D’emblée, l’histoire démarre comme un thriller dont la tension ne se relâchera guère jusqu’à la fin. Mais ce qui renforce l’intérêt du livre, c’est la poésie et l’humour qui sont les autres ingrédients de ce récit très dynamique, abordant des thématiques sociales et sociétales très contemporaines, très universelles aussi, dans l’Allemagne des années 2020. A commencer par la question de l’immigration « clandestine », qui transforme les humains en marchandise, pris entre l’enclume des réseaux de passeurs ou de prostitution et le marteau des lois du pays de destination, de moins en moins accueillants.
La narration est centrée sur cette adolescente, Tâm, dont les parents vietnamiens (qui ont évidemment pour patronyme Nguyen – prononcez « Nuit-hyène » !) sont arrivés dans cette banlieue de Berlin après avoir fui le communisme dans les années 70. Dotée d’une personnalité bien trempée, celle-ci va s’enticher de la jeune Hoa Binh, débarquant elle aussi du Vietnam mais recrutée sur place par des maquereaux professionnels, qui avaient pour but de la faire « travailler » en Occident… Après avoir réussi à fuir, Hoa Binh va devoir se cacher pour échapper à ses poursuivants, et sa chance sera de croiser la route de Tâm, qui se fera un devoir de la protéger, découvrant par la même occasion son attirance pour la jeune fille…
Et c’est un autre point fort de l’album, une galerie de personnages très bien campés, parfois hauts en couleur, dont les routes vont se croiser à la faveur des événements. En contrepoint de Tâm, il y a Alex, le garçonnet blondinet et solitaire qui a pour marotte de faire voler son drone au milieu des barres hlm de son quartier. Celui-ci se réfugie souvent chez sa vieille copine Hella, une ancienne actrice forte en gueule qui survit dans sa cabane de jardin à l’aide de sa maigre retraite. Et puis il y a aussi Dennis, le frère aîné de Tâm, amateur de black metal un rien anémique, et Marina, la plus badass des ados du quartier, qui, en bonne dominatrice, a jeté son dévolu sur Dennis, donnant lieu aux scènes les plus hilarantes du livre.
Oui, parce qu’on rit beaucoup aussi avec ce thriller captivant, qui n’oublie pas non plus de glisser des moments de tendresse et de poésie. Le trait vif de Mikael Ross n’y est pas pour rien, sachant d’adapter à toutes les situations. D’une tournure plus « manga » dans les scènes de course-poursuite, plus cartoon pour les passages humoristiques, et plus délicat pour les phases plus intimes, plus paisibles. On notera cette représentation du désir très pertinente par un rougeoiement auréolant la case entière lorsque Tâm se rapproche de Hoa Binh, une trouvaille simplissime et géniale, là où par un processus indicible et extrêmement touchant, l’amitié vire à l’amour passionnel… Cette seule touche de couleur justifie à elle seule le choix du noir et blanc, recentrant vers le registre amoureux une histoire qui aux yeux de certains aurait pu passer pour un simple thriller.
Ode à l’amour autant qu’à la liberté, « Le nirvana est ici » s’impose comme une des meilleures surprises de ce début d’année. Je découvre avec cet album un auteur véritablement virtuose. L’Allemand Mikael Ross signe ici sa cinquième bande dessinée en tant que dessinateur, aux côtés du scénariste belge Nicolas Wouters (Les Pieds dans le Béton et Totem), et sa troisième en étant seul aux manettes (Apprendre à tomber et Ludwig et Beethoven). Non seulement on aura envie de découvrir voire redécouvrir ses précédentes productions, mais ce qui est certain, c’est qu’on ne va pas le lâcher comme ça !
Un coup de cœur, tout comme toi, frérot ;-)
Cela commence au 23e siècle, dans le cadre d'un système solaire en voie de colonisation, avec un conflit larvé entre la Terre et ses colonies, décor rappelant celui de la série The Expanse, avec la promesse d'un contact extra-terrestre suite à l'apparition de trois mystérieuses sphères qui s'enfoncent sous la surface de Jupiter avant de n'en plus sortir. Puis c'est un saut supplémentaire de trois siècles dans le futur avec le réveil d'hibernation d'un colonel de l'armée obnubilé par ces sphères. Prenant le commandement de la petite station d'observation scientifique posée sur les glaces de lune Europe et de la communauté bigarrée qui la compose, il espère bien pouvoir les retrouver avec la technologie plus avancée de cette époque.
C'est la promesse d'une série dans la lignée d'Universal War One qui m'a incité à acheter cette BD, et je n'ai pas été déçu.
La narration de cette histoire prend son temps, à la manière d'un roman qui fouille autant son décor que ses personnages. Pour cela, on a droit à la description détaillée de ces derniers sur les pages de garde, décrivant leur origine, leurs ambitions et leur profil psychologique. C'est bien pratique pour éviter de perdre trop de temps en exposition de personnages au cours de la BD et cela permet de se focaliser sur une intrigue déjà suffisamment complexe. Car en un seul premier tome, on a déjà beaucoup de choses qui se mettent en place, une situation approfondie mêlant de nombreux protagonistes et éléments de décor, sans que cela se révèle indigeste. Situation futuriste héritée de la colonisation et des conflits du passé, une nouvelle religion monothéiste et un autre culte déjà dissident, une espère vivante découverte sur Europe, une drogue dont on verra qu'elle lui est liée, des traumatismes ou des ambitions scientifiques, militaires ou de carrière des uns et des autres, et bien sûr le mystère sur ces sphères extraterrestres dont presque tout le monde semble avoir oublié l'apparition des siècles plus tôt... Tous ces éléments d'histoire s'imbriquent pour former un récit plein de potentiel, raconté avec beaucoup de maturité et de sérieux. Et l'ensemble est mis en image avec un dessin d'excellente qualité qui se prête parfaitement au cadre de science-fiction.
Bref, tout est impeccable pour un amateur de SF comme moi qui se réjouit de lire une histoire ambitieuse, crédible et prenante. Pourvu que la suite soit du même niveau !
Je l’avouerai tout de go, je n’ai jamais lu aucune œuvre de Gaston Leroux. Du « Fantôme de l’Opéra », devenu référence incontournable de la pop culture, je connais surtout la comédie rock flamboyante de Brian de Palma, « Phantom of the paradise ». Coutumiers des adaptations en bande dessinée, les frères Brizzi se sont emparés du roman avec un certain brio. L’histoire originale restant en elle-même assez simple, on peut affirmer sans trop se tromper que ce n’est pas à cet endroit que résidait le plus gros défi pour une adaptation. Et sur ce plan les auteurs semblent avoir respecté le scénario original dans sa linéarité, lequel raconte l’histoire d’un homme reclus dans les profondeurs du palais Garnier, dissimulant son visage monstrueux derrière un masque et amoureux d’une jeune cantatrice.
La performance se situerait donc plutôt au niveau du dessin, et ici, force est de reconnaître que les jumeaux ont excellé. Leur style en crayonné noir et blanc est d’une beauté sans failles, parvenant à immerger le lecteur dans cette ambiance fin XIXe, nimbée de fantastique, alors que la littérature de l’époque assistait à l’éclosion du genre, notamment en France avec Guy de Maupassant ou Jules Verne, et dans les pays anglo-saxons avec H.G Wells, Mary Shelley, Bram Stocker, et bien sûr Edgar Allan Poe ou H.P. Lovecraft.
Les cases se laissent admirer et s’apparentent à des tableaux lorsqu’elles s’épanouissent en pleine page. D’ailleurs, ne pourrait-on pas voir dans ce cheval blanc sortant de l’obscurité (p.98) une référence au « Cauchemar » de Füssli ? C’est avec un plaisir teinté d’effroi que l’on pénètre dans les coulisses obscures puis dans les caves profondes de ce palais Garnier magnifiquement représenté, avec un soin apporté aux détails, notamment pour l’architecture des lieux ou les sculptures baroques ornant la salle de spectacle. Tout cela est grandiose et juste bluffant.
Au milieu de ces décors très réalistes, évoluent des personnages expressifs dont certains par leur aspect évoqueraient les caricatures d’Honoré Daumier, aux pifs protubérants et bedaines en avant… On ne s’attardera pas sur la consistance des protagonistes, mais à l’exception du personnage d’Erik le fantôme lui-même, qui se révèle le plus émouvant de l’histoire, on se moque un peu, il faut bien le dire, de savoir si leur profil correspond à l’œuvre originale, subjugués sommes-nous devant la splendeur graphique de l’objet.
Si « Le Fantôme de l’Opéra » se veut un hommage à l’œuvre de Leroux (qui est aussi le récit touchant d’un amour impossible), c’est une réussite, tout au moins sur le plan du dessin — pour le reste, ceux qui ont lu l’œuvre originale seront mieux à même de juger, pour les autres, on a affaire à une lecture fluide et plaisante. Et si d’hommage il est question, cette adaptation en est incontestablement un, formidable, au célèbre bâtiment conçu par Charles Garnier.
Cet effarement dura peu.
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Ce tome correspond à une adaptation du roman de Victor Hugo (1802-1885), du même nom, publié en 1866. Son édition originale date de 2024. Il a été réalisé par Michel Durand pour l’adaptation et les dessins. Il s’agit d’une bande dessinée en noir & blanc. Il comprend cent-quarante-neuf pages de bande dessinée.
À l’extrémité de la banque du Bû de la rue, il y avait une grande roche que l’on appelait la Corne de la bête. La curiosité de ce rocher, c’était du côté de la mer, une sorte de chaise naturelle creusée par la vague et polie par la pluie. Cette chaise était traître. On y était insensiblement amené par la beauté de la vue. Rien de plus simple que de s’oublier dans ce fauteuil. On contemplait la mer et c’était une volupté que de fermer les yeux. Tout à coup la marée avait grossi. Peu à peu, on était perdu. La chaise Gild-Holm-‘Ur ou Qui dort meurt était la voisine du Bû de la rue. Gilliatt venait souvent là et s’y asseyait. Méditait-il ? Non, il songeait. Le matin de cette Christmas, la route qui longe la mer de Saint Pierre-Port au Valle était toute blanche. Vers neuf heures, le chemin était à peu près désert. Il n’y avait que deux passants, un homme et une femme. Ces deux passants n’avaient visiblement aucun lien entre eux. L’homme, jeune encore, semblait quelque chose comme un ouvrier ou un matelot. La passante dans sa tenue d’église allait devant elle avec une vivacité libre et légère et à cette marche on devinait une jeune fille. L’homme, quand elle se retourna pour la seconde fois, reconnut Déruchette, une ravissante fille du pays. Son regard tomba machinalement sur l’endroit où la jeune fille s’était arrêtée. Il lut ce mot tracé par elle dans la neige : Gilliatt. Ce mot épelait son nom : il s’appelait Gilliatt.
Gilliatt habitait la paroisse de Saint-Sampson. Il n’y était pas aimé. Il y avait des raisons pour cela. D’abord il avait pour logis une maison visionnée. Elle se nommait le Bû de la rue. Anciennement, le diable y venait la nuit. La maison qu’habitait Gilliatt avait été visionnée et ne l’était plus. Elle n’en était que plus suspecte. Personne n’ignore que lorsqu’un sorcier s’installe dans un logis hanté, le diable juge le logement suffisamment tenu, et fait au sorcier la politesse de ne plus y venir… Rien n’est moins rare qu’un sorcier à Guernesey. Ils ont des pratiques criminelles… Ils font bouillir de l’or, ils regardent de travers les bestiaux des gens. L’un d’eux, un jour, en mars 1819, a constaté dans l’eau d’un malade sept diables. Ils sont redoutés et redoutables. Quelques sorciers sont complaisants, et pour deux ou trois guinées, ils vous prennent vos maladies. Alors ils se roulent sur leur lit en poussant des cris. Pendant qu’ils se tordent, vous dites : Tiens, je n’ai plus rien. Gilliatt, nous l’avons dit, n’était pas aimé dans la paroisse. Rien de plus naturel que cette antipathie, les motifs abondaient. Il avait un faible pour les oiseaux. C’est un signe auquel on reconnaît généralement les magiciens. Il achetait tous les oiseaux qu’on lui apportait et les mettait en liberté. Une petite fille avait des poux. Il avait frotté l’enfant avec un onguent et Gilliatt lui avait ôté ses poux, ce qui prouve que Gilliatt les lui avait donnés…
Il faut oser… L’auteur se lance dans l’adaptation d’une œuvre hugolienne, l’écrivain surnommé l’Homme siècle, poète, dramaturge, écrivain, romancier et dessinateur romantique, également personnalité politique et intellectuel engagé. Il faut donc une bonne dose de courage ou d’inconscience pour adapter un tel créateur, pour donner sa version d’un classique qui peut être considéré comme intouchable. À l’évidence, l’adaptateur va respecter l’intrigue du récit, et il apparaît dès les premières pages que l’implication de Michel Durand se place au plus haut niveau possible. Le lecteur peut retrouver des morceaux du texte de Hugo, tout en évitant les copier-coller de gros pavés de texte. Quelques pages, peu nombreuses, peuvent s’apparenter à des illustrations du texte original réparti en plusieurs petits cartouches. 90% de l’ouvrage relève bien de la bande dessinée : des cases majoritairement dépourvues de bordure, des actions racontées sur plusieurs cases contigües, régulièrement des phylactères, une véritable narration en art séquentiel. Dès les premières pages, le lecteur est frappé par les caractéristiques apparentes des dessins : évoquant des gravures de Gustave Doré, des illustrations, des influences de Bernie Wrightson (1948-2017) pour son adaptation de Frankenstein (1983), ou encore certaines planches d’Andreas (Martens). L’artiste a indiqué s’être inspiré de Franklin Booth (1874-1948), pour la technique.
Le lecteur tombe vite sous le charme des traits encrés : fins, solides, souples. L’artiste use avec finesse des variations d’épaisseur de traits pour donner plus de consistance, plus de force à certains éléments comme la roche ou les vagues. Il met en œuvre de fines hachures pour donner corps à chaque élément, sans avoir à tracer de traits de contour. Il met en œuvre avec parcimonie des effets d’espaces négatifs, d’effacement de certaines parties dans des cases. Il joue avec les textures, jusqu’à des effets conceptuels où le dessin peut allier une approche descriptive et un effet conceptuel, nécessitant d’avoir à l’esprit le contexte apporté par les cases précédentes pour disposer d’une certitude sur ce qui est représenté, par exemple lors de forts mouvements de houle ou de tempête. Le lecteur remarque également que la sensation d’uniformité n’est que de surface. L’artiste conçoit chaque découpage de planche en fonction du moment et du contexte. Il utilise des cases en insert sur une illustration en pleine page, des cases avec bordure comme collées sur une plus grande case sans bordure, des jeux avec des traits horizontaux figurant d’abord l’horizon puis un découpage de cases en bande plus bas, des formes pouvant passer d’une case à l’autre par-dessus les gouttière (par exemple des poissons), des onomatopées et des bruitages se déroulant en volute, des personnages sur fond blanc virginal, des conceptions de page à l’échelle des deux pages en vis-à-vis, des notes de musique s’échappant d’une case pour s’élever au-dessus de sa bordure supérieure, des textures densifiées par exemple sur la peau humaine, une carte sommaire, des végétaux poussant sur deux illustrations distinctes, des cases de la largeur de la page, le rendu de la mer qui peut passer d’un blanc immaculé (pour une mer étale), à des zones fortement hachurées (pour une mer démontée), des cases dépourvues de mot, des dessins en pleine page ou en double page, etc.
Le lecteur ressent les effets de la forte personnalité de la narration visuelle. Pour commencer, il voit que cette adaptation s’inscrit dans une démarche de rendre hommage à l’œuvre originale et de transmettre les visions qu’elle a générées dans l’esprit du lecteur qui est devenu l’auteur de cette bande dessinée. Régulièrement, le lecteur éprouve la sensation de lire le roman de Victor Hugo avec les yeux de Michel Durand. Chaque œuvre se transforme en quelque chose de chaque fois différent en fonction de la personne qui la lit, de son vécu, de sa culture, de son âge, de ses origines sociales, de l’époque à laquelle il l’a lue. Le bédéiste déploie tout son talent pour restituer comment il a reçu ce livre. Bien sûr, il respecte l’intrigue : cet homme aux valeurs morales inflexibles qu’est Gilliatt, l’armateur entretenant un rapport affectif avec son navire à moteur (Mess Lethierrey et la Durande), ce jeune révérend anglican Joe Ebenezer Caudray qui a l’avenir devant lui. L’adaptateur ne les restitue pas exactement comme les écrit le romancier : il en donne plus son ressenti que son interprétation. Par exemple, Déruchette reste une créature pure et attentionnée, sans jugement de valeur ou d’explication sur ce qui la conduite à écrire le nom de Gilliatt dans la neige, ou sur son comportement général, autre d’une vision romanesque traditionnelle. D’un côté, le lecteur peut estimer que cette adaptation édulcore les personnages, leur fait perdre de leur épaisseur ; de l’autre côté, il retrouve bien ou il découvre Gilliatt, Déruchette Mess Lethierry, Sieur Clubin, Rentaine, Joe Ebenezer Caudray, et la Durande, dont l’esprit est respecté, sans trahison.
Le lecteur commence par s‘immerger dans ces dessins à la forte personnalité, décrivant un environnement singulier, allant de très belles compositions florales, au milieu hostile de la mer, de beaux ciels paisibles, à des tempêtes, d’une ville accueillante et protectrice à des milieux sauvages où la présence de l’homme semble incongrue. L’adaptateur donne à voir Guernesey sous forme d’une reconstitution, avec un investissement affectif, différent de celui de Victor Hugo, mais pas moins sincère et intense, un bel hommage également. Il met en scène des personnages disposant chacun de leur personnalité propre, de leurs motivations propres, la cupidité sans foi ni loi de certains, trouvant son contrepoint dans l’innocence et la joie de vivre d’autres. Gilliatt conserve sa place centrale dans le récit. Le lecteur voit se dessiner son portrait dans des moments intenses, correspondant à ceux du roman, en particulier dans le sauvetage de la machine de la Durande, dans le combat sous-marin, dans l’observation enamourée et furtive de Déruchette. Il ne peut pas s’empêcher d’admirer le personnage pour sa rectitude morale, pour son courage, pour sa force et sa dureté à la tâche, et en même temps de porter un jugement sur son comportement, entre incompréhension et consternation. En fonction de ses inclinations, il se retrouve ballotté de l’indignation contre cette forme de destin implacable, et de compréhension devant cet individu qui accepte sa nature profonde en harmonie avec le milieu dans lequel il vit, l’île de Guernesey.
Adapter Victor Hugo : une gageure ? Bien sûr, car personne ne peut écrire comme lui. Il apparaît immédiatement que la démarche et l’intention de l’auteur relève de l’hommage, d’une forme de témoignage de gratitude envers cette œuvre, en faisant preuve d’un investissement total, en respectant l’esprit de l’œuvre originale, et en partageant son ressenti ses émotions à sa lecture, avec générosité, au travers d’une narration visuelle solide, riche et superbe.
Une des BD "événement" de ce début d'année 2025.
Un sujet fort, relativement tabou (la prostitution estudiantine occasionnelle) et le désir de l'évoquer avec délicatesse, sans jugement moral et sous un certain angle féministe.
J'ai d'abord été conquis par les illustrations, mêlant magnifiquement encre et fusain en un tendre noir & blanc. Le trait rond séduit plutôt, le rythme est excellent, la mise en page réussie.
Côté scénario, les développements féministes sont appréciés, même si discutables y compris d'un point de vue féministe ; je m'étonne par ailleurs que le rapport au corps et aux sentiments ne soit pas davantage travaillé (mon romantisme s'en accommode modérément), mais la BD ouvre déjà maintes thématiques pour lui reprocher le choix d'écarter celle-ci (néanmoins évidente selon moi). Enfin, la vision de la prostitution, longtemps "idyllique" ou paisiblement capitaliste, est heureusement bousculée par la rencontre finale apportant le nécessaire contre-point.
Indiscutablement recommandable.
Ce n'est pas la première fois qu'une BD parle d'hôpital psychiatrique. Sibylline, par exemple, en a parlé dans Sous l'entonnoir. Mais Blandine Denis, qui a elle aussi vécu un séjour de quelques jours dans ce type d'établissement, avait besoin d'en parler, elle qui était autrice de bande dessinée.
Nous avons donc le récit de ce court séjour, sous forme d'instantanés, de discussions avec les autres patients et avec les soignants (mais assez peu dans cette catégorie), ainsi que quelques extraits d'introspection.
Tout cela, avec le trait naïf, relâché de l'autrice, comporte de forts accents d'authenticité, de vérité, même si je soupçonne Blandine Denis d'avoir édulcoré certaines choses. Elle passe en revue de nombreux éléments, le côté Prison de l'HP, le rituel abrutissant des médicaments et des lieux limités, les discussions sans aucun enjeu...
Comme le titre l'indique, de la fantasy, mais avec une touche d'originalité.
Un album qui dans son mode narratif me rappelle L'Orfèvre (Lozes) et Tremblez enfance Z46, mais une ressemblance toute relative, puisqu'ici pas besoin de retourner le bouquin ou plusieurs possibilités de compréhension.
Donc, deux couvertures et deux sens de lecture. La première (Alma) se lit à l'européenne, tandis que la seconde (Yourcenar) se lit comme un manga. Les deux histoires se rejoignent en milieu d'album pour une fin identique, mais avec une vision différente suivant l'héroïne qui est au centre du récit. Vous pouvez commencer par l'une ou l'autre des histoires.
Alma est une princesse qui a consacré sa jeunesse à un entraînement intensif. Elle est devenue une guerrière aguerrie et elle est enfin prête pour "la saignée". Un périple qui va l'emmener à la porte du royaume des dieux pour asseoir le pouvoir de la royauté.
Yourcenar est une jeune géante et le rituel de passage chez l'oracle va bouleverser sa vie. Alors qu'elle pensait s'unir avec Tamarie, la prédiction de l'oracle est tout autre, elle va devoir attendre 1000 ans pour trouver l'amour.
Deux récits distincts, l'un plutôt guerrier (Alma) et l'autre plus philosophique (Yourcenar) où la vengeance, l'amour, le sacrifice et le mensonge seront vos compagnons de voyage. Deux jeunes femmes au fort tempérament et dont les destins finiront par se croiser.
Un album qui soulève beaucoup de questions et qui pousse à la réflexion, et la religion, le fait de vénérer des soi-disant dieux, sera le déclenchement de bien des malheurs (comme trop souvent hélas).
Deux histoires complémentaires qui permettent de comprendre les positions des deux mondes. C'est brutal, touchant et ça reflète la part sombre de notre humanité pour un final qui réunira nos deux héroïnes pour l'éternité, mais pas dans un bel happy end. Laissez-vous surprendre.
Le seul petit reproche, c'est parfois un peu trop verbeux, surtout Yourcenar, mais les nombreuses planches sans texte permettent de souffler et de repartir de plus belle.
La partie graphique est monstrueuse. Un dessin expressif, créatif et immersif qui doit beaucoup aux choix des couleurs. Celles-ci sont magnifiques.
Une mise en page qui en met plein les yeux, il y a d'ailleurs un effet miroir entre les deux récits.
Superbe !
Encore un indispensable pour les aficionados de Fantasy après L'Île aux orcs.
Et je vous invite à découvrir Bubble éditions.
Coup de cœur.
En voilà une bonne surprise ! Avec cette nouvelle série, ça va grincer sévère (le petit avertissement "Pour public averti" n'est pas anodin...) et gicler aux entournures !
C'est en effet une sorte de Battle Royale entre serial killers que nous proposent Ichigo Hitotsubu (scénario) et Hiro (dessin). Un tueur en série finalement capturé et exécuté pensait en avoir fini avec cette vie de meurtres successifs, mais c'était sans compter sur une Déesse qui le réincarne dans un autre corps pour aller tuer 12 autres tueurs en série sur un nouveau monde. Et pour pimenter le tout, chaque autre réincarné dispose d'un talent particulier qui lui assure une certaine supériorité, vu que notre réincarné ne dispose que d'un catalogue présentant ses cibles et leurs talents respectifs... Heureusement, il est du genre malin...
C'est très bien mené, les personnages sont intéressants et bien développés, le tout servi par un dessin fin et élégant qui conserve sa fluidité de lecture, même dans les scènes de combats. On se laisse donc vite embarquer par cette histoire et ce premier tome s'avale d'une traite !
Vivement la suite !
Comment survivre à l’impensable ?
Au travers de courtes scènes souvent très intimes, Luz raconte comment il tente de surmonter son traumatisme suite à l’attentat de Charlie Hebdo, et de renouer avec son dessin. Ce dessin qui joue un rôle thérapeutique. Ce dessin qui l’accompagne dans sa reconstruction. Ce dessin d’une puissance incroyable, tant il parvient à retranscrire la noirceur, la sidération, l’angoisse, mais aussi l’amour et la vie qui reprennent le dessus.
Ce qu’a vécu Luz est d’une telle violence qu’il me paraît utopique de vouloir comprendre ce qu’il a pu traverser suite à l’attentat (et qu’il doit encore traverser aujourd’hui, même dix ans après). Mais la force de cet album est justement de m’avoir donné le sentiment, le temps de ma lecture, de toucher du doigt sa détresse.
Un album très poignant, dont la lecture continue de me marquer quelques semaines après.
La présence de cet album dans le catalogue de Mosquito surprend, cet éditeur publiant surtout des BDs d’aventure et d’action. Or, « La première couleur fut le noir » est une des autobiographies les plus noires que j’ai lues (et j’en ai lues beaucoup !).
Anne-Sophie Servantie nous propose une (psych)analyse approfondie des évènements catastrophiques qui ont jonché sa vie, à commencer par deux formes de maltraitance infantile : l’endoctrinement religieux, sujet tabou dont on ne parle selon moi pas assez (on y viendra, j’en suis certain). Et surtout les abus sexuels perpétrés par un membre de sa famille pendant plusieurs années, la première fois alors qu’elle était âgée d’à peine 4 ans et demi (« oui enfin, presque 5 ans », comme lui rappelle sa maman). Elle aborde le manque de soutien de sa famille, sa colère, son désespoir, mais aussi sa survie, et son échappatoire principale, la peinture.
Elle parle aussi de sa sclérose en plaque, se demande si « elle se serait déclenchée à cause de tout ça ». Puis l’album se termine sur un autre drame terrible, mais je n’en dirai pas plus pour ne pas spoiler l’effet de « surprise ». L’histoire est forcément larmoyante, l’autrice avoue même dans l’intro avoir « réalisé certaines planches en larmes ». La réalisation de l’album fut sans doute un processus cathartique et thérapeutique, mais la lecture reste assez ardue et minante pour le BDphile que je suis.
Un album perturbant, qui m’a bouleversé, révolté, parfois mis mal à l’aise… en tout cas, j’admire l’honnêteté et le courage de l’autrice.
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Le nirvana est ici
D’emblée, l’histoire démarre comme un thriller dont la tension ne se relâchera guère jusqu’à la fin. Mais ce qui renforce l’intérêt du livre, c’est la poésie et l’humour qui sont les autres ingrédients de ce récit très dynamique, abordant des thématiques sociales et sociétales très contemporaines, très universelles aussi, dans l’Allemagne des années 2020. A commencer par la question de l’immigration « clandestine », qui transforme les humains en marchandise, pris entre l’enclume des réseaux de passeurs ou de prostitution et le marteau des lois du pays de destination, de moins en moins accueillants. La narration est centrée sur cette adolescente, Tâm, dont les parents vietnamiens (qui ont évidemment pour patronyme Nguyen – prononcez « Nuit-hyène » !) sont arrivés dans cette banlieue de Berlin après avoir fui le communisme dans les années 70. Dotée d’une personnalité bien trempée, celle-ci va s’enticher de la jeune Hoa Binh, débarquant elle aussi du Vietnam mais recrutée sur place par des maquereaux professionnels, qui avaient pour but de la faire « travailler » en Occident… Après avoir réussi à fuir, Hoa Binh va devoir se cacher pour échapper à ses poursuivants, et sa chance sera de croiser la route de Tâm, qui se fera un devoir de la protéger, découvrant par la même occasion son attirance pour la jeune fille… Et c’est un autre point fort de l’album, une galerie de personnages très bien campés, parfois hauts en couleur, dont les routes vont se croiser à la faveur des événements. En contrepoint de Tâm, il y a Alex, le garçonnet blondinet et solitaire qui a pour marotte de faire voler son drone au milieu des barres hlm de son quartier. Celui-ci se réfugie souvent chez sa vieille copine Hella, une ancienne actrice forte en gueule qui survit dans sa cabane de jardin à l’aide de sa maigre retraite. Et puis il y a aussi Dennis, le frère aîné de Tâm, amateur de black metal un rien anémique, et Marina, la plus badass des ados du quartier, qui, en bonne dominatrice, a jeté son dévolu sur Dennis, donnant lieu aux scènes les plus hilarantes du livre. Oui, parce qu’on rit beaucoup aussi avec ce thriller captivant, qui n’oublie pas non plus de glisser des moments de tendresse et de poésie. Le trait vif de Mikael Ross n’y est pas pour rien, sachant d’adapter à toutes les situations. D’une tournure plus « manga » dans les scènes de course-poursuite, plus cartoon pour les passages humoristiques, et plus délicat pour les phases plus intimes, plus paisibles. On notera cette représentation du désir très pertinente par un rougeoiement auréolant la case entière lorsque Tâm se rapproche de Hoa Binh, une trouvaille simplissime et géniale, là où par un processus indicible et extrêmement touchant, l’amitié vire à l’amour passionnel… Cette seule touche de couleur justifie à elle seule le choix du noir et blanc, recentrant vers le registre amoureux une histoire qui aux yeux de certains aurait pu passer pour un simple thriller. Ode à l’amour autant qu’à la liberté, « Le nirvana est ici » s’impose comme une des meilleures surprises de ce début d’année. Je découvre avec cet album un auteur véritablement virtuose. L’Allemand Mikael Ross signe ici sa cinquième bande dessinée en tant que dessinateur, aux côtés du scénariste belge Nicolas Wouters (Les Pieds dans le Béton et Totem), et sa troisième en étant seul aux manettes (Apprendre à tomber et Ludwig et Beethoven). Non seulement on aura envie de découvrir voire redécouvrir ses précédentes productions, mais ce qui est certain, c’est qu’on ne va pas le lâcher comme ça ! Un coup de cœur, tout comme toi, frérot ;-)
Sphères
Cela commence au 23e siècle, dans le cadre d'un système solaire en voie de colonisation, avec un conflit larvé entre la Terre et ses colonies, décor rappelant celui de la série The Expanse, avec la promesse d'un contact extra-terrestre suite à l'apparition de trois mystérieuses sphères qui s'enfoncent sous la surface de Jupiter avant de n'en plus sortir. Puis c'est un saut supplémentaire de trois siècles dans le futur avec le réveil d'hibernation d'un colonel de l'armée obnubilé par ces sphères. Prenant le commandement de la petite station d'observation scientifique posée sur les glaces de lune Europe et de la communauté bigarrée qui la compose, il espère bien pouvoir les retrouver avec la technologie plus avancée de cette époque. C'est la promesse d'une série dans la lignée d'Universal War One qui m'a incité à acheter cette BD, et je n'ai pas été déçu. La narration de cette histoire prend son temps, à la manière d'un roman qui fouille autant son décor que ses personnages. Pour cela, on a droit à la description détaillée de ces derniers sur les pages de garde, décrivant leur origine, leurs ambitions et leur profil psychologique. C'est bien pratique pour éviter de perdre trop de temps en exposition de personnages au cours de la BD et cela permet de se focaliser sur une intrigue déjà suffisamment complexe. Car en un seul premier tome, on a déjà beaucoup de choses qui se mettent en place, une situation approfondie mêlant de nombreux protagonistes et éléments de décor, sans que cela se révèle indigeste. Situation futuriste héritée de la colonisation et des conflits du passé, une nouvelle religion monothéiste et un autre culte déjà dissident, une espère vivante découverte sur Europe, une drogue dont on verra qu'elle lui est liée, des traumatismes ou des ambitions scientifiques, militaires ou de carrière des uns et des autres, et bien sûr le mystère sur ces sphères extraterrestres dont presque tout le monde semble avoir oublié l'apparition des siècles plus tôt... Tous ces éléments d'histoire s'imbriquent pour former un récit plein de potentiel, raconté avec beaucoup de maturité et de sérieux. Et l'ensemble est mis en image avec un dessin d'excellente qualité qui se prête parfaitement au cadre de science-fiction. Bref, tout est impeccable pour un amateur de SF comme moi qui se réjouit de lire une histoire ambitieuse, crédible et prenante. Pourvu que la suite soit du même niveau !
Le Fantôme de l'Opéra (Brizzi)
Je l’avouerai tout de go, je n’ai jamais lu aucune œuvre de Gaston Leroux. Du « Fantôme de l’Opéra », devenu référence incontournable de la pop culture, je connais surtout la comédie rock flamboyante de Brian de Palma, « Phantom of the paradise ». Coutumiers des adaptations en bande dessinée, les frères Brizzi se sont emparés du roman avec un certain brio. L’histoire originale restant en elle-même assez simple, on peut affirmer sans trop se tromper que ce n’est pas à cet endroit que résidait le plus gros défi pour une adaptation. Et sur ce plan les auteurs semblent avoir respecté le scénario original dans sa linéarité, lequel raconte l’histoire d’un homme reclus dans les profondeurs du palais Garnier, dissimulant son visage monstrueux derrière un masque et amoureux d’une jeune cantatrice. La performance se situerait donc plutôt au niveau du dessin, et ici, force est de reconnaître que les jumeaux ont excellé. Leur style en crayonné noir et blanc est d’une beauté sans failles, parvenant à immerger le lecteur dans cette ambiance fin XIXe, nimbée de fantastique, alors que la littérature de l’époque assistait à l’éclosion du genre, notamment en France avec Guy de Maupassant ou Jules Verne, et dans les pays anglo-saxons avec H.G Wells, Mary Shelley, Bram Stocker, et bien sûr Edgar Allan Poe ou H.P. Lovecraft. Les cases se laissent admirer et s’apparentent à des tableaux lorsqu’elles s’épanouissent en pleine page. D’ailleurs, ne pourrait-on pas voir dans ce cheval blanc sortant de l’obscurité (p.98) une référence au « Cauchemar » de Füssli ? C’est avec un plaisir teinté d’effroi que l’on pénètre dans les coulisses obscures puis dans les caves profondes de ce palais Garnier magnifiquement représenté, avec un soin apporté aux détails, notamment pour l’architecture des lieux ou les sculptures baroques ornant la salle de spectacle. Tout cela est grandiose et juste bluffant. Au milieu de ces décors très réalistes, évoluent des personnages expressifs dont certains par leur aspect évoqueraient les caricatures d’Honoré Daumier, aux pifs protubérants et bedaines en avant… On ne s’attardera pas sur la consistance des protagonistes, mais à l’exception du personnage d’Erik le fantôme lui-même, qui se révèle le plus émouvant de l’histoire, on se moque un peu, il faut bien le dire, de savoir si leur profil correspond à l’œuvre originale, subjugués sommes-nous devant la splendeur graphique de l’objet. Si « Le Fantôme de l’Opéra » se veut un hommage à l’œuvre de Leroux (qui est aussi le récit touchant d’un amour impossible), c’est une réussite, tout au moins sur le plan du dessin — pour le reste, ceux qui ont lu l’œuvre originale seront mieux à même de juger, pour les autres, on a affaire à une lecture fluide et plaisante. Et si d’hommage il est question, cette adaptation en est incontestablement un, formidable, au célèbre bâtiment conçu par Charles Garnier.
Les Travailleurs de la mer
Cet effarement dura peu. - Ce tome correspond à une adaptation du roman de Victor Hugo (1802-1885), du même nom, publié en 1866. Son édition originale date de 2024. Il a été réalisé par Michel Durand pour l’adaptation et les dessins. Il s’agit d’une bande dessinée en noir & blanc. Il comprend cent-quarante-neuf pages de bande dessinée. À l’extrémité de la banque du Bû de la rue, il y avait une grande roche que l’on appelait la Corne de la bête. La curiosité de ce rocher, c’était du côté de la mer, une sorte de chaise naturelle creusée par la vague et polie par la pluie. Cette chaise était traître. On y était insensiblement amené par la beauté de la vue. Rien de plus simple que de s’oublier dans ce fauteuil. On contemplait la mer et c’était une volupté que de fermer les yeux. Tout à coup la marée avait grossi. Peu à peu, on était perdu. La chaise Gild-Holm-‘Ur ou Qui dort meurt était la voisine du Bû de la rue. Gilliatt venait souvent là et s’y asseyait. Méditait-il ? Non, il songeait. Le matin de cette Christmas, la route qui longe la mer de Saint Pierre-Port au Valle était toute blanche. Vers neuf heures, le chemin était à peu près désert. Il n’y avait que deux passants, un homme et une femme. Ces deux passants n’avaient visiblement aucun lien entre eux. L’homme, jeune encore, semblait quelque chose comme un ouvrier ou un matelot. La passante dans sa tenue d’église allait devant elle avec une vivacité libre et légère et à cette marche on devinait une jeune fille. L’homme, quand elle se retourna pour la seconde fois, reconnut Déruchette, une ravissante fille du pays. Son regard tomba machinalement sur l’endroit où la jeune fille s’était arrêtée. Il lut ce mot tracé par elle dans la neige : Gilliatt. Ce mot épelait son nom : il s’appelait Gilliatt. Gilliatt habitait la paroisse de Saint-Sampson. Il n’y était pas aimé. Il y avait des raisons pour cela. D’abord il avait pour logis une maison visionnée. Elle se nommait le Bû de la rue. Anciennement, le diable y venait la nuit. La maison qu’habitait Gilliatt avait été visionnée et ne l’était plus. Elle n’en était que plus suspecte. Personne n’ignore que lorsqu’un sorcier s’installe dans un logis hanté, le diable juge le logement suffisamment tenu, et fait au sorcier la politesse de ne plus y venir… Rien n’est moins rare qu’un sorcier à Guernesey. Ils ont des pratiques criminelles… Ils font bouillir de l’or, ils regardent de travers les bestiaux des gens. L’un d’eux, un jour, en mars 1819, a constaté dans l’eau d’un malade sept diables. Ils sont redoutés et redoutables. Quelques sorciers sont complaisants, et pour deux ou trois guinées, ils vous prennent vos maladies. Alors ils se roulent sur leur lit en poussant des cris. Pendant qu’ils se tordent, vous dites : Tiens, je n’ai plus rien. Gilliatt, nous l’avons dit, n’était pas aimé dans la paroisse. Rien de plus naturel que cette antipathie, les motifs abondaient. Il avait un faible pour les oiseaux. C’est un signe auquel on reconnaît généralement les magiciens. Il achetait tous les oiseaux qu’on lui apportait et les mettait en liberté. Une petite fille avait des poux. Il avait frotté l’enfant avec un onguent et Gilliatt lui avait ôté ses poux, ce qui prouve que Gilliatt les lui avait donnés… Il faut oser… L’auteur se lance dans l’adaptation d’une œuvre hugolienne, l’écrivain surnommé l’Homme siècle, poète, dramaturge, écrivain, romancier et dessinateur romantique, également personnalité politique et intellectuel engagé. Il faut donc une bonne dose de courage ou d’inconscience pour adapter un tel créateur, pour donner sa version d’un classique qui peut être considéré comme intouchable. À l’évidence, l’adaptateur va respecter l’intrigue du récit, et il apparaît dès les premières pages que l’implication de Michel Durand se place au plus haut niveau possible. Le lecteur peut retrouver des morceaux du texte de Hugo, tout en évitant les copier-coller de gros pavés de texte. Quelques pages, peu nombreuses, peuvent s’apparenter à des illustrations du texte original réparti en plusieurs petits cartouches. 90% de l’ouvrage relève bien de la bande dessinée : des cases majoritairement dépourvues de bordure, des actions racontées sur plusieurs cases contigües, régulièrement des phylactères, une véritable narration en art séquentiel. Dès les premières pages, le lecteur est frappé par les caractéristiques apparentes des dessins : évoquant des gravures de Gustave Doré, des illustrations, des influences de Bernie Wrightson (1948-2017) pour son adaptation de Frankenstein (1983), ou encore certaines planches d’Andreas (Martens). L’artiste a indiqué s’être inspiré de Franklin Booth (1874-1948), pour la technique. Le lecteur tombe vite sous le charme des traits encrés : fins, solides, souples. L’artiste use avec finesse des variations d’épaisseur de traits pour donner plus de consistance, plus de force à certains éléments comme la roche ou les vagues. Il met en œuvre de fines hachures pour donner corps à chaque élément, sans avoir à tracer de traits de contour. Il met en œuvre avec parcimonie des effets d’espaces négatifs, d’effacement de certaines parties dans des cases. Il joue avec les textures, jusqu’à des effets conceptuels où le dessin peut allier une approche descriptive et un effet conceptuel, nécessitant d’avoir à l’esprit le contexte apporté par les cases précédentes pour disposer d’une certitude sur ce qui est représenté, par exemple lors de forts mouvements de houle ou de tempête. Le lecteur remarque également que la sensation d’uniformité n’est que de surface. L’artiste conçoit chaque découpage de planche en fonction du moment et du contexte. Il utilise des cases en insert sur une illustration en pleine page, des cases avec bordure comme collées sur une plus grande case sans bordure, des jeux avec des traits horizontaux figurant d’abord l’horizon puis un découpage de cases en bande plus bas, des formes pouvant passer d’une case à l’autre par-dessus les gouttière (par exemple des poissons), des onomatopées et des bruitages se déroulant en volute, des personnages sur fond blanc virginal, des conceptions de page à l’échelle des deux pages en vis-à-vis, des notes de musique s’échappant d’une case pour s’élever au-dessus de sa bordure supérieure, des textures densifiées par exemple sur la peau humaine, une carte sommaire, des végétaux poussant sur deux illustrations distinctes, des cases de la largeur de la page, le rendu de la mer qui peut passer d’un blanc immaculé (pour une mer étale), à des zones fortement hachurées (pour une mer démontée), des cases dépourvues de mot, des dessins en pleine page ou en double page, etc. Le lecteur ressent les effets de la forte personnalité de la narration visuelle. Pour commencer, il voit que cette adaptation s’inscrit dans une démarche de rendre hommage à l’œuvre originale et de transmettre les visions qu’elle a générées dans l’esprit du lecteur qui est devenu l’auteur de cette bande dessinée. Régulièrement, le lecteur éprouve la sensation de lire le roman de Victor Hugo avec les yeux de Michel Durand. Chaque œuvre se transforme en quelque chose de chaque fois différent en fonction de la personne qui la lit, de son vécu, de sa culture, de son âge, de ses origines sociales, de l’époque à laquelle il l’a lue. Le bédéiste déploie tout son talent pour restituer comment il a reçu ce livre. Bien sûr, il respecte l’intrigue : cet homme aux valeurs morales inflexibles qu’est Gilliatt, l’armateur entretenant un rapport affectif avec son navire à moteur (Mess Lethierrey et la Durande), ce jeune révérend anglican Joe Ebenezer Caudray qui a l’avenir devant lui. L’adaptateur ne les restitue pas exactement comme les écrit le romancier : il en donne plus son ressenti que son interprétation. Par exemple, Déruchette reste une créature pure et attentionnée, sans jugement de valeur ou d’explication sur ce qui la conduite à écrire le nom de Gilliatt dans la neige, ou sur son comportement général, autre d’une vision romanesque traditionnelle. D’un côté, le lecteur peut estimer que cette adaptation édulcore les personnages, leur fait perdre de leur épaisseur ; de l’autre côté, il retrouve bien ou il découvre Gilliatt, Déruchette Mess Lethierry, Sieur Clubin, Rentaine, Joe Ebenezer Caudray, et la Durande, dont l’esprit est respecté, sans trahison. Le lecteur commence par s‘immerger dans ces dessins à la forte personnalité, décrivant un environnement singulier, allant de très belles compositions florales, au milieu hostile de la mer, de beaux ciels paisibles, à des tempêtes, d’une ville accueillante et protectrice à des milieux sauvages où la présence de l’homme semble incongrue. L’adaptateur donne à voir Guernesey sous forme d’une reconstitution, avec un investissement affectif, différent de celui de Victor Hugo, mais pas moins sincère et intense, un bel hommage également. Il met en scène des personnages disposant chacun de leur personnalité propre, de leurs motivations propres, la cupidité sans foi ni loi de certains, trouvant son contrepoint dans l’innocence et la joie de vivre d’autres. Gilliatt conserve sa place centrale dans le récit. Le lecteur voit se dessiner son portrait dans des moments intenses, correspondant à ceux du roman, en particulier dans le sauvetage de la machine de la Durande, dans le combat sous-marin, dans l’observation enamourée et furtive de Déruchette. Il ne peut pas s’empêcher d’admirer le personnage pour sa rectitude morale, pour son courage, pour sa force et sa dureté à la tâche, et en même temps de porter un jugement sur son comportement, entre incompréhension et consternation. En fonction de ses inclinations, il se retrouve ballotté de l’indignation contre cette forme de destin implacable, et de compréhension devant cet individu qui accepte sa nature profonde en harmonie avec le milieu dans lequel il vit, l’île de Guernesey. Adapter Victor Hugo : une gageure ? Bien sûr, car personne ne peut écrire comme lui. Il apparaît immédiatement que la démarche et l’intention de l’auteur relève de l’hommage, d’une forme de témoignage de gratitude envers cette œuvre, en faisant preuve d’un investissement total, en respectant l’esprit de l’œuvre originale, et en partageant son ressenti ses émotions à sa lecture, avec générosité, au travers d’une narration visuelle solide, riche et superbe.
Sibylline - Chroniques d'une escort girl
Une des BD "événement" de ce début d'année 2025. Un sujet fort, relativement tabou (la prostitution estudiantine occasionnelle) et le désir de l'évoquer avec délicatesse, sans jugement moral et sous un certain angle féministe. J'ai d'abord été conquis par les illustrations, mêlant magnifiquement encre et fusain en un tendre noir & blanc. Le trait rond séduit plutôt, le rythme est excellent, la mise en page réussie. Côté scénario, les développements féministes sont appréciés, même si discutables y compris d'un point de vue féministe ; je m'étonne par ailleurs que le rapport au corps et aux sentiments ne soit pas davantage travaillé (mon romantisme s'en accommode modérément), mais la BD ouvre déjà maintes thématiques pour lui reprocher le choix d'écarter celle-ci (néanmoins évidente selon moi). Enfin, la vision de la prostitution, longtemps "idyllique" ou paisiblement capitaliste, est heureusement bousculée par la rencontre finale apportant le nécessaire contre-point. Indiscutablement recommandable.
Ça va aller, mademoiselle
Ce n'est pas la première fois qu'une BD parle d'hôpital psychiatrique. Sibylline, par exemple, en a parlé dans Sous l'entonnoir. Mais Blandine Denis, qui a elle aussi vécu un séjour de quelques jours dans ce type d'établissement, avait besoin d'en parler, elle qui était autrice de bande dessinée. Nous avons donc le récit de ce court séjour, sous forme d'instantanés, de discussions avec les autres patients et avec les soignants (mais assez peu dans cette catégorie), ainsi que quelques extraits d'introspection. Tout cela, avec le trait naïf, relâché de l'autrice, comporte de forts accents d'authenticité, de vérité, même si je soupçonne Blandine Denis d'avoir édulcoré certaines choses. Elle passe en revue de nombreux éléments, le côté Prison de l'HP, le rituel abrutissant des médicaments et des lieux limités, les discussions sans aucun enjeu...
Fantasy - Yourcenar / Alma
Comme le titre l'indique, de la fantasy, mais avec une touche d'originalité. Un album qui dans son mode narratif me rappelle L'Orfèvre (Lozes) et Tremblez enfance Z46, mais une ressemblance toute relative, puisqu'ici pas besoin de retourner le bouquin ou plusieurs possibilités de compréhension. Donc, deux couvertures et deux sens de lecture. La première (Alma) se lit à l'européenne, tandis que la seconde (Yourcenar) se lit comme un manga. Les deux histoires se rejoignent en milieu d'album pour une fin identique, mais avec une vision différente suivant l'héroïne qui est au centre du récit. Vous pouvez commencer par l'une ou l'autre des histoires. Alma est une princesse qui a consacré sa jeunesse à un entraînement intensif. Elle est devenue une guerrière aguerrie et elle est enfin prête pour "la saignée". Un périple qui va l'emmener à la porte du royaume des dieux pour asseoir le pouvoir de la royauté. Yourcenar est une jeune géante et le rituel de passage chez l'oracle va bouleverser sa vie. Alors qu'elle pensait s'unir avec Tamarie, la prédiction de l'oracle est tout autre, elle va devoir attendre 1000 ans pour trouver l'amour. Deux récits distincts, l'un plutôt guerrier (Alma) et l'autre plus philosophique (Yourcenar) où la vengeance, l'amour, le sacrifice et le mensonge seront vos compagnons de voyage. Deux jeunes femmes au fort tempérament et dont les destins finiront par se croiser. Un album qui soulève beaucoup de questions et qui pousse à la réflexion, et la religion, le fait de vénérer des soi-disant dieux, sera le déclenchement de bien des malheurs (comme trop souvent hélas). Deux histoires complémentaires qui permettent de comprendre les positions des deux mondes. C'est brutal, touchant et ça reflète la part sombre de notre humanité pour un final qui réunira nos deux héroïnes pour l'éternité, mais pas dans un bel happy end. Laissez-vous surprendre. Le seul petit reproche, c'est parfois un peu trop verbeux, surtout Yourcenar, mais les nombreuses planches sans texte permettent de souffler et de repartir de plus belle. La partie graphique est monstrueuse. Un dessin expressif, créatif et immersif qui doit beaucoup aux choix des couleurs. Celles-ci sont magnifiques. Une mise en page qui en met plein les yeux, il y a d'ailleurs un effet miroir entre les deux récits. Superbe ! Encore un indispensable pour les aficionados de Fantasy après L'Île aux orcs. Et je vous invite à découvrir Bubble éditions. Coup de cœur.
Serial Killer Isekai
En voilà une bonne surprise ! Avec cette nouvelle série, ça va grincer sévère (le petit avertissement "Pour public averti" n'est pas anodin...) et gicler aux entournures ! C'est en effet une sorte de Battle Royale entre serial killers que nous proposent Ichigo Hitotsubu (scénario) et Hiro (dessin). Un tueur en série finalement capturé et exécuté pensait en avoir fini avec cette vie de meurtres successifs, mais c'était sans compter sur une Déesse qui le réincarne dans un autre corps pour aller tuer 12 autres tueurs en série sur un nouveau monde. Et pour pimenter le tout, chaque autre réincarné dispose d'un talent particulier qui lui assure une certaine supériorité, vu que notre réincarné ne dispose que d'un catalogue présentant ses cibles et leurs talents respectifs... Heureusement, il est du genre malin... C'est très bien mené, les personnages sont intéressants et bien développés, le tout servi par un dessin fin et élégant qui conserve sa fluidité de lecture, même dans les scènes de combats. On se laisse donc vite embarquer par cette histoire et ce premier tome s'avale d'une traite ! Vivement la suite !
Catharsis
Comment survivre à l’impensable ? Au travers de courtes scènes souvent très intimes, Luz raconte comment il tente de surmonter son traumatisme suite à l’attentat de Charlie Hebdo, et de renouer avec son dessin. Ce dessin qui joue un rôle thérapeutique. Ce dessin qui l’accompagne dans sa reconstruction. Ce dessin d’une puissance incroyable, tant il parvient à retranscrire la noirceur, la sidération, l’angoisse, mais aussi l’amour et la vie qui reprennent le dessus. Ce qu’a vécu Luz est d’une telle violence qu’il me paraît utopique de vouloir comprendre ce qu’il a pu traverser suite à l’attentat (et qu’il doit encore traverser aujourd’hui, même dix ans après). Mais la force de cet album est justement de m’avoir donné le sentiment, le temps de ma lecture, de toucher du doigt sa détresse. Un album très poignant, dont la lecture continue de me marquer quelques semaines après.
La Première Couleur fut le Noir
La présence de cet album dans le catalogue de Mosquito surprend, cet éditeur publiant surtout des BDs d’aventure et d’action. Or, « La première couleur fut le noir » est une des autobiographies les plus noires que j’ai lues (et j’en ai lues beaucoup !). Anne-Sophie Servantie nous propose une (psych)analyse approfondie des évènements catastrophiques qui ont jonché sa vie, à commencer par deux formes de maltraitance infantile : l’endoctrinement religieux, sujet tabou dont on ne parle selon moi pas assez (on y viendra, j’en suis certain). Et surtout les abus sexuels perpétrés par un membre de sa famille pendant plusieurs années, la première fois alors qu’elle était âgée d’à peine 4 ans et demi (« oui enfin, presque 5 ans », comme lui rappelle sa maman). Elle aborde le manque de soutien de sa famille, sa colère, son désespoir, mais aussi sa survie, et son échappatoire principale, la peinture. Elle parle aussi de sa sclérose en plaque, se demande si « elle se serait déclenchée à cause de tout ça ». Puis l’album se termine sur un autre drame terrible, mais je n’en dirai pas plus pour ne pas spoiler l’effet de « surprise ». L’histoire est forcément larmoyante, l’autrice avoue même dans l’intro avoir « réalisé certaines planches en larmes ». La réalisation de l’album fut sans doute un processus cathartique et thérapeutique, mais la lecture reste assez ardue et minante pour le BDphile que je suis. Un album perturbant, qui m’a bouleversé, révolté, parfois mis mal à l’aise… en tout cas, j’admire l’honnêteté et le courage de l’autrice.