Watchmen n’est pas un comic mainstream de super-héros. Ce n’est pas que ça ! Arrêter sa pensée à cette conclusion serait lui faire injure.
En effet, à partir de ce qui pourrait n’être qu’une banale histoire de meurtres en série de super-héros, Alan Moore nous livre une vertigineuse réflexion sur quelques sujets essentiels comme le sens (et l’intérêt ?) de la vie et de la mort, le destin (hasard ou déterminisme), l’illusion du temps et quelques considérations de macro-économie et de géopolitique tout-à-fait intéressantes.
Pour avoir déjà lu From Hell, je savais que Moore est un auteur puissant qui livre des histoires riches, de la lecture desquelles on ressort marqué et admiratif.
Ici, chaque personnage (super-héros) semble représenter une certaine façon d’appréhender le monde :
- Froidement analytique et calculatrice (Ozymandias)
- Prédatrice, soumise à ses plus bas instincts, opportuniste et sans scrupules (le Comédien)
- Romantique et sentimentale (le Hibou)
- Détachée des considérations affectives, purement cérébrale (Doc Manhattan)
- Manichéenne mais nourrie d’une perception biaisée de la réalité (Rorschach)
Le personnage de Laurie Juspeczyk (sorte de super-héroïne malgré elle) enfin, échappe à une description aussi concise, et pour cela peut-être, il est très attachant.
Mais à mes yeux le plus fascinant, le plus charismatique, le plus intéressant est Doc Manhattan, que Moore présente comme “une certaine forme d’organisation électromagnétique ressemblant à une conscience”. Ce personnage, qui n’est pas sans rappeler l’homme floristique de Swamp Thing a, comme lui, subi une violente et irréversible mutation tant mentale que physiologique. Cette mutation, à l’origine de ses super pouvoirs va transformer sa vision du monde. Assez ironiquement, Moore inflige à ce personnage qui se destinait initialement au métier d’horloger, une expérience qui va lui faire ressentir au plus profond de lui-même la relativité du temps !
Fort de cette révélation, et de ses super pouvoirs bien pratiques pour survivre sur Mars, et parce qu’il n’est plus un être humain, mais une sorte de Deus ex-machina, Doc Manhattan assis sur un rocher tel Le Penseur de Rodin, tient des propos d’une grande pertinence sur la nécessité (ou non) de la vie humaine (“un phénomène bien surestimé” selon lui) et sur le miracle que constitue le-dit phénomène, un authentique et improbable miracle, dont Moore pointe cependant la banalité.
Le débat métaphysique entre Laurie et Manhattan dans ce chapitre-là est l’un de mes passages préférés.
Outre qu’il rappelle quelques vérités salutaires sur l’apparition de la vie sur terre, ce qui fait du bien en cette période ou les théories créationnistes refont surface, ce passage est assez fascinant, poétique et, tout simplement, beau.
La Terre, pas plus que Mars, n’a besoin de la vie humaine. Mais chaque être humain est un miracle hautement improbable. Merci monsieur Moore pour cette audacieuse vision des choses !
Il y a encore beaucoup à dire sur ce monumental album. En effet, Moore -formidablement secondé par Dave Gibbons au dessin- n’est pas avare de trouvailles en tous genres. Il affectionne les métaphores visuelles pour caractériser ses personnages. Le chapitre consacré à Rorschach en est truffé, Moore glissant par exemple habilement d’une parodie de scène d’amour aux taches du masque du super-héros. Je pense aussi à la scène dans laquelle Dan rêve qu’il fait l’amour avec Laurie après un déshabillage mutuel riche de sens. Il use aussi abondamment (comme déjà largement mentionné dans les précédents avis) de la mise en parallèle de deux récits a priori sans lien. Mais chez Moore, le concomitant n’est jamais fortuit : la BD que lit le gamin fait écho aux propos désabusés du vendeur de journaux sur la marche du monde ;)
Moore est un homme qui a beaucoup d’idées à exprimer, il se sert de son histoire pour nous livrer sa vision pessimiste du monde (et accessoirement de la mort), de l’équilibre précaire entre les super-puissances et de la façon dont cette période de guerre froide (une époque “sur [laquelle] pèse l’ombre d’une guerre sans après-guerre”) a agi sur ceux qui la vivaient.
Parmi les défauts qu’on lui reproche : son exécrable mise en couleurs. C’est vrai que dans les premiers instants de la lecture, on se dit “beurk, c’est immonde !” mais l’intrigue et l’atmosphère particulière ont vite fait de reléguer au second plan les horribles couleurs flashy. Ceci dit, je pense que le magnifique coup de crayon de Gibbons serait magnifié par un sobre noir & blanc.
On reproche aussi à Watchmen sa lenteur. Ca m’a rappelé une conversation que j’avais eue avec un copain à propos de Radiohead : il trouvait leur musique lente et pour lui c’était un défaut. Quelle idée absurde ! La lenteur est une caractéristique, pas un défaut !!! Il y a tellement de profondeur, de richesse, d’intelligence dans les scénarios de Moore qu’ils ont besoin de place et de temps pour s’exprimer pleinement. Ainsi, Moore dilate son scénario à l’envi, mais ce n’est jamais gratuit !
Je n’ai lu les textes de fin de chapitre qu’en deuxième lecture ; ils lui donnent un autre éclairage sur chaque personnage ou sur le contexte géopolitique. Ils permettent aussi de mesurer le colossal travail fourni par Moore, et l’ingéniosité de sa construction narrative.
J’ai dû rendre mon exemplaire de Watchmen avant d’avoir eu le temps de finir de les lire tous et je le regrette. Je reste sur l’impression d’avoir du quitter un riche musée avant d’avoir pu en visiter toutes les salles. Impression frustrante, mais promesse de futures relectures passionnantes !
C’est le genre de BD propre à susciter des échanges d’une grande richesse, des discussions passionnées à perte de vue, entre lecteurs- pour peu qu’on aime ça- sur les sujets les plus variés. C’est aussi ça, la grande force de Watchmen !
Une dernière chose : si vous l’achetez en français, préférez l’édition Delcourt, traduite par Jean-Patrick Manchette !
Ah eh bien moi je suis toujours très amateur de ce genre de BD...
Revenir sur ses souvenirs d'enfance, ça a parfois du bon... L'exercice est cette fois réalisée par les Flamand père et fils, dans cette petite ferme du Morvan, à l'atmosphère si particulière... Mais point d'angélisme dans cette BD, car la seconde partie propose des anecdotes moins sympathiques, la révélation d'une douleur d'enfance qui, sans être réellement néfaste, a quand même marqué Christian Flamand, qui en parle encore aujourd'hui...
Une BD surprenante donc, bien illustrée par le fiston qui a un style franco-belge affirmé et plutôt bien digéré, pour un grand plaisir des yeux...
Une chouette BD, pas très originale au fond, mais qui fait passer un bon petit moment de lecture...
Un petit 3,5/5, tout de même.
Fell, pour moi le meilleur comics de l'année 2007.
C'est glauque, violent, noir mais en même temps tellement humain dans les rapports entre les personnages. L'ouvrage est divisé en chapitres ou l'on résout à chaque fois une intrigue et, en même temps, on avance dans la découverte des protagonistes (leur vie mais aussi celle de la ville de ce côté du pont).
Pour le dessin, Templesmith nous offre du grand art (lui, on l'adore ou on ne peut pas le supporter). Il colle au scénario et je ne pouvais pas imaginer autre chose.
Alors pourquoi pas 5/5 ?
Mais elle est où la suite ? Je suis en manque et ça j'aime pas.
Etrange et fascinant nouveau volume dans la collection " Le Louvre ".
Les auteurs réussissent l'exercice avec maestria.
Cerise sur le gâteau, Yslaire se surpasse au dessin fournissant une copie où la technique est en phase avec le contenu.
Dans "Le ciel au-dessus du Louvre" on découvre le contexte historique, politique et artistique de l'époque de la création du musée du Louvre.
C'est instructif et bien construit. On sent l'énorme travail documentaire pour arriver à un résultat aussi positif.
Yslaire utilise une technique à mi-chemin entre ses productions classiques et un crayonné avancé mis en couleur. Le rendu est superbe et m'est apparu judicieux pour cette BD artistique où la technique a son importance comme l'on peut s'en douter.
La BD est superbe, l'édition est de qualité, le contenu en phase avec la collection. J'adore, tout est réussi et pertinent dans cet opus.
A découvrir de toute urgence.
Depuis le temps que je lis des avis sur différentes séries, en voici une qui me donne vraiment envie de partager le mien...
En effet, Spoogue gagne franchement à être connu.
Alors ok, ni le héros ni les autres personnages ne sont vraiment sexy, que ce soit au niveau physique ou de leurs motivations, mais c'est justement ça qui est bon !
Si on y rajoute un dessin expressif avec pas mal d'humour notamment en arrière plan (j'adore), beaucoup d'action et de retournement de situation, plus une fin assez inattendu, on obtient une excellente série !
Son seul défaut à mes yeux, tout juste 3 tomes c'est trop court !!! A noter une mention spéciale pour le tome 2 qui est pour moi le meilleur...
Si vous ne connaissez pas déjà Spoogue, vous avez de la chance, vous allez pouvoir découvrir une série culte :-)))
Ah! Corto Maltese, dire qu'il m'a fallu plus d'un an entre ma première lecture (évidemment j'avais commencé par Mû) avant de m'y replonger dedans.
Mais cette fois là je l'avais prise par le bon bout, d'abord la ballade de la mer salée puis les éthiopiques puis les celtiques, et évidemment c'est la crise, la boulimie, un monde envoûtant, fait de fulgurances et de poésie un monde où dès que l'on a entrouvert la porte on est happé.
Sur le personnage de Corto et ses acolytes on a déjà tout dit mais quelle humanisme quel souffle épique, quand je m'engouffre dans ses aventures je rêve d'être à ses côtés et je vis l'aventure.
Bref béni soit saint Hugo Pratt.
Vous l'aurez compris c'est une série qui m'a plu.
Personnellement, je ne suis pas un fan de Corto Maltese. Certaines des aventures ne me touchent pas. Cependant, La ballade de la mer salée m'a conquis. J'aime beaucoup le caractère onirique et l'ambiance de l'histoire. Les aventures ne sont pas faites de succession d'évènements mais plutôt de rencontres entre les personnages haut en couleur, heu, en noir et blanc, je veux dire. Car le graphisme inimitable d'Hugo Prat, sert à exacerber les caractères des personnages en leur faisant arborer tout un panel d'expressions. En clair, l'ouvrage fait partie de la liste des ouvrages nécessaires dans toute bibliothèque.
A mon goût, Chevalier Ardent est une Bd du même niveau que Thorgal, bien que méconnue. Comme cette dernière, la série est assez inégale.
Les premiers tomes sont un peu faiblards et reflètent assez bien les Bds de l'époque avec un héros simple aux motivations pas compliqué, genre Tintin.
Avec le sixième volume de la série, " Le secret du roi Arthus", il se passe quelque chose. Les personnages gagnent énormément en profondeur. Le triangle amoureux, entre le roi Arthus, sa fille Gwendoline et notre héros prend de la dimension. Autant le roi gouverne avec bienveillance mais aussi avec cynisme, autant il sombre dans l'irrationnel, voire dans la folie, dès qu'il s'agit de sa fille. En même temps, le graphisme prend des libertés par rapport à l'école belge et certaines planches sont magnifiques. A mon avis, c'est le vrai point de départ de la série.
"Le trésor du mage" est un épisode de transition.
Avec "La Dame des sables", on a un excellent cru. L'orientalisme de cet épisode permet à l'auteur de montrer son aptitude à donner une dimension onirique à ses histoires. On retrouve cette dimension dans certaines histoires courtes comme "La passeur" publié en 1973 dans le journal Tintin et repris dans un album "Sang de Boeuf".
"L'ogre de worm" est un excellent épisode de transition. Par rapport aux premiers épisodes, l'intrigue est nettement plus sophistiquée et notre héros ne se contente pas de foncer dans le tas.
"La princesse captive", "La révolte de vassal" et "Les chevaliers de l'apocalypse" sont pour moi des albums de pur génie. L'histoire met en scène la folie du roi Arthus, manipulé par un personnage mystérieux qui mènera son royaume, et peut-être le monde au bord de la destruction. Dans "Les chevaliers de l'apocalypse", le graphisme atteint des sommets. Profitant de la démesure du scenario, l'auteur accède à une liberté graphique digne des Frank Miller.
Une fois le diable vaincu, la série s'oriente vers quelques épisodes assez zen. La mode est aux bds historiques et l'auteur se documente sur la vie du moyen-âge et nous livre des histoires qu'il espère vraisemblables.
Comme bien des auteurs, Craenhals a du mal à terminer la série et globalement l'intrigue piétine un peu avec des épisodes inutiles comme "L'arc de Saka".
Le vagabond des limbes est une série culte. L'intrigue se déroule dans un univers de science fiction complètement déjanté, plein de cynisme et bourré de détails truculents, amplifiant à l'infini les perversions de notre société. Le dessin de Ribera sert à merveille les dessins du scenario.
Dès les premiers épisodes, la série démarre très fort. Avec "Les démons du temps immobile", un des meilleurs de la série, la série bascule petit à petit dans une dimension onirique. Les tomes qui suivent sont tous excellents et chacun a son préféré. A mon avis, la série atteint un sommet avec "Pour trois graines d'éternité".
Ensuite, la série alterne quelques excellents volumes, "Muskie, encore et toujours" et d'autres un peu redondants ou avec un scenario un peu trop linéaire.
Axle Munshine est un personnage romantique du même niveau qu'Elric, et son compagnon/sa compagne Musky puis Muskie est un personnage inédit dans les univers de science-fiction. Sa complexité ne saurait être décrite en quelques lignes.
Voici un Frédérik Peeters des plus intriguant qui se rapproche de ce que peut faire Andreas avec ses récits à énigme.
Ainsi, on ressort assez désarçonné de sa première lecture. Et pour cause.
On a l’impression que bon nombre d’éléments nous échappe, qu’on a loupé un épisode. On navigue dans un rêve qui, comme chacun le sait, suit sa propre logique. Une deuxième lecture permet d’en saisir davantage le sens. De raccrocher des éléments à d’autres. De distinguer le réel de l’imaginaire. C’est donc un album qui demande une participation active du lecteur et qui a un pouvoir attractif assez extraordinaire.
Bref, voici un one shot captivant. A lire !
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Watchmen
Watchmen n’est pas un comic mainstream de super-héros. Ce n’est pas que ça ! Arrêter sa pensée à cette conclusion serait lui faire injure. En effet, à partir de ce qui pourrait n’être qu’une banale histoire de meurtres en série de super-héros, Alan Moore nous livre une vertigineuse réflexion sur quelques sujets essentiels comme le sens (et l’intérêt ?) de la vie et de la mort, le destin (hasard ou déterminisme), l’illusion du temps et quelques considérations de macro-économie et de géopolitique tout-à-fait intéressantes. Pour avoir déjà lu From Hell, je savais que Moore est un auteur puissant qui livre des histoires riches, de la lecture desquelles on ressort marqué et admiratif. Ici, chaque personnage (super-héros) semble représenter une certaine façon d’appréhender le monde : - Froidement analytique et calculatrice (Ozymandias) - Prédatrice, soumise à ses plus bas instincts, opportuniste et sans scrupules (le Comédien) - Romantique et sentimentale (le Hibou) - Détachée des considérations affectives, purement cérébrale (Doc Manhattan) - Manichéenne mais nourrie d’une perception biaisée de la réalité (Rorschach) Le personnage de Laurie Juspeczyk (sorte de super-héroïne malgré elle) enfin, échappe à une description aussi concise, et pour cela peut-être, il est très attachant. Mais à mes yeux le plus fascinant, le plus charismatique, le plus intéressant est Doc Manhattan, que Moore présente comme “une certaine forme d’organisation électromagnétique ressemblant à une conscience”. Ce personnage, qui n’est pas sans rappeler l’homme floristique de Swamp Thing a, comme lui, subi une violente et irréversible mutation tant mentale que physiologique. Cette mutation, à l’origine de ses super pouvoirs va transformer sa vision du monde. Assez ironiquement, Moore inflige à ce personnage qui se destinait initialement au métier d’horloger, une expérience qui va lui faire ressentir au plus profond de lui-même la relativité du temps ! Fort de cette révélation, et de ses super pouvoirs bien pratiques pour survivre sur Mars, et parce qu’il n’est plus un être humain, mais une sorte de Deus ex-machina, Doc Manhattan assis sur un rocher tel Le Penseur de Rodin, tient des propos d’une grande pertinence sur la nécessité (ou non) de la vie humaine (“un phénomène bien surestimé” selon lui) et sur le miracle que constitue le-dit phénomène, un authentique et improbable miracle, dont Moore pointe cependant la banalité. Le débat métaphysique entre Laurie et Manhattan dans ce chapitre-là est l’un de mes passages préférés. Outre qu’il rappelle quelques vérités salutaires sur l’apparition de la vie sur terre, ce qui fait du bien en cette période ou les théories créationnistes refont surface, ce passage est assez fascinant, poétique et, tout simplement, beau. La Terre, pas plus que Mars, n’a besoin de la vie humaine. Mais chaque être humain est un miracle hautement improbable. Merci monsieur Moore pour cette audacieuse vision des choses ! Il y a encore beaucoup à dire sur ce monumental album. En effet, Moore -formidablement secondé par Dave Gibbons au dessin- n’est pas avare de trouvailles en tous genres. Il affectionne les métaphores visuelles pour caractériser ses personnages. Le chapitre consacré à Rorschach en est truffé, Moore glissant par exemple habilement d’une parodie de scène d’amour aux taches du masque du super-héros. Je pense aussi à la scène dans laquelle Dan rêve qu’il fait l’amour avec Laurie après un déshabillage mutuel riche de sens. Il use aussi abondamment (comme déjà largement mentionné dans les précédents avis) de la mise en parallèle de deux récits a priori sans lien. Mais chez Moore, le concomitant n’est jamais fortuit : la BD que lit le gamin fait écho aux propos désabusés du vendeur de journaux sur la marche du monde ;) Moore est un homme qui a beaucoup d’idées à exprimer, il se sert de son histoire pour nous livrer sa vision pessimiste du monde (et accessoirement de la mort), de l’équilibre précaire entre les super-puissances et de la façon dont cette période de guerre froide (une époque “sur [laquelle] pèse l’ombre d’une guerre sans après-guerre”) a agi sur ceux qui la vivaient. Parmi les défauts qu’on lui reproche : son exécrable mise en couleurs. C’est vrai que dans les premiers instants de la lecture, on se dit “beurk, c’est immonde !” mais l’intrigue et l’atmosphère particulière ont vite fait de reléguer au second plan les horribles couleurs flashy. Ceci dit, je pense que le magnifique coup de crayon de Gibbons serait magnifié par un sobre noir & blanc. On reproche aussi à Watchmen sa lenteur. Ca m’a rappelé une conversation que j’avais eue avec un copain à propos de Radiohead : il trouvait leur musique lente et pour lui c’était un défaut. Quelle idée absurde ! La lenteur est une caractéristique, pas un défaut !!! Il y a tellement de profondeur, de richesse, d’intelligence dans les scénarios de Moore qu’ils ont besoin de place et de temps pour s’exprimer pleinement. Ainsi, Moore dilate son scénario à l’envi, mais ce n’est jamais gratuit ! Je n’ai lu les textes de fin de chapitre qu’en deuxième lecture ; ils lui donnent un autre éclairage sur chaque personnage ou sur le contexte géopolitique. Ils permettent aussi de mesurer le colossal travail fourni par Moore, et l’ingéniosité de sa construction narrative. J’ai dû rendre mon exemplaire de Watchmen avant d’avoir eu le temps de finir de les lire tous et je le regrette. Je reste sur l’impression d’avoir du quitter un riche musée avant d’avoir pu en visiter toutes les salles. Impression frustrante, mais promesse de futures relectures passionnantes ! C’est le genre de BD propre à susciter des échanges d’une grande richesse, des discussions passionnées à perte de vue, entre lecteurs- pour peu qu’on aime ça- sur les sujets les plus variés. C’est aussi ça, la grande force de Watchmen ! Une dernière chose : si vous l’achetez en français, préférez l’édition Delcourt, traduite par Jean-Patrick Manchette !
Vacances à Saint-Prix
Ah eh bien moi je suis toujours très amateur de ce genre de BD... Revenir sur ses souvenirs d'enfance, ça a parfois du bon... L'exercice est cette fois réalisée par les Flamand père et fils, dans cette petite ferme du Morvan, à l'atmosphère si particulière... Mais point d'angélisme dans cette BD, car la seconde partie propose des anecdotes moins sympathiques, la révélation d'une douleur d'enfance qui, sans être réellement néfaste, a quand même marqué Christian Flamand, qui en parle encore aujourd'hui... Une BD surprenante donc, bien illustrée par le fiston qui a un style franco-belge affirmé et plutôt bien digéré, pour un grand plaisir des yeux... Une chouette BD, pas très originale au fond, mais qui fait passer un bon petit moment de lecture... Un petit 3,5/5, tout de même.
Fell
Fell, pour moi le meilleur comics de l'année 2007. C'est glauque, violent, noir mais en même temps tellement humain dans les rapports entre les personnages. L'ouvrage est divisé en chapitres ou l'on résout à chaque fois une intrigue et, en même temps, on avance dans la découverte des protagonistes (leur vie mais aussi celle de la ville de ce côté du pont). Pour le dessin, Templesmith nous offre du grand art (lui, on l'adore ou on ne peut pas le supporter). Il colle au scénario et je ne pouvais pas imaginer autre chose. Alors pourquoi pas 5/5 ? Mais elle est où la suite ? Je suis en manque et ça j'aime pas.
Le ciel au-dessus du Louvre
Etrange et fascinant nouveau volume dans la collection " Le Louvre ". Les auteurs réussissent l'exercice avec maestria. Cerise sur le gâteau, Yslaire se surpasse au dessin fournissant une copie où la technique est en phase avec le contenu. Dans "Le ciel au-dessus du Louvre" on découvre le contexte historique, politique et artistique de l'époque de la création du musée du Louvre. C'est instructif et bien construit. On sent l'énorme travail documentaire pour arriver à un résultat aussi positif. Yslaire utilise une technique à mi-chemin entre ses productions classiques et un crayonné avancé mis en couleur. Le rendu est superbe et m'est apparu judicieux pour cette BD artistique où la technique a son importance comme l'on peut s'en douter. La BD est superbe, l'édition est de qualité, le contenu en phase avec la collection. J'adore, tout est réussi et pertinent dans cet opus. A découvrir de toute urgence.
Spoogue
Depuis le temps que je lis des avis sur différentes séries, en voici une qui me donne vraiment envie de partager le mien... En effet, Spoogue gagne franchement à être connu. Alors ok, ni le héros ni les autres personnages ne sont vraiment sexy, que ce soit au niveau physique ou de leurs motivations, mais c'est justement ça qui est bon ! Si on y rajoute un dessin expressif avec pas mal d'humour notamment en arrière plan (j'adore), beaucoup d'action et de retournement de situation, plus une fin assez inattendu, on obtient une excellente série ! Son seul défaut à mes yeux, tout juste 3 tomes c'est trop court !!! A noter une mention spéciale pour le tome 2 qui est pour moi le meilleur... Si vous ne connaissez pas déjà Spoogue, vous avez de la chance, vous allez pouvoir découvrir une série culte :-)))
Corto Maltese
Ah! Corto Maltese, dire qu'il m'a fallu plus d'un an entre ma première lecture (évidemment j'avais commencé par Mû) avant de m'y replonger dedans. Mais cette fois là je l'avais prise par le bon bout, d'abord la ballade de la mer salée puis les éthiopiques puis les celtiques, et évidemment c'est la crise, la boulimie, un monde envoûtant, fait de fulgurances et de poésie un monde où dès que l'on a entrouvert la porte on est happé. Sur le personnage de Corto et ses acolytes on a déjà tout dit mais quelle humanisme quel souffle épique, quand je m'engouffre dans ses aventures je rêve d'être à ses côtés et je vis l'aventure. Bref béni soit saint Hugo Pratt. Vous l'aurez compris c'est une série qui m'a plu.
Corto Maltese
Personnellement, je ne suis pas un fan de Corto Maltese. Certaines des aventures ne me touchent pas. Cependant, La ballade de la mer salée m'a conquis. J'aime beaucoup le caractère onirique et l'ambiance de l'histoire. Les aventures ne sont pas faites de succession d'évènements mais plutôt de rencontres entre les personnages haut en couleur, heu, en noir et blanc, je veux dire. Car le graphisme inimitable d'Hugo Prat, sert à exacerber les caractères des personnages en leur faisant arborer tout un panel d'expressions. En clair, l'ouvrage fait partie de la liste des ouvrages nécessaires dans toute bibliothèque.
Chevalier Ardent
A mon goût, Chevalier Ardent est une Bd du même niveau que Thorgal, bien que méconnue. Comme cette dernière, la série est assez inégale. Les premiers tomes sont un peu faiblards et reflètent assez bien les Bds de l'époque avec un héros simple aux motivations pas compliqué, genre Tintin. Avec le sixième volume de la série, " Le secret du roi Arthus", il se passe quelque chose. Les personnages gagnent énormément en profondeur. Le triangle amoureux, entre le roi Arthus, sa fille Gwendoline et notre héros prend de la dimension. Autant le roi gouverne avec bienveillance mais aussi avec cynisme, autant il sombre dans l'irrationnel, voire dans la folie, dès qu'il s'agit de sa fille. En même temps, le graphisme prend des libertés par rapport à l'école belge et certaines planches sont magnifiques. A mon avis, c'est le vrai point de départ de la série. "Le trésor du mage" est un épisode de transition. Avec "La Dame des sables", on a un excellent cru. L'orientalisme de cet épisode permet à l'auteur de montrer son aptitude à donner une dimension onirique à ses histoires. On retrouve cette dimension dans certaines histoires courtes comme "La passeur" publié en 1973 dans le journal Tintin et repris dans un album "Sang de Boeuf". "L'ogre de worm" est un excellent épisode de transition. Par rapport aux premiers épisodes, l'intrigue est nettement plus sophistiquée et notre héros ne se contente pas de foncer dans le tas. "La princesse captive", "La révolte de vassal" et "Les chevaliers de l'apocalypse" sont pour moi des albums de pur génie. L'histoire met en scène la folie du roi Arthus, manipulé par un personnage mystérieux qui mènera son royaume, et peut-être le monde au bord de la destruction. Dans "Les chevaliers de l'apocalypse", le graphisme atteint des sommets. Profitant de la démesure du scenario, l'auteur accède à une liberté graphique digne des Frank Miller. Une fois le diable vaincu, la série s'oriente vers quelques épisodes assez zen. La mode est aux bds historiques et l'auteur se documente sur la vie du moyen-âge et nous livre des histoires qu'il espère vraisemblables. Comme bien des auteurs, Craenhals a du mal à terminer la série et globalement l'intrigue piétine un peu avec des épisodes inutiles comme "L'arc de Saka".
Le Vagabond des Limbes
Le vagabond des limbes est une série culte. L'intrigue se déroule dans un univers de science fiction complètement déjanté, plein de cynisme et bourré de détails truculents, amplifiant à l'infini les perversions de notre société. Le dessin de Ribera sert à merveille les dessins du scenario. Dès les premiers épisodes, la série démarre très fort. Avec "Les démons du temps immobile", un des meilleurs de la série, la série bascule petit à petit dans une dimension onirique. Les tomes qui suivent sont tous excellents et chacun a son préféré. A mon avis, la série atteint un sommet avec "Pour trois graines d'éternité". Ensuite, la série alterne quelques excellents volumes, "Muskie, encore et toujours" et d'autres un peu redondants ou avec un scenario un peu trop linéaire. Axle Munshine est un personnage romantique du même niveau qu'Elric, et son compagnon/sa compagne Musky puis Muskie est un personnage inédit dans les univers de science-fiction. Sa complexité ne saurait être décrite en quelques lignes.
Pachyderme
Voici un Frédérik Peeters des plus intriguant qui se rapproche de ce que peut faire Andreas avec ses récits à énigme. Ainsi, on ressort assez désarçonné de sa première lecture. Et pour cause. On a l’impression que bon nombre d’éléments nous échappe, qu’on a loupé un épisode. On navigue dans un rêve qui, comme chacun le sait, suit sa propre logique. Une deuxième lecture permet d’en saisir davantage le sens. De raccrocher des éléments à d’autres. De distinguer le réel de l’imaginaire. C’est donc un album qui demande une participation active du lecteur et qui a un pouvoir attractif assez extraordinaire. Bref, voici un one shot captivant. A lire !