C'est avec l'édition intégrale parue chez Soleil dans la collection Métamorphoses que je découvre cette série précédemment sortie chez Carabas. Fan de cette collection pour le soin apporté à l'objet c'est de nouveau une très belle édition que Soleil nous propose : grand format, couverture très réussie et papier de qualité. Miam !
"Le Petit rêve de Georges Frog" nous relate la vie de Georges, pianiste fan de jazz dans l'Amérique de la grande dépression du début du XXe siècle. C'est ce que j'ai apprécié dans ce récit : d'une part cette réflexion sur la création artistique ou comment vivre de son art en faisant ou non des concessions, et d'autre part la toile de fond de cette Amérique en pleine tourmente qui donne encore plus de force à ce questionnement. Faut-il jouer la musique que l'on aime, souvent incomprise, et vivre misérablement ou se plier à la demande plus commerciale qui vous permet du coup de vivre plus confortablement en vous coupant de ce que vous aimez véritablement ?
Phicil, l'auteur, que je découvre avec cet album a un style particulier. Personnages animaliers au trait simple, épais mais très expressif, décors assez fouillés par contraste, et colorisation en aplat. Son style donne au final une ambiance singulière qui rend à merveille la vie américaine de cette période, et si j'ai été un peu surpris au début de ma lecture je me suis très vite adapté et j'ai fini par en apprécier toute la subtilité.
Une belle série très bien remise en valeur avec cette intégrale bien pensée et réalisée !
Toujours un peu méfiant avec le travail de Jean Dufaux, qui à défaut de mauvaises idées se laisse trop souvent déborder par ses ambitions, c'est sur un salon BD où dédicaçait Mohamed Aouamri que j'ai découvert "La Saga Valta".
Amateur de fantasy, ayant déjà apprécié le savoir-faire du dessinateur dans la suite de La Quête de l'Oiseau du Temps, je me suis laissé tenter par ces deux premiers tomes (dont le premier en grand format noir & blanc). Et la bonne surprise c'est que le troisième tome devrait sortir ce mois-ci !
En attendant ce dernier qui devrait clore normalement cette série, j'ai déjà pu me régaler avec ces deux opus. Mention spéciale tout d'abord au dessin de Mohamed Aouamri dont le talent s'inscrit dans une lignée directe de Régis Loisel, et qui grâce à son style réaliste donne à cet univers nordique toute sa force, et ce d'autant plus dans l'édition grand format noir et blanc du premier tome : tout simplement somptueux !
Quant au récit concocté par Jean Dufaux, il est jusqu'ici parfaitement mené et a su m'envouter de bout en bout. Personnages calculateurs, héros mis à mal, personnages féminins pas là pour faire potiches et décors majestueux : le nord, ses habitants et ses créatures vous prennent aux tripes !
En attendant de lire la fin de cette saga, ces deux premiers tomes sont des plus réussis et je ne peux que vous en conseiller fortement la lecture !
De manière frappante, c’est la première scène qui va donner le ton de l’histoire, lorsque Grimr, encore tout jeune enfant, échappe miraculeusement à l’épais nuage de cendres provoqué par une éruption volcanique, tandis que ses parents trouvent la mort. C’est à ce moment précis que le lecteur entrevoit la capacité de résistance exceptionnelle du jeune héros. Pourtant, à peine tiré d’affaire, Grimr sera pris pour un démon sorti des enfers par des trafiquants d’enfants passant là par hasard. Les odieux personnages vont néanmoins le capturer, réalisant bien vite le prix qu’ils pourraient en tirer…Un être maléfique doublé d’un paria, c’est ainsi qu’il sera considéré par les habitants de l’île, lui, le cœur pur et sensible enserré dans une enveloppe « monstrueuse ».
Si au premier abord le trait peu paraître assez grossier, force est d’admettre au fil des pages qu’il cadre parfaitement avec le contexte où la vie semble reposer sur le caractère indomptable de l’Islande, une île aride au climat peu hospitalier, cernée par l’océan et menacée par ses volcans, où la nature a pu demeurer sauvage et belle… Le personnage principal symbolise à lui seul cette géographie, imprévisible et colérique, mais doté d’une âme pure. Totalement lié au pays qui l’a vu naître, Grimr est l’Islande ! S’attardant peu sur les contours et les détails, Jérémie Moreau semble avoir laissé libre cours à son intuition, axant davantage son travail sur les couleurs (les paysages à l’aquarelle sont superbes) et le mouvement, comme la lave s’échapperait d’un volcan, sans avoir pour autant négligé l’expressivité des visages.
Quant à l’histoire, elle est bien construite et d’une légèreté très appropriée, permise par le retrait des textes (d’excellente qualité) derrière le dessin, comme pour laisser la nature, puissante et silencieuse, dominer l’ensemble. Une nature qui se révèle être un personnage à elle seule, en quelque sorte l’alter ego de Grimr.
Ainsi, cette « saga » extraordinaire rappelle en partie, à travers le personnage de Grimr, le mythe de Frankenstein. C’est un fait, l’être humain n’apprécie guère la différence, a fortiori quand elle est monstrueuse, mais il se moque bien de savoir si les apparences sont trompeuses, et demeure sans pitié pour quiconque s’écarte de la norme, préférant bien souvent hurler avec les loups… Le cinquième opus de Jérémie Moreau, jeune auteur déjà remarqué pour Le Singe de Hartlepool, s’impose comme une très belle œuvre pour un personnage maudit et attachant, qui connaîtra même une histoire d’amour déchirante…
Après l'excellentissime Le Singe de Hartlepool scénarisé par Wilfrid Lupano tiré d'une anecdote du début du XIXe sur la bêtise humaine, et le très bon album jeunesse Tempête au haras traitant également de la différence au travers du handicap, Jérémie Moreau nous entraine cette fois-ci en Islande à la fin du XVIIIe siècle. En ces temps de domination danoise et de misère absolue, la renommée se définit avant tout par son lignage. Grimr, orphelin, n'est donc personne mais il entend bien changer son destin et prouver à tous sa valeur.
On retrouve donc ici ce concept de différence qui semble servir de fil d'Ariane à Jérémie Moreau dans ses différents albums, avec cette fois-ci l'idée d'être maître de son destin ou de pouvoir l'infléchir. Car si Grimr n'est "personne" en Islande, sa force physique hors du commun va lui permettre de parvenir à ses fins et d'inscrire son nom parmi les grandes sagas de son pays.
Si j'ai toujours eu un peu de mal en début d'album avec le style graphique de l'auteur, son talent de narrateur m'a toujours permis d'apprécier ses albums. Comme quoi, il faut parfois se faire un peu violence et savoir sortir de ses habitudes de lecture. Car son trait simple mais expressif et sa mise en couleur un peu terne conforte les caractères rugueux et âpres de ce pays et de ses habitants.
Grimr se révèle un récit rude, mais l'abnégation de son personnage principal forcent le respect et on se laisse porter sans y prêter garde jusqu'à son dénouement.
C'est une nouvelle fois un très bon album que nous propose Jérémie Moreau qui m'aura permis de découvrir l'Islande par le biais de facettes que je ne connaissais pas.
Je ne l'ai découvert qu'à la fin sur le dos de l'album: c'est tirée d'une histoire vraie à partir de la rencontre de l'auteur et d'un homme de 71 ans qui fut SDF pendant un temps. Au milieu des années 1970, il s'embarque avec sa fiancée légèrement plus âgée pour l'Espagne franquiste où il va tenir un bar restaurant qui va marcher du tonnerre avant une dégringolade liée à son penchant pour l'alcool qui le rend violent.
Je retrouve au dessin mon auteur espagnol préféré du moment à savoir Nadar (Papier froissé, Le Monde à tes pieds). Il n'y a rien à redire: j'aime son style et son dessin avec une belle reconstitution des années 70. Au scénario, on ne présente plus Philippe Thirault qui maîtrise à merveille ce roman graphique sans concession.
On découvre sur fond de dictature franquiste un amour qui se décompose à cause de la boisson. C'est une histoire véritablement authentique avec des personnages qui sont loin d'être sympathiques. Un drame en Galice à la fois social et moral.
Lili Pirouli, c'est avant tout pour moi une BD pleine de fraicheur, au dessin tout en douceur, tant dans le trait que dans ses couleurs. Armèle Modéré imprime un esprit tout guilleret et enfantin à cette succession de courtes histoires qui s'enchainent pour nous raconter le quotidien espiègle de la jeune Lili.
C'est frais, pétillant, tout en simplicité, comme le caractère d'une jeune enfant. Les idées se bousculent dans la tête de Lili et elle, n'est pas en reste pour faire pester ses parents, amuser ses copines ou faire rougir sa mère en disant tout haut ce que d'habitude on dit tout bas.
Bref, pas de chichis, un bon esprit et beaucoup d'espièglerie au pays de Lili ! Les jeunes lectrices vont adorer !
Tout comme l'avis de Sloane, c'est bien tardivement également que je découvre les tribulations de Anita Bomba et je lui concède volontiers une place unique dans ma bibliothèque tout comme elle en occupe une dans la bd franco-belge des années 90.
Cet univers atypique de steampunk, heroic fantasy avec une héroïne illettrée mais pas démunie (une terroriste voleuse poseuse de bombes coiffée du couvre-chef de Toad, vous en connaissez beaucoup ?) est plutôt bien construit et propose pas mal de péripéties sous une construction fluide par chapitres.
L'oeuvre n'a pas vieilli et reste intemporelle mais il faut quand même reconnaître pas mal de blabla avec une voix off omniprésente. Une voix off cynique mais parfois trop bavarde.
On ne sait jamais réellement quelle direction prendre et les auteurs ont l'audace de faire ce qu'ils veulent de leurs personnages, y compris les actions les plus improbables. Le lecteur est vraiment promené de surprises en surprises et si Anita Bomba est un personnage original loin des clichés habituels d'héroïnes comme Natacha et Franka (pour le côté sexy et nunuche on repassera) mais alors que dire de LA trouvaille géniale : un robot complètement foutraque aux personnalités multiples qui l'accompagne et bouleverse parfois tous les projets de sa maitresse :)
Il faut maintenant parler du trait original de Cromwell, un véritable régal pour les pupilles à l'égal d'une colorisation originale qui donne un cachet unique à une série qui ne l'est pas moins.
A noter que certaines pages ont été refaites à l'occasion pour la récente intégrale d'Akileos rendant cette nouvelle édition indispensable et plus proche des souhaits des auteurs, les différents tomes reprenant enfin leurs titres d'origine.
Anarchique, punk ou complètement barrée, Anita Bomba est un petit bijou de divertissement alternatif qui fait du bien parmi les nombreuses productions bd aseptisées actuelles.
Avant tout, il faut signaler que c'est un album de Fabcaro.
Après tout, il faut remarquer que l'édition à l'italienne rend justice à son format de demi-pages de strips à l'origine pour une lecture des plus confortables.
Mais malgré tout, ce pastiche de télés novelas bien caricatural se savoure dans la durée... Ces aventures d'une belle famille de beaufs avec moult clichés ne se lit ni en une traite, ni par coupures. L'humour subtil de Fabcaro s'apprécie vraiment sur la durée avec le background des personnages s'épaississant et amenant au final un véritable cachet cynique !
Cette famille ordinaire n'a rien d'extraordinaire. Leur cupidité sur l'acquisition ou non d'une Citroën CX (qu'on ne verra presque jamais d'ailleurs) du patriarche gâteux est à mourir de rire !
Cette panoplie d'abrutis passe encore mieux sous la plume inspirée de James et leur look animalier leur donne un air universel. Ces beaufs, vous en avez forcément dans votre famille ou votre entourage, peut être même en êtes vous un ?
C'est la force de cette série atypique qui n'interpelle pas au premier abord mais devient quasi indispensable à l'image de séries comme les Feux de l'Amour et compagnie qui révulsent avant de captiver leur public blasé.
Sauf qu'avec Amour, passion et CX diesel, on a véritablement affaire à un travail d'orfèvres destiné à tous les amateurs de bons mots et de situations pas forcément si absurdes que cela !!!
C'est sur le stand de Mosquito à Angoulême que j'ai découvert les deux albums qui composent pour l'instant ce qui est annoncé comme une trilogie. Intrigué par les deux couvertures que je trouve magnifiques, ce n'est finalement que cet été que je suis retombé sur ces BD et que j'en ai fait l'acquisition. Et quelle claque ! Ils sont vraiment forts ces italiens pour le fantastique et le noir et blanc !
Roi et Barbato nous larguent dans un monde post-apocalyptique sans qu'on sache vraiment ce qui s'est passé. Nous y suivons Ut, personnage masqué dont on ignore également pratiquement tout, mis à part que le quidam est plutôt du genre costaud, qu'il sait se battre et qu'il est un brin sentimental. Interviennent alors au fil des albums une brochette de personnages tous plus hallucinants les uns que les autres, chacun étant une pièce de musée en soi. L'atmosphère est lourde, sombre et fantasmagorique à souhait, camouflant un lourd mystère sur les origines de cette apocalypse passée... Fan du genre, j'ai tout de suite été envouté par ce récit complètement barré au graphisme si singulier.
Car cette aventure nous est servie par un dessin en noir et blanc somptueux (qui n'a pas été sans me rappeler celui de Battaglia en moins brouillon) qui donne toute sa consistance et sa puissance au récit. Noirs épais tranchants sur d'autres plus éthérés et charbonneux, Corrado Roi maîtrise parfaitement son noir et blanc et donne un élan surnaturel à son coup de crayon.
Alors si comme moi vous aimez ce qui sort un peu des sentiers battus et que vous en pincez pour le mystère et le fantastique, que le noir et blanc vous fait frissonner quand il est pratiqué avec grand art, ne passez pas à côté de cette série étonnante !
J'attends pour ma part sa conclusion avec impatience.
C'est un récit assez étonnant qui mêle médecine et histoire dans une fiction fantastique assez sublime. C'est bien réfléchi car cela mêle une histoire tragique assez intime à savoir la perte d'un bras par amputation à la suite d'un accident sur un deux roues. En même temps, grâce au personnage fantasmé d'Ambroise Paré, le père de la chirurgie moderne, on va parcourir l'histoire de l'amputation chez les hommes de la préhistoire au futur qui n'a pas encore eu lieu.
En effet, cette partie futuriste située à la fin de l'ouvrage est assez bien conçue car elle pose des questions sur l'homme augmenté à travers la théorie du transhumanisme qui fait peur à beaucoup de monde. j'avoue aisément avoir été séduit par cette idée qui prône à améliorer l'épanouissement et les libertés individuelles.
Une idée parmi d'autres : plus on vieillit, plus on accumule du savoir et cela peut avoir un impact sur la responsabilité sociétale et environnementale. Si par exemple Donald Trump savait qu'il pouvait effectivement vivre 200 ans grâce aux nouvelles technologies médicinales pour profiter de la vie, il se soucierait sans doute plus des conséquences de ses actes en matière d'environnement. Bref, il y a des réflexions de ce genre qui sont tout à fait pertinentes.
A noter que la première partie est entièrement consacrée à la réparation des corps et c'est assez original comme idée. Je n'avais jamais rien lu de tel et c'est assez ludique.
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Georges Frog
C'est avec l'édition intégrale parue chez Soleil dans la collection Métamorphoses que je découvre cette série précédemment sortie chez Carabas. Fan de cette collection pour le soin apporté à l'objet c'est de nouveau une très belle édition que Soleil nous propose : grand format, couverture très réussie et papier de qualité. Miam ! "Le Petit rêve de Georges Frog" nous relate la vie de Georges, pianiste fan de jazz dans l'Amérique de la grande dépression du début du XXe siècle. C'est ce que j'ai apprécié dans ce récit : d'une part cette réflexion sur la création artistique ou comment vivre de son art en faisant ou non des concessions, et d'autre part la toile de fond de cette Amérique en pleine tourmente qui donne encore plus de force à ce questionnement. Faut-il jouer la musique que l'on aime, souvent incomprise, et vivre misérablement ou se plier à la demande plus commerciale qui vous permet du coup de vivre plus confortablement en vous coupant de ce que vous aimez véritablement ? Phicil, l'auteur, que je découvre avec cet album a un style particulier. Personnages animaliers au trait simple, épais mais très expressif, décors assez fouillés par contraste, et colorisation en aplat. Son style donne au final une ambiance singulière qui rend à merveille la vie américaine de cette période, et si j'ai été un peu surpris au début de ma lecture je me suis très vite adapté et j'ai fini par en apprécier toute la subtilité. Une belle série très bien remise en valeur avec cette intégrale bien pensée et réalisée !
Saga Valta
Toujours un peu méfiant avec le travail de Jean Dufaux, qui à défaut de mauvaises idées se laisse trop souvent déborder par ses ambitions, c'est sur un salon BD où dédicaçait Mohamed Aouamri que j'ai découvert "La Saga Valta". Amateur de fantasy, ayant déjà apprécié le savoir-faire du dessinateur dans la suite de La Quête de l'Oiseau du Temps, je me suis laissé tenter par ces deux premiers tomes (dont le premier en grand format noir & blanc). Et la bonne surprise c'est que le troisième tome devrait sortir ce mois-ci ! En attendant ce dernier qui devrait clore normalement cette série, j'ai déjà pu me régaler avec ces deux opus. Mention spéciale tout d'abord au dessin de Mohamed Aouamri dont le talent s'inscrit dans une lignée directe de Régis Loisel, et qui grâce à son style réaliste donne à cet univers nordique toute sa force, et ce d'autant plus dans l'édition grand format noir et blanc du premier tome : tout simplement somptueux ! Quant au récit concocté par Jean Dufaux, il est jusqu'ici parfaitement mené et a su m'envouter de bout en bout. Personnages calculateurs, héros mis à mal, personnages féminins pas là pour faire potiches et décors majestueux : le nord, ses habitants et ses créatures vous prennent aux tripes ! En attendant de lire la fin de cette saga, ces deux premiers tomes sont des plus réussis et je ne peux que vous en conseiller fortement la lecture !
La Saga de Grimr
De manière frappante, c’est la première scène qui va donner le ton de l’histoire, lorsque Grimr, encore tout jeune enfant, échappe miraculeusement à l’épais nuage de cendres provoqué par une éruption volcanique, tandis que ses parents trouvent la mort. C’est à ce moment précis que le lecteur entrevoit la capacité de résistance exceptionnelle du jeune héros. Pourtant, à peine tiré d’affaire, Grimr sera pris pour un démon sorti des enfers par des trafiquants d’enfants passant là par hasard. Les odieux personnages vont néanmoins le capturer, réalisant bien vite le prix qu’ils pourraient en tirer…Un être maléfique doublé d’un paria, c’est ainsi qu’il sera considéré par les habitants de l’île, lui, le cœur pur et sensible enserré dans une enveloppe « monstrueuse ». Si au premier abord le trait peu paraître assez grossier, force est d’admettre au fil des pages qu’il cadre parfaitement avec le contexte où la vie semble reposer sur le caractère indomptable de l’Islande, une île aride au climat peu hospitalier, cernée par l’océan et menacée par ses volcans, où la nature a pu demeurer sauvage et belle… Le personnage principal symbolise à lui seul cette géographie, imprévisible et colérique, mais doté d’une âme pure. Totalement lié au pays qui l’a vu naître, Grimr est l’Islande ! S’attardant peu sur les contours et les détails, Jérémie Moreau semble avoir laissé libre cours à son intuition, axant davantage son travail sur les couleurs (les paysages à l’aquarelle sont superbes) et le mouvement, comme la lave s’échapperait d’un volcan, sans avoir pour autant négligé l’expressivité des visages. Quant à l’histoire, elle est bien construite et d’une légèreté très appropriée, permise par le retrait des textes (d’excellente qualité) derrière le dessin, comme pour laisser la nature, puissante et silencieuse, dominer l’ensemble. Une nature qui se révèle être un personnage à elle seule, en quelque sorte l’alter ego de Grimr. Ainsi, cette « saga » extraordinaire rappelle en partie, à travers le personnage de Grimr, le mythe de Frankenstein. C’est un fait, l’être humain n’apprécie guère la différence, a fortiori quand elle est monstrueuse, mais il se moque bien de savoir si les apparences sont trompeuses, et demeure sans pitié pour quiconque s’écarte de la norme, préférant bien souvent hurler avec les loups… Le cinquième opus de Jérémie Moreau, jeune auteur déjà remarqué pour Le Singe de Hartlepool, s’impose comme une très belle œuvre pour un personnage maudit et attachant, qui connaîtra même une histoire d’amour déchirante…
La Saga de Grimr
Après l'excellentissime Le Singe de Hartlepool scénarisé par Wilfrid Lupano tiré d'une anecdote du début du XIXe sur la bêtise humaine, et le très bon album jeunesse Tempête au haras traitant également de la différence au travers du handicap, Jérémie Moreau nous entraine cette fois-ci en Islande à la fin du XVIIIe siècle. En ces temps de domination danoise et de misère absolue, la renommée se définit avant tout par son lignage. Grimr, orphelin, n'est donc personne mais il entend bien changer son destin et prouver à tous sa valeur. On retrouve donc ici ce concept de différence qui semble servir de fil d'Ariane à Jérémie Moreau dans ses différents albums, avec cette fois-ci l'idée d'être maître de son destin ou de pouvoir l'infléchir. Car si Grimr n'est "personne" en Islande, sa force physique hors du commun va lui permettre de parvenir à ses fins et d'inscrire son nom parmi les grandes sagas de son pays. Si j'ai toujours eu un peu de mal en début d'album avec le style graphique de l'auteur, son talent de narrateur m'a toujours permis d'apprécier ses albums. Comme quoi, il faut parfois se faire un peu violence et savoir sortir de ses habitudes de lecture. Car son trait simple mais expressif et sa mise en couleur un peu terne conforte les caractères rugueux et âpres de ce pays et de ses habitants. Grimr se révèle un récit rude, mais l'abnégation de son personnage principal forcent le respect et on se laisse porter sans y prêter garde jusqu'à son dénouement. C'est une nouvelle fois un très bon album que nous propose Jérémie Moreau qui m'aura permis de découvrir l'Islande par le biais de facettes que je ne connaissais pas.
Salud !
Je ne l'ai découvert qu'à la fin sur le dos de l'album: c'est tirée d'une histoire vraie à partir de la rencontre de l'auteur et d'un homme de 71 ans qui fut SDF pendant un temps. Au milieu des années 1970, il s'embarque avec sa fiancée légèrement plus âgée pour l'Espagne franquiste où il va tenir un bar restaurant qui va marcher du tonnerre avant une dégringolade liée à son penchant pour l'alcool qui le rend violent. Je retrouve au dessin mon auteur espagnol préféré du moment à savoir Nadar (Papier froissé, Le Monde à tes pieds). Il n'y a rien à redire: j'aime son style et son dessin avec une belle reconstitution des années 70. Au scénario, on ne présente plus Philippe Thirault qui maîtrise à merveille ce roman graphique sans concession. On découvre sur fond de dictature franquiste un amour qui se décompose à cause de la boisson. C'est une histoire véritablement authentique avec des personnages qui sont loin d'être sympathiques. Un drame en Galice à la fois social et moral.
Lili Pirouli
Lili Pirouli, c'est avant tout pour moi une BD pleine de fraicheur, au dessin tout en douceur, tant dans le trait que dans ses couleurs. Armèle Modéré imprime un esprit tout guilleret et enfantin à cette succession de courtes histoires qui s'enchainent pour nous raconter le quotidien espiègle de la jeune Lili. C'est frais, pétillant, tout en simplicité, comme le caractère d'une jeune enfant. Les idées se bousculent dans la tête de Lili et elle, n'est pas en reste pour faire pester ses parents, amuser ses copines ou faire rougir sa mère en disant tout haut ce que d'habitude on dit tout bas. Bref, pas de chichis, un bon esprit et beaucoup d'espièglerie au pays de Lili ! Les jeunes lectrices vont adorer !
Anita Bomba
Tout comme l'avis de Sloane, c'est bien tardivement également que je découvre les tribulations de Anita Bomba et je lui concède volontiers une place unique dans ma bibliothèque tout comme elle en occupe une dans la bd franco-belge des années 90. Cet univers atypique de steampunk, heroic fantasy avec une héroïne illettrée mais pas démunie (une terroriste voleuse poseuse de bombes coiffée du couvre-chef de Toad, vous en connaissez beaucoup ?) est plutôt bien construit et propose pas mal de péripéties sous une construction fluide par chapitres. L'oeuvre n'a pas vieilli et reste intemporelle mais il faut quand même reconnaître pas mal de blabla avec une voix off omniprésente. Une voix off cynique mais parfois trop bavarde. On ne sait jamais réellement quelle direction prendre et les auteurs ont l'audace de faire ce qu'ils veulent de leurs personnages, y compris les actions les plus improbables. Le lecteur est vraiment promené de surprises en surprises et si Anita Bomba est un personnage original loin des clichés habituels d'héroïnes comme Natacha et Franka (pour le côté sexy et nunuche on repassera) mais alors que dire de LA trouvaille géniale : un robot complètement foutraque aux personnalités multiples qui l'accompagne et bouleverse parfois tous les projets de sa maitresse :) Il faut maintenant parler du trait original de Cromwell, un véritable régal pour les pupilles à l'égal d'une colorisation originale qui donne un cachet unique à une série qui ne l'est pas moins. A noter que certaines pages ont été refaites à l'occasion pour la récente intégrale d'Akileos rendant cette nouvelle édition indispensable et plus proche des souhaits des auteurs, les différents tomes reprenant enfin leurs titres d'origine. Anarchique, punk ou complètement barrée, Anita Bomba est un petit bijou de divertissement alternatif qui fait du bien parmi les nombreuses productions bd aseptisées actuelles.
Amour, passion et CX diesel
Avant tout, il faut signaler que c'est un album de Fabcaro. Après tout, il faut remarquer que l'édition à l'italienne rend justice à son format de demi-pages de strips à l'origine pour une lecture des plus confortables. Mais malgré tout, ce pastiche de télés novelas bien caricatural se savoure dans la durée... Ces aventures d'une belle famille de beaufs avec moult clichés ne se lit ni en une traite, ni par coupures. L'humour subtil de Fabcaro s'apprécie vraiment sur la durée avec le background des personnages s'épaississant et amenant au final un véritable cachet cynique ! Cette famille ordinaire n'a rien d'extraordinaire. Leur cupidité sur l'acquisition ou non d'une Citroën CX (qu'on ne verra presque jamais d'ailleurs) du patriarche gâteux est à mourir de rire ! Cette panoplie d'abrutis passe encore mieux sous la plume inspirée de James et leur look animalier leur donne un air universel. Ces beaufs, vous en avez forcément dans votre famille ou votre entourage, peut être même en êtes vous un ? C'est la force de cette série atypique qui n'interpelle pas au premier abord mais devient quasi indispensable à l'image de séries comme les Feux de l'Amour et compagnie qui révulsent avant de captiver leur public blasé. Sauf qu'avec Amour, passion et CX diesel, on a véritablement affaire à un travail d'orfèvres destiné à tous les amateurs de bons mots et de situations pas forcément si absurdes que cela !!!
Ut
C'est sur le stand de Mosquito à Angoulême que j'ai découvert les deux albums qui composent pour l'instant ce qui est annoncé comme une trilogie. Intrigué par les deux couvertures que je trouve magnifiques, ce n'est finalement que cet été que je suis retombé sur ces BD et que j'en ai fait l'acquisition. Et quelle claque ! Ils sont vraiment forts ces italiens pour le fantastique et le noir et blanc ! Roi et Barbato nous larguent dans un monde post-apocalyptique sans qu'on sache vraiment ce qui s'est passé. Nous y suivons Ut, personnage masqué dont on ignore également pratiquement tout, mis à part que le quidam est plutôt du genre costaud, qu'il sait se battre et qu'il est un brin sentimental. Interviennent alors au fil des albums une brochette de personnages tous plus hallucinants les uns que les autres, chacun étant une pièce de musée en soi. L'atmosphère est lourde, sombre et fantasmagorique à souhait, camouflant un lourd mystère sur les origines de cette apocalypse passée... Fan du genre, j'ai tout de suite été envouté par ce récit complètement barré au graphisme si singulier. Car cette aventure nous est servie par un dessin en noir et blanc somptueux (qui n'a pas été sans me rappeler celui de Battaglia en moins brouillon) qui donne toute sa consistance et sa puissance au récit. Noirs épais tranchants sur d'autres plus éthérés et charbonneux, Corrado Roi maîtrise parfaitement son noir et blanc et donne un élan surnaturel à son coup de crayon. Alors si comme moi vous aimez ce qui sort un peu des sentiers battus et que vous en pincez pour le mystère et le fantastique, que le noir et blanc vous fait frissonner quand il est pratiqué avec grand art, ne passez pas à côté de cette série étonnante ! J'attends pour ma part sa conclusion avec impatience.
La Fabrique des corps
C'est un récit assez étonnant qui mêle médecine et histoire dans une fiction fantastique assez sublime. C'est bien réfléchi car cela mêle une histoire tragique assez intime à savoir la perte d'un bras par amputation à la suite d'un accident sur un deux roues. En même temps, grâce au personnage fantasmé d'Ambroise Paré, le père de la chirurgie moderne, on va parcourir l'histoire de l'amputation chez les hommes de la préhistoire au futur qui n'a pas encore eu lieu. En effet, cette partie futuriste située à la fin de l'ouvrage est assez bien conçue car elle pose des questions sur l'homme augmenté à travers la théorie du transhumanisme qui fait peur à beaucoup de monde. j'avoue aisément avoir été séduit par cette idée qui prône à améliorer l'épanouissement et les libertés individuelles. Une idée parmi d'autres : plus on vieillit, plus on accumule du savoir et cela peut avoir un impact sur la responsabilité sociétale et environnementale. Si par exemple Donald Trump savait qu'il pouvait effectivement vivre 200 ans grâce aux nouvelles technologies médicinales pour profiter de la vie, il se soucierait sans doute plus des conséquences de ses actes en matière d'environnement. Bref, il y a des réflexions de ce genre qui sont tout à fait pertinentes. A noter que la première partie est entièrement consacrée à la réparation des corps et c'est assez original comme idée. Je n'avais jamais rien lu de tel et c'est assez ludique.