La petite Abigail doit profiter pour quelques courtes heures de sa jeunesse insouciante, elle a quatorze ans et la vie devant elle comme l'on dit. Hélas mille fois hélas la destinée ou quoi que ce soit a décidé qu'elle naitrait et vivrait dans le nord-est des jeunes états unis vers l'an 1692. Une communauté professant un protestantisme rigoureux pour ne pas dire rigoriste et c'est justement là, à cause de cela que tout va basculer.
Point de suspense dans cette histoire que tout le monde connait ou devrait connaitre, mise en scène au théâtre et objet d'un film, puis à l'origine ou servant de références à de nombreuse séries TV. Donc ici ce n'est pas le dénouement qui importe mais plutôt la mécanique implacable de la bêtise humaine la plus crasse qui soit, j'ai nommé le fanatisme religieux. Ici l'auteur Thomas Gilbert reprend le déroulement des évènements qui ont conduit au fameux procès et à l'exécution de tant d'innocentes. Pour un tel événement il fallait un "méchant" à la hauteur et il l'est le bougre en la personne de ce bon révérend et la manipulation exercée par celui-ci est très bien montrée par l'auteur. Utilisant le peu d'éducation de ses ouailles il en profite pour imposer sa foi et conserver ainsi son pouvoir. Par les dieux, il y a des coups de pieds au cul qui se perdent. Dernier point d'agacement il est évident que cette histoire fait écho dans notre temps. Certains naïfs pourraient même penser qu'il serait impossible que de tels évènements puissent se reproduire Warf, Warf!
Mais revenons à l'objet de cet avis, tout cela est impitoyablement bien construit avec un crescendo qui se retrouve également dans le dessin lumineux et frais dans les débuts puis au fur et à mesure les visages deviennent plus anguleux, ce dessin tout en restant de qualité s'enlaidit presque.
A mon sens une réussite que ce récit qui devrait être lu par le plus grand nombre et dans certains endroits que je ne nommerais pas, j'ai assez vitupéré contre cette bonne église catholique apostolique et romaine et nos amis Luthériens.
Je réécris mon avis après la relecture de l’intégrale de la série.
Je commencerai par le dessin « à 4 mains » de Loisel et Tripp… il est magnifique, avec ces rondeurs qui caractérisent bien le style de Loisel, et les couleurs sont parfaites… vraiment, une magnifique visite guidée du Québec rural des années 20.
Niveau histoire… c’est du quotidien. On y parle de vie, de mort, du curé du coin, de tâches fermières, de ragots, de disputes… et du magasin général, véritable noyau central de cette petite communauté. Les auteurs abordent des thèmes intéressants autours de l’évolution des mœurs, de l’émancipation des femmes, de l’homosexualité, de la place de la religion dans une société changeante… mais toujours de façon légère et très humaine.
J’ai trouvé le récit chargé en émotions… j’ai eu le cœur serré à plusieurs reprises lors de ma lecture, véritable gage de qualité en ce qui me concerne. Ceci dit je trouve quand même que l’histoire tire un peu en longueur. Originellement prévue en 3 tomes, puis en 6 tomes, elle s’étale finalement sur 9 volumes, et je trouve que les auteurs finissent par tourner un peu en rond, surtout vers le tome 8.
Par contre la fin est parfaite… le dénouement pour le moins animé est chargé en émotions, et l’album photo en postface est une excellente idée, et pour moi la façon parfaite de dire au revoir à cette galerie de personnages qui vont me manquer.
Une lecture paisible, belle, reposante, que je conseille à tout le monde, à condition de ne pas être à la recherche d’aventure ou de sensations fortes. Un grand merci à Régis Loisel et Jean-Louis Tripp pour cette superbe série.
Ce one-shot m’a beaucoup plu.
Le contexte historique est diablement intéressant, l’auteur se penche sur les manigances de la Russie pendant la guerre civile espagnole. Les différentes machinations ne sont pas toujours très faciles à suivre, mais je n’ai jamais décroché… je ne suis pas spécialement fan du procédé narratif qui consiste à inclure dans les dialogues un juron ou une exclamation dans la langue native du personnage (« Diable ! », « Bloody Hell ! » et autres « Hijo de la puta ! ») mais il faut avouer que dans le cas présent, ça aide un peu à s’y retrouver parmi les nombreux protagonistes.
J’ai aussi beaucoup aimé le dénouement final, ainsi que le dessin d’André Juillard… j’adore son style « ligne claire », la précision du trait, le niveau de détail (notamment sur les avions), et puis les couleurs sont vraiment belles.
Je n’ai pas grand-chose à reprocher à cet album en fait… une lecture divertissante et instructive.
En ce moment, j'avoue n'avoir que des coups de coeur ! Mais la rentrée est riche en bonnes surprises.
Je m'intéresse pas mal à la musique ( et ne pourrais vivre sans en écouter tous les jours) et j'aime lire des récits de non-fiction et je dirais même plus je kiffe les biographies musicales en bande dessinées. C'est pour cela que j'ai lu "Elvis. Ombre et Lumière", publiée dernièrement dans la collection Seuil/Delcourt. Puis, un récit sur le King, scénarisé et dessiné par Kent, cela ne se refuse pas. Si vous voulez en savoir plus sur cet artiste complet, plutôt que je vous fasse un long discours allez sur son site officiel : http://kent-artiste.com/. Mais n'oublions pas qu'au scénario de "Elvis. Ombre et lumière", il y a également Patrick Mahé, une pointure sur la vie d'Elvis. Ce monsieur est écrivain, journaliste et également éditeur. Un excellent duo pour écrire une bio de non-fiction en BD sur le King.
Qu'on apprécie ou non Elvis, on ne peut nier son importance dans le paysage de la musique rock et surtout dans l'avènement de celle-ci aux US. Et c'est très bien mis en évidence dans ce roman graphique. Le récit de la vie d'Elvis est construit de manière intelligente par le biais de fans qui racontent. Le ton parfois rigolo, de par le trait marrant de Kent, et parfois de manière très émouvante de part l'histoire qui se déroule devant nos yeux. On ne s'ennuie pas, on se régale et les planches sont vraiment pleines de peps notamment grâce au trait de Kent. On apprend des choses étonnantes même si on connait un peu la vie d'Elvis et l'on juge certains faits tellement injustes pour lui que l'on ressent un pincement au coeur. Un homme d'ailleurs assez naïf et innocent en fin de compte. Qui voulait juste faire du rock !
Les deux auteurs excellent dans leur rendu hommage de ce personnage haut en couleur. Elvis une personne attachante, pleine de talent, souvent seul face à ses pensées et ses doutes, toujours à la recherche de tendresse et malheureusement mal conseillé. Souvent son art a été mis en berne et malheureusement drogué de médocs durant toute sa vie pour tenir le coup. Complètement mis à l'écart de lui-même à un moment donné et surtout de son art jusqu'à sa terrible et triste mort. Le Colonel Parker, son manager de toujours, a beaucoup oeuvré à ça et lui a fait beaucoup de mal en le traitant comme un produit et non comme un être humain. Pour découvrir, ou écouter de nouveau le King, je vous conseille de regarde sur YT le show "68 comeback special" (il y a une édition BR ou DVD je pense) où l'on peut voir le King habillé de cuir noir, beau comme un dieu, chanter, jouer de la gratte et rendre euphoriques tous les spectateurs et les musiciens qui l'accompagnent.
Je vous conseille donc grandement de vous procurer ce roman graphique de non-fiction sur la vie du King. C'est beau de plus ! La fabrication de l'album est très belle. On a envie de swinger, de pleurer, de rire et on adore ! <3
Je me retrouve beaucoup dans l’avis de Ro.
Le ton de cette BD est très didactique, avec cette narration qui fait artificiellement débiter aux personnages des longs exposés sur la situation géopolitique du Kivu. Le scenario est assez prévisible, et le protagoniste principal trop lisse. Mais bon sang, impossible de rester impassible devant les faits présentés, quand on sait que l’histoire est largement inspirée de faits réels, et fichtrement bien documentée. Difficile de regarder mon iPad de la même manière, quand on sait que le coltan, une des ressources convoitées et donc une des causes de la souffrance de tant de gens, en est une matière première… est-on tous un peu coupable ? Je suis ressorti de ma lecture scandalisé, avec un sentiment d’impuissance désagréable.
Le dessin de Christophe Simon est en parfait accord avec le reste, dans le sens où il est lui aussi très carré et académique, mais d’un esthétisme et d’une précision redoutable.
Un album non sans défauts, mais une lecture marquante.
Quelle tâche difficile que d’évaluer ce pavé hors norme, qui ose à ce point défoncer tous les codes du neuvième art ! Impossible de rester indifférent à une œuvre aussi démentielle, tant sur la forme que sur le fond. Il va sans dire que plus d’un lecteur sera désarçonné devant ce monument éditorial ardu (dont nous n’avons ici que le livre premier…). Il faudra une certaine persévérance — et du cran peut-être — pour aller jusqu’au bout de ce voyage labyrinthique dans les tréfonds d’une âme humaine aussi torturée que celle d’Emil Ferris. Comme son autrice, cet ouvrage n’est pas dans la norme, il possède quelque chose de monstrueux et de bancal, avec ce dessin au stylo bille plaqué sur les pages d’un vulgaire cahier à spirales, mais une monstruosité envoûtante oscillant entre la laideur simpliste du crobard et la pure beauté, que l’on admire telle une dentelle découpée au scalpel.
Des cases sporadiques nous rappellent qu’il s’agit bien d’une bande dessinée, mais Emil Ferris s’autorise ici toutes les libertés de mise en page. On n’est pas toujours certain du sens de lecture, mais malgré ce foutoir apparent, on réalise que la narration est bien présente et respecte une certaine cohérence. L’aspect insolite de l’objet finit par exercer une certaine fascination, pour peu que l’on se donne la peine de poursuivre au-delà des trente premières pages. Et comme son titre le suggère, de monstres il est beaucoup question. A commencer par la principale protagoniste, la jeune Karen, un peu complexée par son physique « pas facile » et qui s’identifie aux monstres des comics de son grand frère Deeze. Après la mort étrange de la belle voisine, Anka, rescapée de la Shoah, dont on peut penser qu’il s’agit d’un meurtre maquillé en suicide, la fillette va revêtir une panoplie de détective trop grande pour elle afin de mener l’enquête à sa manière.
Impossible de parler de cette œuvre fleuve en une seule chronique, mais l’ouvrage fait la part belle aux « outcasts », ces êtres à l’écart des codes policés imposés à nos cerveaux par la société de consommation, ces monstres avec leur part d’ombre mais leur lumière aussi. Il y est aussi question de résistance, que ce soit à travers le personnage d’Anka (lorsqu’elle évoque sa vie dans l’Allemagne nazie), de Frankin (sorte de sosie « black » de la créature de Frankenstein) face au racisme ou encore de Karen, harcelée par ses camarades de classe en raison de sa différence. Et cette résistance, c’est très souvent celle qui doit s’exercer contre la meute imbécile. Ce livre est donc aussi un pavé au sens physique, un pavé que l’on rêve d’envoyer à la figure des salopards qui jouissent à exercer leur pouvoir de domination sur les plus faibles, les femmes et les minorités en général.
Emaillé de couvertures de comics horrifiques représentant des scènes d’agressions contre des femmes par des monstres de toutes sortes — saisissantes métaphores de la domination masculine, ces publications étant destinées le plus souvent aux jeunes mâles américains — le livre révèle le talent graphique de cette autrice inclassable qui la situe entre le style expressionniste et la mouvance alternative – avec ces hachures qui peuvent rappeler un Crumb ou un Joe Sacco. C’est fou tout ce qu’on peut faire avec un Bic quatre couleurs !
On attendra donc le livre second pour se faire une idée définitive de cette œuvre émotionnelle, sombre et déstructurée, née en grande partie de la maladie d’Emil Ferris, piquée par un moustique qui l’a laissé handicapée durant plus de dix ans. Cette première BD aura permis à cette femme courageuse, qui fut d’abord illustratrice, de retrouver sa motricité. Publiée dans l’année de son 55e anniversaire, elle fut rapidement repérée dans le milieu du neuvième art, encensée par des pointures comme Art Spiegelman (forcément) ou Chris Ware, et si bien accueillie en France qu’elle décrocha le Fauve d’or lors de la dernière édition du FIBD d'Angoulême. Une œuvre si riche, si dense, qu’elle mériterait aisément une deuxième lecture, si ce n’est plusieurs.
Ce premier pavé de la série aborde une période de l’Histoire de France peu (pas) traitée en BD. Les jeunes auteurs ont réussi à restituer les grands événements au travers de la vie quotidienne de Parisiens devenus acteurs de la révolte. On s’attache aux personnages tout en faisant le lien avec les grands moments qui feront date.
Dessinée à 4 mains, l’atmosphère qui se dégage reste très homogène d’une planche à une autre. Certains panoramas pleine page sont magnifiques.
Bref, sujet compliqué magnifiquement traité. Plus d’un auteur expérimenté aurait pu passer à côté. Pas eux ! On attend la suite, patiemment !
Lecture très agréable avec cet album. C'est donc la vie d'Alexandre Marius Jacob qui nous est racontée ici. Ce libre penseur anarchiste, ancien marin et ancien cambrioleur, désabusé par le monde dans lequel il vivait, a eu une vie plutôt riche et rocambolesque.
Toute sa vie est contée en 114 pages, de son enfance à sa mort. Et pour une fois, je trouve tout ça très bien réparti. D'habitude, je râle toujours un peu sur le fait que telle période est trop développée; où que celle- ci ne l'est pas assez, etc. Là, c'est, à mon sens, parfait. Je ne me suis jamais ennuyé et je ne suis pas non plus resté sur ma faim. Tout ce que je voulais savoir a été dit, toute la vie de Jacob est rentrée. Et s'il y a des omissions (il y en a forcément, 114 pages cela peut être pas tant que ça), on ne les ressent pas, l'histoire est très cohérente. La trame du récit est linéaire et très cohérente. On commence par le héros qui est devant un juge à son procès et nous raconte son parcours ; puis on dépasse la date de ce procès pour poursuivre sur la deuxième partie de sa vie. Il n'y a aucun moment ou je me suis senti perdu, ou ai été décroché. Au contraire, on ne s'ennuie jamais, et ça se lit d'un traite.
Il est très intéressant de suivre le parcours de Jacob et surtout de comprendre ses motivations, ce qui l'a poussé à devenir cambrioleur, puis à devenir commerçant (ce qui peut paraître quand même contradictoire). On sent l'importance du bagne et sa puissance destructrice, comme on a senti plus tôt l'injustice dont il s'est trouvé la victime, et ses désirs de liberté, qui s'expriment d'abord dans son désir de devenir marin puis dans celui de voler les plus riches, sans pour autant en devenir un lui même. C'est donc le portrait d'un personnage très intéressant mais aussi d'une époque, celle où beaucoup cherchaient la meilleure voie pour s'exprimer et se sentaient brimés dans un système où ils étaient exploités. Alexandre Jacob était un de ceux-là, et pas des moindres. On sent une certaine admiration de la part de Matz dans la façon dont laquelle il narre son histoire. Les côtés sombres de Jacob ne sont pas éludés, mais on sent sa détermination profonde, son charisme, bref, il est un très bon héros.
J'ai aussi beaucoup aimé le dessin de Chemineau. Les personnages ont un look assez sympathique (même si j'ai eu un peu de mal à distinguer la mère et la femme), et Alexandre Jacob, comme je l'ai dit, transpire la classe et le charisme. Du très beau boulot, les expressions des personnages sont très bien rendues, tout comme les scènes qui sont plus d'action.
J'ai donc passé, vous le comprendrez, un très agréable moment de lecture, et j'encourage à faire de même
Jun est revenue borgne d'un conflit armé où elle opérait en tant que tireuse d'élite. Son quotidien ? Elle le gère difficilement abandonnée par la société dans une mégalopole surpeuplée en tant que sans-abri solitaire et dépressive...
Singelin livre ici son oeuvre la plus personnelle. Seul aux commandes de "P.T.S.D.", il insuffle une énergie pas immédiatement décelable mais bien présente sur les 200 pages de son pavé.
On ne saura jamais rien de cette guerre anonyme qui n'a même pas de nom et dont on ignore si elle est terminée. Il en sera de même pour cette ville immense dont la verticalité des buildings masque l'horizon...
Ici c'est le récit des laissés pour compte, le petit peuple qui se bat pour survivre et vaincre un présent bien violent entre trafic de stupéfiants pour ces vétérans devenus junkies. Si les couleurs sont chatoyantes, si les flashbacks nous proposent de jolies plages en guise de paysage, il n'y a rien d'idyllique et Singelin alterne entre les plans de répit et une action pétaradante digne des films de Hong Kong.
Quelques plages de répit entravent le pessimisme ambiant avec quelques personnages bienveillants autour d'un repas ou de l'amour d'un animal. Les couleurs pastel comme les rondeurs des personnages semblent destiner "P.T.S.D." à un public goinfré des productions Ghibli. Comme pour The Grocery, ce n'est pas vraiment le cas, Jun a beau chercher sa paix intérieure et un sens positif à sa vie, les gunfights vont s’enchaîner tels des "Slow Burners" et la violence n'est jamais loin.
Universel et multiculturel, on sort de cette lecture ravi. Le message n'est pas si manichéen mais laisse la porte ouverte à l'espoir. "P.T.S.D." s'avère ainsi devenir une véritable catharsis et fait définitivement entrer Guillaume Singelin dans la cour des très grands.
Le week-end dernier j'ai lu 'Penss et les plis du monde' le dernier petit bébé du talentueux Jérémie Moreau. Ouvrage récemment publié, puisqu'en septembre dernier, aux éditions Delcourt.
Premièrement, la fab de l'album est totalement somptueuse. On dirait un objet d'art, un tableau et c'est un peu normal je dirais au vu de ce que nous propose l'auteur à l'intérieur. Le déroulement des pages de gardes, de la page de titre et même de la page de fin (normalement ça n'existe pas mais bon), la C1C4 et le dos participent concrètement à l'œuvre principale. C'est beau, simple et efficace.
Nous allons suivre le récit de Penss, à l'aube des temps, où les cueilleurs déambulaient sur la Terre. Penss est un rêveur. Un poète. Il regarde le monde avec des yeux différents par rapport à ses pairs. Il est en quelque sorte considéré, par son clan, comme un bon à rien. Il ne sait pas chasser ou pêcher. Mais il possède le sens de la beauté. La beauté de la nature et donc celle de la terre nourricière. Juste avant la saison de l'hiver et de la période blanche, lui et sa mère, se retrouvent seuls abandonnés par leur clan. S'ensuit une tragédie qui va le marquer à jamais et tout en retrouvant un mode de vie assez typique puisqu'un second clan va venir s'installer avec lui, Penss va partir en guerre contre la terre et va vouloir contrecarrer les plans de celle-ci en essayent de passer outre le douloureux cycle de la vie. Jusqu'à ce qu'il puisse se reconstruire et aller de l’avant.
Le récit est très porteur. Il met en évidence notre incapacité à assimiler la nature et le cycle de la vie. En voulant combattre tout cela et en passant outre notre besoin de vivre en adéquation avec la Terre. Ce qui est intéressant également c'est le ton qu'emploie Jérémie Moreau pour conter son récit qui est moderne. C’est un parti pris assez bien foutu car ne vous attendez pas à lire 'un parler néandertalien' ou de lire 'une énième histoire de la Guerre du feu'. Bon ensuite, l’auteur n’est pas historien et moi non plus. D’ailleurs, nous ne sommes pas là pour lire une histoire sur la préhistoire mais sur la pensée du monde ou ses plis. De l’être humain, de sa quête et de l’ascension de la pensée philosophique. C’est à prendre de toute manière avec des pincettes car c’est ce que je pense et surement qu’un autre lecteur y verra autre chose. Et ça c’est l’apparat d’un bon roman graphique.
À chaque lecture d'un Jérémie Moreau, nous entrons dans un monde bien particulier. À chaque nouvel album, son style graphique se bonifie, change, prend des tournures différentes en rapport avec l’histoire contée. C’est un auteur conteur, un troubadour, un poète et il ne cesse de sublimer son art. Présentement, Penss pousse les limites de la bd et prend une tournure au niveau de la maquette du déroulement des cases et des planches assez folles et inattendues. C’est tellement beau, contemplatif parfois, âpre, dur, dramatique et poétique tout en étant métaphorique qu’on n’essaie même pas de se poser mais de se laisser porter par le récit et le design. Je suis certaine que je reprendrais en main cet album, bien après l’avoir dévoré, juste pour lire des passages et me rincer les mirettes.
Voilà, j’aime, j’adore cet auteur et je pense sincèrement que même s’il a eu le Fauve d’or durant le festival d’Angoulême 2019 avec La Saga de Grimr, il continuera à dépoter et nous en mettre plein de la vue et l’esprit. Toutefois, son oeuvre que je préfère et que je trouve toujours aussi magnifique, car plein de subtilité et d'émotion, c'est son Max Winson.
<3
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Les Filles de Salem
La petite Abigail doit profiter pour quelques courtes heures de sa jeunesse insouciante, elle a quatorze ans et la vie devant elle comme l'on dit. Hélas mille fois hélas la destinée ou quoi que ce soit a décidé qu'elle naitrait et vivrait dans le nord-est des jeunes états unis vers l'an 1692. Une communauté professant un protestantisme rigoureux pour ne pas dire rigoriste et c'est justement là, à cause de cela que tout va basculer. Point de suspense dans cette histoire que tout le monde connait ou devrait connaitre, mise en scène au théâtre et objet d'un film, puis à l'origine ou servant de références à de nombreuse séries TV. Donc ici ce n'est pas le dénouement qui importe mais plutôt la mécanique implacable de la bêtise humaine la plus crasse qui soit, j'ai nommé le fanatisme religieux. Ici l'auteur Thomas Gilbert reprend le déroulement des évènements qui ont conduit au fameux procès et à l'exécution de tant d'innocentes. Pour un tel événement il fallait un "méchant" à la hauteur et il l'est le bougre en la personne de ce bon révérend et la manipulation exercée par celui-ci est très bien montrée par l'auteur. Utilisant le peu d'éducation de ses ouailles il en profite pour imposer sa foi et conserver ainsi son pouvoir. Par les dieux, il y a des coups de pieds au cul qui se perdent. Dernier point d'agacement il est évident que cette histoire fait écho dans notre temps. Certains naïfs pourraient même penser qu'il serait impossible que de tels évènements puissent se reproduire Warf, Warf! Mais revenons à l'objet de cet avis, tout cela est impitoyablement bien construit avec un crescendo qui se retrouve également dans le dessin lumineux et frais dans les débuts puis au fur et à mesure les visages deviennent plus anguleux, ce dessin tout en restant de qualité s'enlaidit presque. A mon sens une réussite que ce récit qui devrait être lu par le plus grand nombre et dans certains endroits que je ne nommerais pas, j'ai assez vitupéré contre cette bonne église catholique apostolique et romaine et nos amis Luthériens.
Magasin général
Je réécris mon avis après la relecture de l’intégrale de la série. Je commencerai par le dessin « à 4 mains » de Loisel et Tripp… il est magnifique, avec ces rondeurs qui caractérisent bien le style de Loisel, et les couleurs sont parfaites… vraiment, une magnifique visite guidée du Québec rural des années 20. Niveau histoire… c’est du quotidien. On y parle de vie, de mort, du curé du coin, de tâches fermières, de ragots, de disputes… et du magasin général, véritable noyau central de cette petite communauté. Les auteurs abordent des thèmes intéressants autours de l’évolution des mœurs, de l’émancipation des femmes, de l’homosexualité, de la place de la religion dans une société changeante… mais toujours de façon légère et très humaine. J’ai trouvé le récit chargé en émotions… j’ai eu le cœur serré à plusieurs reprises lors de ma lecture, véritable gage de qualité en ce qui me concerne. Ceci dit je trouve quand même que l’histoire tire un peu en longueur. Originellement prévue en 3 tomes, puis en 6 tomes, elle s’étale finalement sur 9 volumes, et je trouve que les auteurs finissent par tourner un peu en rond, surtout vers le tome 8. Par contre la fin est parfaite… le dénouement pour le moins animé est chargé en émotions, et l’album photo en postface est une excellente idée, et pour moi la façon parfaite de dire au revoir à cette galerie de personnages qui vont me manquer. Une lecture paisible, belle, reposante, que je conseille à tout le monde, à condition de ne pas être à la recherche d’aventure ou de sensations fortes. Un grand merci à Régis Loisel et Jean-Louis Tripp pour cette superbe série.
Double 7
Ce one-shot m’a beaucoup plu. Le contexte historique est diablement intéressant, l’auteur se penche sur les manigances de la Russie pendant la guerre civile espagnole. Les différentes machinations ne sont pas toujours très faciles à suivre, mais je n’ai jamais décroché… je ne suis pas spécialement fan du procédé narratif qui consiste à inclure dans les dialogues un juron ou une exclamation dans la langue native du personnage (« Diable ! », « Bloody Hell ! » et autres « Hijo de la puta ! ») mais il faut avouer que dans le cas présent, ça aide un peu à s’y retrouver parmi les nombreux protagonistes. J’ai aussi beaucoup aimé le dénouement final, ainsi que le dessin d’André Juillard… j’adore son style « ligne claire », la précision du trait, le niveau de détail (notamment sur les avions), et puis les couleurs sont vraiment belles. Je n’ai pas grand-chose à reprocher à cet album en fait… une lecture divertissante et instructive.
Elvis. Ombre et lumière
En ce moment, j'avoue n'avoir que des coups de coeur ! Mais la rentrée est riche en bonnes surprises. Je m'intéresse pas mal à la musique ( et ne pourrais vivre sans en écouter tous les jours) et j'aime lire des récits de non-fiction et je dirais même plus je kiffe les biographies musicales en bande dessinées. C'est pour cela que j'ai lu "Elvis. Ombre et Lumière", publiée dernièrement dans la collection Seuil/Delcourt. Puis, un récit sur le King, scénarisé et dessiné par Kent, cela ne se refuse pas. Si vous voulez en savoir plus sur cet artiste complet, plutôt que je vous fasse un long discours allez sur son site officiel : http://kent-artiste.com/. Mais n'oublions pas qu'au scénario de "Elvis. Ombre et lumière", il y a également Patrick Mahé, une pointure sur la vie d'Elvis. Ce monsieur est écrivain, journaliste et également éditeur. Un excellent duo pour écrire une bio de non-fiction en BD sur le King. Qu'on apprécie ou non Elvis, on ne peut nier son importance dans le paysage de la musique rock et surtout dans l'avènement de celle-ci aux US. Et c'est très bien mis en évidence dans ce roman graphique. Le récit de la vie d'Elvis est construit de manière intelligente par le biais de fans qui racontent. Le ton parfois rigolo, de par le trait marrant de Kent, et parfois de manière très émouvante de part l'histoire qui se déroule devant nos yeux. On ne s'ennuie pas, on se régale et les planches sont vraiment pleines de peps notamment grâce au trait de Kent. On apprend des choses étonnantes même si on connait un peu la vie d'Elvis et l'on juge certains faits tellement injustes pour lui que l'on ressent un pincement au coeur. Un homme d'ailleurs assez naïf et innocent en fin de compte. Qui voulait juste faire du rock ! Les deux auteurs excellent dans leur rendu hommage de ce personnage haut en couleur. Elvis une personne attachante, pleine de talent, souvent seul face à ses pensées et ses doutes, toujours à la recherche de tendresse et malheureusement mal conseillé. Souvent son art a été mis en berne et malheureusement drogué de médocs durant toute sa vie pour tenir le coup. Complètement mis à l'écart de lui-même à un moment donné et surtout de son art jusqu'à sa terrible et triste mort. Le Colonel Parker, son manager de toujours, a beaucoup oeuvré à ça et lui a fait beaucoup de mal en le traitant comme un produit et non comme un être humain. Pour découvrir, ou écouter de nouveau le King, je vous conseille de regarde sur YT le show "68 comeback special" (il y a une édition BR ou DVD je pense) où l'on peut voir le King habillé de cuir noir, beau comme un dieu, chanter, jouer de la gratte et rendre euphoriques tous les spectateurs et les musiciens qui l'accompagnent. Je vous conseille donc grandement de vous procurer ce roman graphique de non-fiction sur la vie du King. C'est beau de plus ! La fabrication de l'album est très belle. On a envie de swinger, de pleurer, de rire et on adore ! <3
Kivu
Je me retrouve beaucoup dans l’avis de Ro. Le ton de cette BD est très didactique, avec cette narration qui fait artificiellement débiter aux personnages des longs exposés sur la situation géopolitique du Kivu. Le scenario est assez prévisible, et le protagoniste principal trop lisse. Mais bon sang, impossible de rester impassible devant les faits présentés, quand on sait que l’histoire est largement inspirée de faits réels, et fichtrement bien documentée. Difficile de regarder mon iPad de la même manière, quand on sait que le coltan, une des ressources convoitées et donc une des causes de la souffrance de tant de gens, en est une matière première… est-on tous un peu coupable ? Je suis ressorti de ma lecture scandalisé, avec un sentiment d’impuissance désagréable. Le dessin de Christophe Simon est en parfait accord avec le reste, dans le sens où il est lui aussi très carré et académique, mais d’un esthétisme et d’une précision redoutable. Un album non sans défauts, mais une lecture marquante.
Moi, ce que j'aime, c'est les monstres
Quelle tâche difficile que d’évaluer ce pavé hors norme, qui ose à ce point défoncer tous les codes du neuvième art ! Impossible de rester indifférent à une œuvre aussi démentielle, tant sur la forme que sur le fond. Il va sans dire que plus d’un lecteur sera désarçonné devant ce monument éditorial ardu (dont nous n’avons ici que le livre premier…). Il faudra une certaine persévérance — et du cran peut-être — pour aller jusqu’au bout de ce voyage labyrinthique dans les tréfonds d’une âme humaine aussi torturée que celle d’Emil Ferris. Comme son autrice, cet ouvrage n’est pas dans la norme, il possède quelque chose de monstrueux et de bancal, avec ce dessin au stylo bille plaqué sur les pages d’un vulgaire cahier à spirales, mais une monstruosité envoûtante oscillant entre la laideur simpliste du crobard et la pure beauté, que l’on admire telle une dentelle découpée au scalpel. Des cases sporadiques nous rappellent qu’il s’agit bien d’une bande dessinée, mais Emil Ferris s’autorise ici toutes les libertés de mise en page. On n’est pas toujours certain du sens de lecture, mais malgré ce foutoir apparent, on réalise que la narration est bien présente et respecte une certaine cohérence. L’aspect insolite de l’objet finit par exercer une certaine fascination, pour peu que l’on se donne la peine de poursuivre au-delà des trente premières pages. Et comme son titre le suggère, de monstres il est beaucoup question. A commencer par la principale protagoniste, la jeune Karen, un peu complexée par son physique « pas facile » et qui s’identifie aux monstres des comics de son grand frère Deeze. Après la mort étrange de la belle voisine, Anka, rescapée de la Shoah, dont on peut penser qu’il s’agit d’un meurtre maquillé en suicide, la fillette va revêtir une panoplie de détective trop grande pour elle afin de mener l’enquête à sa manière. Impossible de parler de cette œuvre fleuve en une seule chronique, mais l’ouvrage fait la part belle aux « outcasts », ces êtres à l’écart des codes policés imposés à nos cerveaux par la société de consommation, ces monstres avec leur part d’ombre mais leur lumière aussi. Il y est aussi question de résistance, que ce soit à travers le personnage d’Anka (lorsqu’elle évoque sa vie dans l’Allemagne nazie), de Frankin (sorte de sosie « black » de la créature de Frankenstein) face au racisme ou encore de Karen, harcelée par ses camarades de classe en raison de sa différence. Et cette résistance, c’est très souvent celle qui doit s’exercer contre la meute imbécile. Ce livre est donc aussi un pavé au sens physique, un pavé que l’on rêve d’envoyer à la figure des salopards qui jouissent à exercer leur pouvoir de domination sur les plus faibles, les femmes et les minorités en général. Emaillé de couvertures de comics horrifiques représentant des scènes d’agressions contre des femmes par des monstres de toutes sortes — saisissantes métaphores de la domination masculine, ces publications étant destinées le plus souvent aux jeunes mâles américains — le livre révèle le talent graphique de cette autrice inclassable qui la situe entre le style expressionniste et la mouvance alternative – avec ces hachures qui peuvent rappeler un Crumb ou un Joe Sacco. C’est fou tout ce qu’on peut faire avec un Bic quatre couleurs ! On attendra donc le livre second pour se faire une idée définitive de cette œuvre émotionnelle, sombre et déstructurée, née en grande partie de la maladie d’Emil Ferris, piquée par un moustique qui l’a laissé handicapée durant plus de dix ans. Cette première BD aura permis à cette femme courageuse, qui fut d’abord illustratrice, de retrouver sa motricité. Publiée dans l’année de son 55e anniversaire, elle fut rapidement repérée dans le milieu du neuvième art, encensée par des pointures comme Art Spiegelman (forcément) ou Chris Ware, et si bien accueillie en France qu’elle décrocha le Fauve d’or lors de la dernière édition du FIBD d'Angoulême. Une œuvre si riche, si dense, qu’elle mériterait aisément une deuxième lecture, si ce n’est plusieurs.
Révolution (Locard / Grouazel)
Ce premier pavé de la série aborde une période de l’Histoire de France peu (pas) traitée en BD. Les jeunes auteurs ont réussi à restituer les grands événements au travers de la vie quotidienne de Parisiens devenus acteurs de la révolte. On s’attache aux personnages tout en faisant le lien avec les grands moments qui feront date. Dessinée à 4 mains, l’atmosphère qui se dégage reste très homogène d’une planche à une autre. Certains panoramas pleine page sont magnifiques. Bref, sujet compliqué magnifiquement traité. Plus d’un auteur expérimenté aurait pu passer à côté. Pas eux ! On attend la suite, patiemment !
Le Travailleur de la nuit
Lecture très agréable avec cet album. C'est donc la vie d'Alexandre Marius Jacob qui nous est racontée ici. Ce libre penseur anarchiste, ancien marin et ancien cambrioleur, désabusé par le monde dans lequel il vivait, a eu une vie plutôt riche et rocambolesque. Toute sa vie est contée en 114 pages, de son enfance à sa mort. Et pour une fois, je trouve tout ça très bien réparti. D'habitude, je râle toujours un peu sur le fait que telle période est trop développée; où que celle- ci ne l'est pas assez, etc. Là, c'est, à mon sens, parfait. Je ne me suis jamais ennuyé et je ne suis pas non plus resté sur ma faim. Tout ce que je voulais savoir a été dit, toute la vie de Jacob est rentrée. Et s'il y a des omissions (il y en a forcément, 114 pages cela peut être pas tant que ça), on ne les ressent pas, l'histoire est très cohérente. La trame du récit est linéaire et très cohérente. On commence par le héros qui est devant un juge à son procès et nous raconte son parcours ; puis on dépasse la date de ce procès pour poursuivre sur la deuxième partie de sa vie. Il n'y a aucun moment ou je me suis senti perdu, ou ai été décroché. Au contraire, on ne s'ennuie jamais, et ça se lit d'un traite. Il est très intéressant de suivre le parcours de Jacob et surtout de comprendre ses motivations, ce qui l'a poussé à devenir cambrioleur, puis à devenir commerçant (ce qui peut paraître quand même contradictoire). On sent l'importance du bagne et sa puissance destructrice, comme on a senti plus tôt l'injustice dont il s'est trouvé la victime, et ses désirs de liberté, qui s'expriment d'abord dans son désir de devenir marin puis dans celui de voler les plus riches, sans pour autant en devenir un lui même. C'est donc le portrait d'un personnage très intéressant mais aussi d'une époque, celle où beaucoup cherchaient la meilleure voie pour s'exprimer et se sentaient brimés dans un système où ils étaient exploités. Alexandre Jacob était un de ceux-là, et pas des moindres. On sent une certaine admiration de la part de Matz dans la façon dont laquelle il narre son histoire. Les côtés sombres de Jacob ne sont pas éludés, mais on sent sa détermination profonde, son charisme, bref, il est un très bon héros. J'ai aussi beaucoup aimé le dessin de Chemineau. Les personnages ont un look assez sympathique (même si j'ai eu un peu de mal à distinguer la mère et la femme), et Alexandre Jacob, comme je l'ai dit, transpire la classe et le charisme. Du très beau boulot, les expressions des personnages sont très bien rendues, tout comme les scènes qui sont plus d'action. J'ai donc passé, vous le comprendrez, un très agréable moment de lecture, et j'encourage à faire de même
P.T.S.D.
Jun est revenue borgne d'un conflit armé où elle opérait en tant que tireuse d'élite. Son quotidien ? Elle le gère difficilement abandonnée par la société dans une mégalopole surpeuplée en tant que sans-abri solitaire et dépressive... Singelin livre ici son oeuvre la plus personnelle. Seul aux commandes de "P.T.S.D.", il insuffle une énergie pas immédiatement décelable mais bien présente sur les 200 pages de son pavé. On ne saura jamais rien de cette guerre anonyme qui n'a même pas de nom et dont on ignore si elle est terminée. Il en sera de même pour cette ville immense dont la verticalité des buildings masque l'horizon... Ici c'est le récit des laissés pour compte, le petit peuple qui se bat pour survivre et vaincre un présent bien violent entre trafic de stupéfiants pour ces vétérans devenus junkies. Si les couleurs sont chatoyantes, si les flashbacks nous proposent de jolies plages en guise de paysage, il n'y a rien d'idyllique et Singelin alterne entre les plans de répit et une action pétaradante digne des films de Hong Kong. Quelques plages de répit entravent le pessimisme ambiant avec quelques personnages bienveillants autour d'un repas ou de l'amour d'un animal. Les couleurs pastel comme les rondeurs des personnages semblent destiner "P.T.S.D." à un public goinfré des productions Ghibli. Comme pour The Grocery, ce n'est pas vraiment le cas, Jun a beau chercher sa paix intérieure et un sens positif à sa vie, les gunfights vont s’enchaîner tels des "Slow Burners" et la violence n'est jamais loin. Universel et multiculturel, on sort de cette lecture ravi. Le message n'est pas si manichéen mais laisse la porte ouverte à l'espoir. "P.T.S.D." s'avère ainsi devenir une véritable catharsis et fait définitivement entrer Guillaume Singelin dans la cour des très grands.
Penss et les plis du monde
Le week-end dernier j'ai lu 'Penss et les plis du monde' le dernier petit bébé du talentueux Jérémie Moreau. Ouvrage récemment publié, puisqu'en septembre dernier, aux éditions Delcourt. Premièrement, la fab de l'album est totalement somptueuse. On dirait un objet d'art, un tableau et c'est un peu normal je dirais au vu de ce que nous propose l'auteur à l'intérieur. Le déroulement des pages de gardes, de la page de titre et même de la page de fin (normalement ça n'existe pas mais bon), la C1C4 et le dos participent concrètement à l'œuvre principale. C'est beau, simple et efficace. Nous allons suivre le récit de Penss, à l'aube des temps, où les cueilleurs déambulaient sur la Terre. Penss est un rêveur. Un poète. Il regarde le monde avec des yeux différents par rapport à ses pairs. Il est en quelque sorte considéré, par son clan, comme un bon à rien. Il ne sait pas chasser ou pêcher. Mais il possède le sens de la beauté. La beauté de la nature et donc celle de la terre nourricière. Juste avant la saison de l'hiver et de la période blanche, lui et sa mère, se retrouvent seuls abandonnés par leur clan. S'ensuit une tragédie qui va le marquer à jamais et tout en retrouvant un mode de vie assez typique puisqu'un second clan va venir s'installer avec lui, Penss va partir en guerre contre la terre et va vouloir contrecarrer les plans de celle-ci en essayent de passer outre le douloureux cycle de la vie. Jusqu'à ce qu'il puisse se reconstruire et aller de l’avant. Le récit est très porteur. Il met en évidence notre incapacité à assimiler la nature et le cycle de la vie. En voulant combattre tout cela et en passant outre notre besoin de vivre en adéquation avec la Terre. Ce qui est intéressant également c'est le ton qu'emploie Jérémie Moreau pour conter son récit qui est moderne. C’est un parti pris assez bien foutu car ne vous attendez pas à lire 'un parler néandertalien' ou de lire 'une énième histoire de la Guerre du feu'. Bon ensuite, l’auteur n’est pas historien et moi non plus. D’ailleurs, nous ne sommes pas là pour lire une histoire sur la préhistoire mais sur la pensée du monde ou ses plis. De l’être humain, de sa quête et de l’ascension de la pensée philosophique. C’est à prendre de toute manière avec des pincettes car c’est ce que je pense et surement qu’un autre lecteur y verra autre chose. Et ça c’est l’apparat d’un bon roman graphique. À chaque lecture d'un Jérémie Moreau, nous entrons dans un monde bien particulier. À chaque nouvel album, son style graphique se bonifie, change, prend des tournures différentes en rapport avec l’histoire contée. C’est un auteur conteur, un troubadour, un poète et il ne cesse de sublimer son art. Présentement, Penss pousse les limites de la bd et prend une tournure au niveau de la maquette du déroulement des cases et des planches assez folles et inattendues. C’est tellement beau, contemplatif parfois, âpre, dur, dramatique et poétique tout en étant métaphorique qu’on n’essaie même pas de se poser mais de se laisser porter par le récit et le design. Je suis certaine que je reprendrais en main cet album, bien après l’avoir dévoré, juste pour lire des passages et me rincer les mirettes. Voilà, j’aime, j’adore cet auteur et je pense sincèrement que même s’il a eu le Fauve d’or durant le festival d’Angoulême 2019 avec La Saga de Grimr, il continuera à dépoter et nous en mettre plein de la vue et l’esprit. Toutefois, son oeuvre que je préfère et que je trouve toujours aussi magnifique, car plein de subtilité et d'émotion, c'est son Max Winson. <3