Découvrir un nouveau Corben est toujours un plaisir, et avec cet album, je suis pleinement satisfait. Il reste le maître américain de l'horreur et du fantastique, et avec cette version d'un héros qui n'est pas une de ses créations, Corben reste fidèle à son style : personnages stéréotypés, dynamique des scènes d'action, héros musclé dans le style de Den, monde barbare assez glauque, science des cadrages, couleurs flashantes etc... le dessin de Corben est toujours aussi explosif, ce comics lui permet de mettre en valeur sa fascination des corps musculeux et sa violence gore dans un cocktail très plaisant de fantasy, d'aventure et d'érotisme.
Ce personnage de Starr the Slayer est à l'origine une création du duo Roy Thomas et Barry Smith, créateurs de Conan chez Marvel, parue en 1970 dans le comic book Chamber of Darkness ; au départ, ils ne savaient pas trop si le projet allait plaire à Marvel, ils ne publieront qu'un petit récit sans suite avant de se tourner vers Conan, mais le personnage de Starr semble une alternative intéressante à celui de Conan, et Marvel décide de l'inclure à son écurie, d'autres auteurs reprendront la série. Il s'agit ici d'une reprise de ce héros parue en 2009 dans Marvel Maxi, l'album contient 4 épisodes d'une mini-série parue aux Etats-Unis.
Starr évolue dans un univers de fantasy autour de la cité de Zardath, mais c'est une série B totalement décomplexée, au ton beaucoup plus bourrin que dans Conan ; Starr n'est pas un héros parfait, il a des maladresses et des défauts, c'est limite un loser mais qui fracasse quand même des tronches et qui pourfend plein de guerriers stupides, il lutte contre Trull un sorcier qui est un très bon méchant, bien élaboré. La série s'écarte du ton plus sérieux que l'on trouve chez Conan, pour glisser vers une approche un peu parodique, un peu comme avec la Bd Krän qui est une vraie parodie comique de l'univers fantasy. Le grand intérêt vient évidemment de Corben et de son dessin, c'est un comics très agréable qui remplit parfaitement son rôle de lecture de détente fun, et rien d'autre.
C’est d’abord un joli album à l’italienne, marque de fabrique des publications des éditions de la Gouttière à destination des plus petits.
C’est ensuite une jolie évocation des couleurs de l’automne : du roux, du feu et du mordoré. C’est aussi les animaux de la forêt dessinés à la manière des artistes de Disney.
C’est enfin une jolie histoire toute mignonne et toute simple sur ces gens ronchons, grognons, grincheux, bougons, qui peuvent aussi se révéler des personnes providentielles malgré tout !
Cet album est étonnant. Il s’agit ni plus ni moins que de la refonte de Mort au Tsar. Une refonte totale au niveau du découpage qui, à en croire les propos de Fabien Nury lisibles à la fin de cet album, permet à ce récit de trouver la forme dans laquelle les auteurs l’avaient d’abord imaginé avant de devoir revoir leur copie, faute d’un résultat convaincant.
Et donc, alors que cet album aurait pu se réduire à une simple intégrale, les auteurs nous offrent une relecture complète de Mort au Tsar. Finis les deux tomes qui chacun développaient le point de vue d’un des deux personnages, voici un récit dans lequel nous, lecteurs, ne cessons de passer d’un personnage à l’autre. Les deux destinées s’entremêlent, les recoupements se font évidences… et le résultat est magistral. Je suis, en fait, ébahi que ça marche si bien alors que les dessins sont les mêmes que ceux que l’on retrouve dans Mort au Tsar (seules deux pages ont été retirées, l’une faisait double emploi et l’autre aurait stupidement décalé certaines doubles pages).
Après cet aspect purement technique, et pour ceux qui n’auraient pas lu « Mort au Tsar », ce récit peut se voir comme un thriller psychologique. Le gouverneur de Moscou, suite à un massacre qu’il a maladroitement ordonné, sait qu’il peut à tout instant mourir dans un attentat. Nous allons le suivre dans ses derniers jours, alors qu’il cherche encore une échappatoire à l’inéluctable. Par ailleurs nous suivons le terroriste en charge de la mise en place de cet attentat. Un personnage extrêmement sombre, sans pitié et sans attaches. Ces deux êtres que tout oppose portent ce récit. Je me suis attaché à ce gouverneur dépassé par les événements, et j’ai suivi avec délice les péripéties et les pensées de ce terroriste froid et déterminé. Le passage d’un personnage à l’autre nous permet de sauter du caractère quasi burlesque des pages dédiées au gouverneur à des passages beaucoup plus noirs, beaucoup plus conformes au genre « thriller » consacrés au terroriste.
Le dessin de Thierry Robin, par son aspect anguleux et froid, convient très bien à l’ambiance de ce récit. Les décors sont soignés, les visages sont expressifs et le côté semi-caricatural des personnages permet à la fois de bien les singulariser tout en leur apportant un côté « marionnette » qui favorise l’empathie.
Une réussite. Et à titre personnel, j’ai préféré ce récit sous cette forme que sous sa première mouture. De là à ce que ceux qui possèdent déjà Mort au Tsar achètent cette nouvelle version, il y a un pas que je n’oserais franchir… mais dans tous les cas de figure « Moscou année zéro » est un album qui mérite d’être lu par tout amateur de récit historique et de polar psychologique.
Le Comics US indépendant a, on le sait et on le déplore, une certaine difficulté à trouver sa place auprès du grand public français qui a désormais largement adhéré au courant "mainstream" des Super-héros. Le manque de reconnaissance d'un artiste aussi doué que Terry Moore, dont le graphisme très "ligne claire" le place dans la droite ligne du travail d'un Moebius, d'un Manara ou d'un Urasawa, est particulièrement rageant, mais on peut espérer que les choses changeront avec la publication par Delcourt de ce très bel objet qu'est l'intégrale de Motor Girl...
… Car, au-delà du graphisme impeccable de Moore, c'est l'intelligence aigüe de la narration et la force émotionnelle de Motor Girl qui en font une grande réussite du genre. Mêlant habilement réalité et imaginaire, présent et flashbacks (eux-mêmes tantôt réels, tantôt fantasmés, ou du moins distordus par les traumas physiques et mentaux de l'héroïne), Moore nous promène à travers une histoire absolument brillante. "Vet" revenant d'Irak en très mauvais état après avoir été victime de deux explosions successives, Samantha essaie de se remettre dans un coin perdu du désert du Nevada, en s'appuyant sur un ami imaginaire plutôt encombrant, puisqu'il s'agit d'un gorille de 2 mètres de haut. Sa rencontre avec des extra-terrestres - qui pullulent apparemment dans le coin ! - et avec une inquiétante organisation paramilitaire va la forcer à reconsidérer non seulement son avenir, mais également la réalité de son présent. En nous entraînant donc dans une aventure SF assez codifiée, mais traitée avec une étonnante légèreté et un humour constant, Moore nous berne habilement, jusqu'à faire ressurgir à mi-parcours les terribles souvenirs d'Irak, qui vont peu à peu apporter un éclairage différent à notre lecture. L'émotion est croissante, et ce qui nous paraissait un récit fantaisiste inconséquent se transforme en une saisissante épopée intérieure. Pour finir de manière tout bonnement bouleversante (sans même parler de l'élégante référence au Moby Dick de Melville, discrète mais particulièrement bien vue...), et nous donner envie de, sinon crier au chef d'œuvre, mais au moins de placer Motor Girl comme l'une des BDs les plus marquantes de l'année...
... et de replonger du coup dans le travail précédent de Terry Moore, ces Strangers in Paradise, Echo et Rachel Rising qui attendent bien plus de lecteurs français.
La fin de vie ne constitue pas le sujet le plus sexy qui soit, et a donné lieu à peu d'œuvres artistiques sérieuses (je veux dire évitant le piège du sentimentalisme facile et de la nostalgie racoleuse). Il ne nous vient sans doute même pas à l'esprit une BD qui trait de la vieillesse dans son stade terminal, quand la volonté de vivre n'est plus suffisante pour retenir la vie. Avec ce magnifique "Une vie comme un été", œuvre d'un couple d'artistes allemands pas forcément encore connus chez nous mais qui font ici un travail sensationnel, nous tenons enfin le livre dont nous avions besoin, sans forcément le savoir, pour nous aider à accompagner ceux que nous aimons dans la dernière étape. Et nous faire, inévitablement, songer à la manière dont nous affronterons nous-même la fin.
Formellement superbe, avec sa combinaison d'aquarelle, et d'un graphisme faussement simple et véritablement élégant, "Une Vie comme un été" raconte donc les dernières semaines de la vie de Madame Wendt, comme l'appelle le personnel de la maison de retraite où elle termine doucement son existence, dans cette solitude des personnes âgées caractéristique de notre époque. Mais, ce que Thomas Von Steinaecker" et Barbara Yelin vont nous raconter, non, plutôt nous faire littéralement vivre par petites touches subtiles, c'est que cette mamie déjà un peu perdue dans sa tête et physiquement diminuée, c'est toujours la petite Gelda, cette élève timide brillantissime en Maths, amoureuse des chiffres et de l'espace, soit un esprit d'une intelligence exceptionnelle. C'est toujours la jolie Gelda, amoureuse d'un homme qui ne le lui rendra pas vraiment la pareille, qui sacrifiera une brillante carrière scientifique pour lui, et acceptera une vie ordinaire. Mais une vie pleine de ses infimes sensations de bonheur qui en font tout le prix. Une vie infiniment petite à l'échelle de l'univers, voire même dans la perspective de l'histoire humaine, mais une vie qui a compté. Qui compte encore.
La construction de ce récit, qui brasse une vie entière en quelques pages, est passionnante, déclinant l'essentiel d'une existence avec une légèreté paradoxale… Et d'autant plus impactante que ces brefs chapitres nous font ressentir très finement toute l'importance de quelques moments choisis d'une existence, des moments qui définissent Gelda mieux qu'une longue analyse psychologique. Mais qui pourraient tout aussi bien être remplacés par d'autres, tout aussi importants, que nous ne connaîtrons jamais, et que Mme Wendt emportera avec elle. La conclusion du livre est absolument sublime, et nous laisse suspendus entre admiration et émotion devant ces images d'un simple été aussi fugace qu'éternel.
A ce niveau de maîtrise de l'image - ces bleus profonds qui constituent la teinte dominante de "Une vie comme un été" nous donnent envie de nous replonger immédiatement dans le livre, une fois la dernière page tournée - et du récit, on se dit d'ailleurs que la BD est le média parfait pour exprimer des choses aussi difficiles et faire naître en nous des sentiments aussi complexes. Oui, Von Steinaecker et Yelin nous donnent, mine de rien, une belle leçon, aussi bien d'humanité que d'intelligence artistique.
Que savons-nous, que comprenons-nous du terrible conflit qui dévaste le Yémen depuis des années, et qui rejoint en horreur ceux de Syrie et d'Irak ? Rien, et l'honnêteté nous pousse à avouer que cela ne nous empêche pas de dormir, non ? Lire "Intisar en Exil" nous offre une perspective politique claire, en même temps qu'un point de vue "de l'intérieur" sur l'absurde complexité des luttes de pouvoir entre factions dont les alliances se font et se défont en dépit de toute logique, ainsi que sur la situation des victimes (ou futures victimes) civiles impuissantes : ne serait-ce que pour cela, la lecture de la BD de Pedro Riera et Sagar serait déjà nécessaire…
Mais l'intérêt du second tome de ce "Portrait d'une femme moderne du Yémen" après le célébré La Voiture d'Intisar va bien au-delà de cette vision géopolitique, aussi riche et subtile soit-elle : alors que fait rage dans nos démocraties occidentales le débat sur l'islam et la condition de la femme, voilà une approche qui pourrait bien bouleverser nos préjugés, ou tout au moins nous aider à réfléchir sur la résilience du désir d'émancipation des femmes dans une société écrasée par des traditions machistes et patriarcales insupportables. L'idée de génie de Pedro Riera a été en effet d'interviewer longuement des réfugiées yéménites, et d'inventer un personnage, Intisar donc, qui lui permette de donner la parole à ces femmes doublement invisibles parce que issues d'une culture en disparition et réduites au silence par leur statut d'immigrées plus ou moins légales.
Bien entendu, et c'est là que la lecture de "Intisar en exil" est à la fois un choc et un plaisir de chaque instant, aucune victimisation ici, aucunes larmes de crocodiles, aucune compassion plus ou moins politiquement correcte : Intisar est un sacré numéro, à l'aise dans sa peau et derrière son voile incontournable dans la société dans laquelle elle vit ! Elle se bat au quotidien pour vivre sa vie comme elle l'entend, mais elle sait aussi s'amuser, jeter un regard ironique, voire cruel, sur les absurdités qui l'entourent. Elle est… moderne alors qu'elle vit dans un monde que l'on ne peut que qualifier d'archaïque de notre point de vue occidental. Elle est… libre alors que tout conspire autour d'elle pour la priver de son droit d'exister en tant que femme, en tant qu'être humain. Elle est un personnage extraordinaire, et au fil de courts chapitres souvent très drôles, elle devient notre amie, notre sœur. Quand nous refermons "Intisar en Exil", nous aimons Intisar, et nous comprenons un peu mieux derrière le brouillage politique et médiatique qui tente de nous rendre plus ignorants, plus intolérants, plus haineux, combien elle nous est PROCHE.
Il nous reste à ajouter que le graphisme et l'usage des couleurs de Sagar sont absolument remarquables - il est souvent impossible de ne pas s'arrêter pour savourer le dynamisme et l'élégance d'une case, ce qui est évidemment une sorte de bonus merveilleux d'un récit qui tiendrait de toute manière Tout seul, tant il est fort et pertinent.
Même s'il s'agit là d'une expression toute faite qui a perdu son sens profond à force d'être utilisée à des fins promotionnelles, comment de ne pas dire que la lecture de ce livre est INDISPENSABLE ? Il n'est pas si fréquent de refermer une BD en sachant que l'on a appris des choses importantes, et que l'on est sans doute devenu une personne meilleure, grâce au travail de ses auteurs. INDISPENSABLE, on vous dit !!!
Bien sûr, nous sommes de plus en plus abreuvés de "fake news", comme on dit aujourd'hui, produites par tous les bords politiques. Bien sûr, la présomption d'innocence, concept essentiel à la mission d'une Justice digne de ce nom, gêne chacun d'entre nous, puisque nous sommes tous, tristement, tellement prompts à "juger" et à condamner. Bien sûr, il y a quelque part un peu de gêne à voir des têtes de gondole à la FNAC consacrées à "Sarkozy - Kadhafi", la retranscription en BD de l'enquête menée par 5 journalistes d'investigation, au pedigree impeccable, sur les liaisons dangereuses entre la France et la Libye, alors que l'enquête sur ce qui s'est réellement passé entre 2002 (les élections présidentielles françaises qui amèneront Sarkozy au pouvoir) et 2011 (la guerre menée par la France en Libye, qui éliminera certes le dictateur honni, mais plongera aussi un pays tout entier dans un chaos sanglant dont il n'est pas encore sorti) n'est pas terminée… Et que les protagonistes de cette tragédie en forme de thriller politique - qui ferait un excellent film hollywoodien - ne sont pas encore jugés…
On ouvre donc ce livre avec une certaine prudence, voire appréhension, en se demandant comment les journalistes Fabrice Arti, Benoît Collombat, Michel Despratx, Elodie Guéguen et Geoffrey Le Guilcher ont fait pour retranscrire les résultats de leurs enquêtes sans enfreindre la loi, l'éthique de leur noble profession et la simple morale commune. Au bout de quelques pages, on est rassuré : sur le fil tendu d'une vérité à demi entrevue mais qui nous échappe encore - il y a clairement toujours des trous dans la reconstitution de ce qui s'est passé - la technique de l'équilibriste est impeccable. Tous les faits narrés dans le livre s'appuient sur des documents officiels - dont beaucoup sont reproduits dans une copieuse annexe de 40 pages - et les dénégations et les déclarations discordantes de certains protagonistes sont reproduites sous formes de notes. Mieux encore, la plupart des événements sont commentés de manière à la fois explicative et le plus objective possible par un personnage imaginaire, une sorte de Jimini Cricket qui ne serait pas cette fois la bonne conscience de qui que ce soit, et qui est affublé, non d’un chapeau, mais d’une tête en forme de rond rouge (!), mais qui sera notre guide dans ce labyrinthe complexe où grenouillent des dizaines de personnages - bien réels, eux - aux rôles peu clairs. Ce soin porté à l'exposition de faits encore contestés - malgré, disons-le, un faisceau de preuves assez conséquentes -, fait indiscutablement la valeur d'un livre où "l'intime conviction" des enquêteurs est toutefois exposée de manière quasi "militante", résultat compréhensible de l'horreur que suscite une telle accumulation potentielle (si elle était avérée) de mensonges, de décisions politiques absurdes, et de purs délits criminels.
Le récit est présenté comme un flashback à partir du 20 octobre 2011, date de la mort de Kadhafi, et avance de manière chronologique et la plus didactique possible, ce qui est indispensable pour ne pas perdre le lecteur. Chaque chapitre s’ouvre sur un dessin représentant, non sans humour, comment une poignée de main chaleureuse entre Sarko et Kadhafi se transforme peu à peu en bras de fer, et conduit à la disparition pure et simple du leader libyen. Le style très “ligne claire” de Thierry Chavant recherche la plus grande lisibilité possible, l’objectif étant évidemment de ne pas faire passer l’Art de la BD devant le message politique, et même si la représentation de personnages réels n’est pas toujours ressemblante, elle l’est suffisamment pour le confort de lecture et la bonne compréhension des événements. La conclusion, évidemment ouverte, est doublement terrible, parce qu’elle dévoile en outre la possibilité de négociations ayant eu lieu après le terrible attentat de Lockerbie (1989), et que le livre se referme sur la vision silencieuse de la dévastation totale d’un pays, dont la responsabilité pourrait bel et bien nous être attribuée à nous, Français.
Les 190 pages de "Sarkozy – Kadhafi" se dévorent en moins de deux heures, comme le thriller politique de haut niveau qu’il est, mais laissent évidemment dans la bouche un goût de sang et de cendres. Elles confirment aussi que la BD, principal genre littéraire populaire en France, peut jouer un rôle à la fois pédagogique et politique essentiel dans notre démocratie, et qu’elle peut porter avec une grande efficacité les combats contemporains les plus importants.
Vous devenez fou avec les services clients automatisés ? Votre facteur ne vous laisse pas vos colis même quand vous êtes chez vous ? Vous avez du mal à adhérer au discours commercial du TGV ? Vous n’arrivez plus à vous indigner du drame des migrants, mais par contre la surenchère permanente des vacances dans les pays pauvres vous horripile ? L’obsession Bio et développement durable de vos amis vous semble de plus en plus irritante, mais vous ne voyez pas comment ne pas entrer dans ce jeu-là ? Vous détestez quand votre coiffeur insiste pour tenir une conversation avec vous ?
"Open Bar" est pour vous : vous vous y reconnaîtrez, même si vous n’oserez pas toujours l’admettre
Vous rêvez plutôt de trouver un bébé éléphant dans votre salade ou vous craignez de découvrir un baleineau au milieu de vos crevettes ? Vous hésitez entre glisser un nem ou un poulet rôti dans l’urne aux prochaines élections ? Il vous arrive de rentrer dans un magasin de chaussures pour commander un demi ? Vous êtes toujours en retard pour acheter le lama empaillé avec de la semoule qui figure sur la liste de fournitures scolaires de votre fille ?
Alors, "Open Bar" est aussi pour vous, grands et grandes intoxiqué/e/s de l’absurde contondant.
Vous avez peut-être déjà entrevu une planche ou deux du travail de Fabcaro en feuilletant les Inrocks dans un kiosque (puisqu’il est clair que plus personne n’achète les Inrocks…), et vous avez été surpris par les partis-pris audacieux d’une mise en page répétitive qui reproduit systématiquement la même scène, avec de toutes petites différences, soit traduisant un léger mouvement des personnages, soit résultant de l’opération de re-copiage de cette scène. Vous avez sans doute alors souri devant l’humour percutant de Fabcaro. Eh bien, la très bonne nouvelle de ce premier tome ("première tournée" !) d’"Open Bar", c’est que l’assemblage de ces gags dans un seul recueil génère le sentiment que l’on a affaire à un peu plus que de simples plaisanteries – certes presque toujours hilarantes – mais à une réflexion pas si aimable sur les dérèglements croissants d’une société qui se transforme insensiblement en une comédie absurde et désespérante.
Pour qui ne connaîtrait pas encore "les Contes de la Pieuvre", une œuvre qui s’annonce d’ores et déjà colossale et dont le premier tome, La Malédiction de Gustave Babel, avait déjà fait pas mal de bruit, il s’agit d’une fresque, aux dimensions quasi-hugoliennes, consacrée à une organisation criminelle contrôlant le Paris de la fin du XIXème siècle… mais située dans un univers uchronique où coexisteraient (difficilement) humains ordinaires et mutants de type X-Men « à la française ».
Débutant par un court mais poignant retour sur la Commune de Paris et sur le sacrifice de celles et ceux qui ont cru aux valeurs démocratiques et modernes qu'elle défendait, "Un Destin de Trouveur" se pose d'emblée en livre politique, ce que chaque ouverture de chapitre - citant un extrait-clé du "Contrat Social" de JJ Rousseau - va bel et bien confirmer. Derrière une fiction extraordinaire, fonctionnant à nombre de niveaux différents, Gess, seul responsable à bord puisqu'il joue tous les rôles (scénariste, dessinateur, coloriste, lettreur...), passe ici un puissant message, dont la pertinence reste totale plus d'un siècle après les évènements qu'il imagine : l'arrogance des puissants - qu'ils soient membres de l'Etat ou de la pègre - envers le peuple sans lequel ils ne sont pourtant rien, la position de victime de la femme, systématiquement exploitée, violentée, littéralement dévorée par le système, la nécessité de la révolte, même si les limites de la violence sont évidentes… autant de thèmes, de prises de positions engagées qui ennoblissent "Un Destin de Trouveur".
Mais ce qui fait de ce livre un triomphe absolu, et une lecture aussi captivante que régulièrement bouleversante, c'est bien la force de son histoire, ainsi que la puissance de personnages dont aucun n'est anodin. On est saisi par un romantisme puissant, qui évoque pleinement la « grande littérature française » du XIXe siècle, quelque part entre Hugo et Dumas, avec quelques touches d'Eugene Sue que cette peinture un peu feuilletonesque bas-fonds de Paris rappelle inévitablement : nous nous rendons bien compte en écrivant ça que ces comparaisons, alors que l'on parle d'une « simple BD » (?) peuvent sembler excessives… Pourtant ce sont des références qui viennent immédiatement à l’esprit du lecteur quand il s'enfonce dans l'univers richissime, les situations moralement complexes et l'atmosphère d'inévitable tragédie de "Un Destin de Trouveur". Cette dimension très « culture française » lui permet en outre de se démarquer totalement de ses éventuelles références aux univers stéréotypés des superhéros US, tout en s'inscrivant parfaitement dans des sujets contemporains (serial killer, univers parallèles, etc.) qui vont immanquablement plaire au public de notre époque.
De plus, l'absolue crédibilité « historique » de ce qui est - quand même - un univers imaginaire, est assurée par le travail remarquable que Gess a visiblement pour fait retrouver la topographie de Paris et de ses alentours, ainsi que l’apparence de lieux que l’on peinera forcément à reconnaître tant ces paysages champêtres de la Région Parisienne sont désormais éloignés de ce que nous connaissons en 2019. Tout Parisien ne pourra ainsi que se régaler devant la description précise d’un trajet de deux jours à cheval de la banlieue Nord de Paris jusqu’à la forêt de Fontainebleau !
Au sein d’une réussite aussi flagrante, les choix de Gess dessinateur sont ceux qui peuvent le plus prêter flanc à la critique : alors que le trait est magnifique, évoquant parfois celui d’un Moebius de l’époque Metal Hurlant, et que Gess est visiblement un maître absolu de la dynamique au sein de ses cases, conférant une énergie sidérante à certaines scènes, la fluidité de lecture de "Un Destin de Trouveur" souffre légèrement d’une concentration exagérée du récit en un minimum de cases. Ce choix, certes logique, permet au livre de ne pas trop dépasser le format déjà imposant des 200 pages, mais il faut bien avouer qu’il y aurait facilement ici assez de matière pour dessiner 500 pages sans épuiser pour autant la richesse des situations décrites (Hugolien, on vous dit !). Plus aéré, avec un peu plus de temps morts et de respiration dans le déroulement du récit, "Un Destin de Trouveur" aurait sans doute mis son lecteur plus à l’aise, en lui évitant d’avoir à littéralement déchiffrer certaines cases remplies « jusqu’à la gueule » d’informations. Il s’agit là, nous en sommes bien conscients, d’un reproche presque injuste tant, répétons-le, la puissance romanesque sublime du livre nous emporte de toute manière de la première à la dernière page…
Soulignons enfin la beauté de la toute dernière partie du livre, de ce chapitre « bonus » rajouté alors que la tragédie est déjà définitivement bouclée : Gess y offre généreusement une vie propre - bien méritée - à un personnage intriguant qui n’a été que secondaire jusque-là… et ouvre possiblement la voie au troisième tome des "Contes de la Pieuvre", qu’on est avide de lire le plus vite possible.
Depuis sa dernière trilogie Toxic, Charles Burns a pris le goût de la couleur. Cette nouvelle oeuvre conserve le format et la colorisation des albums précédents.
Que nous réserve ce premier tome en guise d'introduction ? Charles Burns semble plus sage et plus posé qu'auparavant, la touche fantastique qui émaillait de Black Hole ou de Fleur de peau semble ici être légèrement mise de côté si ce n'est par quelques rêves dérangeants (serait-ce des hallucinations ?) ou quelques croquis inspirés du bestiaire de Lovecraft.
Sous couvert d'une banale historiette d'amours adolescentes, Burns revisite tout un pan du cinéma fantastique d'antan et ose même le citer ouvertement.
En effet le prodigieux film "L'Invasion des profanateurs de sépultures" ou "Invasion of the Body Snatchers" de Don Siegel sous son nom d'origine est reproduit scrupuleusement lors d'une séance cinéma rappelant à son tour une scène du film "Donnie Darko".
Brian le geek cinéphile et la jolie Laurie sont tour à tour narrateurs, se cherchent, hésitent... L'histoire est finalement pleine de simplicité. C'est surtout l'ambiance qui est particulière car on devine que tout va bientôt s'écrouler comme un château de cartes. Les 64 pages se lisent facilement et avec avidité. Si Charles Burns semble assagi en signant ici son oeuvre la plus accessible au grand public (pour le moment), il n'a rien perdu de sa superbe au crayon en nous gratifiant comme à son habitude de dessins fabuleux et inspirés, un régal de chaque instant pour les yeux et en lisibilité.
C'est donc bien trop peu pour l'instant mais le tout est intriguant... Vivement la suite.
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Starr le tueur
Découvrir un nouveau Corben est toujours un plaisir, et avec cet album, je suis pleinement satisfait. Il reste le maître américain de l'horreur et du fantastique, et avec cette version d'un héros qui n'est pas une de ses créations, Corben reste fidèle à son style : personnages stéréotypés, dynamique des scènes d'action, héros musclé dans le style de Den, monde barbare assez glauque, science des cadrages, couleurs flashantes etc... le dessin de Corben est toujours aussi explosif, ce comics lui permet de mettre en valeur sa fascination des corps musculeux et sa violence gore dans un cocktail très plaisant de fantasy, d'aventure et d'érotisme. Ce personnage de Starr the Slayer est à l'origine une création du duo Roy Thomas et Barry Smith, créateurs de Conan chez Marvel, parue en 1970 dans le comic book Chamber of Darkness ; au départ, ils ne savaient pas trop si le projet allait plaire à Marvel, ils ne publieront qu'un petit récit sans suite avant de se tourner vers Conan, mais le personnage de Starr semble une alternative intéressante à celui de Conan, et Marvel décide de l'inclure à son écurie, d'autres auteurs reprendront la série. Il s'agit ici d'une reprise de ce héros parue en 2009 dans Marvel Maxi, l'album contient 4 épisodes d'une mini-série parue aux Etats-Unis. Starr évolue dans un univers de fantasy autour de la cité de Zardath, mais c'est une série B totalement décomplexée, au ton beaucoup plus bourrin que dans Conan ; Starr n'est pas un héros parfait, il a des maladresses et des défauts, c'est limite un loser mais qui fracasse quand même des tronches et qui pourfend plein de guerriers stupides, il lutte contre Trull un sorcier qui est un très bon méchant, bien élaboré. La série s'écarte du ton plus sérieux que l'on trouve chez Conan, pour glisser vers une approche un peu parodique, un peu comme avec la Bd Krän qui est une vraie parodie comique de l'univers fantasy. Le grand intérêt vient évidemment de Corben et de son dessin, c'est un comics très agréable qui remplit parfaitement son rôle de lecture de détente fun, et rien d'autre.
Sous les arbres
C’est d’abord un joli album à l’italienne, marque de fabrique des publications des éditions de la Gouttière à destination des plus petits. C’est ensuite une jolie évocation des couleurs de l’automne : du roux, du feu et du mordoré. C’est aussi les animaux de la forêt dessinés à la manière des artistes de Disney. C’est enfin une jolie histoire toute mignonne et toute simple sur ces gens ronchons, grognons, grincheux, bougons, qui peuvent aussi se révéler des personnes providentielles malgré tout !
Moscou année zéro
Cet album est étonnant. Il s’agit ni plus ni moins que de la refonte de Mort au Tsar. Une refonte totale au niveau du découpage qui, à en croire les propos de Fabien Nury lisibles à la fin de cet album, permet à ce récit de trouver la forme dans laquelle les auteurs l’avaient d’abord imaginé avant de devoir revoir leur copie, faute d’un résultat convaincant. Et donc, alors que cet album aurait pu se réduire à une simple intégrale, les auteurs nous offrent une relecture complète de Mort au Tsar. Finis les deux tomes qui chacun développaient le point de vue d’un des deux personnages, voici un récit dans lequel nous, lecteurs, ne cessons de passer d’un personnage à l’autre. Les deux destinées s’entremêlent, les recoupements se font évidences… et le résultat est magistral. Je suis, en fait, ébahi que ça marche si bien alors que les dessins sont les mêmes que ceux que l’on retrouve dans Mort au Tsar (seules deux pages ont été retirées, l’une faisait double emploi et l’autre aurait stupidement décalé certaines doubles pages). Après cet aspect purement technique, et pour ceux qui n’auraient pas lu « Mort au Tsar », ce récit peut se voir comme un thriller psychologique. Le gouverneur de Moscou, suite à un massacre qu’il a maladroitement ordonné, sait qu’il peut à tout instant mourir dans un attentat. Nous allons le suivre dans ses derniers jours, alors qu’il cherche encore une échappatoire à l’inéluctable. Par ailleurs nous suivons le terroriste en charge de la mise en place de cet attentat. Un personnage extrêmement sombre, sans pitié et sans attaches. Ces deux êtres que tout oppose portent ce récit. Je me suis attaché à ce gouverneur dépassé par les événements, et j’ai suivi avec délice les péripéties et les pensées de ce terroriste froid et déterminé. Le passage d’un personnage à l’autre nous permet de sauter du caractère quasi burlesque des pages dédiées au gouverneur à des passages beaucoup plus noirs, beaucoup plus conformes au genre « thriller » consacrés au terroriste. Le dessin de Thierry Robin, par son aspect anguleux et froid, convient très bien à l’ambiance de ce récit. Les décors sont soignés, les visages sont expressifs et le côté semi-caricatural des personnages permet à la fois de bien les singulariser tout en leur apportant un côté « marionnette » qui favorise l’empathie. Une réussite. Et à titre personnel, j’ai préféré ce récit sous cette forme que sous sa première mouture. De là à ce que ceux qui possèdent déjà Mort au Tsar achètent cette nouvelle version, il y a un pas que je n’oserais franchir… mais dans tous les cas de figure « Moscou année zéro » est un album qui mérite d’être lu par tout amateur de récit historique et de polar psychologique.
Motor Girl
Le Comics US indépendant a, on le sait et on le déplore, une certaine difficulté à trouver sa place auprès du grand public français qui a désormais largement adhéré au courant "mainstream" des Super-héros. Le manque de reconnaissance d'un artiste aussi doué que Terry Moore, dont le graphisme très "ligne claire" le place dans la droite ligne du travail d'un Moebius, d'un Manara ou d'un Urasawa, est particulièrement rageant, mais on peut espérer que les choses changeront avec la publication par Delcourt de ce très bel objet qu'est l'intégrale de Motor Girl... … Car, au-delà du graphisme impeccable de Moore, c'est l'intelligence aigüe de la narration et la force émotionnelle de Motor Girl qui en font une grande réussite du genre. Mêlant habilement réalité et imaginaire, présent et flashbacks (eux-mêmes tantôt réels, tantôt fantasmés, ou du moins distordus par les traumas physiques et mentaux de l'héroïne), Moore nous promène à travers une histoire absolument brillante. "Vet" revenant d'Irak en très mauvais état après avoir été victime de deux explosions successives, Samantha essaie de se remettre dans un coin perdu du désert du Nevada, en s'appuyant sur un ami imaginaire plutôt encombrant, puisqu'il s'agit d'un gorille de 2 mètres de haut. Sa rencontre avec des extra-terrestres - qui pullulent apparemment dans le coin ! - et avec une inquiétante organisation paramilitaire va la forcer à reconsidérer non seulement son avenir, mais également la réalité de son présent. En nous entraînant donc dans une aventure SF assez codifiée, mais traitée avec une étonnante légèreté et un humour constant, Moore nous berne habilement, jusqu'à faire ressurgir à mi-parcours les terribles souvenirs d'Irak, qui vont peu à peu apporter un éclairage différent à notre lecture. L'émotion est croissante, et ce qui nous paraissait un récit fantaisiste inconséquent se transforme en une saisissante épopée intérieure. Pour finir de manière tout bonnement bouleversante (sans même parler de l'élégante référence au Moby Dick de Melville, discrète mais particulièrement bien vue...), et nous donner envie de, sinon crier au chef d'œuvre, mais au moins de placer Motor Girl comme l'une des BDs les plus marquantes de l'année... ... et de replonger du coup dans le travail précédent de Terry Moore, ces Strangers in Paradise, Echo et Rachel Rising qui attendent bien plus de lecteurs français.
Une vie comme un été
La fin de vie ne constitue pas le sujet le plus sexy qui soit, et a donné lieu à peu d'œuvres artistiques sérieuses (je veux dire évitant le piège du sentimentalisme facile et de la nostalgie racoleuse). Il ne nous vient sans doute même pas à l'esprit une BD qui trait de la vieillesse dans son stade terminal, quand la volonté de vivre n'est plus suffisante pour retenir la vie. Avec ce magnifique "Une vie comme un été", œuvre d'un couple d'artistes allemands pas forcément encore connus chez nous mais qui font ici un travail sensationnel, nous tenons enfin le livre dont nous avions besoin, sans forcément le savoir, pour nous aider à accompagner ceux que nous aimons dans la dernière étape. Et nous faire, inévitablement, songer à la manière dont nous affronterons nous-même la fin. Formellement superbe, avec sa combinaison d'aquarelle, et d'un graphisme faussement simple et véritablement élégant, "Une Vie comme un été" raconte donc les dernières semaines de la vie de Madame Wendt, comme l'appelle le personnel de la maison de retraite où elle termine doucement son existence, dans cette solitude des personnes âgées caractéristique de notre époque. Mais, ce que Thomas Von Steinaecker" et Barbara Yelin vont nous raconter, non, plutôt nous faire littéralement vivre par petites touches subtiles, c'est que cette mamie déjà un peu perdue dans sa tête et physiquement diminuée, c'est toujours la petite Gelda, cette élève timide brillantissime en Maths, amoureuse des chiffres et de l'espace, soit un esprit d'une intelligence exceptionnelle. C'est toujours la jolie Gelda, amoureuse d'un homme qui ne le lui rendra pas vraiment la pareille, qui sacrifiera une brillante carrière scientifique pour lui, et acceptera une vie ordinaire. Mais une vie pleine de ses infimes sensations de bonheur qui en font tout le prix. Une vie infiniment petite à l'échelle de l'univers, voire même dans la perspective de l'histoire humaine, mais une vie qui a compté. Qui compte encore. La construction de ce récit, qui brasse une vie entière en quelques pages, est passionnante, déclinant l'essentiel d'une existence avec une légèreté paradoxale… Et d'autant plus impactante que ces brefs chapitres nous font ressentir très finement toute l'importance de quelques moments choisis d'une existence, des moments qui définissent Gelda mieux qu'une longue analyse psychologique. Mais qui pourraient tout aussi bien être remplacés par d'autres, tout aussi importants, que nous ne connaîtrons jamais, et que Mme Wendt emportera avec elle. La conclusion du livre est absolument sublime, et nous laisse suspendus entre admiration et émotion devant ces images d'un simple été aussi fugace qu'éternel. A ce niveau de maîtrise de l'image - ces bleus profonds qui constituent la teinte dominante de "Une vie comme un été" nous donnent envie de nous replonger immédiatement dans le livre, une fois la dernière page tournée - et du récit, on se dit d'ailleurs que la BD est le média parfait pour exprimer des choses aussi difficiles et faire naître en nous des sentiments aussi complexes. Oui, Von Steinaecker et Yelin nous donnent, mine de rien, une belle leçon, aussi bien d'humanité que d'intelligence artistique.
Intisar en exil
Que savons-nous, que comprenons-nous du terrible conflit qui dévaste le Yémen depuis des années, et qui rejoint en horreur ceux de Syrie et d'Irak ? Rien, et l'honnêteté nous pousse à avouer que cela ne nous empêche pas de dormir, non ? Lire "Intisar en Exil" nous offre une perspective politique claire, en même temps qu'un point de vue "de l'intérieur" sur l'absurde complexité des luttes de pouvoir entre factions dont les alliances se font et se défont en dépit de toute logique, ainsi que sur la situation des victimes (ou futures victimes) civiles impuissantes : ne serait-ce que pour cela, la lecture de la BD de Pedro Riera et Sagar serait déjà nécessaire… Mais l'intérêt du second tome de ce "Portrait d'une femme moderne du Yémen" après le célébré La Voiture d'Intisar va bien au-delà de cette vision géopolitique, aussi riche et subtile soit-elle : alors que fait rage dans nos démocraties occidentales le débat sur l'islam et la condition de la femme, voilà une approche qui pourrait bien bouleverser nos préjugés, ou tout au moins nous aider à réfléchir sur la résilience du désir d'émancipation des femmes dans une société écrasée par des traditions machistes et patriarcales insupportables. L'idée de génie de Pedro Riera a été en effet d'interviewer longuement des réfugiées yéménites, et d'inventer un personnage, Intisar donc, qui lui permette de donner la parole à ces femmes doublement invisibles parce que issues d'une culture en disparition et réduites au silence par leur statut d'immigrées plus ou moins légales. Bien entendu, et c'est là que la lecture de "Intisar en exil" est à la fois un choc et un plaisir de chaque instant, aucune victimisation ici, aucunes larmes de crocodiles, aucune compassion plus ou moins politiquement correcte : Intisar est un sacré numéro, à l'aise dans sa peau et derrière son voile incontournable dans la société dans laquelle elle vit ! Elle se bat au quotidien pour vivre sa vie comme elle l'entend, mais elle sait aussi s'amuser, jeter un regard ironique, voire cruel, sur les absurdités qui l'entourent. Elle est… moderne alors qu'elle vit dans un monde que l'on ne peut que qualifier d'archaïque de notre point de vue occidental. Elle est… libre alors que tout conspire autour d'elle pour la priver de son droit d'exister en tant que femme, en tant qu'être humain. Elle est un personnage extraordinaire, et au fil de courts chapitres souvent très drôles, elle devient notre amie, notre sœur. Quand nous refermons "Intisar en Exil", nous aimons Intisar, et nous comprenons un peu mieux derrière le brouillage politique et médiatique qui tente de nous rendre plus ignorants, plus intolérants, plus haineux, combien elle nous est PROCHE. Il nous reste à ajouter que le graphisme et l'usage des couleurs de Sagar sont absolument remarquables - il est souvent impossible de ne pas s'arrêter pour savourer le dynamisme et l'élégance d'une case, ce qui est évidemment une sorte de bonus merveilleux d'un récit qui tiendrait de toute manière Tout seul, tant il est fort et pertinent. Même s'il s'agit là d'une expression toute faite qui a perdu son sens profond à force d'être utilisée à des fins promotionnelles, comment de ne pas dire que la lecture de ce livre est INDISPENSABLE ? Il n'est pas si fréquent de refermer une BD en sachant que l'on a appris des choses importantes, et que l'on est sans doute devenu une personne meilleure, grâce au travail de ses auteurs. INDISPENSABLE, on vous dit !!!
Sarkozy Kadhafi - Des billets et des bombes
Bien sûr, nous sommes de plus en plus abreuvés de "fake news", comme on dit aujourd'hui, produites par tous les bords politiques. Bien sûr, la présomption d'innocence, concept essentiel à la mission d'une Justice digne de ce nom, gêne chacun d'entre nous, puisque nous sommes tous, tristement, tellement prompts à "juger" et à condamner. Bien sûr, il y a quelque part un peu de gêne à voir des têtes de gondole à la FNAC consacrées à "Sarkozy - Kadhafi", la retranscription en BD de l'enquête menée par 5 journalistes d'investigation, au pedigree impeccable, sur les liaisons dangereuses entre la France et la Libye, alors que l'enquête sur ce qui s'est réellement passé entre 2002 (les élections présidentielles françaises qui amèneront Sarkozy au pouvoir) et 2011 (la guerre menée par la France en Libye, qui éliminera certes le dictateur honni, mais plongera aussi un pays tout entier dans un chaos sanglant dont il n'est pas encore sorti) n'est pas terminée… Et que les protagonistes de cette tragédie en forme de thriller politique - qui ferait un excellent film hollywoodien - ne sont pas encore jugés… On ouvre donc ce livre avec une certaine prudence, voire appréhension, en se demandant comment les journalistes Fabrice Arti, Benoît Collombat, Michel Despratx, Elodie Guéguen et Geoffrey Le Guilcher ont fait pour retranscrire les résultats de leurs enquêtes sans enfreindre la loi, l'éthique de leur noble profession et la simple morale commune. Au bout de quelques pages, on est rassuré : sur le fil tendu d'une vérité à demi entrevue mais qui nous échappe encore - il y a clairement toujours des trous dans la reconstitution de ce qui s'est passé - la technique de l'équilibriste est impeccable. Tous les faits narrés dans le livre s'appuient sur des documents officiels - dont beaucoup sont reproduits dans une copieuse annexe de 40 pages - et les dénégations et les déclarations discordantes de certains protagonistes sont reproduites sous formes de notes. Mieux encore, la plupart des événements sont commentés de manière à la fois explicative et le plus objective possible par un personnage imaginaire, une sorte de Jimini Cricket qui ne serait pas cette fois la bonne conscience de qui que ce soit, et qui est affublé, non d’un chapeau, mais d’une tête en forme de rond rouge (!), mais qui sera notre guide dans ce labyrinthe complexe où grenouillent des dizaines de personnages - bien réels, eux - aux rôles peu clairs. Ce soin porté à l'exposition de faits encore contestés - malgré, disons-le, un faisceau de preuves assez conséquentes -, fait indiscutablement la valeur d'un livre où "l'intime conviction" des enquêteurs est toutefois exposée de manière quasi "militante", résultat compréhensible de l'horreur que suscite une telle accumulation potentielle (si elle était avérée) de mensonges, de décisions politiques absurdes, et de purs délits criminels. Le récit est présenté comme un flashback à partir du 20 octobre 2011, date de la mort de Kadhafi, et avance de manière chronologique et la plus didactique possible, ce qui est indispensable pour ne pas perdre le lecteur. Chaque chapitre s’ouvre sur un dessin représentant, non sans humour, comment une poignée de main chaleureuse entre Sarko et Kadhafi se transforme peu à peu en bras de fer, et conduit à la disparition pure et simple du leader libyen. Le style très “ligne claire” de Thierry Chavant recherche la plus grande lisibilité possible, l’objectif étant évidemment de ne pas faire passer l’Art de la BD devant le message politique, et même si la représentation de personnages réels n’est pas toujours ressemblante, elle l’est suffisamment pour le confort de lecture et la bonne compréhension des événements. La conclusion, évidemment ouverte, est doublement terrible, parce qu’elle dévoile en outre la possibilité de négociations ayant eu lieu après le terrible attentat de Lockerbie (1989), et que le livre se referme sur la vision silencieuse de la dévastation totale d’un pays, dont la responsabilité pourrait bel et bien nous être attribuée à nous, Français. Les 190 pages de "Sarkozy – Kadhafi" se dévorent en moins de deux heures, comme le thriller politique de haut niveau qu’il est, mais laissent évidemment dans la bouche un goût de sang et de cendres. Elles confirment aussi que la BD, principal genre littéraire populaire en France, peut jouer un rôle à la fois pédagogique et politique essentiel dans notre démocratie, et qu’elle peut porter avec une grande efficacité les combats contemporains les plus importants.
Open Bar
Vous devenez fou avec les services clients automatisés ? Votre facteur ne vous laisse pas vos colis même quand vous êtes chez vous ? Vous avez du mal à adhérer au discours commercial du TGV ? Vous n’arrivez plus à vous indigner du drame des migrants, mais par contre la surenchère permanente des vacances dans les pays pauvres vous horripile ? L’obsession Bio et développement durable de vos amis vous semble de plus en plus irritante, mais vous ne voyez pas comment ne pas entrer dans ce jeu-là ? Vous détestez quand votre coiffeur insiste pour tenir une conversation avec vous ? "Open Bar" est pour vous : vous vous y reconnaîtrez, même si vous n’oserez pas toujours l’admettre Vous rêvez plutôt de trouver un bébé éléphant dans votre salade ou vous craignez de découvrir un baleineau au milieu de vos crevettes ? Vous hésitez entre glisser un nem ou un poulet rôti dans l’urne aux prochaines élections ? Il vous arrive de rentrer dans un magasin de chaussures pour commander un demi ? Vous êtes toujours en retard pour acheter le lama empaillé avec de la semoule qui figure sur la liste de fournitures scolaires de votre fille ? Alors, "Open Bar" est aussi pour vous, grands et grandes intoxiqué/e/s de l’absurde contondant. Vous avez peut-être déjà entrevu une planche ou deux du travail de Fabcaro en feuilletant les Inrocks dans un kiosque (puisqu’il est clair que plus personne n’achète les Inrocks…), et vous avez été surpris par les partis-pris audacieux d’une mise en page répétitive qui reproduit systématiquement la même scène, avec de toutes petites différences, soit traduisant un léger mouvement des personnages, soit résultant de l’opération de re-copiage de cette scène. Vous avez sans doute alors souri devant l’humour percutant de Fabcaro. Eh bien, la très bonne nouvelle de ce premier tome ("première tournée" !) d’"Open Bar", c’est que l’assemblage de ces gags dans un seul recueil génère le sentiment que l’on a affaire à un peu plus que de simples plaisanteries – certes presque toujours hilarantes – mais à une réflexion pas si aimable sur les dérèglements croissants d’une société qui se transforme insensiblement en une comédie absurde et désespérante.
Un destin de trouveur
Pour qui ne connaîtrait pas encore "les Contes de la Pieuvre", une œuvre qui s’annonce d’ores et déjà colossale et dont le premier tome, La Malédiction de Gustave Babel, avait déjà fait pas mal de bruit, il s’agit d’une fresque, aux dimensions quasi-hugoliennes, consacrée à une organisation criminelle contrôlant le Paris de la fin du XIXème siècle… mais située dans un univers uchronique où coexisteraient (difficilement) humains ordinaires et mutants de type X-Men « à la française ». Débutant par un court mais poignant retour sur la Commune de Paris et sur le sacrifice de celles et ceux qui ont cru aux valeurs démocratiques et modernes qu'elle défendait, "Un Destin de Trouveur" se pose d'emblée en livre politique, ce que chaque ouverture de chapitre - citant un extrait-clé du "Contrat Social" de JJ Rousseau - va bel et bien confirmer. Derrière une fiction extraordinaire, fonctionnant à nombre de niveaux différents, Gess, seul responsable à bord puisqu'il joue tous les rôles (scénariste, dessinateur, coloriste, lettreur...), passe ici un puissant message, dont la pertinence reste totale plus d'un siècle après les évènements qu'il imagine : l'arrogance des puissants - qu'ils soient membres de l'Etat ou de la pègre - envers le peuple sans lequel ils ne sont pourtant rien, la position de victime de la femme, systématiquement exploitée, violentée, littéralement dévorée par le système, la nécessité de la révolte, même si les limites de la violence sont évidentes… autant de thèmes, de prises de positions engagées qui ennoblissent "Un Destin de Trouveur". Mais ce qui fait de ce livre un triomphe absolu, et une lecture aussi captivante que régulièrement bouleversante, c'est bien la force de son histoire, ainsi que la puissance de personnages dont aucun n'est anodin. On est saisi par un romantisme puissant, qui évoque pleinement la « grande littérature française » du XIXe siècle, quelque part entre Hugo et Dumas, avec quelques touches d'Eugene Sue que cette peinture un peu feuilletonesque bas-fonds de Paris rappelle inévitablement : nous nous rendons bien compte en écrivant ça que ces comparaisons, alors que l'on parle d'une « simple BD » (?) peuvent sembler excessives… Pourtant ce sont des références qui viennent immédiatement à l’esprit du lecteur quand il s'enfonce dans l'univers richissime, les situations moralement complexes et l'atmosphère d'inévitable tragédie de "Un Destin de Trouveur". Cette dimension très « culture française » lui permet en outre de se démarquer totalement de ses éventuelles références aux univers stéréotypés des superhéros US, tout en s'inscrivant parfaitement dans des sujets contemporains (serial killer, univers parallèles, etc.) qui vont immanquablement plaire au public de notre époque. De plus, l'absolue crédibilité « historique » de ce qui est - quand même - un univers imaginaire, est assurée par le travail remarquable que Gess a visiblement pour fait retrouver la topographie de Paris et de ses alentours, ainsi que l’apparence de lieux que l’on peinera forcément à reconnaître tant ces paysages champêtres de la Région Parisienne sont désormais éloignés de ce que nous connaissons en 2019. Tout Parisien ne pourra ainsi que se régaler devant la description précise d’un trajet de deux jours à cheval de la banlieue Nord de Paris jusqu’à la forêt de Fontainebleau ! Au sein d’une réussite aussi flagrante, les choix de Gess dessinateur sont ceux qui peuvent le plus prêter flanc à la critique : alors que le trait est magnifique, évoquant parfois celui d’un Moebius de l’époque Metal Hurlant, et que Gess est visiblement un maître absolu de la dynamique au sein de ses cases, conférant une énergie sidérante à certaines scènes, la fluidité de lecture de "Un Destin de Trouveur" souffre légèrement d’une concentration exagérée du récit en un minimum de cases. Ce choix, certes logique, permet au livre de ne pas trop dépasser le format déjà imposant des 200 pages, mais il faut bien avouer qu’il y aurait facilement ici assez de matière pour dessiner 500 pages sans épuiser pour autant la richesse des situations décrites (Hugolien, on vous dit !). Plus aéré, avec un peu plus de temps morts et de respiration dans le déroulement du récit, "Un Destin de Trouveur" aurait sans doute mis son lecteur plus à l’aise, en lui évitant d’avoir à littéralement déchiffrer certaines cases remplies « jusqu’à la gueule » d’informations. Il s’agit là, nous en sommes bien conscients, d’un reproche presque injuste tant, répétons-le, la puissance romanesque sublime du livre nous emporte de toute manière de la première à la dernière page… Soulignons enfin la beauté de la toute dernière partie du livre, de ce chapitre « bonus » rajouté alors que la tragédie est déjà définitivement bouclée : Gess y offre généreusement une vie propre - bien méritée - à un personnage intriguant qui n’a été que secondaire jusque-là… et ouvre possiblement la voie au troisième tome des "Contes de la Pieuvre", qu’on est avide de lire le plus vite possible.
Dédales (Burns)
Depuis sa dernière trilogie Toxic, Charles Burns a pris le goût de la couleur. Cette nouvelle oeuvre conserve le format et la colorisation des albums précédents. Que nous réserve ce premier tome en guise d'introduction ? Charles Burns semble plus sage et plus posé qu'auparavant, la touche fantastique qui émaillait de Black Hole ou de Fleur de peau semble ici être légèrement mise de côté si ce n'est par quelques rêves dérangeants (serait-ce des hallucinations ?) ou quelques croquis inspirés du bestiaire de Lovecraft. Sous couvert d'une banale historiette d'amours adolescentes, Burns revisite tout un pan du cinéma fantastique d'antan et ose même le citer ouvertement. En effet le prodigieux film "L'Invasion des profanateurs de sépultures" ou "Invasion of the Body Snatchers" de Don Siegel sous son nom d'origine est reproduit scrupuleusement lors d'une séance cinéma rappelant à son tour une scène du film "Donnie Darko". Brian le geek cinéphile et la jolie Laurie sont tour à tour narrateurs, se cherchent, hésitent... L'histoire est finalement pleine de simplicité. C'est surtout l'ambiance qui est particulière car on devine que tout va bientôt s'écrouler comme un château de cartes. Les 64 pages se lisent facilement et avec avidité. Si Charles Burns semble assagi en signant ici son oeuvre la plus accessible au grand public (pour le moment), il n'a rien perdu de sa superbe au crayon en nous gratifiant comme à son habitude de dessins fabuleux et inspirés, un régal de chaque instant pour les yeux et en lisibilité. C'est donc bien trop peu pour l'instant mais le tout est intriguant... Vivement la suite.