Deryn Du
Un petit port des côtes galloises est le théâtre d'une série de morts aussi violentes que mystérieuses.
1900 - 1913 : Du début du XXe siècle aux prémices de la première guerre mondiale Aire Libre Nouveautés BD, comics et manga Pays de Galles
Alors que les policiers cherchent un coupable et que les braves gens effrayés se regardent en coin, un jeune homme, amateur de littérature fantastique, arrivé depuis peu au village, promène dans les rues et les champs alentour un regard curieux. Il fait progressivement la connaissance d'une étrange gamine qui joue à la poupée en fredonnant des chansons macabres. Le tout sous l'oeil sombre et perçant d'un grand corbeau.
| Scénario | |
| Dessin | |
| Couleurs | |
|
Editeur
/
Collection
|
|
|
Genre
/
Public
/
Type
|
|
| Date de parution | 17 Octobre 2025 |
| Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
Comment susciter la peur en bande dessinée ? En puisant dans la littérature et le cinéma britanniques fantastiques, Guillaume Sorel a tenté de relever le défi. Avec « Deryn Du », il s’est inspiré des écrits de l’écrivain gallois Arthur Machen, aujourd’hui quelque peu tombé dans l’oubli. Pourtant, Lovecraft le considérait comme une de ses influences majeures, aux côtés d’Edgar Allan Poe. Sorel convoque ici les légendes du pays de Galles avec son petit peuple, ses fées et ses fantômes, dans un récit horrifique mêlant surnaturel et poésie. Coutumier des histoires fantastiques, Guillaume Sorel s’est déjà livré à plusieurs adaptations de romans d’auteurs du genre (« Le Horla » de Maupassant ou « MacBeth » de Shakespeare) et s’est inspiré de l’univers de Lovecraft dans la série qui l’a fait connaître, « L’Île aux morts ». Dans ce nouvel opus, il réhabilite en quelque sorte Arthur Machen en mettant en images l’univers du romancier britannique à travers quelques unes de ses œuvres, notamment « La Colline des rêves » et « Les trois imposteurs » — et l’on peut voir dans le récit que ces deux titres font partie des livres de chevet du personnage principal. Sorel possède un univers bien à part dans la bande dessinée, assorti à un talent graphique qui en fait un véritable artiste. Son trait tourmenté, voire déchiqueté, ne manque pas d’élégance, de même que la mise en couleurs révélant une grande maîtrise de l’aquarelle, le tout cadrant parfaitement au contexte victorien mâtiné de gothique. Les décors diurnes et solaires (pour représenter le petit port paisible et ses environs champêtres) alternent avec des ambiances nocturnes très sombres (dans les rues étroites où ont lieu les crimes). Les passages plus oniriques sont intégrés au récit dans une mise en page déstructurée, illustrant bien le chaos intérieur du jeune homme face à la fillette dont on comprendra vite qu’elle est un fantôme. Aussi charmante que machiavélique, celle-ci semble se réjouir des cadavres laissés sur son passage, avec en guise de signature une poupée énucléée. Le scénario n’est pas trop compliqué à suivre, mais les séquences plus oniriques pourront en dérouter certains, malgré la force qui s’en dégage, mais celles-ci donnent lieu à de véritables tableaux où l’horrifique dialogue avec le surréalisme dans une abondance de détails. L’auteur a parfaitement su faire passer à l’image la tonalité littéraire de l’œuvre d’origine. Quant à la question centrale, celle de savoir si Guillaume Sorel a atteint son but, il est plus difficile d’y répondre. La peur est toujours une notion très subjective, et des choses qui paraîtront effrayantes à une personne laisseront une autre de marbre. Si je dois m’exprimer à titre personnel, c’est avec le cinéma que j’ai éprouvé mes plus grandes frayeurs, mais (de mémoire) jamais avec la littérature ou la bande dessinée. Je comprends la fascination que peut exercer Lovecraft (dont l’univers surnaturel est apparemment assez proche de celui de Machen, et donc de cette histoire) sur beaucoup de gens. Le romancier étatsunien possédait certes une imagination fertile, mais j’ai toujours été moins convaincu par la capacité de ses romans à susciter véritablement l’angoisse par leur côté un peu grand-guignolesque. Vous l’aurez donc deviné, ce n’est pas avec « Deryn Du » que j’aurai ressenti ma première terreur en matière de BD. Mais surtout, la narration, trop relâchée pour impliquer suffisamment le lecteur, n’est pas ce qui fait le point fort de cet ouvrage. Du reste, cette lecture est loin d’être désagréable. Néanmoins, elle vaut davantage pour sa qualité graphique que pour son contenu, quand bien même on pourra être sensible à cette exploration des mondes parallèles.
Au début du XXe siècle, un petit port de pêche devient le théâtre d’une série de meurtres aux allures surnaturelles. Un couple est retrouvé piétiné dans son lit comme si une horde de chevaux les avait écrasés, un homme est déchiré par une bête invisible, un autre encore brûle vif sans que rien autour de lui ne prenne feu. Tandis que la population sombre dans la panique et que la police piétine, un vacancier de passage affirme avoir aperçu une étrange fillette, surgie de nulle part, rôdant près des lieux du drame. Nous sommes ici en plein dans le domaine de prédilection de Guillaume Sorel : un fantastique brumeux et inquiétant, proche de l’univers d’Algernon Woodcock. Une fois de plus, il y déploie tout son talent graphique. La couverture comme les planches, entièrement peintes, sont d'une beauté saisissante. Les décors côtiers sont somptueux, les atmosphères denses et immersives, les personnages expressifs et crédibles. Sorel atteint ici une forme de virtuosité picturale : chaque planche se savoure comme une toile. Je n'ai que quelques réserves mineures sur l'allure empâtée, presque masculine, de la petite fille, sur certaines scènes fantastiques parfois confuses, et sur le relief un peu artificiel du port, qui semble posé sur une dalle de pierre plate. Mais cela n'enlève rien à la splendeur visuelle de l’ensemble, véritable bijou d'illustration. Et c'est justement parce que la partie graphique est si remarquable que ça me fend le cœur de devoir tant critiquer le scénario. Malgré un cadre historique et géographique prometteur, l'intrigue reste d’une prévisibilité désarmante. Elle évoque tant de classiques du film d'horreur que plus rien n'y parvient à surprendre ou à émouvoir. Les meurtres se succèdent sans véritable tension, la mystérieuse fillette apparaît trop tôt pour entretenir le mystère, et sa rencontre avec le héros dévoile presque tout en quelques dialogues énigmatiques. Elle-même manque de charisme et ses motivations, fondées sur une méprise naïve, paraissent à la fois disproportionnées et forcées. Le dernier acte, attendu, confirme une impression de déjà-vu. Même les passages oniriques, censés plonger le lecteur dans un trouble poétique, peinent à convaincre et confinent parfois à la confusion. Je ressors de cette lecture partagé entre admiration et frustration. Admiratif devant la beauté de l’ouvrage, frustré par la pauvreté d’un récit qui ne rend pas justice à tant de talent visuel. J'aurais aimé que cette somptueuse mise en scène serve une intrigue plus forte, plus troublante, à la hauteur du dessin. Reste un album splendide à feuilleter, dont la seule beauté plastique suffit à justifier qu'on le garde précieusement dans sa bibliothèque.
Site réalisé avec CodeIgniter, jQuery, Bootstrap, fancyBox, Open Iconic, typeahead.js, Google Charts, Google Maps, echo
Copyright © 2001 - 2025 BDTheque | Contact | Les cookies sur le site | Les stats du site
© Dupuis 2025