Depuis quelques années à présent Aurélien Ducoudray a fait son trou dans la BD, dans un sous-genre mêlant société et fiction, aux côtés notamment de Luc Brunschwig. Son dernier-né est donc un diptyque visant à analyser en creux tout un pan de la société russe d'aujourd'hui, par le prisme d'un junior boot camp à la mode cosaque. Je ne sais pas si cela existe réellement, et le talent premier de Ducoudray est là : si cela n'existe pas, cela pourrait exister.
Nous voilà donc en compagnie d'une bande de gamins, ou plutôt d'un groupe, tant ils ne semblent pas unis, et même un peu en compétition pour certains, sous l'égide d'un ancien militaire qui a décidé de créer des jeunesses poutinistes à grand renfort de parcours du combattant et tout le tralala idoine. On est partagé entre l'amusement face à ce culte de la personne un peu suranné, et l'effroi quant à ses effets.
Et puis, comme souvent pour ne pas dire toujours avec du Ducoudray, ça dérape, ça dérape même grave. J'ai un peu pensé à sa majesté des Mouches, pour plusieurs raisons : un groupe de gamins presque isolés, de l'endoctrinement, la tentation de la violence... J'ai aussi pensé à ma brève expérience militaire, où j'ai pu brièvement entrevoir l'effet que procure la présence d'une arme entre les mains... Mais je m'égare. Et si je reviens à Camp Poutine, je ne peux que saluer le gros cliffhanger de cette fin de tome, ce qui rend la suite fortement attendue.
Comme d'habitude je vais louer le travail d'Anlor, dont c'est déjà la troisième collaboration avec le scénariste indrien (oui, de l'Indre), après Amère Russie et A coucher dehors. La dessinatrice progresse à chaque fois, et même si elle n'est pas, à mon avis, encore arrivée à son meilleur, ce Camp Poutine constitue une étape importante, dans le sens où elle a réussi à se débarrasser presque entièrement de certains tics de dessin pour l'épurer tout en gardant l'expressivité brute qui fait sa force. Je trouve les couleurs un brin trop chatoyantes pour que le dessin en bénéficie totalement, mais je pense que là aussi elle a une marge de progression intéressante.
La suite, donc, est très attendue.
Une série BD qui me tient énormément à cœur depuis des années : le génial "Fog" de Roger Seiter & Cyril Bonin !
Pour ceux d'entre vous qui ne la connaîtraient pas, c'est (pour moi) une référence incontournable en matière d'enquête Victorienne (ce n'est pas Sherlock Holmes mais on n'est pas loin), avec un niveau scénaristique, une richesse dans l'enquête rarement égalée en Bande Dessinée.
Dans le dessin, des ambiances immersives, avec notamment un traitement quasi-monochrome / bichromie très efficace et évocateur.
Bref… Pour ceux qui ne connaissent pas ces 8 tomes (4 enquêtes de 2 tomes chacun), je vous les conseille vivement !
Ils existent aussi sous forme d'intégrale en deux tomes parus aux éditions du Long Bec.
tome 0 : les origines
Dans cet album inédit, Serpieri s'offre une pause bucolique dans la vie de Druuna, mais qui n'est pas sans danger. En rendant hommage à Moëbus dans les premières pages de cette aventure, Serpieri nous offre des planches magnifiques. Ce récit, certes muet, sur près de 70 pages peut décontenancer certains lecteurs mais, pour ma part, je suis resté sous le charme, avec le dessin de Sepieri, qui se met lui même en scène , comme il le fera dans les albums suivants.
Ce préquel est d'une qualité graphique indéniable, et il est suivi d'une histoire inédite de 7 pages qui porte les prémisses des aventures de Druuna.
Un très bel album, qui bénéficie d'une très belle édition chez Glénat, qu'il faut vraiment souligner.
intégrale 1 : Morbus Gravis/Delta
J’ai découvert cette série assez tardivement et j’avais déjà l’ensemble des albums dans l’édition « «Bagheera ». Mais avec la réédition, en intégrale, chez Glénat, j’ai de nouveau craqué.
Il faut souligner la qualité de cette nouvelle intégrale, qui en plus du récit, propose « des archives » quasi inédites : des planches en noir et blanc, des illustrations, des couvertures, des croquis, bref que du bon.
Pour ceux qui ne connaissent pas encore « Druuna », il faut rappeler que cette belle femme, véritable Vénus callipyge, (Serpieri lui avait donné, au début, les traits de Valérie Kaprinsky , en créant son héroïne) vit des aventures incroyables dans un monde post apocalyptique, où se mêlent mutants, prêtres, des robots, scientifiques déjantés et monstres de tout genre.
Dans ce premier cycle « Morbus Gravis/Delta », Druuna essaie d’aider Shastar, mutant, à se procurer du sérum pour échapper à une transformation inéducable. Elle devra évidemment jouer de son corps pour arriver à ses fins et va se retrouver plonger dans un combat entre un ordinateur central et un certain Lewis, qui va l’aider par télépathie.
Ces deux premiers volumes sont assez violents et surtout le sexe y est très présent. D’ailleurs cette intégrale est à réserver à un public très averti.
Serpieri est un maître pour dessiner les courbes de Druuna, ce qui fait de cette série un must dans le genre de la bande dessinée dite « pour adulte ».
Contrairement aux prochains albums de Drunna, qui s’enfonceront, au fur et à mesure, dans un scénario presque incompréhensible, « Morbus Gravis » et « Delta » reposent sur un scénario linéaire et abordable.
Bref, un dessin magnifique au service d’une histoire de science- fiction qu’il faut avoir lu au moins une fois dans sa vie.
intégrale 5: celle qui vient du vent
Avec ce dernier opus, que l'on attendait plus, Serpieri nous surprend à plus d'un titre. D'une part, le dessinateur renoue avec le style de ses bd sur les western avec l'apparition d'indiens et de chevaux dans l'univers de Druuna (Seul le personnage du gnome nous rappelle l'univers futuriste où Druuna évolue habituellement) et ensuite, en ne présentant aucune scène de sexe. Que les voyeurs passent donc leur chemin ! Il leur faudra attendre le cahier graphique, présent en fin d'ouvrage, pour découvrir des esquisses plus osées de cette célèbre créature.
Il réalise également ici un grand écart en reprenant le personnage d'Anima, véritable clone de Druuna et premier opus de la série (mais l'avant dernier paru).
Serpieri fait l'effort d'avoir commis un scénario, certes complexe, mais qui pour une fois, se tient
Un très bel album où Serpieri nous prouve que malgré ses 75 ans, sait toujours aussi bien dessiner le corps des femmes.
Cet album s'achevant assez brutalement, mérite évidemment d'avoir une suite que j'ai hâte de connaître.
Avec cette histoire tout en douceur, saveur et frénésie, Chandre nous offre un premier album jeunesse des plus réussi !
Séverin Blaireau, son personnage principal découvre dans son voisinage un étrange bateau bloqué près d'une écluse. En menant son enquête il finit par découvrir une jeune fille capitaine pirate dont la mémoire capricieuse explique cette mise à quais. Séverin va donc devoir déployer des trésors de patiente et d'ingéniosité pour "apprivoiser" notre jeune pirate et lui faire recouvrer la raison pour lui permettre de poursuivre son périple.
C'est beau, c'est doux, c'est fin et plein d'humour ! Tout est ici bien pensé et construit pour proposer à nos marmots (et aux plus grands aussi hein !) un album aux relents automnales où il fait bon sentir ce petit vent frais de l'aventure frayer à travers les couleurs chaudes de cette saison transitoire.
Dis, c'est pour quand la suite ???
Mamma mia !, c'est l'histoire de quatre femmes de la même famille vivant sous le même toit, quatre générations de mères en filles.
Aurélie, la trentaine célibataire, s'installe temporairement avec sa fille chez sa propre grand-mère, le temps de trouver un emploi. Cette dernière, restée assez jeune et vive d'esprit, voit d'un plutôt bon œil cette arrivée, sachant qu'elle ne devrait en principe pas durer trop longtemps et qu'elle pourra ensuite reprendre sa vie normale de senior active. Mais c'était sans compter sur sa fille, la mère d'Aurélie, qui débarque au même moment, revenue du Brésil où elle sort de l'un des nombreux épisodes de sa vie dissolue et insouciante, voire irresponsable s'il faut en croire l'avis d'Aurélie qui n'a guère bénéficié d'attention maternelle durant sa propre jeunesse. Entre les quatre va s'instaurer une cohabitation entre sourires et grincements de dents. D'autant que la plus jeune, Emma, n'a pas sa langue dans sa poche pour dire ce qu'elle pense et ce qu'elle comprend avec son esprit de petite fille de moins de 10 ans.
Associer Trondheim et Obion sur un même album, j'adore !
On a droit au graphisme excellent d'Obion, son trait rond, dynamique, hyper efficace et maîtrisé, parfait pour l'humour. Il réalise également les couleurs et celles-ci sont fraîches, lumineuses et très appréciables.
Et on a droit à l'humour et l'efficacité narrative de Trondheim, probablement épaulé par Obion lui-même dont j'imagine mal qu'il puisse avoir refusé de glisser son propre humour ici (mais pas de jeux de mots !). Et comme j'aime autant l'un que l'autre, je suis comblé ! Les personnages sont bons, attachants, avec des caractères qui se combinent et s'opposent de manière excellente. Les textes sont finement ciselés, avec de superbes réparties. Et chaque gag est amené avec une maestria narrative où l'on sent la patte et l'expertise des deux auteurs.
Pour dire les choses simplement, quand j'ai lu cet album, il n'y a pas une planche où je n'ai pas sincèrement souri, et il y en a un bon paquet pour lesquelles j'ai ri à en secouer le lit, au point de déranger ma femme qui voulait regarder sa série tranquillement.
Le titre fait un peu peur dans la mesure où l'on pourrait croire qu'une enfant a perdu sa maman et qu'elle va passer un été sans elle. Fort heureusement, il n'en n'est rien puisque la maman dépose sa fille Lucie chez des amis en Italie. C'est au bord d'une grande plage en face de l’île de Gallinara. Bref, un décors plutôt idyllique.
Un drame s'est pourtant produit en 1947 où un bateau à moteur transportant 84 enfants a fait naufrage à une centaine de mètres de la rive. Or, peu de passagers savaient nager. Près de 43 enfants sont morts noyés.
On retrouve le fameux personnage propre à chaque bd de Grégory Panaccione et qui ressemble à Gérard Depardieu. C'est toujours aussi drôle et espiègle mais sur un fond de vieille tragédie d'antan citée plus haut.
Le récit est muet par moment mais il y aura quelques dialogues pour ponctuer ce récit un peu fantastique. Le trait de l'auteur est toujours aussi plaisant à voir. Cela se lit avec beaucoup d'aisance. Le scénario réserve également quelques surprises.
Une œuvre d'une grande tendresse avec une certaine sensibilité.
Comme tout le monde je rends hommage à l'éditeur, qui nous met dans les mains un objet original avec ses images bicolores et texturées, dans un format généreux, un peu plus large que d'habitude. Bref on se sent bien accueilli.
Un beau dessin, stylisé, mais qui utilise des contrastes forts de valeur. Un sorte de ligne claire, mâtinée d'une atmosphère années 30 (alors que l'intrigue se passe aujourd'hui) où les ombres prendraient une place cruciale dans le scénario. L'architecture très géométrique des termes de Vals contribue à ce charme art déco (ceux qui ont déjà vu les photos anciennes des villas du Corbusier, ou les courbes des voitures en bois garées devant, semblant faire partie de l'architecture, me comprendront). Je rapprocherai l'esthétique de celle du récent Bonjour tristesse.
Une intrigue mi-policière, mi fantastique au milieu des montagnes, qui rappelle L'Homme gribouillé. Avec une chose étrange qui se produit périodiquement. Ce n'est pas une intrigue bavarde, mais suffisamment bien servie par des dialogues sobres et des personnages attachants.
Lecture très confortable pour un jour de pluie.
Les gens heureux lisent et boivent du café. On pourrait penser a contrario que les gens malheureux ne lisent pas et boivent du thé. Il faut également dire que notre héroïne Diane est réellement à plaindre car elle vient de perdre brutalement son mari et sa fille dans un accident de voiture. Elle est encore jeune mais elle est surtout désespérée. On ne peut pas dire qu'elle peut compter sur l'aide de ses parents qui lui reprochent son inconscience. Fort heureusement, il y a son meilleur ami Félix mais ce dernier est plutôt fantasque et attiré par la fête du slip à Ibiza.
La meilleure solution pour elle afin de prendre le large est de partir vivre dans un coin paumé en Irlande là où il pleut souvent et où il y a beaucoup de vent. Quoi de mieux qu'une petite chaumière perdue au milieu de nulle part. Sauf qu'elle va faire la connaissance de son voisin et ce n'est pas un tendre. Va se nouer une relation faite d'hostilités croissantes. Bref, cela ne sera pas de tout repos pour Diane !
J'ai beaucoup aimé cette histoire qui nous fait sortir des sentiers battus. Il s'agit pour cette femme de retrouver le goût à la vie, de sortir des limbes du souvenir. Bref, de retrouver le chemin de l'existence et de tourner définitivement la page. Cependant, à fuir avec acharnement la vie, et elle finit par vous rattraper.
La question que pose ce roman graphique est peut-on tomber amoureux d'une personne antipathique ? En effet, derrière cela, se cache souvent la souffrance car on devient hargneux à cause du chagrin. Peut-on voir au-delà des apparences ? C'est un thème qui m'est très cher.
Un roman graphique assez poignant sur le thème de la résilience et adapté du roman d'Agnès Marin-Lugand. C'est un récit assez touchant et plein d'émotion ayant pour cadre les paysages et le climat irlandais. On va suivre tout le cheminement personnel de Diane dans sa reconstruction. C'est assez intéressant pour méditer et surtout aller de l'avant.
Je l'attendais cet album... Non seulement parce que Luc Brunschwig, son scénariste, appâtait ses lecteurs depuis quelques semaines avec des planches réalisées par Stéphane Perger, mais aussi parce qu'après un passage à mon goût inachevé dans l'univers de Conan, le voilà dans l'un de ses exercices favoris, mais encore peu exploité jusqu'à présent, la figure super-héroïque.
L'idée de départ ? Lors de la sortie d'une intégrale de Photonik, le dessinateur Stéphane Perger avait réalisé une superbe illustration ; il n'en fallut pas plus pour donner envie au scénariste protéiforme de redonner la vie au héros de Ciro Tota et Jean-Yves Mitton. Cette reprise est tombée à l'eau, mais Luc Brunschwig est persévérant et sait recycler ses bonnes idées. Il livre donc avec Luminary sa version du personnage, en l'enrichissant, en y ajoutant beaucoup d'épaisseur à ses personnages, et même en les plaçant dans un contexte socio-historique bien particulier, les années 70 aux Etats-Unis, époque où les Black Panthers faisaient plus ou moins régner la terreur. Et quoi de mieux qu'un accident industriel pour faire porter le chapeau à ceux qui gênaient la politique du président d'alors ?
On reconnaît bien là la finesse de l'auteur du "Pouvoir des Innocents", mais aussi sa capacité à gérer des intrigues ambitieuses comme pour l'inachevé Leviathan. D'autant plus qu'encore une fois, après plus d'une centaine de pages haletantes, il nous laisse avec un énorme cliffhanger, et plusieurs questionnements concernant les personnages. Cruel personnage.
Pour accompagner Brunschwig, c'est donc Stéphane Perger, l'un des dessinateurs les plus doués de sa génération qui s'y colle, et...
OH MON DIEU.
C'est d'une puissance jamais vue pour ma part. Un déferlement d'énergie dans presque toutes les pages, une mise en scène diabolique, des couleurs solaires... Et des couvertures spectaculaires. On n'est pas loin de la tuerie instantanée, un avis qui se confirme par les tomes 2 et 3. Un tome 3 qui se révèle conclusif, alors que Luc Brunschwig avait construit son histoire sur quelque choses de nettement plus long. Vraiment dommage, même si cette trilogie est vraiment très bonne.
Jetez-vous dessus. Maintenant.
Tome 1 : Le Serment des Pécadous
Brillant scénariste dont les œuvres sont toujours très attendues, Lupano aime à explorer tous les genres, du polar à l’Histoire, en passant par la comédie. Et parfois il en crée de nouveaux, comme ici avec cette nouvelle série de « rural fantasy », qui débute comme une utopie pastorale assez banale pour bifurquer très vite vers une parodie burlesque de l’univers de Tolkien.
Relom, dont je ne connaissais pas le travail mais qui a déjà à son actif quelques ouvrages humoristiques, s’est adjoint cette fois les services d’un scénariste, et quel scénariste ! Avec « Traquemage », cet auteur reste dans son champ de prédilection, et apporte par son style généreux une certaine féérie à cette production qui aurait pu se contenter de n’être qu’une grosse poilade, féérie confortée par une colorisation soignée. Et si les visages à l’aspect caoutchouteux évoquant Crumb sont parfaitement adaptés au genre parodique, les décors, très bien dessinés, évoquent volontiers un village de la Comté cerné par l’herbe vert tendre, la montagne en plus, telle une invitation à s’immerger dans l’histoire. Il faut dire aussi que les cornebiques (terme utilisé pour désigner les moutons) ont des tronches absolument irrésistibles, notamment Myrtille, seule survivante du massacre perpétré par les mages. Celle-ci représente l’élément le plus comique avec la Fée Pompette et son penchant pour la boisson, sorte de croisement entre la Fée Clochette, Charles Bukowski et Jérôme Bonaldi. Quand cette dernière dote accidentellement Myrtille du pouvoir de cracher des flammes (ou plus exactement des flammèches), la pauvre bête, après avoir cramé un insignifiant lézard qui se la coulait douce sur son rocher, pensant ne faire qu’une bouchée de pain du dragon Rhölmar, va crânement le défier dans sa grotte… Ouarf, quand j’y pense, j’en ris encore…
Une réussite prometteuse pour ce premier tome qui donne déjà envie de découvrir la suite, grâce à une alchimie qui semble fonctionner à plein entre Lupano et Relom. Une fois encore, Wilfrid Lupano nous propose un scénario à la fois original et fluide, à croire que le bonhomme ne sait pas ce que décevoir veut dire, et ce pour notre plus grand plaisir.
Et bravo à Sloane qui a très bien décrit ce premier tome.
Tome 2 : Le Chant vaseux de la sirène
Avec ce tome 2, on peut dire qu’on les attendait au tournant, les maîtres de la « rural fantasy fromagère », j’ai nommé Lupano et Relom ! On s’était déjà bien gaussés avec « Le Serment des Pécadous », la suite allait-elle pouvoir nous amuser autant ?
La réponse est juste un oui massif et sans ambigüité ! Accompagné de sa fidèle et désopilante Myrtille, l’inénarrable Pistolin et toute l’improbable galerie de personnages qu’il va croiser sur sa route ont un vrai talent, à défaut de ne pas être trop futés, celui de déclencher de jubilatoires fou-rires chez le lecteur. Sens très poussé du gag et de la punchline, visages hyper expressifs, Lupano et Relom constituent à l’évidence un duo à la synergie idéale. Le tout est magnifié par un dessin superbe, étonnamment chiadé par rapport au genre, où habituellement on tend à délaisser le décorum pour se concentrer sur l’humour.
Une excellente série qui ragaillardit de belle façon le genre franco-belge en puisant ses références du côté de Fluide Glacial et de Kaamelott, tout en insérant en filigrane des thèmes d’actualité tels que l’ultralibéralisme ou l’environnement. « Le Chant vaseux de la sirène » est le tome qui risque bien, si ce n’est déjà fait, de faire devenir accros nombre d’entre nous !
Tome 3 : Entre l’espoir et le fromage
Nous voilà donc parvenus à la conclusion de cette trilogie fromagère, avec un troisième tome qui ne faiblit pas en matière de gags et de rebondissements. Cette fois, Pistolin aura même la chance de rencontrer Dieu en personne, sous la forme inattendue d’un vieux jardinier placide. Le créateur va tenter de sortir le pauvre berger des écueils que celui-ci ne semble pas en mesure d’éviter, du fait notamment de sa propension remarquable à l’échec mais aussi d’une capacité de raisonnement quelque peu limitée…
Une fois encore, le lecteur passera un très bon moment grâce au formidable talent des deux auteurs. Indéniablement, Lupano est un excellent scénariste (ça commence à se savoir depuis un petit moment) et maîtrise parfaitement les ficelles pour produire un bon gag en affinité avec l’air du temps : décalé (avec insertion d’éléments contemporains dans une histoire pseudo-médiévale), un rien potache, toujours sous-tendu par des préoccupations actuelles (les ravages d’un libéralisme sans frein, l’écologie…), et servi par des dialogues truculents dans la veine d’un Audiard et ou d’un Astier. Le dessin n’est pas en reste, et Relom fait plus qu’assurer le job. Guère étonnant qu’il ait fait ses premières armes à Fluide et à Psykopat, son style évoquant immanquablement Gotlib, mais un genre de Gotlib cinématographique, car si les mimiques des personnages font péter de rire, l’environnement et les paysages sont admirablement représentés, avec un luxe de détails incroyable et une mise en couleurs très soignée. L’alchimie entre les deux compères semble décidément avoir joué à plein. Résultat : « Traquemage » s’impose comme une des meilleures séries comiques de ces dernières années avec « Les Vieux fourneaux » (pour lequel Lupano est encore aux manettes).
Le tout est extrêmement inventif, avec des personnages bien campés, même quand ils sont secondaires. Outre le gentil et nigaud Pistolin, on se souviendra longtemps de la délurée fée Pompette, de la drôlissime Myrtille, dont le statut est passé de simple cornebique à monstre de foire, ou de l’hilarant Merdin l’enchianteur, aussi crédule que dangereux avec son don de mettre la poisse à quiconque le croise. Et on s’y est tellement attaché depuis le début, à ces drôles de zigues, qu’on a presque l’impression de les connaître de longue date. C’est lorsqu’on referme ce troisième et dernier tome qu’on se dit avec regret qu’une telle série avait tout pour devenir les Astérix et Lucky Luke du XXIe siècle, si les concepteurs n’avaient restreint l’aventure à trois volets… Mais qui sait, devant un succès populaire croissant, peut-on espérer un changement de braquet de la part des auteurs et de l’éditeur ?
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Camp Poutine
Depuis quelques années à présent Aurélien Ducoudray a fait son trou dans la BD, dans un sous-genre mêlant société et fiction, aux côtés notamment de Luc Brunschwig. Son dernier-né est donc un diptyque visant à analyser en creux tout un pan de la société russe d'aujourd'hui, par le prisme d'un junior boot camp à la mode cosaque. Je ne sais pas si cela existe réellement, et le talent premier de Ducoudray est là : si cela n'existe pas, cela pourrait exister. Nous voilà donc en compagnie d'une bande de gamins, ou plutôt d'un groupe, tant ils ne semblent pas unis, et même un peu en compétition pour certains, sous l'égide d'un ancien militaire qui a décidé de créer des jeunesses poutinistes à grand renfort de parcours du combattant et tout le tralala idoine. On est partagé entre l'amusement face à ce culte de la personne un peu suranné, et l'effroi quant à ses effets. Et puis, comme souvent pour ne pas dire toujours avec du Ducoudray, ça dérape, ça dérape même grave. J'ai un peu pensé à sa majesté des Mouches, pour plusieurs raisons : un groupe de gamins presque isolés, de l'endoctrinement, la tentation de la violence... J'ai aussi pensé à ma brève expérience militaire, où j'ai pu brièvement entrevoir l'effet que procure la présence d'une arme entre les mains... Mais je m'égare. Et si je reviens à Camp Poutine, je ne peux que saluer le gros cliffhanger de cette fin de tome, ce qui rend la suite fortement attendue. Comme d'habitude je vais louer le travail d'Anlor, dont c'est déjà la troisième collaboration avec le scénariste indrien (oui, de l'Indre), après Amère Russie et A coucher dehors. La dessinatrice progresse à chaque fois, et même si elle n'est pas, à mon avis, encore arrivée à son meilleur, ce Camp Poutine constitue une étape importante, dans le sens où elle a réussi à se débarrasser presque entièrement de certains tics de dessin pour l'épurer tout en gardant l'expressivité brute qui fait sa force. Je trouve les couleurs un brin trop chatoyantes pour que le dessin en bénéficie totalement, mais je pense que là aussi elle a une marge de progression intéressante. La suite, donc, est très attendue.
Fog
Une série BD qui me tient énormément à cœur depuis des années : le génial "Fog" de Roger Seiter & Cyril Bonin ! Pour ceux d'entre vous qui ne la connaîtraient pas, c'est (pour moi) une référence incontournable en matière d'enquête Victorienne (ce n'est pas Sherlock Holmes mais on n'est pas loin), avec un niveau scénaristique, une richesse dans l'enquête rarement égalée en Bande Dessinée. Dans le dessin, des ambiances immersives, avec notamment un traitement quasi-monochrome / bichromie très efficace et évocateur. Bref… Pour ceux qui ne connaissent pas ces 8 tomes (4 enquêtes de 2 tomes chacun), je vous les conseille vivement ! Ils existent aussi sous forme d'intégrale en deux tomes parus aux éditions du Long Bec.
Druuna
tome 0 : les origines Dans cet album inédit, Serpieri s'offre une pause bucolique dans la vie de Druuna, mais qui n'est pas sans danger. En rendant hommage à Moëbus dans les premières pages de cette aventure, Serpieri nous offre des planches magnifiques. Ce récit, certes muet, sur près de 70 pages peut décontenancer certains lecteurs mais, pour ma part, je suis resté sous le charme, avec le dessin de Sepieri, qui se met lui même en scène , comme il le fera dans les albums suivants. Ce préquel est d'une qualité graphique indéniable, et il est suivi d'une histoire inédite de 7 pages qui porte les prémisses des aventures de Druuna. Un très bel album, qui bénéficie d'une très belle édition chez Glénat, qu'il faut vraiment souligner. intégrale 1 : Morbus Gravis/Delta J’ai découvert cette série assez tardivement et j’avais déjà l’ensemble des albums dans l’édition « «Bagheera ». Mais avec la réédition, en intégrale, chez Glénat, j’ai de nouveau craqué. Il faut souligner la qualité de cette nouvelle intégrale, qui en plus du récit, propose « des archives » quasi inédites : des planches en noir et blanc, des illustrations, des couvertures, des croquis, bref que du bon. Pour ceux qui ne connaissent pas encore « Druuna », il faut rappeler que cette belle femme, véritable Vénus callipyge, (Serpieri lui avait donné, au début, les traits de Valérie Kaprinsky , en créant son héroïne) vit des aventures incroyables dans un monde post apocalyptique, où se mêlent mutants, prêtres, des robots, scientifiques déjantés et monstres de tout genre. Dans ce premier cycle « Morbus Gravis/Delta », Druuna essaie d’aider Shastar, mutant, à se procurer du sérum pour échapper à une transformation inéducable. Elle devra évidemment jouer de son corps pour arriver à ses fins et va se retrouver plonger dans un combat entre un ordinateur central et un certain Lewis, qui va l’aider par télépathie. Ces deux premiers volumes sont assez violents et surtout le sexe y est très présent. D’ailleurs cette intégrale est à réserver à un public très averti. Serpieri est un maître pour dessiner les courbes de Druuna, ce qui fait de cette série un must dans le genre de la bande dessinée dite « pour adulte ». Contrairement aux prochains albums de Drunna, qui s’enfonceront, au fur et à mesure, dans un scénario presque incompréhensible, « Morbus Gravis » et « Delta » reposent sur un scénario linéaire et abordable. Bref, un dessin magnifique au service d’une histoire de science- fiction qu’il faut avoir lu au moins une fois dans sa vie. intégrale 5: celle qui vient du vent Avec ce dernier opus, que l'on attendait plus, Serpieri nous surprend à plus d'un titre. D'une part, le dessinateur renoue avec le style de ses bd sur les western avec l'apparition d'indiens et de chevaux dans l'univers de Druuna (Seul le personnage du gnome nous rappelle l'univers futuriste où Druuna évolue habituellement) et ensuite, en ne présentant aucune scène de sexe. Que les voyeurs passent donc leur chemin ! Il leur faudra attendre le cahier graphique, présent en fin d'ouvrage, pour découvrir des esquisses plus osées de cette célèbre créature. Il réalise également ici un grand écart en reprenant le personnage d'Anima, véritable clone de Druuna et premier opus de la série (mais l'avant dernier paru). Serpieri fait l'effort d'avoir commis un scénario, certes complexe, mais qui pour une fois, se tient Un très bel album où Serpieri nous prouve que malgré ses 75 ans, sait toujours aussi bien dessiner le corps des femmes. Cet album s'achevant assez brutalement, mérite évidemment d'avoir une suite que j'ai hâte de connaître.
Séverin Blaireau
Avec cette histoire tout en douceur, saveur et frénésie, Chandre nous offre un premier album jeunesse des plus réussi ! Séverin Blaireau, son personnage principal découvre dans son voisinage un étrange bateau bloqué près d'une écluse. En menant son enquête il finit par découvrir une jeune fille capitaine pirate dont la mémoire capricieuse explique cette mise à quais. Séverin va donc devoir déployer des trésors de patiente et d'ingéniosité pour "apprivoiser" notre jeune pirate et lui faire recouvrer la raison pour lui permettre de poursuivre son périple. C'est beau, c'est doux, c'est fin et plein d'humour ! Tout est ici bien pensé et construit pour proposer à nos marmots (et aux plus grands aussi hein !) un album aux relents automnales où il fait bon sentir ce petit vent frais de l'aventure frayer à travers les couleurs chaudes de cette saison transitoire. Dis, c'est pour quand la suite ???
Mamma mia !
Mamma mia !, c'est l'histoire de quatre femmes de la même famille vivant sous le même toit, quatre générations de mères en filles. Aurélie, la trentaine célibataire, s'installe temporairement avec sa fille chez sa propre grand-mère, le temps de trouver un emploi. Cette dernière, restée assez jeune et vive d'esprit, voit d'un plutôt bon œil cette arrivée, sachant qu'elle ne devrait en principe pas durer trop longtemps et qu'elle pourra ensuite reprendre sa vie normale de senior active. Mais c'était sans compter sur sa fille, la mère d'Aurélie, qui débarque au même moment, revenue du Brésil où elle sort de l'un des nombreux épisodes de sa vie dissolue et insouciante, voire irresponsable s'il faut en croire l'avis d'Aurélie qui n'a guère bénéficié d'attention maternelle durant sa propre jeunesse. Entre les quatre va s'instaurer une cohabitation entre sourires et grincements de dents. D'autant que la plus jeune, Emma, n'a pas sa langue dans sa poche pour dire ce qu'elle pense et ce qu'elle comprend avec son esprit de petite fille de moins de 10 ans. Associer Trondheim et Obion sur un même album, j'adore ! On a droit au graphisme excellent d'Obion, son trait rond, dynamique, hyper efficace et maîtrisé, parfait pour l'humour. Il réalise également les couleurs et celles-ci sont fraîches, lumineuses et très appréciables. Et on a droit à l'humour et l'efficacité narrative de Trondheim, probablement épaulé par Obion lui-même dont j'imagine mal qu'il puisse avoir refusé de glisser son propre humour ici (mais pas de jeux de mots !). Et comme j'aime autant l'un que l'autre, je suis comblé ! Les personnages sont bons, attachants, avec des caractères qui se combinent et s'opposent de manière excellente. Les textes sont finement ciselés, avec de superbes réparties. Et chaque gag est amené avec une maestria narrative où l'on sent la patte et l'expertise des deux auteurs. Pour dire les choses simplement, quand j'ai lu cet album, il n'y a pas une planche où je n'ai pas sincèrement souri, et il y en a un bon paquet pour lesquelles j'ai ri à en secouer le lit, au point de déranger ma femme qui voulait regarder sa série tranquillement.
Un été sans maman
Le titre fait un peu peur dans la mesure où l'on pourrait croire qu'une enfant a perdu sa maman et qu'elle va passer un été sans elle. Fort heureusement, il n'en n'est rien puisque la maman dépose sa fille Lucie chez des amis en Italie. C'est au bord d'une grande plage en face de l’île de Gallinara. Bref, un décors plutôt idyllique. Un drame s'est pourtant produit en 1947 où un bateau à moteur transportant 84 enfants a fait naufrage à une centaine de mètres de la rive. Or, peu de passagers savaient nager. Près de 43 enfants sont morts noyés. On retrouve le fameux personnage propre à chaque bd de Grégory Panaccione et qui ressemble à Gérard Depardieu. C'est toujours aussi drôle et espiègle mais sur un fond de vieille tragédie d'antan citée plus haut. Le récit est muet par moment mais il y aura quelques dialogues pour ponctuer ce récit un peu fantastique. Le trait de l'auteur est toujours aussi plaisant à voir. Cela se lit avec beaucoup d'aisance. Le scénario réserve également quelques surprises. Une œuvre d'une grande tendresse avec une certaine sensibilité.
L'Aimant
Comme tout le monde je rends hommage à l'éditeur, qui nous met dans les mains un objet original avec ses images bicolores et texturées, dans un format généreux, un peu plus large que d'habitude. Bref on se sent bien accueilli. Un beau dessin, stylisé, mais qui utilise des contrastes forts de valeur. Un sorte de ligne claire, mâtinée d'une atmosphère années 30 (alors que l'intrigue se passe aujourd'hui) où les ombres prendraient une place cruciale dans le scénario. L'architecture très géométrique des termes de Vals contribue à ce charme art déco (ceux qui ont déjà vu les photos anciennes des villas du Corbusier, ou les courbes des voitures en bois garées devant, semblant faire partie de l'architecture, me comprendront). Je rapprocherai l'esthétique de celle du récent Bonjour tristesse. Une intrigue mi-policière, mi fantastique au milieu des montagnes, qui rappelle L'Homme gribouillé. Avec une chose étrange qui se produit périodiquement. Ce n'est pas une intrigue bavarde, mais suffisamment bien servie par des dialogues sobres et des personnages attachants. Lecture très confortable pour un jour de pluie.
Les Gens heureux lisent et boivent du café
Les gens heureux lisent et boivent du café. On pourrait penser a contrario que les gens malheureux ne lisent pas et boivent du thé. Il faut également dire que notre héroïne Diane est réellement à plaindre car elle vient de perdre brutalement son mari et sa fille dans un accident de voiture. Elle est encore jeune mais elle est surtout désespérée. On ne peut pas dire qu'elle peut compter sur l'aide de ses parents qui lui reprochent son inconscience. Fort heureusement, il y a son meilleur ami Félix mais ce dernier est plutôt fantasque et attiré par la fête du slip à Ibiza. La meilleure solution pour elle afin de prendre le large est de partir vivre dans un coin paumé en Irlande là où il pleut souvent et où il y a beaucoup de vent. Quoi de mieux qu'une petite chaumière perdue au milieu de nulle part. Sauf qu'elle va faire la connaissance de son voisin et ce n'est pas un tendre. Va se nouer une relation faite d'hostilités croissantes. Bref, cela ne sera pas de tout repos pour Diane ! J'ai beaucoup aimé cette histoire qui nous fait sortir des sentiers battus. Il s'agit pour cette femme de retrouver le goût à la vie, de sortir des limbes du souvenir. Bref, de retrouver le chemin de l'existence et de tourner définitivement la page. Cependant, à fuir avec acharnement la vie, et elle finit par vous rattraper. La question que pose ce roman graphique est peut-on tomber amoureux d'une personne antipathique ? En effet, derrière cela, se cache souvent la souffrance car on devient hargneux à cause du chagrin. Peut-on voir au-delà des apparences ? C'est un thème qui m'est très cher. Un roman graphique assez poignant sur le thème de la résilience et adapté du roman d'Agnès Marin-Lugand. C'est un récit assez touchant et plein d'émotion ayant pour cadre les paysages et le climat irlandais. On va suivre tout le cheminement personnel de Diane dans sa reconstruction. C'est assez intéressant pour méditer et surtout aller de l'avant.
Luminary
Je l'attendais cet album... Non seulement parce que Luc Brunschwig, son scénariste, appâtait ses lecteurs depuis quelques semaines avec des planches réalisées par Stéphane Perger, mais aussi parce qu'après un passage à mon goût inachevé dans l'univers de Conan, le voilà dans l'un de ses exercices favoris, mais encore peu exploité jusqu'à présent, la figure super-héroïque. L'idée de départ ? Lors de la sortie d'une intégrale de Photonik, le dessinateur Stéphane Perger avait réalisé une superbe illustration ; il n'en fallut pas plus pour donner envie au scénariste protéiforme de redonner la vie au héros de Ciro Tota et Jean-Yves Mitton. Cette reprise est tombée à l'eau, mais Luc Brunschwig est persévérant et sait recycler ses bonnes idées. Il livre donc avec Luminary sa version du personnage, en l'enrichissant, en y ajoutant beaucoup d'épaisseur à ses personnages, et même en les plaçant dans un contexte socio-historique bien particulier, les années 70 aux Etats-Unis, époque où les Black Panthers faisaient plus ou moins régner la terreur. Et quoi de mieux qu'un accident industriel pour faire porter le chapeau à ceux qui gênaient la politique du président d'alors ? On reconnaît bien là la finesse de l'auteur du "Pouvoir des Innocents", mais aussi sa capacité à gérer des intrigues ambitieuses comme pour l'inachevé Leviathan. D'autant plus qu'encore une fois, après plus d'une centaine de pages haletantes, il nous laisse avec un énorme cliffhanger, et plusieurs questionnements concernant les personnages. Cruel personnage. Pour accompagner Brunschwig, c'est donc Stéphane Perger, l'un des dessinateurs les plus doués de sa génération qui s'y colle, et... OH MON DIEU. C'est d'une puissance jamais vue pour ma part. Un déferlement d'énergie dans presque toutes les pages, une mise en scène diabolique, des couleurs solaires... Et des couvertures spectaculaires. On n'est pas loin de la tuerie instantanée, un avis qui se confirme par les tomes 2 et 3. Un tome 3 qui se révèle conclusif, alors que Luc Brunschwig avait construit son histoire sur quelque choses de nettement plus long. Vraiment dommage, même si cette trilogie est vraiment très bonne. Jetez-vous dessus. Maintenant.
Traquemage
Tome 1 : Le Serment des Pécadous Brillant scénariste dont les œuvres sont toujours très attendues, Lupano aime à explorer tous les genres, du polar à l’Histoire, en passant par la comédie. Et parfois il en crée de nouveaux, comme ici avec cette nouvelle série de « rural fantasy », qui débute comme une utopie pastorale assez banale pour bifurquer très vite vers une parodie burlesque de l’univers de Tolkien. Relom, dont je ne connaissais pas le travail mais qui a déjà à son actif quelques ouvrages humoristiques, s’est adjoint cette fois les services d’un scénariste, et quel scénariste ! Avec « Traquemage », cet auteur reste dans son champ de prédilection, et apporte par son style généreux une certaine féérie à cette production qui aurait pu se contenter de n’être qu’une grosse poilade, féérie confortée par une colorisation soignée. Et si les visages à l’aspect caoutchouteux évoquant Crumb sont parfaitement adaptés au genre parodique, les décors, très bien dessinés, évoquent volontiers un village de la Comté cerné par l’herbe vert tendre, la montagne en plus, telle une invitation à s’immerger dans l’histoire. Il faut dire aussi que les cornebiques (terme utilisé pour désigner les moutons) ont des tronches absolument irrésistibles, notamment Myrtille, seule survivante du massacre perpétré par les mages. Celle-ci représente l’élément le plus comique avec la Fée Pompette et son penchant pour la boisson, sorte de croisement entre la Fée Clochette, Charles Bukowski et Jérôme Bonaldi. Quand cette dernière dote accidentellement Myrtille du pouvoir de cracher des flammes (ou plus exactement des flammèches), la pauvre bête, après avoir cramé un insignifiant lézard qui se la coulait douce sur son rocher, pensant ne faire qu’une bouchée de pain du dragon Rhölmar, va crânement le défier dans sa grotte… Ouarf, quand j’y pense, j’en ris encore… Une réussite prometteuse pour ce premier tome qui donne déjà envie de découvrir la suite, grâce à une alchimie qui semble fonctionner à plein entre Lupano et Relom. Une fois encore, Wilfrid Lupano nous propose un scénario à la fois original et fluide, à croire que le bonhomme ne sait pas ce que décevoir veut dire, et ce pour notre plus grand plaisir. Et bravo à Sloane qui a très bien décrit ce premier tome. Tome 2 : Le Chant vaseux de la sirène Avec ce tome 2, on peut dire qu’on les attendait au tournant, les maîtres de la « rural fantasy fromagère », j’ai nommé Lupano et Relom ! On s’était déjà bien gaussés avec « Le Serment des Pécadous », la suite allait-elle pouvoir nous amuser autant ? La réponse est juste un oui massif et sans ambigüité ! Accompagné de sa fidèle et désopilante Myrtille, l’inénarrable Pistolin et toute l’improbable galerie de personnages qu’il va croiser sur sa route ont un vrai talent, à défaut de ne pas être trop futés, celui de déclencher de jubilatoires fou-rires chez le lecteur. Sens très poussé du gag et de la punchline, visages hyper expressifs, Lupano et Relom constituent à l’évidence un duo à la synergie idéale. Le tout est magnifié par un dessin superbe, étonnamment chiadé par rapport au genre, où habituellement on tend à délaisser le décorum pour se concentrer sur l’humour. Une excellente série qui ragaillardit de belle façon le genre franco-belge en puisant ses références du côté de Fluide Glacial et de Kaamelott, tout en insérant en filigrane des thèmes d’actualité tels que l’ultralibéralisme ou l’environnement. « Le Chant vaseux de la sirène » est le tome qui risque bien, si ce n’est déjà fait, de faire devenir accros nombre d’entre nous ! Tome 3 : Entre l’espoir et le fromage Nous voilà donc parvenus à la conclusion de cette trilogie fromagère, avec un troisième tome qui ne faiblit pas en matière de gags et de rebondissements. Cette fois, Pistolin aura même la chance de rencontrer Dieu en personne, sous la forme inattendue d’un vieux jardinier placide. Le créateur va tenter de sortir le pauvre berger des écueils que celui-ci ne semble pas en mesure d’éviter, du fait notamment de sa propension remarquable à l’échec mais aussi d’une capacité de raisonnement quelque peu limitée… Une fois encore, le lecteur passera un très bon moment grâce au formidable talent des deux auteurs. Indéniablement, Lupano est un excellent scénariste (ça commence à se savoir depuis un petit moment) et maîtrise parfaitement les ficelles pour produire un bon gag en affinité avec l’air du temps : décalé (avec insertion d’éléments contemporains dans une histoire pseudo-médiévale), un rien potache, toujours sous-tendu par des préoccupations actuelles (les ravages d’un libéralisme sans frein, l’écologie…), et servi par des dialogues truculents dans la veine d’un Audiard et ou d’un Astier. Le dessin n’est pas en reste, et Relom fait plus qu’assurer le job. Guère étonnant qu’il ait fait ses premières armes à Fluide et à Psykopat, son style évoquant immanquablement Gotlib, mais un genre de Gotlib cinématographique, car si les mimiques des personnages font péter de rire, l’environnement et les paysages sont admirablement représentés, avec un luxe de détails incroyable et une mise en couleurs très soignée. L’alchimie entre les deux compères semble décidément avoir joué à plein. Résultat : « Traquemage » s’impose comme une des meilleures séries comiques de ces dernières années avec « Les Vieux fourneaux » (pour lequel Lupano est encore aux manettes). Le tout est extrêmement inventif, avec des personnages bien campés, même quand ils sont secondaires. Outre le gentil et nigaud Pistolin, on se souviendra longtemps de la délurée fée Pompette, de la drôlissime Myrtille, dont le statut est passé de simple cornebique à monstre de foire, ou de l’hilarant Merdin l’enchianteur, aussi crédule que dangereux avec son don de mettre la poisse à quiconque le croise. Et on s’y est tellement attaché depuis le début, à ces drôles de zigues, qu’on a presque l’impression de les connaître de longue date. C’est lorsqu’on referme ce troisième et dernier tome qu’on se dit avec regret qu’une telle série avait tout pour devenir les Astérix et Lucky Luke du XXIe siècle, si les concepteurs n’avaient restreint l’aventure à trois volets… Mais qui sait, devant un succès populaire croissant, peut-on espérer un changement de braquet de la part des auteurs et de l’éditeur ?