De Crécy est un auteur hors norme, clivant, et très original, avec des œuvres plus ou moins facilement accessibles. Si tout semble ici très simple – du dessin à « l’intrigue », ça n’est pas avec cet album que je vous conseille de découvrir cet auteur, car la lecture peut être aride.
A commencer par le dessin. De Crécy use longtemps d’un Noir et Blanc nerveux, avec un trait comme jeté sur la page, des esquisses, crobars plus ou moins brouillons. Par la suite le trait devient plus clair – sans vraiment perdre son caractère « pris sur le vif ». Surtout, le long passage où s’invite une couleur, du marron « brou de noix » donne une impression plus aboutie. Et l’avatar de l’auteur est généralement représenté comme une sorte de fantôme baudruche (entre Barbapapa et Totoro), De Crécy se mettant en scène et mettant en avant certains de ses questionnements personnels, et d’auteurs (suite à un voyage au Japon – une partie de l’album a d’ailleurs paru dans le recueil collectif « Japon » – et un autre au Brésil pour le magazine Géo).
La lecture n’est pas très dynamique, mais elle reste quand même intéressante. Une réflexion sur la création. Et aussi sur la découverte de cultures populaires très différentes de la nôtre. Le refus d’être un « touriste/consommateur » aussi.
Une histoire d'écrivains citadins exilés dans la campagne anglaise.
Le film que Stephen Frears en avait tiré m'avait agréablement surpris, entre comédie et étude de mœurs enlevée.
Il m'a aidé à surmonter mes appréhensions vis-à-vis de ce drôle de livre carré aux dessins riquiquis et aux pavés de texte disséminés un peu partout.
Posy Simmonds nous conte une histoire d'adultère a priori sans grands enjeux, cependant elle sait comment pimenter son récit et caractériser ses personnages, qu'ils soient sympathiques ou non. A l'instar des deux adolescentes voyeuses, j'ai fini par goûter les affres domestiques de ce petit microcosme. Rien de révolutionnaire, mais une lecture plaisante.
Un détail : les iris des femmes de Posy Simmonds m'ont régulièrement paru trop petits. Le problème ne se pose pas pour ses hommes, auxquels elle ne dessine pas la sclère (blanc de l'oeil).
Note réelle : 3,5/ 5
Je n'ai pas vu l'anime.
Le manga comporte très peu de protagonistes :
- Akari, Takaki et Kanae dans le tome 1.
- les mêmes plus Lisa dans le tome 2.
Drame romantique oblige, tous sont transis d'un amour impossible :
Le couple est séparé par la distance, les 2 autres brûlent d'un feu non partagé.
Je rejoins Erik sur la douceur, la poésie et la mélancolie de "5cm par seconde".
Pas d'action ou de crise de jalousie ici - les personnages sont bienveillants.
Tous sont attachants et vivent des émotions complexes qui nous sont bien communiquées. Mais comme le récit ne se préoccupe que de romance, on croule un peu sous les sentiments. J'étais plutôt soulagé que la série ne comporte que 2 tomes car je commençais à frôler l'overdose.
Cette histoire parlera sans doute à ceux qui ont connu une déception sentimentale.
Une histoire qui se lit facilement.
Lebeault use d'un style propre, avec un imaginaire onirique un peu désuet qui convoque aussi bien Georges Méliès et Winsor McCay (Litlle Nemo) qu'Alex Raymond (Flash Gordon).
Le scénario justifie bien cet emprunt graphique. Ponctué de péripéties simples mais efficaces, il distille juste assez de miettes pour nous laisser entrevoir la conclusion, bien amenée à défaut d'être totalement inédite.
« Libres d’obéir », adaptation illustrée de l’essai de Johann Chapoutot paru en 2020, fait partie des bandes dessinées les plus attendues de cette rentrée. Quant à sa couverture montrant un swastika stylisé en forme de rouage maintenant prisonnière une employée, contrainte d’avancer à la façon d’un hamster dans sa roue, elle interpelle forcément et suscite la curiosité. Comment le management moderne pourrait-il avoir un lien quelconque avec le nazisme ? C’est ce que nous proposent de découvrir Philippe Girard, bédéiste québécois auteur notamment d’une biographie consacrée à Léonard Cohen, et Johann Chapoutot, historien spécialiste du nazisme et de l’Allemagne.
Parce qu’il faut bien le dire, la première réaction du lecteur sera forcément teintée de scepticisme. Quoi que l’on pense de l’organisation des entreprises au sein desquelles nombre d’entre nous officie aujourd’hui, on a un peu de mal à établir un parallèle direct avec les méthodes autoritaires et impitoyables adoptées par les nazis dans les années 30…
Pour sa démonstration, Chapoutot va s’appuyer sur la carrière de ce quasi-inconnu qu’était Reinhard Höhn, mais qui fut l’un des fers de lance parmi d’autres idéologues allemands dans l’application de la politique d’Hitler. En résumé, celui-ci, que l’historien qualifie de « Josef Mengele du droit », se posait en ennemi de l’Etat. Ce dignitaire nazi a théorisé la mise en œuvre du « Menschen Führung », un modèle de management qui sera adopté par de nombreuses entreprises allemandes. En quoi cela consistait-il ? Ce système fut baptisé « polycratie » par les historiens, un système en réalité plus anarchique que pragmatique, dans la mesure où les politiques étaient menées différemment selon les régions, tout en restant conforme à la doctrine hitlérienne : « Ein Volk, ein Reich, ein Führer ».
Pour les nazis, le seul ordre qui valait était l’ « ordre naturel », une sorte de « darwinisme social » qui s’appliqua également aux entreprises où l’humain ne restait qu’un matériau comme un autre. Dans cette logique, l’Etat, cet ennemi, « n’a le droit de vivre que dans la mesure où il n’entrave pas la nature ». On sait désormais ce qu’il advint sous le régime nazi des plus faibles, des non-aryens ou de ceux qui refusaient d’adhérer à ces doctrines mortifères…
Afin d’aérer cet ouvrage très dense voire touffu en informations, les auteurs ont inséré un second axe narratif, lequel met en scène deux femmes cadres évoquant leur lassitude vis-à-vis de la politique managériale de leur entreprise, l’une d’elle racontant notamment comment elle parvint à surmonter son « burn-out ». Au fil de pages, de nombreuses similitudes sont exposées entre les discours de leur direction et les fameuses théories nazies. Un système en trompe-l’œil où l’on prône l’épanouissement de chaque salarié tout en le sanctionnant s’il n’atteint pas ses objectifs, un fonctionnement pseudo-démocratique « où l’employé consent à son sort dans un espace de liberté ».
La ligne claire sobre de Philippe Girard accompagne efficacement le propos du livre à l’aide de références documentées et très variées. Ce qui, pour ce type d’ouvrage, est toujours une sorte de défi, le but étant de maintenir l’attention du lecteur de façon ludique.
Reinhard Höhn survécut à la chute d’Hitler et réussit à se reconvertir grâce à l’appui de ses réseaux. L’ancien SS put même fonder sa propre école de management à l’américaine. Entre 1956 et 2000, 600 000 cadres y furent accueillis, sous la houlette de plusieurs enseignants anciens membres du SD et de la SS.
Il est incontestable qu’il ait pu avoir une influence sur les méthodes managériales en Allemagne depuis la fin de la seconde guerre mondiale, même si celles-ci furent remises en cause dans les dernières décennies, tandis que certains dans son pays dénonçaient son passé de SS. Sur toutes les informations fournies dans cet essai, on ne pourra remettre en question la compétence et l'expertise de Johann Chapoutot.
Pourtant, bien que l’ouvrage reste captivant sur le fond, je dois avouer à titre personnel être resté sur ma faim. En tant que salarié d’une entreprise implantée à l’international, je n’ai pas vu dans le livre de démonstration suffisamment étayée quant à une influence manifeste de Reinhard Höhn sur le management mondial actuel, quand bien même j’aurais beaucoup de critiques à émettre à son encontre. Certes, l’ancien nazi a eu incontestablement une influence outre-Rhin, mais hors des frontières allemandes ?
Affirmer que la philosophie managériale actuelle, très internationalisée, découle de ces théories nazies, même partiellement, me paraît être un raccourci un brin osé, alors que comme on le sait, le capitalisme financier a été au XXe siècle dominé par les pays anglo-saxons, en particulier les Etats-Unis, ne serait-ce que par la « novlangue » utilisée au sein des entreprises dès les années 80. Et en admettant que j’aie mal interprété ou mal compris le propos de l’auteur, pourquoi ce dernier n’a-t-il pas introduit d’éléments véritablement concrets pour étayer sa pensée ? L’impression, c’est qu’il est resté cloisonné dans son champ géographique de prédilection, l’Allemagne, sans réellement connaître la réalité dans le reste du monde. Et puis finalement, n’est-ce pas le capitalisme lui-même qui contient en germe ces pratiques délétères, sachant que ce système économique, très puissant, n’a eu de cesse de s’adapter au gré des époques et de cannibaliser, de façon presque naturelle et sans théoricien, tous les obstacles potentiels à ses velléités prédatrices ? En somme, ce capitalisme, qui ne semble vivre que pour lui-même, ne répond-il pas à ce fameux « ordre naturel » si cher aux nazis ?
Au-delà de ce bémol, cela ne remet cependant pas en cause l’intérêt de cet ouvrage, qui reste instructif — quoique très consistant —, et sa conclusion vient en quelque sorte réconcilier tout le monde (sauf les dictateurs) avec cette seule phrase concernant l’intuition, laquelle « nous apprend que la véritable manière d’être libre, c’est de désobéir ! ».
En voilà une une qui ne passe pas loin du 4. C'est bien, graphiquement satisfaisant. L'histoire est pas mal, mais on peine à véritablement s'enthousiasmer.
L'aspect graphique est clairement ce qui m'a le plus marqué. Anthony Pastor, qui m'avais emballé avec son travail sur Hotel Koral, explore encore une autre veine. C'est plutôt réussi, avec un petit côté Vangoghien (les fonds de cases) qui drape cette histoire d'un aspect d'étrangeté diffus, alors qu'il n'y a clairement rien de fantastique. Quelques petites maladresses piquent un peu les yeux en raison de perspectives hasardeuses (la scène de duel notamment), mais rien de bien méchant.
L'histoire est plutôt sympa à suivre, avec cette recherche diffuse de paternité menée par un cowboy écorché et sensible, où évoluent des personnages certes assez caricaturaux (si ce n'est Billy Lavigne lui même qui échappe à ça) mais bien taillés. Ce qui gâche un peu la fête, ce sont des détails disséminés : ici des dialogues mal venus, là un petit souci de montage qui fait qu'on se retrouve deux ou trois fois à revenir sur ses pas avec la sensation qu'on a raté une marche...
En définitive, Billy Lavigne est une bonne histoire plutôt agréable à l'œil mais à la finition bâclée. Rien de méchant, vraiment, mais bon, faut bien laisser une note.
Du roman de Gaston Leroux je ne connais que des adaptations (sur divers médias), n’ayant jamais lu l’œuvre originale. J’y retourne donc par la bande avec cet album, dont j’ai trouvé la lecture agréable.
L’histoire en elle-même est relativement classique malgré le fantastique qui l’irrigue : peut-être le manque – relatif – de surprise vient-il justement du fait que l’intrigue a déjà été pas mal interprétée ailleurs ? Mais ça se laisse lire quand même de façon plaisante, le fil rouge vaguement polar étant traversé par du fantastique et de la poésie.
Ces derniers points sont accentués – et magnifiés – par le très beau dessin de la fratrie Brizzi (que j’avais récemment hautement apprécié sur leur version de L'Enfer de Dante). Un travail au fusain, au rendu évanescent, qui ressemble parfois à du croquis ou des esquisses améliorés, mais qui possède une force et un charme indéniables. Tous les passages dans les souterrains (comme pour L'Enfer de Dante les décors sont forcément immenses, avec des hauteurs sous plafond défiant l’imagination) sont superbes.
Rien que la couverture donne le ton. Il y a dans le visage représenté quelque chose de noir et mélancolique assez envoûtant.
Bref, une intrigue intéressante, et un dessin original et vraiment captivant, on a là une lecture recommandable.
Noté réelle 3,5/5.
Je suis sorti de cette lecture avec un ressenti mitigé – même si globalement le plaisir a prédominé.
On est rapidement plongé dans un récit étrange, où une sorte de fantastique doux et onirique s’exprime, entre La Nef des fous et un univers à la Miyazaki. Contrairement à beaucoup de séries du même genre, j’ai trouvé que tout était franchement adouci. Si une forme d’oppression et le personnage de Grauko laissent planer une menace latente, on ne bascule jamais réellement dans la dystopie noire (et la fin achève de rétablir un équilibre rassurant).
Plusieurs choses sont plaisantes dans cette lecture. D’abord le côté vaguement onirique et poétique de l’univers crée par Vink. Avec des bestioles bizarres, des personnages et des décors mêlant diverses époques, de la magie qui n’est jamais noire, etc.
Le dessin de Vink est lui aussi agréable. Ses personnages aux têtes un peu grosses dédramatisent d’emblée l’intrigue, pour la faire partir vers quelque chose d’irréel. En tout cas le rendu du dessin est agréable.
Maintenant, si je suis resté mitigé, c’est aussi pour plusieurs raisons. D’abord, aucun personnage n’est réellement charismatique, on peine à s’attacher à eux, y compris le « héros », assez transparent. Cela renforce le côté un peu mollasson du rythme.
Et surtout, il manque une vraie conclusion à l’histoire. J’ai pourtant lu l’intégrale, qui possède – en plus de divers dessins plutôt chouettes de l’auteur – un épilogue sensé conclure l’histoire, mais ça n’est pas vraiment le cas je trouve, ce qui est surprenant.
Un album étrange. Je suis gros amateurs de strips humoristiques, d’humour noir/con/absurde, et donc je m’attendais à y trouver tout ça.
Et ça n’est pas exactement ce que j’attendais. Certes, il y a de l’humour noir (jamais réellement dur), mais plutôt une succession d’historiettes ou de petits récits amers, avec un peu de ridicule, des chutes plus ou moins amusantes. Il y a un peu de Sempé d’ailleurs sur certaines petites histoires.
Mais l’ensemble est globalement plaisant, amusant. Et le graphisme très simple (au niveau des personnages et des décors – quasiment absents) ajoute de la légèreté, mais aussi du plaisir de lecture. C’est assez rafraichissant, sans être hilarant. Pozla arrive avec un minimum de moyens à faire passer des émotions et les situations dans lesquelles se débattent les personnages, ordinaires, amènent le lecteur à s’identifier à eux, le sourire aux lèvres.
J’avais déjà vu cette simplicité et cette efficacité du récit (beaucoup de saynètes sont muettes) dans son conte jeunesse L'homme qui courait après sa chance, assez éloigné de l’humour plus crade et trash de Monkey Bizness où je l’avais découvert).
Je suis d'accord avec la majorité des posteurs.
Commençons par le gros point fort de l'album : le dessin. Craig Thompson a beaucoup de talent en dessin et ça se voit qu'il prend du temps pour sortir un album. Le dessin est magnifique, dynamique et la mise en page est incroyable. Du côté scénario, il y a des problèmes. Déjà, il aborde plusieurs thèmes et tous ne m'ont pas intéressé. Si j'ai bien aimé le côté autobiographie et les leçons d'histoire, je me foutais un peu de savoir comment on produisait le ginseng. C'est vraiment le genre d'album où mon intérêt variait selon les pages et avoir cette sensation dans un album qui fait environ 450 pages, cela rend le temps très long... J'ai mis deux jours pour avoir la force de le finir !
Le pire est la structure de l'album. C'est complètement bordélique. Pourtant, le récit est divisé en chapitres et j'aurais pensé que l'auteur aurait fait un plan du genre un chapitre = un sujet, et ben non on saute constamment du coq à l'âne et cela donne des trucs comme le fait que des personnages semblent sortir de nulle part. Cela gâche l'envie de relire l'album un jour. Bien divisé en chapitres, j'aurais tout simplement sauté les chapitres que j'aime pas, mais là je veux vraiment pas relire un gros album en essayant de me souvenir quelles sont les pages que j'ai pas aimées.
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Journal d'un fantôme
De Crécy est un auteur hors norme, clivant, et très original, avec des œuvres plus ou moins facilement accessibles. Si tout semble ici très simple – du dessin à « l’intrigue », ça n’est pas avec cet album que je vous conseille de découvrir cet auteur, car la lecture peut être aride. A commencer par le dessin. De Crécy use longtemps d’un Noir et Blanc nerveux, avec un trait comme jeté sur la page, des esquisses, crobars plus ou moins brouillons. Par la suite le trait devient plus clair – sans vraiment perdre son caractère « pris sur le vif ». Surtout, le long passage où s’invite une couleur, du marron « brou de noix » donne une impression plus aboutie. Et l’avatar de l’auteur est généralement représenté comme une sorte de fantôme baudruche (entre Barbapapa et Totoro), De Crécy se mettant en scène et mettant en avant certains de ses questionnements personnels, et d’auteurs (suite à un voyage au Japon – une partie de l’album a d’ailleurs paru dans le recueil collectif « Japon » – et un autre au Brésil pour le magazine Géo). La lecture n’est pas très dynamique, mais elle reste quand même intéressante. Une réflexion sur la création. Et aussi sur la découverte de cultures populaires très différentes de la nôtre. Le refus d’être un « touriste/consommateur » aussi.
Tamara Drewe
Une histoire d'écrivains citadins exilés dans la campagne anglaise. Le film que Stephen Frears en avait tiré m'avait agréablement surpris, entre comédie et étude de mœurs enlevée. Il m'a aidé à surmonter mes appréhensions vis-à-vis de ce drôle de livre carré aux dessins riquiquis et aux pavés de texte disséminés un peu partout. Posy Simmonds nous conte une histoire d'adultère a priori sans grands enjeux, cependant elle sait comment pimenter son récit et caractériser ses personnages, qu'ils soient sympathiques ou non. A l'instar des deux adolescentes voyeuses, j'ai fini par goûter les affres domestiques de ce petit microcosme. Rien de révolutionnaire, mais une lecture plaisante. Un détail : les iris des femmes de Posy Simmonds m'ont régulièrement paru trop petits. Le problème ne se pose pas pour ses hommes, auxquels elle ne dessine pas la sclère (blanc de l'oeil). Note réelle : 3,5/ 5
5cm per second
Je n'ai pas vu l'anime. Le manga comporte très peu de protagonistes : - Akari, Takaki et Kanae dans le tome 1. - les mêmes plus Lisa dans le tome 2. Drame romantique oblige, tous sont transis d'un amour impossible : Le couple est séparé par la distance, les 2 autres brûlent d'un feu non partagé. Je rejoins Erik sur la douceur, la poésie et la mélancolie de "5cm par seconde". Pas d'action ou de crise de jalousie ici - les personnages sont bienveillants. Tous sont attachants et vivent des émotions complexes qui nous sont bien communiquées. Mais comme le récit ne se préoccupe que de romance, on croule un peu sous les sentiments. J'étais plutôt soulagé que la série ne comporte que 2 tomes car je commençais à frôler l'overdose. Cette histoire parlera sans doute à ceux qui ont connu une déception sentimentale.
Sélénie
Une histoire qui se lit facilement. Lebeault use d'un style propre, avec un imaginaire onirique un peu désuet qui convoque aussi bien Georges Méliès et Winsor McCay (Litlle Nemo) qu'Alex Raymond (Flash Gordon). Le scénario justifie bien cet emprunt graphique. Ponctué de péripéties simples mais efficaces, il distille juste assez de miettes pour nous laisser entrevoir la conclusion, bien amenée à défaut d'être totalement inédite.
Libres d'obéir
« Libres d’obéir », adaptation illustrée de l’essai de Johann Chapoutot paru en 2020, fait partie des bandes dessinées les plus attendues de cette rentrée. Quant à sa couverture montrant un swastika stylisé en forme de rouage maintenant prisonnière une employée, contrainte d’avancer à la façon d’un hamster dans sa roue, elle interpelle forcément et suscite la curiosité. Comment le management moderne pourrait-il avoir un lien quelconque avec le nazisme ? C’est ce que nous proposent de découvrir Philippe Girard, bédéiste québécois auteur notamment d’une biographie consacrée à Léonard Cohen, et Johann Chapoutot, historien spécialiste du nazisme et de l’Allemagne. Parce qu’il faut bien le dire, la première réaction du lecteur sera forcément teintée de scepticisme. Quoi que l’on pense de l’organisation des entreprises au sein desquelles nombre d’entre nous officie aujourd’hui, on a un peu de mal à établir un parallèle direct avec les méthodes autoritaires et impitoyables adoptées par les nazis dans les années 30… Pour sa démonstration, Chapoutot va s’appuyer sur la carrière de ce quasi-inconnu qu’était Reinhard Höhn, mais qui fut l’un des fers de lance parmi d’autres idéologues allemands dans l’application de la politique d’Hitler. En résumé, celui-ci, que l’historien qualifie de « Josef Mengele du droit », se posait en ennemi de l’Etat. Ce dignitaire nazi a théorisé la mise en œuvre du « Menschen Führung », un modèle de management qui sera adopté par de nombreuses entreprises allemandes. En quoi cela consistait-il ? Ce système fut baptisé « polycratie » par les historiens, un système en réalité plus anarchique que pragmatique, dans la mesure où les politiques étaient menées différemment selon les régions, tout en restant conforme à la doctrine hitlérienne : « Ein Volk, ein Reich, ein Führer ». Pour les nazis, le seul ordre qui valait était l’ « ordre naturel », une sorte de « darwinisme social » qui s’appliqua également aux entreprises où l’humain ne restait qu’un matériau comme un autre. Dans cette logique, l’Etat, cet ennemi, « n’a le droit de vivre que dans la mesure où il n’entrave pas la nature ». On sait désormais ce qu’il advint sous le régime nazi des plus faibles, des non-aryens ou de ceux qui refusaient d’adhérer à ces doctrines mortifères… Afin d’aérer cet ouvrage très dense voire touffu en informations, les auteurs ont inséré un second axe narratif, lequel met en scène deux femmes cadres évoquant leur lassitude vis-à-vis de la politique managériale de leur entreprise, l’une d’elle racontant notamment comment elle parvint à surmonter son « burn-out ». Au fil de pages, de nombreuses similitudes sont exposées entre les discours de leur direction et les fameuses théories nazies. Un système en trompe-l’œil où l’on prône l’épanouissement de chaque salarié tout en le sanctionnant s’il n’atteint pas ses objectifs, un fonctionnement pseudo-démocratique « où l’employé consent à son sort dans un espace de liberté ». La ligne claire sobre de Philippe Girard accompagne efficacement le propos du livre à l’aide de références documentées et très variées. Ce qui, pour ce type d’ouvrage, est toujours une sorte de défi, le but étant de maintenir l’attention du lecteur de façon ludique. Reinhard Höhn survécut à la chute d’Hitler et réussit à se reconvertir grâce à l’appui de ses réseaux. L’ancien SS put même fonder sa propre école de management à l’américaine. Entre 1956 et 2000, 600 000 cadres y furent accueillis, sous la houlette de plusieurs enseignants anciens membres du SD et de la SS. Il est incontestable qu’il ait pu avoir une influence sur les méthodes managériales en Allemagne depuis la fin de la seconde guerre mondiale, même si celles-ci furent remises en cause dans les dernières décennies, tandis que certains dans son pays dénonçaient son passé de SS. Sur toutes les informations fournies dans cet essai, on ne pourra remettre en question la compétence et l'expertise de Johann Chapoutot. Pourtant, bien que l’ouvrage reste captivant sur le fond, je dois avouer à titre personnel être resté sur ma faim. En tant que salarié d’une entreprise implantée à l’international, je n’ai pas vu dans le livre de démonstration suffisamment étayée quant à une influence manifeste de Reinhard Höhn sur le management mondial actuel, quand bien même j’aurais beaucoup de critiques à émettre à son encontre. Certes, l’ancien nazi a eu incontestablement une influence outre-Rhin, mais hors des frontières allemandes ? Affirmer que la philosophie managériale actuelle, très internationalisée, découle de ces théories nazies, même partiellement, me paraît être un raccourci un brin osé, alors que comme on le sait, le capitalisme financier a été au XXe siècle dominé par les pays anglo-saxons, en particulier les Etats-Unis, ne serait-ce que par la « novlangue » utilisée au sein des entreprises dès les années 80. Et en admettant que j’aie mal interprété ou mal compris le propos de l’auteur, pourquoi ce dernier n’a-t-il pas introduit d’éléments véritablement concrets pour étayer sa pensée ? L’impression, c’est qu’il est resté cloisonné dans son champ géographique de prédilection, l’Allemagne, sans réellement connaître la réalité dans le reste du monde. Et puis finalement, n’est-ce pas le capitalisme lui-même qui contient en germe ces pratiques délétères, sachant que ce système économique, très puissant, n’a eu de cesse de s’adapter au gré des époques et de cannibaliser, de façon presque naturelle et sans théoricien, tous les obstacles potentiels à ses velléités prédatrices ? En somme, ce capitalisme, qui ne semble vivre que pour lui-même, ne répond-il pas à ce fameux « ordre naturel » si cher aux nazis ? Au-delà de ce bémol, cela ne remet cependant pas en cause l’intérêt de cet ouvrage, qui reste instructif — quoique très consistant —, et sa conclusion vient en quelque sorte réconcilier tout le monde (sauf les dictateurs) avec cette seule phrase concernant l’intuition, laquelle « nous apprend que la véritable manière d’être libre, c’est de désobéir ! ».
Billy Lavigne
En voilà une une qui ne passe pas loin du 4. C'est bien, graphiquement satisfaisant. L'histoire est pas mal, mais on peine à véritablement s'enthousiasmer. L'aspect graphique est clairement ce qui m'a le plus marqué. Anthony Pastor, qui m'avais emballé avec son travail sur Hotel Koral, explore encore une autre veine. C'est plutôt réussi, avec un petit côté Vangoghien (les fonds de cases) qui drape cette histoire d'un aspect d'étrangeté diffus, alors qu'il n'y a clairement rien de fantastique. Quelques petites maladresses piquent un peu les yeux en raison de perspectives hasardeuses (la scène de duel notamment), mais rien de bien méchant. L'histoire est plutôt sympa à suivre, avec cette recherche diffuse de paternité menée par un cowboy écorché et sensible, où évoluent des personnages certes assez caricaturaux (si ce n'est Billy Lavigne lui même qui échappe à ça) mais bien taillés. Ce qui gâche un peu la fête, ce sont des détails disséminés : ici des dialogues mal venus, là un petit souci de montage qui fait qu'on se retrouve deux ou trois fois à revenir sur ses pas avec la sensation qu'on a raté une marche... En définitive, Billy Lavigne est une bonne histoire plutôt agréable à l'œil mais à la finition bâclée. Rien de méchant, vraiment, mais bon, faut bien laisser une note.
Le Fantôme de l'Opéra (Brizzi)
Du roman de Gaston Leroux je ne connais que des adaptations (sur divers médias), n’ayant jamais lu l’œuvre originale. J’y retourne donc par la bande avec cet album, dont j’ai trouvé la lecture agréable. L’histoire en elle-même est relativement classique malgré le fantastique qui l’irrigue : peut-être le manque – relatif – de surprise vient-il justement du fait que l’intrigue a déjà été pas mal interprétée ailleurs ? Mais ça se laisse lire quand même de façon plaisante, le fil rouge vaguement polar étant traversé par du fantastique et de la poésie. Ces derniers points sont accentués – et magnifiés – par le très beau dessin de la fratrie Brizzi (que j’avais récemment hautement apprécié sur leur version de L'Enfer de Dante). Un travail au fusain, au rendu évanescent, qui ressemble parfois à du croquis ou des esquisses améliorés, mais qui possède une force et un charme indéniables. Tous les passages dans les souterrains (comme pour L'Enfer de Dante les décors sont forcément immenses, avec des hauteurs sous plafond défiant l’imagination) sont superbes. Rien que la couverture donne le ton. Il y a dans le visage représenté quelque chose de noir et mélancolique assez envoûtant. Bref, une intrigue intéressante, et un dessin original et vraiment captivant, on a là une lecture recommandable. Noté réelle 3,5/5.
Le Passager
Je suis sorti de cette lecture avec un ressenti mitigé – même si globalement le plaisir a prédominé. On est rapidement plongé dans un récit étrange, où une sorte de fantastique doux et onirique s’exprime, entre La Nef des fous et un univers à la Miyazaki. Contrairement à beaucoup de séries du même genre, j’ai trouvé que tout était franchement adouci. Si une forme d’oppression et le personnage de Grauko laissent planer une menace latente, on ne bascule jamais réellement dans la dystopie noire (et la fin achève de rétablir un équilibre rassurant). Plusieurs choses sont plaisantes dans cette lecture. D’abord le côté vaguement onirique et poétique de l’univers crée par Vink. Avec des bestioles bizarres, des personnages et des décors mêlant diverses époques, de la magie qui n’est jamais noire, etc. Le dessin de Vink est lui aussi agréable. Ses personnages aux têtes un peu grosses dédramatisent d’emblée l’intrigue, pour la faire partir vers quelque chose d’irréel. En tout cas le rendu du dessin est agréable. Maintenant, si je suis resté mitigé, c’est aussi pour plusieurs raisons. D’abord, aucun personnage n’est réellement charismatique, on peine à s’attacher à eux, y compris le « héros », assez transparent. Cela renforce le côté un peu mollasson du rythme. Et surtout, il manque une vraie conclusion à l’histoire. J’ai pourtant lu l’intégrale, qui possède – en plus de divers dessins plutôt chouettes de l’auteur – un épilogue sensé conclure l’histoire, mais ça n’est pas vraiment le cas je trouve, ce qui est surprenant.
Linge sale, amour et céréales
Un album étrange. Je suis gros amateurs de strips humoristiques, d’humour noir/con/absurde, et donc je m’attendais à y trouver tout ça. Et ça n’est pas exactement ce que j’attendais. Certes, il y a de l’humour noir (jamais réellement dur), mais plutôt une succession d’historiettes ou de petits récits amers, avec un peu de ridicule, des chutes plus ou moins amusantes. Il y a un peu de Sempé d’ailleurs sur certaines petites histoires. Mais l’ensemble est globalement plaisant, amusant. Et le graphisme très simple (au niveau des personnages et des décors – quasiment absents) ajoute de la légèreté, mais aussi du plaisir de lecture. C’est assez rafraichissant, sans être hilarant. Pozla arrive avec un minimum de moyens à faire passer des émotions et les situations dans lesquelles se débattent les personnages, ordinaires, amènent le lecteur à s’identifier à eux, le sourire aux lèvres. J’avais déjà vu cette simplicité et cette efficacité du récit (beaucoup de saynètes sont muettes) dans son conte jeunesse L'homme qui courait après sa chance, assez éloigné de l’humour plus crade et trash de Monkey Bizness où je l’avais découvert).
Ginseng roots
Je suis d'accord avec la majorité des posteurs. Commençons par le gros point fort de l'album : le dessin. Craig Thompson a beaucoup de talent en dessin et ça se voit qu'il prend du temps pour sortir un album. Le dessin est magnifique, dynamique et la mise en page est incroyable. Du côté scénario, il y a des problèmes. Déjà, il aborde plusieurs thèmes et tous ne m'ont pas intéressé. Si j'ai bien aimé le côté autobiographie et les leçons d'histoire, je me foutais un peu de savoir comment on produisait le ginseng. C'est vraiment le genre d'album où mon intérêt variait selon les pages et avoir cette sensation dans un album qui fait environ 450 pages, cela rend le temps très long... J'ai mis deux jours pour avoir la force de le finir ! Le pire est la structure de l'album. C'est complètement bordélique. Pourtant, le récit est divisé en chapitres et j'aurais pensé que l'auteur aurait fait un plan du genre un chapitre = un sujet, et ben non on saute constamment du coq à l'âne et cela donne des trucs comme le fait que des personnages semblent sortir de nulle part. Cela gâche l'envie de relire l'album un jour. Bien divisé en chapitres, j'aurais tout simplement sauté les chapitres que j'aime pas, mais là je veux vraiment pas relire un gros album en essayant de me souvenir quelles sont les pages que j'ai pas aimées. À emprunter à la bibliothèque si on a aimé les autres œuvres de l'auteur.