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Couverture de la série Tseu Hi - La Dame dragon
Tseu Hi - La Dame dragon

La civilisation chinoise est séculaire et très riche, mais il faut vraiment être passionné pour bien l'approcher, car elle compte de nombreuses subtilités propres à la culture asiatique, aussi il n'est pas toujours aisé pour un Occidental de bien la comprendre. De la cour impériale chinoise, je n'ai que de vagues connaissances apportées d'abord par le cinéma et quelques lectures de ci, de là sur cette impératrice Tseu Hi au moment de la guerre des Boxers. A ce titre, le film les 55 Jours de Pekin donne une vision certes hollywoodienne de cette souveraine, mais la direction artistique et le soin apporté par la production, peuvent séduire.. Cette Bd ne m'attirait donc pas outre mesure, n'étant pas passionné par cette civilisation chinoise, mais je la préfère à celle du Japon médiéval. Je me suis lancé sans trop de conviction, et une fois entré dedans, j'étais conquis. Dans ce tome 1, on suit le parcours presque initiatique de la toute jeune héroïne alors qu'elle est une concubine mandchoue : son accession dans la Cité interdite, son initiation aux rudiments du plaisir, son statut de favorite de l'empereur Hien-Fong, ses joies et ses humiliations... C'est encore une belle jeune fille qui sait jouer de ses charmes et de sa séduction, d'où un érotisme raffiné qui envahit cet album, c'était inévitable je crois ; la couverture d'ailleurs est explicite. De même qu'elle n'est pas véritablement encore une reine de sang, ou plus exactement une concubine de sang, elle le sera lorsqu'elle accédera au trône et qu'elle deviendra très vieille et très moche, cachant sa laideur sous d'épais maquillages, car elle vivra jusqu'après 70 ans ; sa cruauté sera à ce moment légendaire. Cependant, certaines pages sont quand même sanglantes car les coutumes barbares et parfois brutales de ce peuple ne sont pas épargnées au lecteur, on y voit pas mal de tranchages de têtes et autres mutilations, en général les sabres ne chômaient pas en ce temps là. Cet aspect de la civilisation chinoise devait aussi être montré, et les auteurs le font avec justesse. Ce qui est remarquable justement, c'est la description précise de tout un cérémonial qui nimbe cette cour impériale, d'abord grâce à un texte assez verbeux et riche, puis grâce à un dessin évocateur magnifique, au trait assez épais ; j'aime bien ce type de dessin qui convient très bien au sujet et qui sait reproduire la splendeur et les fastes architecturaux de la cour impériale tels qu'on a pu les apercevoir dans des films comme le Dernier empereur ou la Cité interdite ; sans oublier la richesse du mobilier et des costumes. Je suppose que le tome 2 montrera le gouvernement de Tseu Hi, usant d'un pouvoir absolu, laissant se développer une large corruption, et on y verra sûrement sa démagogie xénophobe qui conduira à cette fameuse révolte des Boxers... cette femme aura eu 2 visages, on assiste ici à celui qui est le plus gracieux et le plus séduisant, mais on devine son caractère bien trempé sous cette défroque sexy. Pour l'instant, c'est donc très plaisant et très soigné ; si les auteurs abordent les détails que j'ai cité plus haut, ça promet du bel ouvrage et une nouvelle réussite dans cette collection. Après lecture du tome 2 : pas grand chose à ajouter si ce n'est que c'est aussi passionnant, toujours aussi verbeux, donc assez long à lire mais sans ennui, à condition de s'intéresser à la Chine impériale et au personnage, c'est toujours aussi bon graphiquement, et comme je l'annonçais en 2015, ce tome 2 suit la progression historique, on y voit en effet les fameux 55 jours de Pékin avec la politique anti-étrangère de Tseu Hi et ses manoeuvres déloyales envers les légations étrangères. Tout ceci est traité avec encore pas mal d'érotisme, mais un détail surprend : le dessinateur se refuse à montrer les personnages vieillis, surtout Tseu Hi qui normalement est devenue très laide quelques années avant sa mort, ici, elle est très avantagée physiquement et on ne dirait pas qu'elle meurt avec un physique de 70 ans. Mis à part ce petit défaut, on est face à un excellent diptyque sur un personnage peu connu du monde occidental.

01/09/2015 (MAJ le 15/04/2021) (modifier)
Couverture de la série Gilgamesh (Glénat)
Gilgamesh (Glénat)

Le dossier de Luc Ferry en fin du tome 1 est très instructif parce qu'il précise que le mythe de Gilgamesh est l'une des premières épopées écrites par des scribes anonymes il y a 35 siècles, et qu'il serait fondateur en ayant probablement inspiré la Mythologie grecque voire même la Bible. J'ai trouvé cette assertion assez gonflée, mais visiblement je l'ai recoupée avec d'autres sources, et ça semble avéré, d'autant plus qu'il est fort possible que Gilgamesh soit un personnage historique et qu'il ait réellement existé. C'est pourquoi j'ai hésité à classer cette série entre conte et historique. Cette Bd annonce un récit épique et semble donc relater fidèlement d'après ce que j'en ai lu à droite à gauche, l'histoire de Gilgamesh, roi tyrannique et tout puissant qui va découvrir la vraie valeur de la vie, ses vicissitudes et les obstacles qui peuvent la parsemer. En déjà 2 tomes, on a une idée du destin de Gilgamesh à travers une histoire un peu chaotique, invraisemblable par endroits et extravagante, avec plusieurs interventions divines. C'est bien de s'écarter de la Mythologie grecque pour faire connaître un peu mieux cette mythologie assyro-sumérienne ou mésopotamienne. J'ai pris un grand intérêt à ce récit car j'ai toujours été fasciné par ces civilisations très anciennes, de plus le mythe de Gilgamesh est plutôt méconnu malgré les Bd qui existent déjà, dont celle de Brion (L'Epopée de Gilgamesh) que j'avais adoré mais qui était restée inachevée ; mythe méconnu mais tout aussi passionnant que les mythes gréco-romains, et ici, on aura à la fin du tome 3, l'histoire complète de ce héros sumérien. Le dessin de Taranzano qui a déjà oeuvré dans cette collection sur L'Iliade, est superbe et musclé, c'est comme ça que j'aime la bande dessinée, quand elle conte avec un tel graphisme des récits mythologiques ou historiques ; sa mise en page est aérée, le trait appliqué et robuste n'est pas envahi de hors-textes et de bulles, il est très parlant et rend bien sur les décors et les costumes, j'aime cet exotisme. Le découpage est rendu dynamique par des scènes d'action en pages muettes ; le choix d'un récit découpé en 3 tomes permet de développer cette option et de développer en même temps la narration de belle façon. Un futur beau triptyque ? je l'espère de tout coeur, en tout cas c'est bien parti.

15/04/2021 (modifier)
Couverture de la série Le Château des Animaux
Le Château des Animaux

A voir ce que Dorison va faire pour la suite de cette série (trois autres albums sont prévus), mais je dois dire que cet album inaugural est vraiment une belle réussite, et qu’il augure d’un bel ensemble. « La ferme des animaux » est un très grand petit livre d’un grand auteur, Georges Orwell. Et le titre et la préface de Dorison mettent clairement en avant cette référence. Mais cette préface glisse aussi d’autres influences (Gandhi, Martin Luther King), qui montrent que le scénario va basculer vers quelque chose de différent de ce qu’Orwell a voulu montrer dans son œuvre. De fait, ce n’est pas une adaptation, c’est une suite différente d’un point de départ commun : la « prise de pouvoir » d’un espace par des animaux domestiques, les hommes étant « partis ». D’ailleurs, tout le processus de « passation de pouvoir » est ici évacué, nous entrons de plain-pied dans une situation terrible et stable : un taureau dictateur, entouré d’une garde prétorienne de chiens, exerce un pouvoir terroriste sur tous les autres animaux occupant un château et ses environs. Au cœur de cette situation, quelques grains de sable, une chatte, un lapin et un rat, sèment quelques graines de révolte, mais en contournant la violence et en misant sur le ridicule, l’ironie, les méthodes non violentes pour lutter contre cette dictature (et là on retrouve MLK, et surtout Gandhi évoqués en préface). Même si c’est bien mené, je reste très sceptique quant à l’efficacité de ce genre de méthode face à une dictature ultra violente (Gandhi en Corée du Nord ou dans l’URSS de Staline ou L’Allemagne d’Hitler aurait été éliminé sans autre forme de procès, et son succès s’explique en partie parce qu’il avait en face de lui une « démocratie »). A voir ce que ça va devenir dans les albums suivants. La façon dont le dictateur, Silvio, « tient » la population, avec un « ennemi extérieur » qui justifie toutes les mesures d’exception, éclaire d’ailleurs d’autres situations que les références staliniennes (ou de la Révolution française) voire hitlériennes qu’Orwell avait en tête pour composer sa fable: les communistes pour les « démocraties » pendant la guerre froide, les immigrés ou les terroristes islamiques aujourd’hui, etc. En tout cas, cela se lit de façon très agréable, les situations, la psychologie des personnages, tout est bien développé. Mais ce qui rend très fluide la lecture, c’est aussi l’excellent dessin de Delep : son trait, la colorisation, tout m’a plu. C’est dynamique et chouette à regarder. Bref, voilà une série qui commence très bien, et que je suivrai certainement. ********************* Je maintiens ma note après lecture du deuxième tome. Le dessin est toujours aussi bon, dynamique, beau. Et l'intrigue - malgré quelques petites baisses de rythme, maintient son équilibre fragile entre la douceur des sentiments, du dessin et la dureté de certaines situations. Comment faire naitre une révolte, maintenir la cohésion de ceux qui y sont acquis, et leur insuffler suffisamment de force pour ne pas trahir, pour les pousser jusqu'au sacrifice individuel au profit de la cause collective (question que se sont posés tous les groupes de résistants partout et depuis longtemps) ? Série toujours à suivre donc.

12/03/2020 (MAJ le 14/04/2021) (modifier)
Par Blue boy
Note: 4/5
Couverture de la série Tout est vrai
Tout est vrai

Avec « Tout est vrai », Giacomo Nanni conserve le mode narratif singulier entamé avec Acte de Dieu. Comme pour ce dernier, il choisit la voie « documentaire », entre guillemets, dans une tonalité très factuelle, presque clinique. Ce faisant, il va relier deux thématiques qui a priori n’ont rien à voir entre elles, l’une scientifique à travers la zoologie, l’autre plus historique en examinant la relation difficile de la France avec son histoire coloniale récente, avec un zoom sur un pays en particulier, l’Algérie, sujet sensible s’il en est. En choisissant comme base de son récit le tournage du film d’Hitchcock, « Les Oiseaux », l’auteur italien, qui aujourd’hui vit à Paris, va nous immerger dans la « communauté » des corneilles, un oiseau qui semble avoir élu domicile dans la capitale française, attiré par la nourriture abondante dans les poubelles et l’absence de prédateurs. Remarqué pour son comportement agressif, celui-ci suscite la grogne des habitants, qui lui reprochent par ailleurs les dégradations du cadre urbain (poubelles éventrées, détritus sur la voie publique, pelouse et plantations arrachées…). Et pourtant, le volatile est considéré d’une intelligence hors du commun, comparable à celle des chimpanzés. Giacomo Nanni va consacrer la première partie de l’ouvrage à la corneille, allant jusqu’à lui conférer la position du narrateur. L’oiseau devient le personnage central, les humains ne sont plus que des silhouettes, et le lecteur va suivre la corneille dans son vol étourdissant au dessus des toits parisiens et du parc des Buttes-Chaumont. Le volatile a de la mémoire et sait dire merci. A ce policier d’origine maghrébine qui l'a délivré d’un piège à corneilles, il exprimera sa gratitude en lui apportant des « cadeaux » sur son balcon. La connexion avec le second sujet du récit est faite… Nanni va évoquer le « background » de cet homme, ses parents immigrés, les raisons qui l’ont poussé à devenir policier dans un pays où un tel acte peut s’apparenter à une trahison auprès des « banlieusards issus de l’immigration ». A défaut de l’expliquer, l’auteur va tenter de reconstituer le puzzle d’une blessure douloureuse de l’histoire franco-algérienne, depuis longtemps confinée sous la chape du déni, et suggérer un lien avec l’attentat de 2015 contre Charlie Hebdo. Ce policier, c’est Ahmed Merabet, qui fut assassiné par les deux terroristes devant les locaux de l’hebdomadaire satirique. Giacomo Nanni, partant de l’hypothèse que la corneille a assisté à la tuerie, va imaginer quelle aurait pu être sa réaction… Interagissant avec les textes, les dessins dialoguent également entre eux dans une sorte de va-et-vient permanent. Les images les plus marquantes du récit impriment la rétine du lecteur, des images fixant les envolées vertigineuses de la corneille dans le ciel parisien ou ces joggers courant sous la pluie dans le parc des Buttes-Chaumont pour s’entrainer au djihad, telles des photographies subliminales traitées sous le filtre pointilliste et coloré de l’auteur. Avec Acte de Dieu, l’auteur se faisait le porte-parole des éléments, cherchant à souligner la césure entre l’Homme et la nature par des connexions imperceptibles et mystérieuses. Une fois encore, avec « Tout est vrai », il tente de trouver une troisième voie, hors d’une quelconque rationalité scientifique malgré les apparences, en se contentant d’énoncer des faits purement objectifs, sans jugement, sans récrimination mais sans parti pris non plus. « Tout est vrai », ce sont les faits, rien que les faits. Et parallèlement à ces faits, une vue d’artiste qui intrigue et ne livre pas toutes ses clés, mais cherche peut-être seulement, avec cette corneille, perçue comme une intruse dans un monde « civilisé », incarnation amorale du terrorisme immoral, à nous faire adopter une position plus empathique vis-à-vis de nos supposés ennemis. Un ouvrage à lire pour (tenter de) voir les choses qui nous révoltent sous une perspective différente, pour quitter un moment nos habitudes de pensée.

13/04/2021 (modifier)
Par iannick
Note: 4/5
Couverture de la série Le Voyage des Pères - L'Exode selon Yona
Le Voyage des Pères - L'Exode selon Yona

C’est en souvenir du « Voyage des Pères » premier cycle que j’ai acheté le « L’Exode selon Yona ». En effet, j’y avais bien aimé le style de David Ratte, l’humour employé et les personnages. Au fait, « L’Exode selon Yona » est le prequel du « Voyage des Pères », ça se passe 1500 ans avant JC… justement en plein pendant la période égyptienne et les fameuses « aventures » de Moïse. Bon, sachez cependant que l’histoire est centrée sur Yona, un riche égyptien râleur qui veut épouser une juive afin d’avoir (enfin) des héritiers… et il tombe sur Libi, une (très) jeune et belle femme qui n’a pas sa langue dans la poche… Ce prequel m’est apparu également très humoristique grâce à l’emploi par l’auteur de conversations -que je dirais- très « actuelles ». Et c’est ce gros contraste entre dialogues modernes et la période où se passe cette histoire qui -à mon avis- fait son intérêt principal. A la rigueur, on se passerait bien volontiers des péripéties du peuple juif et de son « sauveur » sauf que ces situations ubuesques nous apportent des moments de franche rigolade (et aussi de tristesse) autour de nos deux protagonistes, du pharaon, de Moïse et toute une flopée de personnages secondaires riches en couleurs. Le graphisme de David Ratte est -à mon avis- parfaitement en adéquation avec son récit. On y a droit à un style à la fois tout en rondeur et en caricature, cela permet de proposer un dessin très agréable à contempler et très expressif. La mise en couleurs de Myriam Lavialle est dans la même lignée que celle du « Voyage des Pères » : les tons employés y sont très plaisants même s’ils sont moins pastels que sur la première série. Mais ce que j’apprécie le plus dans « L’Exode selon Yona », c’est que j’y trouve mon compte d’émotions : bien entendu, le ton y est résolument humoristique ; cependant, certaines scènes sont vraiment touchantes… c’est ce que j’aime découvrir dans une bande dessinée : pouvoir me procurer des sentiments qui oscillent entre le rire et la tristesse, c’est ce que je retiens de ma lecture de « l’Exode selon Yona ». Bien sûr, je vois que des lecteurs me diront que c’est un récit qui s’inspire d’un mythe religieux, ce qui fera hérisser les athées, les autres adeptes de religions plus ou moins éloignées du judaïsme, etc… mais si vous laissez de côté ces considérations religieuses et votre premier degré de "sériosité", il y a de fortes chances que vous passerez un bon moment de lecture en compagnie de ces personnages loufoques et de leurs conversations décalées par rapport au contexte historique de cette époque.

13/04/2021 (modifier)
Par Yann135
Note: 4/5
Couverture de la série Mezek
Mezek

Le 14 mai 1948 correspond à la naissance de l’état d’Israël. Le plan de partage de la Palestine a été élaboré par le comité spécial des Nations unies sur la Palestine créé par l’ONU, et approuvé par cette dernière à New York, par le vote de la résolution 181. Celui-ci prévoit le partage de la Palestine en un état juif et un état arabe. Cette décision onusienne se fait sans trop se préoccuper de l’avis des Palestiniens. Des bergers qui vaquent sur un bout de terre aride… mais qui s’en soucie ? C’est le début du conflit israélo-palestinien que nous connaissons. Cela perdure depuis plus de 70 ans ! Mais revenons au récit. En 1948, Israël doit faire face aux bombardements incessants de l’armée égyptienne. Pour pouvoir riposter, la jeune nation va s’entourer de mercenaires de tout horizon, payés au prix fort. C’est avec le Mezeck, la version tchécoslovaque du Messerschmitt – célèbre avion utilisé par la Luftwaffe pendant le Seconde Guerre mondiale - qu’Israël va lutter pour défendre son indépendance face aux pays arabes. On va suivre donc les pérégrinations de ces pilotes de Tsahal et notamment de ce jeune pilote suédois, Björn, pilote aguerri et séducteur à ses heures perdues. Un personnage ambigu qui se dévoilera au fil de l’histoire. On est vite pris dans le récit qui multiplie avec minutie les précisions historiques. Pour avoir en parallèle été fouiner sur internet pour mieux appréhender cette partie historique que je ne connais pas vraiment, je peux vous assurer de la rigueur des auteurs sur ce point. On parle aviation bien évidemment mais rien à voir avec les séries « Tanguy et Laverdure » ou « Buck Danny ». Le graphisme est plutôt sympa avec de belles couleurs chaudes. Un peu à la Léo ! C’est tout dire ! Le découpage est classique mais rien de fou fou. Si vous rajoutez un scénario qui tient la route, vous tenez dans vos mains un album réussi. Encore une belle surprise de la collection "signé". note réelle 3,5

13/04/2021 (modifier)
Par Lamat
Note: 4/5
Couverture de la série La Fille dans l'écran
La Fille dans l'écran

Vu la note que j'ai attribuée, vous vous doutez bien que j'ai aimé. Je vais juste apporter mon grain de sel à toutes les critiques déjà publiées : - Oui le début est un peu longuet mais ça pose les personnages. - La couverture spoile la découverte de l'histoire mais comme je ne l'avais pas bien regardée, j'ai eu le plaisir de découvrir progressivement le déroulement et la conclusion… très happy end mais je ne m'en plains pas : un peu de fraicheur et de romantisme, ça fait du bien parfois. - Allez, je fais mon coming out : je suis strictement hétérosexuel :-) donc j'ai un a priori négatif pour les histoires homosexuelles. Mais là c'est loin d'être le point central de l'histoire donc ça ne m'a pas gêné. Le fait que les deux héroïnes changent de vie après un seul week-end ensemble est quand même peu plausible mais bon, c'est pas une étude scientifique statistique non plus ! - Les 2 auteures font un travail à 4 mains remarquable et surtout très fluide. J'aurais juste aimé un peu plus d'extraits des dessins de Coline (Manon Desveaux) ou dans un petit cahier graphique à la fin.

13/04/2021 (modifier)
Par grogro
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Le Voyage du Commodore Anson
Le Voyage du Commodore Anson

Christian Perrissin et Matthieu Blanchin ont donc remis un ouvrage sur leur métier. Après la déjà remarquable Martha Jane Cannary, ils se focalisent une nouvelle fois sur une petite histoire dans l'Histoire, de celles qui lui donnent toute sa saveur et sa chair. De celles qui permettent de sentir son souffle épique agiter votre imaginaire. Le duo nous plonge la tête sous l'eau dès les premières pages qui décrivent la préparation de l'expédition. Là, on sent bien que notre Commodore Anson n’y croit pas des masses. Tout comme le lecteur qui, même non instruit des choses militaires, comprend rapidement que cette mission est moisie. Huit navires dont deux pinques pour assurer le transport des prises qui s'annoncent immanquablement prodigieuses, c'est déjà beau, non ? De quoi qu'y se plaint ?... Anson se montre néanmoins respectueux des ordres donnés. Il a en outre à cœur de prouver une nouvelle fois sa valeur. En homme avisé, il prépare au mieux le calvaire qui l'attend, à savoir un mille-feuille de galères avec des vrais morceaux de bravoure dedans ! On s'en doute bien, la mer n'est pas un long fleuve tranquille, et elle réserve bien des surprises. Le lecteur affronte ainsi des tempêtes proprement monstrueuses, contracte des maladies qui feraient blêmir la covid, s'infligeant des conditions de survie un tantinet incertaines... Mais il se sent aussi porté par quelque chose de plus grand que lui, quand le sort cesse soudain de s'acharner... Tout ça pour tenter, bien humblement, de se mesurer à ces hommes d'une autre trempe qui, le destin chevillé au corps, traçaient leur sillon jusque dans les bras de la mort ! Tout cela est mis en récit par Christian Perrissin. Le chapitrage permet de suivre le « voyage » par étapes, comme autant de paliers dans cette descente vers l'enfer. Des cartes et des gravures apportent encore du coffre à cette histoire incroyable. Établie à partir du récit rédigé par le chapelain de l'expédition et qui fut dès sa sortie un succès éditorial (là aussi un petit poème), la trame narrative permet de se tenir au plus près des personnages, de saisir mieux leur humanité. Ainsi, on admire leur sang-froid et leur obstination, tout autant leur savoir-faire. On loue leur génie intuitif, leur capacité à improviser... Car en plus d'être des combattants, dans tous les sens du terme, au moral forgé, les mecs sont des artisans rompus. On appréciera également la sagesse de George Anson qui le pousse à se munir de quelques récits de navigation et d'exploration de première main. Les livres, quand même... On jugera enfin de la valeur de ces navigateurs hors-pair, notamment au moment de doubler un Cap Horn à la hauteur de sa légende, un moment particulièrement réussi du livre. Au fil du récit, à travers des situations extrêmes, on parvient à s'immiscer dans le geste et l'esprit de ce temps où l'homme, même réduit à un sort peu enviable, pouvait toujours compter sur un savoir éprouvé pour s'arracher à la mort. Une époque où l'essentiel avait un sens palpable. Une époque où commandement n'était pas synonyme de management. Allez ! Voilà le fantasme qui pointe son nez ! Parce que faut reconnaître aussi qu'à l'époque, tu pouvais toujours te payer avec le droit à l'erreur... Quoiqu'il en soit, c'était, comme on dit, une autre époque, l'occasion étant donnée ici de saisir une nouvelle fois toute la portée de cette vérité de comptoir ! Matthieu Blanchin semble s'être emparé des illustrations comme un mort de faim. Et l'alchimie fonctionne une fois de plus. Pour donner corps à cette épopée échevelée s'étirant sur quatre années d'une densité homérique, il fallait bien son dessin nerveux, creusé dans la matière. Ces personnages aux visages burinés, liés dans les épreuves et la mort, le sont également dans la texture sauvage, urgente. Le trait laisse parler les personnages, au point qu'ils semblent vous murmurer un avertissement solennel. T'as plus le choix. Va falloir t'accrocher à tes tripes. T'auras plus que ça quand tes dernières forces t'auront abandonné. Des forces en l’occurrence insoupçonnées... Au-dessus de ces corps tragiques, comme mus par des réflexes désespérés, les regards acquièrent d'autant plus de force. Ils vous percutent et vous happent, traduisant parfaitement le doute, la détresse, la détermination, l'idée qui surgit, le plan qui se fait jour, l'espoir renaissant de ses cendres... Les paysages, par un effet de contraste saisissant et riche de sens, sont parfois l'objet d'un traitement particulier, à l’aquarelle notamment. Des moments idylliques et rares, suspendus sur le fil tendu de cette course échevelée. Le regard, sans doute, de l'artiste de l'expédition que l'on surprend en de rares occasions à poser son chevalet... De cet événement héroïque dont les conséquences furent loin d'être négligeables, Christian Perrissin et Matthieu Blanchin dressent une peinture exceptionnelle, nous invitant à pénétrer dans la matière mouvante de l'Histoire, tout au bord du gouffre, quand soudain... Puisse ainsi le fabuleux voyage du Commodore Anson éclairer un peu notre présent !

13/04/2021 (modifier)
Couverture de la série Cathédrale
Cathédrale

Cardon est un vieux routier, qui a participé par ses dessins à de nombreuses entreprises : dessins de presse (Canard enchainé ; Humanité ; Le Monde), mais aussi des choses plus rentre dedans, dans Hara Kiri, Siné Massacre, Charlie Hebdo ou L’Écho des savanes. Par son activité, mais aussi par son dessin, Cardon a des accointances avec Topor. C’est assez visible ici, où son dessin use d’un Noir et Blanc à la fois précis et brumeux, mais surtout de décors étranges : il y a là beaucoup de poésie, et un certain surréalisme affleure dans les dédales de cette « cathédrale », au sein desquels se meut un personnage que nous suivons, sorte d’alter ego de l’auteur. Car, sans aucune parole, et avec une narration faisant la part belle à l’imagination, louvoyant entre quelques repères rappelant la réalité, c’est bien des quelques moments forts de sa propre vie que Cardon se sert pour guider le lecteur, à commencer par la seconde guerre mondiale, qui l’a fortement marqué (une longue préface présente d’ailleurs très bien cet aspect). Et bien sûr on y retrouve sa vision des pouvoirs et de la religion : la plupart des publications pour lesquelles il a travaillé ne les portaient pas dans leur cœur ! Par-delà l’aspect autobiographique, je dois dire que j’ai été captivé par ce dessin, vraiment très beau (et pour moi son caractère poétique est un réel plus). C’est vraiment un plaisir pour les yeux !

12/04/2021 (modifier)
Par Alix
Note: 4/5
Couverture de la série Alicia - Prima Ballerina Assoluta
Alicia - Prima Ballerina Assoluta

Le background de cette BD est passionnant : au travers de la vie de la ballerine cubaine Alicia Alonso, les autrices nous parlent de la danse classique de manière plus générale, et surtout de la vie à Cuba, à l’époque post-révolution castriste, mais aussi de nos jours : société, politique, danse, pauvreté. Le récit se présente sous la forme d’un roman graphique prenant et très humain. La narration est fluide et les sauts temporels entre les deux époques sont bien indiqués. J’ai avalé les 150 pages d’une traite… surtout que la mise en image est réussie, avec un graphisme lisible et élégant. Si je devais chipoter, je dirais qu’il est dommage de ne pas avoir inclus un mini documentaire sur la danseuse en fin d’album… on s’habitue à ce genre de bonus sympathique. Une chouette BD, et un excellent moment de lecture.

12/04/2021 (modifier)