec cette série), nous a concocté un bon polar classique, situé dans les années 1960, avec un privé récemment « retraité » de la police, plusieurs affaires qui se croisent, des coups tordus auxquels des ripoux sont mêlés, et des nanas très très sexy, à forte personnalité (et forte poitrine !). Le scénario est efficace, et réutilise très bien tous ces clichés : les deux albums de ce qui n’est au départ qu’un premier cycle sont très rythmés et réussis. Et le dessin est lui aussi très chouette (seule la colorisation manque peut-être de nuance) Finalement, je n’aurais que deux petits reproches à faire au scénario de van der Zuiden. D’abord le visage simiesque, avec une couleur de peau bleue de McQueen n’est ici ni expliqué ni justifié, et il m’a parfois un peu gêné. Ensuite l’acolyte de McQueen, Pépé Fregasol est trop rapidement tué. Le fait qu’il soit ensuite réutilisé en apparaissant, tel un fantôme, montre bien que van der Zuiden avait besoin de lui. J’aurais préféré le voir rester en chair et en os, comme une sorte d’« Huggy les bons tuyaux » au côté du héros, il y avait là un bon potentiel pour un side-man bien utilisé (cela pouvait aussi raccrocher au scénario ses amitiés dans les ghettos blacks) Bref, un chouette diptyque. Aucune nouvelle depuis, il est donc à craindre que Paquet ne publie pas d’autre cycle (à moins que l’auteur n’en veuille pas). C’est vraiment dommage, car j’aurais bien vu d’autres aventures de notre détective, accompagné de sa bombasse de Cherry. La fin du deuxième album ne clôt d’ailleurs pas toutes les intrigues, et laisse deviner une suite possible (j’aurais bien aimé en savoir plus aussi sur la psychiatre – même si elle peut n’avoir servi que comme outil de narration).
Wild West
Malgré une couverture d'album qui ne me faisait pas de l'oeil comme ça a pu être le cas avec d'autres Bd western, ce 1er tome m'a littéralement soufflé, non seulement par le dessin de Lamontagne (j'y reviendrai) mais aussi par le déroulé du scénario de Gloris. Il retrace la destinée de Martha Cannary avant qu'elle ne devienne la célèbre Calamity Jane ; à partir de la légende, il reprend le parcours de cette femme décidée à conquérir sa liberté, et plonge dans la réalité sordide et cruelle d'un univers impitoyable. Les auteurs cernent les 2 personnages principaux que sont Martha et Wild Bill Hicock au plus près du contexte historique, au moment où la conquête de l'Ouest bat son plein, notamment avec l'arrivée du chemin de fer, le tout dans une sérieuse odeur de poudre et de sang. Le ton est en effet très cru et violent, très proche de la série TV Deadwood, dans la même optique démythifiante vue dans des films comme Tombstone ou Wyatt Earp. D'ailleurs, cette Bd me rappelle énormément le film Wild Bill de 1995 réalisé par le solide métier de Walter Hill où Ellen Barkin campait une Calamity piquante, et Jeff Bridges un Wild Bill tout en excès ; ce film est passé injustement inaperçu, il offrait une vision bien plus crédible que ce qui avait été montré à Hollywood sur ces personnages auparavant. J'y retrouve plein d'éléments approchants dans cette Bd, le Far West y est montré dans toute sa dureté et sa violence sanglante, son côté sordide et sale, où les femmes sont condamnées à la prostitution, bref c'est un Ouest sans concession, j'aime cet aspect parce qu'il est plus proche de ce que fut l'Ouest en réalité, loin de l'imagerie de carte postale et trop propre montrée dans les westerns de l'âge d'or. Je pense que Gloris a dû s'inspirer des mémoires de Calamity Jane intitulées "Lettres à sa fille - 1877-1902", petit bouquin très instructif publié par le Seuil en 1979, il y a pas mal de faits que j'ai retrouvé dans ce livre, mais il a aussi pris des libertés scénaristiques qu'il a mélangées habilement, de sorte qu'on ne sait trop ce qui est vrai et ce qui ne l'est pas, la vie de Calamity ayant été très aventureuse, et elle aussi n'a sans doute pas tout dit. En tout cas, tout est tellement plausible que rien ne cloche à ce niveau. Le tome 1 est peut-être celui où Gloris a pu "inventer" des détails, il montre l'activité des bordels miteux de l'Ouest, dans un ton glauque et plein de noirceur, où Martha survit tant bien que mal, piégée par un salopard qui va l'obliger à se prostituer. Le tome 2 s'écarte de ce postulat pour évoluer dans les paysages de l'Ouest , en montrant la quête de Wild Bill et la spoliation des terres indiennes, le ton est proche du film Danse avec les loups, en moins contemplatif, jusqu'aux retrouvailles entre les 2 figures de légende qui se ressemblaient beaucoup sur le plan caractériel et sur leur choix de vie. J'en viens au dessin de Jacques Lamontagne que j'avais déjà admiré sur ses autres séries comme Les Druides notamment, mais là c'est tout bonnement époustouflant, avec un trait précis, puissant et réaliste, bourré de détails et une colorisation qui accentue l'aspect sombre de la vie dans ces saloons et bordels crasseux, sans parler des cadrages très cinématographiques ; c'est comme ça que je conçois un western en bande dessinée, avec ce type de dessin. Certes, il magnifie un peu Martha, surtout au début, car c'était une femme pas tout à fait hommasse, mais pas très féminine quand même, et à l'hygiène douteuse. Qu'importe parce que c'est graphiquement superbe, je suis totalement conquis par ce western, ça rattrape les 2 déceptions que j'ai eues sur Prisonnière des Apaches et Ennemis - Noir/Blanc.
L'Âge d'or
Le gros point fort de ces albums, c'est un graphisme qui se démarque totalement des productions actuelles. Rien que pour cela, c'est rafraichissant au possible ! Assez proche de l'enluminure par instant, mêlant l'onirique au matériel pour d'autres planches, avec toujours une recherche graphique originale et une colorisation variée et agréable. Extrêmement réjouissant. Le choix de ne pas toujours découper les actions case par case mais de les mêler dans une seule grande case allège aussi le découpage et se laisse appréhender facilement. Contrairement à d'autres chroniqueurs ici, je n'ai pas trouvé le 2ème tome inférieur. Une fois compris le décalage temporel (assez faible), ce deuxième tome explique l'évolution de mentalité de l'héroïne qui s'éloigne donc définitivement de la jolie princesse façon Disney . Le jeu politique des différentes factions et de leurs meneurs, mouvant au gré des circonstances, est plutôt bien vu en intégrant la dimension psychologique de ces personnages sans que d'inutiles intrigues compliquées viennent alourdir le récit. J'ai aimé
Le Voyage du Commodore Anson
Je n'aurais qu'un mot : un album qui vous emporte ! ... Loin de l'Angleterre, dans les mers du sud. Cet album est réussi à tous points de vue. Le récit s'appuie sur le journal de bord de Richard Walter, chapelain du HMS Centurion qui participait à l'expédition et sur celui du lieutenant Saumarez retrouvé ultérieurement. Il est utilement agrémenté de cartes anciennes qui nous permettent de suivre le périple du Commodore Anson au jour le jour (avec une grande carte en fin d'album que l'on peut déplier). Et c'est précisément le ryhthme quasi journlier donné à ce récit qui lui apporte cette ambiance particulière, cette intimité de la vie à bord, des journées interminables quand le vent faiblit ou des jours et des nuits de tempêtes qui n'enfinissent pas. On est au milieu du XVIIIe siècle quand les grandes puissances maritimes se confrontent sur les océans. Le scénario est découpé en cours chapitres, chacun introduit par quels lignes et une carte. C'est très bien construit et très fluide. On y apprend plein de choses intéressantes : comment se préparait une expédition au long cours, qui sont les équipages, comment étaient-ils recrutés, comment se déroulait la vie à bord selon la place que chacun occupait sur le navire, mais aussi les manoeuvres avec tout le vocabulaire qui va avec. Et les auteurs ne se privent pas d'user et d'abuser du langage des marins pour décrire le bateau et les manoeuvres des équipages : un pur bonheur. Tout un monde à découvrir... Le dessin est à peine esquissé comme s'il était fait dans l'urgence, comme pour fixer sur le papier des scènes de vie et des épisodes marquants de l'expédition. La typographie utilisée est volontairement un peu tremblante, comme si on suivait un récit écrit au jour le jour depuis une des cabines du HMS Centurion alors que le bateau roule, tangue et craque de toutes parts. Les planches pleine page sont superbes avec les lueurs du ciel à l'aube ou au coucher du soleil, et la mer aux couleurs changeantes, passant du bleu profond au vert, puis au noir. Un très grand plaisir de lecture et un très bon moment de totale évasion et d'aventure dans le temps et l'espace.
Lucky Luke vu par Mathieu Bonhomme (L'Homme qui tua Lucky Luke / Wanted Lucky Luke)
L'époque est à la reprise de héros "iconique" de la bande dessinée ; il est toujours intéressant de voir un bon dessinateur comme Matthieu Bonhomme faire un travail de dépoussiérage de Lucky Luke. J'aime bien Bonhomme, notamment, pour des séries comme Charlotte Impératrice où il fait preuve d'une très belle maîtrise graphique. Concernant les reprises de héros de bd classique, beaucoup d'auteurs contemporains s'y sont risqués avec plus ou moins de bonheur : avec succès comme Emile Bravo pour Spirou, de façon beaucoup plus déconcertante pour Blutch avec Tif et Tondu et d'autre fois en dénaturant le personnage comme le Blueberry de Sfar et Blain. C'est sans compter les reprises en one shot des Tuniques bleues par Munuera et Béka, Valérian par Larcenet, Lucky Luke par Guillaume Bouzard, ou encore de Blake et Mortimer par François Schuiten et j'en oublie. Le premier album "l'homme qui tua Lucky Luke", référence sans nulle doute à "l'homme qui tua Liberty Valence", m'avait plu en tant que fan de western. J'y avais trouvé un album ultra-référencé, mais, au final, l'histoire ne m'avait pas laissé un grand souvenir, si ce n'est que le héros cherchait vainement du tabac. D'ailleurs, j'e l'ai relu lors de la sortie du second tome et j'avais oublié une bonne partie de l'intrigue. Le deuxième opus Wanted m'a beaucoup plus plu ; sans doute, parce qu'il joue à fond la carte du fan service. Je suis un grand fan du cowboy solitaire (il suffit de voir mon avatar) et sur cet album j'ai été gâté. Bonne idée de départ, le début de l'album commence par la fin traditionnelle où l'on voit le cowboy s'éloigner. La tête de Lucky Luke est mise à prix et il rencontre un groupe de trois jeunes filles à la gâchette facile. C'est l'occasion pour Bonhomme de digresser sur le mythe du cowboy solitaire et sur ses relations avec les femmes. Matthieu bonhomme en profite pour faire revenir un certain nombre de personnages cultes des albums de Lucky Luke : le fils de Phil Defer Brad au physique longiligne comme son père ; mais aussi la bande de Joss Jamon. On relèvera un moment de tension et un clin d'œil assez sympathique, lorsque Luke affronte Pete l'indécis -caricature de Goscinny- dans un duel où le cowboy solitaire lui dit qu'il est tout à lui. On retrouve le colonel O'Nollan et l'Indien Patronimo, personnages du mythique canyon apache, album centré sur la paternité, comme si il fallait y voir quelque chose en sous-texte. Chose plus étrange, on découvre aussi un autre cousin des Dalton. les mises en page et cadrages sont de toute beauté, tout comme les couleurs qui rappellent le travail du Morris de la grande époque. Tout l'album oscille entre les lumières orangées du jour et les teintes bleutées de la nuit. De ce fait, je milite pour que Matthieu Bonhomme fasse un troisième album.
Mes plus grands succès
Cet album est dans la lignée de Tarzan contre la vie chère, qui m’avait fait découvrir cet auteur. Je m’étonne juste de le retrouver chez Casterman. Mais depuis la percée de Fabcaro, j’imagine que chaque éditeur cherche à creuser le filon de l’humour absurde. Car on est vraiment dans l’absurde. L’ensemble est une alternance d’histoires courtes (dont celles mettant en scène le couple Giscard – monsieur ayant toujours des idées lumineuses et modernes débiles) et de strips gags, voire de simples images (souvent des scènes de films connus, ou des pastiches de films de genre, la situation de départ étant totalement pervertie par les dialogues décalés mis dans la bouche des personnages – parfois de simples chansons populaires). Comme pour son album précédent, on est parfois proche des détournements situationnistes, même s’il y a moins d’arrière-pensées politiques – quoi que… Pour l’aspect graphique – secondaire ici, il y a là aussi mélange des genres. De l’itération iconique jouant sur les dialogues loufoques (proche de ce que fait Fabcaro), avec absence de décors et dessin réaliste en Noir et Blanc, aux histoires plus longues avec une colorisation volontairement chargée, en passant par les détournements de films (photos retouchées ou retravaillées ?), tout y passe. Il faut être adepte de ce genre d’humour pour apprécier cet album, mais c’est mon cas et, même si tout n’est pas drôle, c’est quand même une lecture réjouissante. Note réelle 3,5/5
Comme un murmure
Il est rare de voir des bandes dessinées venues du Danemark être traduites dans l'Hexagone. Mais pour le coup, on comprend que celle-ci ait tapé dans l'oeil des éditrices ou éditeurs chez Jungle. Son sujet est dur. Lourd, complexe. Que faire (en l'occurrence, en tant que collégienne) lorsqu'on apprend qu'une de nos amies est victime des coups d'un de ses parents ? La première bonne idée du scénariste, "spécialiste" des sujets de société douloureux (notamment au travers de nombreux livres) est de nous placer dans l'esprit de Véra, qui apprend le secret d'Anna au cours d'un "jeu du murmure" (ce que nous appelons ici "le téléphone arabe"). Véra est d'abord surprise, troublée. Puis vient le gros doute, quand elle voit que la mère d'Anna semble sympathique. .Alors elle évite délibérément sa camarade de classe. Mais au travers de petits gestes, de regards à la dérobée d'Anna, de quelques mots jetés par sa mère en public, Véra comprend. Ce processus, probablement inspiré de faits réels, est tétanisant. Et malgré les dénégations de ses parents, de ses amies, Véra sait qu'elle doit faire quelque chose. En parler. Aux bonnes personnes. Et la fin est surprenante, très surprenante. C'est probablement celle à laquelle je m'attendais le moins au fil de ma lecture. Le dessin, la mise en scène de Sophie Louise Dam sont dépouillés, sans fioriture. on se croirait un peu dans un album de Bastien Vivès, pour le style, avec un surcroît d'expression des personnages. Il y a un subtil jeu sur les couleurs, l'album se présentant en bichromie évolutive. Lorsque l'ambiance est à l'ignorance, au doute, au déni, c'est une sorte de lie-de-vin. Lorsque Véra se pose des questions, on passe à l'orangé. Puis au turquoise lorsque la vérité éclate. Des teintes reposantes, mais significatives. A noter en annexe, un petit texte proposé par la CNAPE, une fédération d'associations spécialisées dans la protection de l'enfance, sur ce qu'est la violence envers les enfants, et la conduite à tenir lorsqu'on en est témoin ou qu'on en entend parler. Très utile. C'est une BD teintée d'humanité, d'amitié, d'entraide, qui parle des non-dits, du courage et de l'adolescence. Une perle.
Le Jardin - Paris
Il arrive parfois qu’un bijou tombe du ciel, et cette bande dessinée en est un. La surprise est d’autant plus agréable quand on n’avait pas forcément eu l’intention de la lire au départ. Il arrive aussi que la couverture ne mente pas, et celle-ci, particulièrement réussie, en traduit parfaitement le contenu. Bienvenue au Jardin de la ville-lumière ! Cette fiction nous transporte – le terme est on ne peut plus adéquat — dans un cabaret parisien pendant les années folles. L’univers délicieux de Gaëlle Geniller est sublimé par les décors et accessoires de style Art nouveau, telle cette lampe de la couverture, et une palette de couleurs riches et chatoyantes. Le trait élégant, d’une sensibilité rare, retranscrit avec bonheur les mouvements gracieux des danseuses et danseurs, mais également les états d’âme des protagonistes. Ce cabaret, ce « jardin » paradisiaque, haut lieu des nuits parisiennes enivrantes de l’entre-deux-guerres où les danseuses portent un prénom de fleur, on l’a à peine découvert qu’on ne voudrait déjà plus le quitter. Quant à la narration, rien à redire là non plus, elle est impeccablement construite. Ces chroniques, bien qu’un tantinet fleur bleue, évitent pourtant tout pathos ou mélodrame inutiles. A cet égard, l’élégance du dessin est totalement en phase avec le scénario. Le lecteur va suivre avec fascination l’évolution de Rose, ce jeune homme, élevé « en vase clos » dans le cocon protecteur et entièrement féminin du cabaret dirigé par sa mère. Celui-ci va s’affirmer de plus en plus dans son identité transgenre, sous la houlette de celui qui deviendra son impresario, le charmant et distingué Monsieur Aimé. A l’époque, le terme « transgenre » n’existait pas vu que la question ne se posait pas. On parlait de travestis et ceux-ci n’étaient tolérés que dans le cadre d’un spectacle. Là où le parcours de Rose fascine, c’est que le jeune homme arrive à se faire accepter dans ses tenues féminines, même hors du cabaret, notamment lorsqu’il part séjourner en province….. Il faut dire que Rose est très beau, qu’il bénéficie d’une morphologie gracile et d’un visage très androgyne, ce qui semble suffire à faire taire les esprits ronchons et réactionnaires. Malgré le terrain glissant sur lequel repose ce récit, Gaëlle Geniller parvient à éviter toute vulgarité, ne cherchant aucunement à choquer le lecteur. L’érotisme facile est totalement hors champ. Cela tient beaucoup à la belle personnalité de Rose, tout en candeur, pour qui le fait de danser dans un lieu « olé-olé » apparaît tout à fait naturel. Certes, le jeune homme y a grandi, mais pour lui, seul son art compte, peu importe les centimètres carré de peau dénudée. A la question d’un journaliste qui lui demandait s’il se considérait comme une femme dans le corps d’un homme, Rose répond avec une simplicité désarmante : « Je me considère comme un homme, mais un homme qui aime tellement les femmes qu’il a envie de faire comme elle ». Certes, le monde décrit semble idéalisé et loin des problématiques de l’époque liées à la proximité des deux guerres (l’une qui venait de se terminer dans une gigantesque tragédie humaine et l’autre, non moins terrible, qui déjà grondait au loin), et pourtant on déguste, et surtout on respire avec bonheur ce « jardin de fleurs » aux mille odeurs. Il faudra vraiment suivre cette jeune autrice qui semble promise à un avenir aussi radieux que son jeune danseur de cabaret. Avec son charmant « Jardin » parisien, on lui saura gré de dédramatiser avec une grande finesse un sujet délicat, de rendre sans objet une polémique affectionnée par les réactionnaires de tout poil qui hélas refusent de se cantonner aux oubliettes patriarcales du XXe siècle.
Les Indes fourbes
Le dessin et les deux tiers du scénario m'embarque avec excitation… C’est simplement l’épilogue qui m’empêchera de scander une réussite totale. J’ai totalement aimé suivre ce héros gueux et manipulateur et chercher à débusquer le fin mot de l’histoire avant qu’il nous soit révélé. Tout est tellement bien monté, la surprise est bien là à la première lecture. Il est presque impossible de deviner ce qui va se passer du début à la fin. Vraiment j’ai tout dévoré jusqu’au bout et j’ai pris plaisir sur toute ma lecture… A part… A part la fin, qui manquera un peu de tact pour moi. A la sortie de mes multiples lectures, je retiens essentiellement la « première » aventure du héros plus que les autres qui suivront. Ce qui me laisse à penser que l’histoire est un peu déséquilibrée et que je ne ressens pas la montée en puissance, mais plutôt un léger désintérêt sur la fin. Et les dernières planches, bien qu’étonnantes, atteindront le paroxysme de ce qui m’aura décidément déçu. Au final, j’ai toujours ce ressenti que le rythme s’accélère « sous prétexte que » notre héros a fait le plus dur, scénaristiquement. Mais personnellement, j’ai surtout l’impression que les auteurs se devaient de boucler avec un one-shot, pas plus. Pour autant, impossible de limiter ma critique à *** tellement le dessin est d’une richesse et d’un style où je m’y retrouve complètement. Comparativement à Blacksad, on profite de la patte de Guarnido pour créer une ambiance digne de l’époque et de l’intrigue. Impossible de laisser un *** alors que les auteurs réussissent à nous faire aimer un héros qui est, mine de rien, parmi les pires espèces humaines que l’on puisse rencontrer dans une société. Mais voilà, juste dommage que les derniers chapitres s’accélèrent et marquent un point final qui, pour une fois, me paraît être un peu hâtif. Cela a pour conséquence d’avoir quelque chose tiré par les cheveux alors qu’un véritable développement (un deuxième tome quoi) aurait rendu l’ensemble plus équilibré. Quoi qu’il en soit, c’est définitivement une lecture que je recommande, qui plait et peut se savourer à tout âge !
Les Chevaliers d'Héliopolis
Bon, moi je lis pour me distraire. Je viens seulement de découvrir ces auteurs (désolé). Là, il y a la qualité du dessin, et le fait de torturer la réalité ne me gêne pas du tout, au contraire, c'est intéressant. On voit qu'il y a de la recherche servie par une imagination débordante ... moi j'aime !