Trif continue sa série de reprise de contes chez Tabou, en allant piocher du côté oriental cette fois-ci. Et, comme expliqué en dos d'album (et comme l'auteur me l'a expliqué lors d'une séance de dédicace), il s'attache tout particulièrement à ces histoires moins connues du répertoire des mille et une nuits, à caractère érotique mais toujours attachées à cette fameuse morale traversant les contes des mille et une nuit : le pardon, la rédemption, l'apprentissage.
Si l'idée est louable, je trouve que Trif est moins inspiré lorsqu'il est dans sa veine sérieuse que lorsqu'il joue avec l'humour. Cela reste un volume assez bien fichu, l'auteur s'y entendant à faire des scènes dénudées (presque un peu trop à mon goût, on perd le charme de se dévoiler en montrant trop). Je regrette qu'à la quatrième série, l'auteur n'ait pas réellement varié son dessin et les corps féminins semblent très proches de ceux des autres séries, les couleurs différentes. C'est assez sensible dans les corps masculins aussi.
Mais pour le reste, je suis ravi de découvrir des contes plus érotiques que ceux qu'on nous lisait enfant, et j'aime beaucoup la façon dont cette Bd se veut un pied de nez léger à l'obscurantisme et au rétrograde, qui entendent dicter à tout un chacun la façon de vivre. Rappelons-nous que les histoires que l'on s'échangeait pendant des centaines d'années ont été autant érotiques que fantastiques. Que le sexe n'est pas seulement du domaine du privé, mais que dans l'espace public il y avait aussi quelques espaces pour lui. Rien que pour cela, on peut apprécier cette série en devenir et qui ose nous sortir des contes plus méconnus pour notre plus grand plaisir. Pas indispensable, mais un petit opus appréciable !
Mise à jour après le tome 2 :
Ce deuxième tome apporte deux nouvelles histoires, qui étaient inconnues de ma part, extraites des Mille et une nuits. Et le moins que l'on puisse dire est que les deux contes sont originaux ! En tout cas, je n'en avais jamais entendu parler, ni dans cette mouture ni dans une version changée, comme cela arrive souvent (la tradition orale et populaire change souvent un conte en multiples versions). Bref, j'ai beaucoup aimé la découverte de ces histoires assez nouvelles. On est toujours dans de l'érotisme soft, pas vraiment le genre fait pour se rincer l’œil mais plutôt pour lire une BD sans Tabou (désolé du jeu de mot).
Ce diptyque est une nouvelle réussite de l'auteur, selon moi. Sa façon de faire est constante, et la surprise n'est pas forcément au rendez-vous dans le traitement (même si je ne connaissais pas les histoires présentées), mais Trif arrive à faire quelque chose de très plaisant à lire, avec une volonté de transmettre les messages des contes : le pardon, la découverte d'autrui, l'acceptation de nos propres failles, etc ... Le tout enrobé dans un érotisme relativement soft, bref une BD qui a de réelles qualités et qui me plait beaucoup. Trif est décidément un auteur à suivre dans les éditions Tabou, que je ne peux que féliciter pour ces collections décidément toutes plus intéressantes les unes que les autres !
Et béh, c’est pas mal du tout, limite franchement bien, cette petite histoire.
Critique acerbe du milieu du cinéma, elle nous propose de suivre un couple de scénaristes dans leur quête d’argent, d’acteurs et de réalisateurs pour la réalisation de leur scénario. Ces deux personnages sont détestables à plus d’un point de vue : hypocrites, menteurs, manipulateurs, pleurnicheurs mais parfaits loosers, ils parviendront toutefois à leurs fins.
Le ton est gentiment mordant et le trait caricatural d’Hervé Bourhis convient parfaitement à cette farce. L’album se lit donc rapidement et avec plaisir. Les dialogues sont entrainants, la mise en scène est dynamique et ces personnages fictifs ne peuvent qu’en rappeler certains existants (la jeune chanteuse/influenceuse/actrice, la vieille actrice sur le retour, le réalisateur has been prêt à accepter n’importe quel projet, etc…)
Je suis loin d’être un spécialiste du milieu du cinéma et ne saurais dire si ce qui est décrit ici est franchement exagéré ou non, mais le milieu n’en sort clairement pas grandi. On est, je l'espère, dans la caricature au vitriol, cependant les différents profils parleront à beaucoup et, en cela, on peut dire que l'album fonctionne parfaitement.
Aux trois quarts du récit, celui-ci prend une direction inattendue pour un final assez jouissif avant une ultime pirouette qui permet de finir sinon sur un happy end du moins sur une fin plus moralisatrice.
Franchement, je me suis bien amusé. Je ne crie pas au génie mais dons son genre, cet album est plus que bien fait.
Go West young man, c'est un rêve de gosse, un rêve de fan de BD et de Western qui imaginait réunir dans un même album les plus grands dessinateurs de BD Western. Tiburce Oger a réussi à réunir ici 16 dessinateurs pour un album de plus de 100 pages parcourant la légende l'Ouest Américain du 18e aux débuts du 20e siècle. Il s'agit dans la grande majorité de dessinateurs ayant déjà œuvré sur des séries Western à succès. Pour citer le scénariste, c'est comme si étaient réunis dans un même film John Wayne, Clint Eastwood, Gary Cooper et consorts.
Par le biais de 14 histoires courtes de deux à neuf pages, nous allons suivre le parcours d'une montre à gousset en or depuis l'époque des guerres entre Anglais et Indiens des Grands Lacs au milieu du 18e siècle jusqu'à la Grande Dépression des années 1930. Avec elle, nous allons être transportés aux quatre coins de l'Ouest Américain, de la frontière Canadienne au Mexique, de le Pennsylvanie à la Californie. Et en chaque lieu, chaque époque, nous découvrirons un contexte différent, permettant de ressentir l'évolution du monde américain au cours de ces années, de croiser de près ou de loin la route de lieux, d'entités et de personnages célèbres, avec toujours à cœur de montrer une vision authentique et historiquement juste de ces époques.
J'ai adoré cette idée de mêler ainsi de grands noms du dessin de la BD Western et qu'ils aient accepté de collaborer dans une œuvre unique. J'apprécie d'autant plus qu'il ne s'agit pas d'un classique recueil d'histoires courtes indépendantes avec leurs plus et leurs moins mais bien d'une grande saga, certes composée d'épisodes avec chacun un début et une fin, mais bel et bien liés les uns aux autres par une même ligne rouge et où l'on retrouve au fur et à mesure des éléments des épisodes précédents, et bien sûr le parcours de cette fameuse montre.
J'ai adoré de voir ainsi réunis de tels talents graphiques. Chaque auteur apporte son propre univers visuel, rappelant immédiatement les œuvres par lesquels ils se sont rendus célèbres et s'insérant en même temps très bien dans cet ensemble harmonieux. Le scénariste a en outre fait le choix d'adapter chaque histoire au dessinateur qui s'en chargerait de manière à se rapprocher au maximum de leurs préférences et de leur état d'esprit respectifs.
Tous les styles graphiques ici réunis ne me plaisent pas autant les uns que les autres, mais la très grande majorité est superbe et dégage une formidable atmosphère visuelle qui plonge aussitôt le lecteur dans les décors dépaysants de l'Ouest profond. J'aurais envie de citer les planches des auteurs que je préfère mais ce serait négliger les autres car aucun ne démérite : c'est un très bel ensemble. Et j'aime vraiment le fait de retrouver les pattes et les univers graphiques de ces auteurs qui me replongent dans les souvenirs de leurs œuvres Western respectives, ce qui donne ainsi une profondeur accrue à l'album puisqu'en plus de cette longue saga s'y raccrochent inconsciemment toutes celles de ces autres BD que l'on a lues auparavant.
Chacune de ces histoires est plaisante. Leur cadre est très différent la plupart du temps et permet d'aborder différents sujets et ambiances, comme un grand panorama de l'histoire de la conquête de l'Ouest américain. Le ton se veut très authentique et aborde de manière crue la dureté de cette époque, la face sombre de la légende américaine, et l'humanité des hommes mais aussi des femmes qui l'ont bâtie. S'il fallait faire un léger reproche, ce serait le réalisme pessimiste voire lugubre de beaucoup de ces histoires, car la mort y est presque toujours présente et la tragédie y a des côtés désespérants par moment. Cela s'explique bien sûr par le fait que chaque histoire est un passage de relais de la montre vers un nouveau propriétaire, et celui-ci se solde souvent par la mort du propriétaire précédent, même si on avait pu s'y attacher dans l'épisode précédent. Mais pour qui espérait une plongée pleine d'exotisme dans un Western qui donne envie de vivre l'aventure, il y a de quoi être un peu refroidi par cette dure vision de la réalité.
C'est surtout la combinaison de l'ensemble de ces histoires et le panorama global qu'elles construisent qui fait la force du scénario ici.
Et pour qui aime le Western, l'esprit pionnier et aventureux de l'Ouest américain dans toute sa rigueur historique, et surtout pour qui aime le style graphique de ces nombreux auteurs de renom, il y a de quoi être très enthousiasmé par cet album.
Je n’étais pas un grand fan de Goldorak mais j’appréciais toujours de regarder un de ses épisodes animés les mercredi après-midi sur l’émission Récré A2 avec l’animatrice Dorothée (Que de souvenirs !). J’adorais surtout ces moments lorsque Goldorak se décrochait de son vaisseau et lorsqu‘Actarus s’installait sur son siège pour rejoindre le cockpit (ah le fameux demi-tour !).Je ne sais pas si c’est en regardant ce dessin animé qu’est née indirectement ma passion pour le dessin industriel mais ça a certainement dû y contribuer !
Lorsque j’ai su qu’une équipe de dessinateurs/scénaristes avait eu le feu vert pour réaliser un album bd de Goldorak, je me suis précipité sur les visuels des premières planches/essais disponibles sur le web et là, j’ai été tout de suite séduit par le découpage des scènes et son aspect graphique (belle colorisation !).
Bon, maintenant que j’ai l’ouvrage entre mes mains, mes craintes d’un scénario simpliste pas adapté à notre génération qui a bien vieilli depuis se sont assez rapidement dissipées. En effet, ce récit qui se passe 10 après la victoire d’Actarus et de ses amis contre les Golgoths s’inscrit bien sur les problématiques de notre époque (écologie, pénurie de matières premières, individualisme/sens de l’engagement collectif, immigration, etc…) et la trame se révèle bien plus complexe que je ne le pensais. Ainsi, les jeunes lecteurs devraient également prendre du plaisir à lire cet album d’autant plus que l’aspect graphique m’est apparu excellent.
Il y a eu un gros travail de réalisation sur cet album, ce n’est guère étonnant quand on regarde le nom des auteurs qui y ont participé. Ainsi, on retrouve des concepteurs qui ont depuis fait leurs preuves sur des projets personnels. Le résultat donne un ouvrage très plaisant à contempler, moderne surtout sur le traitement des couleurs dont le coloriste, Yoann Guillo, a évité d’utiliser des aplats originels, et respectueux du dessin animé.
Doté d’un scénario plus que correct qui surfe sur l’actualité, cet album hommage à un dessin animé culte des années 80 se révèle très plaisant à feuilleter. Il devrait autant plaire aux jeunes lecteurs qu’à l’ancienne génération. En lisant cette bande dessinée, j’ai ressenti l’enthousiasme des auteurs à le concevoir et au final, j’y ai passé un très bon moment de lecture, merci à eux !
Je crois que je pourrais copier mot pour mot l’avis de Ro, tant j’ai eu les mêmes ressentis à la lecture de cet album. Mais, contrairement à lui, et même si je n’ai pas non plus tout compris vers la fin, je laisse cela de côté et suis prêt à laisser une part d’incertain. Du coup j’arrondis à l’étoile supérieure (note réelle 3,5/5).
Pour le reste, après un tout petit temps d’adaptation, je suis rentré facilement dans cette histoire légère, planante, qui se développe au gré d’un rare texte, de quelques femmes, dans un coin paumé d’un coin paumé d’Amérique. C’est une affaire d’ambiance essentiellement je trouve.
Je n’apprécie pas trop d’habitude l’effacement des traits des visages. Mais ici, étrangement, c’est passé, cela fait partie de cette ambiance. Et, surtout, ça colle très bien avec le côté graphique, que j’ai vraiment beaucoup aimé, avec, outre des visages « vides », un aspect géométrique, et des couleurs à la fois sombres et tranchées, qui m’ont fait penser au travail de Piningre (dans J'ai rarement vu ça ! par exemple).
Les jeunes femmes – qui toutes se cherchent, expriment une sorte de mal être, une soif « d’autre chose », qu’elles cherchent dans les livres, dans le corps d’un autre (il est question de déguisement, de cosplay), dans les rêves des autres (comme cette démone qui propose d’exaucer un vœu), ont une façon à la fois désespérée et envoûtante de s’exprimer. Moins nihilistes que l’on pourrait s’y attendre, elles expriment aussi une sorte de refus du passage à l’âge adulte, ou alors les difficultés de trouver sa place dans une société qu’elles ont du mal à voir clairement. Et qui nous est d’ailleurs cachée, puisqu’on ne croise pas d’autres personnages, que les décors sont quasi vides, y compris dans la forêt dans laquelle elles se retrouvent, y compris dans la librairie où elles ont fait connaissance. Quant à la femme fantôme vaguement ensanglantée qui rode, je n’ai su lui trouver d’explication.
Bref, un album intriguant, surprenant, beau, qui ne livre pas tous ses secrets, mais pour lequel j’accepte de ne pas tout comprendre, tant sa lecture m’a de toute façon plu.
Jours de sable raconte le reportage d'un jeune photographe débutant au cœur du 'dust bowl' une région américaine ravagée par des tempêtes de sable et de poussière provoquées par une surexploitation des terres. On est dans les années 1930, le directeur du journal qui envoie le photographe veut du sensationnel, des maisons abandonnées, des orphelins, des familles qui ont faim et fuient les lieux. Ca fait penser à Steinbeck bien sûr. Le photographe est un gamin et fait quelques maladresses de communication. C'est un poil larmoyant et bien pensant, mais aussi bien raconté et bien illustré. Un one-shot épais mais d'une lecture pas si longue car il y a beaucoup de grandes cases et de belles images sans texte.
Dargaud publie ici un recueil des dessins de Pétillon parus dans le Canard Enchainé, lui qui y a trainé quelques temps sa vision caustique de la société.
Si l'ensemble est inégal et forcément un peu daté pour certains sujets, je l'ai trouvé intéressant, car l'humour de Pétillon, sans être hilarant, est globalement réussi. Il pointe très bien par sa dérision et son humour gentiment noir les travers des médias, de l'actualité et des dirigeants politiques.
Surtout, au lieu d'apparaitre dans l'ordre chronologique de leur publication dans le journal, ils sont déclinés dans un ordre alphabétique. Si cela fait peut-être perdre une certaine cohérence, cela a le mérite d'éviter au lecteur toute lassitude, les sujets se succédant dans leur grande variété.
Un dessin épuré et efficace (conditions nécessaires pour trouver sa place dans la presse, en particulier au Canard enchainé, qui s'est fait une spécialité de ce genre de choses), et une petite relecture de ces dernières années, voilà un album qui mérite un petit coup d'oeil, même si une lecture par petites tranches est à privilégier.
Note réelle 3,5/5.
Cette bd est née le 4 août 2018 avec le ressenti de Thierry Martin de lâcher prise. Pour cela il va publier un dessin par jour sur son Instagram et de fil en aiguille ses deux cents dessins vont former ce magnifique album.
Nous avons là un bel objet au format italien, lequel vient se glisser dans un superbe étui et ainsi pouvoir se placer sans problème sur une étagère de la bibliothèque.
Une narration faite d'un dessin par planche qui aide à s'imprégner de cette atmosphère pesante qui suinte tout le long du récit.
Une narration muette qui accentue cette sensation de grand vide de la forêt enneigée.
Scénario bâti au fil de l'eau mais qui tient la route. Une traque Impitoyable et violente sous forme de vengeance.
Passons au point fort de ce one shot : le dessin. Un trait gras, tantôt fouillé tantôt minimaliste mais d'une beauté à couper le souffle. Un noir et blanc sublimé par des tons bleus/gris. Un noir crasseux.
La forêt est lugubre et sauvage.
Les visages semi-caricaturaux sont expressifs. Les personnages ont des gueules à faire peur. Il s'en dégage une force émotionnelle.
Bref, je suis là, caché derrière un arbre à regarder impuissant cette tragédie.
Une lecture rapide mais j'en ai pris plein les yeux avec de nombreux arrêts sur images.
Il y a du Le Rapport de Brodeck dans cette bd.
Je ne peux que vous recommander ce voyage au fin fond d'une forêt où le silence règne
L'univers des super héros ne m'est pas familier et ne m'attire a priori pas. Mais je suis tombée par hasard sur les avis précédents, émis par des personnes qui me semblent avoir très bon goût. En plus, la légende arthurienne s'immisce dans l'affaire. La couverture est jolie, au vu de la galerie la dame n'a pas l'air du genre docile, elle me plaît bien... Du coup, je me lance.
Ehhh bien cet opus n'est pas mal du tout. On ne peut pas nier, il y a de l'action, ça décapite à tout va, ça saigne, ça gicle, c'est réussi. L'histoire ne déroge pas à la règle de l'antagonisme du bien et du mal mais est menée plutôt avec brio, avec l'action qui avance crescendo. J'aurais bien aimé quand même avoir un peu plus de détails sur les différentes créatures de l'histoire, comment elles en sont arrivées à se retrouver là. Ça m'a laissée un peu sur ma faim, j'aurais voulu que ce soit un peu plus développé, il y avait de quoi faire à mon avis.
Moi qui ai toujours en tête le cliché du gars timoré en costume mais qui se dote d'yeux laser dès qu'il enfile son slip par dessus son collant, j'avoue que là, ça change et ça me donne un peu l'envie d'explorer un peu plus avant cet univers. J'espère que les auteurs en ont fait d'autres du même tonneau, j'aime bien le dessin en plus...
J'hésite entre 3 et 4 étoiles. Allez, va pour 4.
Cet album est un bel hommage au chef d’entreprise que fût Louis Renault et une de ses principales qualités est de remettre en perspective les prises de décision de l’époque. Il est en effet toujours facile de juger a posteriori le comportement de tel ou tel personnage, aussi j’apprécie particulièrement le fait que les auteurs glissent une phrase du genre « Ce pacifisme forcené, inconscient si l’on songe aux horreurs à venir, c’est celui d’une génération qui se souvient trop bien de la première guerre mondiale et qui ne conçoit rien de plus invraisemblable que de repartir au combat. » Cette phrase ne concerne pas spécialement Louis Renault mais elle symbolise à mes yeux l’état d’esprit des auteurs au moment de la réalisation de cet album : s’abstenir de juger a posteriori mais relater les faits et les comportements, justes ou discutables, en se remémorant le contexte de l’époque.
La vie de Louis Renault nous est alors détaillée au travers de chapitres chronologiques qui s’étalent de ses débuts jusqu’à sa mort. Les premières courses, la mise en place du Taylorisme, la première guerre mondiale, la rivalité avec Citroën durant l’entre-deux-guerres, les heures sombres de l’occupation allemande et les premiers signes de perte du langage, et enfin la prison, la sénilité et la mort. Et à la lecture de cet album, on ne peut qu’être admiratif devant ce chef d’entreprise, visionnaire et déterminé, véritable self-made-man qui, à force de vouloir tout contrôler, n’aura jamais d’ami fidèle. Cet homme nous est montré avec ses défauts (car les auteurs ne les occultent pas) et cette biographie n’est pas sans nuance. C’est sans doute ce qui la rend encore plus juste à mes yeux, et plus respectueuse de l’homme et de son œuvre.
Au niveau du dessin, Benéteau assure un travail soigné. La mise en page est variée, les personnages sont bien typés et me semblent ressemblants pour le peu que je les connaisse. Par ailleurs la passion du dessinateur pour le domaine automobile assure à ces planches un supplément d’envie. On est à l’opposé d’une œuvre de commande mais bien devant un album réalisé par choix.
Au niveau de la narration, j’ai beaucoup apprécié le parti-pris de chercher à cerner Louis Renault en donnant la parole à des personnes qui l’ont côtoyé. Un narrateur différent par chapitre apporte ainsi un éclairage différent sur le personnage. Cette manière de procéder dynamise le récit alors même que la somme d’informations est énorme ! Pour qui s’intéresse au sujet, c’en devient passionnant.
Le dernier chapitre m’a ému tant j’y ai vu une volonté de rendre justice à un homme qui n’aura jamais été commode mais qui me semble avoir été cohérent et honnête dans ses choix… voire même quelqu’un de juste.
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Les Mille et une Nuits (Trif)
Trif continue sa série de reprise de contes chez Tabou, en allant piocher du côté oriental cette fois-ci. Et, comme expliqué en dos d'album (et comme l'auteur me l'a expliqué lors d'une séance de dédicace), il s'attache tout particulièrement à ces histoires moins connues du répertoire des mille et une nuits, à caractère érotique mais toujours attachées à cette fameuse morale traversant les contes des mille et une nuit : le pardon, la rédemption, l'apprentissage. Si l'idée est louable, je trouve que Trif est moins inspiré lorsqu'il est dans sa veine sérieuse que lorsqu'il joue avec l'humour. Cela reste un volume assez bien fichu, l'auteur s'y entendant à faire des scènes dénudées (presque un peu trop à mon goût, on perd le charme de se dévoiler en montrant trop). Je regrette qu'à la quatrième série, l'auteur n'ait pas réellement varié son dessin et les corps féminins semblent très proches de ceux des autres séries, les couleurs différentes. C'est assez sensible dans les corps masculins aussi. Mais pour le reste, je suis ravi de découvrir des contes plus érotiques que ceux qu'on nous lisait enfant, et j'aime beaucoup la façon dont cette Bd se veut un pied de nez léger à l'obscurantisme et au rétrograde, qui entendent dicter à tout un chacun la façon de vivre. Rappelons-nous que les histoires que l'on s'échangeait pendant des centaines d'années ont été autant érotiques que fantastiques. Que le sexe n'est pas seulement du domaine du privé, mais que dans l'espace public il y avait aussi quelques espaces pour lui. Rien que pour cela, on peut apprécier cette série en devenir et qui ose nous sortir des contes plus méconnus pour notre plus grand plaisir. Pas indispensable, mais un petit opus appréciable ! Mise à jour après le tome 2 : Ce deuxième tome apporte deux nouvelles histoires, qui étaient inconnues de ma part, extraites des Mille et une nuits. Et le moins que l'on puisse dire est que les deux contes sont originaux ! En tout cas, je n'en avais jamais entendu parler, ni dans cette mouture ni dans une version changée, comme cela arrive souvent (la tradition orale et populaire change souvent un conte en multiples versions). Bref, j'ai beaucoup aimé la découverte de ces histoires assez nouvelles. On est toujours dans de l'érotisme soft, pas vraiment le genre fait pour se rincer l’œil mais plutôt pour lire une BD sans Tabou (désolé du jeu de mot). Ce diptyque est une nouvelle réussite de l'auteur, selon moi. Sa façon de faire est constante, et la surprise n'est pas forcément au rendez-vous dans le traitement (même si je ne connaissais pas les histoires présentées), mais Trif arrive à faire quelque chose de très plaisant à lire, avec une volonté de transmettre les messages des contes : le pardon, la découverte d'autrui, l'acceptation de nos propres failles, etc ... Le tout enrobé dans un érotisme relativement soft, bref une BD qui a de réelles qualités et qui me plait beaucoup. Trif est décidément un auteur à suivre dans les éditions Tabou, que je ne peux que féliciter pour ces collections décidément toutes plus intéressantes les unes que les autres !
Animal social club
Et béh, c’est pas mal du tout, limite franchement bien, cette petite histoire. Critique acerbe du milieu du cinéma, elle nous propose de suivre un couple de scénaristes dans leur quête d’argent, d’acteurs et de réalisateurs pour la réalisation de leur scénario. Ces deux personnages sont détestables à plus d’un point de vue : hypocrites, menteurs, manipulateurs, pleurnicheurs mais parfaits loosers, ils parviendront toutefois à leurs fins. Le ton est gentiment mordant et le trait caricatural d’Hervé Bourhis convient parfaitement à cette farce. L’album se lit donc rapidement et avec plaisir. Les dialogues sont entrainants, la mise en scène est dynamique et ces personnages fictifs ne peuvent qu’en rappeler certains existants (la jeune chanteuse/influenceuse/actrice, la vieille actrice sur le retour, le réalisateur has been prêt à accepter n’importe quel projet, etc…) Je suis loin d’être un spécialiste du milieu du cinéma et ne saurais dire si ce qui est décrit ici est franchement exagéré ou non, mais le milieu n’en sort clairement pas grandi. On est, je l'espère, dans la caricature au vitriol, cependant les différents profils parleront à beaucoup et, en cela, on peut dire que l'album fonctionne parfaitement. Aux trois quarts du récit, celui-ci prend une direction inattendue pour un final assez jouissif avant une ultime pirouette qui permet de finir sinon sur un happy end du moins sur une fin plus moralisatrice. Franchement, je me suis bien amusé. Je ne crie pas au génie mais dons son genre, cet album est plus que bien fait.
Go West young man
Go West young man, c'est un rêve de gosse, un rêve de fan de BD et de Western qui imaginait réunir dans un même album les plus grands dessinateurs de BD Western. Tiburce Oger a réussi à réunir ici 16 dessinateurs pour un album de plus de 100 pages parcourant la légende l'Ouest Américain du 18e aux débuts du 20e siècle. Il s'agit dans la grande majorité de dessinateurs ayant déjà œuvré sur des séries Western à succès. Pour citer le scénariste, c'est comme si étaient réunis dans un même film John Wayne, Clint Eastwood, Gary Cooper et consorts. Par le biais de 14 histoires courtes de deux à neuf pages, nous allons suivre le parcours d'une montre à gousset en or depuis l'époque des guerres entre Anglais et Indiens des Grands Lacs au milieu du 18e siècle jusqu'à la Grande Dépression des années 1930. Avec elle, nous allons être transportés aux quatre coins de l'Ouest Américain, de la frontière Canadienne au Mexique, de le Pennsylvanie à la Californie. Et en chaque lieu, chaque époque, nous découvrirons un contexte différent, permettant de ressentir l'évolution du monde américain au cours de ces années, de croiser de près ou de loin la route de lieux, d'entités et de personnages célèbres, avec toujours à cœur de montrer une vision authentique et historiquement juste de ces époques. J'ai adoré cette idée de mêler ainsi de grands noms du dessin de la BD Western et qu'ils aient accepté de collaborer dans une œuvre unique. J'apprécie d'autant plus qu'il ne s'agit pas d'un classique recueil d'histoires courtes indépendantes avec leurs plus et leurs moins mais bien d'une grande saga, certes composée d'épisodes avec chacun un début et une fin, mais bel et bien liés les uns aux autres par une même ligne rouge et où l'on retrouve au fur et à mesure des éléments des épisodes précédents, et bien sûr le parcours de cette fameuse montre. J'ai adoré de voir ainsi réunis de tels talents graphiques. Chaque auteur apporte son propre univers visuel, rappelant immédiatement les œuvres par lesquels ils se sont rendus célèbres et s'insérant en même temps très bien dans cet ensemble harmonieux. Le scénariste a en outre fait le choix d'adapter chaque histoire au dessinateur qui s'en chargerait de manière à se rapprocher au maximum de leurs préférences et de leur état d'esprit respectifs. Tous les styles graphiques ici réunis ne me plaisent pas autant les uns que les autres, mais la très grande majorité est superbe et dégage une formidable atmosphère visuelle qui plonge aussitôt le lecteur dans les décors dépaysants de l'Ouest profond. J'aurais envie de citer les planches des auteurs que je préfère mais ce serait négliger les autres car aucun ne démérite : c'est un très bel ensemble. Et j'aime vraiment le fait de retrouver les pattes et les univers graphiques de ces auteurs qui me replongent dans les souvenirs de leurs œuvres Western respectives, ce qui donne ainsi une profondeur accrue à l'album puisqu'en plus de cette longue saga s'y raccrochent inconsciemment toutes celles de ces autres BD que l'on a lues auparavant. Chacune de ces histoires est plaisante. Leur cadre est très différent la plupart du temps et permet d'aborder différents sujets et ambiances, comme un grand panorama de l'histoire de la conquête de l'Ouest américain. Le ton se veut très authentique et aborde de manière crue la dureté de cette époque, la face sombre de la légende américaine, et l'humanité des hommes mais aussi des femmes qui l'ont bâtie. S'il fallait faire un léger reproche, ce serait le réalisme pessimiste voire lugubre de beaucoup de ces histoires, car la mort y est presque toujours présente et la tragédie y a des côtés désespérants par moment. Cela s'explique bien sûr par le fait que chaque histoire est un passage de relais de la montre vers un nouveau propriétaire, et celui-ci se solde souvent par la mort du propriétaire précédent, même si on avait pu s'y attacher dans l'épisode précédent. Mais pour qui espérait une plongée pleine d'exotisme dans un Western qui donne envie de vivre l'aventure, il y a de quoi être un peu refroidi par cette dure vision de la réalité. C'est surtout la combinaison de l'ensemble de ces histoires et le panorama global qu'elles construisent qui fait la force du scénario ici. Et pour qui aime le Western, l'esprit pionnier et aventureux de l'Ouest américain dans toute sa rigueur historique, et surtout pour qui aime le style graphique de ces nombreux auteurs de renom, il y a de quoi être très enthousiasmé par cet album.
Goldorak
Je n’étais pas un grand fan de Goldorak mais j’appréciais toujours de regarder un de ses épisodes animés les mercredi après-midi sur l’émission Récré A2 avec l’animatrice Dorothée (Que de souvenirs !). J’adorais surtout ces moments lorsque Goldorak se décrochait de son vaisseau et lorsqu‘Actarus s’installait sur son siège pour rejoindre le cockpit (ah le fameux demi-tour !).Je ne sais pas si c’est en regardant ce dessin animé qu’est née indirectement ma passion pour le dessin industriel mais ça a certainement dû y contribuer ! Lorsque j’ai su qu’une équipe de dessinateurs/scénaristes avait eu le feu vert pour réaliser un album bd de Goldorak, je me suis précipité sur les visuels des premières planches/essais disponibles sur le web et là, j’ai été tout de suite séduit par le découpage des scènes et son aspect graphique (belle colorisation !). Bon, maintenant que j’ai l’ouvrage entre mes mains, mes craintes d’un scénario simpliste pas adapté à notre génération qui a bien vieilli depuis se sont assez rapidement dissipées. En effet, ce récit qui se passe 10 après la victoire d’Actarus et de ses amis contre les Golgoths s’inscrit bien sur les problématiques de notre époque (écologie, pénurie de matières premières, individualisme/sens de l’engagement collectif, immigration, etc…) et la trame se révèle bien plus complexe que je ne le pensais. Ainsi, les jeunes lecteurs devraient également prendre du plaisir à lire cet album d’autant plus que l’aspect graphique m’est apparu excellent. Il y a eu un gros travail de réalisation sur cet album, ce n’est guère étonnant quand on regarde le nom des auteurs qui y ont participé. Ainsi, on retrouve des concepteurs qui ont depuis fait leurs preuves sur des projets personnels. Le résultat donne un ouvrage très plaisant à contempler, moderne surtout sur le traitement des couleurs dont le coloriste, Yoann Guillo, a évité d’utiliser des aplats originels, et respectueux du dessin animé. Doté d’un scénario plus que correct qui surfe sur l’actualité, cet album hommage à un dessin animé culte des années 80 se révèle très plaisant à feuilleter. Il devrait autant plaire aux jeunes lecteurs qu’à l’ancienne génération. En lisant cette bande dessinée, j’ai ressenti l’enthousiasme des auteurs à le concevoir et au final, j’y ai passé un très bon moment de lecture, merci à eux !
Nuit couleur larme
Je crois que je pourrais copier mot pour mot l’avis de Ro, tant j’ai eu les mêmes ressentis à la lecture de cet album. Mais, contrairement à lui, et même si je n’ai pas non plus tout compris vers la fin, je laisse cela de côté et suis prêt à laisser une part d’incertain. Du coup j’arrondis à l’étoile supérieure (note réelle 3,5/5). Pour le reste, après un tout petit temps d’adaptation, je suis rentré facilement dans cette histoire légère, planante, qui se développe au gré d’un rare texte, de quelques femmes, dans un coin paumé d’un coin paumé d’Amérique. C’est une affaire d’ambiance essentiellement je trouve. Je n’apprécie pas trop d’habitude l’effacement des traits des visages. Mais ici, étrangement, c’est passé, cela fait partie de cette ambiance. Et, surtout, ça colle très bien avec le côté graphique, que j’ai vraiment beaucoup aimé, avec, outre des visages « vides », un aspect géométrique, et des couleurs à la fois sombres et tranchées, qui m’ont fait penser au travail de Piningre (dans J'ai rarement vu ça ! par exemple). Les jeunes femmes – qui toutes se cherchent, expriment une sorte de mal être, une soif « d’autre chose », qu’elles cherchent dans les livres, dans le corps d’un autre (il est question de déguisement, de cosplay), dans les rêves des autres (comme cette démone qui propose d’exaucer un vœu), ont une façon à la fois désespérée et envoûtante de s’exprimer. Moins nihilistes que l’on pourrait s’y attendre, elles expriment aussi une sorte de refus du passage à l’âge adulte, ou alors les difficultés de trouver sa place dans une société qu’elles ont du mal à voir clairement. Et qui nous est d’ailleurs cachée, puisqu’on ne croise pas d’autres personnages, que les décors sont quasi vides, y compris dans la forêt dans laquelle elles se retrouvent, y compris dans la librairie où elles ont fait connaissance. Quant à la femme fantôme vaguement ensanglantée qui rode, je n’ai su lui trouver d’explication. Bref, un album intriguant, surprenant, beau, qui ne livre pas tous ses secrets, mais pour lequel j’accepte de ne pas tout comprendre, tant sa lecture m’a de toute façon plu.
Jours de sable
Jours de sable raconte le reportage d'un jeune photographe débutant au cœur du 'dust bowl' une région américaine ravagée par des tempêtes de sable et de poussière provoquées par une surexploitation des terres. On est dans les années 1930, le directeur du journal qui envoie le photographe veut du sensationnel, des maisons abandonnées, des orphelins, des familles qui ont faim et fuient les lieux. Ca fait penser à Steinbeck bien sûr. Le photographe est un gamin et fait quelques maladresses de communication. C'est un poil larmoyant et bien pensant, mais aussi bien raconté et bien illustré. Un one-shot épais mais d'une lecture pas si longue car il y a beaucoup de grandes cases et de belles images sans texte.
Un certain climat
Dargaud publie ici un recueil des dessins de Pétillon parus dans le Canard Enchainé, lui qui y a trainé quelques temps sa vision caustique de la société. Si l'ensemble est inégal et forcément un peu daté pour certains sujets, je l'ai trouvé intéressant, car l'humour de Pétillon, sans être hilarant, est globalement réussi. Il pointe très bien par sa dérision et son humour gentiment noir les travers des médias, de l'actualité et des dirigeants politiques. Surtout, au lieu d'apparaitre dans l'ordre chronologique de leur publication dans le journal, ils sont déclinés dans un ordre alphabétique. Si cela fait peut-être perdre une certaine cohérence, cela a le mérite d'éviter au lecteur toute lassitude, les sujets se succédant dans leur grande variété. Un dessin épuré et efficace (conditions nécessaires pour trouver sa place dans la presse, en particulier au Canard enchainé, qui s'est fait une spécialité de ce genre de choses), et une petite relecture de ces dernières années, voilà un album qui mérite un petit coup d'oeil, même si une lecture par petites tranches est à privilégier. Note réelle 3,5/5.
Dernier souffle
Cette bd est née le 4 août 2018 avec le ressenti de Thierry Martin de lâcher prise. Pour cela il va publier un dessin par jour sur son Instagram et de fil en aiguille ses deux cents dessins vont former ce magnifique album. Nous avons là un bel objet au format italien, lequel vient se glisser dans un superbe étui et ainsi pouvoir se placer sans problème sur une étagère de la bibliothèque. Une narration faite d'un dessin par planche qui aide à s'imprégner de cette atmosphère pesante qui suinte tout le long du récit. Une narration muette qui accentue cette sensation de grand vide de la forêt enneigée. Scénario bâti au fil de l'eau mais qui tient la route. Une traque Impitoyable et violente sous forme de vengeance. Passons au point fort de ce one shot : le dessin. Un trait gras, tantôt fouillé tantôt minimaliste mais d'une beauté à couper le souffle. Un noir et blanc sublimé par des tons bleus/gris. Un noir crasseux. La forêt est lugubre et sauvage. Les visages semi-caricaturaux sont expressifs. Les personnages ont des gueules à faire peur. Il s'en dégage une force émotionnelle. Bref, je suis là, caché derrière un arbre à regarder impuissant cette tragédie. Une lecture rapide mais j'en ai pris plein les yeux avec de nombreux arrêts sur images. Il y a du Le Rapport de Brodeck dans cette bd. Je ne peux que vous recommander ce voyage au fin fond d'une forêt où le silence règne
Skybourne
L'univers des super héros ne m'est pas familier et ne m'attire a priori pas. Mais je suis tombée par hasard sur les avis précédents, émis par des personnes qui me semblent avoir très bon goût. En plus, la légende arthurienne s'immisce dans l'affaire. La couverture est jolie, au vu de la galerie la dame n'a pas l'air du genre docile, elle me plaît bien... Du coup, je me lance. Ehhh bien cet opus n'est pas mal du tout. On ne peut pas nier, il y a de l'action, ça décapite à tout va, ça saigne, ça gicle, c'est réussi. L'histoire ne déroge pas à la règle de l'antagonisme du bien et du mal mais est menée plutôt avec brio, avec l'action qui avance crescendo. J'aurais bien aimé quand même avoir un peu plus de détails sur les différentes créatures de l'histoire, comment elles en sont arrivées à se retrouver là. Ça m'a laissée un peu sur ma faim, j'aurais voulu que ce soit un peu plus développé, il y avait de quoi faire à mon avis. Moi qui ai toujours en tête le cliché du gars timoré en costume mais qui se dote d'yeux laser dès qu'il enfile son slip par dessus son collant, j'avoue que là, ça change et ça me donne un peu l'envie d'explorer un peu plus avant cet univers. J'espère que les auteurs en ont fait d'autres du même tonneau, j'aime bien le dessin en plus... J'hésite entre 3 et 4 étoiles. Allez, va pour 4.
Renault - Les Mains noires
Cet album est un bel hommage au chef d’entreprise que fût Louis Renault et une de ses principales qualités est de remettre en perspective les prises de décision de l’époque. Il est en effet toujours facile de juger a posteriori le comportement de tel ou tel personnage, aussi j’apprécie particulièrement le fait que les auteurs glissent une phrase du genre « Ce pacifisme forcené, inconscient si l’on songe aux horreurs à venir, c’est celui d’une génération qui se souvient trop bien de la première guerre mondiale et qui ne conçoit rien de plus invraisemblable que de repartir au combat. » Cette phrase ne concerne pas spécialement Louis Renault mais elle symbolise à mes yeux l’état d’esprit des auteurs au moment de la réalisation de cet album : s’abstenir de juger a posteriori mais relater les faits et les comportements, justes ou discutables, en se remémorant le contexte de l’époque. La vie de Louis Renault nous est alors détaillée au travers de chapitres chronologiques qui s’étalent de ses débuts jusqu’à sa mort. Les premières courses, la mise en place du Taylorisme, la première guerre mondiale, la rivalité avec Citroën durant l’entre-deux-guerres, les heures sombres de l’occupation allemande et les premiers signes de perte du langage, et enfin la prison, la sénilité et la mort. Et à la lecture de cet album, on ne peut qu’être admiratif devant ce chef d’entreprise, visionnaire et déterminé, véritable self-made-man qui, à force de vouloir tout contrôler, n’aura jamais d’ami fidèle. Cet homme nous est montré avec ses défauts (car les auteurs ne les occultent pas) et cette biographie n’est pas sans nuance. C’est sans doute ce qui la rend encore plus juste à mes yeux, et plus respectueuse de l’homme et de son œuvre. Au niveau du dessin, Benéteau assure un travail soigné. La mise en page est variée, les personnages sont bien typés et me semblent ressemblants pour le peu que je les connaisse. Par ailleurs la passion du dessinateur pour le domaine automobile assure à ces planches un supplément d’envie. On est à l’opposé d’une œuvre de commande mais bien devant un album réalisé par choix. Au niveau de la narration, j’ai beaucoup apprécié le parti-pris de chercher à cerner Louis Renault en donnant la parole à des personnes qui l’ont côtoyé. Un narrateur différent par chapitre apporte ainsi un éclairage différent sur le personnage. Cette manière de procéder dynamise le récit alors même que la somme d’informations est énorme ! Pour qui s’intéresse au sujet, c’en devient passionnant. Le dernier chapitre m’a ému tant j’y ai vu une volonté de rendre justice à un homme qui n’aura jamais été commode mais qui me semble avoir été cohérent et honnête dans ses choix… voire même quelqu’un de juste.