J'adore tombé dans un univers inconnu qui se dévoile petit à petit. Et celui que nous ont concocté Luc Brunschwig et Vincent Bailly fait parti de ceux là !
On plonge littéralement dans ce monde fabuleux et original dès les premières pages. Car on nous embarque dans un monde complet et parfaitement maitrisé, tant dans sa conception que dans sa retranscription graphique. On y croit, quoi ! On s'y sent bien ! On palpite pour nos jeunes protagonistes !
Car le trait de Vincent Bailly sec et nerveux, est remarquablement relevé par les couleurs d'Isabelle Cochet. Et cette collaboration nous fait rencontrer des personnages des plus originaux !
Deux tomes donc, pour le moment, mais quel voyage déjà ! En espérant ardemment que cette série trouve un jour son dénouement et peut-être permettre d'accrocher une cinquième étoile à ce merveilleux ciel étoilé que nous propose Angus Powdehill
Beaucoup de choses m'ont plu dans cette série, je vais donc tenter de toutes les retranscrire par des mots.
Déjà, les dessins sont superbes : simples mais justes, sans s'encombrer de trop de détails mais seulement ce qu'il faut. Les couleurs sont sobres et agréables, presque des couleurs chaudes ce qui est très bien adapté au thème.
La façon de scénariser, on se croirait dans un film : les endroits où sont représentés les protagonistes sont recherchés et originaux, les angles de « prise de vue » du dessin, les zooms avant et arrière. Et même si il y a peu d'action, cette mise en scène permet de donner du mouvement.
Les thèmes abordés sont variés, parfois très visibles et directs, comme le handicap, l'homosexualité et le mystique, mais parfois plus discrets comme la difficile frontière entre le bien et le mal, le mensonge.
Et j'ai beaucoup aimé la manière de narrer et de tenir le lecteur en haleine, avec le mystère qui s'éclaircit petit à petit. J'avoue qu'à partir du 2e tome, j'ai avalé la suite d'une seule traite sans m'arrêter tellement j'étais captivé.
Je ne connaissais pas Algésiras, mais franchement, ça me donne bien envie d'aller voir les autres séries qu'il a réalisées. Je ne mets pas la note maximale malgré la tentation en attendant de lire le dernier tome qui est censé clôturer la série.
A l'heure des polémiques posées par le film "Welcome" et le référendum sur la départementalisation française de Mayotte, "Droit du sol" de Charles Masson tombe à point nommé.
Si le trait sombre et gras de ce pavé de 433 pages tout en noir et blanc n'avait rien d'attrayant à mes yeux de prime abord, l'immersion dans ce quotidien ultra réaliste, souvent sordide, mais aussi plein d'humanité a tout emporté. Moi qui tiquais sur le graphisme, je me suis même surpris à admirer l'expressivité et le rendu de certaines planches. C'est simple, épuré, dénudé, comme les corps de ces clandestins qui nous sont révélés... Corps flottants après le naufrage des barques des passeurs, corps violés pour prix de ce voyage, corps exploités pour sortir de cette misère, mais heureusement aussi corps passionnés, transcendés et corps caressés.
Car ce trait si marqué de Charles Masson sert son lourd récit à merveille. Lourd, car c'est dans la mare que fait du bruit ce pavé, comme cet enfant qu'on jette par dessus bord pour éviter une patrouille policière...
Moi qui ne connaissais Mayotte, Madagascar et ses environs que par les rares reportages sur lesquels j'avais pu tomber et l'actualité souvent tragique des JT, j'ai pris cette BD en pleine gueule... On croyait le colonialisme éteint, l'esclavagisme abolit... quelle naïveté ! Les personnages dont on nous brosse le portrait m'ont parfois donné envie de vomir...
Heureusement, les protagonistes de cette histoire ne vont faire que croiser ces ordures notoires. En effet, on va suivre quatre/cinq personnages principaux à la psychologie complexe (mais pas prise de tête), aux parcours très différents, loin des clichés et qui rendent parfaitement compte du quotidien de cette ile. Car ces métropolitains expatriés pour des raisons des plus différentes, vont être confronté, encaisser et digérer la dure réalité de cette misère et de l'immigration qui en découle de façons différentes. C'est ces tranches de vie si particulières que nous propose Charles Masson, tout en dénonçant de façon intelligente ce qui se joue là-bas et les drames qui se nouent, sans non plus sombrer dans le pessimisme.
Une oeuvre forte qui ne peut laisser indifférent.
J'ai lu assez récemment le roman de Pierre Bordage, et j'étais curieux de voir ce que donnerait son adaptation en BD.
C'est une adaptation qui me semble assez bonne ; d'emblée nous sommes plongés dans l'univers de la Confédération de Naflin, au coeur de l'action. Le décor n'est pas posé, on est obligé de suivre de suite, ou de lâcher, malgré les petites clés de lecture encyclopédiques dans les pages arrière des couvertures.
J'ai eu le plaisir de retrouver ces petits éléments inventés par Bordage, le colancor, le chairmarché, le Kreuz, les Scaythes les déremats... C'est un univers de grande ampleur, qui compte beaucoup de personnages. J'ai été assez satisfait de la représentation des Scaythes, ces tueurs mentaux aussi terrifiants que mystérieux. Je ne connaissais pas le travail de Philippe Ogaki, mais je trouve qu'il ne s'en sort pas trop mal, notamment au niveau des architectures, des designs techniques. Par contre il doit quand même progresser au niveau des personnages. L'inspiration du manga est fortement marquée, mais je ne suis pas sûr qu'elle devrait l'être autant dans une histoire de Bordage. Il y a aussi un petit manque de maturité au niveau des visages. Aphykit par exemple est de plus en plus moche au fil des pages, un comble pour un personnage dont la beauté doit être transcendée de par son essence très particulière (et qui change plusieurs fois de coiffure dans la série, alors qu'en principe elle n'en a pas le loisir). Il y a de belles ambiances réalisées par ce dessinateur dont l'encrage rappelle par moment celui de Bruno Maïorana sur Garulfo (en même temps c'est Thierry Leprévost, qui a colorisé la série sur le sympathique batracien qui travaille sur "les Guerriers du Silence" à partir du second tome). A propos d'animal pataugeant dans le liquide, j'ai été déçu par le monagre, cette créature abyssale et légendaire qui aide Tixu. On n'en voit finalement pas grand-chose alors que dans le roman il tient une place non négligeable. Le graphisme d'Ogaki rappelle également celui de Patricia Lyfoung, avec laquelle il collabore sur La Rose écarlate...
Alors bien sûr, adapter un roman de 700 pages en BD, même en 4 tomes, ce n'est pas évident. Algésiras, dans son travail d'adaptation, a forcément fait des raccourcis. Nous n'avons pas par exemple droit aux discussions entre Filp Asmussa et Long Shu Pae, ni aux conversations de Shari avec sa pierre, ou aux moments où Tixu découvre et apprivoise son osmose avec l'antra d'Aphykit... Ces raccourcis sont là pour ne pas alourdir encore plus un pavé déjà difficile à digérer. Les Guerriers du Silence et ses suites est un livre-univers, et le faire passer au papier est déjà une gageure, plutôt bien relevée par l'équipe de la BD. Mais certains éléments, tout comme dans le roman original, me semblent toujours obscurs, comme les motivations de Bilo Maïtrelly, qui ne semble aider Tixu - au péril de sa vie et de ses séides - que parce qu'ils sont complanétaires...
Comme je l'ai dit, on est directement plongé dans l'univers du livre, sans explication préalable. Ceux qui ne connaissent pas l'oeuvre originale risquent d'être un peu déroutés. Ainsi on a du mal à comprendre les positionnements des différentes factions, leurs motivations, on risque de les mélanger en plus... La BD a ce mérite de mettre des "visages" sur ceux-ci. Les interprétations graphiques d'Algésiras et Ogaki me semblent assez bonnes ; Oslustrist ressemble pas mal à l'idée que je m'en faisais, par exemple...
Une question me taraude pourtant : pourquoi Tixu garde-t-il ses vêtements après son transfert en déremat sur Marquinat ? Il devrait se retrouver nu comme un ver.
La fin de ce quadriptyque peut paraître frustrante, à cause de son côté "non-fin", justement, mais c'est normal, le roman original a connu deux suites. L'indication à la fin du tome 4 "Fin du premier cycle", laisse cependant penser que ces suites seront aussi adaptées. Peut-être quand Ogaki en aura fini avec Meteors...
En conclusion ? J'ai été agréablement surpris par cette adaptation. Grâce à un dessin plutôt bon, réhaussé par des coloristes chaleureux et talentueux ; les raccourcis ne gênent pas trop la lecture, mais Algésiras est obligée de composer avec les déficits en narration de l'oeuvre originale.
Un 3,5/5, arrondi à 4 pour le courage de l'entreprise.
J'ai eu du mal à entrer dans cette histoire, il m'a fallu la moitié du premier tome pour m'y accrocher.
Ensuite plus les pages ont défilées et plus j'ai pris de plaisir à les découvrir et à la savourer.
Ce que j'ai particulièrement apprécié c'est la densité du propos en peu de phrases accompagné d'un gros pouvoir de suggestion à travers le dessin en noir et blanc. Le foisonnement de détails de narration à travers le dessin est très bien maitrisé et va crescendo sans être trop lourd visuellement.
Le propos est sensible en abordant des thèmes que j'affectionne tels que la construction de l'adulte à travers les névroses de l'enfance, l'amitié, le désir de fuite à travers le voyage physique et les produits psychotropes, l'amour, l'insoumission.
Chaque tome met l'accent sur un thème sans négliger les autres : le fait qu'une assez bonne histoire soit transcrite dans un très bon scénario est la marque d'un travail d'excellente qualité à mon gout.
Les personnages sont construits comme dans les bons films au cinéma, de façon complète, complexe et à travers l'action tout au long du récit.
Très bon recueil, qui permet de saisir une partie de l'étendue du talent graphique de Berni Wrightson, illustrateur légendaire malheureusement peu connu par chez nous, ou plutôt oublié.
La couverture est assez laide, ou plutôt disons qu'elle a mal vieilli, mais elle laisse entrevoir ce qu'il y a à l'intérieur.
Ces huit histoires ressortent toutes du genre fantastique, un genre qui lui permet de lâcher la bride à son crayon si inventif. Il faut dire que les histoires, dont une seule est apparemment une adaptation de Lovecraft (et quelle histoire ! superbe !) sont particulièrement terrifiantes et efficaces. Pour ma part ma préférée est "Jenifer", cette histoire d'une femme au visage abominable qui sème la mort et la désolation autour d'elle. Un vrai chef d'oeuvre.
C'est avec ces histoires qu'on se rend compte que Wrightson a influencé des auteurs comme Guillaume Sorel ou encore Jean-Baptiste Andreae...
Un auteur majeur, un recueil de premier choix, hélas introuvable ou presque.
L’adaptation d’une nouvelle est toujours un exercice délicat, reprendre Barbey d’Aurevilly était un sacré pari. LILAO le relève en extrayant les passages qu’il considère décisifs du récit.
L’édition est d’excellente facture avec de nombreuses explications qui viennent agrémenter l’adaptation graphique elle-même.
Le dessin est en noir et nuance de gris, tout en atmosphères, en douceur, en nuances, en courbes. Les textes sont en dessous des dessins ce qui donne la sensation du roman illustré.
Côté scénario, il est incassable, en prenant les passages forts et en réalisant les enchainements de façon habile LILAO exprime toute la puissance du récit. Tantôt érotique avec une beauté du début de tome qui mêle sensualité et sexualité. Ici l’amour pourtant vénal et grossier est représenté avec tant de finesse que c’est beau et non vulgaire. Toute la tenue de la femme, ses positions sensuelles mais pas aguicheuses la rendent mystérieuse inaccessible et captivante.
L’histoire qu’elle raconte ensuite est rendu avec toute son horreur avec une tension crescendo qui aboutit à cette scène inouïe qui scellera le début de sa déchéance volontaire.
Enfin la chute qui se fait dans des salons pour hommes parisiens et se conclut sur le tombeau est magistrale dans son implacabilité, dans la volonté de la femme ayant été au bout de son châtiment.
Amour, Eros, idéal, violence, châtiment, auto destruction, devoir, illusion, manipulation, charisme, rapport de la femme à l’homme, libre arbitre : tous ces thèmes surgissent des planches et de l’histoire pour nous intégrer et nous mettre en position de comprendre cette femme. Nous sommes nous même avec Robert de Tressignies, d’abord épanoui par l’eros puis transporté par l’agape devant le drame que cette femme raconte. Comme lui aussi la fin nous bouleversera et nous aussi irons nous recueillir devant le tombeau de cette femme dont la situation ne nous empêchera pas d’avoir de l’admiration.
Brillamment mis en planches, ce scénario prend ici une expression graphique très réussie grâce à la fluidité des planches et la justesse des nuances. LILAO accomplit un merveilleux travail et s’il avait lui-même écrit l’histoire cet album aurait mérité la note maximale tant à chaque instant le lecteur est captivé. LILAO livre ici son premier ouvrage, attention talent, je lui prédis un très grand avenir au moins en dessinateur…
A posséder et lire comme un bijou tant l’exercice d’adaptation est réussie.
Makyo retourne vers ses racines, c’est avec une volonté d’authentique qu’il nous livre ce récit. Le dessin n’est pas toujours parfait, certains mouvements sont maladroits et même si le trait de crayon est assuré la couleur utilisée est très verte. Bref certaines images sont un peu figées.
Pour le scénario les deux tomes n’ont rien à voir, si le premier tome est à terre, le second est un huis clos en mer. Petit miracle, qui ne connait pas son passé. Sa mère génétique on sait grosso modo son histoire, mais son père ?
Beaucoup d’émotion se dégage de ce récit. Les personnages sont naturels et très humains, les uns ne cachent pas leur faiblesse, les autres la montrent en voulant la cacher ! Les trois pères potentiels (4 ?) sont émouvants chacun à leur manière et tous soignent de leur attention l’enfant. Finalement cet enfant est la somme de chacune de leurs qualités, ce qui lui donnera la chance de réussir ce que eux n’ont pas pu (su) faire. Réflexion sur la transmission, les origines, l’attachement, ce roman graphique est une bouffée d’air frais breton, même si le dessin est parfois maladroit, cela accentue le côté touchant du scénario. A découvrir absolument et à acheter.
Ceci dit il ne faut pas voir non plus un album référence, car le scénario comporte quelques faiblesses (naufrages et rescapés, lecture, don pour la médecine) vite oubliées à la lecture mais présentes.
Pour cet album, j’ai voulu attendre longtemps avant de donner un avis pour savoir si la première impression survivrait, ce qui me vaut de ne le noter que maintenant alors qu’il est depuis le début dans ma collection.
L’édition est très belle, le matériel est solide et joliment relié le papier très agréable à toucher. L’album a un nombre de pages généreux.
Côté dessins, nous sommes en face de planches en dégradé gris et une autre couleur, tantôt or, tantôt ocre, parfois noir, parfois moutarde, parfois violet. Toujours dans des nuances pastels des couleurs avec une constante marron-or très réussie. Le trait est peu visible, il s’agit plutôt de dégradés contrastés. La mise en image est très réussie avec des prises de vues tout à fait adéquates pour chaque situation sans que l’on sente les vues forcées.
Côté scénario maintenant, cette BD est muette. Non seulement il n’y a aucun texte, mais en plus il n’y a aucune lettre dans les décors reconnaissable. Ceci est fort à propos dans la mesure ou le thème est celui du migrant. Thème universel, la migration est présentée ici de façon universelle sans qu’il y ait de lieu précis, de langue précise et même de date précise ça pourrait s’adapter à n’importe quel migrant à n’importe quelle époque.
Tout commence avec la séparation brutale, non seulement des racines mais surtout des proches, un homme va donc quitter sa famille pour aller chercher meilleur sort à l’étranger en espérant faire venir sa famille un jour. Pourquoi il part ? Parce qu’il a peur, peur d’on ne sait quoi mais qui est magnifiquement représenté par cette queue de monstre dont l’ombre irise les murs. Après la séparation vient le voyage, présenté ici dans toute son humanité et sa misère, seul et ayant le même espoir que nombre d’autres portant tout autant sur eux leur désespoir sur ce grand bateau. Impersonnel, brutal même, incompréhensible vient la sélection et la validation de son entrée en territoire d’espoir. Sélectionné suivant des critères si justement montrés ici comme arbitraires certains vont être acceptés à l’examen de passage. On ne saura pas ce qu’il en est pour les autres, mais ici notre vagabond passe. L’acceptation finale est validée par un homme dans l’administration du pays d'accueil, il s'agit du premier signe d’humanité perçu dans le récit, c’est bien un homme qui tamponne le visa, homme inconnu mais dont on aimerait l’embrasser tant la démarche pour en arriver là fut dure et combien un retour ne serait pas envisageable.
Alors c’est la découverte, découverte de ce nouveau monde avec les petites économies prévues, découverte des us. Seul au milieu d’une civilisation nouvelle le dépaysement est prévisible, il est admirablement croqué dans cet album. Même les indispensables ustensiles quotidiens peuvent être des découvertes. Le petit animal qui suivra notre migrant tout rond et mignon comme tout est adopté aussi bien par le héros que par le lecteur. Sans aide c’est difficile, et ce n’est qu’avec un nouveau contact humain d’aide que notre héros trouvera enfin un rythme dans cette nouvelle vie. D’essais en essais dans des job que l’on devine difficile notre déraciné va trouver ses marques. Bien sur quelques peurs de l’ancien monde subsisteront, mais avec l’humanité des accueillants : tout va mieux. Et qui sont ces accueillants ? Eux même d’anciens migrants, non pas du même pays, eux aussi ont leurs peurs et eux aussi ont connu ce chemin, maintenant ils sont heureux d’être sortis de leur peur même en ayant des vies difficiles : au moins ici ils sont heureux, heureux comme cet enfant joyeux. Une lettre et la situation suffisamment stable va permettre d’enfin pouvoir revoir la famille, cette seule attache qui manque à l’équilibre de notre déraciné. Une fois la cellule enfin au complet l’apprentissage va être transmis, les fantômes du passés peuvent être oubliés. Et mieux, la petite fille de nouveau épanouie va pouvoir à son tour aider les nouveaux migrants…
Une telle justesse, une telle simplicité, une telle universalité sont choses rares dans la BD comme dans d’autres arts. D’étapes en étapes nous sommes transportés, nous même migrants en départ d’un danger et en partance pour un Eden idéal. Le plus touchant dans cet ouvrage c’est l’humanité qui s’en dégage, chaque étape positive dans le parcours s’avère venir d’autrui et être humaine. Hymne à la tolérance, à l’amour au sens chrétien de l’agape ou à la charité au sens bouddhiste cet album est un bijou brut. De ses couleurs à son scénario en passant par ses nuances, tout est transcrit pour remettre l’homme au cœur des préoccupations terrestres. La relecture est un régal qui permet d’aller plus loin et de voir par delà le non texte dans des détails qui ont un profond sens humaniste. Mon coup de cœur initial n’était donc pas qu’une tocade. Cet ouvrage rentre dans le cercle fermé des œuvres références que tout être humain devrait si ce n’est avoir lu en tous cas ressentir au fond de lui.
Un petit OVNI que cette vieille BD.
En fait le point commun des quatre récits est le temps, ses dérapages, ses pièges...
Je n'ai pas apprécié toutes les histoires de la même façon, ce qui est logique. J'ai eu du mal à rentrer dans la première. La faute peut-être à un côté psychédélique qui me pose toujours problème à la lecture. Amateur de SF, j'ai lu quelques nouvelles d'Harlan Ellison, et j'aime aussi l'humour noir et grinçant dont il fait souvent preuve. Mais là, je ne sais pas, l'adaptation ne me semble pas très bonne, pas très linéaire. Et le dessin d'Alex Niño ne m'a pas plu sur ce segment, trop fouillis.
Le récit suivant, adapté de Robert E. Howard, m'a beaucoup plus accroché. Je crois qu'il s'agit de la première de son cycle romanesque consacré à Conan. Tout de suite j'ai senti un rythme, une palpitation, aidés par un dessin qui me semble plus appliqué ; bien sûr, il y a cette propension à en rajouter au niveau des décors, mais Niño s'est aussi appliqué sur les anatomies de Conan et des créatures, ce qui rajoute de la cohérence au récit.
En ce qui concerne les Hommes-dieux, le récit m'a semblé un peu moins intéressant, mais le dessin est parmi les meilleurs à ce moment. Je lui ai trouvé, sur ce segment plutôt que sur les autres, une certaine parenté avec celui de Carlos Gimenez, auteur également versé dans les récits futuristes.
Le dernier récit est l'adaptation d'un classique de Michael Moorcock, grand auteur de fantasy comme Robert E. Howard ; ici c'est une sorte de fantasme judéo-chrétien qui est mis en scène... Si le récit est plutôt intéressant (mais avec une adaptation chaotique à mon goût), le dessin est pas mal, dans un registre moins "SF" que dans les autres récits.
Au final, il s'agit d'un recueil assez intéressant, qui nous présente quatre déclinaisons sur le thème du temps. Quatre déclinaisons très différentes, provenant d'auteur intéressants pris séparément, toutes dessinées par le même artiste, malheureusement oublié à notre époque, mais qui dans le registre réaliste, avait vraiment un grand talent.
Un bon 3,5/5.
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J'adore tombé dans un univers inconnu qui se dévoile petit à petit. Et celui que nous ont concocté Luc Brunschwig et Vincent Bailly fait parti de ceux là ! On plonge littéralement dans ce monde fabuleux et original dès les premières pages. Car on nous embarque dans un monde complet et parfaitement maitrisé, tant dans sa conception que dans sa retranscription graphique. On y croit, quoi ! On s'y sent bien ! On palpite pour nos jeunes protagonistes ! Car le trait de Vincent Bailly sec et nerveux, est remarquablement relevé par les couleurs d'Isabelle Cochet. Et cette collaboration nous fait rencontrer des personnages des plus originaux ! Deux tomes donc, pour le moment, mais quel voyage déjà ! En espérant ardemment que cette série trouve un jour son dénouement et peut-être permettre d'accrocher une cinquième étoile à ce merveilleux ciel étoilé que nous propose Angus Powdehill
Candélabres
Beaucoup de choses m'ont plu dans cette série, je vais donc tenter de toutes les retranscrire par des mots. Déjà, les dessins sont superbes : simples mais justes, sans s'encombrer de trop de détails mais seulement ce qu'il faut. Les couleurs sont sobres et agréables, presque des couleurs chaudes ce qui est très bien adapté au thème. La façon de scénariser, on se croirait dans un film : les endroits où sont représentés les protagonistes sont recherchés et originaux, les angles de « prise de vue » du dessin, les zooms avant et arrière. Et même si il y a peu d'action, cette mise en scène permet de donner du mouvement. Les thèmes abordés sont variés, parfois très visibles et directs, comme le handicap, l'homosexualité et le mystique, mais parfois plus discrets comme la difficile frontière entre le bien et le mal, le mensonge. Et j'ai beaucoup aimé la manière de narrer et de tenir le lecteur en haleine, avec le mystère qui s'éclaircit petit à petit. J'avoue qu'à partir du 2e tome, j'ai avalé la suite d'une seule traite sans m'arrêter tellement j'étais captivé. Je ne connaissais pas Algésiras, mais franchement, ça me donne bien envie d'aller voir les autres séries qu'il a réalisées. Je ne mets pas la note maximale malgré la tentation en attendant de lire le dernier tome qui est censé clôturer la série.
Droit du sol
A l'heure des polémiques posées par le film "Welcome" et le référendum sur la départementalisation française de Mayotte, "Droit du sol" de Charles Masson tombe à point nommé. Si le trait sombre et gras de ce pavé de 433 pages tout en noir et blanc n'avait rien d'attrayant à mes yeux de prime abord, l'immersion dans ce quotidien ultra réaliste, souvent sordide, mais aussi plein d'humanité a tout emporté. Moi qui tiquais sur le graphisme, je me suis même surpris à admirer l'expressivité et le rendu de certaines planches. C'est simple, épuré, dénudé, comme les corps de ces clandestins qui nous sont révélés... Corps flottants après le naufrage des barques des passeurs, corps violés pour prix de ce voyage, corps exploités pour sortir de cette misère, mais heureusement aussi corps passionnés, transcendés et corps caressés. Car ce trait si marqué de Charles Masson sert son lourd récit à merveille. Lourd, car c'est dans la mare que fait du bruit ce pavé, comme cet enfant qu'on jette par dessus bord pour éviter une patrouille policière... Moi qui ne connaissais Mayotte, Madagascar et ses environs que par les rares reportages sur lesquels j'avais pu tomber et l'actualité souvent tragique des JT, j'ai pris cette BD en pleine gueule... On croyait le colonialisme éteint, l'esclavagisme abolit... quelle naïveté ! Les personnages dont on nous brosse le portrait m'ont parfois donné envie de vomir... Heureusement, les protagonistes de cette histoire ne vont faire que croiser ces ordures notoires. En effet, on va suivre quatre/cinq personnages principaux à la psychologie complexe (mais pas prise de tête), aux parcours très différents, loin des clichés et qui rendent parfaitement compte du quotidien de cette ile. Car ces métropolitains expatriés pour des raisons des plus différentes, vont être confronté, encaisser et digérer la dure réalité de cette misère et de l'immigration qui en découle de façons différentes. C'est ces tranches de vie si particulières que nous propose Charles Masson, tout en dénonçant de façon intelligente ce qui se joue là-bas et les drames qui se nouent, sans non plus sombrer dans le pessimisme. Une oeuvre forte qui ne peut laisser indifférent.
Les Guerriers du Silence
J'ai lu assez récemment le roman de Pierre Bordage, et j'étais curieux de voir ce que donnerait son adaptation en BD. C'est une adaptation qui me semble assez bonne ; d'emblée nous sommes plongés dans l'univers de la Confédération de Naflin, au coeur de l'action. Le décor n'est pas posé, on est obligé de suivre de suite, ou de lâcher, malgré les petites clés de lecture encyclopédiques dans les pages arrière des couvertures. J'ai eu le plaisir de retrouver ces petits éléments inventés par Bordage, le colancor, le chairmarché, le Kreuz, les Scaythes les déremats... C'est un univers de grande ampleur, qui compte beaucoup de personnages. J'ai été assez satisfait de la représentation des Scaythes, ces tueurs mentaux aussi terrifiants que mystérieux. Je ne connaissais pas le travail de Philippe Ogaki, mais je trouve qu'il ne s'en sort pas trop mal, notamment au niveau des architectures, des designs techniques. Par contre il doit quand même progresser au niveau des personnages. L'inspiration du manga est fortement marquée, mais je ne suis pas sûr qu'elle devrait l'être autant dans une histoire de Bordage. Il y a aussi un petit manque de maturité au niveau des visages. Aphykit par exemple est de plus en plus moche au fil des pages, un comble pour un personnage dont la beauté doit être transcendée de par son essence très particulière (et qui change plusieurs fois de coiffure dans la série, alors qu'en principe elle n'en a pas le loisir). Il y a de belles ambiances réalisées par ce dessinateur dont l'encrage rappelle par moment celui de Bruno Maïorana sur Garulfo (en même temps c'est Thierry Leprévost, qui a colorisé la série sur le sympathique batracien qui travaille sur "les Guerriers du Silence" à partir du second tome). A propos d'animal pataugeant dans le liquide, j'ai été déçu par le monagre, cette créature abyssale et légendaire qui aide Tixu. On n'en voit finalement pas grand-chose alors que dans le roman il tient une place non négligeable. Le graphisme d'Ogaki rappelle également celui de Patricia Lyfoung, avec laquelle il collabore sur La Rose écarlate... Alors bien sûr, adapter un roman de 700 pages en BD, même en 4 tomes, ce n'est pas évident. Algésiras, dans son travail d'adaptation, a forcément fait des raccourcis. Nous n'avons pas par exemple droit aux discussions entre Filp Asmussa et Long Shu Pae, ni aux conversations de Shari avec sa pierre, ou aux moments où Tixu découvre et apprivoise son osmose avec l'antra d'Aphykit... Ces raccourcis sont là pour ne pas alourdir encore plus un pavé déjà difficile à digérer. Les Guerriers du Silence et ses suites est un livre-univers, et le faire passer au papier est déjà une gageure, plutôt bien relevée par l'équipe de la BD. Mais certains éléments, tout comme dans le roman original, me semblent toujours obscurs, comme les motivations de Bilo Maïtrelly, qui ne semble aider Tixu - au péril de sa vie et de ses séides - que parce qu'ils sont complanétaires... Comme je l'ai dit, on est directement plongé dans l'univers du livre, sans explication préalable. Ceux qui ne connaissent pas l'oeuvre originale risquent d'être un peu déroutés. Ainsi on a du mal à comprendre les positionnements des différentes factions, leurs motivations, on risque de les mélanger en plus... La BD a ce mérite de mettre des "visages" sur ceux-ci. Les interprétations graphiques d'Algésiras et Ogaki me semblent assez bonnes ; Oslustrist ressemble pas mal à l'idée que je m'en faisais, par exemple... Une question me taraude pourtant : pourquoi Tixu garde-t-il ses vêtements après son transfert en déremat sur Marquinat ? Il devrait se retrouver nu comme un ver. La fin de ce quadriptyque peut paraître frustrante, à cause de son côté "non-fin", justement, mais c'est normal, le roman original a connu deux suites. L'indication à la fin du tome 4 "Fin du premier cycle", laisse cependant penser que ces suites seront aussi adaptées. Peut-être quand Ogaki en aura fini avec Meteors... En conclusion ? J'ai été agréablement surpris par cette adaptation. Grâce à un dessin plutôt bon, réhaussé par des coloristes chaleureux et talentueux ; les raccourcis ne gênent pas trop la lecture, mais Algésiras est obligée de composer avec les déficits en narration de l'oeuvre originale. Un 3,5/5, arrondi à 4 pour le courage de l'entreprise.
Lupus
J'ai eu du mal à entrer dans cette histoire, il m'a fallu la moitié du premier tome pour m'y accrocher. Ensuite plus les pages ont défilées et plus j'ai pris de plaisir à les découvrir et à la savourer. Ce que j'ai particulièrement apprécié c'est la densité du propos en peu de phrases accompagné d'un gros pouvoir de suggestion à travers le dessin en noir et blanc. Le foisonnement de détails de narration à travers le dessin est très bien maitrisé et va crescendo sans être trop lourd visuellement. Le propos est sensible en abordant des thèmes que j'affectionne tels que la construction de l'adulte à travers les névroses de l'enfance, l'amitié, le désir de fuite à travers le voyage physique et les produits psychotropes, l'amour, l'insoumission. Chaque tome met l'accent sur un thème sans négliger les autres : le fait qu'une assez bonne histoire soit transcrite dans un très bon scénario est la marque d'un travail d'excellente qualité à mon gout. Les personnages sont construits comme dans les bons films au cinéma, de façon complète, complexe et à travers l'action tout au long du récit.
Presque Humains
Très bon recueil, qui permet de saisir une partie de l'étendue du talent graphique de Berni Wrightson, illustrateur légendaire malheureusement peu connu par chez nous, ou plutôt oublié. La couverture est assez laide, ou plutôt disons qu'elle a mal vieilli, mais elle laisse entrevoir ce qu'il y a à l'intérieur. Ces huit histoires ressortent toutes du genre fantastique, un genre qui lui permet de lâcher la bride à son crayon si inventif. Il faut dire que les histoires, dont une seule est apparemment une adaptation de Lovecraft (et quelle histoire ! superbe !) sont particulièrement terrifiantes et efficaces. Pour ma part ma préférée est "Jenifer", cette histoire d'une femme au visage abominable qui sème la mort et la désolation autour d'elle. Un vrai chef d'oeuvre. C'est avec ces histoires qu'on se rend compte que Wrightson a influencé des auteurs comme Guillaume Sorel ou encore Jean-Baptiste Andreae... Un auteur majeur, un recueil de premier choix, hélas introuvable ou presque.
La vengeance d'une femme
L’adaptation d’une nouvelle est toujours un exercice délicat, reprendre Barbey d’Aurevilly était un sacré pari. LILAO le relève en extrayant les passages qu’il considère décisifs du récit. L’édition est d’excellente facture avec de nombreuses explications qui viennent agrémenter l’adaptation graphique elle-même. Le dessin est en noir et nuance de gris, tout en atmosphères, en douceur, en nuances, en courbes. Les textes sont en dessous des dessins ce qui donne la sensation du roman illustré. Côté scénario, il est incassable, en prenant les passages forts et en réalisant les enchainements de façon habile LILAO exprime toute la puissance du récit. Tantôt érotique avec une beauté du début de tome qui mêle sensualité et sexualité. Ici l’amour pourtant vénal et grossier est représenté avec tant de finesse que c’est beau et non vulgaire. Toute la tenue de la femme, ses positions sensuelles mais pas aguicheuses la rendent mystérieuse inaccessible et captivante. L’histoire qu’elle raconte ensuite est rendu avec toute son horreur avec une tension crescendo qui aboutit à cette scène inouïe qui scellera le début de sa déchéance volontaire. Enfin la chute qui se fait dans des salons pour hommes parisiens et se conclut sur le tombeau est magistrale dans son implacabilité, dans la volonté de la femme ayant été au bout de son châtiment. Amour, Eros, idéal, violence, châtiment, auto destruction, devoir, illusion, manipulation, charisme, rapport de la femme à l’homme, libre arbitre : tous ces thèmes surgissent des planches et de l’histoire pour nous intégrer et nous mettre en position de comprendre cette femme. Nous sommes nous même avec Robert de Tressignies, d’abord épanoui par l’eros puis transporté par l’agape devant le drame que cette femme raconte. Comme lui aussi la fin nous bouleversera et nous aussi irons nous recueillir devant le tombeau de cette femme dont la situation ne nous empêchera pas d’avoir de l’admiration. Brillamment mis en planches, ce scénario prend ici une expression graphique très réussie grâce à la fluidité des planches et la justesse des nuances. LILAO accomplit un merveilleux travail et s’il avait lui-même écrit l’histoire cet album aurait mérité la note maximale tant à chaque instant le lecteur est captivé. LILAO livre ici son premier ouvrage, attention talent, je lui prédis un très grand avenir au moins en dessinateur… A posséder et lire comme un bijou tant l’exercice d’adaptation est réussie.
Le Coeur en Islande
Makyo retourne vers ses racines, c’est avec une volonté d’authentique qu’il nous livre ce récit. Le dessin n’est pas toujours parfait, certains mouvements sont maladroits et même si le trait de crayon est assuré la couleur utilisée est très verte. Bref certaines images sont un peu figées. Pour le scénario les deux tomes n’ont rien à voir, si le premier tome est à terre, le second est un huis clos en mer. Petit miracle, qui ne connait pas son passé. Sa mère génétique on sait grosso modo son histoire, mais son père ? Beaucoup d’émotion se dégage de ce récit. Les personnages sont naturels et très humains, les uns ne cachent pas leur faiblesse, les autres la montrent en voulant la cacher ! Les trois pères potentiels (4 ?) sont émouvants chacun à leur manière et tous soignent de leur attention l’enfant. Finalement cet enfant est la somme de chacune de leurs qualités, ce qui lui donnera la chance de réussir ce que eux n’ont pas pu (su) faire. Réflexion sur la transmission, les origines, l’attachement, ce roman graphique est une bouffée d’air frais breton, même si le dessin est parfois maladroit, cela accentue le côté touchant du scénario. A découvrir absolument et à acheter. Ceci dit il ne faut pas voir non plus un album référence, car le scénario comporte quelques faiblesses (naufrages et rescapés, lecture, don pour la médecine) vite oubliées à la lecture mais présentes.
Là où vont nos pères
Pour cet album, j’ai voulu attendre longtemps avant de donner un avis pour savoir si la première impression survivrait, ce qui me vaut de ne le noter que maintenant alors qu’il est depuis le début dans ma collection. L’édition est très belle, le matériel est solide et joliment relié le papier très agréable à toucher. L’album a un nombre de pages généreux. Côté dessins, nous sommes en face de planches en dégradé gris et une autre couleur, tantôt or, tantôt ocre, parfois noir, parfois moutarde, parfois violet. Toujours dans des nuances pastels des couleurs avec une constante marron-or très réussie. Le trait est peu visible, il s’agit plutôt de dégradés contrastés. La mise en image est très réussie avec des prises de vues tout à fait adéquates pour chaque situation sans que l’on sente les vues forcées. Côté scénario maintenant, cette BD est muette. Non seulement il n’y a aucun texte, mais en plus il n’y a aucune lettre dans les décors reconnaissable. Ceci est fort à propos dans la mesure ou le thème est celui du migrant. Thème universel, la migration est présentée ici de façon universelle sans qu’il y ait de lieu précis, de langue précise et même de date précise ça pourrait s’adapter à n’importe quel migrant à n’importe quelle époque. Tout commence avec la séparation brutale, non seulement des racines mais surtout des proches, un homme va donc quitter sa famille pour aller chercher meilleur sort à l’étranger en espérant faire venir sa famille un jour. Pourquoi il part ? Parce qu’il a peur, peur d’on ne sait quoi mais qui est magnifiquement représenté par cette queue de monstre dont l’ombre irise les murs. Après la séparation vient le voyage, présenté ici dans toute son humanité et sa misère, seul et ayant le même espoir que nombre d’autres portant tout autant sur eux leur désespoir sur ce grand bateau. Impersonnel, brutal même, incompréhensible vient la sélection et la validation de son entrée en territoire d’espoir. Sélectionné suivant des critères si justement montrés ici comme arbitraires certains vont être acceptés à l’examen de passage. On ne saura pas ce qu’il en est pour les autres, mais ici notre vagabond passe. L’acceptation finale est validée par un homme dans l’administration du pays d'accueil, il s'agit du premier signe d’humanité perçu dans le récit, c’est bien un homme qui tamponne le visa, homme inconnu mais dont on aimerait l’embrasser tant la démarche pour en arriver là fut dure et combien un retour ne serait pas envisageable. Alors c’est la découverte, découverte de ce nouveau monde avec les petites économies prévues, découverte des us. Seul au milieu d’une civilisation nouvelle le dépaysement est prévisible, il est admirablement croqué dans cet album. Même les indispensables ustensiles quotidiens peuvent être des découvertes. Le petit animal qui suivra notre migrant tout rond et mignon comme tout est adopté aussi bien par le héros que par le lecteur. Sans aide c’est difficile, et ce n’est qu’avec un nouveau contact humain d’aide que notre héros trouvera enfin un rythme dans cette nouvelle vie. D’essais en essais dans des job que l’on devine difficile notre déraciné va trouver ses marques. Bien sur quelques peurs de l’ancien monde subsisteront, mais avec l’humanité des accueillants : tout va mieux. Et qui sont ces accueillants ? Eux même d’anciens migrants, non pas du même pays, eux aussi ont leurs peurs et eux aussi ont connu ce chemin, maintenant ils sont heureux d’être sortis de leur peur même en ayant des vies difficiles : au moins ici ils sont heureux, heureux comme cet enfant joyeux. Une lettre et la situation suffisamment stable va permettre d’enfin pouvoir revoir la famille, cette seule attache qui manque à l’équilibre de notre déraciné. Une fois la cellule enfin au complet l’apprentissage va être transmis, les fantômes du passés peuvent être oubliés. Et mieux, la petite fille de nouveau épanouie va pouvoir à son tour aider les nouveaux migrants… Une telle justesse, une telle simplicité, une telle universalité sont choses rares dans la BD comme dans d’autres arts. D’étapes en étapes nous sommes transportés, nous même migrants en départ d’un danger et en partance pour un Eden idéal. Le plus touchant dans cet ouvrage c’est l’humanité qui s’en dégage, chaque étape positive dans le parcours s’avère venir d’autrui et être humaine. Hymne à la tolérance, à l’amour au sens chrétien de l’agape ou à la charité au sens bouddhiste cet album est un bijou brut. De ses couleurs à son scénario en passant par ses nuances, tout est transcrit pour remettre l’homme au cœur des préoccupations terrestres. La relecture est un régal qui permet d’aller plus loin et de voir par delà le non texte dans des détails qui ont un profond sens humaniste. Mon coup de cœur initial n’était donc pas qu’une tocade. Cet ouvrage rentre dans le cercle fermé des œuvres références que tout être humain devrait si ce n’est avoir lu en tous cas ressentir au fond de lui.
Temps Pi
Un petit OVNI que cette vieille BD. En fait le point commun des quatre récits est le temps, ses dérapages, ses pièges... Je n'ai pas apprécié toutes les histoires de la même façon, ce qui est logique. J'ai eu du mal à rentrer dans la première. La faute peut-être à un côté psychédélique qui me pose toujours problème à la lecture. Amateur de SF, j'ai lu quelques nouvelles d'Harlan Ellison, et j'aime aussi l'humour noir et grinçant dont il fait souvent preuve. Mais là, je ne sais pas, l'adaptation ne me semble pas très bonne, pas très linéaire. Et le dessin d'Alex Niño ne m'a pas plu sur ce segment, trop fouillis. Le récit suivant, adapté de Robert E. Howard, m'a beaucoup plus accroché. Je crois qu'il s'agit de la première de son cycle romanesque consacré à Conan. Tout de suite j'ai senti un rythme, une palpitation, aidés par un dessin qui me semble plus appliqué ; bien sûr, il y a cette propension à en rajouter au niveau des décors, mais Niño s'est aussi appliqué sur les anatomies de Conan et des créatures, ce qui rajoute de la cohérence au récit. En ce qui concerne les Hommes-dieux, le récit m'a semblé un peu moins intéressant, mais le dessin est parmi les meilleurs à ce moment. Je lui ai trouvé, sur ce segment plutôt que sur les autres, une certaine parenté avec celui de Carlos Gimenez, auteur également versé dans les récits futuristes. Le dernier récit est l'adaptation d'un classique de Michael Moorcock, grand auteur de fantasy comme Robert E. Howard ; ici c'est une sorte de fantasme judéo-chrétien qui est mis en scène... Si le récit est plutôt intéressant (mais avec une adaptation chaotique à mon goût), le dessin est pas mal, dans un registre moins "SF" que dans les autres récits. Au final, il s'agit d'un recueil assez intéressant, qui nous présente quatre déclinaisons sur le thème du temps. Quatre déclinaisons très différentes, provenant d'auteur intéressants pris séparément, toutes dessinées par le même artiste, malheureusement oublié à notre époque, mais qui dans le registre réaliste, avait vraiment un grand talent. Un bon 3,5/5.