Les derniers avis (39359 avis)

Par Erik
Note: 5/5
Couverture de la série Zaroff
Zaroff

Zaroff sera incontestablement une bd figurant dans le prix des lecteurs de l'année 2019 à n'en point douter. Elle recèle toutes les qualités pour cela. Je connaissais vaguement ce récit mettant en scène une chasse à l'homme mais j'ignorais jusqu'au nom du compte Zaroff ayant fui la révolution bolchevique. La grande originalité de ce récit est de nous raconter une nouvelle aventure après l'officielle et qui met en valeur ce méchant personnage passionné par la chasse. On va avoir droit à un duel entre psychopathes sans savoir qui est le gibier ou le chasseur. C'est un vrai survival dans le genre. Le graphisme est véritablement à couper le souffle. J'avoue avoir apprécié les décors de ces îles tropicales au large du Brésil puis du Vénézuela. La jungle est vraiment belle et luxuriante. Je suis véritablement un adepte du style réaliste. Rien à redire par conséquent. J'ai juste un problème entre deux dates qui me semblent trop rapproché pour être vraiment crédible. En juin 1932 se passe la première partie de l'action qui se solde par un échec pour le comte. Cependant, ce dernier parvient à s'échapper et à reconstruire tout sur une autre île en novembre 1932 de la même année. On nous fait croire qu'il connait tout les recoins de cette nouvelle île alors qu'il n'y a jamais eu de partie de chasse. Dommage pour cette erreur de datation qui aurait pû être évité en laissant tout simplement plus de marge ce qui n'aurait rien changé sur le fond. Pour autant, j'ai passé un agréable moment de lecture et c'est tout ce qui compte. Et même si c'est un peu cruel et intense.

11/08/2019 (modifier)
Couverture de la série Mujirushi ou Le Signe des rêves
Mujirushi ou Le Signe des rêves

La publication en juin dernier de la version "intégrale" de "Mujirishi, le Signe des Rêves", réponse - différée et quelque peu réticente - d'Urasawa à une commande du Musée du Louvre (déjà honorée depuis pas mal de temps par ses confrères !), devrait permettre de réhabiliter un livre mal reçu par les fans du maître, au moins en France. Car le plaisir que l'on prend à dévorer d'une traite ce délicieux pavé ne trompe pas : malgré les travers inévitables (?) d'un ouvrage dont on sent qu'il ne passionnait pas vraiment un Urasawa qui était juste en train de sortir de Billy Bat, on retrouve largement ici le talent singulier de notre mangaka contemporain préféré. Complexité d'un récit plein de chausse-trappes et de faux-semblants, personnages d'une humanité débordante dépeints avec une absence totale de manichéisme, et mise en scène cinématographique manipulant avec une efficacité redoutable le lecteur, tout Urasawa est bien là, avec en plus le "bonus", pas si habituel chez lui, de la cohérence totale d'une intrigue qui se boucle parfaitement à la fin et sur tous les niveaux, tout en gardant ce soupçon de fantastique charmant qui permet de continuer à rêver une fois le livre refermé. Honnêtement, qu'est-ce qu'on peut reprocher de si grave à ce "Signe des Rêves" ? Oui, le manque d'intérêt d'Urasawa pour la peinture est flagrant, mais il l'a malicieusement compensé par un hommage - certes très japonais - à un personnage "classique" du manga, qui lui permet de décaler subtilement son récit policier vers la fantaisie burlesque (... et non sans retrouver son romantisme flamboyant dans la conclusion, autour de la magnifique énigme de Kyoko, dont on ne verra jamais le visage, mais dont l'énigme plane sur tout le récit...). Oui, l'idée du vol du tableau ici activée ressemble beaucoup à celle vue dans la version de McTiernan de "l'Affaire Thomas Crown", mais comment ne pas reconnaître le brio avec lequel Urasawa fait bifurquer tout cela, de manière inattendue, vers un règlement de comptes rejouissant - et cathartique - avec Trump ? Oui, Urasawa ne connaît bien ni la France et les Français, ni Paris, et il ne lui "fait pas honneur" comme c'était le cas avec l'Allemagne dans Monster... Il accumule des clichés (la Tour Eiffel, Mitterand, Sylvie Vartan, Piaf, l'inspecteur Juve...) qui doivent clairement lui permettre d'embarquer le lecteur japonais, mais il retraduit bien ce qui l'a fait rêver lors de son voyage exploratoire à Paris et au Louvre : le labyrinthe de couloirs obscurs derrière les murs du plus célèbre musée du monde, et... la vaillance et le charme de nos pompiers ! Oui, le récit, très complexe pour la longueur (relativement) réduite de l'oeuvre, peut sembler lent à se mettre en place (un défaut moins sensible quand même dans cette "intégrale"...), mais quel plaisir à la fin de voir tous les éléments s'imbriquer aussi magnifiquement, et la confusion donner naissance à une véritable fable sur le destin et le hasard (... qui n'en était bien sûr pas...) ! Bref, il est temps de réhabiliter - ou au moins de relire - ce livre enlevé, réjouissant, parenthèse enchantée dans l'oeuvre parfois trop imposante d'un artiste dont nous avons tendance à attendre qu'il renouvelle à chaque fois le miracle de Monster ou de 20th Century Boys...

11/08/2019 (modifier)
Par Anononyme
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Sanctuary
Sanctuary

J'ai lu ce manga pour la première fois dans les années 2000, quand j'avais 14 ans. Une jeune adolescente donc, sortant à peine de l'âge des dessins animés tels que Sakura Chasseuse de Cartes. Je ne connaissais absolument rien du paysage politique Japonais des années 90. Je n'étais donc pas exactement le public visé par Sanctuary. Et pourtant... de mon point de vue, j'avais l'âge idéal pour découvrir cette oeuvre. Elle m'a bouleversée, moi petite ado vivant dans sa bulle de privilégiée, et m'a fait prendre conscience pour la toute première fois de l'importance de mon futur vote en tant que citoyen. Elle m'a fait comprendre que la politique, c'est pas juste des gens barbants à la télé qui parlent de choses compliquées. Elle m'a fait réaliser que la vie peut être violente et injuste, et qu'il faut se battre, et que la complaisance dans son confort est un dangereux somnifère. Je suis devenue l'adulte que je suis aujourd'hui en partie grâce à ce manga. Et je le conseille 1000x à n'importe quel adolescent sans repère. Vous voulez booster le taux de participation aux élections? Distribuez ce manga. Je suis sérieuse. Le charisme incroyable des deux personnages principaux et de leurs plus fidèles alliés pète l'écran (ou plutôt les pages?) et on est happé et impliqué dans leur quête impossible dès le premier tome. On est choqué de leur détermination. On pleure les sacrifices de certains. On enrage de l'injustice du système. Et tout ça forge un foutu caractère de battant et l'envie de changer le monde. En tout cas, c'est l'effet que ça a eu sur moi (les blasés ne seront pas du même avis). Les dessins très beaux et soignés soulignent encore plus l'intensité de l'histoire. Après, l'oeuvre n'est pas sans défaut, et je dirais que le principal est l'inutilité des personnages féminins (sauf une, mais elle n'apparait que dans des flash-backs, parce qu'elle est morte avant le début de l'histoire...). Alors qu'il y avait pourtant de quoi faire. Elles ont beau être fortes et indépendantes, et occuper des positions prestigieuses, dès le moment où elles sont domptées par leur "love interest", c'est foutu, elles deviennent de braves petites femmes sans défense et sans aucun intérêt scénaristique. C'est récurrent dans les oeuvres de Buronson, et c'est très dommage, car ça veut dire que Sanctuary n'a que très peu de chance de trouver du public aujourd'hui. Car peu importe la qualité de son histoire, les gardiens de la bienséance moderne ne verront que le côté machiste et crucifieront sans état d'âme cette oeuvre pourtant tellement plus riche que ça. J'espère vraiment qu'elle ne sombrera pas dans l'oubli. Si j'ai des enfants un jour, c'est sûr et certain que je leur ferai lire ce manga.

09/08/2019 (modifier)
Par Gaston
Note: 4/5
Couverture de la série Shazam Anthologie
Shazam Anthologie

3.5 Plus je lis ses aventures, plus je suis fan du personnage de Captain Marvel aka Shazam. Dommage que maintenant j'ai lu tous les albums parus en français sur le personnage et je doute qu'on va avoir droit à plein d'autres albums sur lui. Cette anthologie reprend des histoires des différentes séries Captain Marvel ou d'autres séries DC où il appairait comme guest star. Les histoires des années 40 ont évidemment vieilli, mais je trouve qu'elles sont tout de même divertissantes. Les dessins sont bons (hormis celui de la première histoire que je trouve franchement moyen) et si on accepte la naïveté du scénario, c'est un bon divertissement et cela fait partie du haut du panier des comics de super-héros américains de l'époque. Je comprends que Captain Marvel ait été un des héros les plus connus de cette décennie vu que ses récits sont remplis d'imagination et que les personnages sont attachants. J'ai une affection pour le seul récit des années 1950 présent dans l'album que je trouve amusant et aussi un peu poétique. Puis vient la période DC Comics du personnage. Hormis l'histoire de Superman que j'ai trouvé moyenne, j'ai aussi bien aimé cette période. Le personnage a gardé sa naïveté et son optimiste, même lorsque les comics sont devenus plus sombres. J'ai surtout apprécié le long récit de Jerry Ordway où il reprend à zéro les origines de Marvel et de son entourage pour un public plus moderne. Il dit qu'il a fait ce récit en imaginant que c'était l'adaptation d'un film Captain Marvel et c'est vrai que le scénario aurait pu faire un très bon film. Donc une anthologie à lire si on veut découvrir un personnage qui a eu son heure de gloire il y a des décennies et qui est maintenant moins connu. C'est dommage parce que j'aime vraiment le personnage et son univers et je veux en découvrir plus !

09/08/2019 (modifier)
Par Erik
Note: 4/5
Couverture de la série Concerto pour main gauche
Concerto pour main gauche

Je me surprends vraiment à donner cette note de 4 étoiles et également de conseiller la lecture. Il faut dire que ce n'était pas pari gagné d'avance. En effet, je n'apprécie guère les bandes dessinées en noir et blanc où la narration est omniprésente car il faut alors raconter des choses intéressantes. Là, on entre dans la psychologie d'un pianiste qui a été amputé de son bras droit durant la grande guerre. C'est inspiré de la vie de Paul Wittgenstein commanditaire du fameux concerto pour la main gauche de Ravel. Le personnage est plutôt assez antipathique. Il a laissé mourir l'amour de sa vie par lâcheté à cause des convenances sociales pour en épouser aussitôt une autre. Par ailleurs, il était fortement nationaliste et contre la classe ouvrière en vivant dans une certaine aisance bourgeoise. Bref, un portrait pas forcément flatteur. Cependant, il faut aller au-delà de ses propres sentiments pour juger objectivement une bd et admirer tout son potentiel. Il s'agit là d'une oeuvre intimiste d'une grande sincérité. Le graphisme est également fascinant en dégageant un certain onirisme. Au final, c'est réussi dans son effet. Pour une première oeuvre de l'auteur, je ne peux que le féliciter pour cette qualité à la fois d'écriture et du dessin. Le contraire aurait été crétinerie.

07/08/2019 (modifier)
Couverture de la série Equator
Equator

J'ai trouvé en bouquinerie le tome 1 de cette mini-série édité chez Alpen qui apparemment ne contient que 2 albums, alors que sur le quatrième de couverture de l'album Alpen, le tome 2 annoncé portait le titre "les Trois héritiers", et lorsque le Lombard a repris le tout, ce tome 2 s'appelle "Katale"... bah au diable ce mystère, mais c'est bien dommage que cette série se soit arrêtée au bout de 2 albums, car j'ai adoré cette aventure, et il faut absolument que je trouve ce tome 2 pour continuer à m'en régaler. Et pourtant, c'est pétri de clichés, de situations déjà vues et de stéréotypes dans les personnages, mais je sais pas, il y a quelque chose qui dans ce récit m'a diverti, c'est arrivé dans une période où j'en ai bien besoin. Il y a aussi le dessin de Dany que j'ai toujours aimé depuis le journal Tintin, j'aime son trait ici qui hésite entre le trait réaliste vu dans Histoire sans Héros ou Bernard Prince et le dessin caricatural vu dans Olivier Rameau, un style semi-réaliste très séduisant semblable à Arlequin, où il livre quelques belles images de jungle africaine avec des chutes d'eau magnifiques, des rapides et une végétation luxuriante, de même que celles du bateau de Dereck glissant sur la rivière sont superbes et très évocatrices d'un ton exotique qui me plait, j'ai toujours adoré les histoires de jungle. Tout ceci fait donc beaucoup de raisons pour me séduire dans cette aventure qui lorgne un peu du côté de Bernard Prince, car Dany se souviens qu'il a dessiné 2 épisodes de cette série mythique de chez Tintin après le départ de Hermann, et le bateau Equator de Dereck a d'ailleurs un petit air de famille avec le Cormoran de Prince. Les péripéties et le scénario sont classiques de ce type d'aventures, les personnages sont également formatés et typiques de ce genre de récit, mais qu'importe, je ne vois que le plaisir de lecture que ça me procure au premier degré, c'est de la Bd de pure détente, très plaisante à lire. ADDITIF J'ai trouvé le tome 2 titré Katale. Comme j'avais lâché un peu la BD pendant longtemps, je ne sais plus où je l'ai trouvé, soit à Angoulême, soit à Paris dans mes boutiques, soit dans un petit salon BD, je sais plus et peu importe. C'est un album moins aventureux que le tome 1 mais quand même très réussi et à peu près aussi palpitant, avec toujours des clichés qui ne me dérangent pas. C'est une histoire d'héritage et de vengeance qui en plus permet de connaître un peu les origines du héros Dereck, avec un mélange d'action et de description colonialiste, le décor est toujours exotique, en Afrique, et Dereck est confronté à 2 belles femmes et des personnages retors. Tout ceci me fait regretter que Dany n'ait pas pu continuer cette série avortée.

31/12/2016 (MAJ le 06/08/2019) (modifier)
Par Blue Boy
Note: 4/5
Couverture de la série Saccage
Saccage

Ce nouvel ouvrage de Frederik Peeters arrive tel un OVNI dans une bibliographie déjà bien consistante. On hésite à le classer entre la bande dessinée et le livre d’images, on le dira donc inclassable, tout simplement. Dans une succession de dessins pleine page dépourvus de textes, on retrouve le même personnage, seul élément qui permette de tisser une sorte de lien narratif, si ténu soit-il. Il n’y a pourtant pas d’obligation à y voir une histoire, toutes les pages pouvant se regarder comme des tableaux indépendants. Délivré dans un format à l’italienne, il n’a en rien à voir avec la Dolce Vita, bien au contraire. Recourant à la ligne claire qui lui est chère et apparenterait ainsi son ouvrage à la bande dessinée, Frederik Peeters nous assène ici un véritable électrochoc graphique et émotionnel, récipient de toutes ses obsessions disséminées à travers son œuvre. Tel un cauchemar psychédélique qui nous saute au cortex, l’auteur suisse expose dans un esprit Pop-Art ses propres peurs et ses révoltes inhérentes aux tares de notre monde : explosions et incendies, catastrophes diverses, accidents nucléaires et baleines échouées, décors apocalyptiques, chaos et désolation, mutations, difformités, créatures grotesques et effrayantes, parfois inspirées de nos cartoons d’enfance, formes de vie hybrides et invasives… on n’est pas là pour rigoler ! L’imagerie déployée révèle une multitude d’influences artistiques, d’anonymes ou de célébrités, que l’auteur énumère d’ailleurs en fin d’ouvrage. On pense notamment à Jérôme Bosch, Michel-Ange, Otto Dix, H.G. Wells, David Hockney, Charles Burns, ou encore Salvatore Dali, qui curieusement n’est pas cité. Le monde dépeint est terrifiant, à la fois surréaliste et familier Ce monde est bien le nôtre. Ce monde, qui ressemble à l’enfer, est bien la Terre. Car l’enfer est désormais sur Terre. Et nous en sommes les seuls créateurs, un peu piteux, un peu merdeux, avec juste nos yeux pour pleurer un paradis perdu. Mais pour sortir de sa cage, l’Homme devra peut-être passer par le saccage… « Saccage », œuvre graphiquement riche et puissante, ne plaira sans doute pas à tout le monde mais ne saurait laisser indifférent. Par son hyper-contemporanéité et son surréalisme agressif, dans des couleurs contrastées, maladives et fluorescentes, elle se révèle comme un ultime cri de rage alors que tout se délite autour de nous, de plus en plus vite, de plus en plus violemment. Son pouvoir hypnotique est tel que la répulsion possiblement induite par les premières images sera vite oubliée. Ce livre est un vaccin mental contre le déni et l’indifférence obscènes de nos « télé-achats-réalité »… Inclassable et incontournable. Une fois encore, Frederik Peeters nous prouve qu’il est un auteur hors du commun, un explorateur du neuvième art, bref, un véritable artiste.

03/08/2019 (modifier)
Par Erik
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série L'Argent fou de la Françafrique
L'Argent fou de la Françafrique

Je me doutais que cela existait mais je n'aurais jamais crû que la cupidité de ces dirigeants africains était à ce point et dans de telles proportions indécentes. Il est clair que beaucoup de monde savait entre les banques, les compagnies pétrolières notamment Elf ou encore les services secrets ou même les journalistes mais le commun des mortels l'ignorait encore. L'affaire des biens mal acquis nous est totalement décortiquée par des auteurs qui se basent sur des faits précis. On peut encore être satisfait que dans notre démocratie en France, la justice soit totalement indépendante au point d'aller à l'encontre du gouvernement pour l'ouverture d'une enquête à ce sujet. Cependant, ce n'était pas partie gagnée pour les plaignants tant il y a eu des embûches et des intimidations sans compter le silence de la République. C'est tout simplement scandaleux que ces familles de dictateurs accaparent tant de richesse alors que le peuple meurt de faim et vit dans une pauvreté absolue. Ces pays sont réellement riches mais cette richesse est détournée presque totalement par le pouvoir en place. Ce sont des appartements et des voitures luxueux dans les meilleurs quartiers parisiens ou encore l'achat d'une villa de 35 millions de dollars à Malibu Beach. L'argent ne profite même pas à l'Afrique. Par exemple, la famille Bongo possède 39 appartements ou hôtels particuliers dont 17 au nom du président Omar Bongo. Un de ces hôtels coûte 19 millions d'euros. Comment est-ce possible avec un petit salaire de président de 15000€ par mois ? C'est ce type de réflexions compilées que nous analysons au travers cette bd bien construite. Il est clair que pétrole et démocratie n'ont jamais fait bon ménage. Bien entendu, ces pays organisent des scrutins où leur soi-disant président est réélu avec 95% des voix. Toute forme d'opposition est réprimée très sévèrement. La démocratie est brûlée au pétrole. Chaque année, des dizaines de milliards de dollars quittent illicitement le contient africain vers des paradis fiscaux. Cette manne pétrolière est la clé de la longévité de ces régimes. On apprend que le Gabon s'est vu décerné le titre de plus grand importateur de champagne par habitant au monde avec une bouteille pour trois habitants. Il est vrai qu'après un demi-siècle d'exploitation pétrolière, ce pays ne dispose que de 800 kilomètres de routes bitumées. Sur le papier, les habitants sont les plus riches du continent avec un PIB par tête de 17000 dollars par an. On se rend compte de l'or noir peut être une véritable malédiction. C'est ce qu'on appelle le paradoxe de l'abondance. J'ai admiré le travail réalisé par Jean Merckaert qui a fait de la lutte contre les biens mal acquis un combat afin de changer la donne. Un jour et c'est l'espoir, le peuple viendra réclamer des comptes à ces dirigeants corrompus qui se permettent de redorer leur blason en créant des prix à l'UNESCO. Sont visés les pays de la Françafrique à savoir le Gabon, la Guinée Equatoriale, le Congo Brazaville, le Cameroun... Pour leur défense, ils accusent la France de racisme et de néocolonialisme. Les dirigeants politiques français ont bien entendu une grande part de responsabilité dans ce processus comme cela sera démontré par les auteurs. J'ai trouvé cette enquête sur les avoirs détournés très instructive. Les résultats de celle-ci sont d'ailleurs assez spectaculaires. Les principaux mécanismes sont bien expliqués. C'est également servi par un dessin plutôt efficace et agréable à la lecture. C'est une excellente idée d'avoir relaté tout ces faits en bande dessinée. Bien entendu, c'est à lire pour découvrir un autre aspect de l'Afrique loin de la carte postale imaginée.

03/08/2019 (modifier)
Couverture de la série Chantier interdit au public
Chantier interdit au public

Décidément, j’aime beaucoup cette collection (Sociorama) et cet album figure parmi ceux qui m’ont le plus convaincu. Pourtant et une fois de plus, serais-je tenté de dire, le dessin est vraiment peu engageant. Caricatural, vif, spontané, comme jeté sans travail préalable sur la feuille de papier, ce n’est pas le genre de dessin qui attire mon regard vers un livre. Mais il est efficace pour ce type de projet, justement parce qu’il est caricatural et spontané et que, de la sorte, il renforce l’aspect documentaire et humoristique du récit. Et c’est un fait que je me suis amusé durant ma lecture, alors que le sujet (quand on y réfléchit un peu) est tout sauf drôle. Côté documentaire, j’ai trouvé ce à quoi je m’attendais… avec peut-être encore plus d’aspects déprimants que je ne l’aurais cru. L’humour, bien présent allège la gravité du sujet, nous permet de prendre nos distances, d’avoir du recul et donc de mieux capter toute l’absurdité de certaines situations. A lire, très certainement. Un très bon album de plus de cette collection qui nous permet de mieux comprendre notre société sans se prendre au sérieux.

02/08/2019 (modifier)
Couverture de la série C'est aujourd'hui que je vous aime
C'est aujourd'hui que je vous aime

Une association de deux auteurs auxquels je suis sensible, il n’en fallait pas plus pour me convaincre d’acheter cette bande dessinée sans même prendre la peine de l’ouvrir, convaincu que j’étais de la complémentarité de leurs talents et univers respectifs. Je dois pourtant avouer qu’à la première lecture, je suis un peu resté sur ma faim. Ce fut pour moi comme une première relation sexuelle : on en attend monts et merveilles et, trop fébrile, trop empressé, on en ressort avec le sentiment que ce n’était finalement pas la peine d’en faire une montagne. Sauf que, comme pour les relations sexuelles, au plus on y revient, au plus on se connait, au plus on connait son ou sa partenaire, au plus on maîtrise la chose… au plus on est apte à apprécier, à savourer, à remarquer les petites nuances et à la faire traîner suffisamment pour en tirer une totale plénitude. Cette bande dessinée est un orgasme d’âge mûr… Ce n’est pas par hasard que je parle autant de sexualité pour aborder ce livre, car le sexe en est l’élément central. Le sexe des premiers émois, celui dans lequel un cerveau adolescent voit en même temps la perfection romanesque d’un amour impossible et magnifique et le besoin physique de se vider les couilles. François Morel, par son approche poétique, tendre et naïve, parvient parfaitement à retranscrire cet état que beaucoup d’entre nous ont dû connaitre (bon, si ça se trouve, que deux humains ont dû connaître, lui et moi). C’est drôle et touchant, sincère et maladroit, c’est frais, c’est juste… ça me parle, quoi ! Pascal Rabaté apporte tout son savoir-faire à ce récit. Le petit François se dédouble, détriple, déquadruple à l’occasion. Se cherchant lui-même, il se laisse encore guider par celui qu’il rêverait d’être, se laisse distraire par celui qu’il pense que les autres aimeraient voir en lui. Ces passages où des ombres colorées de François s’imposent dans son quotidien sont à mes yeux d’une grande finesse et d’une grande justesse, jusqu’au paroxysme de l’album lorsque l’adolescent empressé finit par réaliser, sinon qui il est, du moins qui il ne veut pas être. Je parlais de nuances en début d’avis. Et bien, elles sont là, ces nuances, c’est le genre de détail au-dessus duquel j’ai tégévé dans ma première lecture, m’amusant du procédé mais sans en comprendre la profondeur. Et ce n’est qu’à la relecture que j’ai pu la savourer. Ne vous méprenez pas : il ne s’agit pas d’une œuvre hermétique ou d’un livre « d’auteur » dans le sens péjoratif. "C’est aujourd’hui que je vous aime" est avant tout un récit touchant et amusant… mais qui m’a ému par sa finesse, par son art de parler de sujets sérieux avec désinvolture et profondeur. C’est, je trouve, une œuvre intelligente autant que drôle. Un vrai coup de cœur pour moi. Pas un coup de foudre mais un coup de cœur progressif, imparable, inéluctable.

02/08/2019 (modifier)