J’avais beau savoir que cette trilogie a été abandonnée avant son dernier tome, ça fait plus mal que ce que je pensais d’être forcé de l’abandonner là…
En effet, ce diptyque inachevé qu’est Le Banni m’aura marqué durablement par la puissance de ses choix narratifs et graphiques. Visuellement, donc, le dessin de Tarumbana est absolument incroyable. Epique à souhait, sombre et réaliste, il confère à la saga une atmosphère fascinante en tous points. Il fallait beaucoup de talent pour restituer à égalité la brutalité virile et la sensualité vénéneuse qui constituent les deux points forts de cet univers extrêmement prenant.
Le choix des cadrages, la minutie de la couleur directe et les partis-pris graphiques sont proprement géniaux. J’avais rarement lu une bande dessinée dont se dégageait une telle sensation de puissance.
Mais je ne sais ce qui m’a émerveillé le plus, entre la force du dessin et l’intelligence de la construction du scénario. Alors même que chaque tome contient les 46 pages standards, Olivier Henscher réussit à y construire quelque chose d’infiniment plus complexe que dans la plupart des autres bandes dessinées du genre. Ici, les relations entre personnages sont minutieusement construites, que ce soit dans le présent ou dans le passé au gré de flashbacks savamment distillés.
Les jeux de pouvoir sont magnifiquement mis en scène et projetés sur l’écueil des destins individuels, sur lesquels ils se brisent en mille morceaux pour donner naissance à de nouveaux jeux de pouvoir, toujours plus denses et plus complexes. Bien sûr, la mise en scène de personnages aussi nombreux dans un nombre de pages somme toute assez réduit peut engendrer le risque de perdre un lecteur peu attentif, mais si on s’accroche un tout petit peu, le récit nous guide de manière franchement claire au travers de cet univers très, très dense, agrémenté de discrètes touches de fantastiques, évoquant les plus grandes réussites du genre, tenant très bien la comparaison inévitable avec Game of Thrones ou Le Seigneur des anneaux.
Et une fois qu’on a accepté de s’immiscer au sein de cet univers, il est très dur d’en sortir… C’est ce qui rend si difficile la décision des auteurs d’abandonner la saga alors que le troisième tome était déjà en cours de réalisation, même si on imagine qu’ils avaient une bonne raison. D’autant que l’abandon de la part des auteurs rend la chance de voir ce troisième tome paraître un jour beaucoup moins envisageable que si cela avait été une décision de l’éditeur…
Alors oui, pour moi, Le Banni aurait pu, sans son abandon, être à la bande dessinée ce que Le Seigneur des anneaux est au cinéma. Une claque mémorable pour un chef-d’œuvre de dessin et de narration.
Cela commence comme une version adolescente et féminine de Petit Vampire. Hématite est en effet une jeune vampire lycéenne dans un monde où se cotoient au quotidien toutes sortes de monstres, garous, goules et autres zombies, mais aussi quelques humains, dans le plus grand naturel même si chacun y a les spécificités propres à sa race. Les vampires y font partie de la classe noble mais Hématite a choisi d'intégrer un lycée plus populaire que l'académie privée qui l'attendait afin de pouvoir cotoyer les autres races... notamment sa meilleure amie, la goule Drulina, et surtout Emile, l'humain dont elle est secrètement amoureuse.
On découvre la vie lycéenne d'Hématite, ses embrouilles avec d'autres filles, et comment elle essaie de se rapprocher de celui qu'elle aime. En parallèle, elle doit prendre garde à ne pas faire de bêtises et attirer sur elle la colère de ses parents qui menacent à chaque instant de lui faire quitter ce lycée où ils estiment qu'elle s'abaisse et gâche son avenir.
Le dessin y est tout à fait sympathique, avec des personnages simples mais bien rendus et quelques décors franchement jolis. Ce n'est qu'après lecture que j'ai découvert que toute la BD était réalisée à quatre mains : les deux auteurs sont mari et femme, tous deux d'origine argentine, et ils se partagent scénario, dessin et couleurs. Je n'avais absolument pas réalisé que deux styles différents s'y mélangeaient. C'est du beau travail.
Le premier tome est une longue et agréable mise en place du contexte. S'il se lit avec plaisir, l'intrigue n'y prend pas encore son envol et reste dans les classiques du genre récit pour jeunes ados, avec amourettes et petite péripéties du quotidien, même si celles-ci sont ici émaillées des pouvoirs magiques et capacités spéciales des différents protagonistes. Ce n'est que sur la fin de ce tome que l'intrigue prend soudain un virage novateur et qu'elle commence à présager de quelque chose de différent pour la suite. J'ai hâte de la lire et si les auteurs réussissent à y maintenir le niveau de qualité graphique et narratif du premier tome tout en donnant davantage d'envergure au scénario, alors je saurai que je n'ai pas eu tort de donner à l'avance une bonne note à cette série.
Le titre et la couverture n'avaient pas attiré mon attention, une sorte de déjà vu : une silhouette qui court sur un fond orangé, et un nom à consonance italienne, bah... So what ?
Effectivement le coté classique est présent, tant dans le pitch ( un enfant sans père et sans ressource qui part à la recherche de son chemin dans l'inconnu) que dans l'apparence ( Un dessin aquarellé avec une technique irréprochable et une sensibilité pour toutes les diversités des personnages et des paysages.)
Le choix d'un monde imaginaire sans technologie et pleins de rituels, qui évoque le moyen-âge mais sans situation historique particulière, permet au dessinateur de créer un environnement à la fois séduisant et mystérieux pour accueillir les personnages.
Ensuite l'histoire est très bien développée depuis le début à la sans famille, jusqu'à la fin qui est une pirouette malicieuse !
L'originalité de cet album est en fait son actualité. Le héros fragile apporte un questionnement bien d'aujourd'hui sur une histoire maintes fois racontée, de princesse enfermée dans un château imprenable. Les dangers, les espoirs, les personnages secondaires que l'on ne remarque pas et qui deviennent les rotules de l'histoire sont mis au service de notre imaginaire enfantin. Nous aussi nous sommes à la recherche de notre chemin vers l'inconnu.
Le secret de cet album, c'est l'identification. Nous sommes avec Aldobrando. Nous sommes Aldobrando.
Mes génies est un roman graphique 100% autobiographique, d'une grande justesse, d'une impartialité parfaite et d'un caractère historique indéniable.
Ou presque.
Vous rappelez-vous de Gotlib qui dans Rubrique-à-Brac se dessinait en vieux sage de la bande dessinée, drapé dans son auguste toge et coiffé de lauriers ? Wandrille reprend ici ce lourd rôle en tant qu'enseignant daignant dispenser son savoir à des étudiants rigoureusement incultes.
Tout ceci relève évidemment d'une mise en scène poussée pour arriver au stade de la caricature, et c'est sur ce postulat que se développent les différents chapitres de cet album.
Le risque de quelconquitude était fort, et pourtant Wandrille s'en sort très bien.
Déjà les différents petits textes sur le livre (sous-titre, citation au début, textes graphiquement joliment mis en forme entre chaque chapitre) sont soignés, jolis, amusants, et mettent en condition pour aborder le contenu.
Le dessin ensuite, qui est souvent jeté rapidement sur le papier façon carnet ou dessin quotidien de blog, s'il paraît un peu rapide, est très expressif, maîtrisé, et sait se faire parfois superbe dans son genre. Je pense entre autres à l'entrée en classe au début de l'album et à la planche Vous pouvez m'appeler Monsieur ou "Maître". Je ne vous cache pas que j'ai une préférence.
Concernant la mise en page, oubliez les cases, il n'y en a pas. On se réfèrera d'ailleurs au chapitre traitant de ce sujet pour avoir de plus amples informations. Parce qu'au-delà de la mise en scène d'enseignant faussement génial et d'étudiants vraiment pas géniaux, quelques sujets sur la structure de la bande dessinée sont abordés. Plus comme prétexte que comme vrais sujets approfondis, mais c'est agréable. L'ensemble ressemble donc à un joyeux fouillis très vivant qui se lit cependant sans peine.
Mais ce que j'ai beaucoup aimé dans cet album, c'est tout simplement cet humour glacial et sophistiqué, pardon, potache, un peu geek (synonyme : érudit des temps modernes) et bon enfant. Le tout marche très bien, et je me suis retrouvé à sourire béatement (le "a" est facultatif) à peu près du début à la fin. Ce que beaucoup de livres d'humour ne parviennent pas à faire.
S'il est bien une chose que j'adore avec la maison d'édition Ici Même, c'est de me faire surprendre quasi à chaque album. Que ce soit avec l'immersif La Fange dernièrement (sélectionné pour Angoulême), ou l'exotique Nippon Folklore - Mythes et légendes du Soleil-levant plus avant, chaque production nous embarque dans un univers toujours inattendu, grâce aux récit ou encore aux graphismes singuliers proposés.
Cette fois encore avec "Tout est vrai", l'auteur italien Giacommo Nanni (Prix de l'audace Angoulême 2020 pour son album Acte de Dieu) nous prend à rebrousse poil tant par son graphisme inattendu que l'histoire qu'il nous propose. C'est par le prisme narratif d'une corneille qu'il nous replonge dans les dramatiques événements des attentats de Charlie Hebdo en 2015. Cet animal très intelligent et doué d'une mémoire surprenante va donc jouer le fil conducteur entre certains des protagonistes de ce drame. Tel un puzzle remonté petit à petit façon chorale par les "objets cadeaux" glanés de-ci de-là et les rencontres de notre corneille, la trame dramatique se tisse inexorablement. Et c'est là toute l'originalité de cet album qui relie entre eux des drames éloignés mais aux implications concomitantes, et des créatures que tout sépare. Que vient donc faire la guerre d'Algérie dans ce récit ? Que viens faire ce flic "libérateur" de corneilles dans cette histoire ? C'est ce que nous allons froidement découvrir au fil des pages et des envols de notre corneille. Car c'est sous l'égide de ce ton distant et factuel de notre corneille que les connexions vont opérer...
Giacommo Nanni articule son récit original autour d'un graphisme qui l'est tout autant ; tout en trames colorées, oscillant entre la photographie et l'affiche vue à la loupe révélant sa trame en quadrichromie. On est tout d'abord déconcerté, puis, cadrages, découpages et le récit aidant, on se laisse petit à petit bercer par la poésie qui en émane, tel un tableau de Seurat sur lequel nos yeux auraient fini par faire la focale. Il sait jouer des contrastes pour nourrir son histoire.
Voilà donc un album déroutant, qui ne cherche pas à imposer, mais à exposer, à recontextualiser, à tirer les lignes, à briser les codes, en abordant un sujet brulant sans y laisser ses ailes. Le pari était ardu, je suis même sorti de ma lecture circonspect. J'ai attendu quelques jours avant d'arriver à canaliser un tant soit peu mon ressenti pour rédiger cet avis, en retournant tout ça dans ma tête. Et quand on réalise qu'un album fait cet effet, c'est qu'il a vraiment quelque chose de singulier et qui mérite toute notre attention.
J'aime moyennement la dark fantasy, mais là je fais une exception, j'ai de suite senti qu'on n'était pas dans une énième série de HF parce que quand je me trouve face à un récit d'une telle profusion dans son déroulement et surtout face à une partie graphique aussi sensationnelle, je suis de suite conquis. Pourtant je me méfiais parce que ma lecture d'Arawn m'avait bien déçu, aussi suis-je rentré dans cette histoire avec circonspection.
C'est de la dark fantasy sombre et tragique, j'oserais même dire qu'il y a un petit air shakespearien dans tout ça, en beaucoup plus sombre, et surtout c'est beaucoup moins bourrin que Arawn et ça n'a strictement rien à voir avec les Bd de fantasy plus légères ou pour ados du genre Lanfeust de Troy qui ne m'a jamais fait vibrer (même si c'est sympa) ou Les Forêts d'Opale que j'avais bien aimé. Non, ici Istin prend son temps et développe une intrigue ambitieuse, bien échafaudée, en distillant à chaque tome des informations qui enrichissent l'univers et en installant une atmophère fascinante. L'histoire est d'une grande complexité, tout est très sérieux, faut s'accrocher et s'investir totalement dans cet univers au risque de s'y perdre. Il y a beaucoup de personnages, on va d'un lieu à un autre, d'un personnage à l'autre, la qualité du scénario se démarque de tout ce que j'ai pu lire jusqu'ici dans le genre, même si Istin réutilise pas mal de codes connus ; les personnages sont vraiment intéressants, j'aime beaucoup la templière Sinead qui a l'allure d'une héroïne à la fois très féminine et très forte.
Tout ceci est illustré par Grenier avec une dextérité graphique, comme il l'a fait sur Arawn, sauf que là ce n'est pas ennuyeux, et ces dessins, oulalah ! qu'est-ce que c'est beau ! c'est somptueux, fabuleux, on dirait presque des tableaux, bref j'ai pas les mots, et je me réjouis quand un récit d'une telle qualité est illustré par un dessin aussi merveilleux, c'est l'osmose totale de la perfection scénaristique et graphique. Grenier livre des images qui ont une force évocatrice, j'adore ce style de dessin-peinture, ça m'a rappelé un peu le style de Segrelles sur Le Mercenaire, même si le côté pictural chez Segrelles était plus marqué ; ici, c'est d'une puissance phénoménale dans le détail des fonds de cases, des arrière-plans, des nombreux éléments décoratifs ou des ambiances qui alternent les paysages arides et les paysages glacés. La mise en page est sublimée par des cadrages de différentes tailles, des pleine-pages et des double pages qui rendent un visuel carrément époustouflant, on s'arrête sur ces dessins, on les scrute avec attention, on y revient tellement ils sont grandioses surtout dans certaines architectures fantasmagoriques. D'ailleurs ça crée des ambiances cinématographiques, on pense bien sûr à la trilogie du Seigneur des Anneaux de PJ, qui a dû probablement influencer Grenier, notamment dans les architectures ; mais dans ce déferlement de splendeur visuelle, je trouve étrange d'avoir donné le physique de l'acteur Philippe Noiret à Don Coskarelli, ça n'est pas très compatible, c'est pour moi le seul grief que j'ai sur cette série qui m'a totalement ébloui.
Je poursuis ma découverte de Taniguchi par cet album qui a grandement participé à la popularité de l'auteur. J'ai mis une bonne semaine pour enfin trouver les mots pour cet avis, mais encore aujourd'hui, je ne sais toujours pas si j'ai aimé ou non cette lecture.
Un homme apprend la mort de son père et se rend donc dans sa famille pour les funérailles. Il n'a plus vu sa famille depuis de nombreuses années et n'a jamais vraiment gardé contact avec son père, depuis le divorce de ses parents. Notre héros va se replonger dans ses souvenirs, aidé par son oncle, sa sœur et autre proche du défunt père et se rendre compte que son paternel n'était peut être pas exactement celui qu'il imaginait.
Juste après avoir fini ma lecture, j'étais prêt à mettre 1 ou 2 étoiles à l'album tellement il m'a été difficile de le terminer. L'album est beau, fluide et vraiment bien amené, mais le sujet traité est dur. On y parle d'une relation ratée entre un père et son fils, et ce à cause de l'égoïsme du fils, de son incapacité à voir plus loin le bout de son nez. Rarement, j'ai été autant écœuré, scandalisé par le comportement du personnage principal d'une histoire. Etre spectateur de cette relation gâchée, de cet individu centré sur ses intérêts m'a été très difficile. Et comment marquer son désaccord avec le personnage principal d'une bande dessinée? Arrêter sa lecture.
J'ai finalement poursuivi ma lecture tant bien que mal et mis plusieurs jours à la digérer. En y repensant maintenant, je me dis que Taniguchi a encore une fois réalisé une grande œuvre au vu du nombre d'émotions que cela m'a procuré.
Comme Quartier lointain, les émotions ressenties ne sont pas très joyeuses. Quartier lointain nous fait ressentir de la tristesse, de la nostalgie, de la compassion, de la mélancolie et toutes autres émotions négatives mais à connotations positives. Ici, "Le journal de mon père" nous fait également ressentir de la tristesse, mais plus sombre. J'ai ressenti du désespoir, du regret, de la frustration, du dégout et plein d'émotions négatives, et uniquement négatives.
A la fin de ma lecture, j'étais vidé de toute énergie positive, je doutais de ma relation avec mon propre père (alors qu'elle est merveilleuse), j'ai sombré dans un petit épisode dépressif ( qui n'a duré qu'une soirée je vous rassure). Je ne pense pas que je relirai un jour cet album, ni que je le conseillerai. Néanmoins, je ne peux nier le fait que cet album est réussi vu la palette d'émotion qu'il m'a fait vivre et son impact qu'il pourrait avoir sur d'autres lecteurs. Je pense que ce manga pourrait aussi servir d'électrochoc pour certaines personnes ressemblant au personnage principal ou simplement rappeler les priorités de la vie à n'importe qui.
Je vais tacher de rester sur une note positive et sur l'un des messages que l'auteur a voulu nous transmettre : la famille, on n'en a qu'une... Prenez en soin et profitez en.
PS: Tous les "ouh, ah uh, iih, ooh" pour montrer que les gens sont tristes et pleurs étaient-ils vraiment nécessaire ? A chaque fois, cela me sortait du récit et j'avais comme image en tête des familles endeuillées essayer de se réconcilier par le plaisir de la chair. Bon après j'ai peut être l'esprit mal tourné mais cela m'a agacé et je me devais de vous en faire part !
3,5 étoiles
MAUPERTUIS, OSE ET RIT !
Voici une chouette lecture !
L’éditeur précise qu’une version en Noir et Blanc existe. Sans préjuger de sa qualité, je trouverais dommage de se priver du travail de colorisation de Sandoval, vraiment très beau, sans esbroufe, comme le dessin : l’aspect graphique est pour beaucoup dans le charme exercé par cette histoire.
C’est un conte mêlant noirceur des forces du mal et joie des premiers émois, des relations amicales, l’héroïne étant au cœur de tous ces thèmes. L’histoire est finalement assez simple, la narration fluide – même si les premières pages multiplient les personnages et les différents mondes. Surtout, Sandoval a réussi à bien équilibrer fantastique et narration traditionnelle.
En tout cas c’est un album épais (très beau travail éditorial au passage !) qui se lit vite (car il y a peu de textes, mais c’est aussi qu’on est embarqué dans ce conte d’une grande fraicheur).
Excellent, coup de coeur
Encore une fois c'est avec délice que je replonge dans l'univers des contes de La Pieuvre, troisième opus ou cette fois Gess nous propose de suivre Céléstin serveur à l'auberge de ladite Pieuvre. Bien sûr il possède un talent, un Don mais dont il ne se vante pas ayant trop peur qu'on l'utilise contre son gré. Car Célestin est un Discerneur, il peut voir la véritable apparence des gens.
L'histoire foisonnante, difficile à résumer se déroule dans un Paris fin XIX ème siècle, un brin fantasmagorique. En 1842 dans un hôtel bourgeois un spectre apparait en poussant un cri qui rompt les tympans d'un nouveau-né. Le père de l'enfant intervient et transperce la chose d'un coup de sabre. Quelques années plus tard en 1872 quatre enfants de la bande des asticots drainent les égouts de Paris pour y récupérer d'éventuels trésors. Malheureusement pour eux la voirie décide de purger les égouts et déverse des milliers de litres d'eau. Pendant ce temps Célestin déambule de table en table à l'auberge de La Pieuvre en proposant le plat du jour "Poulet sans tête".
L'auberge est bien sûre fréquentée par une multitude de mauvais garçons dont plus d'un au service de La Pieuvre possèdent des talents. Ainsi on y croise Pluton l'hypnotiseur ou le saigneur, un tellurique, un découvreur et bien sûr le quarteron à la tête de l'organisation; l’œil, la bouche, l'oreille et le nez.
Dans ce monde fantasmagorique Célestin a bien du mal à trouver sa place, cerné qu'il est par tous ces personnages hauts en couleur et animé de mauvaises intentions.
A la manière des feuilletonistes de l'époque Gess découpe son récit de manière plus qu'habile, distillant avec parcimonie les indices qui au final nous dévoilent les tenants et aboutissants de l'histoire. Personnellement si je me suis un peu perdu dans les toutes premières pages , je n'ai pu ensuite lâcher l'affaire. Le graphisme est plus qu'efficace avec une colorisation qui utilise beaucoup les sépias, notons également l'utilisation d'une couleur très tranchée lorsque nous nous plaçons selon le point de vue de Célestin et de son Don.
Personnellement j'ai dévoré cet album dont je souhaiterais qu'il ne soit pas le dernier dans cet univers, du grand et très beau travail qui nous entraine dans un univers extrêmement original, j'en redemande.
Belle surprise cette série surtout que je ne savais pas trop à quoi m’attendre. Nous sommes à New York, à quelques mois de la fin de la prohibition …
Entre matchs de boxe truqués, les paris clandestins, une ville gangrénée par la pègre, les effluves de l’alcool de contre bande et quelques notes furieuses de blues et de jazz, je me suis régalé !
Le scénario bien sombre est excellement bien écrit. Un peu en mode cinématographique façon puzzle. Il y a du contenu. Les personnages sont travaillés. Ils ont de l’épaisseur. La lecture est fluide et agréable. Visuellement c’est très bon également. Un ravissement pour les yeux avec notamment un jeu de lumières particulièrement séduisant. La mixité ombres et lumières est une vraie réussite. Et que dire de la colorisation en mode passéiste. Un vrai bonheur visuel.
C’est original cette dualité boxe et musique. Le premier album suit un boxeur. Le deuxième quant à lui suit un musicien. Ils s’entrecroisent à peine pourtant nous sommes sur la même temporalité. C’est inattendu et bien mené. Bravo à Mariolle et Bourgouin pour ces deux atmosphères. Une deuxième lecture avec les deux albums ouverts s’imposera naturellement à vous. C’est juste génial ! oui oui ça va bousculer vos habitudes.
Laissez-vous glisser dans ce New-York bien particulier qui vit ses dernières heures de la prohibition. Uppercut au foie et sonorités jazzy vont agrémenter votre lecture.
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Le Banni
J’avais beau savoir que cette trilogie a été abandonnée avant son dernier tome, ça fait plus mal que ce que je pensais d’être forcé de l’abandonner là… En effet, ce diptyque inachevé qu’est Le Banni m’aura marqué durablement par la puissance de ses choix narratifs et graphiques. Visuellement, donc, le dessin de Tarumbana est absolument incroyable. Epique à souhait, sombre et réaliste, il confère à la saga une atmosphère fascinante en tous points. Il fallait beaucoup de talent pour restituer à égalité la brutalité virile et la sensualité vénéneuse qui constituent les deux points forts de cet univers extrêmement prenant. Le choix des cadrages, la minutie de la couleur directe et les partis-pris graphiques sont proprement géniaux. J’avais rarement lu une bande dessinée dont se dégageait une telle sensation de puissance. Mais je ne sais ce qui m’a émerveillé le plus, entre la force du dessin et l’intelligence de la construction du scénario. Alors même que chaque tome contient les 46 pages standards, Olivier Henscher réussit à y construire quelque chose d’infiniment plus complexe que dans la plupart des autres bandes dessinées du genre. Ici, les relations entre personnages sont minutieusement construites, que ce soit dans le présent ou dans le passé au gré de flashbacks savamment distillés. Les jeux de pouvoir sont magnifiquement mis en scène et projetés sur l’écueil des destins individuels, sur lesquels ils se brisent en mille morceaux pour donner naissance à de nouveaux jeux de pouvoir, toujours plus denses et plus complexes. Bien sûr, la mise en scène de personnages aussi nombreux dans un nombre de pages somme toute assez réduit peut engendrer le risque de perdre un lecteur peu attentif, mais si on s’accroche un tout petit peu, le récit nous guide de manière franchement claire au travers de cet univers très, très dense, agrémenté de discrètes touches de fantastiques, évoquant les plus grandes réussites du genre, tenant très bien la comparaison inévitable avec Game of Thrones ou Le Seigneur des anneaux. Et une fois qu’on a accepté de s’immiscer au sein de cet univers, il est très dur d’en sortir… C’est ce qui rend si difficile la décision des auteurs d’abandonner la saga alors que le troisième tome était déjà en cours de réalisation, même si on imagine qu’ils avaient une bonne raison. D’autant que l’abandon de la part des auteurs rend la chance de voir ce troisième tome paraître un jour beaucoup moins envisageable que si cela avait été une décision de l’éditeur… Alors oui, pour moi, Le Banni aurait pu, sans son abandon, être à la bande dessinée ce que Le Seigneur des anneaux est au cinéma. Une claque mémorable pour un chef-d’œuvre de dessin et de narration.
Hématite
Cela commence comme une version adolescente et féminine de Petit Vampire. Hématite est en effet une jeune vampire lycéenne dans un monde où se cotoient au quotidien toutes sortes de monstres, garous, goules et autres zombies, mais aussi quelques humains, dans le plus grand naturel même si chacun y a les spécificités propres à sa race. Les vampires y font partie de la classe noble mais Hématite a choisi d'intégrer un lycée plus populaire que l'académie privée qui l'attendait afin de pouvoir cotoyer les autres races... notamment sa meilleure amie, la goule Drulina, et surtout Emile, l'humain dont elle est secrètement amoureuse. On découvre la vie lycéenne d'Hématite, ses embrouilles avec d'autres filles, et comment elle essaie de se rapprocher de celui qu'elle aime. En parallèle, elle doit prendre garde à ne pas faire de bêtises et attirer sur elle la colère de ses parents qui menacent à chaque instant de lui faire quitter ce lycée où ils estiment qu'elle s'abaisse et gâche son avenir. Le dessin y est tout à fait sympathique, avec des personnages simples mais bien rendus et quelques décors franchement jolis. Ce n'est qu'après lecture que j'ai découvert que toute la BD était réalisée à quatre mains : les deux auteurs sont mari et femme, tous deux d'origine argentine, et ils se partagent scénario, dessin et couleurs. Je n'avais absolument pas réalisé que deux styles différents s'y mélangeaient. C'est du beau travail. Le premier tome est une longue et agréable mise en place du contexte. S'il se lit avec plaisir, l'intrigue n'y prend pas encore son envol et reste dans les classiques du genre récit pour jeunes ados, avec amourettes et petite péripéties du quotidien, même si celles-ci sont ici émaillées des pouvoirs magiques et capacités spéciales des différents protagonistes. Ce n'est que sur la fin de ce tome que l'intrigue prend soudain un virage novateur et qu'elle commence à présager de quelque chose de différent pour la suite. J'ai hâte de la lire et si les auteurs réussissent à y maintenir le niveau de qualité graphique et narratif du premier tome tout en donnant davantage d'envergure au scénario, alors je saurai que je n'ai pas eu tort de donner à l'avance une bonne note à cette série.
Aldobrando
Le titre et la couverture n'avaient pas attiré mon attention, une sorte de déjà vu : une silhouette qui court sur un fond orangé, et un nom à consonance italienne, bah... So what ? Effectivement le coté classique est présent, tant dans le pitch ( un enfant sans père et sans ressource qui part à la recherche de son chemin dans l'inconnu) que dans l'apparence ( Un dessin aquarellé avec une technique irréprochable et une sensibilité pour toutes les diversités des personnages et des paysages.) Le choix d'un monde imaginaire sans technologie et pleins de rituels, qui évoque le moyen-âge mais sans situation historique particulière, permet au dessinateur de créer un environnement à la fois séduisant et mystérieux pour accueillir les personnages. Ensuite l'histoire est très bien développée depuis le début à la sans famille, jusqu'à la fin qui est une pirouette malicieuse ! L'originalité de cet album est en fait son actualité. Le héros fragile apporte un questionnement bien d'aujourd'hui sur une histoire maintes fois racontée, de princesse enfermée dans un château imprenable. Les dangers, les espoirs, les personnages secondaires que l'on ne remarque pas et qui deviennent les rotules de l'histoire sont mis au service de notre imaginaire enfantin. Nous aussi nous sommes à la recherche de notre chemin vers l'inconnu. Le secret de cet album, c'est l'identification. Nous sommes avec Aldobrando. Nous sommes Aldobrando.
Mes génies
Mes génies est un roman graphique 100% autobiographique, d'une grande justesse, d'une impartialité parfaite et d'un caractère historique indéniable. Ou presque. Vous rappelez-vous de Gotlib qui dans Rubrique-à-Brac se dessinait en vieux sage de la bande dessinée, drapé dans son auguste toge et coiffé de lauriers ? Wandrille reprend ici ce lourd rôle en tant qu'enseignant daignant dispenser son savoir à des étudiants rigoureusement incultes. Tout ceci relève évidemment d'une mise en scène poussée pour arriver au stade de la caricature, et c'est sur ce postulat que se développent les différents chapitres de cet album. Le risque de quelconquitude était fort, et pourtant Wandrille s'en sort très bien. Déjà les différents petits textes sur le livre (sous-titre, citation au début, textes graphiquement joliment mis en forme entre chaque chapitre) sont soignés, jolis, amusants, et mettent en condition pour aborder le contenu. Le dessin ensuite, qui est souvent jeté rapidement sur le papier façon carnet ou dessin quotidien de blog, s'il paraît un peu rapide, est très expressif, maîtrisé, et sait se faire parfois superbe dans son genre. Je pense entre autres à l'entrée en classe au début de l'album et à la planche Vous pouvez m'appeler Monsieur ou "Maître". Je ne vous cache pas que j'ai une préférence. Concernant la mise en page, oubliez les cases, il n'y en a pas. On se réfèrera d'ailleurs au chapitre traitant de ce sujet pour avoir de plus amples informations. Parce qu'au-delà de la mise en scène d'enseignant faussement génial et d'étudiants vraiment pas géniaux, quelques sujets sur la structure de la bande dessinée sont abordés. Plus comme prétexte que comme vrais sujets approfondis, mais c'est agréable. L'ensemble ressemble donc à un joyeux fouillis très vivant qui se lit cependant sans peine. Mais ce que j'ai beaucoup aimé dans cet album, c'est tout simplement cet humour glacial et sophistiqué, pardon, potache, un peu geek (synonyme : érudit des temps modernes) et bon enfant. Le tout marche très bien, et je me suis retrouvé à sourire béatement (le "a" est facultatif) à peu près du début à la fin. Ce que beaucoup de livres d'humour ne parviennent pas à faire.
Tout est vrai
S'il est bien une chose que j'adore avec la maison d'édition Ici Même, c'est de me faire surprendre quasi à chaque album. Que ce soit avec l'immersif La Fange dernièrement (sélectionné pour Angoulême), ou l'exotique Nippon Folklore - Mythes et légendes du Soleil-levant plus avant, chaque production nous embarque dans un univers toujours inattendu, grâce aux récit ou encore aux graphismes singuliers proposés. Cette fois encore avec "Tout est vrai", l'auteur italien Giacommo Nanni (Prix de l'audace Angoulême 2020 pour son album Acte de Dieu) nous prend à rebrousse poil tant par son graphisme inattendu que l'histoire qu'il nous propose. C'est par le prisme narratif d'une corneille qu'il nous replonge dans les dramatiques événements des attentats de Charlie Hebdo en 2015. Cet animal très intelligent et doué d'une mémoire surprenante va donc jouer le fil conducteur entre certains des protagonistes de ce drame. Tel un puzzle remonté petit à petit façon chorale par les "objets cadeaux" glanés de-ci de-là et les rencontres de notre corneille, la trame dramatique se tisse inexorablement. Et c'est là toute l'originalité de cet album qui relie entre eux des drames éloignés mais aux implications concomitantes, et des créatures que tout sépare. Que vient donc faire la guerre d'Algérie dans ce récit ? Que viens faire ce flic "libérateur" de corneilles dans cette histoire ? C'est ce que nous allons froidement découvrir au fil des pages et des envols de notre corneille. Car c'est sous l'égide de ce ton distant et factuel de notre corneille que les connexions vont opérer... Giacommo Nanni articule son récit original autour d'un graphisme qui l'est tout autant ; tout en trames colorées, oscillant entre la photographie et l'affiche vue à la loupe révélant sa trame en quadrichromie. On est tout d'abord déconcerté, puis, cadrages, découpages et le récit aidant, on se laisse petit à petit bercer par la poésie qui en émane, tel un tableau de Seurat sur lequel nos yeux auraient fini par faire la focale. Il sait jouer des contrastes pour nourrir son histoire. Voilà donc un album déroutant, qui ne cherche pas à imposer, mais à exposer, à recontextualiser, à tirer les lignes, à briser les codes, en abordant un sujet brulant sans y laisser ses ailes. Le pari était ardu, je suis même sorti de ma lecture circonspect. J'ai attendu quelques jours avant d'arriver à canaliser un tant soit peu mon ressenti pour rédiger cet avis, en retournant tout ça dans ma tête. Et quand on réalise qu'un album fait cet effet, c'est qu'il a vraiment quelque chose de singulier et qui mérite toute notre attention.
La Cathédrale des Abymes
J'aime moyennement la dark fantasy, mais là je fais une exception, j'ai de suite senti qu'on n'était pas dans une énième série de HF parce que quand je me trouve face à un récit d'une telle profusion dans son déroulement et surtout face à une partie graphique aussi sensationnelle, je suis de suite conquis. Pourtant je me méfiais parce que ma lecture d'Arawn m'avait bien déçu, aussi suis-je rentré dans cette histoire avec circonspection. C'est de la dark fantasy sombre et tragique, j'oserais même dire qu'il y a un petit air shakespearien dans tout ça, en beaucoup plus sombre, et surtout c'est beaucoup moins bourrin que Arawn et ça n'a strictement rien à voir avec les Bd de fantasy plus légères ou pour ados du genre Lanfeust de Troy qui ne m'a jamais fait vibrer (même si c'est sympa) ou Les Forêts d'Opale que j'avais bien aimé. Non, ici Istin prend son temps et développe une intrigue ambitieuse, bien échafaudée, en distillant à chaque tome des informations qui enrichissent l'univers et en installant une atmophère fascinante. L'histoire est d'une grande complexité, tout est très sérieux, faut s'accrocher et s'investir totalement dans cet univers au risque de s'y perdre. Il y a beaucoup de personnages, on va d'un lieu à un autre, d'un personnage à l'autre, la qualité du scénario se démarque de tout ce que j'ai pu lire jusqu'ici dans le genre, même si Istin réutilise pas mal de codes connus ; les personnages sont vraiment intéressants, j'aime beaucoup la templière Sinead qui a l'allure d'une héroïne à la fois très féminine et très forte. Tout ceci est illustré par Grenier avec une dextérité graphique, comme il l'a fait sur Arawn, sauf que là ce n'est pas ennuyeux, et ces dessins, oulalah ! qu'est-ce que c'est beau ! c'est somptueux, fabuleux, on dirait presque des tableaux, bref j'ai pas les mots, et je me réjouis quand un récit d'une telle qualité est illustré par un dessin aussi merveilleux, c'est l'osmose totale de la perfection scénaristique et graphique. Grenier livre des images qui ont une force évocatrice, j'adore ce style de dessin-peinture, ça m'a rappelé un peu le style de Segrelles sur Le Mercenaire, même si le côté pictural chez Segrelles était plus marqué ; ici, c'est d'une puissance phénoménale dans le détail des fonds de cases, des arrière-plans, des nombreux éléments décoratifs ou des ambiances qui alternent les paysages arides et les paysages glacés. La mise en page est sublimée par des cadrages de différentes tailles, des pleine-pages et des double pages qui rendent un visuel carrément époustouflant, on s'arrête sur ces dessins, on les scrute avec attention, on y revient tellement ils sont grandioses surtout dans certaines architectures fantasmagoriques. D'ailleurs ça crée des ambiances cinématographiques, on pense bien sûr à la trilogie du Seigneur des Anneaux de PJ, qui a dû probablement influencer Grenier, notamment dans les architectures ; mais dans ce déferlement de splendeur visuelle, je trouve étrange d'avoir donné le physique de l'acteur Philippe Noiret à Don Coskarelli, ça n'est pas très compatible, c'est pour moi le seul grief que j'ai sur cette série qui m'a totalement ébloui.
Le Journal de mon père
Je poursuis ma découverte de Taniguchi par cet album qui a grandement participé à la popularité de l'auteur. J'ai mis une bonne semaine pour enfin trouver les mots pour cet avis, mais encore aujourd'hui, je ne sais toujours pas si j'ai aimé ou non cette lecture. Un homme apprend la mort de son père et se rend donc dans sa famille pour les funérailles. Il n'a plus vu sa famille depuis de nombreuses années et n'a jamais vraiment gardé contact avec son père, depuis le divorce de ses parents. Notre héros va se replonger dans ses souvenirs, aidé par son oncle, sa sœur et autre proche du défunt père et se rendre compte que son paternel n'était peut être pas exactement celui qu'il imaginait. Juste après avoir fini ma lecture, j'étais prêt à mettre 1 ou 2 étoiles à l'album tellement il m'a été difficile de le terminer. L'album est beau, fluide et vraiment bien amené, mais le sujet traité est dur. On y parle d'une relation ratée entre un père et son fils, et ce à cause de l'égoïsme du fils, de son incapacité à voir plus loin le bout de son nez. Rarement, j'ai été autant écœuré, scandalisé par le comportement du personnage principal d'une histoire. Etre spectateur de cette relation gâchée, de cet individu centré sur ses intérêts m'a été très difficile. Et comment marquer son désaccord avec le personnage principal d'une bande dessinée? Arrêter sa lecture. J'ai finalement poursuivi ma lecture tant bien que mal et mis plusieurs jours à la digérer. En y repensant maintenant, je me dis que Taniguchi a encore une fois réalisé une grande œuvre au vu du nombre d'émotions que cela m'a procuré. Comme Quartier lointain, les émotions ressenties ne sont pas très joyeuses. Quartier lointain nous fait ressentir de la tristesse, de la nostalgie, de la compassion, de la mélancolie et toutes autres émotions négatives mais à connotations positives. Ici, "Le journal de mon père" nous fait également ressentir de la tristesse, mais plus sombre. J'ai ressenti du désespoir, du regret, de la frustration, du dégout et plein d'émotions négatives, et uniquement négatives. A la fin de ma lecture, j'étais vidé de toute énergie positive, je doutais de ma relation avec mon propre père (alors qu'elle est merveilleuse), j'ai sombré dans un petit épisode dépressif ( qui n'a duré qu'une soirée je vous rassure). Je ne pense pas que je relirai un jour cet album, ni que je le conseillerai. Néanmoins, je ne peux nier le fait que cet album est réussi vu la palette d'émotion qu'il m'a fait vivre et son impact qu'il pourrait avoir sur d'autres lecteurs. Je pense que ce manga pourrait aussi servir d'électrochoc pour certaines personnes ressemblant au personnage principal ou simplement rappeler les priorités de la vie à n'importe qui. Je vais tacher de rester sur une note positive et sur l'un des messages que l'auteur a voulu nous transmettre : la famille, on n'en a qu'une... Prenez en soin et profitez en. PS: Tous les "ouh, ah uh, iih, ooh" pour montrer que les gens sont tristes et pleurs étaient-ils vraiment nécessaire ? A chaque fois, cela me sortait du récit et j'avais comme image en tête des familles endeuillées essayer de se réconcilier par le plaisir de la chair. Bon après j'ai peut être l'esprit mal tourné mais cela m'a agacé et je me devais de vous en faire part ! 3,5 étoiles MAUPERTUIS, OSE ET RIT !
Mille tempêtes
Voici une chouette lecture ! L’éditeur précise qu’une version en Noir et Blanc existe. Sans préjuger de sa qualité, je trouverais dommage de se priver du travail de colorisation de Sandoval, vraiment très beau, sans esbroufe, comme le dessin : l’aspect graphique est pour beaucoup dans le charme exercé par cette histoire. C’est un conte mêlant noirceur des forces du mal et joie des premiers émois, des relations amicales, l’héroïne étant au cœur de tous ces thèmes. L’histoire est finalement assez simple, la narration fluide – même si les premières pages multiplient les personnages et les différents mondes. Surtout, Sandoval a réussi à bien équilibrer fantastique et narration traditionnelle. En tout cas c’est un album épais (très beau travail éditorial au passage !) qui se lit vite (car il y a peu de textes, mais c’est aussi qu’on est embarqué dans ce conte d’une grande fraicheur).
Célestin et le coeur de Vendrezanne
Excellent, coup de coeur Encore une fois c'est avec délice que je replonge dans l'univers des contes de La Pieuvre, troisième opus ou cette fois Gess nous propose de suivre Céléstin serveur à l'auberge de ladite Pieuvre. Bien sûr il possède un talent, un Don mais dont il ne se vante pas ayant trop peur qu'on l'utilise contre son gré. Car Célestin est un Discerneur, il peut voir la véritable apparence des gens. L'histoire foisonnante, difficile à résumer se déroule dans un Paris fin XIX ème siècle, un brin fantasmagorique. En 1842 dans un hôtel bourgeois un spectre apparait en poussant un cri qui rompt les tympans d'un nouveau-né. Le père de l'enfant intervient et transperce la chose d'un coup de sabre. Quelques années plus tard en 1872 quatre enfants de la bande des asticots drainent les égouts de Paris pour y récupérer d'éventuels trésors. Malheureusement pour eux la voirie décide de purger les égouts et déverse des milliers de litres d'eau. Pendant ce temps Célestin déambule de table en table à l'auberge de La Pieuvre en proposant le plat du jour "Poulet sans tête". L'auberge est bien sûre fréquentée par une multitude de mauvais garçons dont plus d'un au service de La Pieuvre possèdent des talents. Ainsi on y croise Pluton l'hypnotiseur ou le saigneur, un tellurique, un découvreur et bien sûr le quarteron à la tête de l'organisation; l’œil, la bouche, l'oreille et le nez. Dans ce monde fantasmagorique Célestin a bien du mal à trouver sa place, cerné qu'il est par tous ces personnages hauts en couleur et animé de mauvaises intentions. A la manière des feuilletonistes de l'époque Gess découpe son récit de manière plus qu'habile, distillant avec parcimonie les indices qui au final nous dévoilent les tenants et aboutissants de l'histoire. Personnellement si je me suis un peu perdu dans les toutes premières pages , je n'ai pu ensuite lâcher l'affaire. Le graphisme est plus qu'efficace avec une colorisation qui utilise beaucoup les sépias, notons également l'utilisation d'une couleur très tranchée lorsque nous nous plaçons selon le point de vue de Célestin et de son Don. Personnellement j'ai dévoré cet album dont je souhaiterais qu'il ne soit pas le dernier dans cet univers, du grand et très beau travail qui nous entraine dans un univers extrêmement original, j'en redemande.
Blue note
Belle surprise cette série surtout que je ne savais pas trop à quoi m’attendre. Nous sommes à New York, à quelques mois de la fin de la prohibition … Entre matchs de boxe truqués, les paris clandestins, une ville gangrénée par la pègre, les effluves de l’alcool de contre bande et quelques notes furieuses de blues et de jazz, je me suis régalé ! Le scénario bien sombre est excellement bien écrit. Un peu en mode cinématographique façon puzzle. Il y a du contenu. Les personnages sont travaillés. Ils ont de l’épaisseur. La lecture est fluide et agréable. Visuellement c’est très bon également. Un ravissement pour les yeux avec notamment un jeu de lumières particulièrement séduisant. La mixité ombres et lumières est une vraie réussite. Et que dire de la colorisation en mode passéiste. Un vrai bonheur visuel. C’est original cette dualité boxe et musique. Le premier album suit un boxeur. Le deuxième quant à lui suit un musicien. Ils s’entrecroisent à peine pourtant nous sommes sur la même temporalité. C’est inattendu et bien mené. Bravo à Mariolle et Bourgouin pour ces deux atmosphères. Une deuxième lecture avec les deux albums ouverts s’imposera naturellement à vous. C’est juste génial ! oui oui ça va bousculer vos habitudes. Laissez-vous glisser dans ce New-York bien particulier qui vit ses dernières heures de la prohibition. Uppercut au foie et sonorités jazzy vont agrémenter votre lecture.