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Par Présence
Note: 4/5
Couverture de la série Un été indien
Un été indien

Et les fous sont sacrés car ils rêvent les yeux ouverts… - Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre. Son édition originale date de 1987. Il a été réalisé par Hugo Pratt pour le scénario, et Milo Manara pour les dessins et les couleurs. Il s’agit de la première collaboration entre ces deux auteurs, qui sera suivi d’une seconde : El Gaucho (1995). Il comprend cent-quarante-quatre pages de bande dessinée. Avant d’être rassemblées en album publié par Casterman en 1987, les planches paraissent dans les numéros 1 à 5, puis 7 à 10 de la revue Corto Maltese entre mai 1985 et juillet 1986. Cette bande dessinée a reçu le prix du Meilleur album étranger du festival international de la bande dessinée d’Angoulême 1987. La baie de Massachusetts, début du XVIIe siècle, sur la côte de l’océan, des mouettes dans un ciel avec des nuages. Deux jeunes indiens, un Hollandais et le neveu de Squando, repèrent une jeune femme en contemplation immobile devant l’océan. Ils s’en approchent. Le Hollandais la plaque au sol, elle se débat. Ils finissent par la maîtriser et ils la violent. Ils vont ensuite s’ébattre dans l’eau, également pour se laver. Un coup de fusil retentit : le Hollandais est stoppé net dans son mouvement, et il s’écroule dans les bras de son ami. Dans l’eau, l’Indien se tient immobile, interdit. Sur la plage, la jeune femme s’est relevée et n’ose pas bouger, se demandant ce qui vient de se passer. Les mouettes volent toujours dans le ciel. Abner a rechargé son fils et un deuxième coup de feu retentit : l’Indien s’écroule dans les flots à son tour. Sortant de l’abri des dunes, Abner se montre à découvert. Il tire le corps du Hollandais des flots et il le scalpe sous les yeux de Shevah. Il lui remet le scalp et elle se met à hurler sans fin. Il la gifle pour qu’elle se calme et il l’emmène. Elle finit par dire qu’elle ne peut pas retourner au village. Il la regarde à nouveau, et il finit par lui dire d’avancer. Elle reste immobile. Il retourne sur ses pas et il l’embrasse à pleine bouche, elle lui rend son baiser alors que les mouettes virevoltent autour d’eux. Elle perd conscience, il la porte dans ses bras et l’emmène. Toujours portant Shevah, Abner parvient à la demeure isolée de la famille Lewis. La mère Abigail Lewis les voit arriver depuis la fenêtre. Elle se précipite pour ouvrir la porte. Abner indique à sa mère que des Indiens ont violé la jeune femme toujours inconsciente qu’il porte dans ses bras. Il ajoute qu’il s’agit de leurs voisins, la tribu de Squano. Elle réagit immédiatement : elle ordonne à Abner de faire chauffer de l’eau en quantité, puis de courir chercher sa sœur Phillis, pour lui demander de rapporter de la corne d’élan, il faut aussi qu’il prévienne ses frères. Il obéit promptement, après avoir déposé Shevah sur un lit. Puis il sort en courant à travers champ, faisant s’envoler les corbeaux. Il parvient au champ où Eliah appuie sur la charrue pendant que Jérémie tire le bœuf pour qu’il avance. Il leur annonce que leur mère leur demande de rentrer à la maison, et il continue en annonçant qu’il a tué deux Indiens pour défendre une fille du village, et qu’elle est à la maison. Eliah rétorque que le Hollandais lui devait deux peaux de renard, il veut savoir comment il va les récupérer maintenant. L’association de deux créateurs de très grand renom, une bande dessinée créée en plein dans une phase de maturation de ce médium, confirmant son accession à l’âge adulte, tant dans la façon de s’exprimer que pour son lectorat. Le lecteur peut partir avec l’a priori que cette œuvre va cumuler les caractéristiques caricaturales de l’un et l’autre auteur : une forme de poésie hermétique sur fond de faits historiques pointus et des jeunes femmes dans des poses lascives pour un oui pour un non. Il découvre la première séquence, enchanté : neuf pages dépourvues de tout mot, d’une lecture facile, avec des dessins magnifiques et une narration visuelle impeccable. Le lecteur est le témoin des violences physiques faites à Shevah, sans voyeurisme, le viol restant masqué par les dunes. Indubitablement, le récit est inscrit dans une époque et un lieu très précis : il est question de cohabitation entre les colons et les Amérindiens, de tensions entre les Yankees et les Britanniques, et de chasse aux sorcières. Abigail Lewis raconte à ses enfants le procès en sorcellerie de Dorothy Talbye, avec l’épreuve de vérité (le supplice) d’être immergée ligotée dans une rivière, puis d’être menée à la potence. Ils mettent également en scène les pasteurs puritains en habit noir, et la pratique de marquer au fer rouge, le visage d’une femme d’une lettre infâmante comme Hester Pryne dans La Lettre écarlate (1850) de Nathaniel Hawthorne (1804-1864). En effet, la narration visuelle est enchanteresse de bout en bout, et l’artiste restreint son inclination à dénuder les femmes dans des pratiques avilissantes. Il s’investit dans la reconstitution historique et le lecteur en savoure chaque détail. Cela commence doucement avec la tenue des Amérindiens, puis la robe et les bas de Shevah, la tenue de pionnier d’Abner Lewis et le modèle de son fusil. Puis le lecteur pénètre dans la maison des Lewis, : il en regarde son architecture, les poutres, l’âtre en pierre, le mobilier simple en bois, les ustensiles de cuisine, etc. Il fait de même dans les autres intérieurs : les fortifications de New Canaan avec les canons sur les tours, la demeure de Black père, la demeure de Pilgrim Black, la maison dans laquelle se sont réfugiés les Lewis pour se défendre contre l’attaque des Amérindiens, etc. Il prête la même attention aux costumes, c’est-à-dire les tenues vestimentaires aussi bien des Lewis, que des soldats à New Canaan, et celles des Amérindiens, y compris leurs parures. Ou encore le mécanisme des fusils. Manara semble prendre un grand plaisir à représenter chaque détail, avec son trait fin et élégant. Les paysages réjouissent tout autant la rétine du lecteur. D’abord, les dunes, les vagues calmes de l’océan, la rare végétation, et le vol des mouettes. Puis les champs de maïs avec les corbeaux, l’étendue d’eau en pleine forêt avec l’écorce marquée des arbres, les racines apparentes, les feuilles tombant doucement, les champignons abondants et mêmes un cygne. Une prairie avec des papillons. Une nouvelle séquence en forêt dense, sur la rive d’une rivière, avec une vue du ciel sur les méandres du cours d’eau et la cime des arbres. Les flammes qui ravagent le champ de maïs. Le magnifique arbre à l’intérieur du mur d’enceinte de New Canaan. Bon, c’est vrai, les personnages féminins sont superbes comme à l’habitude de cet artiste, leurs expressions de visage peuvent paraître décalées quand elles sont soumises à la contrainte et la violence sous toutes ses formes. D’un autre côté, la nudité se trouve restreinte à un minimum, deux séquences faisant ressortir le regard masculin qui considère d’une part Phillis, de l’autre Shevah, comme des objets de plaisir. Comme à son habitude, il joue sur l’ambiguïté de montrer tout en condamnant ou en mettant en avant la perversité éhontée du personnage masculin. C’est d’ailleurs plutôt cette façon de voir que retient le lecteur dans le contexte d’un récit avec des personnages au comportement malsain, et des scènes complexes et impressionnantes. Le dessinateur parvient à donner à voir des scènes d’affrontement avec plusieurs points de vue des événements ponctuels, avec une clarté exemplaire. Des personnages malsains : le scénariste s’attache à une cellule familiale assez déconcertante. Dans un premier temps, l’empathie du lecteur est tout acquise à la jeune femme violée, également à son sauveur Abner, toutefois dans une moindre mesure. Pour quelle raison a-t-il scalpé les deux violeurs après les avoir tués ? Côté de la famille des Lewis, une aide inconditionnelle est apportée à la victime. Côté village de New Canaan, le capitaine Brewster a l’air normal et animé de bonnes intentions, surtout par opposition au pasteur Pilgrim Black pervers assouvissant ses pulsions sur sa nièce, en toute impunité. Rapidement, les auteurs laissent sous-entendre des secrets par des paroles chargées d’implicite, par des attitudes légèrement décalées par rapport à la normale. En effet, le comportement d’Abner acquiert une dimension obsessionnelle, et il est révélé qu’il a eu des relations avec un autre membre de la famille. Suite à l’assaut donné par les Amérindiens, Abigail Lewis révèle l’histoire de famille à ses enfants, dévoilant ses aspects sordides. C’est pas mal non plus dans la famille Black. Au cours de cette aventure de grande ampleur, avec attaque d’Amérindiens, incendie, charge contre le village fortifié, les auteurs mettent en scène la violence de la société faite aux femmes, souvent utilisées comme étant soumises à la volonté et aux caprices des hommes. Or cet asservissement occasionne des contrecoups pour tous : la maltraitance et les viols marquent durablement les femmes et leurs familles, sans oublier ceux qui les commettent. D’un côté, les hommes trouvent que c’est la voie de la nature que d’assouvir leurs envies printanières, de l’autre le consentement est inexistant. D’un côté le désir sexuel est mis en scène comme une pulsion irrépressible ; de l’autre côté la violence provoque des dommages irréparables et durables, brisant les individus. Le lecteur finit par mettre en parallèle cette violence des rapports imposés par les hommes aux femmes, avec la violence des affrontements entre les colons et les Amérindiens, comme deux expressions d’une unique force de destruction. Dans le même temps, il se souvient de son sourire en découvrant un Amérindien déclarer que : L‘amitié dure tant qu’on ne la brise pas. Une phrase faussement profonde qui semble contenir une dose d’autodérision, comme si les auteurs ne prenaient pas entièrement leur récit au sérieux, et qu’ils suggéraient qu’il s’agit avant tout d’une aventure. L’union d’Hugo Pratt et Milo Manara fait hésiter le lecteur : va-t-il trouver deux puissances créatrices qui se neutralisent, ou un récit tellement ambitieux que le sens risque de lui en échapper ou que la forme soit trop absconse ? La première séquence le rassure d’entrée : une dizaine de pages muettes et magnifiques, et un acte immonde. Il s’immerge dans un récit historique, un conflit entre colons et Amérindiens, une narration visuelle formidable, superbe. L’association de ces deux créateurs semble avoir neutralisé leurs tendances les plus idiosyncrasiques, au profit d’un récit d’aventure élégant, et de thèmes sous-jacents adultes et provocateurs. Belle réussite.

28/05/2025 (modifier)
Couverture de la série In Waves
In Waves

In Waves est une œuvre à la fois profondément intime et historiquement riche. À travers un style graphique épuré aux tons bleus et sépia, A.J. Dungo tisse un récit poignant mêlant son histoire personnelle – la maladie et la perte de sa compagne Kristen – à celle du surf, et en particulier des figures pionnières comme Duke Kahanamoku et Tom Blake. Ce mélange entre autobiographie et récit historique fonctionne admirablement. La bande dessinée alterne les séquences introspectives, chargées d’émotion, avec des moments d’apaisement ou d’admiration devant la nature et l’océan. Le surf devient ici bien plus qu’un sport : un espace de mémoire, de lien, presque un refuge. Le trait simple mais expressif de Dungo renforce l’atmosphère contemplative et mélancolique de l’œuvre. L’absence de dialogues superflus permet de ressentir plus vivement le silence, la perte, et la beauté des souvenirs. En bref : In Waves est une BD sobre, belle et bouleversante, qui parle de deuil, d’amour et de passion avec une grande délicatesse. Une lecture qui reste longtemps en tête, surtout si l’on a un lien personnel avec l’océan ou la perte.

27/05/2025 (modifier)
Par Présence
Note: 4/5
Couverture de la série La Diagonale des jours
La Diagonale des jours

Ma vie est-elle aussi un brouillon… Peut-être ? - Ce tome contient une correspondance en bande dessinée qui forme un tout. Son édition originale date de 1992. Il a bénéficié d’une réédition en 2018, avec deux lettres supplémentaires ajoutant ainsi vingt-trois pages. Il a été réalisé par deux bédéastes Tanguy Dohollau et Edmond Baudoin, chacun dessinant ses lettres. Il compte cent pages de bande dessinée en noir & banc. Première lettre dessinée de Tanguy. Côtes d’Armor, le 2 novembre 1992. Bonjour Edmond. Lundi après-midi. Il pleut. La mer est basse silencieuse. Le ciel est complètement gris. J’écoute la pluie mêlée par moment à des rafales de vent. J’ai relu quelques passages de deux livres de Kerouac : Big Sur, et Satori à Paris. Le 21 août 1960, au bord de l’océan Pacifique, en Californie, Jack Kerouac l’entendait, lui, la mer… Jack Kerouac s’était réfugié à Big Sur, près de San Francisco dans une cabane isolée que lui avait prêtée un ami. Le roi des Beatniks cherchait à se retrouver. Il transcrira les bruits de l’océan Pacifique en une longue onomatopée incantatoire : La Mer. […] Jack Kerouac ne restera pas à Big Sur très longtemps. Au bout de trois semaines, la solitude l’oppressant, il repartira pour San Francisco après avoir écouté une dernière fois la mer. Il lui sembla percevoir qu’elle lui criait : Va vers ton désir ne reste pas ici. Avait-il bien compris ? Mais il n’attendit pas qu’elle se reprenne et prit ses paroles au pied de la vague. […] Fin mai, début juin 1965, Jack Kerouac ira à Paris et voudra quand même aller réécouter de près l’océan de ce côté-ci de l’Atlantique. Il prendra le train, le Paris-Brest. Après Rennes, il s’arrêtera quelques instants dans une autre gare…. […] Jack Kerouac ne sera donc pas jeté du train à Saint-Brieuc et ira jusqu’à Brest. Réalisera-t-il son projet ? Non, après une nuit d’errance à chercher un hôtel et le lendemain très brumeux où il flânochera dans la ville, il repartira pour la Floride, via Paris. Pendant ce voyage de dix jours en France, il aura eu le sentiment d’avoir reçu une sorte d’illumination. Ça pourrait être quoi ? écrira-t-il. Première lettre dessinée d’Edmond. Nice, le 22/12/92. Tanguy, Noël dans deux jours. Les yeux qui brillent pour les enfants. Quels enfants ? Ceux de quels pays ? La mer de quel endroit dans le monde ? Je n’ai pas lu Kerouac, pas encore, mais la mer qu’il décrit, celle que tu vois de ta fenêtre n’est pas celle d’ici. La vie que regarde la statue de Giacometti au musée Picasso d’Antibes est pleine à ras-bord de notre histoire. Elle est bleue, le plus souvent tranquille. Je la vois rouge du sang des hommes. Rouge de la naissance des hommes, comme le ventre encore ouvert de la femme qui vient d’accoucher. À quelques mètres de la statue de Giacometti, en contre-bas, sur les rochers, Nicolas de Staël s’est écrasé. Une seconde après s’être jeté de chez lui. De l’autre côté de l’horizon, il y a l’Algérie, un peu sur la gauche c’est la Tunisie… La Lybie, l’Égypte, Israël, le Liban. Dans deux jours, Noël. J’arrête. Je laisse la mer. Je lui tourne le dos. J’aimerais qu’elle aussi s’en aille. Comme la tienne, deux fois par jour. J’ai rencontré une fille, à Paris. Elle s’appelle Sandrine, elle me plaît… J’ai envie d’elle. Elle m’écrit qu’elle a envie de moi. Que dois-je faire Tanguy ? Je te pose la question, mais je n’attends pas de réponse. Je vais l’aimer. Je retournerai devant la mer. Parle-moi encore de la tienne, de Kerouac. Plonger dans la bibliographie d’Edmond Baudoin réserve toujours des surprises que ce soit sur le sujet ou dans la forme : en l’occurrence, un album à quatre mains, sous forme d’une correspondance dessinée. Lui est né en 1942 à Nice, et Tanguy en 1958 à Saint Brieuc. Le lecteur s’immerge donc dans une correspondance privée entre deux auteurs de bande dessinée. Il a donc conscience du caractère construit pour raconter des tranches de vie, des réflexions avec un fil directeur. Il découvre également des considérations de nature philosophique, et poétique. Il sait par avance que les propos de Baudoin toucheront à l’intime, aux ressentis, avec un solide humanisme. Il connaît peut-être les œuvres de Dohollau, ou il découvre cet auteur à la personnalité graphique fort différente, en termes de traits beaucoup plus fins, de de dessins plus réalistes et descriptifs. Il passe d’une lettre à l’autre, les premières respectant une taille de quatre pages, avec cinq exceptions (deux pages, huit pages deux fois, six pages, sept pages). L’ouvrage se termine avec deux lettres plus longues (quatorze et onze pages), celle de Baudoin réalisée vingt-six ans après. Au départ, les lettres se répondent, pas seulement par ordre chronologique, aussi un reprenant un thème ou un bout de phrase dans la précédente de l’autre interlocuteur. Le lecteur peut également repérer quelques thèmes récurrents, que ce soient les horreurs sans nom commises par les hommes contre leurs semblables ou le rapport à la nature, l’état d’esprit poétique pour regarder le monde et l’apprécier. À l’évidence, il convient que le lecteur se plonge dans ces échanges, sans idées préconçues, sans attente particulière sur les thèmes abordés ou sur la forme. Il peut souhaiter retrouver l’un ou l’autre des auteurs parce qu’ils les apprécient, il peut également avoir été séduit par les dessins de la couverture, celui de Dohollau en haut, celui de Baudoin en bas, ou en feuilletant l’ouvrage. Il commence par la première lettre dessinée : Tanguy parle de Jack Kerouac (1922-1969), son séjour à Big Sur en Californie et ce poème Bruits de l’Océan Pacifique à Big Sur, Californie, publié en annexe au roman Big Sur (1962). Puis vient la première lettre de Baudoin dans laquelle il évoque la mer qu’il voit lui depuis Nice, la statue L’homme qui marche d’Alberto Giacometti (1901-1966), la mort de Nicolas de Staël (1913-1955, peintre), et Sandrine, une femme dont il vient de tomber amoureux. Chacun des deux auteurs ayant une personnalité bien distincte, à commencer sur le plan graphique, il se produit un décalage en passant d’une lettre de l’un à celle de l’autre. Le lecteur observe également que l’approche de Tanguy Dohollau évolue d’une lettre à l’autre. Il commence par utiliser des cases de la largeur de la page avec une fine bordure aux coins arrondis, des traits de contour très fins, de nombreux traits courts et secs pour les textures et les ombres, les dessins sont dans un registre descriptif et réaliste. Dans la deuxième lettre, apparaissent des cases disposées en rangée, il utilise des symboles comme les étoiles ou les fils de fer barbelés, et il termine avec des cases de la largeur de la page beaucoup plus aérées pour rendre compte du grand espace dégagé de la plage et du ciel. Il va ainsi déplacer son mode de représentation entre des cases plus chargées, des cases plus claires, des cases purement représentatives, des cases allant vers la métaphore ou l’allégorie, en particulier pour rendre compte de la vision d’artiste de Kamel Khelif (1959-). De plus, il peut aussi bien être dans la représentation d’un jardin minéral zen, qu’utiliser une page de journal pour appliquer un dessin dessus, habiller une silhouette féminine dépourvue de visage avec des morceaux de journal, réaliser un dessin animalier respectueux d’un renard, intégrer le visage du Cri d’Edvard Munch (1863-1944), un dessin de ramure d’arbres avec des bustes pour un arbre généalogique, pour revenir à des pages de bande dessinée classique. Le contraste avec les pages d’Edmond Baudoin saute aux yeux : des traits gros traits de pinceaux charbonneux, des silhouettes expressionnistes, des paysages esquissés, et une expressivité magnifique. Des cases qui peuvent partir vers l’abstrait, tout en conservant un sens. Il faut voir la trace de la statue de Giacometti : plus vraie que nature ; ou encore le mouvement de danse tellement évocateur et gracieux. Bien sûr, l’artiste ne se sent tenu par aucune obligation formelle : il peut aussi bien réaliser un portrait en pleine page de l’abbé Pierre, que s’attarder sur un arbre, ou encore passer en mode dessin malhabile d’enfant et même croquis. Dans sa dernière lettre, il redessine cinq des pages précédentes pour en donner une nouvelle interprétation. Loin de paraître farfelu ou relever d’un caprice, cela participe à un autre niveau de narration, en l’occurrence l’incapacité de pouvoir ressentir à nouveau les émotions et les états d’esprit qui étaient les siens lors de la réalisation de la version originelle. Chaque page, chaque dessin comprend l’expression de la personnalité de Baudoin à un degré qui le rend indissociable de lui, et qui établit d’office une continuité d’un dessin au suivant. Magique. Le lecteur découvre une lettre illustrée après l’autre. Il découvre les anecdotes choisies par l’un et l’autre, ainsi que les thèmes qui les préoccupent. Pour Dohollau : Jack Kerouac et son écriture des sons de la mer, la notion de frontière, la liberté, les bateaux, la pêche, la volonté de l’homme à vouloir se détruire, l’éternel féminin, le chemin des douaniers sur la côte bretonne, la librairie Le pain des rêves, l’accord signé par Rabin & Arafat (Accords d’Oslo, 09/09/1993), le jardin zen, la nature, le vent, les livres-vagues, les baleines, les migrants qui transitent par la vallée de la Roya (ce sera l’objet d’une BD de Baudoin avec Troubs en 2018 : Humains - La Roya est un fleuve), etc. Et une question lancinante : Comment peut-on en venir à tuer ce qu’on aime ? Il cite également des créateurs comme Nicolas de Staël, Edvard Munch, Kamel Khelif, le poète Jean Malrieu (1915-1976), Albert Camus (1913-1960), l’écrivain Jean Grenier (1898-1971), Jean-Marie Le Clezio (1940-). De son côté, Baudoin évoque deux de ses ouvrages en cours de réalisation, L'Abbé Pierre - Un homme engagé (1994) et La mort du peintre (1995), l’autre côté de la mer, un nouvel amour, les frontières, l’horreur de l’humanité en guerre (L’homme se hait), le séjour en résidence à Vitrolles, sa fille Anne regardée par les hommes, le chiffre 3, la chaleur, un viol de femme ayant duré trois heures, l’abbé Pierre, sa vie qui lui semble un brouillon, ne plus jamais revoir ses connaissances de Vitrolles, etc. Les deux évoquent également la phrase de Francesco Adorno (1921-2010) : Nul poème n’est possible dorénavant qui ne prendrait pas en compte Auschwitz. La correspondance dessinée entre deux bédéastes ? Bizarre comme démarche créative, certes. Il suffit d’un petit peu de curiosité pour lire les premières pages, et se retrouver captivé. Les deux personnalités graphiques ne se ressemblent pas dans leurs dessins, en revanche elles présentent le même état d’esprit, une expression assez libre traversée d’humanisme. Le lecteur peut préférer les dessins plus concrets de l’un, ou ceux plus expressionnistes de l’autre, ou savourer les deux pour ce qu’ils expriment de la personnalité de leur créateur. Il se laisse porter par le flux d’une discussion singulière, épistolière et reflétant les préoccupations existentielles à la fois concrètes, poétiques et bienveillantes sur une humanité pas toujours reluisante. Une discussion sincère et ouverte entre deux amis de cœur. Chaleureux et honnête.

27/05/2025 (modifier)
Couverture de la série Frankenstein (Bess)
Frankenstein (Bess)

L’histoire de Frankenstein est un classique absolu, moult fois adapté – en BD en particulier. Difficile donc de se démarquer, sans faire perdre au récit d’origine son caractère un peu hypnotique. Avec cet album, Bess a semble-t-il choisi de ne pas du tout s’écarter du texte du roman. Aucune surprise donc pour les connaisseurs ou amateurs du texte de Mary Shelley. Mais toute fidèle qu’elle soit (sans doute trop, Bess ne prend ici aucun risque), cette transposition est bien fichue, intéressante, prend le temps d’installer une intrigue sombre, une ambiance que les romans gothiques ont souvent mise en avant. Mais ce qui fait la force de la version de Bess – et ce qui justifie les quatre étoiles – c’est bien sûr son dessin. Je suis depuis longtemps amateur de son trait fin, ciselé, classique et remarquable. Ici, il est vraiment superbe ! Dans un Noir et Blanc qui joue aussi sur des nuances de gris (un gris un peu métallisé), son talent éclate et magnifie le texte. Du coup, même ceux qui connaissent parfaitement l’histoire d’origine, ne sortiront pas trop frustrés d’une adaptation qui ne joue pas l’originalité. Ici, le trait puissant de Bess vaut à lui seul qu’on s’intéresse à l’album. Certaines planches jouant sur des nuances de gris sombres, explorant les visions fantastiques du roman de Shelley, m’ont fait penser à certaines planches de Tanabe adaptant Lovecraft (même si Bess développe un dessin plus détaillé que celui de Tanabe).

26/05/2025 (modifier)
Par Aston
Note: 4/5
Couverture de la série Kililana Song
Kililana Song

J'ai vraiment passé un très bon moment en lisant cette bd. Une très belle découverte. Les dessins, l’histoire, les personnages.....tout est bien ! Le genre de bd qui me motive à en lire encore et encore......pour toujours ! C'est ça être passionné ! J'adore ! Note : 4,5/5 A lire absolument !!!!,

25/05/2025 (modifier)
Par Aston
Note: 4/5
Couverture de la série Là où vont nos pères
Là où vont nos pères

J’ai vraiment adoré ! C'est original, très bien pensé et imaginé. Une très bonne manière de présenter une situation qui est encore et malheureusement d'actualité de nos jours. Un très bel hommage du dessinateur Shaun Tan à ses parents. A lire absolument !!!!

25/05/2025 (modifier)
Par Aston
Note: 4/5
Couverture de la série Undertaker
Undertaker

Moi qui ne suis pas du tout dans le délire western j'avoue avoir été agréablement surpris. C'est vachement bien fait. Le scénario tient bien la route. On passe un très bon moment en lisant cette bd. Je n’ai par contre pas aimé l’orthographe choisie lorsque la servante chinoise parle. Nous voyons très bien qu’elle est asiatique à travers les dessins, donc inutile de préciser à tout prix qu’elle a un accent. Un peu comme dans les albums d’Astérix avec le pirate noir. ( les gau’ois.......mouais...). En tout cas, une très belle découverte. Vraiment hâte de lire la suite.

25/05/2025 (modifier)
Par Aston
Note: 4/5
Couverture de la série Le Combat ordinaire
Le Combat ordinaire

Une très très bonne lecture ! Bon je vous avoue que le dessin n'est pas ce que je préfère mais voilà.......il y a l’histoire qui va avec. J'ai bien rigolé à certains moments (J’ai adoré la relation entre les deux frères), été ému à d’autres moments. A la fin de la lecture, on part tout de suite dans un long moment de réflexion sur soi-même, notre propre vie, notre famille, notre histoire...... Une bd qu'il faut avoir lu au moins une fois dans sa vie. Le genre de thème qui parle à tout le monde. Niveau dessin, je suis largement beaucoup plus fan des dernières œuvres de Manu Larcenet. A savoir La Route et Le Rapport de Brodeck.

25/05/2025 (modifier)
Par Aston
Note: 4/5
Couverture de la série Billy Wild
Billy Wild

Tout simplement génial ! BD ultra divertissante. C'est cru, chelou, violent, ça tire à tout va! Un bon western qui présente autre chose que ce qu'on a l’habitude de voir. Les personnages dessinés de manière un peu difforme sont vachement biens. J'ai vraiment été content de mon achat. Une très bonne bd à découvrir!

25/05/2025 (modifier)
Par Aston
Note: 4/5
Couverture de la série Sharaz-De
Sharaz-De

Waoowwww!!!!....voici ce que je me suis dit en ouvrant cette bd. Les dessins de Sergio toppi sont juste excellents. Une maîtrise du noir et blanc à couper le souffle. Je me suis complètement laissé emporter dans ce monde. Je regrette juste le fait que les histoires soient un peu courtes. Une très bonne lecture que je recommande.

25/05/2025 (modifier)