Existe-t-il des violences légitimes ?
Si Alfred ne semble exprimer aucun point de vue, sa narration empathique suscite, néanmoins, beaucoup d’interrogations. Son trait fidèle, brutal retranscrit à la perfection la bestialité et la fragilité des sentiments. En écho à la voie off intérieure, il fait corps avec l’évolution psychologique de son héros et entraine le lecteur dans un huis clos comportementaliste captivant qui permettra d’embrasser le cheminement implacable jusqu’à la folie meurtrière.
Un carnage, ouverture et clôture du récit, une boucle qui résume parfaitement la destinée de cet adolescent qui tourne en rond dans une cage de fatalité. Car au-delà de son geste, de cette violence ultime, d’autres se dessinent en filigrane, plus insidieuses et peut-être encore plus détestables. Sociales et morales, elles puisent leurs sources dans une ruralité qui broie toutes les perspectives d’avenir et s’expriment dans les rapports humains les plus boueux. Bêtise, haine séculaire et inexpliquée, actes gratuits de cruauté, absence de honte ou de remords, complicité muette, il plane sur ce village fruste une barbarie physique et psychique insouciante. Dans cette scénologie où le sociodrame ne s’annonce qu’inéluctable, faut-il justifier ou condamner ?
Toujours est-il que l’auteur mène sa barque d’une main de maître. La suffocation, la frustration et l’écœurement montent crescendo. On est hypnotisé, happé dans une escalade ou plutôt une lente descente aux enfers dont le final, inconcevable, irréparable, agit pourtant à la manière d’un terrible exutoire. Quand chaque détonation, chacune des douilles tombées au sol, résonne comme une surprenante et désagréable satisfaction viscérale, comme une pierre supplémentaire dans la construction d’une catharsis ambiguë où l’on s’affranchit provisoirement de toute moralité. Dérangé, c’est avec impatience que l’on attend le rappel à l’ordre de sa conscience, espérant se réveiller du bon côté de la vertu.
Une sournoise et brillante auscultation morale.
Le bel inconnu est un conte à la sonorité moderne pour une vieille histoire de chevaliers de la table ronde au temps du Roi Arthur. C'est drôle et les dialogues sont savoureux. J'ai aimé toute cette extrême naïveté qui se dégage du personnage principal qui se plonge tête baissée dans l'aventure. Croire à son destin uniquement ! On peut passer également à côté de tant de choses pourtant essentielles ...
Le dessin ainsi que la colorisation offrent un ton résolument dynamique à l'ensemble. C'est également une oeuvre bien méconnue. Bref, le bel inconnu gagnerait à être plus connu. Par ailleurs, c'est une oeuvre 100% féminine donc intelligente et passionnante à la fois avec une inventivité débordante. Que dire de plus pour vous convaincre ? Il était une fois un conte cruel qu'un amoureux agite au nez d'une étoile qui avait un coeur...
La clôture relève du génie de la création. Je suis littéralement époustouflé par cet auteur à savoir Fabcaro pour le nommer. Je conseille très vivement cette lecture de sa dernière oeuvre en date et de le suivre dans ses réflexions et ses délires. Cependant, ce conseil ne s'adressera pas tout le monde. Je dois avoir l'honnêteté de le reconnaître. Cette oeuvre fait figure d'ovni dans le monde de la bd.
En effet, c'est comme une espèce d'expérimentation de la part de l'auteur qui devient également acteur de son propre récit en scénarisant diverses scènes. Son épouse dira dans les premières pages que c'est totalement incohérent comme scénario. J'avais effectivement peur de sombrer dans l'absurde mais il n'en n'est rien. C'était un coup monté de la part de l'auteur. Il y a comme une espèce de synchronisation dans les personnages jusque dans les mouvements. Bref, la logique ne nous quitte pas et c'est tant mieux car on est bluffé par tant de virtuosité !
L'auteur analyse le comportement de ses contemporains mais il n'oublie pas de s'égratigner en premier lieu. Que j'aime cette humilité ! Par ailleurs, l'humour est toujours fin et les situations sont recherchées. C'est le must de ce qu'on peut lire. Et dire que cet auteur est toujours publié par de petits éditeurs comme La Cafetière ou en l'espèce 6 Pieds sous terre. Il va même jusqu'à s'en amuser. On a l'impression que c'est un choix.
Je souhaite de tout mon coeur que cet auteur soit découvert par le grand public. Cela ne sera pas chose facile car il s'éloigne ostensiblement des modes de la consommation courante des bd d'humour en choisissant la voie la plus difficile. Gros coup de coeur que j'aimerais tant partager !
Cette BD risque de passer inaperçue dans la production actuelle.
Elle se révèle pourtant être une petite perle.
Ce roman graphique peut paraître banal : il parle d'Oscar, malade et condamné à cours terme. Celui-ci va chambouler sa vie et devenir l'inverse de celui qu'il fut toute sa vie. Sa personnalité fut construite pour être l'inverse de son père qui souhaitait qu'il l'appelle Ferdinand et non papa.
Ce one-shot est bouleversant et pourtant plaisant à lire. Il a un rythme de pièce de théâtre. Les auteurs ont créé un contexte de vie complet et réaliste allant du travail à la famille.
Il y a une logique dans l'histoire et une chute évidente mais les descriptions des sentiments ainsi que les relations humaines sont finement décortiquées.
Le dessin sépia est doux et a la particularité d'avoir des touches de couleurs, du bleu parfois pour les fonds de cases, du jaune, rouge ou autre pour des petits détails.
Le rendu est original et correct.
Je retiens surtout ce scénario tout simplement humain à la narration fluide et maitrisée.
A découvrir.
Trondheim ! Monsieur Lewis Trondheim ! Que dire de plus qui n’a été dit sur cette personne unique de la bd franco-belge ! Tombé par hasard sur la page qu’il publiait à l’époque dans les Inrocks (et qui ont été reprises et publiées depuis dans les aventures de l’univers), je n’ai cessé de découvrir à mon rythme l’œuvre unique de ce personnage atypique qui de ses essais nombrilistes de dessinateur aux aventures farfelues de Donjon ou Lapinot ou de l’Oubapo n’ont cessé d’éveiller ma curiosité et mon intérêt.
Dire que je connais tout de lui et de son œuvre serait prétentieux et incongru car finalement en bon lecteur et en bon fan, j’agis un peu comme lui, découvrant son œuvre au gré de mon humeur, sans ordre préétabli et c’est ainsi que je me suis laissé tenter par ce bouquin, cette fameuse quête de l’absurde que contient Le Pays des 3 Sourires, titre n’évoquant rien de précis si ce n’est peut être un certain personnage à trois facettes dont je vous laisse découvrir l’originalité !
Alors l’objectif de Trondheim cette fois est de raconter une histoire hautement improbable de 100 strips de 4 cases chacun. Dans l’absolu on pourrait même s’imaginer que chaque strip peut être lu à part indépendamment car la dernière case amène toujours une touche humoristique réussie ou non mais même dans le pire des cas je me suis surpris à en sourire souvent.
Alors certains peuvent trouver l’exercice vain, forcé et peu convaincant mais c’est oublier le talent de l’auteur à faire de chaque situation un reflet de l’absurde ! En gros ça parle de bestioles vivant sur une planète inconnue et devant les tremblements répétés détruisant chaque fois un peu plus leur village, deux d’entre eux prennent l’initiative d’aller trouver Dieu lui-même pour lui demander que cela cesse ! Et ? C’est tout ? Et bien oui ma bonne dame ! Mais pour qui adore ces dessins ronds en noir et blanc que je trouve savoureux et apprécie l’humour pince sans rire propre au monde absurde que l’auteur manipule avec dextérité, c’est un véritable régal !
De surcroit l’éditeur a également mis les petits plats dans les grands avec une édition sans aucune faute de gout et à grande échelle (ce qui nous change des minuscules pattes de mouche) donc si vous êtes fans comme moi, aucune raison de passer à côté et peut être serez-vous convaincus que Dieu existe réellement mais que c’est un bel incapable !
Christophe Bec est un auteur incontournable de ces dernières années. « Pandemonium », « Bunker », « Carême », « Sanctuaire » ou encore « Carthago » sont quelques unes des séries dont il est l’auteur ou le scénariste. Je l’ai souvent dit, j’aime son univers et sa façon de raconter les histoires.
Avec « Ténèbres », Christophe Bec vise juste une nouvelle fois. Le scénario de fantasy est relativement classique : un royaume moyenâgeux est ravagé par des dragons, une prophétie annonce l’arrivée d’un élu, un jeune garçon pas comme les autres est destiné à sauver le monde, etc. Cependant Bec réussit à faire de « Ténèbres » une bande dessinée accrocheuse et rythmée au ton mature.
Le jeune garçon élu, Ioen, n’est pas comme d’habitude. Dans « Lanfeust De Troy » ou d’autres séries fantasy, les héros sont habituellement chaleureux, sympathique et attachant. Ici il n’en est rien. Ioen est froid et détaché du monde qui l’entoure. On le sent investi d’une mission. Ce détachement a suscité en moi beaucoup de curiosité et d’intérêt. Je me réjouis de voir ce que Bec a concocté pour la suite.
L’atmosphère de cette bande dessinée est également à part. Loin des ambiances légères de lutins et autres nains buveurs de bière, « Ténèbres » n’a pas d’humour. Il s’en dégage un sentiment abouti et plus adulte que dans bon nombre d’autres séries fantasy, spécialement chez Soleil. L’ambiance est sombre et étouffante comme une caverne peuplée de dragons.
Le dessin de Iko, nouveau venu sur la scène du neuvième art, est très convaincant. Reprenant le scénario ténébreux de Bec, le graphisme et les couleurs sont volontairement sombres. Je n’ai pourtant pas été dérangé bien au contraire. C’est beau et très adulte. Les détails sont légion et les dragons très réussis. Pour un premier album, Iko a déjà un dessin très abouti.
Il me tarde donc déjà de connaître la suite de « Ténèbres » et ce d’autant plus que les dernières pages de ce premier tome révèlent des éléments très intéressants et lançant parfaitement le prochain album.
La lecture est recommandée et l’achat également. Avec cette série, Soleil s’éloigne un peu de ses productions tous publics pour quelque chose de beaucoup plus mature. Comme quoi la patte de Christophe Bec peut vraiment changer l’inaltérable !
Note : 4/5 sans hésiter une minute.
Cet avis ne concerne que le premier ouvrage mentionné dans cette fiche en noir et blanc.
Nous sommes à la fin des années 60, inutile de préciser ma pensée quand il s’agit de parler érotisme ! Toute l’imagination débordante est permise, plus de tabou et plus de limites. Le tout dans une ambiance psychédélique chaotique ubuesque.
Dans ce récit se retrouvent tout ce que je peux imaginer de cette période. Le récit se situe dans un internat de jeune fille. Bianca est une jeune et jolie femme qui sent certainement son corps changer et va transférer les brimades de l’autorité du pensionnat dans des rêves érotiques qui la mènent d’aventures en aventures. Forcément comme il s’agit en quelque sorte d’une rébellion à l’autorité ses rêves vont avoir de fortes tendances à la relation de domination, et comme elle est dominée !...
Le récit est une suite fluide de situations auxquelles Bianca essaye d’échapper. Chaque maître qu’elle croise éveille sa sexualité, et elle va, avec plaisir généralement, assouvir les fantasmes de chacun tout en essayant de fuir pour trouver celui qui lui sied. En cela l’histoire n’est pas aussi ridicule qu’une lecture rapide pourrait paraitre, car finalement le seul moment ou elle parait épanouie et veut rester en place est celui ou elle rencontre un homme avec qui elle a une relation forte et libre, mais lui aussi est fugitif. Au final il ne s’agit pas simplement de situations fantasmagoriques juxtaposées auxquelles Bianca se prête, mais plutôt une quête initiatique le l’amour plaisir véritable, de l’Eros épanoui en quelque sorte.
Le tout est servi par des dessins en noir et blancs sublimes. Les courbes sont fluides, les contrastes magnifiques, aucune situation ne semble violente même si la relation de domination existe. L’imagination n’a pas de limite, tout comme les planches qui parfois se perdent dans un psychédélique somptueux lors d’extases. La poésie des formes et des dessins fait oublier la domination excessive de certaines situations et transmet avec réussite la plénitude de l’Eros.
Evidemment il ne faut pas chercher de logique à l’enchainement des événements, la pauvre Bianca passe de mains en mains avec comme seul fil conducteur un univers fantasmagorique. Mais pas de crade en cet ouvrage, pas de sexisme non plus, les relations s’équilibrent et j’y vois plutôt une ode à la liberté sexuelle dans une relation mutuelle et non l’utilisation d’une femme objet. En ce sens nous sommes alors dans un âge d’or pour la femme qui à la fin des années 70 sera nettement mois gâtée… (D’ailleurs le fait que l’album sorte en France en 76 somme un peu comme le chant du cygne de cette époque.)
Cet ouvrage est dans le style érotique parmi les meilleurs (si ce n’est le, en tous cas c’est le seul que j’ai en bibliothèque) de ce que j’ai pu lire : tout simplement ! Le dessin est encore plus beau que celui de Manara (tout en étant Italien), et les délires graphiques sont tellement poétiques qu’ils en font oublier le côté axé domination majoritaire dans l’album.
A connaître, ne serait-ce que comme représentant esthétique de la révolution sexuelle de la fin des années 60.
Quelle belle surprise !!! Je ne m'attendais pas à passer un si bon moment.
A titre personnel, ce one shot est encore mieux que Les Petits Ruisseaux.
L'histoire peut dérouter malgré sa simplicité. Les personnages sont excellents, les situations parfois hilarantes, la narration toujours claire, etc...
Je ne trouve aucun défaut à cette BD, bien au contraire.
Certains feront des reproches sur le dessin minimaliste. Je trouve qu'il correspond à merveille au scénario et sa mise en couleur est vraiment réussie.
Dans ce style, c'est clairement le meilleur Rabaté.
Il arrive à faire rire là où d'autres nous feraient pleurer.
Cette BD fait dans le populaire sans tomber dans la caricature, mais en profite pour en rire.
J'ai adoré le passage du frère dans l'émission Interville.
A découvrir, Futuropolis se réveille en fanfare après une période de disette.
Devant la belle couverture de l’album, les avis enthousiastes des lecteurs de BDtheque et les splendides dessins de Laura Zuccheri, moi aussi je me suis laissé tenter par « Les Épées de Verre ».
Comme mentionné ci-dessus, les dessins sont vraiment beaux. Ils sont fins, détaillés, bien proportionnés et agréables à regarder. Une véritable réussite qui amènera sûrement Laura Zuccheri à participer à de nombreux projets dans le futur. Chapeau bas !
Les couleurs sont à couper le souffle. À la fois variées et envoûtantes, elles rehaussent un dessin déjà magnifique.
L’achat de l’album est à recommander simplement pour ses qualités graphiques.
Le scénario quant à lui est très classique mais d’un bon niveau. Une jeune fille est amenée malgré elle à mener une quête de vengeance et doit sauver le monde d’une fin inéluctable. De nombreux aspects de l’histoire ont été déjà vus : l’épée légendaire, la quête, la vengeance, le maître, la fin du monde, etc. Cependant, Sylviane Corgiat a su rendre le tout intéressant entre autres par des flash back et une fin d’album qui laisse présager une suite plus compliquée qu’il n’y paraît.
J’attends la suite avec impatience.
La lecture et l’achat de ce plaisir des yeux est recommandé. Le 4/5 parfaitement justifié.
Voilà une série qui a toutes les cartes en main pour accéder aux immanquables de BDtheque.
Une BD des plus originales : les spams vous attaquent dans votre sommeil !
De belles couleurs, un héros cynique certes mais "attachant", un scénario incroyable.
J'ai hésité à mettre un coup de coeur uniquement pour le scénario.
Le point noir de cette BD, c'est un one shot ! Mais peut-être qu'une autre aventure est à prévoir, c'est tout ce qu'on souhaite à ce duo scénariste-dessinateur.
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Je mourrai pas gibier
Existe-t-il des violences légitimes ? Si Alfred ne semble exprimer aucun point de vue, sa narration empathique suscite, néanmoins, beaucoup d’interrogations. Son trait fidèle, brutal retranscrit à la perfection la bestialité et la fragilité des sentiments. En écho à la voie off intérieure, il fait corps avec l’évolution psychologique de son héros et entraine le lecteur dans un huis clos comportementaliste captivant qui permettra d’embrasser le cheminement implacable jusqu’à la folie meurtrière. Un carnage, ouverture et clôture du récit, une boucle qui résume parfaitement la destinée de cet adolescent qui tourne en rond dans une cage de fatalité. Car au-delà de son geste, de cette violence ultime, d’autres se dessinent en filigrane, plus insidieuses et peut-être encore plus détestables. Sociales et morales, elles puisent leurs sources dans une ruralité qui broie toutes les perspectives d’avenir et s’expriment dans les rapports humains les plus boueux. Bêtise, haine séculaire et inexpliquée, actes gratuits de cruauté, absence de honte ou de remords, complicité muette, il plane sur ce village fruste une barbarie physique et psychique insouciante. Dans cette scénologie où le sociodrame ne s’annonce qu’inéluctable, faut-il justifier ou condamner ? Toujours est-il que l’auteur mène sa barque d’une main de maître. La suffocation, la frustration et l’écœurement montent crescendo. On est hypnotisé, happé dans une escalade ou plutôt une lente descente aux enfers dont le final, inconcevable, irréparable, agit pourtant à la manière d’un terrible exutoire. Quand chaque détonation, chacune des douilles tombées au sol, résonne comme une surprenante et désagréable satisfaction viscérale, comme une pierre supplémentaire dans la construction d’une catharsis ambiguë où l’on s’affranchit provisoirement de toute moralité. Dérangé, c’est avec impatience que l’on attend le rappel à l’ordre de sa conscience, espérant se réveiller du bon côté de la vertu. Une sournoise et brillante auscultation morale.
Le Bel Inconnu
Le bel inconnu est un conte à la sonorité moderne pour une vieille histoire de chevaliers de la table ronde au temps du Roi Arthur. C'est drôle et les dialogues sont savoureux. J'ai aimé toute cette extrême naïveté qui se dégage du personnage principal qui se plonge tête baissée dans l'aventure. Croire à son destin uniquement ! On peut passer également à côté de tant de choses pourtant essentielles ... Le dessin ainsi que la colorisation offrent un ton résolument dynamique à l'ensemble. C'est également une oeuvre bien méconnue. Bref, le bel inconnu gagnerait à être plus connu. Par ailleurs, c'est une oeuvre 100% féminine donc intelligente et passionnante à la fois avec une inventivité débordante. Que dire de plus pour vous convaincre ? Il était une fois un conte cruel qu'un amoureux agite au nez d'une étoile qui avait un coeur...
La Clôture
La clôture relève du génie de la création. Je suis littéralement époustouflé par cet auteur à savoir Fabcaro pour le nommer. Je conseille très vivement cette lecture de sa dernière oeuvre en date et de le suivre dans ses réflexions et ses délires. Cependant, ce conseil ne s'adressera pas tout le monde. Je dois avoir l'honnêteté de le reconnaître. Cette oeuvre fait figure d'ovni dans le monde de la bd. En effet, c'est comme une espèce d'expérimentation de la part de l'auteur qui devient également acteur de son propre récit en scénarisant diverses scènes. Son épouse dira dans les premières pages que c'est totalement incohérent comme scénario. J'avais effectivement peur de sombrer dans l'absurde mais il n'en n'est rien. C'était un coup monté de la part de l'auteur. Il y a comme une espèce de synchronisation dans les personnages jusque dans les mouvements. Bref, la logique ne nous quitte pas et c'est tant mieux car on est bluffé par tant de virtuosité ! L'auteur analyse le comportement de ses contemporains mais il n'oublie pas de s'égratigner en premier lieu. Que j'aime cette humilité ! Par ailleurs, l'humour est toujours fin et les situations sont recherchées. C'est le must de ce qu'on peut lire. Et dire que cet auteur est toujours publié par de petits éditeurs comme La Cafetière ou en l'espèce 6 Pieds sous terre. Il va même jusqu'à s'en amuser. On a l'impression que c'est un choix. Je souhaite de tout mon coeur que cet auteur soit découvert par le grand public. Cela ne sera pas chose facile car il s'éloigne ostensiblement des modes de la consommation courante des bd d'humour en choisissant la voie la plus difficile. Gros coup de coeur que j'aimerais tant partager !
Appelle-moi Ferdinand
Cette BD risque de passer inaperçue dans la production actuelle. Elle se révèle pourtant être une petite perle. Ce roman graphique peut paraître banal : il parle d'Oscar, malade et condamné à cours terme. Celui-ci va chambouler sa vie et devenir l'inverse de celui qu'il fut toute sa vie. Sa personnalité fut construite pour être l'inverse de son père qui souhaitait qu'il l'appelle Ferdinand et non papa. Ce one-shot est bouleversant et pourtant plaisant à lire. Il a un rythme de pièce de théâtre. Les auteurs ont créé un contexte de vie complet et réaliste allant du travail à la famille. Il y a une logique dans l'histoire et une chute évidente mais les descriptions des sentiments ainsi que les relations humaines sont finement décortiquées. Le dessin sépia est doux et a la particularité d'avoir des touches de couleurs, du bleu parfois pour les fonds de cases, du jaune, rouge ou autre pour des petits détails. Le rendu est original et correct. Je retiens surtout ce scénario tout simplement humain à la narration fluide et maitrisée. A découvrir.
Le pays des trois sourires
Trondheim ! Monsieur Lewis Trondheim ! Que dire de plus qui n’a été dit sur cette personne unique de la bd franco-belge ! Tombé par hasard sur la page qu’il publiait à l’époque dans les Inrocks (et qui ont été reprises et publiées depuis dans les aventures de l’univers), je n’ai cessé de découvrir à mon rythme l’œuvre unique de ce personnage atypique qui de ses essais nombrilistes de dessinateur aux aventures farfelues de Donjon ou Lapinot ou de l’Oubapo n’ont cessé d’éveiller ma curiosité et mon intérêt. Dire que je connais tout de lui et de son œuvre serait prétentieux et incongru car finalement en bon lecteur et en bon fan, j’agis un peu comme lui, découvrant son œuvre au gré de mon humeur, sans ordre préétabli et c’est ainsi que je me suis laissé tenter par ce bouquin, cette fameuse quête de l’absurde que contient Le Pays des 3 Sourires, titre n’évoquant rien de précis si ce n’est peut être un certain personnage à trois facettes dont je vous laisse découvrir l’originalité ! Alors l’objectif de Trondheim cette fois est de raconter une histoire hautement improbable de 100 strips de 4 cases chacun. Dans l’absolu on pourrait même s’imaginer que chaque strip peut être lu à part indépendamment car la dernière case amène toujours une touche humoristique réussie ou non mais même dans le pire des cas je me suis surpris à en sourire souvent. Alors certains peuvent trouver l’exercice vain, forcé et peu convaincant mais c’est oublier le talent de l’auteur à faire de chaque situation un reflet de l’absurde ! En gros ça parle de bestioles vivant sur une planète inconnue et devant les tremblements répétés détruisant chaque fois un peu plus leur village, deux d’entre eux prennent l’initiative d’aller trouver Dieu lui-même pour lui demander que cela cesse ! Et ? C’est tout ? Et bien oui ma bonne dame ! Mais pour qui adore ces dessins ronds en noir et blanc que je trouve savoureux et apprécie l’humour pince sans rire propre au monde absurde que l’auteur manipule avec dextérité, c’est un véritable régal ! De surcroit l’éditeur a également mis les petits plats dans les grands avec une édition sans aucune faute de gout et à grande échelle (ce qui nous change des minuscules pattes de mouche) donc si vous êtes fans comme moi, aucune raison de passer à côté et peut être serez-vous convaincus que Dieu existe réellement mais que c’est un bel incapable !
Ténèbres
Christophe Bec est un auteur incontournable de ces dernières années. « Pandemonium », « Bunker », « Carême », « Sanctuaire » ou encore « Carthago » sont quelques unes des séries dont il est l’auteur ou le scénariste. Je l’ai souvent dit, j’aime son univers et sa façon de raconter les histoires. Avec « Ténèbres », Christophe Bec vise juste une nouvelle fois. Le scénario de fantasy est relativement classique : un royaume moyenâgeux est ravagé par des dragons, une prophétie annonce l’arrivée d’un élu, un jeune garçon pas comme les autres est destiné à sauver le monde, etc. Cependant Bec réussit à faire de « Ténèbres » une bande dessinée accrocheuse et rythmée au ton mature. Le jeune garçon élu, Ioen, n’est pas comme d’habitude. Dans « Lanfeust De Troy » ou d’autres séries fantasy, les héros sont habituellement chaleureux, sympathique et attachant. Ici il n’en est rien. Ioen est froid et détaché du monde qui l’entoure. On le sent investi d’une mission. Ce détachement a suscité en moi beaucoup de curiosité et d’intérêt. Je me réjouis de voir ce que Bec a concocté pour la suite. L’atmosphère de cette bande dessinée est également à part. Loin des ambiances légères de lutins et autres nains buveurs de bière, « Ténèbres » n’a pas d’humour. Il s’en dégage un sentiment abouti et plus adulte que dans bon nombre d’autres séries fantasy, spécialement chez Soleil. L’ambiance est sombre et étouffante comme une caverne peuplée de dragons. Le dessin de Iko, nouveau venu sur la scène du neuvième art, est très convaincant. Reprenant le scénario ténébreux de Bec, le graphisme et les couleurs sont volontairement sombres. Je n’ai pourtant pas été dérangé bien au contraire. C’est beau et très adulte. Les détails sont légion et les dragons très réussis. Pour un premier album, Iko a déjà un dessin très abouti. Il me tarde donc déjà de connaître la suite de « Ténèbres » et ce d’autant plus que les dernières pages de ce premier tome révèlent des éléments très intéressants et lançant parfaitement le prochain album. La lecture est recommandée et l’achat également. Avec cette série, Soleil s’éloigne un peu de ses productions tous publics pour quelque chose de beaucoup plus mature. Comme quoi la patte de Christophe Bec peut vraiment changer l’inaltérable ! Note : 4/5 sans hésiter une minute.
Bianca
Cet avis ne concerne que le premier ouvrage mentionné dans cette fiche en noir et blanc. Nous sommes à la fin des années 60, inutile de préciser ma pensée quand il s’agit de parler érotisme ! Toute l’imagination débordante est permise, plus de tabou et plus de limites. Le tout dans une ambiance psychédélique chaotique ubuesque. Dans ce récit se retrouvent tout ce que je peux imaginer de cette période. Le récit se situe dans un internat de jeune fille. Bianca est une jeune et jolie femme qui sent certainement son corps changer et va transférer les brimades de l’autorité du pensionnat dans des rêves érotiques qui la mènent d’aventures en aventures. Forcément comme il s’agit en quelque sorte d’une rébellion à l’autorité ses rêves vont avoir de fortes tendances à la relation de domination, et comme elle est dominée !... Le récit est une suite fluide de situations auxquelles Bianca essaye d’échapper. Chaque maître qu’elle croise éveille sa sexualité, et elle va, avec plaisir généralement, assouvir les fantasmes de chacun tout en essayant de fuir pour trouver celui qui lui sied. En cela l’histoire n’est pas aussi ridicule qu’une lecture rapide pourrait paraitre, car finalement le seul moment ou elle parait épanouie et veut rester en place est celui ou elle rencontre un homme avec qui elle a une relation forte et libre, mais lui aussi est fugitif. Au final il ne s’agit pas simplement de situations fantasmagoriques juxtaposées auxquelles Bianca se prête, mais plutôt une quête initiatique le l’amour plaisir véritable, de l’Eros épanoui en quelque sorte. Le tout est servi par des dessins en noir et blancs sublimes. Les courbes sont fluides, les contrastes magnifiques, aucune situation ne semble violente même si la relation de domination existe. L’imagination n’a pas de limite, tout comme les planches qui parfois se perdent dans un psychédélique somptueux lors d’extases. La poésie des formes et des dessins fait oublier la domination excessive de certaines situations et transmet avec réussite la plénitude de l’Eros. Evidemment il ne faut pas chercher de logique à l’enchainement des événements, la pauvre Bianca passe de mains en mains avec comme seul fil conducteur un univers fantasmagorique. Mais pas de crade en cet ouvrage, pas de sexisme non plus, les relations s’équilibrent et j’y vois plutôt une ode à la liberté sexuelle dans une relation mutuelle et non l’utilisation d’une femme objet. En ce sens nous sommes alors dans un âge d’or pour la femme qui à la fin des années 70 sera nettement mois gâtée… (D’ailleurs le fait que l’album sorte en France en 76 somme un peu comme le chant du cygne de cette époque.) Cet ouvrage est dans le style érotique parmi les meilleurs (si ce n’est le, en tous cas c’est le seul que j’ai en bibliothèque) de ce que j’ai pu lire : tout simplement ! Le dessin est encore plus beau que celui de Manara (tout en étant Italien), et les délires graphiques sont tellement poétiques qu’ils en font oublier le côté axé domination majoritaire dans l’album. A connaître, ne serait-ce que comme représentant esthétique de la révolution sexuelle de la fin des années 60.
Le Petit Rien tout neuf avec un ventre jaune
Quelle belle surprise !!! Je ne m'attendais pas à passer un si bon moment. A titre personnel, ce one shot est encore mieux que Les Petits Ruisseaux. L'histoire peut dérouter malgré sa simplicité. Les personnages sont excellents, les situations parfois hilarantes, la narration toujours claire, etc... Je ne trouve aucun défaut à cette BD, bien au contraire. Certains feront des reproches sur le dessin minimaliste. Je trouve qu'il correspond à merveille au scénario et sa mise en couleur est vraiment réussie. Dans ce style, c'est clairement le meilleur Rabaté. Il arrive à faire rire là où d'autres nous feraient pleurer. Cette BD fait dans le populaire sans tomber dans la caricature, mais en profite pour en rire. J'ai adoré le passage du frère dans l'émission Interville. A découvrir, Futuropolis se réveille en fanfare après une période de disette.
Les Epées de verre
Devant la belle couverture de l’album, les avis enthousiastes des lecteurs de BDtheque et les splendides dessins de Laura Zuccheri, moi aussi je me suis laissé tenter par « Les Épées de Verre ». Comme mentionné ci-dessus, les dessins sont vraiment beaux. Ils sont fins, détaillés, bien proportionnés et agréables à regarder. Une véritable réussite qui amènera sûrement Laura Zuccheri à participer à de nombreux projets dans le futur. Chapeau bas ! Les couleurs sont à couper le souffle. À la fois variées et envoûtantes, elles rehaussent un dessin déjà magnifique. L’achat de l’album est à recommander simplement pour ses qualités graphiques. Le scénario quant à lui est très classique mais d’un bon niveau. Une jeune fille est amenée malgré elle à mener une quête de vengeance et doit sauver le monde d’une fin inéluctable. De nombreux aspects de l’histoire ont été déjà vus : l’épée légendaire, la quête, la vengeance, le maître, la fin du monde, etc. Cependant, Sylviane Corgiat a su rendre le tout intéressant entre autres par des flash back et une fin d’album qui laisse présager une suite plus compliquée qu’il n’y paraît. J’attends la suite avec impatience. La lecture et l’achat de ce plaisir des yeux est recommandé. Le 4/5 parfaitement justifié. Voilà une série qui a toutes les cartes en main pour accéder aux immanquables de BDtheque.
Fergus Détective Publicitaire
Une BD des plus originales : les spams vous attaquent dans votre sommeil ! De belles couleurs, un héros cynique certes mais "attachant", un scénario incroyable. J'ai hésité à mettre un coup de coeur uniquement pour le scénario. Le point noir de cette BD, c'est un one shot ! Mais peut-être qu'une autre aventure est à prévoir, c'est tout ce qu'on souhaite à ce duo scénariste-dessinateur.