Voilà, j'ai fini par prendre le temps de lire cette BD remarquée mais qui ne m'attirait pas plus que ça... Et bien m'en a pris, car c'est un véritable coup de coeur !
C'est un grand voyage que nous propose Nancy Peña ! Graphique, géographique, littéraire, bref, on est mené de surprise en surprise, guidé par un chat noir en mal de son kimono... Et c'est ce ton et cette originalité qui fait la force de cette BD. Un vrai petit bijou tout en noir et blanc, ciselé façon art déco.
Le découpage et la narration sont d'emblée mis à contribution pour découper ce récit. On joue des genres et des légendes pour essayer de suivre les moustaches de notre marcou qui se glisse et se cache dans les noirs de ces pages... Et dans le sillage de cette quête improbable défile une ribambelle de personnages tous plus inattendus qu'attachants.
La patte si particulière de Nancy Peña fait ensuite le reste pour donner une grande cohérence à son histoire et rendre le récit d'une grande fluidité. Jeu de noirs, de textures et de motifs sont pour moi le coeur même et la réelle force de ce one shot. Moi qui partais un peu à reculons dans cette lecture, je me suis fait littéralement embarqué ! Et c'est avec empressement que je vais de ce pas me plonger dans la lecture de Tea Party en espérant y retrouver cette ambiance et ce trait si particuliers !
Ce one shot est assez prenant. Certes, sa lecture demande une attention soutenue mais cela en vaut franchement la peine.
La réception d’un message provenant de l’espace n’est finalement qu’un prétexte pour déclencher une cascade d’événements qui échappe bien vite à tout contrôle. C’est surtout l’occasion pour l’auteur de dénoncer les errements des années 80 : guerre froide, secte fanatique, despote africain, société capitaliste à outrance, magouilles politiques, etc. C’est en quelques sortes un Alan Moore avant l’heure qui dénonce les dérives de notre monde. Tous ces éléments viennent s’imbriquer les uns dans les autres, rendant la lecture plus complexe. Toutefois, La narration reste fluide, ce qui évite au lecteur de décrocher. Le récit captive de bout en bout et on n’est pas déçu par la fin. Will Eisner a un sens de la narration et du découpage hors du commun. De plus, j’aime beaucoup sont trait caricatural.
Bref, voici une lecture exigeante mais pas rébarbative et au contraire ô combien intéressante !
Ce conte, inspiré d’un récit datant du 13e siècle, s’aventure dans des contrées peu exploitées du mythe arthurien.
Le bel inconnu est un chevalier beau comme Apollon qui se présente à la cour d’Arthur sans nom mais bien décidé à accomplir une quête. Celle-ci l’amènera à traverser moult dangers pour délivrer une princesse. Une quête classique en somme mais dont le déroulement l’est beaucoup moins. Il finira par délivrer sa belle et découvrir sa réelle identité. En disant cela, je ne dévoile nullement la fin. Car sa quête et son identité ne sont pas les faits les plus importants. L’intérêt est ailleurs. Mais ça, je vous laisse le découvrir . . .
La narration est plaisante et le dessin très séduisant. J’aime beaucoup ! L’histoire se clôture après le second opus, ce qui nous donne un récit pas trop long.
Une suite semblait prévue mais n’a pas vu le jour. Sans doute la conséquence d’une bd injustement boudée par le public. Dommage, . . .
L’album rassemble deux histoires :
• OGONIOK (3,5/5)
Semion Gennadovich Polumin, haut fonctionnaire du tsar, se perd dans la taïga lors d’une partie de chasse. Trois misérables indigènes se proposent de lui offrir le thé. Semion leur fait part de son projet de traque dans les environs. Les hôtes le mettent en garde : les bois alentour sont le domaine d’Ogoniok, le shamann ; sans doute vaudrait-il mieux pour le chasseur passer son chemin et laisser en paix le gibier qui s’y trouve.
• MYETZKO (5/5)
Galicie. 1915. Batko Baborka est capitaine de l’armée austro-allemande et Myetzko Goglowa est son ordonnance. D’après la légende, les lignées des deux hommes sont liées depuis un accord conclu par leurs ancêtres. Les Goglowa, soi-disant sorciers, servent les nobles Baborka de génération en génération. Les deux soldats sont envoyés dans le no man’s land, pour une périlleuse mission de reconnaissance, qui sera l’occasion pour Myetzko d’honorer le pacte ancestral.
Les dessins de Toppi se révèlent une fois de plus majestueux. Dans ‘Ogoniok’, son bestiaire (élan, coq de bruyère, mammouth, lapin, etc.) est de très bonne qualité. Mais c’est véritablement dans ‘Myetzko’ que mes yeux ont pris le plus de plaisir. Toutes ces carcasses de mitrailleuses et de pièces d’artillerie. Tout ce métal déchiqueté. Magnifique !
Le second récit est plus long et, partant, plus approfondi que le premier. Dans ‘Myetzko’, les talents de conteur de l’auteur et son habileté à mélanger événements historiques et fantastiques sont à leur apogée. Du grand art…
Les préférences de Toppi en matière de couleurs (quand il en utilise) vont très clairement pour le bleu, le rose, le mauve et le vert. Il ne se servira du rouge qu’exceptionnellement. Ce fut notamment le cas pour la couverture de 'Myetzko'. Et à cette occasion, l’auteur a, selon moi, été très bien inspiré. En effet, il s’agit là de la plus belle couverture de bd qu’il m’ait été donné de voir !
Remarque : j'ai cru comprendre que l’album était épuisé. Les éditions Mosquito prévoient une réédition pour mars 2010, avec une nouvelle structure, sous le titre « Saint-Acheul ». Pour de plus amples informations, voyez leur site.
Laurent Colonnier nous livre une solide histoire, d’une soixantaine de pages, d’une étonnante maîtrise graphique et d'une narration sans faille.
Dans un Tokyo fantomatique, on suit les déambulations d'un homme brisé par un chagrin d'amour, l'auteur nous place directement dans le cerveau malade du protagoniste, personnalité bipolaire dont son double maléfique, incarné par le homard du titre, et sa conscience incarnée par une marionnette(?).
(spoiler) Le héros choisira de se débarrasser de sa conscience plutôt que de ses démons, ce qui causera sa perte. (/spoiler).
Internal lobster n'est pas pour autant un livre moral, il n'est pas non-plus dénué d'humour, pince-sans-rire et non-sensique.
La narration déstructurée, faite de flash-back et de scènes oniriques déstabilise à la première lecture, mais prend toute sa légitimité lors de l'épilogue.
Le parti pris de ne pas livrer le mode d'emploi au lecteur m'a fait penser au Mulholland Drive de David Lynch, pari risqué, beaucoup de lecteurs potentiels ne finiront peut-être même pas la lecture. Ce serait dommage, ils rateraient un récit que je placerais entre le Pachyderme de Peeters et le Blast de Larcenet.
C’est en apercevant la couverture du premier tome chez mon libraire préféré que je retins le nom de « Voyage des pères ». Un personnage bougon, assez attachant physiquement, aux traits simples et sympas et aux couleurs avenantes. Pas le temps d’ouvrir, je la lirai plus tard…
Rentré chez moi, je recherchais la BD sur notre site préféré. Découvrant ainsi le sujet de l’histoire. Les évangiles vues par les pères de disciples de Jésus qui partent à leur recherche… Original. Et puis j’aime bien les histoires déviées d’une histoire connue.
Ah ! Mais tiens, il y a un forum ouvert sur la BD ! Que pensent nos joyeux compères de BDthèque sur cette série… Lecture rapide du débat. Tour à la bibliothèque. Emprunt, lecture, retour.
Et bien franchement. C’est génial. J’ai aimé, j’ai rigolé, j’ai acheté et je recommande.
Mais voilà : on doit désormais, avec courage et abnégation rendre une critique de ce que l’on vient de lire. Et on se retrouve devant le problème qui a saisi certains autres membres. Comment écrire une critique sur une œuvre traitant de religion ou de foi ? Comment le critique doit réagir face à quelque chose qui traite d’un sujet vrai pour certains et faux pour d’autres ? Comment le critique doit réagir lorsqu’une œuvre semble engagée dans une direction qu’il ne suit pas ?
Qu'importe ! Que l'on croient ou non, les passages de la Bible sont plus ou moins connus par tous, ça parle à l'inconscient collectif ! Et la narration de ce point de vue est assez inovante, pour que chacun puisse (re)découvrir ces moments.
Plus précisément la mise en scène est tout à fait réussie. L’histoire commence sur le témoignage de Jonas puis de flash-back en ellipse on reprend le cours de l’histoire et il est assurément tout à fait plaisant de lire les évangiles par ce biais. D’une part le récit, fondateur pour certains, prend une dimension nouvelle et étonnante, d’autre part il s’agit aussi d’une belle histoire humaine de trois hommes en proie au doute que chacun a pu vivre en rencontrant Jésus. Centré sur l’humain, l’incertitude des pères face aux hommes qui pensent toucher Dieu.
Le dessin est agréable et frais. On retrouve un peu toxic planet sans non plus avoir le même style. C’est à cet égard assez curieux. Le trait de David Ratte est à la fois reconnaissable mais nouveau, familier et surprenant (?) ! Les couleurs, quant à elles, sont très belles et nous plongent sans mal dans la Palestine de Jésus en 30 après lui-même.
L’humour enfin est une totale réussite. A mon sens, la comédie, pour être réussie, doit en fait relever de la tragédie c'est-à-dire qu’à un sujet sérieux, humain, on applique un effet comique, décalé, visuel ou quoique ce soit, mais en tout cas non fondamental de prime-abord mais qui suit le récit de manière fluide lors de sa construction. (Un des pros en la matière s’appelle Alexandre Astier. Et je trouve justement que le « Voyage des pères » a un humour très Kaamelott.) Une époque ancienne, un langage moderne. C’est succulent !
Mais voilà. Si la BD se limite à cet effet, elle apparaît sans doute bien inégale. Bien moyenne. Une farce assez foireuse… C’est donc bien le traitement d’une chose sérieuse (la religion, la foi) d'une manière détournée et l’effet fonctionne. D’où l’importance de connaître peut-être un peu la religion afin de pouvoir en rire.
David Ratte nous en demande beaucoup. Il fait appel à notre intelligence, à notre sens critique, à notre appréhension d’un fait qui peut-être faux pour nous mais fondateur pour d’autres. Il nous imagine cultivé, familier d’une histoire qui rassemble et divise, qui fraternise et tue. C’est pour cette raison, cette audace que j’ai apprécié le travail de Ratte, que j’attends le tome 3 avec impatience (vraisemblablement sur Simon. Personnage adorable, père d’un homme au sombre désespoir…) que je trouve cette série indispensable.
Et honnêtement, pour redécouvrir les évangiles, il y a pire comme moyen…
Merci à lui, et merci aux artistes qui osent parler de religion de manière intelligente critique et surtout très drôle !
N’ayons pas peur des mots : Sergio Toppi est incontestablement l’un des plus grands auteurs de bandes dessinées de sa génération !
‘Tanka’ a une valeur particulière pour le grand fan de Toppi que je suis. Il s’agit en effet de l’album avec lequel j’ai eu le plaisir de découvrir l’auteur. Il regroupe quatre histoires courtes parues dans les revues ‘Corto Maltese’, ‘Alter Alter’ et ‘Il Giornalino’ dans les années 1970-1980.
• TANKA : depuis la mise à sac de son palais et le massacre des siens, la princesse Shikibo demeure assise en silence dans un temple en ruine et garde les yeux clos. Un pauvre rônin, qui n’a pour toute richesse qu’un sabre rouillé et émoussé, promet à la belle dame de tout mettre en œuvre pour lui faire ouvrir à nouveau les yeux.
• KIMURA : Masamune est le maître fabricant de sabres le plus réputé de sa province. Toutefois, le vieillard a une éthique et ne loue ses services qu’aux guerriers dont les motivations sont les plus louables. Aussi le vieillard se trouve-t-il face à un dilemme, lorsque le cruel prince Ashizu lui réclame un sabre et le menace de s’en prendre à son village natal en cas de refus.
• SATO : Sato vit de menus travaux. Il habite une cabane à l’écart du village. Un jour, Okira, un jeune villageois, rend visite à Sato pour lui régler une dette de son père. Le garçonnet est intrigué par cet homme dont personne au village ne sait au juste d’où il provient. Une chose est sûre par contre : Sato semble précisément renseigné sur les faits d’armes de Yoritomo, le célèbre samouraï.
• OGARI 1650 : un misérable rônin tiraillé par la faim en est réduit à quémander le secours d’une bande de villageois. Ces derniers s’engagent à le restaurer, à charge pour le rônin de leur céder son sabre et d’effectuer diverses tâches manuelles pour leur compte.
Le dessin de Toppi est très particulier. Le découpage des cases, tout en verticalité, est unique en son genre et impose au lecteur une approche inhabituelle de chaque page. Son travail de hachure semble compulsif, mais demeure toujours maîtrisé. A mon sens, il s'agit de l'autorité absolue du noir et blanc ! Même si vous ne savez pas lire, vous êtes susceptibles d’apprécier l’œuvre de Toppi, vu la force de la claque visuelle !
Toppi a toujours été féru de Japon médiéval et invite le lecteur, par le biais de cet album, à partager sa passion. Ce qui importe à l’auteur, ce n’est pas tant de garantir le maximum de suspense ou d’inventer la chute que même le lecteur à l’imagination la plus débordante ne pourrait découvrir ; ce qui lui importe, c’est de transporter le lecteur, de le faire rêver ! Toppi est un conteur hors pair. Et, pour preuve, je renverrais ceux qui auraient toujours des doutes à ce sujet vers le cultissime Sharaz De.
« Alpha... directions » n’est pas qu’une bande dessinée, c’est un voyage, une vision du monde, de notre terre et de son évolution.
Jens Harder nous propose en 350 pages 14 milliards d’années de notre univers depuis le Big Bang à l’apparition de l’homme. La tâche était pharaonique mais le défi a été relevé avec talent.
L’album se dévore. Sa lecture est fluide et captivante. On traverse toutes les périodes de l’histoire du monde comme le Crétacé ou le Carbonifère et assiste à la naissance de l’univers, de notre galaxie, du système solaire, de la terre, de l’eau, des premières cellules puis des premiers poissons, des dinosaures, des mammifères, etc.
Quel beau voyage ! Que de références ! Bandes dessinées, mangas, cinéma, estampes japonaises, statuettes précolombiennes, iconographies religieuses ou représentation du Moyen Age. On se sent ignorant. Tant de références... certaines m’ont sûrement échappé. Jens Harder mêle habilement la science et la religion, la découverte et l’art sous toutes ses formes.
Le dessin est à la hauteur de l’ambitieux scénario. Chaque période traversée dispose de son propre chapitre avec une bichromie différente rendant l’ensemble encore plus clair. Le trait est à la fois complexe et très lisible, accueillant et particulièrement bien adapté au récit.
L’album en lui-même est de très belle qualité avec un papier épais et agréable à toucher.
« Alpha... directions » est une expérience qu’aucune autre bande dessinée ne pourra fournir. Formidable découverte, ce one shot est sans aucun doute l’un des meilleurs albums de l’année 2009, voir même de la décennie.
Ne manquez vos origines et celles du monde qui vous entoure sous aucun prétexte.
Quel plaisir de relire du Sacco après tant d’années de mutisme... quel coup de maître de la part de Futuropolis, d’avoir obtenu les droits d’éditions de la toute nouvelles BD de l’auteur des chefs-d’œuvre que sont Gorazde et Palestine. J’étais tellement impatient que j’ai précommandé l’album en VO sur Amazon, pour le recevoir le jour de sa sortie !
9 ans depuis Gorazde, ça fait long… mais il ne s’est pas reposé pendant toutes ces années… quel boulot ! Presque 400 pages remplies à craquer de travail journalistique, témoignages, documents, cartes, etc. Il signe et date d’ailleurs chaque page, ce qui permet d’évaluer sa progression et sa vitesse de travail (la 1ere page date de Mars 2005, et la dernière d’Avril 2009 !)
Alors attention, 1er avertissement : Le récit est intéressant, bien raconté, touchant, … mais aussi très dense et long à lire. Heureusement quelques touches d’humour et scènes plus légères rendent la lecture moins éprouvante.
Certains palestiniens interrogés dans la BD questionnent le bon fondement de sa démarche. « Pourquoi documenter un massacre qui date de 60 ans, alors que des massacres sont toujours commis aujourd’hui ?! »… Joe Sacco tente tant bien que mal de défendre sa logique : « Dans 60 ans, tu voudrais que les massacres d’aujourd’hui soient oubliés ? » Je trouve personnellement qu’il est intéressant d’enquêter sur de si vieux événements oubliés de tous, tout en parlant de la situation d’aujourd’hui. Cette alternance passé/présent nous rappelle que pas grand-chose n’a changé en 60 ans (on nous raconte d’ailleurs qu’Israël avait limité le travail des inspecteurs de l’ONU en 1956… comme lors de l’attaque Plomb Durci de décembre 2008 !)
Ce retour en arrière permet aussi de mieux comprendre les débuts du conflit, et le rôle joué par d’autres puissances, dont les intérêts différaient souvent deux ceux des israéliens et palestiniens… on retrouve au banc des accusés la France, l’Angleterre, la Russie… et surtout l’Egypte, qui si l’on en croit Sacco a manipulé les palestiniens et a carrément attisé ce conflit.
La partialité de Sacco dans ses BDs a parfois été remise en question. Du coup il essaye d’être plus juste, plus transparent… Il nous rappelle dans l’introduction du bouquin, mais aussi tout au long du récit, que ses témoins sont vieux, ne se rappellent plus exactement des faits, confondent les années, et que la validité de nombreux témoignages est du coup remise en question… Le fait qu’il recoupe et vérifie tous ses faits apporte une certaine crédibilité à l’ensemble, mais rend parfois la lecture un peu fastidieuse.
Il faut aussi noter que le ton n’est pas manichéen. Certains soldats israéliens sont plus humains que d’autres. Certains palestiniens sont contre le Hamas, les attentats suicides et la mort de civiles israéliens.
Dans le même registre il est intéressant, je trouve, de conclure en donnant la version officielle israélienne, dans laquelle tout n’est pas aussi simple (oui, des civils palestiniens ont été tués, mais il y avait selon eux des soldats égyptiens cachés parmi la population, des émeutes qui ont fait paniquer les soldats israéliens etc.)
Le dessin de Sacco, lui, n’a pas trop changé. Il est très détaillé, et magnifique, si l’on peut employer ce mot quand de telles horreurs nous sont décrites. Il est passé maître dans l’art de dessiner des bâtiments palestiniens écroulés suite aux passages de bulldozers et autres tanks israéliens. Je sais qu’on peut difficilement parler de beauté, mais quand même, certaines planches sont vraiment superbes.
Au final, si on peut toujours contester le coté engagé de l’œuvre, j’ai trouvé ca diablement intéressant, et un ajout indispensable à « Palestine », un immanquable qui commence à dater un peu. Procurez vous les deux ! Quelle colère, en finissant ma lecture… quelle que soit l’origine de ce conflit, que les « coupables » soient palestiniens, israéliens, ou autre, il est tout simplement inacceptable de tolérer une telle situation en 2010.
Un passage en fin de BD nous ramène à l’actualité plus récente (la guerre en Irak) et nous force à un dur retour à la réalité : toute une partie du monde arabe nous porte une haine sans limite… On y voit de nombreux palestiniens ravis par les cadavres de soldats américains et autres hélicoptères abattus montrés à la télévision. Comment envisager une solution à ce conflit bâti sur des générations de haine envers Israël, et de manière plus générale envers l’Occident, alors que les bombes continuent de tomber sur Gaza ?
De Cape et de Crocs réussit l'exploit d'être à la fois extraordinairement populaire et d'une folle érudition. J'ai d'abord pensé que cette BD ne plairait qu'à des lettrés mais, en voyant mes filles de 3 et 5 ans se passionner pour une histoire dont manifestement elles ne pouvaient à peu près rien comprendre, je me suis rendu à l'évidence : De Cape et de Crocs est une BD universelle aux niveaux de lecture multiples, et même si on ne saisit que le quart de ce qu'il y a à lire, on peut déjà être fasciné.
Se rend-on bien compte par ailleurs de la difficulté qu'il y a à écrire de tels dialogues et à les farcir de vers d'une telle perfection classique ? A contrario, un internaute bougon de ce présent site ne s'en est visiblement pas rendu compte, qui termine sa critique par un sonnet dont tous les vers (on n'ose pas même parler d'alexandrins quoique sans doute ce qu'il a voulu écrire) sont faux !
Je pèse mes mots : Victor Hugo, virtuose de la rime s'il en fut, se serait lui-même incliné devant cette trouvaille prodigieuse de la rixme !
Bon, évidemment, le dernier tome paru (n°9) appuie un peu fort sur l'idée que la série est près de sa conclusion. Il serait bon qu'Ayroles et Masbou ne jouent pas trop les prolongations pour garder intact leur génie pour... de toutes nouvelles aventures.
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Le Chat du kimono
Voilà, j'ai fini par prendre le temps de lire cette BD remarquée mais qui ne m'attirait pas plus que ça... Et bien m'en a pris, car c'est un véritable coup de coeur ! C'est un grand voyage que nous propose Nancy Peña ! Graphique, géographique, littéraire, bref, on est mené de surprise en surprise, guidé par un chat noir en mal de son kimono... Et c'est ce ton et cette originalité qui fait la force de cette BD. Un vrai petit bijou tout en noir et blanc, ciselé façon art déco. Le découpage et la narration sont d'emblée mis à contribution pour découper ce récit. On joue des genres et des légendes pour essayer de suivre les moustaches de notre marcou qui se glisse et se cache dans les noirs de ces pages... Et dans le sillage de cette quête improbable défile une ribambelle de personnages tous plus inattendus qu'attachants. La patte si particulière de Nancy Peña fait ensuite le reste pour donner une grande cohérence à son histoire et rendre le récit d'une grande fluidité. Jeu de noirs, de textures et de motifs sont pour moi le coeur même et la réelle force de ce one shot. Moi qui partais un peu à reculons dans cette lecture, je me suis fait littéralement embarqué ! Et c'est avec empressement que je vais de ce pas me plonger dans la lecture de Tea Party en espérant y retrouver cette ambiance et ce trait si particuliers !
L'Appel de l'Espace
Ce one shot est assez prenant. Certes, sa lecture demande une attention soutenue mais cela en vaut franchement la peine. La réception d’un message provenant de l’espace n’est finalement qu’un prétexte pour déclencher une cascade d’événements qui échappe bien vite à tout contrôle. C’est surtout l’occasion pour l’auteur de dénoncer les errements des années 80 : guerre froide, secte fanatique, despote africain, société capitaliste à outrance, magouilles politiques, etc. C’est en quelques sortes un Alan Moore avant l’heure qui dénonce les dérives de notre monde. Tous ces éléments viennent s’imbriquer les uns dans les autres, rendant la lecture plus complexe. Toutefois, La narration reste fluide, ce qui évite au lecteur de décrocher. Le récit captive de bout en bout et on n’est pas déçu par la fin. Will Eisner a un sens de la narration et du découpage hors du commun. De plus, j’aime beaucoup sont trait caricatural. Bref, voici une lecture exigeante mais pas rébarbative et au contraire ô combien intéressante !
Le Bel Inconnu
Ce conte, inspiré d’un récit datant du 13e siècle, s’aventure dans des contrées peu exploitées du mythe arthurien. Le bel inconnu est un chevalier beau comme Apollon qui se présente à la cour d’Arthur sans nom mais bien décidé à accomplir une quête. Celle-ci l’amènera à traverser moult dangers pour délivrer une princesse. Une quête classique en somme mais dont le déroulement l’est beaucoup moins. Il finira par délivrer sa belle et découvrir sa réelle identité. En disant cela, je ne dévoile nullement la fin. Car sa quête et son identité ne sont pas les faits les plus importants. L’intérêt est ailleurs. Mais ça, je vous laisse le découvrir . . . La narration est plaisante et le dessin très séduisant. J’aime beaucoup ! L’histoire se clôture après le second opus, ce qui nous donne un récit pas trop long. Une suite semblait prévue mais n’a pas vu le jour. Sans doute la conséquence d’une bd injustement boudée par le public. Dommage, . . .
Myetzko
L’album rassemble deux histoires : • OGONIOK (3,5/5) Semion Gennadovich Polumin, haut fonctionnaire du tsar, se perd dans la taïga lors d’une partie de chasse. Trois misérables indigènes se proposent de lui offrir le thé. Semion leur fait part de son projet de traque dans les environs. Les hôtes le mettent en garde : les bois alentour sont le domaine d’Ogoniok, le shamann ; sans doute vaudrait-il mieux pour le chasseur passer son chemin et laisser en paix le gibier qui s’y trouve. • MYETZKO (5/5) Galicie. 1915. Batko Baborka est capitaine de l’armée austro-allemande et Myetzko Goglowa est son ordonnance. D’après la légende, les lignées des deux hommes sont liées depuis un accord conclu par leurs ancêtres. Les Goglowa, soi-disant sorciers, servent les nobles Baborka de génération en génération. Les deux soldats sont envoyés dans le no man’s land, pour une périlleuse mission de reconnaissance, qui sera l’occasion pour Myetzko d’honorer le pacte ancestral. Les dessins de Toppi se révèlent une fois de plus majestueux. Dans ‘Ogoniok’, son bestiaire (élan, coq de bruyère, mammouth, lapin, etc.) est de très bonne qualité. Mais c’est véritablement dans ‘Myetzko’ que mes yeux ont pris le plus de plaisir. Toutes ces carcasses de mitrailleuses et de pièces d’artillerie. Tout ce métal déchiqueté. Magnifique ! Le second récit est plus long et, partant, plus approfondi que le premier. Dans ‘Myetzko’, les talents de conteur de l’auteur et son habileté à mélanger événements historiques et fantastiques sont à leur apogée. Du grand art… Les préférences de Toppi en matière de couleurs (quand il en utilise) vont très clairement pour le bleu, le rose, le mauve et le vert. Il ne se servira du rouge qu’exceptionnellement. Ce fut notamment le cas pour la couverture de 'Myetzko'. Et à cette occasion, l’auteur a, selon moi, été très bien inspiré. En effet, il s’agit là de la plus belle couverture de bd qu’il m’ait été donné de voir ! Remarque : j'ai cru comprendre que l’album était épuisé. Les éditions Mosquito prévoient une réédition pour mars 2010, avec une nouvelle structure, sous le titre « Saint-Acheul ». Pour de plus amples informations, voyez leur site.
Internal Lobster
Laurent Colonnier nous livre une solide histoire, d’une soixantaine de pages, d’une étonnante maîtrise graphique et d'une narration sans faille. Dans un Tokyo fantomatique, on suit les déambulations d'un homme brisé par un chagrin d'amour, l'auteur nous place directement dans le cerveau malade du protagoniste, personnalité bipolaire dont son double maléfique, incarné par le homard du titre, et sa conscience incarnée par une marionnette(?). (spoiler) Le héros choisira de se débarrasser de sa conscience plutôt que de ses démons, ce qui causera sa perte. (/spoiler). Internal lobster n'est pas pour autant un livre moral, il n'est pas non-plus dénué d'humour, pince-sans-rire et non-sensique. La narration déstructurée, faite de flash-back et de scènes oniriques déstabilise à la première lecture, mais prend toute sa légitimité lors de l'épilogue. Le parti pris de ne pas livrer le mode d'emploi au lecteur m'a fait penser au Mulholland Drive de David Lynch, pari risqué, beaucoup de lecteurs potentiels ne finiront peut-être même pas la lecture. Ce serait dommage, ils rateraient un récit que je placerais entre le Pachyderme de Peeters et le Blast de Larcenet.
Le Voyage des Pères
C’est en apercevant la couverture du premier tome chez mon libraire préféré que je retins le nom de « Voyage des pères ». Un personnage bougon, assez attachant physiquement, aux traits simples et sympas et aux couleurs avenantes. Pas le temps d’ouvrir, je la lirai plus tard… Rentré chez moi, je recherchais la BD sur notre site préféré. Découvrant ainsi le sujet de l’histoire. Les évangiles vues par les pères de disciples de Jésus qui partent à leur recherche… Original. Et puis j’aime bien les histoires déviées d’une histoire connue. Ah ! Mais tiens, il y a un forum ouvert sur la BD ! Que pensent nos joyeux compères de BDthèque sur cette série… Lecture rapide du débat. Tour à la bibliothèque. Emprunt, lecture, retour. Et bien franchement. C’est génial. J’ai aimé, j’ai rigolé, j’ai acheté et je recommande. Mais voilà : on doit désormais, avec courage et abnégation rendre une critique de ce que l’on vient de lire. Et on se retrouve devant le problème qui a saisi certains autres membres. Comment écrire une critique sur une œuvre traitant de religion ou de foi ? Comment le critique doit réagir face à quelque chose qui traite d’un sujet vrai pour certains et faux pour d’autres ? Comment le critique doit réagir lorsqu’une œuvre semble engagée dans une direction qu’il ne suit pas ? Qu'importe ! Que l'on croient ou non, les passages de la Bible sont plus ou moins connus par tous, ça parle à l'inconscient collectif ! Et la narration de ce point de vue est assez inovante, pour que chacun puisse (re)découvrir ces moments. Plus précisément la mise en scène est tout à fait réussie. L’histoire commence sur le témoignage de Jonas puis de flash-back en ellipse on reprend le cours de l’histoire et il est assurément tout à fait plaisant de lire les évangiles par ce biais. D’une part le récit, fondateur pour certains, prend une dimension nouvelle et étonnante, d’autre part il s’agit aussi d’une belle histoire humaine de trois hommes en proie au doute que chacun a pu vivre en rencontrant Jésus. Centré sur l’humain, l’incertitude des pères face aux hommes qui pensent toucher Dieu. Le dessin est agréable et frais. On retrouve un peu toxic planet sans non plus avoir le même style. C’est à cet égard assez curieux. Le trait de David Ratte est à la fois reconnaissable mais nouveau, familier et surprenant (?) ! Les couleurs, quant à elles, sont très belles et nous plongent sans mal dans la Palestine de Jésus en 30 après lui-même. L’humour enfin est une totale réussite. A mon sens, la comédie, pour être réussie, doit en fait relever de la tragédie c'est-à-dire qu’à un sujet sérieux, humain, on applique un effet comique, décalé, visuel ou quoique ce soit, mais en tout cas non fondamental de prime-abord mais qui suit le récit de manière fluide lors de sa construction. (Un des pros en la matière s’appelle Alexandre Astier. Et je trouve justement que le « Voyage des pères » a un humour très Kaamelott.) Une époque ancienne, un langage moderne. C’est succulent ! Mais voilà. Si la BD se limite à cet effet, elle apparaît sans doute bien inégale. Bien moyenne. Une farce assez foireuse… C’est donc bien le traitement d’une chose sérieuse (la religion, la foi) d'une manière détournée et l’effet fonctionne. D’où l’importance de connaître peut-être un peu la religion afin de pouvoir en rire. David Ratte nous en demande beaucoup. Il fait appel à notre intelligence, à notre sens critique, à notre appréhension d’un fait qui peut-être faux pour nous mais fondateur pour d’autres. Il nous imagine cultivé, familier d’une histoire qui rassemble et divise, qui fraternise et tue. C’est pour cette raison, cette audace que j’ai apprécié le travail de Ratte, que j’attends le tome 3 avec impatience (vraisemblablement sur Simon. Personnage adorable, père d’un homme au sombre désespoir…) que je trouve cette série indispensable. Et honnêtement, pour redécouvrir les évangiles, il y a pire comme moyen… Merci à lui, et merci aux artistes qui osent parler de religion de manière intelligente critique et surtout très drôle !
Tanka
N’ayons pas peur des mots : Sergio Toppi est incontestablement l’un des plus grands auteurs de bandes dessinées de sa génération ! ‘Tanka’ a une valeur particulière pour le grand fan de Toppi que je suis. Il s’agit en effet de l’album avec lequel j’ai eu le plaisir de découvrir l’auteur. Il regroupe quatre histoires courtes parues dans les revues ‘Corto Maltese’, ‘Alter Alter’ et ‘Il Giornalino’ dans les années 1970-1980. • TANKA : depuis la mise à sac de son palais et le massacre des siens, la princesse Shikibo demeure assise en silence dans un temple en ruine et garde les yeux clos. Un pauvre rônin, qui n’a pour toute richesse qu’un sabre rouillé et émoussé, promet à la belle dame de tout mettre en œuvre pour lui faire ouvrir à nouveau les yeux. • KIMURA : Masamune est le maître fabricant de sabres le plus réputé de sa province. Toutefois, le vieillard a une éthique et ne loue ses services qu’aux guerriers dont les motivations sont les plus louables. Aussi le vieillard se trouve-t-il face à un dilemme, lorsque le cruel prince Ashizu lui réclame un sabre et le menace de s’en prendre à son village natal en cas de refus. • SATO : Sato vit de menus travaux. Il habite une cabane à l’écart du village. Un jour, Okira, un jeune villageois, rend visite à Sato pour lui régler une dette de son père. Le garçonnet est intrigué par cet homme dont personne au village ne sait au juste d’où il provient. Une chose est sûre par contre : Sato semble précisément renseigné sur les faits d’armes de Yoritomo, le célèbre samouraï. • OGARI 1650 : un misérable rônin tiraillé par la faim en est réduit à quémander le secours d’une bande de villageois. Ces derniers s’engagent à le restaurer, à charge pour le rônin de leur céder son sabre et d’effectuer diverses tâches manuelles pour leur compte. Le dessin de Toppi est très particulier. Le découpage des cases, tout en verticalité, est unique en son genre et impose au lecteur une approche inhabituelle de chaque page. Son travail de hachure semble compulsif, mais demeure toujours maîtrisé. A mon sens, il s'agit de l'autorité absolue du noir et blanc ! Même si vous ne savez pas lire, vous êtes susceptibles d’apprécier l’œuvre de Toppi, vu la force de la claque visuelle ! Toppi a toujours été féru de Japon médiéval et invite le lecteur, par le biais de cet album, à partager sa passion. Ce qui importe à l’auteur, ce n’est pas tant de garantir le maximum de suspense ou d’inventer la chute que même le lecteur à l’imagination la plus débordante ne pourrait découvrir ; ce qui lui importe, c’est de transporter le lecteur, de le faire rêver ! Toppi est un conteur hors pair. Et, pour preuve, je renverrais ceux qui auraient toujours des doutes à ce sujet vers le cultissime Sharaz De.
Alpha... directions / Beta... civilisations
« Alpha... directions » n’est pas qu’une bande dessinée, c’est un voyage, une vision du monde, de notre terre et de son évolution. Jens Harder nous propose en 350 pages 14 milliards d’années de notre univers depuis le Big Bang à l’apparition de l’homme. La tâche était pharaonique mais le défi a été relevé avec talent. L’album se dévore. Sa lecture est fluide et captivante. On traverse toutes les périodes de l’histoire du monde comme le Crétacé ou le Carbonifère et assiste à la naissance de l’univers, de notre galaxie, du système solaire, de la terre, de l’eau, des premières cellules puis des premiers poissons, des dinosaures, des mammifères, etc. Quel beau voyage ! Que de références ! Bandes dessinées, mangas, cinéma, estampes japonaises, statuettes précolombiennes, iconographies religieuses ou représentation du Moyen Age. On se sent ignorant. Tant de références... certaines m’ont sûrement échappé. Jens Harder mêle habilement la science et la religion, la découverte et l’art sous toutes ses formes. Le dessin est à la hauteur de l’ambitieux scénario. Chaque période traversée dispose de son propre chapitre avec une bichromie différente rendant l’ensemble encore plus clair. Le trait est à la fois complexe et très lisible, accueillant et particulièrement bien adapté au récit. L’album en lui-même est de très belle qualité avec un papier épais et agréable à toucher. « Alpha... directions » est une expérience qu’aucune autre bande dessinée ne pourra fournir. Formidable découverte, ce one shot est sans aucun doute l’un des meilleurs albums de l’année 2009, voir même de la décennie. Ne manquez vos origines et celles du monde qui vous entoure sous aucun prétexte.
Gaza 1956 - En marge de l'histoire
Quel plaisir de relire du Sacco après tant d’années de mutisme... quel coup de maître de la part de Futuropolis, d’avoir obtenu les droits d’éditions de la toute nouvelles BD de l’auteur des chefs-d’œuvre que sont Gorazde et Palestine. J’étais tellement impatient que j’ai précommandé l’album en VO sur Amazon, pour le recevoir le jour de sa sortie ! 9 ans depuis Gorazde, ça fait long… mais il ne s’est pas reposé pendant toutes ces années… quel boulot ! Presque 400 pages remplies à craquer de travail journalistique, témoignages, documents, cartes, etc. Il signe et date d’ailleurs chaque page, ce qui permet d’évaluer sa progression et sa vitesse de travail (la 1ere page date de Mars 2005, et la dernière d’Avril 2009 !) Alors attention, 1er avertissement : Le récit est intéressant, bien raconté, touchant, … mais aussi très dense et long à lire. Heureusement quelques touches d’humour et scènes plus légères rendent la lecture moins éprouvante. Certains palestiniens interrogés dans la BD questionnent le bon fondement de sa démarche. « Pourquoi documenter un massacre qui date de 60 ans, alors que des massacres sont toujours commis aujourd’hui ?! »… Joe Sacco tente tant bien que mal de défendre sa logique : « Dans 60 ans, tu voudrais que les massacres d’aujourd’hui soient oubliés ? » Je trouve personnellement qu’il est intéressant d’enquêter sur de si vieux événements oubliés de tous, tout en parlant de la situation d’aujourd’hui. Cette alternance passé/présent nous rappelle que pas grand-chose n’a changé en 60 ans (on nous raconte d’ailleurs qu’Israël avait limité le travail des inspecteurs de l’ONU en 1956… comme lors de l’attaque Plomb Durci de décembre 2008 !) Ce retour en arrière permet aussi de mieux comprendre les débuts du conflit, et le rôle joué par d’autres puissances, dont les intérêts différaient souvent deux ceux des israéliens et palestiniens… on retrouve au banc des accusés la France, l’Angleterre, la Russie… et surtout l’Egypte, qui si l’on en croit Sacco a manipulé les palestiniens et a carrément attisé ce conflit. La partialité de Sacco dans ses BDs a parfois été remise en question. Du coup il essaye d’être plus juste, plus transparent… Il nous rappelle dans l’introduction du bouquin, mais aussi tout au long du récit, que ses témoins sont vieux, ne se rappellent plus exactement des faits, confondent les années, et que la validité de nombreux témoignages est du coup remise en question… Le fait qu’il recoupe et vérifie tous ses faits apporte une certaine crédibilité à l’ensemble, mais rend parfois la lecture un peu fastidieuse. Il faut aussi noter que le ton n’est pas manichéen. Certains soldats israéliens sont plus humains que d’autres. Certains palestiniens sont contre le Hamas, les attentats suicides et la mort de civiles israéliens. Dans le même registre il est intéressant, je trouve, de conclure en donnant la version officielle israélienne, dans laquelle tout n’est pas aussi simple (oui, des civils palestiniens ont été tués, mais il y avait selon eux des soldats égyptiens cachés parmi la population, des émeutes qui ont fait paniquer les soldats israéliens etc.) Le dessin de Sacco, lui, n’a pas trop changé. Il est très détaillé, et magnifique, si l’on peut employer ce mot quand de telles horreurs nous sont décrites. Il est passé maître dans l’art de dessiner des bâtiments palestiniens écroulés suite aux passages de bulldozers et autres tanks israéliens. Je sais qu’on peut difficilement parler de beauté, mais quand même, certaines planches sont vraiment superbes. Au final, si on peut toujours contester le coté engagé de l’œuvre, j’ai trouvé ca diablement intéressant, et un ajout indispensable à « Palestine », un immanquable qui commence à dater un peu. Procurez vous les deux ! Quelle colère, en finissant ma lecture… quelle que soit l’origine de ce conflit, que les « coupables » soient palestiniens, israéliens, ou autre, il est tout simplement inacceptable de tolérer une telle situation en 2010. Un passage en fin de BD nous ramène à l’actualité plus récente (la guerre en Irak) et nous force à un dur retour à la réalité : toute une partie du monde arabe nous porte une haine sans limite… On y voit de nombreux palestiniens ravis par les cadavres de soldats américains et autres hélicoptères abattus montrés à la télévision. Comment envisager une solution à ce conflit bâti sur des générations de haine envers Israël, et de manière plus générale envers l’Occident, alors que les bombes continuent de tomber sur Gaza ?
De Cape et de Crocs
De Cape et de Crocs réussit l'exploit d'être à la fois extraordinairement populaire et d'une folle érudition. J'ai d'abord pensé que cette BD ne plairait qu'à des lettrés mais, en voyant mes filles de 3 et 5 ans se passionner pour une histoire dont manifestement elles ne pouvaient à peu près rien comprendre, je me suis rendu à l'évidence : De Cape et de Crocs est une BD universelle aux niveaux de lecture multiples, et même si on ne saisit que le quart de ce qu'il y a à lire, on peut déjà être fasciné. Se rend-on bien compte par ailleurs de la difficulté qu'il y a à écrire de tels dialogues et à les farcir de vers d'une telle perfection classique ? A contrario, un internaute bougon de ce présent site ne s'en est visiblement pas rendu compte, qui termine sa critique par un sonnet dont tous les vers (on n'ose pas même parler d'alexandrins quoique sans doute ce qu'il a voulu écrire) sont faux ! Je pèse mes mots : Victor Hugo, virtuose de la rime s'il en fut, se serait lui-même incliné devant cette trouvaille prodigieuse de la rixme ! Bon, évidemment, le dernier tome paru (n°9) appuie un peu fort sur l'idée que la série est près de sa conclusion. Il serait bon qu'Ayroles et Masbou ne jouent pas trop les prolongations pour garder intact leur génie pour... de toutes nouvelles aventures.