Les derniers avis (170 avis)

Par Hervé
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Green Witch Village
Green Witch Village

C’est presque par hasard que j’ai découvert l’existence de cette bande dessinée, et pourtant je scrute attentivement les sorties des albums qui pourraient m’intéresser. Ce qui a attiré mon attention, c’est tout d’abord la couverture, superbe au demeurant et qui, vous le découvrirez à la lecture, reprend l’ensemble des protagonistes de ce récit. Le dessin de Biancarelli est vraiment excellent et le dessinateur rend hommage ici aux comics des années 50 (les Sunday pages), à la fois dans la mise en page (voir le dossier en fin d’album) et le style de dessin. C’est d’ailleurs le dessin de Biancarelli qui m’a fait pencher vers l’achat de l’album. Certains cadrages audacieux sont à souligner. Quant au scénario de Lewis Trondheim , il n’est pas en reste. Il mêle habilement histoire d'espionnage, de nazis, sur fond de guerre froide et d'affrontement entre la CIA et le KGB. Certes, un côté fantastique est présent mais il ne m’a pas gêné. Et puis de « Au coeur Temps » (série des années 60) à « Nimitz », j’adore tout ce qui touche au paradoxe temporel. Même l’histoire avec le fantôme s’intègre sans problème dans le récit. Mais ce qui est assez réjouissant dans cet album est le décalage entre l’attitude de Tabatha et les us et coutumes de la fin des années 50 (misogynie, technologie etc). La pagination est importante (94 pages) mais vu la mise en page utilisée, (avec presque une chute en fin de page), le lecteur doit prendre son temps pour mieux apprécier cet album. Une très belle lecture pour moi, en tout cas, et mon coup de cœur pour cette rentrée. Je le relirai sans aucun doute.

02/10/2025 (modifier)
Par Ro
Note: 3/5
Couverture de la série Le Paradoxe de l'abondance
Le Paradoxe de l'abondance

Deuxième album documentaire signé par Hugo Clément et Vincent Ravalec, et illustré par Dominique Mermoux après Le Théorème du vaquita, cette BD aborde cette fois l'urgence écologique à travers le prisme de la surexploitation agricole et de l'érosion des sols. Structurée en courts chapitres, elle alterne enquêtes de terrain, témoignages et exposés documentaires. Le dessin, coloré et efficace, crée une ambiance visuelle engageante, même s'il sert souvent davantage de support illustratif que de véritable récit en bande dessinée. C'est un travail documentaire utile et d'intérêt public, mais fragilisé par plusieurs faiblesses : un ton manichéen, des généralisations rapides, des conclusions hâtives et un manque de nuances. La structure en chapitres se révèle aussi un peu confuse, avec une construction pas toujours claire et quelques redites. L'ouvrage privilégie parfois le spectaculaire et l'émotionnel au détriment de la cohérence et de la profondeur de l'analyse. Certains sujets sont abordés trop superficiellement, là où j'avais trouvé des analyses bien plus abouties et agréables à lire dans des ouvrages comme Sous Terre ou Algues vertes - L'Histoire interdite. Quelques passages tombent aussi dans l'excès documentaire, accumulant données et chiffres sans réelle mise en scène, ce qui les rend un peu indigestes, voire laborieux à parcourir. Il s'attarde aussi étrangement sur des sujets qui paraissent moins cruciaux comme ces nombreuses pages sur le choix de vaches spécifiques pour obtenir un bon fromage de terroir. Et à plusieurs moments, dont notamment la conclusion, on a l'impression de lire un tract politique au ton simpliste et univoque. En définitive, c'est une lecture imparfaite mais stimulante, qui suscite à la fois intérêt et agacement. Si l'ouvrage prêche souvent des convaincus dont je fais partie, il peut aussi irriter par le ton légèrement condescendant de sa narration. Il a toutefois le mérite de vulgariser des enjeux essentiels et de sensibiliser un large public, à condition de l'aborder avec un regard critique.

02/10/2025 (modifier)
Par Gaston
Note: 3/5
Couverture de la série Habemus Bastard
Habemus Bastard

Je découvre Jacky Schwartzmann avec cette série et je ne sais pas trop quoi penser. L'humour fonctionne bien et on ne s'ennuie pas, mais en même temps le scénario n'est pas des plus originaux et il est un peu trop léger. Le plus gros défaut selon moi est qu'il y a un peu trop de facilités dans le scénario. Je comprends que cette série a un côté satirique et que c'est pour rire que notre bandit se fait facilement passer pour un prêtre, mais cela m'a semblé trop gros et peu crédible. Il y a aussi d'autres moments où je trouvais que ça devenait un peu trop gros pour que j'accepte tout ce qui arrive au personnage principal sans me poser des questions. Sinon, j'ai bien aimé le dessin qui est dynamique et expressif comme je l'aime. Sylvain Vallée continue d'être une valeur sûre lorsqu'il s'agit d'un dessin réaliste de qualité.

01/10/2025 (modifier)
Par Gaston
Note: 4/5
Couverture de la série Les 5 Terres - Demeus Lor
Les 5 Terres - Demeus Lor

3.5 Un bon one-shot tiré de la série Les 5 terres qui met en vedette un personnage du premier cycle que j'aimais bien sans qu'il fasse partie de mes préférés. Demeus est retourné chez lui, une ile contrôlé par les félins et tout va mal lorsqu'une armée d'ours envahit et prends le contrôle de l'endroit. On retrouve les ingrédients de la série mère: de la politique, des scènes de combats, des morts, des retournements de situation....Il y en a d'ailleurs un peu trop dans cet album. J'ai trouvé que la lecture était agréable, mais on sent que le scénario est condensé pour que tout tiens dans le même album. Si tout va bien au début, j'ai trouvé que le rythme s'accélérait vers les 20 dernières pages avec tous ses personnages qui changent d'idées un peu trop facilement. Je pense qu'il y avait assez de matériel pour tenir sur au moins un tome suppléments, certains éléments du scénario me semblent un peu trop survolés, notamment le destin final d'un des personnages importants du récit. Cela reste malgré tout une lecture que je recommande aux fans de la série, mais la qualité est clairement en-dessous des meilleurs albums de la série-mère.

01/10/2025 (modifier)
Couverture de la série Silver Surfer - Black
Silver Surfer - Black

Cette réédition de Silver Surfer Black dans la collection Marvel Prestige est une véritable réussite. Le grand format met enfin en valeur l’immense travail de Tradd Moore, dont le style psychédélique et organique emporte le lecteur dans un voyage visuel unique. Ses planches, à la fois foisonnantes et déstabilisantes, traduisent parfaitement la chute du Surfer dans l’inconnu et son face-à-face avec ses peurs les plus profondes. Les couleurs éclatantes de Dave Stewart amplifient encore ce sentiment d’immersion cosmique, entre beauté vertigineuse et inquiétante étrangeté. Donny Cates signe quant à lui un scénario à la fois intime et grandiose. Il propose une réflexion profonde sur la nature de Norrin Radd, sa culpabilité, son héritage et la rédemption qu’il recherche. Le récit navigue habilement entre introspection poétique et spectacle épique, mêlant des affrontements d’ampleur cosmique à des moments de doute et de fragilité. On y retrouve les grandes thématiques qui font la force du Silver Surfer, mais explorées avec une intensité nouvelle. Silver Surfer Black est une œuvre marquante, qui peut parfois déconcerter par ses expérimentations visuelles mais qui offre une expérience rare et mémorable. Grâce à cette édition prestige, les planches prennent toute leur ampleur et donnent au lecteur la sensation d’assister à une véritable odyssée cosmique. Une pépite qui rend justice à l’un des personnages les plus fascinants de l’univers Marvel. Je partage totalement l’analyse de Présence, qui a su saisir toute l’essence de ce récit. Une œuvre qui mérite sans hésitation un 5/5.

01/10/2025 (modifier)
Couverture de la série 12 Septembre
12 Septembre

Mouais. C’est une série qui se laisse lire, on ne s’ennuie pas vraiment. Mais elle ne m’a pas enthousiasmé et, même si elle se conclut en deux tomes, ma lecture a été un peu trop laborieuse. Ça commence comme un thriller ultra classique, pour basculer assez rapidement dans une uchronie, où l’on passe des attentats d’Al Qaïda de septembre 2001 à une guerre de religion dans laquelle les Musulmans envahissent l’Europe dans la première moitié du XVème siècle. Pourquoi pas ? Mais plusieurs choses m’ont gêné. D’abord une narration un peu poussive, avec des commentaires en off des actions du héros, Duncan Campbell, agent de la NSA propulsé comme conseiller des armées chrétiennes. Mais surtout trop de couleuvres sont à avaler. Comme le fait que Campbell survive à l’explosion et au crash de son avion… ou qu’il soit un spécialiste du XVème siècle, ou des courants marins de cette époque, etc. Après, Seiter ajoute à son uchronie quelques petits détails, comme le fait que les armées musulmanes bénéficient de progrès scientifiques étonnants (machines à vapeur, armes sophistiquées, etc.). Ça fait un peu beaucoup. Il ajoute la venue de combattants aztèques au côté des musulmans. Là rien n’est expliqué ou crédible (Mangin avait déjà usé de ça dans Luxley, de façon peu heureuse – voir mon avis sur cette série). Bref, ballotté par l’intrigue, qui m’a laissé de côté, j’ai poursuivi sans passion. Le dessin est globalement bon. Le changement du préposé à la colorisation modifie pas mal le rendu (plutôt meilleur dans le second tome, même si je ne suis pas fan de ce genre de changement au sein d’une série). Note réelle 2,5/5.

01/10/2025 (modifier)
Couverture de la série Le Nirvana est ici
Le Nirvana est ici

Décidément, Mikael Ross est un auteur assez original, et intéressant (c’est le troisième album de lui que je lis). Il nous propose des histoires très diverses, mais qui méritent à chaque fois le détour. Le dessin est moderne et dynamique, sans fioriture. Pas exempt de défauts, mais très lisible, et globalement agréable. L’intrigue mêle le roman graphique et le polar (ce dernier devient plus présent dans la seconde moitié du récit). On s’attache aisément aux quelques personnages au centre de ce récit. Un récit qui, par-delà l’histoire en elle-même, met en avant une certaine idée de la liberté individuelle, face aux contraintes exercées par la société : liberté de choisir ses amis, liberté de circuler et de franchir les frontières, liberté d’avoir ses secrets. Mais aussi les responsabilités, les choix à faire, entre famille et amis. La narration est fluide, la lecture rapide (les près de 350 pages filent vite, car il y a peu de textes finalement). Une lecture plaisante et recommandable donc. Note réelle 3,5/5.

01/10/2025 (modifier)
Par Ro
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Leave them alone
Leave them alone

Arizona, 1874. Dans le décor aride du western classique, les diligences sont systématiquement attaquées par une bande de hors-la-loi qui massacrent tous les passagers. Les autorités de Flagstaff n'en peuvent plus : il faut que l'argent des banques circule de nouveau. Elles montent alors un piège pour neutraliser les voleurs. Sans le vouloir, cette opération va plonger un trio de femmes et un étranger dans une tragédie. Leave Them Alone est un western pur et dur, classique dans sa construction mais enrichi par une place importante accordée aux personnages féminins. Le ton reste réaliste et âpre, proche de celui des meilleurs westerns crépusculaires. Le dessin de Christophe Regnault s'accorde parfaitement au genre. Son trait organique capte bien l'atmosphère des déserts écrasés de soleil, des bandits miteux dignes d'un Morricone, des héros désabusés, mais aussi des femmes endurcies par la rudesse de l'Ouest. Le grand format de l'album met toutefois parfois son encrage épais en difficulté, donnant l'impression de cadrages trop serrés, surtout dans les premières pages. Heureusement, dès que la mise en scène s'élargit, le dessin retrouve toute sa force. Le scénario est solide, précis et mené avec rigueur. Les différents personnages s'entrecroisent de manière fluide jusqu'au climax, où l'action explose véritablement. Qu'il s'agisse des malfrats détestables, du pistolero solitaire, de la prostituée qui veut fuir son souteneur, ou encore de la grand-mère et de sa petite-fille tenant le relais de diligence, tous sont bien campés et apportent à l'histoire. L'intrigue ne ménage aucune concession : cruelle quand il le faut, avec un drame inattendu en milieu d'album rappelant que personne n'est à l'abri. Mais elle conserve aussi une part d'optimisme, parfois à la limite de la vraisemblance, comme dans le cas de ces deux femmes survivant seules dans le désert avec l'aide d'un Navajo, ou dans sa conclusion même. Cet équilibre entre dureté et espoir permet néanmoins de livrer une histoire prenante, rythmée et pleinement satisfaisante. Un western efficace, sombre mais généreux, qui tient toutes ses promesses.

01/10/2025 (modifier)
Par PAco
Note: 3/5
Couverture de la série Tough - L'Héritier du dragon
Tough - L'Héritier du dragon

Je ne connaissais pas la série mère (Tough), mais cela n'a pas l'air d'être dérangeant pour attaquer ce nouveau cycle avec un nouveau personnage : Ryusei. Mais par contre on reste dans la baston. BAM ! Car oui, ça envoie de la mornifle et du steak de phalanges ! Ryusei qui se pensait invincible, va tomber sur (beaucoup) plus fort que lui en enquêtant sur son père qu'il aimerait bien retrouver. L'occasion d'apprendre une nouvelle technique martiale auprès d'un nouveau mentor, le frère de son père. Bon, ba oui, on est dans le manga bien bourrin, mais qui donne dans le bien fait. Le dessin est plutôt soigné et les séquences de combat bien rendues. Après, faut aimer, moi c'est pas plus que ça ma came, même si ça fait le taff.

01/10/2025 (modifier)
Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Le Dernier debout - Jack Johnson, fils d’esclaves et champion du monde
Le Dernier debout - Jack Johnson, fils d’esclaves et champion du monde

Aucune personne de couleur dans ce monde n’a assez d’argent pour changer le noir en blanc. - Ce tome contient une biographie du champion de boxe Jack Johnson (1878-1946). Son édition originale date de 2024. Il a été réalisé par Youssef Daoudi pour les dessins et les aplats de rouge, par Adrian Matejka pour la poésie (mention portée en lieu et place de scénario), et traduit par Sidonie van den Dries. Il compte trois cent huit pages de bande dessinée. En fin de tome se trouvent une chronologie des événements réels en quarante dates, une bibliographie sélective recensant une douzaine d’ouvrages, et deux pages de remerciements un quart rédigé par le dessinateur sur le mode collaboratif avec le scénariste, et trois quarts rédigés par ce dernier sur les quinze ans qu’il a consacré à ce projet, explicitant sa démarche. Jack Johnson expose que : Depuis la nuit des temps, les hommes n’ont cessé de combattre avant de se battre pour de l’agent. Ils se battaient avec les mains. Ils se battaient avec des cailloux, des bâtons. Ils se battaient pour conquérir les jolies femmes. Ils se battaient pour avoir de la viande, et le privilège de s’asseoir près du feu les soirs d’hiver. Les matchs de boxe ne sont qu’une version plus distrayante de ces luttes préhistoriques… et il est le meilleur combattant que la Terre ait porté. Le 4 juillet 1910, l’aube avait des allures de châtiment… À Reno, les anciens disaient que le soleil n’avait jamais été aussi proche. C’était le genre de chaleur qui vide les verres d’eau comme par magie et fait bouillir la sueur sur les fronts. Les œufs cuisaient sans feu. Les cigares s’allumaient spontanément. Ça n’a pourtant pas dissuadé les 20.000 spectateurs de débarquer en automobile, à cheval et en voiture à cheval. Des trains arrivaient toutes les demi-heures des quatre coins du pays. Quand les wagons étaient bondés, les fans voyageaient sur le toit. On était prêt à se ligoter à une locomotive pour assister au Combat du siècle. Bien sûr, Tex Rickard a choisi d’organiser le combat entre Johnson et Jeffries dans le Nevada. Et bien sûr, il a choisi Reno. Reno, où il était aussi facile et aussi bon marché de divorcer que de se faire servir un verre de whisky. Les parieurs, les supporters, les prostituées et les fans de combat ont envahi les rues, les poches pleines à craquer d’argent liquide. Presque tous les paris étaient en faveur de Jeffries. Les pickpockets et les petits voleurs étaient à l’œuvre. Les tickets étaient vendus aussitôt imprimés. Seuls 16.000 fans déchaînés purent s’en procurer un. Tous ces imbéciles pariaient contre Johnson. C’est comment déjà, le dicton sur le fou et son argent. Dans le désert, le soleil était presque au zénith. La chaleur était de plus en plus torride, mais les supporters en costume continuaient d’affluer. Les scieries et les charpentiers travaillaient dans la journée, en plein cagnard, et la nuit à la lumière des torches. Ils avaient eu moins de trois semaines pour construire le stade. L’air sentait la sciure, la sueur et la résine de pin des planches qu’on utilisait pour faire les gradins. On entendait encore les marteaux et les scie à l’œuvre, pendant que les spectateurs faisaient la queue. Mais ils l’ont terminé à temps. Johnson est prêt. Il est prêt depuis le jour où il a quitté Gavelstone pour faire fortune. Il est possible que le lecteur ait déjà entendu parler de Jack Johnson, soit parce qu’il apprécie la boxe, soit parce qu’il apprécie le jazz (l’album A tribute to Jack Johnson, 1971, de Miles Davis, 1926-1991), soit parce qu’il est familier avec l’histoire des Afro-Américains. Il est également possible qu’il découvre son histoire avec cette bande dessinée. Un rapide feuilletage montre des dessins dans un registre réaliste, avec un encrage parfois un peu acéré, parfois un peu pâteux, des aplats de noirs aux formes irrégulières, qui confèrent une rudesse certaine aux personnages, évoquant une vie dure, de combat, en parfaite adéquation avec les combats de boxe. Le lecteur peut y déceler comme une réminiscence de la virilité des dessins de Joe Kubert et de ceux de Jordi Bernet. Il comprend immédiatement que l’usage de la teinte rouge avec une légère nuance de rose permet de rehausser les éléments participant aux différentes formes de violence, à l’intensité d’un moment, à une forme de domination économique ou sociale. Il remarque également que dans le fil d’une forme traditionnelle de bande dessinée avec cases et phylactères, se trouvent des pages s’apparentant à une illustration accompagnée d’un texte, souvent disposé en de courtes lignes, à l’instar d’un poème. Le récit commence en 1910 par l’explication du choix de la ville pour le combat de boxe opposant Jack Johnson à James J. Jeffries (1875-1953), l’arrivée des spectateurs, le prix des tickets, la détermination de Jack Johnson, l’ambiance ouvertement raciste et agressivement raciste, et un interlude dans le futur (du récit) en 1938 où Johnson se tient sur scène en train de raconter son histoire. En page quarante-six le lecteur découvre la mention Round 1 : il comprend que vont suivre quinze chapitres, chacun correspondant à un round du combat, avec un va et vient entre les souvenirs du boxeur, ses déclarations lors de son seul en scène, et ses commentaires sur sa condition, sur l’époque, sur les enjeux sous-jacents. Les auteurs font preuve d’une réelle honnêteté en consacrant une part significative au combat du siècle (qualificatif d’époque), à la boxe, qui est au cœur de l’identité de Johnson, qui constitue son métier professionnel, qui est indissociable de son caractère, de sa personnalité, de son histoire. D’un autre côté, le récit reste dans la narration, sans vulgarisation des techniques de boxe. La lecture s’avère très facile, éloignée des tics habituels d’un ouvrage de nature historique : pas de pavé de texte explicatif avec des cases d’illustrations, pas de reportage chronologique. Voire s’il n’y prête pas attention, le lecteur peut passer à côté du lien direct entre la façon de raconter le combat au temps présent, et Jack Johnson sur scène s’adressant à un public. La narration visuelle commence par trois pages aérées : trois cases de la largeur de la page sur la première, puis deux, puis trois. Les dessins se focalisent sur les poings en train de boxer dans le vide, avec un court texte en-dessous de chaque case. Puis ils passent aux paysages aux alentours de Reno : des montagnes dans le lointain, un lézard en gros plan, une voiture soulevant un nuage de poussière, une moto d’époque, l‘arrivée du train… Le lecteur apprécie vite cette reconstitution historique visuelle, avec une sensation palpable de textures, avec une apparence de matières mises à l’épreuve par le temps et par l’usure, avec cette sensation d’une réalité dure, rugueuse et âpre. L’artiste met à profit la pagination conséquente pour mettre en œuvre trois types de mises en page différentes. Il réalise des pages descriptives, denses en information visuelles, que ce soit pour les décors, les paysages, les personnages et les tenues vestimentaires, une approche réaliste de documentée. À d’autres moments, il se focalise sur les personnages, soit en pied, soit en gros plan, bougeant et se déplaçant sur un fond vide, pour mieux faire ressortir leurs mouvements (par exemple celui des boxeurs), ou le langage corporel entre deux personnes, Jack et son épouse, ou son agent, ou autre. Le lecteur découvre également un certain nombre de séquences avec des fonds de pages noir (gouttières et bordures), avec parfois uniquement Jack Johnson en train de parler, ou bien une illustration d’un objet, d’une affiche accompagnée d’un texte disposé en courtes lignes, comme un poème. Lorsque les auteurs évoquent les réactions des journaux, le dessinateur peut adopter une mise en page avec des manchettes et des colonnes de journal, des illustrations à la manière des dessins humoristiques ou caricaturaux de l’époque. Cette mise en œuvre de formats différents participe au rythme de la lecture et à sa diversité. En outre, le lecteur ressent rapidement le qualificatif donné au scénariste : poésie d’Adrian Matejka. Lors des séquences avec une illustration accompagnée d’un texte disposé en courtes lignes, il voit en quoi cela participe d’une forme de poésie, très réaliste, sans rime (même si elles peuvent s’être perdues à la traduction), des réflexions construites sur la base d’un état d’esprit, au cours desquelles le narrateur prend du recul sur sa condition, sur l’image que le monde renvoie de lui, sur sa nécessaire adaptation à la réalité de la place assignée aux Afro-Américains par la société. Les auteurs mettent en scène le racisme de manière frontale, sans prendre de pincette, tel que Jack Johnson l’a vécu, ou plutôt l’a affronté, tel qu’issu de l’histoire des esclaves. Ils savent entremêler de manière organique la pratique professionnelle de la boxe, le mur auxquels se heurtent les Afro-Américains (dont la Color Line), et la personnalité de Jack Johnson à la fois boxeur par vocation, à la fois individu animé par la combativité dans la vie de tous les jours comme sur le ring. Ainsi, cet être humain apparaît comme un produit de l’environnement dans lequel il est né et a grandi, comme un combattant dans l’âme, comme une personne faisant preuve de recul sur sa situation sociale, sur les forces systémiques auxquelles il est confronté, qui modèlent sa vie, qui l’emprisonnent dans un rôle. La construction narrative et la sensibilité du récit vont bien au-delà d’une biographie rigoureuse : le lecteur éprouve une forte sympathie pour Jack Johnson, associée à une empathie profonde, comprenant aussi bien que ressentant sa frustration qu’il transforme en rage combative pour vaincre ses adversaires, exercer son art à la hauteur de son talent, exulter au-delà des limites systémiques de la société de l’époque. Dans le même temps, ils montrent aussi les aspects négatifs d’un tel mode de vie, à commencer pour sa compagne Etta Duryer. Un boxeur de légende à plus d’un titre : premier champion du monde poids lourds noir, confronté de plein fouet au racisme très ouvert de la société de son pays. Les auteurs font usage des spécificités et des capacités de la bande dessinée, avec maîtrise et inventivité, dans une forme conçue sur mesure, pour une expressivité protéiforme. Le lecteur découvre la biographie de Jack Johnson, fait l’expérience de l’oppression systémique, ressent pleinement la combativité qui l’anime et sa capacité à sublimer la colère générée par le racisme. Être Jack Johnson.

01/10/2025 (modifier)