Parue sans faire de bruit au mois de septembre, « La Couleur des choses » s’est imposée ces dernières semaines comme un mini-phénomène éditorial, bien en vue dans les têtes de gondole des libraires. Et on comprend pourquoi, même si un premier feuilletage n’est pas forcément engageant. En effet, quel intérêt pourrait avoir une bande dessinée (mais sommes-nous encore dans la bande dessinée ?) où les personnages sont remplacés par des petits cercles de couleur évoluant dans un décor minimaliste en vue aérienne ? Oui mais voilà, dès que l’on attaque la lecture, la magie opère. D’abord intrigué, on est vite happé par le récit, pour être ensuite littéralement hypnotisé par cet ouvrage décidément hors normes.
Et si le graphisme est d’une audace incroyable, la narration n’est pas en reste, tant s’en faut, avec un synopsis imparable, digne des meilleurs thrillers, assortie d’un dénouement « WTF » pour le moins inattendu. On est ému par le sort de ce pauvre garçon, Simon, sur qui des mauvaises fées ont dû lancer un sort à la naissance. Issu d’un milieu familial défavorisé, souffrant d’obésité et harcelé par les caïds du quartier, Simon aura toutefois cette « chance » d’avoir joué les bons numéros au tiercé sur les bons conseils d’une voyante à qui il avait rendu service. Mais quand on ne nait pas avec les bonnes cartes en main, même un coup de fortune comporte des revers… Putain de destin ! Le jeune garçon va se voir entraîné dans une spirale infernale que son statut de mineur va compliquer (non majeur, il ne pourra percevoir les gains sans l’aval de l’un de ses parents) et qui va lui faire perdre les dernières illusions de l’enfance. Car en effet, cette histoire de ticket gagnant placera Simon aux premières loges d’un spectacle peu glorieux, celui du monde des adultes où méchanceté, violence, convoitise et cupidité en seront les principaux protagonistes, où la couleur des choses prend souvent une teinte glauque.
Avec cette œuvre extrêmement ludique qui n’en est pas moins une peinture sociale édifiante de l’Angleterre contemporaine, dotée d’un humour discrètement acerbe, Martin Panchaud, auteur suisse tout juste quadragénaire, prend un malin plaisir à brouiller les codes du neuvième art par une lecture en vue aérienne, en substituant par exemple des plans de maison aux cases, en inventant une nouvelle iconographie par l’insertion de pictogrammes, représentations graphiques et divers symboles au milieu d’un déroulé narratif qui s’autorise toutes les fantaisies. Le résultat est véritablement bluffant, plaçant l’objet quelque part entre la pièce de théâtre, le jeu de plateau et l’appli de smartphone.
Démarche oubapienne révolutionnaire, qui n’est pas sans rappeler le travail d’un certain Chris Ware mais aussi cette vertigineuse machine à remonter le temps qu’est Ici, de Richard Mc Guire. Déjà récompensé par le Grand Prix de la critique, nommé en sélection officielle à Angoulême, il n’est pas du tout impossible que « La Couleur des choses » obtienne le Fauve ultime, mais on peut aisément parier sur une attribution du Prix de l’audace.
C'est la première oeuvre d'Eric Hérenguel que je lis. Ce diptyque ne m'a pas laissé indifférent même si mon rationalisme a un peu de mal avec les histoires ésotériques.
Je dois pourtant avouer que les deux tomes de l'auteur sont très bien travaillés même si la sauce Templiers a été cuisinée et recuite de nombreuses fois.
Mais Hérenguel prend le temps d'installer une superbe ambiance dans cette petite et paisible ville de Providence (N.H).
Les premières cases nous plongent dans des couleurs d'automne qui invitent à la balade et au fantastique.
Le scénario ne finasse pas car dès la page 12 un flash-back nous dévoile ce à quoi nous allons être confrontés. Le scénario s'amuse ensuite à nous perdre vers un embryon d'histoire d'amour qui fera long feu (encore que).
Car Hérenguel nous plonge dans un scénario de plus en plus sombre où les âmes les plus innocentes ne sont pas épargnées. Pour encadrer ce récit l'auteur nous fournit toute une galerie de personnages forts.
Le summum étant l'abject Dixon pendant maléfique du sheriff Stuart, deux personnages avec qui la belle et énigmatique Cathy sera bien obligée de composer.
À priori l'occultisme est un domaine que connait bien l'auteur. Ce n'est pas un de mes domaines de prédilection mais ici c'est bien amené et sans prendre cela trop au sérieux, on se laisse assez vite porter par la dynamique du récit.
J'ai trouvé le graphisme vraiment bon. J'ai beaucoup aimé les extérieurs de la ville ou de la forêt. La galerie de monstres est vraiment impressionnante.
Une oeuvre qui rend hommage au western fantastique et qui se lit avec un certain plaisir. 3.5
George Dandin n'est pas une pièce des plus connues de Molière. Elle est fortement influencée du répertoire des farces de la comédie italienne du XVIIème siècle.
On retrouve d'ailleurs le squelette et plusieurs scènes de la pièce dans d'autres oeuvres (La Jalousie du Barbouillé ou le mariage forcé). Mais ici Molière approfondit le sujet pour proposer une pièce en trois actes qui en fait une satire du couple et de l'hypocrisie des mariages arrangés.
C'est un plaisir de lire la mise en scène de Simon Léturgie. J'ai déjà eu le plaisir de lire plusieurs de ses adaptations théâtrales en BD et j'aime la façon dont il rend compte visuellement de la profondeur et du comique des textes de Molière.
Car ici tous les personnages portent le ridicule dans leurs manières et leur nom (Sotenville, Prudoterie). La mise en scène de Létargie est assez simple et suit à la lettre le texte original sans extravagance.
L'effet comique est surtout donné par le graphisme de Léturgie et Di Martino. J'aime bien ce style rond et humoristique qui amplifie la gestuelle comique et ridicule des personnages.
Les personnages de Léturgie se ressemblent d'une oeuvre à l'autre mais cela correspond à l'esprit d'une compagnie de théâtre où une troupe de comédiens passaient d'une pièce à une autre.
D'une façon très moderne on peut aussi y lire la difficulté de prouver la réalité d'une information d'autant plus que cette information remet en question l'équilibre de votre système de pensée et de vie.
J'ai lu la version en couleur et je la conseille tellement la mise en couleur de Julien Loïs apporte au plaisir de la lecture.
Un classique avec beaucoup d'humour qui se lit rapidement.
3.5
Trop court, j'ai adoré cette histoire mais assez frustré par cette fin. Il aurait été sympa de suivre l'évolution et quelques aventures de la petite également, plutôt qu'un bref résumé de sa mère. Très beaux dessins en tout cas. Histoire prenante, réaliste avec des morts qui nous chagrinent.
Chris Gooch est un jeune artiste australien bourré de talent (à mes yeux). Under Earth est sa deuxième bd publiée en France après Bottled.
Il aura fallu cinq ans pour qu'il accouche de ce pavé de 560 pages. Gloups.
Comme le titre l'indique, tout va se passer sous terre. L'action se situe dans un futur proche. A 600 m de profondeur des hommes et des femmes purgent une peine de prison, mais ici, ni cellules, ni barreaux, tout ce petit monde est libre de ses mouvements sous l'œil d'une police répressive. Une véritable fourmilière où il est nécessaire de travailler et/ou magouiller pour pouvoir se nourrir et se loger. La loi du plus fort est de mise. Une société violente, avec ses codes, s'est mise en place dans ce monde des plus répugnant.
On va suivre quatre personnages, on va les suivre par binômes.
D'abords, Ele et Zoé, deux femmes qui vivent de petits larcins pour le compte d'un caïd.
Ensuite, Malcolm, un grand balèze qui va prendre sous sa coupe Reece fraîchement débarqué.
Il est impossible de dissocier texte et dessin puisqu'ils sont intimement liés. La narration se fait avec un minimum de mots, c'est le dessin qui porte le récit avec beaucoup d'expressivité pour faire passer les émotions, un découpage dynamique (avec de superbes vues plongeantes pleine page) et une colorisation différente pour nos deux groupes, le jaune pour ces dames et un violet/lilas pour ces messieurs. Le rouge interviendra aussi dès que le sang coulera.
L'ensemble est très fluide et procure une lecture agréable.
Un style graphique très typé comics à la limite de la caricature. Les personnages ont des faciès laids comme le monde qui les entoure.
Un récit sur les rapports humains avec le meilleur et le pire, ils sont ici exacerbés.
J'ai beaucoup aimé cette descente aux enfers, pas réellement innovante mais magnifiquement réalisée et fraîchement sélectionnée au festival d'Angoulême.
Chris Gooch, un artiste que je vais suivre.
Coup de cœur.
J’ai vraiment eu du mal à entrer dans cette histoire. D’abord à cause du dessin. Je craignais quelque chose d’un peu trop manga au début (mais en fait non), et je ne le trouvais pas très clair. Mais j’ai fini par m’y faire, et ce dessin torturé s’est finalement avéré très adapté au récit.
Autre difficulté, le récit lui-même, qui ne m’apparaissait pas très clair, je ne comprenais pas trop où Joe Kelly voulait en venir. Mais, une fois que cet aspect s’est éclairci, une fois bien immergé dans cette histoire assez noire, ça s’est révélé franchement intéressant, et bien fichu.
C’est une belle illustration des moyens utilisés par une gamine pour faire face à quelque chose d’inacceptable, les stratégies mises en œuvre pour se protéger, pour refuser une réalité trop douloureuse. Un récit un peu allégorique, qui m’a finalement plu, malgré mes réserves initiales.
La lecture est très rapide malgré l’importante pagination. En effet, il y a très peu de texte, et peu de dessin en fait. Mais c’est une lecture recommandable.
Note réelle 3,5/5.
Cette série possède de nombreuses qualités pour plaire aux enfants. Le récit de Christian Peultier est tendre, un brin fantastique, rempli d'animaux et de beaux paysages de la savane.
Le fond de l'histoire est des plus classiques avec ce récit centré sur la différence, la tolérence et ce que l'Autre peut vous apporter au delà des préjugés. Le récit part sur une situation inversée assez peu utilisée dans la littérature pour enfant.
Une enfant issue de parents Noirs est née Blanche ce qui provoque le bannissement de la mère et de la fille. Ce que je trouve intéressant dans l'approche de l'auteur, c'est qu'à aucun moment on pense que la maman ait pu commettre un adultère ce qui est toujours le cas quand on présente une maman Blanche avec un enfant Noir.
De plus Nuage n'est pas albinos ce qui nous conduirait vers une tout autre problématique plus dramatique.
Christian Peultier nous livre donc un scénario très classique d'exclusion, de rencontres et d'épreuves surmontées qui permettront de vaincre les préjugés initiaux.
Le récit est livré avec un très beau graphisme de la savane et de la vie au village. Les animaux sont nombreux et très bien dessinés de façon réaliste. C'est une vraie promenade en brousse où nous guide Nuage à dos d'éléphants ou d'autruches.
Il n'y a pas de réelle tension dramatique tellement la fin est prévisible. Christian Peultier conclut par une touche d'humour et d'amour un récit qui peut plaire à tous.
Définitivement, j'aime beaucoup le trait de Nancy Peña ! Et même si je considère que Le Chat du kimono reste le meilleur de la série à mes yeux, sous ses airs de faux conte de fée inspiré par le japon, nous avons ici une histoire qui glisse du conte fantastique du premier volume à une intrigue très british, dans un manoir perdue dans les landes. C'est un changement de ton mais pas de personnage, puisque nous suivons cette fois-ci encore Vickor Neville. Mais cette intrigue sera bien plus tournée autour de l'enquête. La résolution ne sera pas celle de l'histoire que l'on pense, et nombreux seront les retournements.
J'aime beaucoup ce que Nancy Peña développe avec son personnage de Viktor, oscillant entre névroses et intuitions, voyageant dans ses rêves comme discutant avec les morts, mais sans perdre de vue son travail ni ses idées. Une sorte d'anti-héros, qui réussit sans même le vouloir et semble toujours à côté de la plaque, en décalage avec son environnement et les autres êtres humains. Je ne sais pas si l'auteure voulait parler de cette façon d'une forme d'autisme, de narcolepsie ou de difficulté sociale, mais elle réussit à nous le rendre attachant, autant que son combat intérieur nous fait comprendre le poids de son passé familiale.
L'histoire est menée avec brio, dans une succession de moments qui me font penser aux meilleurs des romans anglais (autant Agatha Christie que Conan Doyle me semblent être des inspirations), dans une lande que n'aurait pas reniée Emilie Brontë. C'est surtout sublimé par le trait, oscillant entre les périodes de rêve qui sont colorés et le noir et blanc de la réalité, toujours plus dure. C'est presque dommage que le personnage de Alice Barns passe au second plan, j'adorais sa bouille et sa façon d'être une peste adorable.
En somme, la suite parfaitement maitrisé par l'auteure qu'il fallait à Tea Party. Je serais franchement demandeur d'une suite, tant je trouve que la série ne s'essouffle pas d'un tome à l'autre, Nancy Peña trouvant toujours matière à nous divertir et nous surprendre. Et je ne parle pas des relectures, pour les dessins ou l'histoire qui offre toujours un intérêt même une fois les mystères dévoilés. Non, franchement, une réussite !
Etant un aficionado du trait de Franz, forcément avec cette série je me suis régalé et peu importe si la série est abandonnée. Visuellement c’est magnifique. Le graphisme est délicat et détaillé. Tout comme j’aime.
L’histoire est originale. La Renarde, Goff, Félémius, le Bleu ne sont que des pions minuscules sur un échiquier tortueux. Les personnages sont attachants. Les rebondissements sont nombreux. La lecture est fluide. Les intrigues sont bien construites. Quoi demander de plus ? Une excellente série que je recommande chaudement.
Un voyage à travers les déserts nord américains en camping-car, attention le voyage est tout sauf touristique.
Notre personnage principal, un truand repenti devient pour survivre à un contrat dont il est la cible un témoin protégé ou une balance pour le milieu des truands.
Inspiré de faits réels, le WITSEC est une organisation gouvernementale américaine fondée en 1960 pour stopper la puissance et l'influence des groupes mafieux dans la société Américaine où notre héros bénéficie d'un système de protection de témoins. En brisant l'omerta, ces hommes sont obligés de vivre cacher pour échapper à une mort certaine et le choix de prendre comme héros ce profil d'homme donne de la crédibilité et de l'originalité à cette aventure.
Les traversées du désert sont toutes remplies d'actions avec des personnages tous plus dangereux les uns que les autres et ont un point commun , éliminer cette balance.
Un scénario très rythmé avec un enchaînement d'événements coté administration comme coté truand mais une histoire très fluide et dynamique, la lecture est un vrai plaisir.
Les seuls points décevants sont le héros à qui rien ne peut arriver et une fin trop attendue mais c'est tellement entraînant, bercé par un dessin qui vous plonge dans les déserts Américains et puis évidemment les conversations avec le coyote en font tout simplement une bd à ne pas manquer.
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La Couleur des choses
Parue sans faire de bruit au mois de septembre, « La Couleur des choses » s’est imposée ces dernières semaines comme un mini-phénomène éditorial, bien en vue dans les têtes de gondole des libraires. Et on comprend pourquoi, même si un premier feuilletage n’est pas forcément engageant. En effet, quel intérêt pourrait avoir une bande dessinée (mais sommes-nous encore dans la bande dessinée ?) où les personnages sont remplacés par des petits cercles de couleur évoluant dans un décor minimaliste en vue aérienne ? Oui mais voilà, dès que l’on attaque la lecture, la magie opère. D’abord intrigué, on est vite happé par le récit, pour être ensuite littéralement hypnotisé par cet ouvrage décidément hors normes. Et si le graphisme est d’une audace incroyable, la narration n’est pas en reste, tant s’en faut, avec un synopsis imparable, digne des meilleurs thrillers, assortie d’un dénouement « WTF » pour le moins inattendu. On est ému par le sort de ce pauvre garçon, Simon, sur qui des mauvaises fées ont dû lancer un sort à la naissance. Issu d’un milieu familial défavorisé, souffrant d’obésité et harcelé par les caïds du quartier, Simon aura toutefois cette « chance » d’avoir joué les bons numéros au tiercé sur les bons conseils d’une voyante à qui il avait rendu service. Mais quand on ne nait pas avec les bonnes cartes en main, même un coup de fortune comporte des revers… Putain de destin ! Le jeune garçon va se voir entraîné dans une spirale infernale que son statut de mineur va compliquer (non majeur, il ne pourra percevoir les gains sans l’aval de l’un de ses parents) et qui va lui faire perdre les dernières illusions de l’enfance. Car en effet, cette histoire de ticket gagnant placera Simon aux premières loges d’un spectacle peu glorieux, celui du monde des adultes où méchanceté, violence, convoitise et cupidité en seront les principaux protagonistes, où la couleur des choses prend souvent une teinte glauque. Avec cette œuvre extrêmement ludique qui n’en est pas moins une peinture sociale édifiante de l’Angleterre contemporaine, dotée d’un humour discrètement acerbe, Martin Panchaud, auteur suisse tout juste quadragénaire, prend un malin plaisir à brouiller les codes du neuvième art par une lecture en vue aérienne, en substituant par exemple des plans de maison aux cases, en inventant une nouvelle iconographie par l’insertion de pictogrammes, représentations graphiques et divers symboles au milieu d’un déroulé narratif qui s’autorise toutes les fantaisies. Le résultat est véritablement bluffant, plaçant l’objet quelque part entre la pièce de théâtre, le jeu de plateau et l’appli de smartphone. Démarche oubapienne révolutionnaire, qui n’est pas sans rappeler le travail d’un certain Chris Ware mais aussi cette vertigineuse machine à remonter le temps qu’est Ici, de Richard Mc Guire. Déjà récompensé par le Grand Prix de la critique, nommé en sélection officielle à Angoulême, il n’est pas du tout impossible que « La Couleur des choses » obtienne le Fauve ultime, mais on peut aisément parier sur une attribution du Prix de l’audace.
Lune d'argent sur Providence
C'est la première oeuvre d'Eric Hérenguel que je lis. Ce diptyque ne m'a pas laissé indifférent même si mon rationalisme a un peu de mal avec les histoires ésotériques. Je dois pourtant avouer que les deux tomes de l'auteur sont très bien travaillés même si la sauce Templiers a été cuisinée et recuite de nombreuses fois. Mais Hérenguel prend le temps d'installer une superbe ambiance dans cette petite et paisible ville de Providence (N.H). Les premières cases nous plongent dans des couleurs d'automne qui invitent à la balade et au fantastique. Le scénario ne finasse pas car dès la page 12 un flash-back nous dévoile ce à quoi nous allons être confrontés. Le scénario s'amuse ensuite à nous perdre vers un embryon d'histoire d'amour qui fera long feu (encore que). Car Hérenguel nous plonge dans un scénario de plus en plus sombre où les âmes les plus innocentes ne sont pas épargnées. Pour encadrer ce récit l'auteur nous fournit toute une galerie de personnages forts. Le summum étant l'abject Dixon pendant maléfique du sheriff Stuart, deux personnages avec qui la belle et énigmatique Cathy sera bien obligée de composer. À priori l'occultisme est un domaine que connait bien l'auteur. Ce n'est pas un de mes domaines de prédilection mais ici c'est bien amené et sans prendre cela trop au sérieux, on se laisse assez vite porter par la dynamique du récit. J'ai trouvé le graphisme vraiment bon. J'ai beaucoup aimé les extérieurs de la ville ou de la forêt. La galerie de monstres est vraiment impressionnante. Une oeuvre qui rend hommage au western fantastique et qui se lit avec un certain plaisir. 3.5
George Dandin
George Dandin n'est pas une pièce des plus connues de Molière. Elle est fortement influencée du répertoire des farces de la comédie italienne du XVIIème siècle. On retrouve d'ailleurs le squelette et plusieurs scènes de la pièce dans d'autres oeuvres (La Jalousie du Barbouillé ou le mariage forcé). Mais ici Molière approfondit le sujet pour proposer une pièce en trois actes qui en fait une satire du couple et de l'hypocrisie des mariages arrangés. C'est un plaisir de lire la mise en scène de Simon Léturgie. J'ai déjà eu le plaisir de lire plusieurs de ses adaptations théâtrales en BD et j'aime la façon dont il rend compte visuellement de la profondeur et du comique des textes de Molière. Car ici tous les personnages portent le ridicule dans leurs manières et leur nom (Sotenville, Prudoterie). La mise en scène de Létargie est assez simple et suit à la lettre le texte original sans extravagance. L'effet comique est surtout donné par le graphisme de Léturgie et Di Martino. J'aime bien ce style rond et humoristique qui amplifie la gestuelle comique et ridicule des personnages. Les personnages de Léturgie se ressemblent d'une oeuvre à l'autre mais cela correspond à l'esprit d'une compagnie de théâtre où une troupe de comédiens passaient d'une pièce à une autre. D'une façon très moderne on peut aussi y lire la difficulté de prouver la réalité d'une information d'autant plus que cette information remet en question l'équilibre de votre système de pensée et de vie. J'ai lu la version en couleur et je la conseille tellement la mise en couleur de Julien Loïs apporte au plaisir de la lecture. Un classique avec beaucoup d'humour qui se lit rapidement. 3.5
Alim le tanneur
Trop court, j'ai adoré cette histoire mais assez frustré par cette fin. Il aurait été sympa de suivre l'évolution et quelques aventures de la petite également, plutôt qu'un bref résumé de sa mère. Très beaux dessins en tout cas. Histoire prenante, réaliste avec des morts qui nous chagrinent.
Under Earth
Chris Gooch est un jeune artiste australien bourré de talent (à mes yeux). Under Earth est sa deuxième bd publiée en France après Bottled. Il aura fallu cinq ans pour qu'il accouche de ce pavé de 560 pages. Gloups. Comme le titre l'indique, tout va se passer sous terre. L'action se situe dans un futur proche. A 600 m de profondeur des hommes et des femmes purgent une peine de prison, mais ici, ni cellules, ni barreaux, tout ce petit monde est libre de ses mouvements sous l'œil d'une police répressive. Une véritable fourmilière où il est nécessaire de travailler et/ou magouiller pour pouvoir se nourrir et se loger. La loi du plus fort est de mise. Une société violente, avec ses codes, s'est mise en place dans ce monde des plus répugnant. On va suivre quatre personnages, on va les suivre par binômes. D'abords, Ele et Zoé, deux femmes qui vivent de petits larcins pour le compte d'un caïd. Ensuite, Malcolm, un grand balèze qui va prendre sous sa coupe Reece fraîchement débarqué. Il est impossible de dissocier texte et dessin puisqu'ils sont intimement liés. La narration se fait avec un minimum de mots, c'est le dessin qui porte le récit avec beaucoup d'expressivité pour faire passer les émotions, un découpage dynamique (avec de superbes vues plongeantes pleine page) et une colorisation différente pour nos deux groupes, le jaune pour ces dames et un violet/lilas pour ces messieurs. Le rouge interviendra aussi dès que le sang coulera. L'ensemble est très fluide et procure une lecture agréable. Un style graphique très typé comics à la limite de la caricature. Les personnages ont des faciès laids comme le monde qui les entoure. Un récit sur les rapports humains avec le meilleur et le pire, ils sont ici exacerbés. J'ai beaucoup aimé cette descente aux enfers, pas réellement innovante mais magnifiquement réalisée et fraîchement sélectionnée au festival d'Angoulême. Chris Gooch, un artiste que je vais suivre. Coup de cœur.
I kill giants (Je tue des géants)
J’ai vraiment eu du mal à entrer dans cette histoire. D’abord à cause du dessin. Je craignais quelque chose d’un peu trop manga au début (mais en fait non), et je ne le trouvais pas très clair. Mais j’ai fini par m’y faire, et ce dessin torturé s’est finalement avéré très adapté au récit. Autre difficulté, le récit lui-même, qui ne m’apparaissait pas très clair, je ne comprenais pas trop où Joe Kelly voulait en venir. Mais, une fois que cet aspect s’est éclairci, une fois bien immergé dans cette histoire assez noire, ça s’est révélé franchement intéressant, et bien fichu. C’est une belle illustration des moyens utilisés par une gamine pour faire face à quelque chose d’inacceptable, les stratégies mises en œuvre pour se protéger, pour refuser une réalité trop douloureuse. Un récit un peu allégorique, qui m’a finalement plu, malgré mes réserves initiales. La lecture est très rapide malgré l’importante pagination. En effet, il y a très peu de texte, et peu de dessin en fait. Mais c’est une lecture recommandable. Note réelle 3,5/5.
Nuage
Cette série possède de nombreuses qualités pour plaire aux enfants. Le récit de Christian Peultier est tendre, un brin fantastique, rempli d'animaux et de beaux paysages de la savane. Le fond de l'histoire est des plus classiques avec ce récit centré sur la différence, la tolérence et ce que l'Autre peut vous apporter au delà des préjugés. Le récit part sur une situation inversée assez peu utilisée dans la littérature pour enfant. Une enfant issue de parents Noirs est née Blanche ce qui provoque le bannissement de la mère et de la fille. Ce que je trouve intéressant dans l'approche de l'auteur, c'est qu'à aucun moment on pense que la maman ait pu commettre un adultère ce qui est toujours le cas quand on présente une maman Blanche avec un enfant Noir. De plus Nuage n'est pas albinos ce qui nous conduirait vers une tout autre problématique plus dramatique. Christian Peultier nous livre donc un scénario très classique d'exclusion, de rencontres et d'épreuves surmontées qui permettront de vaincre les préjugés initiaux. Le récit est livré avec un très beau graphisme de la savane et de la vie au village. Les animaux sont nombreux et très bien dessinés de façon réaliste. C'est une vraie promenade en brousse où nous guide Nuage à dos d'éléphants ou d'autruches. Il n'y a pas de réelle tension dramatique tellement la fin est prévisible. Christian Peultier conclut par une touche d'humour et d'amour un récit qui peut plaire à tous.
It's not a Piece of Cake
Définitivement, j'aime beaucoup le trait de Nancy Peña ! Et même si je considère que Le Chat du kimono reste le meilleur de la série à mes yeux, sous ses airs de faux conte de fée inspiré par le japon, nous avons ici une histoire qui glisse du conte fantastique du premier volume à une intrigue très british, dans un manoir perdue dans les landes. C'est un changement de ton mais pas de personnage, puisque nous suivons cette fois-ci encore Vickor Neville. Mais cette intrigue sera bien plus tournée autour de l'enquête. La résolution ne sera pas celle de l'histoire que l'on pense, et nombreux seront les retournements. J'aime beaucoup ce que Nancy Peña développe avec son personnage de Viktor, oscillant entre névroses et intuitions, voyageant dans ses rêves comme discutant avec les morts, mais sans perdre de vue son travail ni ses idées. Une sorte d'anti-héros, qui réussit sans même le vouloir et semble toujours à côté de la plaque, en décalage avec son environnement et les autres êtres humains. Je ne sais pas si l'auteure voulait parler de cette façon d'une forme d'autisme, de narcolepsie ou de difficulté sociale, mais elle réussit à nous le rendre attachant, autant que son combat intérieur nous fait comprendre le poids de son passé familiale. L'histoire est menée avec brio, dans une succession de moments qui me font penser aux meilleurs des romans anglais (autant Agatha Christie que Conan Doyle me semblent être des inspirations), dans une lande que n'aurait pas reniée Emilie Brontë. C'est surtout sublimé par le trait, oscillant entre les périodes de rêve qui sont colorés et le noir et blanc de la réalité, toujours plus dure. C'est presque dommage que le personnage de Alice Barns passe au second plan, j'adorais sa bouille et sa façon d'être une peste adorable. En somme, la suite parfaitement maitrisé par l'auteure qu'il fallait à Tea Party. Je serais franchement demandeur d'une suite, tant je trouve que la série ne s'essouffle pas d'un tome à l'autre, Nancy Peña trouvant toujours matière à nous divertir et nous surprendre. Et je ne parle pas des relectures, pour les dessins ou l'histoire qui offre toujours un intérêt même une fois les mystères dévoilés. Non, franchement, une réussite !
Brougue
Etant un aficionado du trait de Franz, forcément avec cette série je me suis régalé et peu importe si la série est abandonnée. Visuellement c’est magnifique. Le graphisme est délicat et détaillé. Tout comme j’aime. L’histoire est originale. La Renarde, Goff, Félémius, le Bleu ne sont que des pions minuscules sur un échiquier tortueux. Les personnages sont attachants. Les rebondissements sont nombreux. La lecture est fluide. Les intrigues sont bien construites. Quoi demander de plus ? Une excellente série que je recommande chaudement.
Le Serpent et le Coyote
Un voyage à travers les déserts nord américains en camping-car, attention le voyage est tout sauf touristique. Notre personnage principal, un truand repenti devient pour survivre à un contrat dont il est la cible un témoin protégé ou une balance pour le milieu des truands. Inspiré de faits réels, le WITSEC est une organisation gouvernementale américaine fondée en 1960 pour stopper la puissance et l'influence des groupes mafieux dans la société Américaine où notre héros bénéficie d'un système de protection de témoins. En brisant l'omerta, ces hommes sont obligés de vivre cacher pour échapper à une mort certaine et le choix de prendre comme héros ce profil d'homme donne de la crédibilité et de l'originalité à cette aventure. Les traversées du désert sont toutes remplies d'actions avec des personnages tous plus dangereux les uns que les autres et ont un point commun , éliminer cette balance. Un scénario très rythmé avec un enchaînement d'événements coté administration comme coté truand mais une histoire très fluide et dynamique, la lecture est un vrai plaisir. Les seuls points décevants sont le héros à qui rien ne peut arriver et une fin trop attendue mais c'est tellement entraînant, bercé par un dessin qui vous plonge dans les déserts Américains et puis évidemment les conversations avec le coyote en font tout simplement une bd à ne pas manquer.