Energies noires

Note: 3.67/5
(3.67/5 pour 3 avis)

Les mythes de la maison hantée et de l’enfant sauvage revisités avec le trait singulier de Jesse Jacobs et un humour caustique


Bichromie

Les livres de Jesse Jacobs inventent un écosystème régi par des lois physiques et biologiques inconnues. Créatures bizarres, objets maléfiques, Jesse Jacobs aime tordre les stéréotypes du fantastique devenus trop familiers. Reprenant deux récits courts initialement parus chez l’éditeur italien Hollow Press, cet opus constitue pour l'auteur une nouvelle occasion d’explorer et de détourner des thèmes classiques de la littérature. Entre mes murs suit un jeune couple en visite immobilière. Mais la maison qu’ils envisagent d’acheter le vit comme une intrusion et va leur jouer des tours pour leur montrer son hostilité. Variation sur le thème de la maison hantée, Entre mes murs adopte un point de vue radical : celui de la maison qui se venge de l’humanité et de son consumérisme destructeur. Relecture dark du mythe de l’enfant sauvage, le deuxième récit, Parmi les bêtes, relate l’histoire d’un enfant recueilli et élevé par des bêtes étranges mais attentionnées au milieu d’une lande inhospitalière. Après Safari lune de miel, Jesse Jacobs se fait de nouveau zoologiste et dépeint une espèce animale inconnue dont il nous donne à voir le cycle de vie et de reproduction, à la fois merveilleux et répugnant. Mais la simplicité de la vie du troupeau tranche avec la froideur de l’enfant. Les monstres ne sont peut-être pas ceux que l’on croit… Jesse Jacobs met son dessin méticuleux, géométrique et précis, au service de deux contes fleurant bon la noirceur et la misanthropie.

Scénario
Dessin
Traduction
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution 04 Octobre 2021
Statut histoire Histoires courtes (2 histoires) 1 tome paru

Couverture de la série Energies noires © Tanibis 2021
Les notes
Note: 3.67/5
(3.67/5 pour 3 avis)
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04/10/2021 | Blue boy
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L'avatar du posteur Noirdésir

Je découvre cet auteur avec cet album, et c’est une chouette découverte ! Comme toujours les éditions Tanibis font preuve d’originalité, et savent surprendre le lecteur. Lecteur qui doit être curieux et prêt à s’ouvrir à un univers inclassable, même si le fantastique domine. Mais c’est un fantastique imprégné d’absurde, de poésie, d’un certain surréalisme (une maison vivante qui « consomme » ceux qui la visitent, avec des meubles et objets tout aussi vivants, des planchers qui deviennent plafonds dans la première histoire (un couple visite une maison, guidé par une agente immobilière). La seconde histoire est tout aussi étrange, mais très différente. C’est une sorte de conte des origines, qui mêle certains aspects noirs et violents à une douceur et une innocence naïve, sous un ciel constellé, sur une planète primaire, un bébé vit au milieu de bêtes, raconte leur vie, la vie, jusqu’à une chute qui ne donne pas toutes les clés. Là aussi chouette histoire, avec un dessin et une intrigue minimalistes (une bichromie qui joue merveilleusement des contrastes entre le vert et le noir). A feuilleter avant d’acheter, car on est là éloigné du classique franco-belge. Mais les lecteurs curieux y trouveront de quoi alimenter leur imagination. Note réelle 3,5/5.

19/01/2022 (modifier)
Par doumé
Note: 3/5
L'avatar du posteur doumé

Une bd composée de 2 récits indépendants: "Entre mes murs" et "Parmi les bêtes", à chaque fois c'est une idée simple exploitée par Jesse Jacobs qui nous transporte dans ses mondes irréels. L'auteur nous compose 2 contes dans des univers fantastiques originaux, le style est très particulier avec des personnages variés. Les monstres ne sont pas toujours les plus cruels et les objets peuvent prendre vie avec des sentiments humains, l'auteur fait preuve de créativité pour donner vie à ses créatures. Un dessin est un noir et blanc composé essentiellement de noir pour le premier récit, avec juste un simple trait blanc entre chaque case. Les pages sont d'une noirceur qui donne une ambiance pesante à l'intérieur de la maison. Pour le deuxième récit, le style reste le même mais en utilisant le vert comme troisième couleur, les pages sont moins sombres mais pas le récit. Les deux récits sont courts et dynamiques, à chaque fois l'auteur nous fait plonger dans ses univers déroutants.

10/12/2021 (modifier)
Par Blue boy
Note: 4/5
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Ce modeste album de 64 pages, de facture très soignée, réunit deux histoires courtes de Jesse Jacobs, artiste canadien « spécialisé dans le dessin et l’estampe ». Celui-ci a déjà réalisé quatre bandes dessinées et réalise également « des illustrations pour des posters, skateboards ou pochettes de disques ». Et en effet, c’est ce qui distingue cet ouvrage caractérisé par une couverture envoûtante, extrêmement graphique, représentant des monstres qui réclament, que dis-je, exigent toute notre attention ! Les deux histoires (« Entre mes murs » et « Parmi les bêtes »), qui semblent avoir été conçues de l’autre côté du miroir, nous entraînent dans des mondes où tous nos repères familiers sont totalement bousculés, où les objets ont une vie propre, où les propriétés biologiques du vivant sont si étranges que l’on n’oserait même pas les imaginer dans l’une des galaxies peuplant notre univers, si innombrables soient-elles. Dans ces mondes parallèles, les maisons sont des pièges vivants et se vengent des humains en les engloutissant sur place. Les bébés à l’apparence humaine naissent orphelins et sont élevés par des créatures protéiformes assez effrayantes mais au fond pas si méchantes. Celles-ci sont dotées de caractéristiques uniques, leur permettant entre autres de se reproduire par dédoublement, à la manière des cellules microscopiques qui constituent le vivant au sein de notre macrocosme. Si irréels paraissent-ils, ces univers conçus par un cerveau qui semble avoir franchi, à l’aide de ses tout petits pieds, les portes de la perception, restent tout de même assez inquiétants, mais passés les premiers instants, on peut pourtant finir par les trouver très beaux dans leur poésie noire… Et peut-être pour nous y aider, Jesse Jacobs, ayant pitié de nous, pauvres chochottes qui avons tendance à surdramatiser les choses, nous concède quelques (rares) traits d’humour — noir cela va de soi. Et dans tout ça, l’humain n’en ressort pas grandi, c’est le moins qu’on puisse dire. Parce que ces monstres, au final, s’avèrent bien plus fréquentables, et s’ils nous déplaisent, ce n’est peut-être pas tant à cause de leur apparence rebutante mais plutôt à cause du miroir peu flatteur qu’ils nous tendent. Si « Entre mes murs » se restreint au noir et blanc, ou plutôt à un peu de blanc sur fond noir, « Parmi les bêtes » introduit un vert électrique dans une ambiance d’outre-espace peu rassérénante. Le tout dégage une beauté obscure parfois proche de l’abstraction, qui n’aurait pas manqué de donner quelques frayeurs au philosophe Pascal… Quant aux fameuses créatures extra-terrestres, si elles ne brillent pas par leur intelligence, leurs particularités physiques les font parfois luire sous la voûte étoilée voire vibrer jusqu’à muter en entités constituées d’ondes électriques et de photons. De la pure énergie… noire et extatique ! Une divine communion avec le cosmos à côté de laquelle l’Homme apparaît handicapé… Si l’on parvient à estimer l’ouvrage à sa juste valeur en s’abandonnant à ses sensations primitives, on pourrait envisager de capter ces rayons d’énergie noire venus des tréfonds de l’espace et d'en ressentir la puissante décharge visant – pour notre bien - à briser la carapace de nos certitudes et de notre insupportable ethnocentrisme, nous, effrayants prédateurs jamais rassasiés. Mais peut-être n’êtes-vous pas encore prêts à cet électrochoc graphique ? ll est même possible que vous détestiez tout simplement l’objet… mais si par contre, vous êtes séduits par l’ouvrage, vous serez vraisemblablement frustrés du format assez court comme je l’ai été… « Énergies noires », c’est avant tout un univers expérimental, un rien psychédélique, qui requiert la participation du lecteur, un univers à la fois menaçant et fascinant, sous-tendu par un esprit discrètement caustique. C’est aussi la découverte d’un auteur confidentiel mais original, pour ceux qui auraient manqué ses précédents opus, notamment "Et tu connaîtras l’univers et les dieux" paru il y a sept ans. Et pour paraphraser un des passages du livre, il est plausible que ce soit ce dernier qui vous ait choisi et non l’inverse… Vous voilà prévenus, mais attention, car cette énergie noire est pleine de surprises !

04/10/2021 (modifier)