Je crois que je n'avais pas ouvert un livre de Gipi depuis Notes pour une histoire de guerre. C'est en écoutant l'auteur à la radio, à l'occasion du prix RTL de la bd de l'année 2017, qu'il m'a donné envie de me procurer cette bande dessinée.
Ce pavé de près de 300 pages (non numérotées, au passage) se lit pourtant assez vite. Nous sommes plongés, dès le début, dans un univers glauque où deux jeunes garçons sauvages tuent un chien.
Sans connaître les raisons du monde post-apocalyptique dans lequel ils vivent, nous sommes happés par leur histoire. Le récit, très cinématographique au demeurant, peut faire songer à l'univers du roman de Cormac Mc Carthy, "La route", bien que l'ensemble de l'histoire se déroule autour d'un seul lieu, un lac.
Gipi aborde ici beaucoup de thèmes sans en avoir l'air : de l'éducation à l'amour filial, en passant par le fanatisme, nous suivons une véritable quête du Graal - avec le livre de leur père - entreprise par ces deux ados, livrés à eux-mêmes.
Mais cette histoire est véritablement sombre, cruelle, même sous le trait en noir et blanc, adroitement brouillon, de Gipi.
L'auteur ne laisse que très peu de place à l'espoir dans cette histoire, laissant le lecteur imaginer une fin.
Un livre très fort, que j'ai dévoré d'une traite et qui mérite amplement son prix et sa place dans la sélection du festival d'Angoulême cette année.
Je ne connaissais pas du tout l'anarchiste Alexandre Jacob et je n'ai aucune idée à quel point les auteurs ont romancé sa vie, ici, mais en tout cas une chose est certaine c'est le genre de biographie que j'aime lire en bande dessinée !
Déjà, l'album est plus long que 44 pages et du coup les auteurs ont le temps de bien développer le personnage et de montrer les moments marquants de sa vie. On voit très bien l'évolution de sa psychologie et on comprend pourquoi les événements qu'il a vécus ont fait en sorte qu'il soit devenu une espèce de Robin-des-Bois qui vole des riches qui le méritent. On est loin des biographiques fades où on ne fait que sauter d'une année à l'autre pour voir rapidement la vie d'un personnage historique et le tout va tellement vite que sa vie est traitée de manière superficielle et qu'on n'a pas le temps de tout comprendre. Ici, tout est bien fait.
J'ai bien aimé le dessin réaliste, mais pas trop, qui rend la lecture agréable. C'est dynamique et fluide comme je l'aime.
Voici de très sympathiques petites histoires muettes pour les lecteurs en herbe (au stade petite pousse).
Le dessin est doux, précis, moderne et coloré. Le récit n’est pas en reste. Il repose sur une trame identique sur laquelle vient se greffer un habillage différent sans pour autant donner une impression de redondance. Les enfants peuvent complètement s’identifier au héro en culotte courte car il vit réellement ses histoires en se mettant dans la peau des personnages qu’il joue. Bref, une bd interactive qui stimule le jeune lecteur dans l’interprétation de ce qu’il voit sans nécessité pour lui de savoir lire.
Je valide aussi ! :)
D’emblée un constat s’impose : avec Winshluss, on entre tout schuss dans un univers unique et quasi indescriptible.
Le dessin underground sert un scénario bien huilé malgré le délire apparent de l’auteur. L’histoire débute classiquement dans une famille américaine de classe moyenne avec Angelo, le cadet, qui présente toutefois une imagination débordante. Un imprévu va chambouler le train-train quotidien de cette famille et fait rapidement basculer le récit dans l’imaginaire le plus farfelu. La trame en elle-même me fait penser à Alice au pays des merveilles. Mais la grande force de l’auteur est de garder un fil conducteur (parfois tortueux il est vrai) car toutes les rencontres que fait Angelo dans ces mondes imaginaires ne sont pas fortuites. Je peux comprendre qu’on n’accroche pas au dessin (un peu crado par moment) mais l’histoire vaut vraiment la peine d’être découverte pour son délire structuré.
Winshluss, un auteur décidément à part …
Fabien Nury et Sylvain Vallée reviennent avec Katanga et ils reviennent fort.
Quand on ouvre Katanga, la première chose qui marque est le graphisme. Si le dessin et les décors sont fouillés, les personnages sont à la limite de la caricature. Les congolais sont représentés avec ces grosses lèvres, des oreilles décollées et des nez évasés ; on se croirait presque à une autre époque, où le consensuel et le politiquement correct n’étaient pas à l’ordre du jour. Celle du « Y’a bon Banania ».
Ça questionne un peu. Et puis, on regarde les personnages blancs, et on se dit qu’ils ne sont pas mieux lotis. Le trait de S. Vallée va finalement laisser paraître de premier abord une impression de légèreté dans le propos. Il n’en est rien.
Katanga est une bd, une histoire, qui prend cœur dans un contexte historique réel (mais librement romancé) lourd, violent, qui laisse libre cours à toutes les facettes de la nature humaine.
Toute l’habilité de S. Vallée et F. Nury (ré)apparaît alors pour trouver le juste rythme qui nous place dans un contexte d’une autre époque, avec des personnages justes et savamment construits. Ils prennent le temps au cours des quelques 70 pages du livre de poser leur intrigue, leurs acteurs, et chaque page est riche d’informations.
Les auteurs ont fait le choix d’aucune concession, graphiquement comme scénaristiquement. C’est brut, ça sonne juste et j’y vois pour ma part un instantané d’une époque révolue (vraiment ?...) où les relations entre les blancs colonisateurs et les peuples soumis, mais aussi des ethnies et tribus entre elles étaient basées sur la hiérarchisation humaine des peuples.
Sur ce fond historique, Katanga est aussi une intrigue prometteuse dont les rouages sont nombreux et les rapports entre les personnages complexes : amour, fidélité, argent et vénalité dans ce contexte instable font un cocktail explosif.
Un peu comme « Il était une fois en France » laisse à réfléchir sur la façon dont on aurait mené notre barque pour survivre à la seconde guerre mondiale, Katanga nous pousse à la réflexion sur un sujet aussi sensible : la colonisation et les rapports entre les peuples.
Grandiose! Pas très loin de l'excellence.
J'aime la mer, en Corse, au Pays Basque et en… Bretagne où elle possède une sauvagerie que pour l'instant je n'ai rencontré nulle part ailleurs. Certains d'entre vous habitent bien loin de là mais si l'occasion vous en est donnée, n'hésitez pas à venir faire un tour sur nos côtes. Après la côte de granit rose de Perros, pas besoin de GPS c'est tout droit vers le soleil couchant. Le Léon, les abers et enfin tel un Graal la pointe du raz et ses rochers magnifiques où la mer vient se fracasser.
Le phare de la Vieille, légèrement vers le nord celui de Tevennec, ensuite on aborde l'île de Sein, pas tous les jours!, encore un phare et la chaussée avec en point de mire notre Ar-Men. Quand on pense que cet édifice d'une trentaine de mètres de haut fut construit sur un caillou d'à peine 12m de long sur 11 de large.
Emmanuel Lepage est très fort, je ne m'appesantirai pas sur son graphisme, la qualité de sa colorisation. L'ensemble force le respect et avec un tout petit effort l'on sent presque les embruns, pour un peu on entendrait les mouettes.
Ici le scénario est diablement intelligent, car ce n'est pas le bête récit de la construction d'un phare auquel nous avons droit, c'est un album sur les racines profondes de la Bretagne avec une magnifique évocation de la légende de l'Ankou qui ne l'oublions pas sévissait aussi sur les mers à bord de son vaisseau le Bag Noz. En surplus E. Lepage ancre son récit dans une autre temporalité, celle d'un père racontant à sa fille la légende de la ville d'Ys qui pour une fois met chaque acteur à sa véritable place, ôtant ainsi à Guenolé le beau rôle qui lui est souvent attribué.
Alors que dire de plus; si vous avez un scénario intelligent accompagné de superbes planches, et dessiner la mer dans tous ses états n'est pas si simple. Ajoutez à cela un DVD pour la première édition, je répète, grandiose, coup de cœur et culte. Et puis tient venez donc faire un tour jusqu'à la pointe du continent ça mérite le détour.
Et voilà que Gregory Panaccione nous revient dans un registre dans lequel on ne l'attendait pas forcément, et de façon plutôt convaincante pour notre plus grand plaisir.
En effet, c'est avec Match que j'avais découvert cet auteur, puis avec Toby mon Ami et enfin plus récemment avec Un océan d'amour. Ces trois albums ayant la particularité de ne pas utiliser de texte pour la narration, j'étais curieux de voir ce que cela allait donner dans un genre auquel il ne nous avait pas habitué : la science-fiction.
Et ma fois, c'est à mon sens une franche réussite. Le trait de Panaccione, si expressif, se marie parfaitement avec le scénario concocté par son compatriote Giorgio Albertini. Ce premier tome réussi à piocher dans des registres variés ce qu'il faut pour construire une histoire qui nous embarque petit à petit pour monter en puissance et en suspens pour nous accrocher définitivement. On referme cet album avec une seule envie : lire la suite !
Car ces quelques 240 pages se laissent dévorer sans attendre. Que ce soit l'humour qui se glisse de façon omniprésente, l'aventure et les voyages dans le temps, le côté épique et les mystères qui se dévoilent petit à petit, on trouve un malin plaisir à suivre ce bleu de Bloch qui intègre la Chronosquad, équipe de choc prévue pour réguler les problèmes pouvant survenir lors de ces vacances temporelles devenues monnaie courante.
Voilà un premier tome très réussi qui ne demande qu'à confirmer la donne dans les trois autres tomes annoncés !
*** Tomes 2 à 4 ***
Et bien voilà, la boucle est bouclée, et c'est pour moi une vrai réussite !
Toutes les promesses prodiguées au premier tome sont tenues et toutes les interrogations qui voient le jour au fil de l'aventure trouvent réponse, le tout avec la même légèreté et l'humour qui caractérisent le talent de Gregory Panaccione. S'en est même frustrant de s'arrêter là tant les personnages et l'univers concoctés sont attachants !
Pour une première dans un univers SF c'est une vrai réussite, surtout en arrivant aussi bien à marier intrigue, histoire et humour, le tout assez subtilement servis par un dessin très expressif.
Une très très bonne série à découvrir i ce n'est déjà fait ! :)
Ah les doux charmes de l'Orient et ses contes classiques !
Etienne Le Roux, accompagné de Vincent Froissard au dessin, nous replonge dans les mystérieuses et magiques Mille et une Nuit. Mais pour pimenter le tout, il intègre à son récit un autre personnage phare de la tradition arabe : Nasreddin Hodja. Ce personnage ingénu et faussement naïf prodigue des enseignements tantôt absurdes tantôt ingénieux et sa renommée va des Balkans à la Mongolie.
C'est en se basant sur ces deux piliers de la culture musulmane qu'Etienne Leroux nous concocte un album subtil et riche agrémenté par le graphisme envoutant de Vincent Froissard. Car s'il est bien une chose qui m'a marqué dans cet album, c'est son graphisme et sa capacité à nous propulser dans son univers ; tout en douceur par moment, comme un loukoum, ou âpre comme le désert quand il le faut, tout concorde pour nous immerger dans ce conte où bêtise humaine et intelligence se tirent la bourre.
De nouveau, cette collection Métamorphose ne faillit pas à son aura et réussit avec ce magnifique album sortant des sentiers battus à nous faire rêver à l'orientale de façon raffinée.
Après son adaptation de Cendrillon - Tabou, Trif se lance dans celle de Blanche-Neige. Ayant plutôt apprécié la première, j'étais curieux de voir ce que celle-ci allait donner. Et ma foi, j'ai trouvé cela encore plus réussi !
Trif va encore plus loin dans son détournement du conte, intégrant même un personnage tiré d'un autre récit avec le personnage de Raiponce. Mais ce qui fait la saveur toute particulière de cette transcription, c'est que les personnages sont développés complètement à rebrousse-poil ! Nos deux jeunes protagonistes (ba oui Raiponce s'incruste pour la tête d'affiche) ne vont pas mettre longtemps à découvrir le pouvoir de leurs atouts féminins, la Reine est une fieffée sal*pe qui ne donne pas dans la dentelle pour conserver sa beauté et son trône, quant au Prince "Charmant" il est tout sauf ce que laisserait supposer ce qualificatif ^^
Bref, Trif, s'amuse comme un petit fou à repasser ce conte au mixeur, en assaisonnant le tout d'une pointe de piment érotique bien sentie et d'un humour faisant le lien entre tout cela pour notre plus grand plaisir !
A quand le prochain ?
Quand il y a quelques années, Aurita Aurélia avait réalisé Fraise et Chocolat, les loups ont crié en meute au scandale car ce fut l’une des premières bd autobiographiques qui parlait de sexe dans son intimité la plus crue. Aujourd’hui, quand Jean-Louis Tripp fait exactement la même démarche, on crie au chef d’œuvre et au génie. On loue également avec une certaine ferveur ce côté dévoilement de sa vie intime qui était analysé comme crade et dérangeant voir tabou chez Aurita. Je cherche toujours à comprendre cette différence de traitement qui n’est malheureusement pas motivée que par le talent.
Certes, on n’attendait pas cet auteur sur ce registre après l’aventure du Magasin général. Je dois dire que c’est un véritable pari audacieux qui est gagné haut la main. Il y a encore certaines personnes qui conseillent à cet auteur un stage de formation en dessin en achetant des bd sur Amazon afin de se perfectionner. Sic ! Je dois bien dire qu’elles sont complètement à côté de la plaque et dans l’ignorance la plus totale du monde de la bande dessinée. Même moi qui suis pourtant difficile et critique, je dois admettre que le trait est parfaitement maîtrisé. En effet, le dessin est réellement de toute beauté avec une certaine sensualité surtout pour les corps féminins.
Il n’est pas trop question d’amour mais surtout de sexe. C’est un peu normal à l’âge de la découverte de son corps et de celui des autres. Les expériences vécues par l’auteur sont peu communes et c’est vrai que c’était assez intéressant. De là, je n’irai pas à conseiller cela à mes enfants comme une lecture obligatoire ou un passage obligé car il y a une barrière que les psychologues du monde entier conseillent de ne pas franchir dans la relation parentale. Après tout, à chacun de faire la découverte du plaisir. C’est vrai qu’il y a quand même un côté voyeur à pénétrer dans l’intimité de la vie sexuelle d’un auteur. Je ne m’inquièterai pas pour le nombre de ventes qui va sans doute exploser.
Le ton demeure léger comme pour mieux faire passer la pilule. Il y a également de la tendresse et pour tout dire un certain talent. On ne s’ennuie pas une minute tant les thématiques sont traitées de manière tout à fait originale dans l’approche. J’ai beaucoup aimé ce côté regard sur le corps de l’autre qu’il soit féminin ou pas. Toutes les expériences possibles ont été tentées ce qui confère une certaine maturité d’esprit. Les connaisseurs peuvent parler sauf à considérer que l’intimité ne doit pas se dévoiler afin de respecter la vie privée. Je suis un adepte de la liberté donc cela ne me pose pas de problème.
C’est frais et c’est adulte : tout ce que j’aime dans la bd. Oui, malgré toutes mes critiques, force est de reconnaître une œuvre d’une rare originalité dans l’approche d’un sujet pour le moins érotique. On ne fera pas la fine bouche.
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La Terre des fils
Je crois que je n'avais pas ouvert un livre de Gipi depuis Notes pour une histoire de guerre. C'est en écoutant l'auteur à la radio, à l'occasion du prix RTL de la bd de l'année 2017, qu'il m'a donné envie de me procurer cette bande dessinée. Ce pavé de près de 300 pages (non numérotées, au passage) se lit pourtant assez vite. Nous sommes plongés, dès le début, dans un univers glauque où deux jeunes garçons sauvages tuent un chien. Sans connaître les raisons du monde post-apocalyptique dans lequel ils vivent, nous sommes happés par leur histoire. Le récit, très cinématographique au demeurant, peut faire songer à l'univers du roman de Cormac Mc Carthy, "La route", bien que l'ensemble de l'histoire se déroule autour d'un seul lieu, un lac. Gipi aborde ici beaucoup de thèmes sans en avoir l'air : de l'éducation à l'amour filial, en passant par le fanatisme, nous suivons une véritable quête du Graal - avec le livre de leur père - entreprise par ces deux ados, livrés à eux-mêmes. Mais cette histoire est véritablement sombre, cruelle, même sous le trait en noir et blanc, adroitement brouillon, de Gipi. L'auteur ne laisse que très peu de place à l'espoir dans cette histoire, laissant le lecteur imaginer une fin. Un livre très fort, que j'ai dévoré d'une traite et qui mérite amplement son prix et sa place dans la sélection du festival d'Angoulême cette année.
Le Travailleur de la nuit
Je ne connaissais pas du tout l'anarchiste Alexandre Jacob et je n'ai aucune idée à quel point les auteurs ont romancé sa vie, ici, mais en tout cas une chose est certaine c'est le genre de biographie que j'aime lire en bande dessinée ! Déjà, l'album est plus long que 44 pages et du coup les auteurs ont le temps de bien développer le personnage et de montrer les moments marquants de sa vie. On voit très bien l'évolution de sa psychologie et on comprend pourquoi les événements qu'il a vécus ont fait en sorte qu'il soit devenu une espèce de Robin-des-Bois qui vole des riches qui le méritent. On est loin des biographiques fades où on ne fait que sauter d'une année à l'autre pour voir rapidement la vie d'un personnage historique et le tout va tellement vite que sa vie est traitée de manière superficielle et qu'on n'a pas le temps de tout comprendre. Ici, tout est bien fait. J'ai bien aimé le dessin réaliste, mais pas trop, qui rend la lecture agréable. C'est dynamique et fluide comme je l'aime.
Myrmidon
Voici de très sympathiques petites histoires muettes pour les lecteurs en herbe (au stade petite pousse). Le dessin est doux, précis, moderne et coloré. Le récit n’est pas en reste. Il repose sur une trame identique sur laquelle vient se greffer un habillage différent sans pour autant donner une impression de redondance. Les enfants peuvent complètement s’identifier au héro en culotte courte car il vit réellement ses histoires en se mettant dans la peau des personnages qu’il joue. Bref, une bd interactive qui stimule le jeune lecteur dans l’interprétation de ce qu’il voit sans nécessité pour lui de savoir lire. Je valide aussi ! :)
Dans la forêt sombre et mystérieuse
D’emblée un constat s’impose : avec Winshluss, on entre tout schuss dans un univers unique et quasi indescriptible. Le dessin underground sert un scénario bien huilé malgré le délire apparent de l’auteur. L’histoire débute classiquement dans une famille américaine de classe moyenne avec Angelo, le cadet, qui présente toutefois une imagination débordante. Un imprévu va chambouler le train-train quotidien de cette famille et fait rapidement basculer le récit dans l’imaginaire le plus farfelu. La trame en elle-même me fait penser à Alice au pays des merveilles. Mais la grande force de l’auteur est de garder un fil conducteur (parfois tortueux il est vrai) car toutes les rencontres que fait Angelo dans ces mondes imaginaires ne sont pas fortuites. Je peux comprendre qu’on n’accroche pas au dessin (un peu crado par moment) mais l’histoire vaut vraiment la peine d’être découverte pour son délire structuré. Winshluss, un auteur décidément à part …
Katanga
Fabien Nury et Sylvain Vallée reviennent avec Katanga et ils reviennent fort. Quand on ouvre Katanga, la première chose qui marque est le graphisme. Si le dessin et les décors sont fouillés, les personnages sont à la limite de la caricature. Les congolais sont représentés avec ces grosses lèvres, des oreilles décollées et des nez évasés ; on se croirait presque à une autre époque, où le consensuel et le politiquement correct n’étaient pas à l’ordre du jour. Celle du « Y’a bon Banania ». Ça questionne un peu. Et puis, on regarde les personnages blancs, et on se dit qu’ils ne sont pas mieux lotis. Le trait de S. Vallée va finalement laisser paraître de premier abord une impression de légèreté dans le propos. Il n’en est rien. Katanga est une bd, une histoire, qui prend cœur dans un contexte historique réel (mais librement romancé) lourd, violent, qui laisse libre cours à toutes les facettes de la nature humaine. Toute l’habilité de S. Vallée et F. Nury (ré)apparaît alors pour trouver le juste rythme qui nous place dans un contexte d’une autre époque, avec des personnages justes et savamment construits. Ils prennent le temps au cours des quelques 70 pages du livre de poser leur intrigue, leurs acteurs, et chaque page est riche d’informations. Les auteurs ont fait le choix d’aucune concession, graphiquement comme scénaristiquement. C’est brut, ça sonne juste et j’y vois pour ma part un instantané d’une époque révolue (vraiment ?...) où les relations entre les blancs colonisateurs et les peuples soumis, mais aussi des ethnies et tribus entre elles étaient basées sur la hiérarchisation humaine des peuples. Sur ce fond historique, Katanga est aussi une intrigue prometteuse dont les rouages sont nombreux et les rapports entre les personnages complexes : amour, fidélité, argent et vénalité dans ce contexte instable font un cocktail explosif. Un peu comme « Il était une fois en France » laisse à réfléchir sur la façon dont on aurait mené notre barque pour survivre à la seconde guerre mondiale, Katanga nous pousse à la réflexion sur un sujet aussi sensible : la colonisation et les rapports entre les peuples.
Ar-Men - L'Enfer des enfers
Grandiose! Pas très loin de l'excellence. J'aime la mer, en Corse, au Pays Basque et en… Bretagne où elle possède une sauvagerie que pour l'instant je n'ai rencontré nulle part ailleurs. Certains d'entre vous habitent bien loin de là mais si l'occasion vous en est donnée, n'hésitez pas à venir faire un tour sur nos côtes. Après la côte de granit rose de Perros, pas besoin de GPS c'est tout droit vers le soleil couchant. Le Léon, les abers et enfin tel un Graal la pointe du raz et ses rochers magnifiques où la mer vient se fracasser. Le phare de la Vieille, légèrement vers le nord celui de Tevennec, ensuite on aborde l'île de Sein, pas tous les jours!, encore un phare et la chaussée avec en point de mire notre Ar-Men. Quand on pense que cet édifice d'une trentaine de mètres de haut fut construit sur un caillou d'à peine 12m de long sur 11 de large. Emmanuel Lepage est très fort, je ne m'appesantirai pas sur son graphisme, la qualité de sa colorisation. L'ensemble force le respect et avec un tout petit effort l'on sent presque les embruns, pour un peu on entendrait les mouettes. Ici le scénario est diablement intelligent, car ce n'est pas le bête récit de la construction d'un phare auquel nous avons droit, c'est un album sur les racines profondes de la Bretagne avec une magnifique évocation de la légende de l'Ankou qui ne l'oublions pas sévissait aussi sur les mers à bord de son vaisseau le Bag Noz. En surplus E. Lepage ancre son récit dans une autre temporalité, celle d'un père racontant à sa fille la légende de la ville d'Ys qui pour une fois met chaque acteur à sa véritable place, ôtant ainsi à Guenolé le beau rôle qui lui est souvent attribué. Alors que dire de plus; si vous avez un scénario intelligent accompagné de superbes planches, et dessiner la mer dans tous ses états n'est pas si simple. Ajoutez à cela un DVD pour la première édition, je répète, grandiose, coup de cœur et culte. Et puis tient venez donc faire un tour jusqu'à la pointe du continent ça mérite le détour.
Chronosquad
Et voilà que Gregory Panaccione nous revient dans un registre dans lequel on ne l'attendait pas forcément, et de façon plutôt convaincante pour notre plus grand plaisir. En effet, c'est avec Match que j'avais découvert cet auteur, puis avec Toby mon Ami et enfin plus récemment avec Un océan d'amour. Ces trois albums ayant la particularité de ne pas utiliser de texte pour la narration, j'étais curieux de voir ce que cela allait donner dans un genre auquel il ne nous avait pas habitué : la science-fiction. Et ma fois, c'est à mon sens une franche réussite. Le trait de Panaccione, si expressif, se marie parfaitement avec le scénario concocté par son compatriote Giorgio Albertini. Ce premier tome réussi à piocher dans des registres variés ce qu'il faut pour construire une histoire qui nous embarque petit à petit pour monter en puissance et en suspens pour nous accrocher définitivement. On referme cet album avec une seule envie : lire la suite ! Car ces quelques 240 pages se laissent dévorer sans attendre. Que ce soit l'humour qui se glisse de façon omniprésente, l'aventure et les voyages dans le temps, le côté épique et les mystères qui se dévoilent petit à petit, on trouve un malin plaisir à suivre ce bleu de Bloch qui intègre la Chronosquad, équipe de choc prévue pour réguler les problèmes pouvant survenir lors de ces vacances temporelles devenues monnaie courante. Voilà un premier tome très réussi qui ne demande qu'à confirmer la donne dans les trois autres tomes annoncés ! *** Tomes 2 à 4 *** Et bien voilà, la boucle est bouclée, et c'est pour moi une vrai réussite ! Toutes les promesses prodiguées au premier tome sont tenues et toutes les interrogations qui voient le jour au fil de l'aventure trouvent réponse, le tout avec la même légèreté et l'humour qui caractérisent le talent de Gregory Panaccione. S'en est même frustrant de s'arrêter là tant les personnages et l'univers concoctés sont attachants ! Pour une première dans un univers SF c'est une vrai réussite, surtout en arrivant aussi bien à marier intrigue, histoire et humour, le tout assez subtilement servis par un dessin très expressif. Une très très bonne série à découvrir i ce n'est déjà fait ! :)
La Mille et unième Nuit
Ah les doux charmes de l'Orient et ses contes classiques ! Etienne Le Roux, accompagné de Vincent Froissard au dessin, nous replonge dans les mystérieuses et magiques Mille et une Nuit. Mais pour pimenter le tout, il intègre à son récit un autre personnage phare de la tradition arabe : Nasreddin Hodja. Ce personnage ingénu et faussement naïf prodigue des enseignements tantôt absurdes tantôt ingénieux et sa renommée va des Balkans à la Mongolie. C'est en se basant sur ces deux piliers de la culture musulmane qu'Etienne Leroux nous concocte un album subtil et riche agrémenté par le graphisme envoutant de Vincent Froissard. Car s'il est bien une chose qui m'a marqué dans cet album, c'est son graphisme et sa capacité à nous propulser dans son univers ; tout en douceur par moment, comme un loukoum, ou âpre comme le désert quand il le faut, tout concorde pour nous immerger dans ce conte où bêtise humaine et intelligence se tirent la bourre. De nouveau, cette collection Métamorphose ne faillit pas à son aura et réussit avec ce magnifique album sortant des sentiers battus à nous faire rêver à l'orientale de façon raffinée.
Blanche-Neige (Tabou)
Après son adaptation de Cendrillon - Tabou, Trif se lance dans celle de Blanche-Neige. Ayant plutôt apprécié la première, j'étais curieux de voir ce que celle-ci allait donner. Et ma foi, j'ai trouvé cela encore plus réussi ! Trif va encore plus loin dans son détournement du conte, intégrant même un personnage tiré d'un autre récit avec le personnage de Raiponce. Mais ce qui fait la saveur toute particulière de cette transcription, c'est que les personnages sont développés complètement à rebrousse-poil ! Nos deux jeunes protagonistes (ba oui Raiponce s'incruste pour la tête d'affiche) ne vont pas mettre longtemps à découvrir le pouvoir de leurs atouts féminins, la Reine est une fieffée sal*pe qui ne donne pas dans la dentelle pour conserver sa beauté et son trône, quant au Prince "Charmant" il est tout sauf ce que laisserait supposer ce qualificatif ^^ Bref, Trif, s'amuse comme un petit fou à repasser ce conte au mixeur, en assaisonnant le tout d'une pointe de piment érotique bien sentie et d'un humour faisant le lien entre tout cela pour notre plus grand plaisir ! A quand le prochain ?
Extases
Quand il y a quelques années, Aurita Aurélia avait réalisé Fraise et Chocolat, les loups ont crié en meute au scandale car ce fut l’une des premières bd autobiographiques qui parlait de sexe dans son intimité la plus crue. Aujourd’hui, quand Jean-Louis Tripp fait exactement la même démarche, on crie au chef d’œuvre et au génie. On loue également avec une certaine ferveur ce côté dévoilement de sa vie intime qui était analysé comme crade et dérangeant voir tabou chez Aurita. Je cherche toujours à comprendre cette différence de traitement qui n’est malheureusement pas motivée que par le talent. Certes, on n’attendait pas cet auteur sur ce registre après l’aventure du Magasin général. Je dois dire que c’est un véritable pari audacieux qui est gagné haut la main. Il y a encore certaines personnes qui conseillent à cet auteur un stage de formation en dessin en achetant des bd sur Amazon afin de se perfectionner. Sic ! Je dois bien dire qu’elles sont complètement à côté de la plaque et dans l’ignorance la plus totale du monde de la bande dessinée. Même moi qui suis pourtant difficile et critique, je dois admettre que le trait est parfaitement maîtrisé. En effet, le dessin est réellement de toute beauté avec une certaine sensualité surtout pour les corps féminins. Il n’est pas trop question d’amour mais surtout de sexe. C’est un peu normal à l’âge de la découverte de son corps et de celui des autres. Les expériences vécues par l’auteur sont peu communes et c’est vrai que c’était assez intéressant. De là, je n’irai pas à conseiller cela à mes enfants comme une lecture obligatoire ou un passage obligé car il y a une barrière que les psychologues du monde entier conseillent de ne pas franchir dans la relation parentale. Après tout, à chacun de faire la découverte du plaisir. C’est vrai qu’il y a quand même un côté voyeur à pénétrer dans l’intimité de la vie sexuelle d’un auteur. Je ne m’inquièterai pas pour le nombre de ventes qui va sans doute exploser. Le ton demeure léger comme pour mieux faire passer la pilule. Il y a également de la tendresse et pour tout dire un certain talent. On ne s’ennuie pas une minute tant les thématiques sont traitées de manière tout à fait originale dans l’approche. J’ai beaucoup aimé ce côté regard sur le corps de l’autre qu’il soit féminin ou pas. Toutes les expériences possibles ont été tentées ce qui confère une certaine maturité d’esprit. Les connaisseurs peuvent parler sauf à considérer que l’intimité ne doit pas se dévoiler afin de respecter la vie privée. Je suis un adepte de la liberté donc cela ne me pose pas de problème. C’est frais et c’est adulte : tout ce que j’aime dans la bd. Oui, malgré toutes mes critiques, force est de reconnaître une œuvre d’une rare originalité dans l’approche d’un sujet pour le moins érotique. On ne fera pas la fine bouche.