Je ne saurais mieux dire de cette BD qu'un simple "Attention, drame". En effet, et malgré la quantité d'annonces qui avaient précisées que la BD était dramatique à souhait, j'ai tout de même été surpris par la noirceur du ton et la violence de cette BD.
Exploitant la veine du drame social, dans une famille bien caricaturale d'une France profonde, mais aussi dans des personnes dépeintes (Colombe gentille et un peu retardée, ses parents adoptifs qui l'exploitent, son amour qui est un beau salaud...). C'est un portrait bien noir d'une certaine France d'en-bas, où le tragique est quotidien.
Sur cette idée, Simon Hureau nous dresse quelques personnages dans toute la misère de leurs vies, et progressivement dévoile la tragédie qui se tisse en arrière-plan, comme une destinée fatale qui ne peut que nous attendre. C'est très surprenant et j'ai vraiment aimé le basculement permanent entre la noirceur du propos, les petites échappées de bonheur qui semblent presque trop belles et le retour à la réalité crasse.
Le dessin est dans la même veine que Intrus à l'Etrange, première BD de l'auteur que j'ai découverte, et contient aussi quelques défauts selon moi. Comme le fouillis de certaines cases, notamment avec ce format de BD très petit. Mais c'est une petite insatisfaction que j'ai quant à ce dessin, qui est globalement très bon et retranscrit très bien les atmosphères. L'auteur arrive très facilement à nous faire glisser dans le sordide rien que par des choix d'expressions graphiques, et j'aime beaucoup.
Si le glauque ne vous dérange pas, si vous n'êtes pas allergique à la noirceur, cette BD est faite pour vous !
Il y a des bandes dessinées que l’on classe en cultes pour deux raisons principales : soit ce sont des albums qu’on a toujours du plaisir à les relire maintes fois des années et des années après, soit ce sont des réalisations qui nous ont marqué à jamais mais qu’on ne pense pas les relire aussitôt à cause de la forte charge émotionnelle reçue lors de sa lecture. « Le rapport de Brodeck » fait incontestablement partie de cette seconde catégorie de ma liste des bds cultes au même titre que « Maus ».
Déjà, rien que le fait de contempler les planches de ce livre, mon dieu, que c’est beau ! Quel boulot ! Et c’est du Manu Larcenet, ce dessin ??!! Et bien, il s’est vachement fait violence le bougre ! Quelle expressivité dans son coup de patte ! Quelle précision dans son trait ! Je savais que Manu Larcenet était capable de concevoir de tel dessin en noir et blanc mais pas tout au long des 360 pages de ce récit ! Au fait, ici, pas besoin de couleurs, le choix du noir et blanc est parfaitement justifié pour cette histoire. Idem pour le format à l’italienne car l’auteur utilise beaucoup des cases dites « horizontales ».
Que dire aussi de la narration ? Certes, elle peut paraitre lente du fait d’un nombre impressionnant de cases muettes et d’un découpage très aéré mais cela permet une grande fluidité de lecture ; et surtout, de nous faire monter la pression, de nous faire glisser le récit vers une atmosphère de plus en plus tendue et malsaine.
En effet, « Le rapport de Brodeck » n’est vraiment pas un récit rigolo, on assiste plutôt à un drame qui nous montre toute la cruauté et la bêtise de ce que l’être humain est capable de faire. Dans ce milieu nauséabond émerge Brodeck et sa petite famille ainsi qu’un autre personnage dont je vous laisse découvrir si vous avez le cœur bien accroché pour feuilleter ce récit. Il y a des gros relents liés à la seconde guerre mondiale dans cette histoire même si on ne sait pas où l’action se passe et quand se situe ce drame, ce qui fait classer ce recueil dans le genre « conte », ceci est accentué par la représentation de l’ennemi en monstres.
J’avoue avoir refermé « Le rapport de Brodeck » avec un sentiment bizarre en me disant que ce conte ne peut être qu’invraisemblable, ce n’est pas possible ! Et pourtant, oui, ça a effectivement dû se passer ainsi et ce genre d’histoire doit malheureusement exister dans des contrées actuellement en guerre ou autres. J’avoue avoir eu plusieurs fois la chair de poule en lisant ce récit, surtout à l’approche du dénouement.
« Le rapport de Brodeck » est une bande dessinée qui m’a beaucoup touché. Certes, j’ai eu quelques difficultés à suivre les démarches de Brodeck, non pas à cause de la narration qui m’est apparu parfaite, non pas à cause du graphisme qui est tout de même exceptionnel mais à cause de la charge émotionnelle que ce récit m’a procuré tout au long de sa lecture. Bref, culte !
Ce gros pavé est une excellente surprise de mediatheque. Il présente malgré tout 2 gros biais qui m'empêchent de le mettre en coup de cœur. Mais on est vraiment sur du qualitatif.
Le dessin est tout bonnement magnifique. Ce crayonné, parfois à la limite de l'esquisse, souligne à la perfection l'état d'esprit des personnages et celui dans lequel les auteurs souhaitent nous amener. L'expressivité des visages des personnages, tous aisément identifiables, est incroyable. C'est une dentelle de Bruges que nous offrent les auteurs. Les décors sont souvent rares, à dessein encore une fois. Ils sont bien présents quand il le faut, absent quand on doit se concentrer sur les personnages. Les scènes navales sont aussi réussies, même si on sent que là l'option choisie est de ne pas trop entrer dans le détail pour éviter l'erreur. Une grande réussite.
L'histoire, elle, est plus classique dans sa trame, partant d'un jeune garçon amnésique naufragé qui va remonter sa pelote mémorielle au gré d'une quête de rédemption, de trésor et d'honneur. Comme pour le dessin, on nous sert ici un récit fin, lent, doux. Nous accompagnons Abel dans cette recherche avec délicatesse. Le twist de milieu de livre amène un soupçon de fantastique sans détourner pour autant le fil de l'histoire. Au contraire il le recentre pour nous guider.
C'est un vrai travail de conteur qui nous est donné, notamment grâce au recours à la poésie et à des envolées très bien écrites.
Les bémols, quels sont ils alors ? Déjà c'est bavard, très, trop. Les envolées lyriques cassent trop souvent un rythme déjà lent, n'apportant que trop peu d'intérêt sinon de vouloir renforcer le côté travaillé.
Ces moments d'introspection textuelle allongent inutilement le bouquin qui pourrait gagner en concision, je dois avouer avoir pris 3 moments de lecture pour le terminer.
Enfin, le twist nous amène rapidement à comprendre et anticiper la fin. De même qu'il introduit une erreur initiale incompréhensible du grand méchant.
Je reste assez évasif pour ne pas dévoiler la trame, qui doit être découverte au fil des pages.
Malgré ces biais, la somme de travail, la finesse du scénario et la beauté du dessin m'ont donné un grand plaisir de lecture.
Un très bon album qui revisite le film « Les Chasses du comte Zaroff », c’est bien écrit et on reste captivé jusqu’au bout par cette histoire menée à un rythme effréné avec un suspens qui ne faiblit pas. On est totalement immergé dans une nature sauvage qui réserve les pièges habituels de la jungle aux acteurs de cette double chasse à l’homme. Seul bémol pour moi, le manque d’approfondissement des personnages, manque de charisme, de leur histoire personnelle, de leurs liens passés. Le duel de ces deux chasseurs-chassés, psychopathes tueurs en série, aurait gagné en tension dramatique. On peut y ajouter quelques facilités scénaristiques malvenues et quelques raccourcis agaçants. Le dessin réaliste est très beau, précis et dynamique. François Miville-Deschênes réalise, là, une très belle performance graphique. Un très bon moment de lecture, à recommander…
Voilà un album qui ne laisse pas indifférent ! Si la fin de la seconde Guerre Mondiale est connue pour ses tristement célèbres bombardements d’Hiroshima et Nagasaki, je pense que peu de gens connaissent l’histoire de cette course à la bombe nucléaire que se sont livrés les nations antagonistes du moment et tous les doutes et divergences d’opinion qui ont opposé scientifiques et militaires de l’époque.
C’est en effet par le prisme des scientifiques, pour beaucoup émigrés d’Europe pour fuir le nazisme, que nous allons suivre cette folle aventure, ses espoirs et ses revirements, quand certains scientifiques vont réaliser ce qu’ils sont en train de créer…
Les deux scénaristes ont effectué un travail de recherche remarquable et nous proposent un récit haletant digne d’un thriller. Le trait réaliste de Denis Rodier marque par son noir et blanc puissant qui colle parfaitement avec ces faits historiques tragiques.
Une BD documentaire à mettre entre toutes les mains pour comprendre et ne pas oublier.
Ce modeste album de 64 pages, de facture très soignée, réunit deux histoires courtes de Jesse Jacobs, artiste canadien « spécialisé dans le dessin et l’estampe ». Celui-ci a déjà réalisé quatre bandes dessinées et réalise également « des illustrations pour des posters, skateboards ou pochettes de disques ». Et en effet, c’est ce qui distingue cet ouvrage caractérisé par une couverture envoûtante, extrêmement graphique, représentant des monstres qui réclament, que dis-je, exigent toute notre attention !
Les deux histoires (« Entre mes murs » et « Parmi les bêtes »), qui semblent avoir été conçues de l’autre côté du miroir, nous entraînent dans des mondes où tous nos repères familiers sont totalement bousculés, où les objets ont une vie propre, où les propriétés biologiques du vivant sont si étranges que l’on n’oserait même pas les imaginer dans l’une des galaxies peuplant notre univers, si innombrables soient-elles. Dans ces mondes parallèles, les maisons sont des pièges vivants et se vengent des humains en les engloutissant sur place. Les bébés à l’apparence humaine naissent orphelins et sont élevés par des créatures protéiformes assez effrayantes mais au fond pas si méchantes. Celles-ci sont dotées de caractéristiques uniques, leur permettant entre autres de se reproduire par dédoublement, à la manière des cellules microscopiques qui constituent le vivant au sein de notre macrocosme.
Si irréels paraissent-ils, ces univers conçus par un cerveau qui semble avoir franchi, à l’aide de ses tout petits pieds, les portes de la perception, restent tout de même assez inquiétants, mais passés les premiers instants, on peut pourtant finir par les trouver très beaux dans leur poésie noire… Et peut-être pour nous y aider, Jesse Jacobs, ayant pitié de nous, pauvres chochottes qui avons tendance à surdramatiser les choses, nous concède quelques (rares) traits d’humour — noir cela va de soi. Et dans tout ça, l’humain n’en ressort pas grandi, c’est le moins qu’on puisse dire. Parce que ces monstres, au final, s’avèrent bien plus fréquentables, et s’ils nous déplaisent, ce n’est peut-être pas tant à cause de leur apparence rebutante mais plutôt à cause du miroir peu flatteur qu’ils nous tendent.
Si « Entre mes murs » se restreint au noir et blanc, ou plutôt à un peu de blanc sur fond noir, « Parmi les bêtes » introduit un vert électrique dans une ambiance d’outre-espace peu rassérénante. Le tout dégage une beauté obscure parfois proche de l’abstraction, qui n’aurait pas manqué de donner quelques frayeurs au philosophe Pascal… Quant aux fameuses créatures extra-terrestres, si elles ne brillent pas par leur intelligence, leurs particularités physiques les font parfois luire sous la voûte étoilée voire vibrer jusqu’à muter en entités constituées d’ondes électriques et de photons. De la pure énergie… noire et extatique ! Une divine communion avec le cosmos à côté de laquelle l’Homme apparaît handicapé…
Si l’on parvient à estimer l’ouvrage à sa juste valeur en s’abandonnant à ses sensations primitives, on pourrait envisager de capter ces rayons d’énergie noire venus des tréfonds de l’espace et d'en ressentir la puissante décharge visant – pour notre bien - à briser la carapace de nos certitudes et de notre insupportable ethnocentrisme, nous, effrayants prédateurs jamais rassasiés. Mais peut-être n’êtes-vous pas encore prêts à cet électrochoc graphique ? ll est même possible que vous détestiez tout simplement l’objet… mais si par contre, vous êtes séduits par l’ouvrage, vous serez vraisemblablement frustrés du format assez court comme je l’ai été…
« Énergies noires », c’est avant tout un univers expérimental, un rien psychédélique, qui requiert la participation du lecteur, un univers à la fois menaçant et fascinant, sous-tendu par un esprit discrètement caustique. C’est aussi la découverte d’un auteur confidentiel mais original, pour ceux qui auraient manqué ses précédents opus, notamment "Et tu connaîtras l’univers et les dieux" paru il y a sept ans. Et pour paraphraser un des passages du livre, il est plausible que ce soit ce dernier qui vous ait choisi et non l’inverse… Vous voilà prévenus, mais attention, car cette énergie noire est pleine de surprises !
Entre 3 et 4, mon cœur balance, mais le dessin m’entraîne vers l’arrondi supérieur.
Quel travail graphique, c’est vraiment bluffant. Et autant le dire tout de suite, cette petite Cécile a une beauté pure, innocente, exquis! Je ne peux que comprendre notre Julien, ce héros malgré lui, prêt à croquer dans son corsage le fruit défendu. En dehors de l’esthétisme, je précise tout de suite que la relation entre les deux tourtereaux n’aura pas été mes préoccupations principales. Peut-être parce-qu'il n'y avait pas de quoi s'en préoccuper d'ailleurs... Cette histoire d'amour est alimentée depuis leur tendre enfance et continue à évoluer avec les évènements du village, sans prétention.
Cette histoire n'est franchement pas une aventure. Plus précisément, il y a des aventuriers (dont Paul en est l'icône et Serge son opposant) mais on ne s’attarde pas franchement sur leurs actes. L’auteur a tenu à ce que l’on se concentre sur Julien et son village. Campeyrac est une commune calme, loin de la guerre, où le quotidien n’a pas été « trop » chamboulé. Nous suivons ce petit bonhomme, heureux de le voir se dépatouiller de ses petites péripéties égocentriques et superficielles. Il est entouré par un casting réduit mais bigrement efficace, donnant une photo complète de ce que devait être un village à cette époque : la plus belle femme du village qui atteint le cœur de chaque homme, un aubergiste, un curé, un SS, un communiste, un ivrogne joyeux et un résistant. Et puis tout ce beau monde se réunit bien souvent au café du village, le seul et unique. Le rendu est vraiment parfait
Ce superbe dessin aux décors fouillés laissent peu de place à la guerre. Associé au jeu de couleurs chaud et doux, l'ambiance bucolique nous fait presque « oublier » que nous nous trouvons en pleine Occupation allemande. Mais l’auteur a parfaitement dosé ses piqûres de rappel pour nous faire retomber dans la réalité (l’intervention des allemands, les SS, les débats au café, Paul, la radio bien sûr…). J’en interprète l’idée que chaque village, même celui tenu le plus éloigné des batailles, regorge d’histoires locales singulières sur ses habitants à cette période...
Pour ce qui est du scénario et des péripéties, c’est certainement là où le bât blesse pour moi comme pour d’autres je pense. On frôle parfois la niaiserie, et la légèreté laisse place à la futilité de temps en temps. Les phases de jalousie de Julien dans le tome 1, qui imagine des choses sur sa chère et tendre et qui se rend finalement compte d’avoir parlé trop vite, c’est un peu lourdingue. Son isolement peut l’amener à se construire des délires, mais bon je ne trouve pas ce genre de moments très intéressants… Également, il y a certains raccourcis. Mais ça aurait pu être bieeeen pire !
C’est presque honorable d’avoir réussi à ne pas virer vers une histoire à l’eau de rose. L’écriture doit y être pour quelque chose. Je la trouve vraiment agréable et bien construite. Les narrations sont intelligentes, la touche d’humour fait souvent son apparition et donne le sourire. Le héros a toujours un ton comique et joueur, ce qui nous permet de l’apprécier jusqu’à la fin.
J’ai commencé par le dessin et je souhaite finir avec le dessin. Il est vraiment superbe. Et les personnages, s’ils n’ont pas une personnalité vraiment complexes ou nuancées, ont un rendu graphique incroyable. Mention spéciale pour Basile, qui se voit occuper de belles planches à la fin du tome 2.
La note de 4/5 s’est confirmée en écrivant ma critique. Je retiens beaucoup plus le positif, même si cette BD n’est pas sans défauts et qu’elle pourra décevoir certains pour son manque de profondeur. Mais l’auteur nous offre là une belle histoire qui m’a permis de retourner dans les années ’40 avec joie, malgré tout...
Ce n’est pas la première biographie que je lis de ce duo d’auteurs mais c’est avec un plaisir renouvelé que j’effectue ces lectures.
José-Louis Bocquet et Catel Muller nous invitent ici à partager la destinée d’Alice Guy, personnage peu connu du grand public et pourtant une des actrices les plus déterminantes dans la naissance et la popularisation du cinéma. Et c’est toute une époque et toute une épopée que font revivre les deux auteurs au travers de la vie d’Alice !
Rien à faire, je suis directement tombé sous le charme. Pourtant la structure du récit est des plus conventionnelles : nous suivons Alice depuis sa naissance jusqu’à sa mort dans un ordre chronologique rigoureux. Le récit se découpe en de multiples chapitres de longueur variable (d’une page à une bonne trentaine de pages) et à la fin de chacun d’eux, je n’ai pu m’empêcher de me dire « allez, encore un et puis je fais une pause ». Résultat : un gros pavé lu en quelques heures sans que pause, il n’y ait eu. Ce récit est tellement vivant, tellement léger et instructif à la fois, drôle à l’occasion, incitant à réflexion à d’autres moments que je ressors de ma lecture amusé, touché et instruit. Que demander de plus ?
Une bien belle évocation donc, d’une réalisatrice haute en couleurs (j’ai beaucoup aimé le discours féministe que, au travers de ses œuvres, elle faisait passer avec humour et sans avoir l’air d’y toucher) autant que des débuts du cinéma (j’ai été étonné par la multitude d’appareils lancés aux origines de l’image en mouvement).
Note : 3.5/5
L'intégrale publiée par Dupuis m'a permis de relire les premiers tomes de cette série que j'avais lue trop jeune à l'époque mais pour laquelle je gardais une certaine affection car j'y voyais de la bonne aventure franco-belge façon école Marcinelle mais avec un ton plus adulte que ce à quoi j'étais habitué dans ma jeunesse.
En réalité, cette série semble se scinder en deux époques, ou du moins subir une évolution assez visible au fil des albums.
Cela commence comme une série d'aventure et d'action relativement orientée vers la jeunesse, avec une bonne part d'humour. Le héros, Jim Plant, matricule 421, est une parodie de James Bond : plus attiré par les filles que par l'espionnage sérieux, il règle ses missions majoritairement à coups de bagarres et de courses-poursuites. Ce que j'aime dans ces premiers tomes de la série, c'est le graphisme de Maltaite qui est si similaire à celui de son père, Will, que j'adore (surtout pour la série Isabelle). On se croirait vraiment dans des albums de Tif et Tondu où ils joueraient les espions internationaux. Par contre, Jim Plant n'a pas le charisme de ces deux là : il parait trop vide, superficiel, trop orienté vers la drague et la bagarre. J'ai trouvé un certain problème de rythme à ces histoires qui ont certes la qualité de raconter beaucoup de choses mais qui se retrouvent à l'étroit dans leur format 48 pages et se racontent trop vite pour permettre à l'ambiance de se poser. En outre, il y a un décalage qui fonctionne assez mal entre le manque de sérieux du héros et de certains passages, et d'autres moments bien plus graves avec quelques morts violentes. Cela donne l'impression que les auteurs ne savaient pas bien sur quel pied danser entre série d'espionnage sérieuse et récit pour la jeunesse.
La série change de ton à partir du tome 5. A compter de cet album, les récit prennent plus le temps de se poser et gagnent en maturité, tant dans la maitrise narrative que dans la tonalité des intrigues. Et c'est à partir de ces tomes là que la série devient vraiment bien pour moi. Le personnage de 421 reste assez peu attachant mais il devient plus crédible et surtout les aventures qu'il vit sont mieux menées, plus intéressantes et prenantes. Elles perdent en humour ce qu'elles gagnent en sérieux et en attrait. En outre, les auteurs se permettent quelques histoires sortant nettement des sentiers battus, comme Les Enfants de la Porte qui aborde les voyages temporels et surtout l'uchronie, sujet inexistant en BD à l'époque de sa parution, ou encore Les années de brouillard où 421 n'est plus le protagoniste principal mais le sujet lui-même d'une enquête. Cet album est d'ailleurs l'occasion pour les auteurs d'introduire celle qui deviendra plus ou moins la partenaire du héros dans les tomes suivants. En parallèle, le graphisme de Maltaite évolue lui aussi pour tendre vers son style personnel, plus adulte et réaliste que celui de Will, avec un peu moins charme à mes yeux mais que j'aime aussi beaucoup.
Je conseillerais donc la série surtout à partir de son tome 5, même si les premiers sont également plutôt agréables à lire et permettent de découvrir le personnage dans ce qu'on pourrait presque considérer comme sa jeunesse, contrairement au ton plus adulte des tomes suivants.
Voilà une BD que j’attends depuis… très longtemps. Non que je fus au courant du projet depuis ses débuts, mais plutôt par rapport à son sujet facial, l’adoption.
Il s’agit d’un sujet complexe, casse-gueule, et parmi la foule des albums qui s’y sont intéressés de façon frontale, peu peuvent se targuer d’y avoir réussi, à part « Couleur de peau : miel » et « Un drôle de père » (sur un registre différent, cependant).
Vous l’aurez compris, le sujet me tient à cœur, et je suis intransigeant quant au traitement que l’on fait de ce genre de sujet. Et Zidrou, comme il l’a prouvé avec Lydie, peut aborder des sujets lourds et graves, même s’il a débuté comme auteur « à gros nez », ceci écrit sans aucun sous-entendu négatif.
J’ai TOUT aimé dans ce premier volet d’un diptyque. Le traitement de l’arrivée de l’enfant, pudique. L’apprivoisement mutuel de Qinaya et sa nouvelle famille, particulièrement ses grands-parents, entre retenue et chaleur. Les dialogues entre Gabriel et ses amis, ainsi qu’avec son épouse, d’un réalisme bluffant. Les situations compliquées entre Gabriel et son fils Alain, laissant entendre que leurs rapports vont être au cœur du tome 2. Les moments de silence, ces regards qui en disent long sur les pensées des protagonistes.
On est à la place de Gabriel, ce bourru qui s’est installé dans une routine active depuis sa retraite et va peu à peu se laisser conquérir par ces grands yeux et ce petit minois venus du Pérou…
Une adoption qui se passe bien, tout va bien madame la Marquise ? Non, parce que l’adoption internationale c’est compliqué (Zidrou ne s’attache d’ailleurs qu’à l’étape après l’arrivée de l’enfant), et derrière une histoire heureuse se cache parfois un drame. Le scénariste ne l’oublie pas, en saupoudre savamment son récit, avant de fermer ce premier volet sur un coup de théâtre fort bien amené.
Le deuxième volet est très différent : Gabriel, dans l'après, est dans une forme de quête personnelle. Il est présent dans quasiment toutes les cases, dans un décor tout à fait différent. Zidrou réussit là encore à nous étonner, à placer son histoire sur des rails inattendus. La fin est encore une fois très émouvante, et finalement très logique, sans verser une seule seconde dans le sentimentalisme.
Je suis le travail d’Arno Monin presque depuis ses débuts, et c’est un bonheur à chaque fois. Pour ce diptyque il a encore varié ses ambiances, musclé son encrage et son style rond et coloré fait des merveilles.
Agréablement surpris par l'accueil public et critique du premier diptyque, les auteurs ont décidé de remettre le couvert pour un second diptyque, cette fois-ci avec comme sujet le petit Wajdi, réfugié de son Yémen natal, qui a fait 4 800 kilomètres pour fuir la guerre avec sa mère et sa soeur. Et se retrouver... seul. Zidrou ne montre -presque- rien de la vie d'avant de Wajdi, hormis les images qu'un enfant de 10 ans (au passage, il en paraît 5, ce qui m'a troublé tout au long de ma lecture) peut garder de l'enfer qu'il a traversé. La fin de l'album apporte un évènement inattendu, mais probablement inéluctable, qui va plonger la famille Guitry dans une situation très difficile. J'ai hâte de lire la suite et fin de ce deuxième diptyque.
Arno Monin a encore une fois fait un travail formidable, particulièrement sur le jeune Wajdi, qui a un regard... inoubliable, et dont la gestuelle révèle le traumatisme qu'il a subi et subit encore au sein de cette famille qui ne le comprend pas, malgré toute sa bonne volonté. Et un entourage qui ne facilite pas les choses.
J’aurais aimé écrire cette BD. Mais d’autres l’ont fait et bien fait, avec le respect, le recul et le talent nécessaires. Bravo !
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Colombe et la Horde
Je ne saurais mieux dire de cette BD qu'un simple "Attention, drame". En effet, et malgré la quantité d'annonces qui avaient précisées que la BD était dramatique à souhait, j'ai tout de même été surpris par la noirceur du ton et la violence de cette BD. Exploitant la veine du drame social, dans une famille bien caricaturale d'une France profonde, mais aussi dans des personnes dépeintes (Colombe gentille et un peu retardée, ses parents adoptifs qui l'exploitent, son amour qui est un beau salaud...). C'est un portrait bien noir d'une certaine France d'en-bas, où le tragique est quotidien. Sur cette idée, Simon Hureau nous dresse quelques personnages dans toute la misère de leurs vies, et progressivement dévoile la tragédie qui se tisse en arrière-plan, comme une destinée fatale qui ne peut que nous attendre. C'est très surprenant et j'ai vraiment aimé le basculement permanent entre la noirceur du propos, les petites échappées de bonheur qui semblent presque trop belles et le retour à la réalité crasse. Le dessin est dans la même veine que Intrus à l'Etrange, première BD de l'auteur que j'ai découverte, et contient aussi quelques défauts selon moi. Comme le fouillis de certaines cases, notamment avec ce format de BD très petit. Mais c'est une petite insatisfaction que j'ai quant à ce dessin, qui est globalement très bon et retranscrit très bien les atmosphères. L'auteur arrive très facilement à nous faire glisser dans le sordide rien que par des choix d'expressions graphiques, et j'aime beaucoup. Si le glauque ne vous dérange pas, si vous n'êtes pas allergique à la noirceur, cette BD est faite pour vous !
Le Rapport de Brodeck
Il y a des bandes dessinées que l’on classe en cultes pour deux raisons principales : soit ce sont des albums qu’on a toujours du plaisir à les relire maintes fois des années et des années après, soit ce sont des réalisations qui nous ont marqué à jamais mais qu’on ne pense pas les relire aussitôt à cause de la forte charge émotionnelle reçue lors de sa lecture. « Le rapport de Brodeck » fait incontestablement partie de cette seconde catégorie de ma liste des bds cultes au même titre que « Maus ». Déjà, rien que le fait de contempler les planches de ce livre, mon dieu, que c’est beau ! Quel boulot ! Et c’est du Manu Larcenet, ce dessin ??!! Et bien, il s’est vachement fait violence le bougre ! Quelle expressivité dans son coup de patte ! Quelle précision dans son trait ! Je savais que Manu Larcenet était capable de concevoir de tel dessin en noir et blanc mais pas tout au long des 360 pages de ce récit ! Au fait, ici, pas besoin de couleurs, le choix du noir et blanc est parfaitement justifié pour cette histoire. Idem pour le format à l’italienne car l’auteur utilise beaucoup des cases dites « horizontales ». Que dire aussi de la narration ? Certes, elle peut paraitre lente du fait d’un nombre impressionnant de cases muettes et d’un découpage très aéré mais cela permet une grande fluidité de lecture ; et surtout, de nous faire monter la pression, de nous faire glisser le récit vers une atmosphère de plus en plus tendue et malsaine. En effet, « Le rapport de Brodeck » n’est vraiment pas un récit rigolo, on assiste plutôt à un drame qui nous montre toute la cruauté et la bêtise de ce que l’être humain est capable de faire. Dans ce milieu nauséabond émerge Brodeck et sa petite famille ainsi qu’un autre personnage dont je vous laisse découvrir si vous avez le cœur bien accroché pour feuilleter ce récit. Il y a des gros relents liés à la seconde guerre mondiale dans cette histoire même si on ne sait pas où l’action se passe et quand se situe ce drame, ce qui fait classer ce recueil dans le genre « conte », ceci est accentué par la représentation de l’ennemi en monstres. J’avoue avoir refermé « Le rapport de Brodeck » avec un sentiment bizarre en me disant que ce conte ne peut être qu’invraisemblable, ce n’est pas possible ! Et pourtant, oui, ça a effectivement dû se passer ainsi et ce genre d’histoire doit malheureusement exister dans des contrées actuellement en guerre ou autres. J’avoue avoir eu plusieurs fois la chair de poule en lisant ce récit, surtout à l’approche du dénouement. « Le rapport de Brodeck » est une bande dessinée qui m’a beaucoup touché. Certes, j’ai eu quelques difficultés à suivre les démarches de Brodeck, non pas à cause de la narration qui m’est apparu parfaite, non pas à cause du graphisme qui est tout de même exceptionnel mais à cause de la charge émotionnelle que ce récit m’a procuré tout au long de sa lecture. Bref, culte !
Le Port des Marins Perdus
Ce gros pavé est une excellente surprise de mediatheque. Il présente malgré tout 2 gros biais qui m'empêchent de le mettre en coup de cœur. Mais on est vraiment sur du qualitatif. Le dessin est tout bonnement magnifique. Ce crayonné, parfois à la limite de l'esquisse, souligne à la perfection l'état d'esprit des personnages et celui dans lequel les auteurs souhaitent nous amener. L'expressivité des visages des personnages, tous aisément identifiables, est incroyable. C'est une dentelle de Bruges que nous offrent les auteurs. Les décors sont souvent rares, à dessein encore une fois. Ils sont bien présents quand il le faut, absent quand on doit se concentrer sur les personnages. Les scènes navales sont aussi réussies, même si on sent que là l'option choisie est de ne pas trop entrer dans le détail pour éviter l'erreur. Une grande réussite. L'histoire, elle, est plus classique dans sa trame, partant d'un jeune garçon amnésique naufragé qui va remonter sa pelote mémorielle au gré d'une quête de rédemption, de trésor et d'honneur. Comme pour le dessin, on nous sert ici un récit fin, lent, doux. Nous accompagnons Abel dans cette recherche avec délicatesse. Le twist de milieu de livre amène un soupçon de fantastique sans détourner pour autant le fil de l'histoire. Au contraire il le recentre pour nous guider. C'est un vrai travail de conteur qui nous est donné, notamment grâce au recours à la poésie et à des envolées très bien écrites. Les bémols, quels sont ils alors ? Déjà c'est bavard, très, trop. Les envolées lyriques cassent trop souvent un rythme déjà lent, n'apportant que trop peu d'intérêt sinon de vouloir renforcer le côté travaillé. Ces moments d'introspection textuelle allongent inutilement le bouquin qui pourrait gagner en concision, je dois avouer avoir pris 3 moments de lecture pour le terminer. Enfin, le twist nous amène rapidement à comprendre et anticiper la fin. De même qu'il introduit une erreur initiale incompréhensible du grand méchant. Je reste assez évasif pour ne pas dévoiler la trame, qui doit être découverte au fil des pages. Malgré ces biais, la somme de travail, la finesse du scénario et la beauté du dessin m'ont donné un grand plaisir de lecture.
Zaroff
Un très bon album qui revisite le film « Les Chasses du comte Zaroff », c’est bien écrit et on reste captivé jusqu’au bout par cette histoire menée à un rythme effréné avec un suspens qui ne faiblit pas. On est totalement immergé dans une nature sauvage qui réserve les pièges habituels de la jungle aux acteurs de cette double chasse à l’homme. Seul bémol pour moi, le manque d’approfondissement des personnages, manque de charisme, de leur histoire personnelle, de leurs liens passés. Le duel de ces deux chasseurs-chassés, psychopathes tueurs en série, aurait gagné en tension dramatique. On peut y ajouter quelques facilités scénaristiques malvenues et quelques raccourcis agaçants. Le dessin réaliste est très beau, précis et dynamique. François Miville-Deschênes réalise, là, une très belle performance graphique. Un très bon moment de lecture, à recommander…
La Bombe
Voilà un album qui ne laisse pas indifférent ! Si la fin de la seconde Guerre Mondiale est connue pour ses tristement célèbres bombardements d’Hiroshima et Nagasaki, je pense que peu de gens connaissent l’histoire de cette course à la bombe nucléaire que se sont livrés les nations antagonistes du moment et tous les doutes et divergences d’opinion qui ont opposé scientifiques et militaires de l’époque. C’est en effet par le prisme des scientifiques, pour beaucoup émigrés d’Europe pour fuir le nazisme, que nous allons suivre cette folle aventure, ses espoirs et ses revirements, quand certains scientifiques vont réaliser ce qu’ils sont en train de créer… Les deux scénaristes ont effectué un travail de recherche remarquable et nous proposent un récit haletant digne d’un thriller. Le trait réaliste de Denis Rodier marque par son noir et blanc puissant qui colle parfaitement avec ces faits historiques tragiques. Une BD documentaire à mettre entre toutes les mains pour comprendre et ne pas oublier.
Energies noires
Ce modeste album de 64 pages, de facture très soignée, réunit deux histoires courtes de Jesse Jacobs, artiste canadien « spécialisé dans le dessin et l’estampe ». Celui-ci a déjà réalisé quatre bandes dessinées et réalise également « des illustrations pour des posters, skateboards ou pochettes de disques ». Et en effet, c’est ce qui distingue cet ouvrage caractérisé par une couverture envoûtante, extrêmement graphique, représentant des monstres qui réclament, que dis-je, exigent toute notre attention ! Les deux histoires (« Entre mes murs » et « Parmi les bêtes »), qui semblent avoir été conçues de l’autre côté du miroir, nous entraînent dans des mondes où tous nos repères familiers sont totalement bousculés, où les objets ont une vie propre, où les propriétés biologiques du vivant sont si étranges que l’on n’oserait même pas les imaginer dans l’une des galaxies peuplant notre univers, si innombrables soient-elles. Dans ces mondes parallèles, les maisons sont des pièges vivants et se vengent des humains en les engloutissant sur place. Les bébés à l’apparence humaine naissent orphelins et sont élevés par des créatures protéiformes assez effrayantes mais au fond pas si méchantes. Celles-ci sont dotées de caractéristiques uniques, leur permettant entre autres de se reproduire par dédoublement, à la manière des cellules microscopiques qui constituent le vivant au sein de notre macrocosme. Si irréels paraissent-ils, ces univers conçus par un cerveau qui semble avoir franchi, à l’aide de ses tout petits pieds, les portes de la perception, restent tout de même assez inquiétants, mais passés les premiers instants, on peut pourtant finir par les trouver très beaux dans leur poésie noire… Et peut-être pour nous y aider, Jesse Jacobs, ayant pitié de nous, pauvres chochottes qui avons tendance à surdramatiser les choses, nous concède quelques (rares) traits d’humour — noir cela va de soi. Et dans tout ça, l’humain n’en ressort pas grandi, c’est le moins qu’on puisse dire. Parce que ces monstres, au final, s’avèrent bien plus fréquentables, et s’ils nous déplaisent, ce n’est peut-être pas tant à cause de leur apparence rebutante mais plutôt à cause du miroir peu flatteur qu’ils nous tendent. Si « Entre mes murs » se restreint au noir et blanc, ou plutôt à un peu de blanc sur fond noir, « Parmi les bêtes » introduit un vert électrique dans une ambiance d’outre-espace peu rassérénante. Le tout dégage une beauté obscure parfois proche de l’abstraction, qui n’aurait pas manqué de donner quelques frayeurs au philosophe Pascal… Quant aux fameuses créatures extra-terrestres, si elles ne brillent pas par leur intelligence, leurs particularités physiques les font parfois luire sous la voûte étoilée voire vibrer jusqu’à muter en entités constituées d’ondes électriques et de photons. De la pure énergie… noire et extatique ! Une divine communion avec le cosmos à côté de laquelle l’Homme apparaît handicapé… Si l’on parvient à estimer l’ouvrage à sa juste valeur en s’abandonnant à ses sensations primitives, on pourrait envisager de capter ces rayons d’énergie noire venus des tréfonds de l’espace et d'en ressentir la puissante décharge visant – pour notre bien - à briser la carapace de nos certitudes et de notre insupportable ethnocentrisme, nous, effrayants prédateurs jamais rassasiés. Mais peut-être n’êtes-vous pas encore prêts à cet électrochoc graphique ? ll est même possible que vous détestiez tout simplement l’objet… mais si par contre, vous êtes séduits par l’ouvrage, vous serez vraisemblablement frustrés du format assez court comme je l’ai été… « Énergies noires », c’est avant tout un univers expérimental, un rien psychédélique, qui requiert la participation du lecteur, un univers à la fois menaçant et fascinant, sous-tendu par un esprit discrètement caustique. C’est aussi la découverte d’un auteur confidentiel mais original, pour ceux qui auraient manqué ses précédents opus, notamment "Et tu connaîtras l’univers et les dieux" paru il y a sept ans. Et pour paraphraser un des passages du livre, il est plausible que ce soit ce dernier qui vous ait choisi et non l’inverse… Vous voilà prévenus, mais attention, car cette énergie noire est pleine de surprises !
Le Sursis
Entre 3 et 4, mon cœur balance, mais le dessin m’entraîne vers l’arrondi supérieur. Quel travail graphique, c’est vraiment bluffant. Et autant le dire tout de suite, cette petite Cécile a une beauté pure, innocente, exquis! Je ne peux que comprendre notre Julien, ce héros malgré lui, prêt à croquer dans son corsage le fruit défendu. En dehors de l’esthétisme, je précise tout de suite que la relation entre les deux tourtereaux n’aura pas été mes préoccupations principales. Peut-être parce-qu'il n'y avait pas de quoi s'en préoccuper d'ailleurs... Cette histoire d'amour est alimentée depuis leur tendre enfance et continue à évoluer avec les évènements du village, sans prétention. Cette histoire n'est franchement pas une aventure. Plus précisément, il y a des aventuriers (dont Paul en est l'icône et Serge son opposant) mais on ne s’attarde pas franchement sur leurs actes. L’auteur a tenu à ce que l’on se concentre sur Julien et son village. Campeyrac est une commune calme, loin de la guerre, où le quotidien n’a pas été « trop » chamboulé. Nous suivons ce petit bonhomme, heureux de le voir se dépatouiller de ses petites péripéties égocentriques et superficielles. Il est entouré par un casting réduit mais bigrement efficace, donnant une photo complète de ce que devait être un village à cette époque : la plus belle femme du village qui atteint le cœur de chaque homme, un aubergiste, un curé, un SS, un communiste, un ivrogne joyeux et un résistant. Et puis tout ce beau monde se réunit bien souvent au café du village, le seul et unique. Le rendu est vraiment parfait Ce superbe dessin aux décors fouillés laissent peu de place à la guerre. Associé au jeu de couleurs chaud et doux, l'ambiance bucolique nous fait presque « oublier » que nous nous trouvons en pleine Occupation allemande. Mais l’auteur a parfaitement dosé ses piqûres de rappel pour nous faire retomber dans la réalité (l’intervention des allemands, les SS, les débats au café, Paul, la radio bien sûr…). J’en interprète l’idée que chaque village, même celui tenu le plus éloigné des batailles, regorge d’histoires locales singulières sur ses habitants à cette période... Pour ce qui est du scénario et des péripéties, c’est certainement là où le bât blesse pour moi comme pour d’autres je pense. On frôle parfois la niaiserie, et la légèreté laisse place à la futilité de temps en temps. Les phases de jalousie de Julien dans le tome 1, qui imagine des choses sur sa chère et tendre et qui se rend finalement compte d’avoir parlé trop vite, c’est un peu lourdingue. Son isolement peut l’amener à se construire des délires, mais bon je ne trouve pas ce genre de moments très intéressants… Également, il y a certains raccourcis. Mais ça aurait pu être bieeeen pire ! C’est presque honorable d’avoir réussi à ne pas virer vers une histoire à l’eau de rose. L’écriture doit y être pour quelque chose. Je la trouve vraiment agréable et bien construite. Les narrations sont intelligentes, la touche d’humour fait souvent son apparition et donne le sourire. Le héros a toujours un ton comique et joueur, ce qui nous permet de l’apprécier jusqu’à la fin. J’ai commencé par le dessin et je souhaite finir avec le dessin. Il est vraiment superbe. Et les personnages, s’ils n’ont pas une personnalité vraiment complexes ou nuancées, ont un rendu graphique incroyable. Mention spéciale pour Basile, qui se voit occuper de belles planches à la fin du tome 2. La note de 4/5 s’est confirmée en écrivant ma critique. Je retiens beaucoup plus le positif, même si cette BD n’est pas sans défauts et qu’elle pourra décevoir certains pour son manque de profondeur. Mais l’auteur nous offre là une belle histoire qui m’a permis de retourner dans les années ’40 avec joie, malgré tout...
Alice Guy
Ce n’est pas la première biographie que je lis de ce duo d’auteurs mais c’est avec un plaisir renouvelé que j’effectue ces lectures. José-Louis Bocquet et Catel Muller nous invitent ici à partager la destinée d’Alice Guy, personnage peu connu du grand public et pourtant une des actrices les plus déterminantes dans la naissance et la popularisation du cinéma. Et c’est toute une époque et toute une épopée que font revivre les deux auteurs au travers de la vie d’Alice ! Rien à faire, je suis directement tombé sous le charme. Pourtant la structure du récit est des plus conventionnelles : nous suivons Alice depuis sa naissance jusqu’à sa mort dans un ordre chronologique rigoureux. Le récit se découpe en de multiples chapitres de longueur variable (d’une page à une bonne trentaine de pages) et à la fin de chacun d’eux, je n’ai pu m’empêcher de me dire « allez, encore un et puis je fais une pause ». Résultat : un gros pavé lu en quelques heures sans que pause, il n’y ait eu. Ce récit est tellement vivant, tellement léger et instructif à la fois, drôle à l’occasion, incitant à réflexion à d’autres moments que je ressors de ma lecture amusé, touché et instruit. Que demander de plus ? Une bien belle évocation donc, d’une réalisatrice haute en couleurs (j’ai beaucoup aimé le discours féministe que, au travers de ses œuvres, elle faisait passer avec humour et sans avoir l’air d’y toucher) autant que des débuts du cinéma (j’ai été étonné par la multitude d’appareils lancés aux origines de l’image en mouvement).
421
Note : 3.5/5 L'intégrale publiée par Dupuis m'a permis de relire les premiers tomes de cette série que j'avais lue trop jeune à l'époque mais pour laquelle je gardais une certaine affection car j'y voyais de la bonne aventure franco-belge façon école Marcinelle mais avec un ton plus adulte que ce à quoi j'étais habitué dans ma jeunesse. En réalité, cette série semble se scinder en deux époques, ou du moins subir une évolution assez visible au fil des albums. Cela commence comme une série d'aventure et d'action relativement orientée vers la jeunesse, avec une bonne part d'humour. Le héros, Jim Plant, matricule 421, est une parodie de James Bond : plus attiré par les filles que par l'espionnage sérieux, il règle ses missions majoritairement à coups de bagarres et de courses-poursuites. Ce que j'aime dans ces premiers tomes de la série, c'est le graphisme de Maltaite qui est si similaire à celui de son père, Will, que j'adore (surtout pour la série Isabelle). On se croirait vraiment dans des albums de Tif et Tondu où ils joueraient les espions internationaux. Par contre, Jim Plant n'a pas le charisme de ces deux là : il parait trop vide, superficiel, trop orienté vers la drague et la bagarre. J'ai trouvé un certain problème de rythme à ces histoires qui ont certes la qualité de raconter beaucoup de choses mais qui se retrouvent à l'étroit dans leur format 48 pages et se racontent trop vite pour permettre à l'ambiance de se poser. En outre, il y a un décalage qui fonctionne assez mal entre le manque de sérieux du héros et de certains passages, et d'autres moments bien plus graves avec quelques morts violentes. Cela donne l'impression que les auteurs ne savaient pas bien sur quel pied danser entre série d'espionnage sérieuse et récit pour la jeunesse. La série change de ton à partir du tome 5. A compter de cet album, les récit prennent plus le temps de se poser et gagnent en maturité, tant dans la maitrise narrative que dans la tonalité des intrigues. Et c'est à partir de ces tomes là que la série devient vraiment bien pour moi. Le personnage de 421 reste assez peu attachant mais il devient plus crédible et surtout les aventures qu'il vit sont mieux menées, plus intéressantes et prenantes. Elles perdent en humour ce qu'elles gagnent en sérieux et en attrait. En outre, les auteurs se permettent quelques histoires sortant nettement des sentiers battus, comme Les Enfants de la Porte qui aborde les voyages temporels et surtout l'uchronie, sujet inexistant en BD à l'époque de sa parution, ou encore Les années de brouillard où 421 n'est plus le protagoniste principal mais le sujet lui-même d'une enquête. Cet album est d'ailleurs l'occasion pour les auteurs d'introduire celle qui deviendra plus ou moins la partenaire du héros dans les tomes suivants. En parallèle, le graphisme de Maltaite évolue lui aussi pour tendre vers son style personnel, plus adulte et réaliste que celui de Will, avec un peu moins charme à mes yeux mais que j'aime aussi beaucoup. Je conseillerais donc la série surtout à partir de son tome 5, même si les premiers sont également plutôt agréables à lire et permettent de découvrir le personnage dans ce qu'on pourrait presque considérer comme sa jeunesse, contrairement au ton plus adulte des tomes suivants.
L'Adoption
Voilà une BD que j’attends depuis… très longtemps. Non que je fus au courant du projet depuis ses débuts, mais plutôt par rapport à son sujet facial, l’adoption. Il s’agit d’un sujet complexe, casse-gueule, et parmi la foule des albums qui s’y sont intéressés de façon frontale, peu peuvent se targuer d’y avoir réussi, à part « Couleur de peau : miel » et « Un drôle de père » (sur un registre différent, cependant). Vous l’aurez compris, le sujet me tient à cœur, et je suis intransigeant quant au traitement que l’on fait de ce genre de sujet. Et Zidrou, comme il l’a prouvé avec Lydie, peut aborder des sujets lourds et graves, même s’il a débuté comme auteur « à gros nez », ceci écrit sans aucun sous-entendu négatif. J’ai TOUT aimé dans ce premier volet d’un diptyque. Le traitement de l’arrivée de l’enfant, pudique. L’apprivoisement mutuel de Qinaya et sa nouvelle famille, particulièrement ses grands-parents, entre retenue et chaleur. Les dialogues entre Gabriel et ses amis, ainsi qu’avec son épouse, d’un réalisme bluffant. Les situations compliquées entre Gabriel et son fils Alain, laissant entendre que leurs rapports vont être au cœur du tome 2. Les moments de silence, ces regards qui en disent long sur les pensées des protagonistes. On est à la place de Gabriel, ce bourru qui s’est installé dans une routine active depuis sa retraite et va peu à peu se laisser conquérir par ces grands yeux et ce petit minois venus du Pérou… Une adoption qui se passe bien, tout va bien madame la Marquise ? Non, parce que l’adoption internationale c’est compliqué (Zidrou ne s’attache d’ailleurs qu’à l’étape après l’arrivée de l’enfant), et derrière une histoire heureuse se cache parfois un drame. Le scénariste ne l’oublie pas, en saupoudre savamment son récit, avant de fermer ce premier volet sur un coup de théâtre fort bien amené. Le deuxième volet est très différent : Gabriel, dans l'après, est dans une forme de quête personnelle. Il est présent dans quasiment toutes les cases, dans un décor tout à fait différent. Zidrou réussit là encore à nous étonner, à placer son histoire sur des rails inattendus. La fin est encore une fois très émouvante, et finalement très logique, sans verser une seule seconde dans le sentimentalisme. Je suis le travail d’Arno Monin presque depuis ses débuts, et c’est un bonheur à chaque fois. Pour ce diptyque il a encore varié ses ambiances, musclé son encrage et son style rond et coloré fait des merveilles. Agréablement surpris par l'accueil public et critique du premier diptyque, les auteurs ont décidé de remettre le couvert pour un second diptyque, cette fois-ci avec comme sujet le petit Wajdi, réfugié de son Yémen natal, qui a fait 4 800 kilomètres pour fuir la guerre avec sa mère et sa soeur. Et se retrouver... seul. Zidrou ne montre -presque- rien de la vie d'avant de Wajdi, hormis les images qu'un enfant de 10 ans (au passage, il en paraît 5, ce qui m'a troublé tout au long de ma lecture) peut garder de l'enfer qu'il a traversé. La fin de l'album apporte un évènement inattendu, mais probablement inéluctable, qui va plonger la famille Guitry dans une situation très difficile. J'ai hâte de lire la suite et fin de ce deuxième diptyque. Arno Monin a encore une fois fait un travail formidable, particulièrement sur le jeune Wajdi, qui a un regard... inoubliable, et dont la gestuelle révèle le traumatisme qu'il a subi et subit encore au sein de cette famille qui ne le comprend pas, malgré toute sa bonne volonté. Et un entourage qui ne facilite pas les choses. J’aurais aimé écrire cette BD. Mais d’autres l’ont fait et bien fait, avec le respect, le recul et le talent nécessaires. Bravo !