Trop fort ! C'est pourtant pas facile d'être drôle.
D'habitude, je suis du genre à esquisser un sourire devant l'humour d'une BD, pas plus. Et là je dois dire que j'ai pouffé plus d'une fois tellement la connerie est trop bien balancée. La péripétie de cette histoire démarre dès les premières cases et s'en suivent tout plein de saynètes franchement drôles sans jamais perdre de vue le fil conducteur du récit.
Ça n'est pas qu'un divertissement de passage, il y a une opinion au ton sarcastique qui est diablement attirant et qui offre du sérieux à la matière. Fabcaro s'éclate à pousser la bêtise humaine à son paroxysme tout en apportant des nuances en fonction de la position sociale de ses personnages.
C'est franchement génial. Bravo !
Edit 1 minute après avoir publié l'avis: en fait je mets 5/5. C'est du génie.
J'ai mis du temps à me procurer et à lire cette série, mais en définitive je ne regrette pas mon achat ! Déjà, parce que j'aime beaucoup ce que les auteurs ont déjà produit avec Daytripper (au jour le jour) ou L'Aliéniste, dans des scénarios réfléchis et qui prenaient leurs temps pour développer une histoire complexe.
Ici, c'est le même cas, puisque partant de l'histoire d'un roman, les auteurs vont prendre le temps de nous présenter la déchéance d'une famille à travers le combat que se livrent les deux frères. Cette famille est dysfonctionnelle, mais surtout elle représente un état d'esprit d'un certain moment. Le père qui n'a pas voulu avoir d'enfants, la mère qui en voulait après la disparition de son père et en surprotège un, la fille qui ne se marie pas, le fils aimé par la mère et le fils qui réussit tout. Avec la servante d'origine amérindienne, le tout vu par le fils de cette servante, on obtient plusieurs personnages marquants et marqués, dont le déroulé de vie ne sera pas heureux, semble-t-il.
Le scénario s'enfonce dans un marasme progressif, suivant ces deux frères opposés qui se haïssent et se mettront chacun en travers du chemin de l'autre. Même si l'histoire est surtout une histoire de vengeance familiale, j'ai eu l'impression de vivre la disparition de certains membres de la population brésilienne. Ces immigrés qui sont arrivés avant la seconde guerre mondiale et dont les enfants seront déchirés jusqu'à leur mort semble un constat amer sur la population et les transformations de l'après-guerre. La maison qui finit par être transformée en casino en est un autre exemple assez parlant, à mon goût. Bref, on sent que l'auteur parle d'un changement sociétale et de rupture générationnelle : les parents ne comprennent pas leurs enfants et leurs querelles, mais ils sont aussi en décalage avec leur monde qui change.
Le dessin est fort sympathique, même si les jumeaux ont été assez souvent difficile à distinguer (volontairement d'ailleurs) en dehors de la cicatrice sur la joue. Mais il joue aussi avec quelques le noir et le blanc, donnant des ambiances à chaque page. On sent la folie, la violence, le mépris, la haine qui traversent les planches. Les décors ne sont pas très chargés, mais retranscrivent bien l'atmosphère de l'Amérique du Sud, avec ses maisons très reconnaissables. D'autre part, j'ai beaucoup aimé la façon dont le dessin transmet une grande partie des intentions des gens et de leurs échanges. C'est dans les regards transmis par les cadres, notamment, que toute l'animosité entre les deux frères passent. Comme sur la couverture, qui donne le ton de l'intérieur.
Bref, ce récit sombre et tragique, aux accents de tragédie grecque, est une très bonne BD. Je ne pourrais dire trop de choses dessus par peur de dévoiler les rouages de l'histoire, mais c'est le genre de lecture que je recommanderais !
Quelle horreur. Je ressors secoué de ma lecture.
L’histoire d’Alice Cyuzuzo est poignante. Agée d’à peine 5 ans, elle fuit avec sa maman et ses sœurs les horreurs du génocide rwandais, et ne rentrera chez elle que 3 ans plus tard. Seule. Sa famille entière est portée disparue (même si elle finira par les retrouver des années plus tard). Les horreurs dont elle a été témoin, difficile à appréhender pour l’adulte que je suis, ont dû être incompréhensibles à son âge.
La narration se concentre sur son point de vue d’enfant, ses interprétations, ses peurs. L’album n’explique pas le conflit, ni même les atrocités qui secouent la vie d’Alice. Un choix judicieux, qui donne une force inouïe à son histoire, qui m’a souvent mis les larmes aux yeux. C’est terrible, de devoir vivre tout ça si jeune. Notez qu’une interview avec la maman d’Alice (en fin d’album) apporte une vision plus adulte sur les évènements, et fournit des éléments supplémentaires (ce qu’Alice n’avait pas vu ou pas compris).
Il paraît dérisoire de parler du dessin. Il est pourtant superbe, avec notamment des couleurs aquarelles du plus bel effet.
Un album coup de poing, qui m’a beaucoup touché. Un témoignage essentiel.
J’avais découvert le travail d’EMG avec Tremblez enfance Z46 (déjà un titre improbable et énigmatique !) chez le même éditeur, qui a une fois de plus réalisé un beau travail éditorial, au service d’une œuvre qui s’éloigne des sentiers battus. Et qui prend le risque, par la froideur de son dessin et de la colorisation, par une intrigue lente à offrir un sens, de dérouter les lecteurs.
En effet, comme pour « Tremblez enfance Z46 », les couleurs très flashy et tranchées habillent un dessin à l’informatique, qui joue, pour les décors comme pour les personnages (ici de simples assemblages de boules, de tuyaux, de rectangles), sur une géométrie étrange.
Une nouvelle fois il m’a fallu un temps d’adaptation, mais je m’y suis fait, et ai apprécié cet univers original, dans lequel se débattent quelques personnages, luttant pour leur survie, déambulant au milieu d’outils, de décors vides et géométriques. Même les phylactères sont de grands cubes en 3D se déplaçant dans les airs !
Un struggle for life étrange donc, traversé d’absurde et de relents totalitaires, avec une poésie noire en arrière-plan. Si je n’ai pas tout saisi, j’ai apprécié ma lecture, d’un univers original, parfois désespérant – même si EMG maintient quand même un peu d’espoir dans l’agonie de son personnage principal (assemblage de boules bleues), avec une chute mêlant humour et fantastique.
Comme pour « Tremblez enfance Z46 », on a là un album que les lecteurs curieux apprécieront, même s’il ne lève pas forcément tous les voiles sur certains pans de l’intrigue (ou sur un titre qui reste énigmatique).
Un auteur et une œuvre à découvrir !
Note réelle 3,5/5.
Boyau rouge et petit fils de mineurs, ce roman graphique ne pouvait que m'intéresser. Il m'a remis en mémoire les histoires de ma grand-mère sur cette catastrophe, son père fût un des rescapés (mot popularisé par la presse à cette occasion et entré ensuite dans le langage courant).
Je suis originaire de Lens juste à côté de Courrières, je connais par cœur tous les lieux cités.
À 6h30 le 10 mars 1906, la plus grande catastrophe minière d'Europe commence et aura pour résultat 1099 morts dont un tiers a moins de 18 ans.
- Un coup de grisou ? Gaz inflammable au contact de l'air.
- Un coup de poussier ? Ensemble de fines particules de poussières de carbone hautement inflammables.
On ne connaîtra jamais l'origine de l'explosion.
En introduction Jean-Luc Loyer nous plonge dans le contexte de l'époque, l'industrialisation, les arts, la politique et les conditions de vie des mineurs. Il plante le décor historique.
Après on suit le déroulement de cette tragédie a travers certains personnages ayant existé ce qui rend le récit bouleversant sans tomber dans le sentimentalisme.
Une retranscription exacte des faits. Avant la grande guerre et la chair à canon, nous avons ici la chair à production. Je ne pourrais pas mieux dire que ces quelques mots de la chanson Jaurès de Brel :
"Ils étaient usés à quinze ans
Les douze mois s'appelaient décembre
Quelle vie ont eu nos grand-parents
Entre l'absinthe et les grand-messes
Ils étaient vieux avant que d'être
Quinze heures par jour le corps en laisse
Laissent au visage un teint de cendres"
Déjà en ce début de vingtième siècle le profil passait avant l'humain. Est-ce que le monde à changé ?
Le dessin en noir et blanc apporte sa pierre à l'édifice
Le noir du charbon et de la mort.
Le blanc des fumées et de la neige.
Un one shot poignant pour garder en mémoire ce drame de la folie humaine et la course à la productivité.
Le 27 décembre 1974, une autre catastrophe à Liévin, juste à côté de Lens, fait 42 morts.
Un très bon one-shot !
Pourtant, le premier chapitre ne m'avait pas emballé. Je trouvais les personnages et les dialogues niais, mais je pense que c'est fait exprès pour surprendre le lecteur parce que tout change dès le deuxième chapitre. Le récit devient prenant et les dialogues plus savoureux. J'ai particulièrement aimé la touche de fantastique, mais je n'en dis pas plus pour ne pas gâcher la surprise.
J'ai été bluffé par le scénario. Il y a de la tension tout le temps et c'est rempli de retournements de situations et en plus tout est parfaitement logique. Je veux pas nommer des noms, mais on connait tous un ou deux scénaristes qui adorent abuser des révélations surprises et des scènes choquantes au point où leurs scénarios ne font plus de sens. Ici, tout est maitrisé du début jusqu'à la fin. Et il y a de l'humour noir comme je l'adore.
Bref, un must pour les amateurs de thrillers.
Le pas de la manu n'a aucun rapport avec notre Président en exercice, il s'agit de la manufacture d'armes de Saint-Étienne qui a fait travailler beaucoup de monde depuis des décennies. C'est d'ailleurs de là comme je l'ai appris que vient le FAMAS, qui s'avère être un acronyme : fusil d'assaut de la manufacture d'armes de Saint-Étienne. Encore un savoir-faire qui se perd et une industrie dont la France a perdu la souveraineté...
Pour en revenir à ce récit, parfois cela fait rire et suscite des jalousies dans le monde ouvrier, car pour certains ce sont des planqués, payés à l'heure et pas à la pièce et qui ont parfois pas mal de temps pour des activités personnelles. C'est ce qui s'appelle la perruque et souvent ce sont de petites pièces pour bricoler, mais l'un d'entre eux veut y construire son bateau et ça représente un sacré paquet d'heures de boulot. Mais comment faire pour sortir le moteur discrètement au nez et à la barbe des gardiens de l'entrée ?
Bel hommage à ce monde ouvrier, on sent l'affection de l'auteur Baptiste Deyrail pour ce milieu. En tout cas son dessin, whaou. Plus de 200 planches avec une technique expliquée à la fin, comme de l'huile sur des plaques de zinc. De toute beauté. Une ambiance façon films de Renoir où on croise d'ailleurs un sosie de Gabin. Je dis bravo.
Une histoire franchement singulière.
L'auteur, Lucas Harari, découvrit l'histoire étrange d'un certain Pierre (on ne connaît pas son nom dans l'histoire) grâce à son père, qui fut un de ses professeurs pour ses études d'architectures. Plongé dans une thèse sur les Thermes de Vals, Pierre était devenu obsédé par le bâtiment, brûla ses écrits et quitta les études. L'obsession perdure et Pierre décider de vivre un séjour directement là-bas, en Suisse, pour nourrir son désir. Et de là part toute une intrigue que je trouve assez palpitante.
Le bouquin est épais par la qualité de ses feuilles épaisses et il n'y a aucune difficulté à terminer "rapidement" la lecture puisque beaucoup de planches sont muettes. Je suis scotché par la qualité graphique. Le dessin est en harmonie parfaite avec l'aspect architectural du récit. Les lignes sont claires, les formes très souvent géométriques, élégantes et pures. Et puis la colorisation est un vrai régal pour les pupilles. En feuilletant, j'avais peur de m'ennuyer royalement tellement le mouvement me semblait statique. A postériori, cette appréhension n'avait pas lieu d'être... Comme quoi, il faut parfois se faire violence pour être agréablement surpris!
L'histoire en elle-même est très captivante, il y a la dose de personnages qu'il faut. Chacun sert à quelque chose pour faire avancer l'intrigue. Je place un bémol sur Ondine, qui m'apparaît un peu trop comme une clé à raccourcis mais bon, je chipote. C'est étrange plus que fantastique et la fin laisse planer un mystère que j'ai trouvé bon de conserver. Il y a une ambiance poétique assez subtile qui me plaît beaucoup.
Belle découverte, à lire!
Je suis un grand amateur des chansons de Jacques Brel. Je n'ai donc pas trop réfléchi à enrichir ma bibliothèque avec cet album. Voilà une biographie du "Grand Jacques" fort détaillée et très intéressante. Le scénario de Rubio Salva suit les débuts très difficiles du futur monstre sacré de la chanson d'expression française. Dans ce premier tome Salva s'attache à nous montrer la personnalité complexe du jeune Jacques. A la fois docile et rebelle, qui sait être ferme sur ses choix quand les opportunités se présentent. Une personnalité entière et très émotionnelle qui s'engage à fond tout de suite. Témoins, son mariage très rapide avec Miche ou son départ presque illico sur Paris sur un simple coup de fil de Canetti. Une personnalité qui montre de la persévérance et du courage pour surmonter les conditions très difficiles vécues dans ces années de vaches maigres. Ce côté émotionnel lui jouera des tours ou l'enrichira, c'est selon, pour son art ou dans ses relations conjugale et extra conjugales. Mauvais mari, père absent, amant dissimulateur Salva ne cache rien, il ne nous présente pas une personnalité lisse, tout au contraire. C'est probablement grâce à ce vécu que Jacques Brel pourra traduire ses émotions dans des chansons inoubliables et qui toucheront jusqu'au plus profond de nous-mêmes.
Le dessin et les couleurs de Sagar sont à l'avenant. Tons sombres, nuits froides et mouillées, visages tourmentés par l'incertitude sont au registre de l'album.
On se rend compte aussi du foisonnement artistique extraordinaire du Paris des années 50. C'était vrai pour la chanson mais aussi pour le cinéma, la littérature, la peinture ou la mode. Quand on voit le travail pour percer. "je m'voyais déjà en haut de l'affiche" chantait Aznavour à cette époque. Mais quel parcours du combattant.
Une belle galerie d'artistes qui résonne fort dans notre patrimoine culturel. Certains sont oubliés d'autres résistent au temps.
Excellent moment de lecture que celui proposé par cette biographie partielle de la vie de Nellie Bly, une biographie qui se concentre sur son fait d’arme le plus célèbre, soit son internement volontaire -et à des fins d’investigations- dans l'asile psychiatrique de Blackwell à New York.
Tout d’abord, il y a Nellie Bly et sa personnalité. Le personnage est attachant et sa cause est des plus nobles. Voilà réellement un personnage inspirant pour les jeunes d’aujourd’hui, déterminée, courageuse, juste, sensible. Sa démarche à seulement 23 ans ne peut que susciter le respect. Et si je connaissais vaguement l’histoire ici relatée, la redécouvrir plus en détail a accentué fortement mon admiration pour la journaliste d’investigation qu’elle fût.
Ensuite vient la bande dessinée en elle-même et ses multiples qualités. Une narration fluide et vivante par laquelle cet épisode de la vie de Nellie Bly nous est conté telle une aventure, poignante et révoltante, que des petites touches d’humour -nées du sens de la répartie et de l’aplomb de Nellie Bly- viennent de temps à autre alléger. Un dessin parfait de lisibilité, qui parvient à recréer l’émotion d’un regard échangé, qui introduit discrètement une part de fantastique pour suggérer les visions et délires de certaines internées, qui nous permet de nous resituer dans le temps grâce à un emploi judicieux de deux gammes de couleurs (plus sombre pour les passages dans l’asile, et plus colorée dans les flash-backs -ce qui, soit dit en passant, nous change agréablement des teintes sépia souvent employées dans ceux-ci en temps normal). Un récit concentré sur une période finalement assez courte de la vie de Nellie Bly, ce qui permet vraiment de creuser cet épisode ainsi que la personnalité de la journaliste.
Franchement, un sans faute à mes yeux et une lecture édifiante et inspirante à la fois. Moi, je dis « bravo ! »
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Trop fort ! C'est pourtant pas facile d'être drôle. D'habitude, je suis du genre à esquisser un sourire devant l'humour d'une BD, pas plus. Et là je dois dire que j'ai pouffé plus d'une fois tellement la connerie est trop bien balancée. La péripétie de cette histoire démarre dès les premières cases et s'en suivent tout plein de saynètes franchement drôles sans jamais perdre de vue le fil conducteur du récit. Ça n'est pas qu'un divertissement de passage, il y a une opinion au ton sarcastique qui est diablement attirant et qui offre du sérieux à la matière. Fabcaro s'éclate à pousser la bêtise humaine à son paroxysme tout en apportant des nuances en fonction de la position sociale de ses personnages. C'est franchement génial. Bravo ! Edit 1 minute après avoir publié l'avis: en fait je mets 5/5. C'est du génie.
Deux Frères
J'ai mis du temps à me procurer et à lire cette série, mais en définitive je ne regrette pas mon achat ! Déjà, parce que j'aime beaucoup ce que les auteurs ont déjà produit avec Daytripper (au jour le jour) ou L'Aliéniste, dans des scénarios réfléchis et qui prenaient leurs temps pour développer une histoire complexe. Ici, c'est le même cas, puisque partant de l'histoire d'un roman, les auteurs vont prendre le temps de nous présenter la déchéance d'une famille à travers le combat que se livrent les deux frères. Cette famille est dysfonctionnelle, mais surtout elle représente un état d'esprit d'un certain moment. Le père qui n'a pas voulu avoir d'enfants, la mère qui en voulait après la disparition de son père et en surprotège un, la fille qui ne se marie pas, le fils aimé par la mère et le fils qui réussit tout. Avec la servante d'origine amérindienne, le tout vu par le fils de cette servante, on obtient plusieurs personnages marquants et marqués, dont le déroulé de vie ne sera pas heureux, semble-t-il. Le scénario s'enfonce dans un marasme progressif, suivant ces deux frères opposés qui se haïssent et se mettront chacun en travers du chemin de l'autre. Même si l'histoire est surtout une histoire de vengeance familiale, j'ai eu l'impression de vivre la disparition de certains membres de la population brésilienne. Ces immigrés qui sont arrivés avant la seconde guerre mondiale et dont les enfants seront déchirés jusqu'à leur mort semble un constat amer sur la population et les transformations de l'après-guerre. La maison qui finit par être transformée en casino en est un autre exemple assez parlant, à mon goût. Bref, on sent que l'auteur parle d'un changement sociétale et de rupture générationnelle : les parents ne comprennent pas leurs enfants et leurs querelles, mais ils sont aussi en décalage avec leur monde qui change. Le dessin est fort sympathique, même si les jumeaux ont été assez souvent difficile à distinguer (volontairement d'ailleurs) en dehors de la cicatrice sur la joue. Mais il joue aussi avec quelques le noir et le blanc, donnant des ambiances à chaque page. On sent la folie, la violence, le mépris, la haine qui traversent les planches. Les décors ne sont pas très chargés, mais retranscrivent bien l'atmosphère de l'Amérique du Sud, avec ses maisons très reconnaissables. D'autre part, j'ai beaucoup aimé la façon dont le dessin transmet une grande partie des intentions des gens et de leurs échanges. C'est dans les regards transmis par les cadres, notamment, que toute l'animosité entre les deux frères passent. Comme sur la couverture, qui donne le ton de l'intérieur. Bref, ce récit sombre et tragique, aux accents de tragédie grecque, est une très bonne BD. Je ne pourrais dire trop de choses dessus par peur de dévoiler les rouages de l'histoire, mais c'est le genre de lecture que je recommanderais !
Le Grand Voyage d'Alice
Quelle horreur. Je ressors secoué de ma lecture. L’histoire d’Alice Cyuzuzo est poignante. Agée d’à peine 5 ans, elle fuit avec sa maman et ses sœurs les horreurs du génocide rwandais, et ne rentrera chez elle que 3 ans plus tard. Seule. Sa famille entière est portée disparue (même si elle finira par les retrouver des années plus tard). Les horreurs dont elle a été témoin, difficile à appréhender pour l’adulte que je suis, ont dû être incompréhensibles à son âge. La narration se concentre sur son point de vue d’enfant, ses interprétations, ses peurs. L’album n’explique pas le conflit, ni même les atrocités qui secouent la vie d’Alice. Un choix judicieux, qui donne une force inouïe à son histoire, qui m’a souvent mis les larmes aux yeux. C’est terrible, de devoir vivre tout ça si jeune. Notez qu’une interview avec la maman d’Alice (en fin d’album) apporte une vision plus adulte sur les évènements, et fournit des éléments supplémentaires (ce qu’Alice n’avait pas vu ou pas compris). Il paraît dérisoire de parler du dessin. Il est pourtant superbe, avec notamment des couleurs aquarelles du plus bel effet. Un album coup de poing, qui m’a beaucoup touché. Un témoignage essentiel.
Volt évier z82
J’avais découvert le travail d’EMG avec Tremblez enfance Z46 (déjà un titre improbable et énigmatique !) chez le même éditeur, qui a une fois de plus réalisé un beau travail éditorial, au service d’une œuvre qui s’éloigne des sentiers battus. Et qui prend le risque, par la froideur de son dessin et de la colorisation, par une intrigue lente à offrir un sens, de dérouter les lecteurs. En effet, comme pour « Tremblez enfance Z46 », les couleurs très flashy et tranchées habillent un dessin à l’informatique, qui joue, pour les décors comme pour les personnages (ici de simples assemblages de boules, de tuyaux, de rectangles), sur une géométrie étrange. Une nouvelle fois il m’a fallu un temps d’adaptation, mais je m’y suis fait, et ai apprécié cet univers original, dans lequel se débattent quelques personnages, luttant pour leur survie, déambulant au milieu d’outils, de décors vides et géométriques. Même les phylactères sont de grands cubes en 3D se déplaçant dans les airs ! Un struggle for life étrange donc, traversé d’absurde et de relents totalitaires, avec une poésie noire en arrière-plan. Si je n’ai pas tout saisi, j’ai apprécié ma lecture, d’un univers original, parfois désespérant – même si EMG maintient quand même un peu d’espoir dans l’agonie de son personnage principal (assemblage de boules bleues), avec une chute mêlant humour et fantastique. Comme pour « Tremblez enfance Z46 », on a là un album que les lecteurs curieux apprécieront, même s’il ne lève pas forcément tous les voiles sur certains pans de l’intrigue (ou sur un titre qui reste énigmatique). Un auteur et une œuvre à découvrir ! Note réelle 3,5/5.
Sang noir - La catastrophe de Courrières
Boyau rouge et petit fils de mineurs, ce roman graphique ne pouvait que m'intéresser. Il m'a remis en mémoire les histoires de ma grand-mère sur cette catastrophe, son père fût un des rescapés (mot popularisé par la presse à cette occasion et entré ensuite dans le langage courant). Je suis originaire de Lens juste à côté de Courrières, je connais par cœur tous les lieux cités. À 6h30 le 10 mars 1906, la plus grande catastrophe minière d'Europe commence et aura pour résultat 1099 morts dont un tiers a moins de 18 ans. - Un coup de grisou ? Gaz inflammable au contact de l'air. - Un coup de poussier ? Ensemble de fines particules de poussières de carbone hautement inflammables. On ne connaîtra jamais l'origine de l'explosion. En introduction Jean-Luc Loyer nous plonge dans le contexte de l'époque, l'industrialisation, les arts, la politique et les conditions de vie des mineurs. Il plante le décor historique. Après on suit le déroulement de cette tragédie a travers certains personnages ayant existé ce qui rend le récit bouleversant sans tomber dans le sentimentalisme. Une retranscription exacte des faits. Avant la grande guerre et la chair à canon, nous avons ici la chair à production. Je ne pourrais pas mieux dire que ces quelques mots de la chanson Jaurès de Brel : "Ils étaient usés à quinze ans Les douze mois s'appelaient décembre Quelle vie ont eu nos grand-parents Entre l'absinthe et les grand-messes Ils étaient vieux avant que d'être Quinze heures par jour le corps en laisse Laissent au visage un teint de cendres" Déjà en ce début de vingtième siècle le profil passait avant l'humain. Est-ce que le monde à changé ? Le dessin en noir et blanc apporte sa pierre à l'édifice Le noir du charbon et de la mort. Le blanc des fumées et de la neige. Un one shot poignant pour garder en mémoire ce drame de la folie humaine et la course à la productivité. Le 27 décembre 1974, une autre catastrophe à Liévin, juste à côté de Lens, fait 42 morts.
Basketful of heads
Un très bon one-shot ! Pourtant, le premier chapitre ne m'avait pas emballé. Je trouvais les personnages et les dialogues niais, mais je pense que c'est fait exprès pour surprendre le lecteur parce que tout change dès le deuxième chapitre. Le récit devient prenant et les dialogues plus savoureux. J'ai particulièrement aimé la touche de fantastique, mais je n'en dis pas plus pour ne pas gâcher la surprise. J'ai été bluffé par le scénario. Il y a de la tension tout le temps et c'est rempli de retournements de situations et en plus tout est parfaitement logique. Je veux pas nommer des noms, mais on connait tous un ou deux scénaristes qui adorent abuser des révélations surprises et des scènes choquantes au point où leurs scénarios ne font plus de sens. Ici, tout est maitrisé du début jusqu'à la fin. Et il y a de l'humour noir comme je l'adore. Bref, un must pour les amateurs de thrillers.
Le Pas de la Manu
Le pas de la manu n'a aucun rapport avec notre Président en exercice, il s'agit de la manufacture d'armes de Saint-Étienne qui a fait travailler beaucoup de monde depuis des décennies. C'est d'ailleurs de là comme je l'ai appris que vient le FAMAS, qui s'avère être un acronyme : fusil d'assaut de la manufacture d'armes de Saint-Étienne. Encore un savoir-faire qui se perd et une industrie dont la France a perdu la souveraineté... Pour en revenir à ce récit, parfois cela fait rire et suscite des jalousies dans le monde ouvrier, car pour certains ce sont des planqués, payés à l'heure et pas à la pièce et qui ont parfois pas mal de temps pour des activités personnelles. C'est ce qui s'appelle la perruque et souvent ce sont de petites pièces pour bricoler, mais l'un d'entre eux veut y construire son bateau et ça représente un sacré paquet d'heures de boulot. Mais comment faire pour sortir le moteur discrètement au nez et à la barbe des gardiens de l'entrée ? Bel hommage à ce monde ouvrier, on sent l'affection de l'auteur Baptiste Deyrail pour ce milieu. En tout cas son dessin, whaou. Plus de 200 planches avec une technique expliquée à la fin, comme de l'huile sur des plaques de zinc. De toute beauté. Une ambiance façon films de Renoir où on croise d'ailleurs un sosie de Gabin. Je dis bravo.
L'Aimant
Une histoire franchement singulière. L'auteur, Lucas Harari, découvrit l'histoire étrange d'un certain Pierre (on ne connaît pas son nom dans l'histoire) grâce à son père, qui fut un de ses professeurs pour ses études d'architectures. Plongé dans une thèse sur les Thermes de Vals, Pierre était devenu obsédé par le bâtiment, brûla ses écrits et quitta les études. L'obsession perdure et Pierre décider de vivre un séjour directement là-bas, en Suisse, pour nourrir son désir. Et de là part toute une intrigue que je trouve assez palpitante. Le bouquin est épais par la qualité de ses feuilles épaisses et il n'y a aucune difficulté à terminer "rapidement" la lecture puisque beaucoup de planches sont muettes. Je suis scotché par la qualité graphique. Le dessin est en harmonie parfaite avec l'aspect architectural du récit. Les lignes sont claires, les formes très souvent géométriques, élégantes et pures. Et puis la colorisation est un vrai régal pour les pupilles. En feuilletant, j'avais peur de m'ennuyer royalement tellement le mouvement me semblait statique. A postériori, cette appréhension n'avait pas lieu d'être... Comme quoi, il faut parfois se faire violence pour être agréablement surpris! L'histoire en elle-même est très captivante, il y a la dose de personnages qu'il faut. Chacun sert à quelque chose pour faire avancer l'intrigue. Je place un bémol sur Ondine, qui m'apparaît un peu trop comme une clé à raccourcis mais bon, je chipote. C'est étrange plus que fantastique et la fin laisse planer un mystère que j'ai trouvé bon de conserver. Il y a une ambiance poétique assez subtile qui me plaît beaucoup. Belle découverte, à lire!
Brel - Une vie à mille temps
Je suis un grand amateur des chansons de Jacques Brel. Je n'ai donc pas trop réfléchi à enrichir ma bibliothèque avec cet album. Voilà une biographie du "Grand Jacques" fort détaillée et très intéressante. Le scénario de Rubio Salva suit les débuts très difficiles du futur monstre sacré de la chanson d'expression française. Dans ce premier tome Salva s'attache à nous montrer la personnalité complexe du jeune Jacques. A la fois docile et rebelle, qui sait être ferme sur ses choix quand les opportunités se présentent. Une personnalité entière et très émotionnelle qui s'engage à fond tout de suite. Témoins, son mariage très rapide avec Miche ou son départ presque illico sur Paris sur un simple coup de fil de Canetti. Une personnalité qui montre de la persévérance et du courage pour surmonter les conditions très difficiles vécues dans ces années de vaches maigres. Ce côté émotionnel lui jouera des tours ou l'enrichira, c'est selon, pour son art ou dans ses relations conjugale et extra conjugales. Mauvais mari, père absent, amant dissimulateur Salva ne cache rien, il ne nous présente pas une personnalité lisse, tout au contraire. C'est probablement grâce à ce vécu que Jacques Brel pourra traduire ses émotions dans des chansons inoubliables et qui toucheront jusqu'au plus profond de nous-mêmes. Le dessin et les couleurs de Sagar sont à l'avenant. Tons sombres, nuits froides et mouillées, visages tourmentés par l'incertitude sont au registre de l'album. On se rend compte aussi du foisonnement artistique extraordinaire du Paris des années 50. C'était vrai pour la chanson mais aussi pour le cinéma, la littérature, la peinture ou la mode. Quand on voit le travail pour percer. "je m'voyais déjà en haut de l'affiche" chantait Aznavour à cette époque. Mais quel parcours du combattant. Une belle galerie d'artistes qui résonne fort dans notre patrimoine culturel. Certains sont oubliés d'autres résistent au temps.
Nellie Bly - Dans l'antre de la folie
Excellent moment de lecture que celui proposé par cette biographie partielle de la vie de Nellie Bly, une biographie qui se concentre sur son fait d’arme le plus célèbre, soit son internement volontaire -et à des fins d’investigations- dans l'asile psychiatrique de Blackwell à New York. Tout d’abord, il y a Nellie Bly et sa personnalité. Le personnage est attachant et sa cause est des plus nobles. Voilà réellement un personnage inspirant pour les jeunes d’aujourd’hui, déterminée, courageuse, juste, sensible. Sa démarche à seulement 23 ans ne peut que susciter le respect. Et si je connaissais vaguement l’histoire ici relatée, la redécouvrir plus en détail a accentué fortement mon admiration pour la journaliste d’investigation qu’elle fût. Ensuite vient la bande dessinée en elle-même et ses multiples qualités. Une narration fluide et vivante par laquelle cet épisode de la vie de Nellie Bly nous est conté telle une aventure, poignante et révoltante, que des petites touches d’humour -nées du sens de la répartie et de l’aplomb de Nellie Bly- viennent de temps à autre alléger. Un dessin parfait de lisibilité, qui parvient à recréer l’émotion d’un regard échangé, qui introduit discrètement une part de fantastique pour suggérer les visions et délires de certaines internées, qui nous permet de nous resituer dans le temps grâce à un emploi judicieux de deux gammes de couleurs (plus sombre pour les passages dans l’asile, et plus colorée dans les flash-backs -ce qui, soit dit en passant, nous change agréablement des teintes sépia souvent employées dans ceux-ci en temps normal). Un récit concentré sur une période finalement assez courte de la vie de Nellie Bly, ce qui permet vraiment de creuser cet épisode ainsi que la personnalité de la journaliste. Franchement, un sans faute à mes yeux et une lecture édifiante et inspirante à la fois. Moi, je dis « bravo ! »